Language of document : ECLI:EU:T:2022:154

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

23 mars 2022 (*) (1)

« Fonction publique – Agents temporaires – Personnel de l’eu-LISA – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Blâme – Dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives – Exception d’illégalité – Article 110 du statut – Absence de consultation du comité du personnel – Droits de la défense et droit d’être entendu – Articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut – Erreur d’appréciation – Principe de bonne administration – Article 10 de l’annexe IX du statut – Devoir de sollicitude – Responsabilité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑661/20,

NV, représenté par Mes S. Rodrigues et A. Champetier, avocats,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), représentée par M. M. Chiodi, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 3 février 2020 de l’eu-LISA d’infliger au requérant la sanction de blâme et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que le requérant aurait subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, NV, a été recruté le 16 octobre 2012 par l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), en tant qu’agent temporaire (grade AD 7, échelon 2) au sens de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne. Il occupait le poste d’administrateur des applications devenu, depuis le 1er septembre 2019, le poste d’opérateur des technologies de l’information (grade AD 7, échelon 5).

2        Le 19 octobre 2018, le requérant a signalé, par un courriel adressé à plusieurs destinataires, un incident au cours duquel A, un autre agent de l’eu-LISA et collègue de travail, l’aurait menacé verbalement et physiquement. Plus précisément, cet agent se serait saisi d’une chaise et aurait menacé de s’en servir pour frapper le requérant, avant d’être interrompu par un autre collègue.

3        Le même jour, le requérant a été mis en congé maladie et a informé la police de ce qu’il craignait pour sa sécurité et celle de sa famille.

4        Le 21 octobre 2018, à la suite de l’incident mentionné au point 2 ci‑dessus, le requérant a déposé une demande d’assistance visant A, sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »).

5        Par décision du directeur exécutif de l’eu-LISA du 15 février 2019, dont le requérant a été informé le jour suivant, une enquête administrative a été ouverte afin d’établir l’ensemble des faits et circonstances pertinents liés aux allégations de harcèlement moral portées par le requérant à l’encontre de A. Par cette même décision, un fonctionnaire de la Commission européenne à la retraite a été désigné pour diriger l’enquête (ci-après l’« enquêteur »).

6        Le 4 mars 2019, le requérant a été entendu par l’enquêteur dans le cadre de l’enquête. Au cours de cet entretien, le requérant a eu l’occasion de présenter les faits l’ayant conduit à introduire une demande d’assistance et a fourni des exemples des prétendus actes de harcèlement commis par A. Le compte rendu de cet entretien a ensuite été transmis au requérant qui en a renvoyé une copie signée à l’enquêteur en précisant qu’il ne représentait pas la transcription complète ou intégrale de son entretien et de ses questions.

7        Le 22 mai 2019, le requérant a été informé qu’une décision du directeur exécutif de l’eu-LISA élargissait le cadre de l’enquête administrative pour y inclure des manquements aux obligations du statut qui auraient été commis tant par le requérant que par A. En effet, il serait apparu, au cours de l’enquête, que le requérant pouvait avoir manqué aux obligations lui incombant en vertu des articles 11, 12, 17 et 19 du statut à l’égard de A, mais aussi indépendamment de ses rapports avec ce dernier. Plus précisément, le requérant aurait eu un comportement susceptible d’attiser les tensions avec A, de dégrader les conditions de travail de ce dernier et de jeter le discrédit sur celui-ci. En outre, le requérant aurait, à plusieurs reprises, eu un comportement inapproprié à l’égard de deux agents de sécurité de l’eu-LISA. Enfin, le requérant aurait violé l’obligation de demander une autorisation préalable à l’eu-LISA avant de s’adresser à la police française pour dénoncer sa relation conflictuelle avec A.

8        Le 16 juillet 2019, le requérant a été entendu une seconde fois par l’enquêteur. Au cours de ce second entretien, le requérant a eu l’occasion de fournir des explications en réponse aux allégations de manquements au statut formulées contre lui. Le compte rendu de ce second entretien lui a ensuite été transmis le 18 juillet 2019.

9        Le 28 juillet 2019, le requérant a reçu deux documents supplémentaires, à savoir deux rapports qui contenaient les allégations de deux agents de sécurité de l’eu-LISA critiquant son comportement à leur égard.

10      Le 21 août 2019, une version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête a été envoyée au requérant.

11      Le 30 août 2019, le requérant a transmis ses observations, ainsi que des annexes à l’appui de celles-ci, sur le compte rendu de l’entretien du 16 juillet 2019, les rapports des deux agents de sécurité de l’eu-LISA et la version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête.

12      Le même jour, l’enquêteur a transmis, par courriel, au requérant une nouvelle version du compte rendu de l’entretien du 16 juillet 2019 (ci-après la « seconde version du compte rendu de son entretien »). En outre, il a indiqué au requérant que cette version intégrait la plupart des observations de ce dernier et l’a invité à communiquer d’éventuelles nouvelles observations.

13      Le requérant affirme, dans la requête, avoir informé l’enquêteur qu’il transmettrait des observations supplémentaires sur la seconde version du compte rendu de son entretien après ses vacances, à savoir après le 7 octobre 2019.

14      Le 10 septembre 2019, l’enquêteur a achevé son rapport après avoir, notamment, entendu 27 témoins et examiné les observations du requérant. Dans son rapport final, l’enquêteur a conclu que le requérant s’était rendu coupable d’un manquement grave à l’article 12 bis du statut, d’un manquement occasionnel à l’article 12 du statut et d’un manquement aux articles 17 et 19 du statut.

15      Le 20 octobre 2019, le requérant a envoyé une deuxième série d’observations sur la seconde version du compte rendu de son entretien (voir points 12 et 13 ci-dessus).

16      Par lettre du 18 novembre 2019, le directeur exécutif de l’eu-LISA a informé le requérant que, eu égard aux conclusions de l’enquête administrative, il envisageait de lui infliger un blâme en vertu de l’article 11 de l’annexe IX du statut. Le requérant a ainsi été invité à exercer son droit d’être entendu soit en assistant à une audition le 27 novembre 2019, soit en présentant des observations écrites. Une version expurgée du rapport final d’enquête était jointe à la lettre.

17      Le 26 novembre 2019, le requérant a transmis ses observations en vue de son audition prévue le 27 novembre 2019.

18      Le 27 novembre 2019, l’audition s’est déroulée en présence du requérant et du directeur exécutif de l’eu-LISA. Le conseiller juridique principal, la cheffe de l’unité des ressources humaines  et une conseillère juridique ont assisté à l’audition par vidéoconférence. Au cours de l’audition, le requérant a eu l’occasion de présenter ses observations et de s’expliquer relativement à la mesure de blâme envisagée par le directeur exécutif de l’eu-LISA.

19      Le même jour, la cheffe de l’unité des ressources humaines  a accusé réception des observations transmises par le requérant et a confirmé que celles-ci seraient prises en considération.

20      Le 9 décembre 2019, le procès-verbal de l’audition du 27 novembre 2019, mentionnée au point 18 ci-dessus, a été transmis au requérant. Ce dernier a eu la possibilité de soumettre ses observations dans un délai de onze jours ouvrables, ce qu’il a fait le 3 janvier 2020.

21      Par lettre du 3 février 2020 (ci-après la « décision attaquée »), le directeur exécutif de l’eu-LISA a informé le requérant de ce qui suit :

« Au terme d’un examen attentif de votre dossier et, en particulier, après avoir dûment tenu compte de vos inquiétudes et de vos observations écrites concernant les aspects procéduraux de l’enquête (notamment après nous être assurés une nouvelle fois que l’enquête n’était entachée d’aucune irrégularité et après avoir conclu que l’[eu-LISA] n’avait commis aucune faute) ainsi que des observations que vous nous avez transmises le 3 janvier 2020, nous sommes au regret de vous informer que nous vous infligeons un blâme dont il sera fait mention dans votre dossier. »

22      Le requérant a également reçu du directeur exécutif de l’eu-LISA un document daté du 16 mars 2020 intitulé « Clôture de l’enquête ouverte le 15 février 2019 – Communication du résultat de l’enquête à [nom du requérant] ». Dans ce document, il était notamment indiqué que, après avoir vérifié le dossier complet du requérant, le directeur exécutif était arrivé à la conclusion qu’il avait commis les violations indiquées dans le rapport final d’enquête (voir point 14 ci-dessus). Selon le directeur exécutif, pendant la procédure d’enquête, tous les droits du requérant avaient été respectés. Ainsi, il avait été décidé qu’une sanction de blâme devait lui être infligée. S’agissant de A, il avait été constaté que ce dernier avait violé les articles 11 et 12 du statut. En effet, une procédure similaire avait eu lieu à l’encontre de A, lequel avait, par conséquent, fait l’objet d’une sanction disciplinaire et s’était également vu adresser un blâme, comme cela est prévu à l’article 9 de l’annexe IX du statut.

23      Le 9 avril 2020, le requérant a introduit une réclamation contre la décision attaquée, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

24      Par décision du 3 août 2020, signée par le directeur exécutif de l’eu-LISA, la réclamation du requérant a été rejetée dans son intégralité et la décision attaquée a donc été confirmée (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

II.    Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 octobre 2020, le requérant a introduit le présent recours.

26      Le 10 février 2021, l’eu-LISA a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense.

27      Le 28 juillet 2021, les parties ont été invitées, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, à répondre à plusieurs questions écrites. Le requérant et l’eu-LISA ont respectivement déféré à cette demande les 24 et 30 septembre 2021.

28      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner l’eu-LISA à l’allocation d’une somme de 5 000 euros, fixée ex æquo et bono, en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner l’eu-LISA aux dépens.

29      L’eu-LISA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

30      Dans le cadre de son recours, d’une part, le requérant demande l’annulation de la décision attaquée ainsi que de la décision de rejet de la réclamation. D’autre part, il demande à obtenir une somme de 5 000 euros, fixée ex æquo et bono, en réparation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi en raison de l’adoption de la décision attaquée.

A.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur la demande d’annulation de la décision de rejet de la réclamation

31      S’agissant de la demande du requérant tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cas où une telle décision est dépourvue de contenu autonome, des conclusions formellement dirigées contre cette décision ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 14 décembre 2017, RL/Cour de justice de l’Union européenne, T‑21/17, EU:T:2017:907, point 26).

32      En l’espèce, il convient de constater que la décision de rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome. En effet, elle ne fait que confirmer, en substance, la décision attaquée.

33      Dès lors, le recours doit être regardé comme étant dirigé contre la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 11 novembre 2020, AD/ECHA, T‑25/19, non publié, EU:T:2020:536, point 34).

2.      Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

34      Au soutien de sa demande tendant à l’annulation de la décision attaquée, le requérant soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives adoptées par le conseil d’administration de l’eu-LISA. Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense et de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que du droit d’être entendu. Le troisième moyen est tiré de la violation des articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut, de la violation du principe de bonne administration ainsi que d’erreurs d’appréciation. Le quatrième moyen est tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et de la violation du devoir de sollicitude.

a)      Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes

35      Par son premier moyen, le requérant conteste la légalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, dont la procédure d’adoption s’est achevée le 18 octobre 2014, sans consultation préalable du comité du personnel (créé le 5 novembre 2014). Ces dispositions, désormais contenues dans la décision du conseil d’administration de l’eu-LISA (2015–014) du 28 janvier 2015 et sur lesquelles seraient fondées les décisions du directeur exécutif d’ouvrir une enquête administrative et d’élargir ladite enquête, datées respectivement du 15 février et du 22 mai 2019 (voir points 5 et 7 ci-dessus), seraient illégales.

36      Plus précisément, les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives auraient été adoptées en violation de l’article 110, paragraphe 1, du statut, au motif que, contrairement aux prévisions de cet article, le comité du personnel de l’eu-LISA n’aurait pas été consulté avant leur adoption.

37      L’eu-LISA conteste les arguments du requérant.

38      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 110, paragraphe 1, du statut, « [l]es dispositions générales d’exécution du présent statut sont arrêtées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution après consultation de son comité du personnel et avis du comité du statut ».

39      En l’espèce, il est constant que le comité du personnel n’a pas été consulté avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives au motif qu’il n’avait pas encore été constitué lors de l’adoption desdites dispositions le 18 octobre 2014. Par ailleurs, dans le préambule de la décision C(2014) 5392 final de la Commission, du 28 juillet 2014, relative à l’accord sur les dispositions d’exécution du statut adoptées par l’eu-LISA, il est indiqué ce qui suit :

« Considérant le fait que le comité du personnel de l’eu-LISA, lequel doit être consulté conformément à l’article 110 du statut, n’a pas encore été constitué et qu’il est dès lors impossible, à l’heure actuelle, de répondre aux exigences visées dans ladite disposition. Le comité du personnel sera invité à donner son avis sur les dispositions d’exécution en question dès qu’il aura été constitué et son avis sera dûment pris en considération. Dans ces conditions, le conseil d’administration est habilité à approuver les dispositions immédiatement. »

40      Avant d’apprécier si le motif d’illégalité soulevé, à savoir l’absence de consultation de son comité du personnel par l’eu-LISA lors de l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, est susceptible de conduire au constat de l’illégalité desdites dispositions d’exécution, il convient de vérifier la recevabilité de l’exception d’illégalité desdites dispositions et du moyen en tant que tel.

41      À cet égard, il importe de rappeler que, en application de l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union européenne, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263, deuxième alinéa, TFUE pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

42      L’article 277 TFUE constitue l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester, par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’une décision qui lui est adressée, la validité des actes de portée générale qui forment la base d’une telle décision (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 67 et jurisprudence citée).

43      L’article 277 TFUE n’ayant pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de portée générale que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, l’acte dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 68 et jurisprudence citée).

44      C’est ainsi que, à l’occasion de recours en annulation intentés contre des décisions individuelles, la Cour a admis que pouvaient valablement faire l’objet d’une exception d’illégalité les dispositions d’un acte de portée générale qui constituaient la base desdites décisions ou qui entretenaient un lien juridique direct avec de telles décisions (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 69 et jurisprudence citée).

45      En revanche, la Cour a jugé qu’était irrecevable une exception d’illégalité dirigée contre un acte de portée générale dont la décision individuelle attaquée ne constituait pas une mesure d’application (voir arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 70 et jurisprudence citée).

46      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de déterminer si, en l’espèce, il existe un lien juridique direct entre, d’une part, la décision attaquée et, d’autre part, les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives.

47      À cet égard, il importe de noter que le requérant se borne à soutenir que la condition formelle, visée à l’article 110 du statut, de la consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives n’a pas été respectée. Une telle allégation a été soulevée après que l’enquête menée contre lui avait été close et après que celui-ci avait constaté que, par la décision attaquée, il lui avait été infligé une sanction de blâme.

48      Plus précisément, selon le requérant, la circonstance que l’eu-LISA n’a pas attendu la constitution d’un comité du personnel pour adopter les  dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives implique que ces dernières ont été adoptées en violation d’une « exigence procédurale essentielle ». Le requérant en déduit que la décision du directeur exécutif du 15 février 2019 d’ouvrir une enquête administrative (voir point 5 ci-dessus) et la décision de ce dernier du 22 mai 2019 d’élargir l’objectif de ladite enquête (voir point 7 ci-dessus), adoptées en application des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, étaient à leur tour illégales. Enfin, il fait valoir que la décision attaquée, adoptée à la suite de l’enquête menée en application de la décision du 22 mai 2019, doit à son tour être considérée comme illégale, au motif que l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives entraînerait, sur la base d’un effet « domino », l’illégalité de la décision attaquée.

49      Cependant, contrairement à ce que soutient le requérant dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure, en se référant à un arrêt du Tribunal partiellement annulé sur pourvoi (arrêt du 2 octobre 2001, Martinez e.a./Parlement, T‑222/99, T‑327/99 et T‑329/99, EU:T:2001:242, point 135), la jurisprudence récente (voir points 44 et 45 ci-dessus) ne va pas dans le sens de l’extension du champ d’application de l’article 277 TFUE à tout acte des institutions qui, en général, est pertinent pour l’adoption de la décision faisant l’objet du recours en annulation.

50      Au contraire, il ressort de la jurisprudence (voir points 44 et 45 ci-dessus) que, afin de juger recevable une exception d’illégalité d’un acte de portée générale, il convient d’établir un « lien juridique direct » entre l’acte attaqué et l’acte faisant l’objet de l’exception d’illégalité.

51      En l’espèce, force est de constater que la décision attaquée n’est en rien fondée sur des éléments liés aux dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, mais seulement sur la violation de dispositions du statut, constatée dans le rapport final d’enquête (voir points 14 et 22 ci-dessus).

52      La décision attaquée ne constitue pas une mesure d’application des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives. Cette décision, comme le fait pertinemment valoir l’eu-LISA, a été adoptée sur le fondement de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut et non sur le fondement des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives.

53      Le constat de l’absence d’un lien juridique direct entre la décision attaquée et les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives est d’autant plus évident s’il est également pris en considération que le Tribunal a jugé qu’il devait exister un lien étroit entre les motifs mêmes de la décision qui est attaquée et le moyen tiré de l’illégalité de l’acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, point 29).

54      Or, aucun lien étroit ne saurait être reconnu entre, d’une part, les motifs de la décision attaquée, tirés d’un manquement grave à l’article 12 bis du statut, d’un manquement occasionnel à l’article 12 du statut et d’un manquement aux articles 17 et 19 du statut (voir point 22 ci-dessus) et, d’autre part, le moyen tiré de l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives fondé sur l’absence de consultation du comité du personnel avant l’adoption desdites dispositions.

55      De surcroît, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’absence de consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions  d’exécution concernant les enquêtes administratives ait eu une quelconque incidence sur le respect des garanties procédurales au cours de l’enquête, ou sur le contenu même de la décision attaquée.

56      À ce titre, il importe de noter que, comme cela sera indiqué dans le cadre de l’analyse du deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit d’être entendu du requérant, le déroulement de la procédure administrative ne révèle aucun élément ayant été de nature à porter atteinte aux droits de la défense du requérant (voir point 91 ci-après). Au demeurant, le directeur exécutif, dans le document daté du 16 mars 2020, indique avoir procédé à l’examen du dossier complet du requérant et avoir conclu que les droits de ce dernier avaient été respectés pendant la procédure d’enquête (voir point 22 ci-dessus).

57      Par ailleurs, certes, l’article 110 du statut prévoit l’exigence d’une consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives. Cependant, il ressort de la jurisprudence que la consultation du comité du personnel, visée à l’article 110 du statut, n’implique pas que l’avis dudit comité soit suivi (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Murariu/AEAPP, F‑116/14, EU:F:2015:89, point 86 et jurisprudence citée).

58      Ainsi, l’existence d’un lien juridique direct ou étroit entre les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives et la décision attaquée n’est pas établie.

59      En tout état de cause, la circonstance que le comité du personnel n’a pas été consulté ne saurait suffire pour démontrer que les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives auraient pu être différentes et que le requérant aurait été privé de garanties procédurales.

60      En effet, outre l’appréciation effectuée au point 57 ci-dessus, il ressort du dossier que les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives ont été « rédigées-révisées » par l’administratrice qui a été nommée présidente du comité du personnel de l’eu-LISA lorsque celui-ci a été constitué, à savoir le 5 novembre 2014. Ainsi, dans une certaine mesure, il est possible de considérer que, à tout le moins, la future présidente du comité du personnel a pu exprimer son avis sur les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives avant leur adoption.

61      En outre, il importe de noter que, par lettre du 16 juin 2014,  le directeur exécutif de l’eu-LISA s’est renseigné auprès de la direction générale des ressources humaines de la Commission au sujet, notamment, du statut des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives. À ce titre, par décision du 28 juillet 2014, la Commission a autorisé l’eu-LISA à présenter lesdites dispositions à son conseil d’administration afin qu’il procède à leur adoption.

62      De plus, d’une part, ainsi que le souligne pertinemment l’eu-LISA, la procédure d’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives s’est achevée le 18 octobre 2014 sans objections de la part des membres du conseil d’administration composé de représentants de chaque État membre et de la Commission. D’autre part, le comité du personnel, depuis sa création, n’a pas demandé, pendant l’enquête en cause, à réexaminer les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives et n’a pas davantage soulevé d’objections en ce qui concernait leur formulation.

63      Au regard des circonstances de l’espèce, à savoir que l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives a été autorisée par la Commission, que la future présidente du comité du personnel a révisé ces dispositions et que le comité du personnel n’a jamais demandé à réexaminer lesdites dispositions, le non-respect de la consultation préalable du comité du personnel ne saurait avoir eu une incidence sur les garanties procédurales dont a bénéficié le requérant.

64      Au vu de tout ce qui précède, il convient de conclure que, dans les circonstances de l’espèce, l’existence d’un lien juridique direct entre, d’une part, les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives et, d’autre part, la décision attaquée n’est pas établie. En outre, l’absence de consultation du comité du personnel avant l’adoption des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives ne saurait, au regard des considérations exposées aux points 59 à 62 ci-dessus, avoir eu un impact sur le contenu desdites dispositions, ni, par conséquent, sur la légalité de la décision attaquée.

65      Il y a donc lieu de rejeter le premier moyen du recours.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense ainsi que du droit d’être entendu

66      Par son deuxième moyen, le requérant fait valoir que ses droits de la défense ainsi que son droit d’être entendu ont été violés au cours de l’enquête administrative au motif que l’enquêteur n’a pas attendu sa contribution et lui a fourni des rapports cruciaux uniquement après son audition. De plus, ses observations auraient été systématiquement ignorées.

67      Plus précisément, s’agissant de son premier entretien, le requérant soutient que le compte rendu de celui-ci ne représente pas la transcription « complète-intégrale » de son entretien ainsi que des questions de l’enquêteur. Ainsi, selon le requérant, il n’est pas certain que tous les éléments qu’il a fournis ont été pris en compte dans le rapport final ayant servi de base à la décision attaquée.

68      S’agissant de son second entretien, premièrement, de nouveaux éléments à sa charge lui auraient été transmis tardivement par l’enquêteur le 28 juillet 2019 (voir point 9 ci-dessus).  Selon le requérant, ces éléments auraient dû lui être transmis, à tout le moins, avant son second entretien du 16 juillet 2019. Deuxièmement, l’enquêteur, tout en ayant explicitement informé le requérant de la possibilité de formuler des observations supplémentaires n’aurait pas attendu, sans raison spécifique, lesdites observations et aurait transmis son rapport final d’enquête le 10 septembre 2019 (voir point 14 ci-dessus). À ce titre, le requérant souligne qu’il avait indiqué à l’enquêteur la possibilité de le contacter en cas d’urgence et que l’eu-LISA disposait également de ses coordonnées. En outre, le congé pris conformément au statut, et dont l’enquêteur avait été informé, ne saurait nuire à ses droits. Eu égard à la gravité des allégations formulées à son égard, contenues dans la version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête (voir point 10 ci-dessus), la possibilité de formuler des observations pour les réfuter aurait été cruciale. Cependant, aucune observation du requérant n’aurait dûment été prise en compte par le rapport final d’enquête et donc par la décision attaquée. À cet égard, le requérant fait référence à des exemples d’observations non prises en compte dans le rapport final d’enquête. Troisièmement, un certain nombre de déclarations contenues dans la version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête et dans le rapport final d’enquête n’auraient pas été abordées avec le requérant lors de son second entretien.

69      S’agissant de son audition du 27 novembre 2019 (voir point 18 ci‑dessus), le requérant soutient qu’il ressort de ses observations sur le procès-verbal de celle-ci que, une fois de plus, sa contribution n’a pas été prise en compte. De plus, le requérant conteste le manque de confidentialité de la salle dans laquelle l’audition s’est tenue en faisant valoir qu’elle était équipée d’un verre transparent et sans isolation phonique. Enfin, il affirme ne pas comprendre le rôle des rédacteurs des procès-verbaux de l’audition, intervenus à plusieurs reprises au cours de cette dernière pour lui poser des questions.

70      L’eu-LISA conteste les arguments soulevés par le requérant au soutien du deuxième moyen.

71      Il découle du principe général du droit de l’Union du respect des droits de la défense et, en particulier, du droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, que l’intéressé doit être mis en mesure, préalablement à l’édiction de la décision qui l’affecte négativement, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée. En outre, le respect du droit d’être entendu s’impose même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39).

72      En particulier, le respect des droits de la défense, qui a pour corollaire le principe du contradictoire, exige que le fonctionnaire à l’égard duquel une institution de l’Union a entamé une procédure administrative ait été mis en mesure, au cours de cette procédure, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des circonstances alléguées et des documents que cette institution entend utiliser contre lui à l’appui de son allégation tirée de l’existence d’une infraction aux dispositions du statut (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, non publié, points 158 et 159 et jurisprudence citée).

73      En l’espèce, les éléments qui, selon le requérant, démontrent une violation de ses droits de la défense sont les suivants :

–        l’enquêteur n’aurait pas attendu ses observations sur la seconde version du compte rendu de son entretien et aurait donc publié son rapport d’enquête final sans en tenir compte ;

–        plusieurs éléments mentionnés dans la version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête et dans le rapport final d’enquête n’auraient pas été mentionnés au requérant lors de ses entretiens ;

–        les rapports des deux agents de sécurité lui auraient été transmis uniquement à l’issue du second entretien, alors qu’une référence implicite à ces rapports était déjà contenue dans la décision du 22 mai 2019 d’élargir l’enquête administrative. Par ailleurs, il ne lui aurait pas été expliqué comment ces rapports pouvaient être produits au cours de l’enquête dans le respect des règles régissant le traitement et la conservation des données au sein des institutions et organes de l’Union [notamment le règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295 p. 39)] ;

–        l’enquêteur, puis l’administration auraient systématiquement ignoré ses observations, alors même qu’elles n’auraient pas varié depuis l’introduction de la demande d’assistance initiale.

74      En premier lieu, force est de constater que, comme il ressort du procès-verbal de l’entretien du 4 mars 2019, au cours de ce premier entretien, le requérant a eu l’occasion de présenter en détail les faits l’ayant conduit à introduire une demande d’assistance et a fourni des exemples concrets des prétendus actes de harcèlement commis par A. En outre, il a pu présenter ses observations sur le compte rendu de son premier entretien et le signer. La circonstance que le compte rendu de son entretien ne représente pas la transcription intégrale de ses observations n’implique pas que ses droits de la défense et son droit d’être entendu ont été violés. En effet, le respect des droits de la défense et du droit d’être entendu n’implique pas qu’un entretien soit retranscrit intégralement dans un compte rendu.

75      En deuxième lieu, la présence, dans le rapport final d’enquête, d’éléments non signalés au requérant lors de ses entretiens, à la supposée avérée, constituerait une violation des droits de la défense du requérant uniquement si ces prétendus éléments étaient déterminants aux fins de l’adoption de la décision attaquée. Or, non seulement le requérant ne précise pas quels seraient les éléments qui ne lui ont pas été signalés, mais il ne fait pas davantage valoir que, si ces éléments lui avaient été signalés, l’enquête aurait pu aboutir à un résultat différent. En outre, le requérant a été mis en mesure de présenter des observations à plusieurs reprises après la rédaction du rapport final d’enquête, notamment lors de son audition, et a pu contester le contenu de ce rapport avant l’adoption de la décision attaquée.

76      En troisième lieu, il apparaît que la transmission, à l’issue de son second entretien, du document contenant les allégations des deux agents de sécurité à son égard, a été effectuée uniquement pour informer le requérant de l’existence d’un tel document. En revanche, il ressort du procès-verbal de l’entretien du 16 juillet 2019, que le contenu des allégations des deux agents de sécurité avait déjà été communiqué au requérant lors de son second entretien et qu’il a pu formuler ses observations ponctuelles à cet égard. Ainsi, il y a lieu de considérer que, compte tenu des circonstances de l’espèce, la transmission tardive, selon l’avis du requérant, des rapports des deux agents de sécurité n’a pas eu d’incidence sur l’exercice de ses droits de la défense.

77      En quatrième lieu, la circonstance que l’enquêteur n’aurait pas attendu les observations du requérant sur la seconde version du compte rendu de son entretien et aurait donc transmis son rapport final d’enquête sans recueillir lesdites observations ne démontre pas davantage, contrairement à ce que soutient le requérant, une violation de ses droits de la défense.

78      En effet, tout d’abord, il importe de noter que le requérant a pu formuler ses observations sur le compte rendu de son second entretien du 16 juillet 2019. Les observations du requérant ont donné lieu à une nouvelle version du compte rendu de ce second entretien, qui a été communiquée au requérant le 30 août 2019 (voir point 12 ci-dessus).

79      Ensuite, comme le souligne pertinemment l’eu-LISA, l’article 4, paragraphe 2, des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives prévoit que le comité d’enquête exerce ses pouvoirs en matière d’enquêtes administratives en toute indépendance et qu’il ne sollicite, ni ne reçoit d’instructions. L’article 3 de la décision du 15 février 2019 d’ouvrir une enquête administrative mentionne, dans les mêmes termes que l’article 4, paragraphe 2, des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, les pouvoirs de l’enquêteur désigné pour la procédure d’enquête concernant le requérant. En outre, l’article 5 des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives prévoit ce qui suit :

« Le compte rendu de l’audition est transmis à l’agent concerné par lettre recommandée avec accusé de réception pour signature. L’agent concerné renvoie la lettre signée, accompagnée de ses observations et remarques, dans un délai de 15 jours civils à compter de la réception. En cas de non-respect de ces règles et délais, le compte rendu est réputé approuvé, sauf cas de force majeure. »

80      Ainsi, les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives ne prévoient pas l’obligation pour l’enquêteur d’attendre une seconde série d’observations avant d’établir un compte rendu final d’entretien. De plus, afin de préserver l’indépendance de l’enquête, l’eu-LISA n’était pas tenue de contacter le requérant pendant ses congés pour solliciter ses observations. De surcroît, conformément à l’article 4, paragraphe 3, des dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives, l’enquête en cause devait être close dans un délai adapté aux circonstances et à la complexité de l’affaire. Le requérant ayant transmis, le 30 août 2019 (voir point 11 ci-dessus), ses observations sur la première version du compte rendu de son entretien du 16 juillet 2019, à savoir plus d’un mois après que ce compte rendu lui avait été envoyé, et s’étant absenté pendant plusieurs semaines dans le cadre de ses congés annuels, l’enquêteur a pu raisonnablement estimer qu’il n’était pas nécessaire d’attendre une éventuelle seconde série d’observations avant de soumettre son rapport final d’enquête.

81      Par ailleurs, le 20 octobre 2019, le requérant a tout de même envoyé ses observations sur la seconde version du compte rendu de son entretien. Certes, ces observations sont intervenues après que le rapport final d’enquête avait été transmis à l’administration. Cependant, lesdites observations ont pu être prises en compte, le 27 novembre 2019, à l’occasion de l’audition du requérant, par le directeur exécutif de l’eu-LISA en présence, par vidéoconférence, du conseiller juridique principal, de la cheffe de l’unité des ressources humaines  et d’une conseillère juridique (voir point 18 ci-dessus). Ainsi, le requérant a pu s’exprimer sur ledit rapport avant l’adoption de la décision attaquée. Enfin, au demeurant, le requérant lui‑même affirme que ses observations « n’ont pas varié depuis l’introduction de la demande d’assistance ». Ainsi, il y a lieu de considérer que ses observations sur la version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête lui ont permis d’assurer la défense de ses droits.

82      Il s’ensuit que le requérant a été mis en mesure, lors de l’enquête administrative, à savoir préalablement à l’adoption de la décision qui l’affecte négativement, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée.

83      En ce qui concerne la question de savoir si les droits de la défense ont été respectés après la clôture de l’enquête administrative en vue de l’adoption de la décision attaquée, il ressort de cette dernière que, par lettre du 18 novembre 2019, le requérant a été invité à exercer son droit d’être entendu à propos de la décision envisagée de lui infliger un blâme soit en assistant à une audition le 27 novembre 2019, soit en présentant des observations écrites.

84      Le 26 novembre 2019, le requérant a transmis ses observations en vue de son audition qui a eu lieu le 27 novembre 2019. Lors de cette audition, le requérant a eu l’occasion de présenter ses observations et de s’expliquer en ce qui concernait les faits et les circonstances sur la base desquelles le directeur exécutif de l’eu-LISA envisageait de lui infliger un blâme. Le 9 décembre 2019, le procès-verbal de l’audition du 27 novembre 2019 a été transmis au requérant, qui a soumis ses observations dans le délai, qui lui avait été accordé, de onze jours ouvrables, à savoir le 3 janvier 2020.

85      Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, le directeur exécutif de l’eu-LISA a expressément assuré au requérant que ses inquiétudes, ses observations écrites concernant les aspects procéduraux de l’enquête et ses observations du 3 janvier 2020 avaient été prises en considération. En outre, dans ladite décision, l’attention du requérant a été régulièrement attirée sur le fait que la simple présentation d’observations ne signifiait pas que celles-ci étaient exactes, pertinentes ou fondées ou qu’elles devaient nécessairement impliquer une modification des conclusions de l’administration.

86      En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel le procès-verbal de son audition du 27 novembre 2019 ne correspondrait pas à ce qu’il aurait déclaré lors de ladite audition, il y a lieu de noter, premièrement, qu’un procès-verbal n’est pas censé reproduire in extenso le contenu d’une audition, mais se limite à résumer ou à consigner ce qui est relevé lors d’une réunion. Deuxièmement, dans la mesure où les trois agents de l’eu-LISA ayant participé à l’audition (voir point 18 ci‑dessus) ont chacun rédigé un procès-verbal de la réunion, il convient de considérer que le contenu des échanges qui ont eu lieu lors de l’audition a été résumé convenablement et transmis, le 9 décembre 2019, au requérant.

87      Enfin, s’agissant du prétendu manque de confidentialité, allégué par le requérant, de la salle dans laquelle a eu lieu l’audition, d’une part, il convient de noter que, dans la décision de rejet de la réclamation, il est indiqué, sans que cela soit contesté par le requérant, que l’objet de la réunion n’a pas été divulgué et qu’aucun tiers ne pouvait s’immiscer ou y assister sans y avoir été invité.

88      D’autre part, force est de constater que le requérant n’a pas apporté la preuve d’une violation de la confidentialité de son audition. Le seul fait que la salle d’audition était équipée d’un verre transparent et l’affirmation d’une prétendue absence d’insonorisation ne sauraient, à eux seuls, suffire pour démontrer qu’une telle violation a été commise.

89      Il n’y a ainsi pas de raisons de douter que, comme l’affirme l’eu-LISA, nul n’avait connaissance de la tenue de cette réunion à l’exception des agents présents à l’audition et du secrétaire du directeur exécutif de l’eu-LISA, ni du fait que l’unité de la sécurité, dûment informée, avait fait en sorte que la réunion se déroule de manière confidentielle.

90      Enfin, la présence de trois agents, requise par le directeur exécutif de l’eu-LISA pour rédiger un procès-verbal et l’éclairer sur les questions de procédure, ne saurait constituer une violation du principe de confidentialité, ni une violation des droits de la défense du requérant. L’argument du requérant tiré d’un manque de confidentialité doit donc être écarté.

91      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le déroulement de la procédure administrative ne révèle aucun élément ayant été de nature à porter atteinte aux droits de la défense du requérant. Par ailleurs, à plusieurs reprises, il a eu la possibilité de faire valoir utilement son point de vue, de défendre ses droits et d’être entendu avant l’adoption de la décision attaquée.

92      Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen dans son ensemble.

c)      Sur le troisième moyen tiré de la violation des articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut, du principe de bonne administration et d« erreurs manifestes d’appréciation »

93      Dans le cadre de son troisième moyen, le requérant formule plusieurs griefs. Le premier grief est tiré de la violation de l’article 12 bis du statut, de la violation du principe de bonne administration et d’« erreurs manifestes d’appréciation ». Le deuxième grief est tiré de la violation des articles 17 et 19 du statut. Le troisième grief est tiré de la violation de l’article 12 du statut.

94      Avant d’exposer les arguments avancés au soutien des différents griefs, le requérant rappelle que, comme il résulte de la décision attaquée, le blâme lui a été infligé au motif qu’il avait « violé de manière significative l’article 12 bis du statut, violé occasionnellement l’article 12 du statut et violé les articles 17 et 19 du statut ». Selon le requérant, ces accusations sont totalement erronées et fondées sur une interprétation erronée des dispositions du statut.

95      L’eu-LISA conteste les arguments du requérant.

1)      Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 12 bis du statut, de la violation du principe de bonne administration et d’« erreurs manifestes d’appréciation »

96      Premièrement, après avoir rappelé la jurisprudence en matière de harcèlement, afin notamment de souligner la différence entre ce type de comportement et un simple conflit de travail, le requérant soutient qu’il ressort des pièces qu’il a produites devant le Tribunal que toutes ses communications avec A ont été courtoises et motivées par des questions techniques. Selon le requérant, sa relation avec A a été caractérisée uniquement par une divergence d’opinions sur des questions techniques, insusceptible d’être considérée comme constitutive d’un harcèlement moral. Par ailleurs, la circonstance que A aurait été considéré comme coupable de harcèlement justifierait le fait que le requérant attire l’attention de l’administration sur le comportement anormal de celui-ci à son égard.

97      Deuxièmement, le requérant souligne que malgré ses alertes répétées, l’administration n’est pas intervenue à temps et a donc violé le principe de bonne administration.

98      Troisièmement, selon le requérant, l’administration aurait commis des erreurs d’appréciation résultant de ce que la notion de harcèlement répond à des critères objectifs et du fait que rien, dans le rapport final d’enquête, ne prouve que ses observations à l’encontre de A étaient des accusations abusives et qu’elles étaient sans rapport avec des faits et des questions objectives liées aux tâches assignées.

99      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 12 bis du statut prévoit ce qui suit :

« 1. Tout fonctionnaire s’abstient de toute forme de harcèlement moral et sexuel.

2. Le fonctionnaire victime de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution. Le fonctionnaire ayant fourni des preuves de harcèlement moral ou sexuel ne subit aucun préjudice de la part de l’institution, pour autant qu’il ait agi de bonne foi.

3. Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.

[…] ».

100    En outre, il convient de souligner que la définition visée à l’article 12 bis du statut repose sur une notion objective et qui, même si elle repose sur une qualification contextuelle d’actes et de comportements de fonctionnaires et d’agents qui n’est pas toujours simple à effectuer, n’implique toutefois pas de procéder à des appréciations complexes, du type de celles qui peuvent découler de notions de nature économique, scientifique ou encore technique, qui justifieraient de reconnaître à l’administration une marge d’appréciation dans l’application de la notion en cause. Dès lors, en présence d’une allégation de méconnaissance de l’article 12 bis du statut, il convient de rechercher si l’administration a commis une erreur d’appréciation des faits au regard de la définition du harcèlement moral visée à cette disposition, et non une erreur manifeste d’appréciation de ces faits (voir arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 99 et jurisprudence citée).

101    La notion de harcèlement moral est définie, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, comme une « conduite abusive » qui, premièrement, se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont « intentionnels », par opposition à « accidentels ». Deuxièmement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 101).

102    Il n’est pas nécessaire d’établir que les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits en cause ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral sans qu’il soit démontré que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 77 et jurisprudence citée).

103    De plus, l’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, il s’ensuit que la qualification de « harcèlement » est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (voir arrêt du 9 décembre 2020, GV/Commission, T‑705/19, non publié, EU:T:2020:590, point 78 et jurisprudence citée).

104    Enfin, selon la jurisprudence, l’obligation d’observer un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge doit assurer le respect et qui est repris, comme une composante du droit à une bonne administration, par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte (arrêts du 11 avril 2006, Angeletti/Commission, T‑394/03, EU:T:2006:111, point 162 et du 6 décembre 2012, Füller-Tomlinson/Parlement, T‑390/10 P, EU:T:2012:652, point 115). En outre, lorsque les institutions doivent faire face à une question aussi grave que celle du harcèlement moral, elles ont l’obligation de répondre au fonctionnaire qui introduit une demande au titre de l’article 24 du statut avec rapidité et sollicitude (voir arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 117 et jurisprudence citée).

105    C’est au regard de la jurisprudence mentionnée aux points 100 à 104 ci‑dessus qu’il y a lieu d’examiner si l’administration a commis des erreurs d’interprétation de l’article 12 bis du statut, a violé le principe de bonne administration et a commis des erreurs d’appréciation des faits au regard de la définition du harcèlement moral au sens de ladite disposition.

106    En premier lieu, il ressort de la décision attaquée, qui renvoie au rapport final d’enquête, que, selon plusieurs témoins (voir point 14 ci-dessus), le requérant et A étaient impliqués dans un conflit depuis plusieurs années. Cette situation a commencé à partir de 2013 ou de 2014, lorsqu’ils étaient dans l’ancien bâtiment de l’eu-LISA. Plusieurs épisodes conflictuels ont été pris en compte dans ledit rapport d’enquête.

107    Premièrement, les problèmes qui ont surgi en juin, en juillet et en août 2015 ont conduit l’enquêteur à conclure que, si les épisodes de conflit entre le requérant et A, pris individuellement, pouvaient apparaître d’une importance moindre, ces épisodes montraient, dans leur l’ensemble, le « ciblage » excessif et injustifié de A, par le requérant, pendant cette période. Ces épisodes consistant, en substance, à transmettre à A différents courriels avec plusieurs personnes en copie pour critiquer et mettre en exergue les erreurs commises dans le cadre de son travail ont, selon l’enquêteur, fait pression sur A, altéré négativement ses conditions de travail et affecté son intégrité psychologique. Combinés avec d’autres épisodes similaires pendant une longue période, ces épisodes peuvent, selon l’enquêteur, être considérés comme du harcèlement moral à l’égard de A.

108    Deuxièmement, il ressort du rapport final d’enquête que les problèmes qui se sont manifestés en mars, en avril et en mai 2017 démontrent également que le comportement du requérant à l’égard de A était « obstructif » et poursuivait l’objectif de faire en sorte que le travail soit effectué conformément à la manière qu’il avait choisie. Cette attitude du requérant à l’égard de A a été constatée également à l’égard d’autres collègues de travail. Selon l’enquêteur, les agissements du requérant, examinés dans le rapport final d’enquête, produisaient, indépendamment de l’intention qui les motivait, un effet « professionnellement et personnellement obstructif, rabaissant, inquiétant et provocant ». L’enquêteur a considéré que ces agissements avaient porté préjudice aux conditions de travail de A et affecté son intégrité psychologique et physique, au regard des problèmes de santé de ce dernier bien connus par le requérant. Selon l’enquêteur, l’ensemble de ces épisodes en plus d’autres agissements similaires commis par le requérant à l’encontre de A constituent un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

109    Troisièmement, le rapport final d’enquête a pris en compte d’autres épisodes problématiques ayant eu lieu en 2017 qui montrent que le requérant a continué à se plaindre et à remettre en question le travail de A. À titre d’exemple, l’enquêteur a rappelé que, pendant une réunion avec les États membres dans le cadre de laquelle A exerçait ses activités de responsable, ce dernier devait, selon le requérant, lui soumettre toute question qui était soulevée sans pouvoir prendre aucune initiative. En septembre 2017, après avoir reçu un courriel de la part de A indiquant les actions qu’il avait proposé d’entreprendre après des mois de discussion avec les États membres, le requérant a répondu à minuit, au moyen d’un courriel mettant en exergue les actions que lui-même proposait de réaliser et donnait des instructions qui semblaient exclure de la procédure A en sa qualité de responsable chargé de celle-ci. Selon l’enquêteur, en gardant à l’esprit que le requérant savait ce qui avait été longuement discuté avec les États membres ainsi que l’horaire auquel le courriel du requérant avait été envoyé, l’agissement de ce dernier ne pouvait pas être considéré comme étant de nature purement professionnelle. Il ressort du rapport final d’enquête que c’était, au contraire, selon l’enquêteur, une autre manière du requérant d’« attaquer » A, s’inscrivant dans leur querelle continue et formant, ensemble avec les autres épisodes, un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

110    Quatrièmement, le rapport final d’enquête fait état d’un épisode, daté de juin 2018, où le requérant, mécontent de la participation de A à une réunion (à laquelle le requérant lui-même n’avait pas pu participer pour des raisons personnelles), n’a pas validé le rapport de ce dernier et a, en revanche, eu le temps de valider d’autres rapports. Selon l’enquêteur, le comportement du requérant, dirigé contre A, était de nature obstructive et n’était pas justifié sur le plan professionnel.

111    Cinquièmement, le rapport final d’enquête prend en compte des échanges entre le requérant et A ayant eu lieu en septembre et en octobre 2018 concernant une demande adressée par les États membres à l’eu-LISA s’agissant de l’enregistrement des noms avec une apostrophe. À ce titre, l’enquêteur considère que les réponses présentées par le requérant, visant à critiquer et à contester les solutions proposées par A, représentent des provocations et des tracas supplémentaires, ciblant ce dernier et affectant ses conditions de travail. Ces réponses, combinées avec les autres agissements du requérant à l’égard de A, méconnaissaient, selon l’enquêteur, le devoir de s’abstenir de tout comportement susceptible de constituer un harcèlement au sens de l’article 12 bis du statut.

112    Il y a lieu de constater qu’il ressort du rapport final d’enquête que, certes, le requérant a attiré l’attention de l’administration sur le comportement anormal de A à son égard. Cependant, lors de l’enquête, il est ressorti que A avait fait de même en se plaignant, auprès du service des ressources humaines, du comportement du requérant. Plus précisément, A a considéré comme provocateur et obstructif le comportement du requérant consistant à envoyer des courriels qui suivaient l’envoi de sa part d’un travail et contenaient des critiques et des remarques négatives sur ledit travail sans proposer de solutions.

113    Or, le requérant n’a pas avancé d’arguments susceptibles de démontrer que l’enquêteur a considéré à tort que l’ensemble des courriels contenant des critiques et des objections, combinés avec d’autres agissements du requérant, pendant une période de longue durée, apparaissait comme une attitude agressive dirigée contre A allant au-delà de ce qui était admis dans le cadre de relations professionnelles. Le requérant n’a pas davantage démontré que les agissements pris en compte par l’enquêteur pouvaient être objectivement justifiés et, comme tels, n’étaient pas susceptibles d’affecter de manière inacceptable l’intégrité psychologique de A et de constituer un harcèlement. La circonstance que les échanges entre le requérant et A ne contenaient pas d’insultes à l’égard de ce dernier ne suffit pas pour exclure qu’ils aient pu, dans leur ensemble, constituer un harcèlement.

114    En effet, l’examen du rapport d’enquête permet de constater que l’enquêteur n’a pas procédé à une interprétation erronée de l’article 12 bis du statut et a correctement considéré qu’il disposait de plusieurs éléments lui permettant de considérer que le requérant avait contribué à attiser les tensions avec A.

115    L’apparence « courtoise » des courriels adressés par le requérant à A ne suffit pas pour réfuter le constat de l’enquêteur selon lequel ces courriels présentaient un caractère obstructif du travail de A et ne pouvaient pas être regardés comme étant simplement liés à des « questions purement techniques ».

116    De même, la circonstance que le requérant ne comprend pas la manière dont son comportement était perçu par A, en d’autres termes, la circonstance qu’il ne reconnaît pas son intention de nuire, critiquer, cibler notamment A, ne permet pas de mettre en doute les appréciations de l’enquêteur, d’abord, et de l’administration, ensuite, selon lesquelles lesdits échanges entre le requérant et A avaient pour effet de discréditer ce dernier et de dégrader les conditions de travail de ce dernier (voir point 102 ci-dessus).

117    Enfin, contrairement à ce que semble affirmer le requérant, le constat de harcèlement à son égard ne se fonde pas sur le ressenti subjectif de A, mais présente un caractère objectif résultant de l’appréciation d’un tiers indépendant et impartial. Ledit constat est le résultat d’une enquête qui a fait ressortir, sur la base de témoignages, les origines du conflit entre le requérant et A et l’attitude du requérant à l’égard de ce dernier. L’examen de nombreux épisodes, décrits dans le rapport final d’enquête et évoqués brièvement aux points 107 à 111 ci-dessus, permet de considérer que l’enquêteur a pu, à juste titre, estimer que les agissements du requérant, commis volontairement, avaient entraîné objectivement une dégradation des conditions de travail de A et avaient jeté le discrédit sur ce dernier. La circonstance que le requérant n’a pas eu l’intention de discréditer A ou de dégrader ses conditions de travail n’est pas pertinente pour exclure l’existence d’une situation de harcèlement (voir points 102 et 116 ci-dessus).

118    Au regard de ce qui précède, force est de constater que le requérant n’a pas avancé d’arguments susceptibles de démontrer que l’administration a commis une erreur d’appréciation des faits ou a procédé à une interprétation erronée de l’article 12 bis du statut lorsqu’elle a considéré que son comportement était constitutif d’un harcèlement à l’égard de A au sens de ladite disposition.

119    En second lieu, s’agissant de l’argument du requérant, tiré de la violation du principe de bonne administration et fondé sur la circonstance que, nonobstant ses nombreuses alertes, l’administration ne serait pas intervenue rapidement, il importe d’observer ce qui suit.

120    Il a déjà été jugé que la circonstance que l’administration n’ait pas répondu avec la célérité requise à une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut ne saurait affecter, par elle-même, la légalité de la décision adoptée à la suite de ladite demande d’assistance. En effet, si une telle décision devait être annulée au seul motif de sa tardiveté, la nouvelle décision qui devrait la remplacer ne pourrait en aucun cas être moins tardive que celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 119 et jurisprudence citée).

121    En tout état de cause, compte tenu des circonstances de l’espèce ainsi que du fait que, du 21 octobre 2018, date d’introduction par le requérant d’une demande d’assistance, au 15 février 2019, date de la décision d’ouvrir une enquête administrative (voir points 4 et 5 ci-dessus), il y a lieu de tenir compte des périodes de congés de fin d’année, le délai de moins de quatre mois n’apparaît pas déraisonnable.

122    L’argument du requérant, tiré d’une violation du principe de bonne administration, doit donc être écarté.

123    Il y a donc lieu de rejeter le premier grief du troisième moyen.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de la violation des articles 17 et 19 du statut

124    Le requérant soutient qu’il n’a manifestement pas enfreint les articles 17 et 19 du statut et que l’interprétation de ces dispositions, faite dans la décision de rejet de la réclamation, est erronée et doit conduire à son annulation.

125    S’agissant de la prétendue violation de l’article 17 du statut, le requérant fait valoir que le champ d’application de l’article 17 du statut est strictement limité à la divulgation d’informations liées à l’exercice des fonctions. Or, il n’aurait pas transmis à la police (voir point 3 ci-dessus) une quelconque « information » portée à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions. De plus, l’eu-LISA n’aurait pas démontré quelles informations liées à l’exercice des fonctions du requérant auraient été divulguées. Le requérant aurait seulement déclaré qu’il craignait pour son intégrité physique et celle de sa famille, dans sa sphère privée en dehors de l’eu-LISA.

126    Selon le requérant, il a préalablement informé l’eu-LISA du comportement répréhensible de A, comme il ressort des divers courriels produits devant le Tribunal. C’est notamment la circonstance qu’il n’a pas reçu de réponse de la part de l’administration, qui l’a amené, d’une part, à déposer sa demande d’assistance et, d’autre part, à informer la police de sa situation, au motif qu’il craignait légitimement pour son intégrité physique et celle de sa famille.

127    S’agissant de la prétendue violation de l’article 19 du statut, le requérant soutient que faire une déclaration dans un registre de « main courante » – a fortiori concernant un sujet lié à la sphère privée – ne saurait être considéré comme revenant à « faire état en justice » d’informations portées à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions. Selon le requérant, un officier de police ou une personne exerçant une fonction administrative à la réception du commissariat de police ne saurait être assimilé à une autorité judiciaire. Il s’en suivrait qu’il n’existerait pas d’obligation de présenter une demande d’autorisation au directeur exécutif pour le dépôt d’une plainte judiciaire.

128    L’eu-LISA conteste les arguments du requérant.

129    À titre liminaire, premièrement, il importe de rappeler que l’article 17 du statut est rédigé comme suit :

« 1. Le fonctionnaire s’abstient de toute divulgation non autorisée d’informations portées à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions, à moins que ces informations n’aient déjà été rendues publiques ou ne soient accessibles au public.

2. Le fonctionnaire reste soumis à cette obligation après la cessation de ses fonctions. »

130    L’article 19 du statut prévoit ce qui suit :

« Le fonctionnaire ne peut faire état en justice, à quelque titre que ce soit, des constatations qu’il a faites en raison de ses fonctions, sans l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination. Cette autorisation ne peut être refusée que si les intérêts de l’Union l’exigent et si ce refus n’est pas susceptible d’entraîner des conséquences pénales pour le fonctionnaire intéressé. Le fonctionnaire reste soumis à cette obligation même après la cessation de ses fonctions.

Les dispositions du premier alinéa ne s’appliquent pas au fonctionnaire ou ancien fonctionnaire témoignant devant la Cour de justice de l’Union européenne ou devant le conseil de discipline d’une institution, pour une affaire intéressant un agent ou un ancien agent de l’Union européenne. »

131    Deuxièmement, il ressort du rapport final d’enquête et de la version préliminaire des conclusions de l’enquêteur (voir point 10 ci-dessus),  tels que cités par le requérant dans sa réclamation du 9 avril 2020, ce qui suit :

« [L]es membres du personnel de l’Union européenne ne sauraient, concernant des questions qui surviennent au travail, se contenter de soumettre la question à une autorité judiciaire externe telle que la police, engageant ainsi une forme de procédure judiciaire externe. Ce type d’action dans de telles circonstances nécessite l’autorisation de l’autorité investie du pouvoir de nomination en vertu de deux dispositions du statut, à savoir l’article 17 et l’article 19. Rien n’empêchait [le requérant] de demander à l’autorité investie du pouvoir de nomination une telle autorisation, qu’il aurait pu recevoir, mais il ne l’a pas fait, bien qu’il fût tenu de le faire. »

132    Troisièmement, il ressort de la décision de rejet de la réclamation qu’il a été établi que le requérant s’était adressé à la police française et que la circonstance que cette démarche avait été entreprise au motif qu’il craignait pour son intégrité physique ou pour celle de sa famille ne remettait pas en cause le fait qu’il n’avait pas informé préalablement l’eu-LISA, ni n’avait demandé une autorisation et qu’il avait donc violé le statut.

133    En premier lieu, il convient d’apprécier si les articles 17 et 19 visent le cas où un fonctionnaire s’adresse à la police pour dénoncer une relation conflictuelle avec un collègue de travail.

134    À cet égard, il a été jugé que le régime d’autorisation prévu par l’article 17 du statut était destiné à permettre à l’administration de s’assurer que la divulgation d’informations, portées à la connaissance du fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions, ne portât pas atteinte aux intérêts de l’Union, en affectant notamment son fonctionnement et sa réputation. Le régime d’autorisation institué par l’article 17 du statut a donc pour but de mettre l’administration en mesure de veiller, en temps opportun, à ce que les fonctionnaires règlent leur conduite en ayant en vue les intérêts des institutions et les obligations qui leur incombent au titre de l’article 339 TFUE. Ce régime tend donc, notamment, à préserver la relation de confiance qui doit exister entre les institutions et leurs agents. Sa mise en œuvre nécessite une mise en balance des différents intérêts en jeu afin de déterminer lequel des intérêts de l’Union ou de l’intérêt du public à recevoir des informations doit primer (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2011, Strack/Commission, F‑132/07, EU:F:2011:4, points 71 et 72). Ainsi, l’article 17 du statut vise à rappeler notamment l’obligation qui pèse sur un fonctionnaire au titre du respect du secret professionnel et impose, notamment, l’obligation de demander une autorisation pour divulguer des informations qui sont, par leur nature, couvertes par le secret professionnel.

135    Il s’ensuit que l’article 17 du statut ne couvre pas le cas où un fonctionnaire s’adresse à la police afin de dénoncer une relation conflictuelle avec un collègue sur son lieu de travail. La référence à l’article 17 du statut, contenue dans la décision attaquée, est donc erronée.

136    S’agissant du champ d’application de l’article 19 du statut, tel qu’il est défini dans la première phrase dudit article, il convient de relever que, certes, l’expression « faire état en justice » qui figure dans cette disposition a donné lieu à des versions linguistiques différentes. La version anglaise utilise l’expression générale « disclos[e] in any legal proceeding » (divulguer dans toute procédure), tandis que les versions espagnole, italienne et allemande utilisent respectivement les expressions plus ponctuelles « revelar en un procedimiento judicial » (divulguer dans le cadre d’une procédure judiciaire), « deporre in giudizio » (témoigner) et « vor Gericht vorbringen oder […] aussagen » (présenter au tribunal ou […] témoigner).

137    Toutefois, d’une part, il a été jugé que le champ d’application de l’article 19 du statut, tel qu’il est défini dans la première phrase dudit article, ne pouvait pas recevoir une interprétation restrictive selon laquelle il viserait exclusivement le cas du fonctionnaire appelé à témoigner en justice. En effet, ce champ d’application recouvre l’ensemble des situations dans lesquelles un fonctionnaire est amené à faire état en justice, « à quelque titre que ce soit », des constatations faites en raison de ses fonctions, sans opérer de distinction entre l’utilisation de telles constatations dans le cadre d’une audition comme témoin ou dans le contexte de l’introduction d’une action judiciaire devant une juridiction nationale, par exemple, le dépôt d’une plainte au pénal (arrêt du 13 juin 2002, Ferrer de Moncada/Commission, T‑74/01, EU:T:2002:158, point 48). La situation d’un fonctionnaire appelé à témoigner en justice ne constitue donc pas la seule situation visée par l’article 19 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2002, Ferrer de Moncada/Commission, T‑74/01, EU:T:2002:158, point 49).

138    D’autre part, il y a lieu d’observer que, dans plusieurs États membres, la police peut jouer un rôle à caractère judiciaire et, notamment, agir à la demande d’un juge. De plus, le fait de s’adresser à la police peut s’avérer nécessaire, voire indispensable, afin d’agir en justice. Enfin, une dénonciation faite à la police peut donner lieu à des suites judiciaires ou bien être utilisée à des fins judiciaires.

139    S’il y a lieu de reconnaître que, dans une certaine mesure, les articles 17 et 19 du statut poursuivent tous les deux l’objectif d’assurer le respect du devoir de réserve et, ainsi, d’impliquer l’institution concernée en cas de divulgation à l’extérieur d’informations dont le fonctionnaire dispose en raison de ses fonctions, il convient toutefois de distinguer leur champ d’application respectif. L’article 17 du statut vise à éviter d’affecter le fonctionnement et la réputation d’une institution et est applicable aux cas où un fonctionnaire souhaite procéder à la divulgation d’informations couvertes, par leur nature, par le secret professionnel.

140    En revanche, l’article 19 du statut couvre le cas où un fonctionnaire souhaite faire état en justice de faits liés à une relation conflictuelle sur le lieu de travail qui ne sont pas, par leur nature, couverts par le secret professionnel, mais qui pourraient affecter le fonctionnement et la réputation d’une institution.

141    Il importe de souligner que l’article 19 du statut prévoit expressément une seule exception à la règle de l’autorisation préalable pour pouvoir faire état en justice des constatations faites par un fonctionnaire en raison de ses fonctions, à savoir lorsque le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est appelé à témoigner devant la Cour de justice de l’Union européenne ou devant le conseil de discipline d’une institution, pour une affaire intéressant un agent ou un ancien agent de l’Union.

142    En outre, il ressort de la formulation restrictive de l’article 19, deuxième phrase, du statut (voir point 130 ci-dessus) que les « intérêts de l’Union » qui, en vertu de cet article, peuvent justifier un refus d’autorisation de faire état en justice de constatations liées à la fonction doivent nécessairement être des intérêts d’une importance considérable et présentant un caractère vital pour l’Union (voir arrêt du 13 juin 2002, Ferrer de Moncada/Commission, T‑74/01, EU:T:2002:158, point 58 et jurisprudence citée). Ainsi, les hypothèses de refus d’autorisation sont strictement limitées.

143    Enfin, il découle également de ces mentions restrictives de l’article 19 du statut et de l’absence de formalisme requis pour demander l’autorisation de faire état en justice de constatations faites en raison de ses fonctions que le fonctionnaire ou l’agent ne saurait être soumis à une exigence d’autorisation préalable dans les situations présentant un certain degré de gravité et d’urgence, notamment en cas de danger imminent pour le fonctionnaire ou l’agent concerné.

144    En deuxième lieu, s’agissant de la question de savoir si, en l’espèce, le requérant a violé l’article 19 du statut, premièrement, il importe de constater qu’il ne saurait soutenir que l’incident intervenu avec un collègue de travail, à la suite d’une discussion menée de manière, certes, discutable, doit être considéré comme détaché de l’exercice de ses fonctions au sein de l’eu-LISA et qu’il ne remplit pas le critère selon lequel il a été porté à sa connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

145    À cet égard, il ressort de la description de l’incident faite par le requérant lui-même que A est rentré dans son bureau pour discuter de questions de travail avec un autre collègue et que le requérant, sans avoir été sollicité par A, est intervenu dans la discussion et a ainsi été à l’origine de la réaction de A qui a consisté à manifester son désaccord à l’égard de son intervention et à brandir une chaise devant lui.

146    Deuxièmement, il y a lieu d’observer que les faits relatés par le requérant à la police n’étaient pas déjà publics. Ainsi, le requérant était tenu de s’abstenir de toute divulgation de la situation qui s’était présentée dans les bureaux de l’eu-LISA, lors de l’exercice de ses fonctions, sans avoir été préalablement autorisé.

147    Troisièmement, s’agissant de l’argument du requérant visant à faire valoir que, conformément à l’article 19 du statut, dans un courriel du 16 juin 2017, il avait prévenu l’eu-LISA des fautes commises par A, il importe de noter que les faits dénoncés par le requérant à la police ont eu lieu le 19 octobre 2018. Ainsi, ledit courriel ne saurait être considéré ni comme une information préalable de l’eu-LISA, ni comme une demande d’autorisation relative aux faits survenus à cette date.

148    De plus, le courriel du requérant du 19 octobre 2018 signalant l’incident survenu le jour même avec A n’informe pas l’eu-LISA de ce qu’il envisageait de dénoncer l’incident à la police et ne contient pas davantage une demande d’autorisation à cet égard.

149    Quatrièmement, il y a lieu de noter que, contrairement à ce que le requérant soutient, des informations précises ont été données à la police française, laquelle a, ainsi que le précise l’eu-LISA, appelé le bureau du requérant et demandé à lui parler à propos des faits qu’il avait dénoncés concernant un comportement agressif de A qui l’avait menacé en brandissant une chaise.

150    Cinquièmement, ainsi que cela a été pertinemment indiqué dans le rapport final d’enquête, il n’existait pas d’obstacles à ce que le requérant demande une autorisation préalable à l’eu-LISA et à ce qu’il la reçoive. En effet, force est de constater, d’une part, que le requérant n’était pas en présence d’un danger imminent pour lui et, d’autre part, que les possibilités, visées à l’article 19 du statut, de lui refuser ladite autorisation étaient très limitées (voir point 142 ci-dessus).

151    Il s’ensuit que, même en admettant que, dans certaines circonstances, et, notamment, afin de s’adresser à la police pour dénoncer des faits intervenus sur le lieu de travail, il puisse être légitime de déroger au régime d’autorisation préalable visé à l’article 19 du statut, tel n’était pas le cas en l’espèce, en raison notamment de l’absence d’un danger imminent pour le requérant.

152    Il y a donc lieu de constater que, dans la mesure où le requérant a, sans demander une autorisation préalable à l’eu-LISA, divulgué à l’extérieur de celle-ci des faits intervenus à l’occasion de l’exercice de ses fonctions au sein de l’eu-LISA, l’administration a pu, à juste titre, estimer qu’il avait enfreint l’article 19 du statut.

153    Au regard de tout ce qui précède, le deuxième grief du troisième moyen est partiellement fondé, à savoir en ce qu’il soulève une erreur d’interprétation et d’application de l’article 17 du statut. Cependant, ladite erreur, contenue dans la décision attaquée, est sans incidence sur la légalité de cette dernière et ne saurait entraîner, à elle seule, son annulation. En effet, le constat de la violation reprochée au requérant, consistant à ne pas avoir demandé une autorisation avant de s’adresser à la police, est fondé à juste titre sur l’article 19 du statut.

3)      Sur le troisième grief, tiré de la violation de l’article 12 du statut

154    Le requérant soutient qu’il n’a pas violé l’article 12 du statut et que l’interprétation de cette disposition, faite dans la décision attaquée, est erronée et doit conduire à l’annulation de la décision attaquée.

155    Plus particulièrement, s’agissant des prétendus incidents avec les agents de sécurité devant le portail de l’eu-LISA, le requérant soutient avoir expliqué, au cours de son second entretien et dans ses observations écrites sur le projet de compte rendu de l’entretien et la version préliminaire des conclusions du rapport d’enquête, que ces allégations étaient erronées. En effet, les rapports desdits agents de sécurité ne mentionneraient aucune insulte. Ainsi, selon le requérant, aucune preuve tangible d’insultes adressées aux agents de sécurité n’a été produite au cours de l’enquête et la décision de rejet de la réclamation n’apporte aucune nouvelle information sur cette question.

156    En outre, le requérant soutient qu’il a demandé avec courtoisie aux agents de sécurité de lui ouvrir le portail afin de pouvoir sortir avec sa voiture. Ensuite, il aurait signalé lui‑même au comptoir auxquels les agents de sécurité étaient affectés qu’il avait dû attendre devant les portes plus longtemps que ce qui serait considéré comme normal. Ainsi, s’il avait été agressif et irrespectueux envers les agents de sécurité, il n’aurait pas signalé lui‑même le problème d’ouverture du portail.

157    De surcroît, le requérant souligne que, bien que le rapport d’enquête fasse mention de ce que les incidents avec les agents de sécurité étaient suffisamment importants pour que son chef d’unité en soit informé, il n’a jamais été informé par ce dernier d’un incident avec les agents de sécurité. De plus, le requérant se plaint de ce qu’il a dû attendre après son second entretien du 16 juillet 2019 pour se voir communiquer les rapports des agents de sécurité. Ainsi, le requérant s’interroge sur ce qui a été rapporté au chef d’unité et sur la raison pour laquelle il ne lui a jamais été demandé de fournir ses explications et sa propre version des faits auparavant.

158    Le requérant s’interroge également sur les raisons ayant justifié que les prétendus « incidents suffisamment importants » mentionnés dans le rapport d’enquête n’aient pas été traités immédiatement. En effet, cela aurait permis de visionner les enregistrements des caméras de vidéosurveillance en circuit fermé. D’ailleurs, la circonstance que les deux agents de sécurité en question ne travaillent plus pour l’eu-LISA rendrait encore plus difficile l’appréciation de la véracité de leurs allégations.

159    Enfin, le requérant se demande par quelle chaîne d’évènements ces rapports ont été inclus parmi les questions abordées dans le cadre de l’élargissement du mandat d’enquête du 22 mai 2019. En effet, ils seraient très éloignés des questions liées à A. De plus, l’utilisation et la conservation de ces rapports soulèveraient des questions quant au respect des règles régissant la protection des données au sein des institutions de l’Union.

160    L’eu-LISA conteste les arguments du requérant.

161    À titre liminaire, d’une part, il importe de rappeler que, selon l’article 12 du statut, « [l]e fonctionnaire s’abstient de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction ».

162    D’autre part, il convient de noter qu’il ressort du rapport final d’enquête que le requérant aurait violé l’article 12 du statut, au motif qu’il aurait eu un comportement inapproprié non seulement à l’égard de A, mais également à l’égard de deux agents de sécurité de l’eu-LISA à l’occasion d’un retard dans l’ouverture de son portail d’entrée.

163    En premier lieu, il importe d’observer que les éléments de preuve utilisés par l’enquêteur, à savoir le témoignage du chef d’unité du requérant et les déclarations des agents de sécurité, montrent que, en dépit du fait que le requérant considère ne pas avoir insulté les agents de sécurité, son comportement n’était pas acceptable. En outre, la décision de rejet de la réclamation fait à juste titre état de ce que, lors du premier entretien du requérant, l’enquêteur a remarqué que, dans la demande d’assistance de celui-ci, plusieurs éléments importants manquaient et que ces éléments étaient pertinents pour l’enquête en cours. Telle a été la raison de l’extension de l’enquête, effectuée en mai 2019, dont le requérant a dûment été informé.

164    En deuxième lieu, comme il ressort du rapport final d’enquête, des disputes violentes, entre le requérant et A, avaient déjà eu lieu en 2013 et en 2014, lorsqu’ils travaillaient dans l’ancien bâtiment de l’eu-LISA. Dans le rapport final d’enquête, il est précisé que le requérant a mis en cause les dates exactes des évènements et non leur existence. Ledit rapport fait également état de ce que, à l’époque, le requérant a demandé à changer de bureau et sa demande a été accueillie. Dans le rapport final d’enquête, il est indiqué, en outre, que les querelles entre le requérant et A, qui étaient suffisamment colériques, sérieuses et dérangeantes, constituaient une violation, quoique mineure, de l’article 12 du statut.

165    En troisième lieu, s’agissant des évènements concernant les agents de sécurité, le rapport final d’enquête précise que le requérant a crié ou a eu un comportement inapproprié à leur égard à deux occasions différentes. Selon ledit rapport, même à supposer que, comme l’affirme le requérant, il y eût la possibilité de contrôler le niveau d’ouverture du portail d’entrée et que donc ledit portail n’ait pas été suffisamment ouvert pour que sa voiture puisse entrer, cela ne justifie pas le comportement de ce dernier à l’égard des agents de sécurité. Le rapport d’enquête conclut sur ce point qu’il n’y avait pas de raisons de ne pas croire que le requérant avait crié contre les agents de sécurité et qu’un tel comportement à l’égard de personnes externes à l’eu-LISA affectait l’image de celle-ci et ne respectait pas les conditions visées à l’article 12 du statut.

166    En application de l’article 12 du statut, le comportement d’un agent d’un service public international doit être irréprochable par rapport aux personnes externes et ne doit pas affecter la réputation de l’Union. En d’autres termes, ledit comportement doit correspondre à une image de dignité conforme à une conduite particulièrement correcte et respectable qui peut être attendue des membres de la fonction publique internationale.

167    En l’espèce, l’existence du comportement blâmable du requérant ne peut pas être exclue, comme le soutient le requérant, en se fondant sur les dispositions en matière de protection des données. Au contraire, dans le cadre d’une enquête, il peut être légitime de protéger les témoignages et de ne pas révéler l’identité des témoins.

168    D’une part, tant la décision de rejet de la réclamation que le rapport final d’enquête font état de ce que le requérant s’est montré agressif et a eu un comportement inapproprié à deux reprises envers des agents de sécurité à l’entrée principale de l’eu-LISA, manquant à ses obligations visées à l’article 12 du statut. Lesdits documents font, en outre, état de ce que le comportement du requérant a été signalé par les agents en question à l’administration à l’époque des faits.

169    D’autre part, les raisons évoquées par le requérant tant au stade de l’enquête que lors de sa réclamation ont été prises en compte et n’ont pas été considérées comme convaincantes pour conduire l’administration à mettre en doute l’exactitude des signalements. Au contraire, l’administration a maintenu que l’attitude du requérant envers des tiers, qui nuisait à l’image de l’eu-LISA, violait l’article 12 du statut selon lequel les agents de la fonction publique internationale doivent adopter un comportement irréprochable.

170    Les arguments du requérant consistant à soutenir qu’il a été courtois et n’a pas insulté les agents de sécurité lorsqu’il leur a demandé d’ouvrir le portail afin de pouvoir sortir et qu’il a signalé lui‑même au comptoir auquel les agents de sécurité étaient affectés qu’il avait dû attendre devant les portes plus longtemps ne sont pas susceptibles de réfuter les allégations des deux agents ainsi que la circonstance que ces deux agents ont rapporté les évènements en cause au chef d’unité du requérant à l’époque des faits.

171    La circonstance que le requérant n’a pas été informé de ces allégations avant son second entretien, pour regrettable qu’elle soit, est dépourvue de pertinence. En effet, cette absence d’information s’explique par la circonstance que, lors de son premier entretien, le requérant a été entendu en qualité de victime alors que, lors de son second entretien, il a été entendu en qualité de harceleur présumé en raison des nouveaux éléments recueillis au cours de l’enquête.

172    Comme il ressort des observations du requérant sur les rapports des deux agents de sécurité, il a pu transmettre ses observations sur lesdits rapports et sur le compte rendu de son second entretien, exerçant ainsi pleinement ses droits de la défense. Cependant, les éléments et les observations du requérant ne permettent pas de réfuter les allégations qui ont conduit tant l’enquêteur que l’administration à estimer qu’il avait violé l’article 12 du statut.

173    Enfin, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel les évènements concernant les agents de sécurité ne sont pas pertinents pour apprécier ses rapports avec A, il convient d’observer qu’il a été considéré qu’il avait violé l’article 12 du statut non seulement en raison des querelles passées avec A, qu’il avait omis de mentionner lors de son premier entretien, mais également en raison des incidents avec les agents de sécurité, à savoir son comportement inapproprié ou offensif à l’égard desdits agents en raison d’un retard dans l’ouverture du portail d’entrée, qui montraient son attitude publique non conforme aux exigences visées à ladite disposition.

174    Il ressort de ce qui précède que le requérant n’a pas démontré que l’eu-LISA a considéré à tort qu’il avait violé l’article 12 du statut.

175    Il y a donc lieu de rejeter le troisième grief du troisième moyen ainsi que le moyen dans son ensemble.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et de la violation du devoir de sollicitude

176    Par son quatrième moyen, le requérant fait valoir que l’enquêteur a retourné contre lui le harcèlement commis par A dans l’exercice de ses fonctions. Il s’insurge particulièrement contre le fait que, de victime, il soit devenu harceleur présumé.

177    Le domaine dans lequel A s’immisçait dans le travail du requérant aurait été celui des objectifs professionnels fixés par sa direction. Selon le requérant, il serait possible de s’interroger sur les raisons de ce comportement, ce que l’enquêteur n’aurait pas fait. Toutefois, le requérant rappelle que, en juin 2017, A lui a dit, devant plusieurs témoins, que, « [c]ette fois, [il avait] eu de la chance ». Le requérant ajoute que cela peut également conduire à s’interroger sur la réelle motivation de A et sur la raison pour laquelle celui-ci signalait toujours, dans des messages au service des ressources humaines, leur communication de nature technique, qu’il jugeait insatisfaisante, sans fournir d’informations sur les causes de sa réaction à ses messages.

178    Le requérant soutient, en substance, que lors de l’adoption de la décision attaquée, les circonstances atténuantes n’ont pas été dûment prises en considération.

179    Selon le requérant, il ne fait aucun doute que A est effectivement coupable des faits qu’il a signalés dans sa demande d’assistance comme il est indiqué dans la décision clôturant l’enquête. Dans la mesure où le requérant ne se serait jamais conduit de manière répréhensible et se serait toujours limité à se protéger contre le comportement fautif de A, il serait injuste qu’il soit sanctionné. Plus précisément,  le fait d’avoir été sanctionné, alors qu’il était à l’origine la victime dans la présente affaire, serait  contraire à l’article 10 de l’annexe IX du statut et constituerait une violation flagrante par l’administration du devoir de sollicitude qui lui incombe. En effet, la hiérarchie de l’eu-LISA, d’une part, aurait délibérément ignoré le courriel d’avertissement que le requérant lui aurait envoyé en juin 2017 et, d’autre part, aurait adopté une stratégie d’évitement ayant conduit à la survenance de l’incident d’octobre 2018.

180    Enfin, la circonstance que A a été promu à la fin de l’année 2017 et est devenu agent temporaire de grade AD 8 illustrerait de manière flagrante la violation du devoir de sollicitude à l’égard du requérant.

181    L’eu-LISA conteste les arguments du requérant.

182    À titre liminaire, premièrement, il convient de rappeler que l’article 10 de l’annexe IX du statut dispose ce qui suit :

« La sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise. Pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction disciplinaire à infliger, il est tenu compte notamment :

a)      de la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a été commise [...] »

183    Deuxièmement, il importe de noter que, dans la décision clôturant l’enquête, il est indiqué ce qui suit :

« En ce qui concerne [A], il a été jugé qu’il a[vait] violé les articles 11 et 12 du statut. Une procédure similaire a eu lieu et [A] a également fait l’objet d’une sanction disciplinaire : il s’est également vu adresser un blâme, comme le prévoit l’article 11 de l’annexe IX du statut. »

184    Troisièmement, tout en n’étant pas mentionné dans le statut, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Ce devoir ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu’elle se prononce sur la situation d’un fonctionnaire, l’autorité compétente prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du 6 mai 2019, Mauritsch/INEA, T‑271/18, non publié, EU:T:2019:286, point 43 et jurisprudence citée).

185    À titre principal, en premier lieu, il convient de souligner que A, comme le requérant, s’est vu infliger un blâme. En infligeant une sanction disciplinaire à A à la suite de la demande d’assistance du requérant, l’eu-LISA a bien reconnu que ce dernier était également une victime.

186    Néanmoins, contrairement à ce que soutient le requérant, l’enquêteur n’a pas retourné l’enquête contre lui. Comme il a déjà été expliqué, au cours de l’enquête, il est apparu que le requérant pouvait avoir manqué aux devoirs lui incombant en vertu des articles 11, 12, 17 et 19 du statut, ce qui a justifié l’adoption d’une décision d’élargir l’objet initial de l’enquête (voir point 7 ci-dessus).

187    En outre, l’enquête administrative menée contre A ne relève pas de l’objet du présent recours en annulation de la décision attaquée.

188    L’affirmation du requérant selon laquelle il serait injuste de lui infliger une sanction disciplinaire dans la mesure où il s’est toujours bien comporté et n’a fait que se protéger face au comportement répréhensible de A ne saurait être admise. Ainsi que cela ressort de la réponse au premier grief du troisième moyen (voir points 106 à 118 ci-dessus), le comportement du requérant à l’égard de A n’était pas irréprochable et a, à juste titre, été considéré comme constitutif d’un harcèlement moral.

189    Le requérant affirme que l’eu-LISA a violé le principe de sollicitude en ce qu’elle n’a pas tenu compte, dans la décision attaquée, du contexte général de l’affaire, y compris de prétendues circonstances atténuantes.

190    Bien que le statut ne prévoie pas de rapport fixe entre les sanctions disciplinaires qu’il indique et les différentes sortes de manquements commis par les fonctionnaires et bien qu’il ne précise pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction, le respect de l’article 47 de la Charte suppose qu’une « peine » imposée par une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions prévues à cet article subisse le contrôle ultérieur d’un organe juridictionnel ayant le pouvoir d’apprécier pleinement la proportionnalité entre la faute et la sanction (voir arrêt du 15 mai 2012, Nijs/Cour des comptes, T‑184/11 P, EU:T:2012:236, point 85 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, Andreasen/Commission, T‑17/08 P, EU:T:2010:374, points 146 et 147 ; Cour EDH, 31 mars 2015, Andreasen c. Royaume-Uni et 26 autres États membres de l’Union européenne, CE:ECHR:2015:0331DEC002882711, point 73). À ce titre, le juge de l’Union vérifie notamment si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’autorité disciplinaire a été effectuée de façon proportionnée (arrêt du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, EU:T:2004:77, point 203).

191    L’article 9 de l’annexe IX du statut énumère les sanctions qui peuvent être infligées aux agents par l’autorité investie du pouvoir de nomination. Il ressort de cette liste que la sanction choisie, à savoir un blâme, correspond au deuxième niveau dans l’échelle de gravité des sanctions.

192    Dans le cas d’espèce, la sanction de blâme n’apparaît pas disproportionnée, compte tenu du fait que le comportement du requérant a, notamment, nui à la réputation et à la dignité de l’eu-LISA.

193    Enfin, la circonstance que, pour des raisons qui ne sont d’ailleurs pas précisées par le requérant, A a été promu à la fin de l’année 2017 au grade AD 8 n’est pas de nature à démontrer que l’administration n’a pas pris en compte et n’a pas donné une suite favorable à la demande d’assistance du requérant introduite environ une année après, à savoir le 19 octobre 2018, en méconnaissant le devoir de sollicitude auquel elle est tenue.

194    Il ressort de ce qui précède que le requérant n’a pas démontré que le fait de lui avoir infligé une sanction de blâme était constitutif d’une violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut ainsi que du devoir de sollicitude.

195    Eu égard aux considérations qui précèdent, le quatrième moyen doit être rejeté ainsi que les conclusions en annulation de la décision attaquée dans leur intégralité.

B.      Sur les conclusions indemnitaires

196    Le requérant considère qu’il a subi un préjudice moral important en raison du sentiment de grave injustice, de découragement et d’angoisse que la décision attaquée a provoqué, puisqu’il s’est vu infliger une sanction disciplinaire irrégulière consistant en un blâme et que sa réputation professionnelle en a été fortement ternie.

197    Le requérant produit devant le Tribunal un certificat médical pour démontrer qu’il a subi un préjudice important du fait de l’incident du 19 octobre 2018, puisque son médecin l’a placé en congé de maladie du 22 au 26 octobre 2018 en raison de troubles d’anxiété.

198    Le requérant demande à ce que la réparation du préjudice moral qu’il prétend avoir subi soit fixée, ex æquo et bono, à 5 000 euros.

199    L’eu-LISA conteste le bien-fondé de ladite demande.

200    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées dans la mesure où elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont elles-mêmes été rejetées, comme étant non fondées ou irrecevables (voir arrêt du 24 mars 2021, BK/EASO, T‑277/19, non publié, EU:T:2021:161, point 112 et jurisprudence citée).

201    L’ensemble des moyens invoqués par le requérant à l’appui de son recours en annulation ayant été rejetés, sa demande en réparation, qui présente un lien étroit avec les conclusions en annulation, doit également être rejetée comme non fondée.

202    En tout état de cause, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives, ce qui implique que, dès lors que l’une d’elles n’est pas remplie, la responsabilité de l’Union ne peut être retenue (voir arrêt du 8 novembre 2018, QB/BCE, T‑827/16, EU:T:2018:756, point 117 et jurisprudence citée).

203    En l’espèce, en ce qui concerne la première condition, il découle de la réponse du Tribunal aux conclusions en annulation de la décision attaquée que le requérant n’a pas démontré le comportement fautif de l’eu-LISA. Le moyen tiré de ce que les dispositions d’exécution concernant les enquêtes administratives était illégales a été rejeté (voir points 41 à 65 ci-dessus). Il a été constaté que les droits de la défense du requérant avaient été respectés tout au long de la procédure (voir points 74 à 92 ci-dessus). Par ailleurs, au point 118 ci-dessus, il a été conclu que l’eu-LISA n’avait pas interprété et appliqué de manière erronée l’article 12 bis du statut et n’avait pas commis une erreur d’appréciation. Au point 122 ci-dessus, il a été jugé que l’eu-LISA n’avait pas violé le principe de bonne administration. Aux points 152 et 174 ci-dessus, il a été considéré que l’eu-LISA n’avait pas interprété et appliqué de manière erronée les articles 17 et 19 du statut, d’une part, et l’article 12 du statut, d’autre part. Enfin, comme cela est indiqué au point 194 ci-dessus, le requérant n’a pas démontré que l’eu-LISA avait violé l’article 10 de l’annexe IX du statut.

204    Le requérant n’ayant donc pas démontré l’illégalité du comportement de l’eu-LISA, la première condition de l’engagement de la responsabilité de l’administration n’est pas remplie. Étant donné que les trois conditions à réunir pour engager la responsabilité de l’eu-LISA sont cumulatives, la demande de réparation du préjudice moral prétendument subi par le requérant doit être rejetée.

205    Eu égard aux considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

206    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’eu-LISA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      NV est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 mars 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur les conclusions en annulation

1. Sur la demande d’annulation de la décision de rejet de la réclamation

2. Sur la demande d’annulation de la décision attaquée

a) Sur le premier moyen, tiré de l’illégalité des dispositions d’exécution concernant les enquêtes

b) Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense ainsi que du droit d’être entendu

c) Sur le troisième moyen tiré de la violation des articles 12, 12 bis, 17 et 19 du statut, du principe de bonne administration et d’« erreurs manifestes d’appréciation »

1) Sur le premier grief, tiré de la violation de l’article 12 bis du statut, de la violation du principe de bonne administration et d’« erreurs manifestes d’appréciation »

2) Sur le deuxième grief, tiré de la violation des articles 17 et 19 du statut

3) Sur le troisième grief, tiré de la violation de l’article 12 du statut

d) Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut et de la violation du devoir de sollicitude

B. Sur les conclusions indemnitaires

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.