Language of document : ECLI:EU:C:2024:223

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

5 mars 2024 (*)

« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande d’admission ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑700/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 16 novembre 2023,

Cayago Tec GmbH, établie à Bad Salzuflen (Allemagne), représentée par Me J. Güell Serra, abogado,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

iAqua (Shenzhen) Ltd, établie à Shenzhen (Chine),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, Mme O. Spineanu-Matei et M. J.-C. Bonichot (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. N. Emiliou, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Cayago Tec GmbH demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 6 septembre 2023, Cayago Tec/EUIPO – iAqua (Shenzhen) (Scooter des mers, bateau à moteur), (T‑377/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:504), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 19 avril 2022 (affaire R 951/2021‑3), relative à une procédure de nullité entre Cayago Tec et iAqua (Shenzhen) Ltd.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

 Argumentation de la partie requérante

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que son pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

7        La requérante soutient que le dessin ou modèle communautaire contesté est un dessin ou modèle communautaire précédemment enregistré auquel des pièces ont été ajoutées afin de le masquer. Il aurait fait l’objet d’une renonciation auprès des tribunaux allemands et d’une demande en nullité introduite par la requérante auprès de l’EUIPO ainsi que de deux saisies par les services de police.

8        La requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte la mauvaise foi de iAqua (Shenzhen) pour apprécier le caractère individuel du dessin ou modèle communautaire contesté.

9        À cet égard, la requérante souligne que le règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), ne prévoit pas de procédure d’opposition pendant la procédure d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire, mais que, afin d’éviter les abus, ce règlement prévoit différents motifs de nullité d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, parmi lesquels figurent le défaut de nouveauté et de caractère individuel du dessin ou modèle. Elle relève que, contrairement au droit des marques, la mauvaise foi du demandeur ne constitue pas un motif de nullité, ce qui rend la contrefaçon plus facile. Elle indique que le Tribunal ne s’est prononcé sur la mauvaise foi du demandeur d’un dessin ou modèle communautaire que dans l’arrêt du 18 mars 2010, Grupo Promer Mon Graphic/OHMI – PepsiCo (Représentation d’un support promotionnel circulaire), (T‑9/07, EU:T:2010:96, point 31), dans lequel il aurait estimé qu’il s’agissait d’un facteur dénué de pertinence. Néanmoins, la requérante considère que la mauvaise foi doit constituer l’un des critères d’appréciation du caractère individuel des dessins et modèles communautaires, et demande à la Cour de procéder à un revirement de cette jurisprudence.

10      La requérante fait valoir que la pertinence de l’examen de la mauvaise foi du titulaire d’un dessin ou modèle communautaire contesté dans le cadre d’une demande en nullité introduite en raison de l’absence de caractère individuel d’un tel dessin ou modèle constitue une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, d’une part, la mauvaise foi du titulaire d’un dessin ou modèle communautaire serait un argument souvent invoqué dans ce contexte. D’autre part, les « enregistrements de mauvaise foi » de dessins ou modèles communautaires étant fréquemment utilisés par les contrefacteurs pour donner une apparence de légalité à leurs contrefaçons, ces enregistrements auraient une incidence grave sur le marché intérieur, car ils compromettraient la lutte des services de douane et de police des États membres de l’Union contre les marchandises contrefaites.

 Appréciation de la Cour

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par la requérante doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que la requérante met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

14      En effet, une demande d’admission ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et du 9 janvier 2024, Yala Türk/EUIPO, C‑611/23 P, EU:C:2024:3, point 13).

15      En l’occurrence, s’agissant de l’argumentation exposée aux points 7 à 9 de la présente ordonnance, portant sur la nécessité de prendre en compte la mauvaise foi du titulaire du dessin ou modèle communautaire contesté, il convient de relever que, dans sa demande d’admission du pourvoi, la requérante n’énonce pas les moyens de son pourvoi et que, si elle invoque une erreur prétendument commise par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle n’identifie pas, de manière précise, les points de l’arrêt qu’elle entend remettre en cause (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juin 2022, Lück/EUIPO, C‑145/22 P, EU:C:2022:487, point 17).

16      En outre, il importe de rappeler que l’admission d’un pourvoi est subordonnée au respect de conditions spécifiques consistant, pour le requérant au pourvoi, à démontrer, notamment, que, indépendamment des questions de droit invoquées dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, cette démonstration impliquant elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (voir, en ce sens, ordonnance du 17 juillet 2023, Canai Technology/EUIPO, C‑280/23 P, EU:C:2023:596, point 16 et jurisprudence citée).

17      Or, si, par l’argumentation résumée aux points 7 à 9 de la présente ordonnance, la requérante affirme qu’il y a lieu d’admettre son pourvoi aux fins d’assurer l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union, il doit être souligné qu’elle n’expose pas les raisons concrètes pour lesquelles l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi, seuls des arguments d’ordre général étant avancés à cet égard. En effet, dans sa demande, elle se borne à affirmer, d’une part, que la mauvaise foi du titulaire d’un dessin ou modèle communautaire est un argument fréquemment invoqué dans les procédures en nullité des dessins et modèles communautaires et, d’autre part, que les enregistrements de dessins ou modèles communautaires dont le titulaire est de mauvaise foi ont une incidence grave sur le marché intérieur, car ils compromettent la lutte contre la contrefaçon.

18      Dès lors, force est de constater que la requérante n’a pas respecté l’ensemble des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance.

19      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Cayago Tec GmbH supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.