Language of document : ECLI:EU:T:2016:8

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 janvier 2016 (*) (1)

« Agriculture – Restitution à l’exportation – Viande de volaille – Règlement d’exécution fixant la restitution à 0 euro – Recours en annulation – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Affectation directe – Recevabilité – Article 3, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 182/2011 – Obligation de motivation – Article 164, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 1234/2007 – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑397/13,

Tilly-Sabco, établie à Guerlesquin (France), représentée par Mes R. Milchior, F. Le Roquais et S. Charbonnel, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Doux SA, établie à Châteaulin (France), représentée par Me J. Vogel, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Bianchi et Mme K. Skelly, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) n° 689/2013 de la Commission, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 196, p. 13),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Tilly-Sabco, est une société active notamment dans l’exportation de poulets entiers congelés vers les pays du Moyen-Orient.

2        Par le présent recours, la requérante demande l’annulation d’un acte adopté par la Commission européenne, par lequel cette dernière a fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille pour trois catégories de poulets entiers congelés.

3        Les principes gouvernant les restitutions à l’exportation sont régis par le règlement (CE) n° 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO L 299, p. 1), tel que modifié.

4        Le chapitre III, « Exportations », de la partie III, « Échanges avec les pays tiers », du règlement n° 1234/2007 comprend une section II, « Restitutions à l’exportation », consacrée auxdites restitutions. L’article 162 de ce règlement dispose que, dans la mesure requise pour permettre la réalisation des exportations sur la base des cours ou des prix du marché mondial et dans les limites découlant des accords conclus conformément à l’article 218 TFUE, la différence entre ces cours ou ces prix et les prix de l’Union européenne peut être couverte par une restitution à l’exportation pour les produits relevant, notamment, du secteur de la viande de volaille.

5        Selon l’article 164, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007, les restitutions à l’exportation sont les mêmes pour toute l’Union. Selon le paragraphe 2 de ce même article, les restitutions sont fixées par la Commission et peuvent l’être de façon périodique ou, pour certains produits, par voie d’adjudication. Ce paragraphe prévoit également que, sauf dans les cas de fixation par voie d’adjudication, la liste des produits pour lesquels il est accordé une restitution à l’exportation et le montant de cette restitution sont fixés au moins une fois tous les trois mois.

6        L’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 est libellé comme suit :

« Lors de la fixation des restitutions applicables à un produit donné, il est tenu compte d’un ou de plusieurs des éléments suivants :

a)      la situation actuelle et les perspectives d’évolution en ce qui concerne :

–        les prix du produit considéré et sa disponibilité sur le marché communautaire,

–        les prix du produit considéré sur le marché mondial ;

b)      les objectifs de l’organisation commune des marchés, qui consistent à assurer à ces marchés une situation équilibrée et un développement naturel sur le plan du prix et des échanges ;

c)      la nécessité d’éviter des perturbations susceptibles d’entraîner un déséquilibre prolongé entre l’offre et la demande sur le marché communautaire ;

d)      l’aspect économique des exportations envisagées ;

e)      les limites découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE] ;

f)      la nécessité d’instaurer un équilibre entre l’utilisation des produits de base communautaires dans la fabrication de produits transformés destinés à l’exportation vers des pays tiers et l’utilisation de produits originaires de pays tiers, admis au titre du régime de perfectionnement ;

g)      les frais de commercialisation et les frais de transport les plus favorables à partir des marchés de la Communauté jusqu’aux ports ou autres lieux d’exportation de la Communauté, ainsi que les frais d’acheminement jusqu’aux pays de destination ;

h)      la demande sur le marché communautaire ;

i)      en ce qui concerne les secteurs de la viande porcine, des œufs et de la viande de volaille, la différence entre les prix dans la Communauté et les prix sur le marché mondial pour la quantité de céréales fourragères nécessaire à la production dans la Communauté des produits de ces secteurs. »

7        Conformément à ces règles, la Commission a fixé périodiquement, par le biais de règlements d’exécution, le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille.

8        Depuis l’adoption du règlement (CE) n° 525/2010 de la Commission, du 17 juin 2010, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 152, p. 5), le montant de ces restitutions a fait l’objet d’une baisse progressive, en ce qui concerne trois catégories de poulets congelés. Le montant des restitutions à l’exportation a d’abord été ramené de 40 euros/100 kg à 32,50 euros/100 kg. Ce dernier montant, après avoir été maintenu par huit règlements d’exécution successifs, a ensuite été abaissé à 21,70 euros/100 kg en vertu du règlement d’exécution (UE) n° 962/2012 de la Commission, du 18 octobre 2012, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 288, p. 6).

9        Une nouvelle réduction, portant le montant des restitutions à 10,85 euros/100 kg pour les trois catégories de poulets congelés en question, a été opérée par le règlement d’exécution (UE) n° 33/2013 de la Commission, du 17 janvier 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 14, p. 15). Ce montant a ensuite été maintenu par le règlement d’exécution (UE) n° 360/2013 de la Commission, du 18 avril 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 109, p. 27).

10      Par le règlement d’exécution (UE) n° 689/2013, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 196, p. 13, ci-après le « règlement attaqué »), la Commission a notamment fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation pour trois catégories de poulets congelés, dont les codes sont 0207 12 10 9900, 0207 12 90 9190 et 0207 12 90 9990.

11      Le montant des restitutions pour les six autres produits – essentiellement des poussins – repris dans l’annexe du règlement attaqué, qui avait été fixé à zéro par le règlement d’exécution (UE) n° 1056/2011 de la Commission, du 20 octobre 2011, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 276, p. 31), n’a pas été modifié.

12      Selon l’annexe du règlement attaqué, les destinations concernées par les restitutions à l’exportation sont notamment des pays du Moyen-Orient.

13      Le règlement attaqué a en outre abrogé le règlement n° 360/2013, qui fixait jusqu’alors le niveau des restitutions pour le secteur en cause.

14      Les considérants 1 à 3 du règlement attaqué sont libellés comme suit :

« (1)      Conformément à l’article 162, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1234/2007, la différence entre les prix des produits visés à la partie XX de l’annexe I de ce règlement sur le marché mondial et les prix dans l’Union peut être couverte par une restitution à l’exportation.

(2)      Compte tenu de la situation actuellement observée sur le marché de la viande de volaille, des restitutions à l’exportation devraient être fixées conformément aux règles et critères prévus aux articles 162, 163, 164, 167 et 169 du règlement (CE) n° 1234/2007.

(3)      L’article 164, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1234/2007 prévoit que la restitution peut être différenciée selon la destination, notamment lorsque la situation du marché mondial, les besoins spécifiques de certains marchés ou les obligations découlant des accords conclus conformément à l’article [218 TFUE] l’exigent. »

15      Le règlement attaqué a été signé par le directeur général de la direction générale (DG) de l’agriculture et du développement rural.

16      Le projet du règlement attaqué a été présenté et soumis au vote lors de la réunion du 18 juillet 2013 du comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles, visé à l’article 195, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007 (ci-après le « comité de gestion »).

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2013, la requérante a introduit le présent recours.

18      Par acte séparé, déposé le même jour au greffe du Tribunal, la requérante a introduit une demande en référé dans laquelle elle concluait, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution du règlement attaqué, jusqu’à l’adoption de la décision mettant fin au litige principal. Par ordonnance du 29 août 2013, le président du Tribunal a admis la République française à intervenir dans l’affaire en référé au soutien des conclusions de la requérante. Le président du Tribunal a rejeté la demande en référé par l’ordonnance du 26 septembre 2013, Tilly-Sabco/Commission (T‑397/13 R, EU:T:2013:502), et les dépens ont été réservés.

19      Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 15 novembre 2013, Doux SA, une société également active notamment dans l’exportation de poulets entiers congelés de l’Union vers les pays du Moyen-Orient, a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante dans le litige au principal. Par ordonnance du 7 avril 2014, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

20      La requérante a demandé que certains éléments confidentiels contenus dans le mémoire en réplique ainsi que dans ses annexes soient exclus de la communication à la partie intervenante. La communication à la partie intervenante desdits écrits et annexes a été limitée aux versions non confidentielles produites par la requérante. La partie intervenante n’a pas soulevé d’objections à ce sujet.

21      L’intervenante a déposé son mémoire en intervention dans le délai imparti et la Commission a présenté ses observations sur celui-ci également dans le délai imparti. La requérante n’a pas déposé d’observations sur ce mémoire dans le délai imparti.

22      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, invité les parties à répondre par écrit à des questions et demandé à la Commission de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation contre le règlement attaqué introduit par la requérante recevable ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        réserver les dépens.

 En droit

26      À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation des formes substantielles et d’un détournement de procédure, le deuxième, d’un vice de procédure et d’incompétence, le troisième, d’une absence de motivation, le quatrième, d’une violation de la loi ou d’une erreur manifeste d’appréciation et, le cinquième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

27      La Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, fait valoir que le recours est irrecevable. Elle estime que la requérante n’a pas qualité pour agir, car, selon elle, les conditions prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne sont pas remplies.

I –  Sur la recevabilité

28      La requérante, soutenue par l’intervenante, fait valoir que le règlement attaqué constitue un acte réglementaire qui la concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution, conformément à la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. À titre subsidiaire, elle fait valoir qu’elle est concernée directement et individuellement par le règlement attaqué, au sens de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

29      Il convient de commencer par examiner si le règlement attaqué constitue un acte réglementaire qui concerne directement la requérante et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

A –  Sur l’existence d’un acte réglementaire

30      S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si le règlement attaqué constitue un acte réglementaire au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a lieu de rappeler que la notion d’acte réglementaire au sens de cette disposition doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs [arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, point 61 ; ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, Rec, EU:T:2011:419, point 56, et arrêt du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec, EU:T:2011:623, point 21].

31      Ainsi que la requérante le souligne à juste titre, un acte a une portée générale, s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite [ordonnance du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑503/07 P, Rec, EU:C:2008:207, point 71, et arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 30 supra, EU:T:2011:623, point 23]. En l’espèce, il y a lieu de relever que le règlement attaqué a une portée générale, car il a pour objet de fixer le montant des restitutions à l’exportation qui s’appliquent à une catégorie d’opérateurs envisagées de manière générale et abstraite, à savoir à tous les opérateurs exportant les produits en cause vers les pays concernés par ledit règlement.

32      Étant donné que le règlement attaqué n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, Rec, EU:T:2012:273, point 44), il constitue un acte réglementaire au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

33      La Commission concède d’ailleurs que le règlement attaqué est un acte réglementaire.

B –  Sur l’affectation directe de la requérante

34      Il n’y a aucune raison d’interpréter la notion d’affectation directe, telle qu’elle est requise s’agissant des actes réglementaires dans le cadre de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, d’une manière autre que celle dont cette notion est interprétée dans le cadre de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir s’agissant des actes qui concernent « directement et individuellement » une personne physique ou morale (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:204, point 59).

35      La condition d’affectation directe exige, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée sans application d’autres règles intermédiaires [voir arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 30 supra, EU:T:2011:623, point 27 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, le règlement attaqué produit un effet juridique directement sur la requérante, en ce sens qu’elle ne peut plus bénéficier de restitutions à l’exportation d’un montant positif pour ses exportations de poulets entiers congelés vers les pays du Moyen-Orient. Le montant des restitutions à l’exportation ayant été fixé à zéro par le règlement attaqué, celui-ci ne laisse aucune marge d’appréciation à cet égard aux autorités nationales chargées d’allouer les restitutions. Même si une restitution à l’exportation était accordée par une autorité nationale, celle-ci serait automatiquement d’un montant égal à zéro, dans la mesure où le règlement attaqué ne laisse aucune marge d’appréciation aux autorités nationales leur permettant de fixer une restitution à l’exportation d’un montant positif.

37      La requérante est donc directement affectée par le règlement attaqué.

38      La Commission a d’ailleurs confirmé, en réponse à une question posée à cet égard lors de l’audience, qu’elle ne contestait pas l’affectation directe de la requérante, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

C –  Sur l’existence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution

39      La notion d’actes réglementaires ne comportant pas de mesures d’exécution, au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier ne soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours direct devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles-ci dans le cadre des procédures ouvertes à son encontre devant les juridictions nationales (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 27).

40      La Cour a également précisé que, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (arrêt Telefónica/Commission, point 39 supra, EU:C:2013:852, point 28).

41      Aux fins d’apprécier le point de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables. En outre, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours (arrêt Telefónica/Commission, point 39 supra, EU:C:2013:852, points 30 et 31).

42      S’il ressort de la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus que la notion d’actes réglementaires ne comportant pas de mesures d’exécution doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition, qui est de garantir une protection juridictionnelle effective, cela ne signifie cependant pas qu’il y a lieu d’examiner cette notion exclusivement à la lumière de cet objectif. En effet, il n’est pas possible de se prononcer sur un critère objectif de recevabilité, à savoir la condition d’existence d’un acte réglementaire qui comporte des mesures d’exécution, en répondant uniquement à la question de savoir si le requérant dispose d’une protection juridictionnelle effective.

43      Eu égard au libellé de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a également lieu d’examiner si l’acte réglementaire en cause « comporte » des mesures pour sa mise en œuvre. Cela signifie que peuvent seulement constituer des mesures d’exécution au sens de cette disposition des mesures que les organes ou organismes de l’Union ou les autorités nationales adoptent dans le cours normal des affaires. Si, dans le cours normal des affaires, les organes ou organismes de l’Union et les autorités nationales n’adoptent aucune mesure pour mettre en œuvre l’acte réglementaire et pour concrétiser ses conséquences pour chacun des opérateurs concernés, cet acte réglementaire ne « comporte » pas de mesures d’exécution.

44      Il convient de souligner que, selon le libellé de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il ne suffit pas que l’acte réglementaire « puisse comporter » des mesures d’exécution, mais il est nécessaire qu’il « comporte » des mesures d’exécution.

45      Les libellés de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dans d’autres versions linguistiques du traité FUE que la version française, telles que la version anglaise (does not entail implementing measures) ou la version allemande (keine Durchführungsmaßnahmen nach sich ziehen), confirment qu’il doit s’agir de mesures qui suivent naturellement l’acte réglementaire. Il n’est pas suffisant qu’un opérateur ait la possibilité d’obliger, de manière artificielle, l’administration à adopter une mesure susceptible de recours, car une telle mesure ne constitue pas une mesure que l’acte réglementaire « comporte ».

46      Il y a donc lieu d’examiner si, dans le cours normal des affaires, des mesures seront adoptées par des autorités afin de mettre en œuvre le règlement attaqué.

47      Selon l’article 167, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007, une restitution à l’exportation n’est accordée que sur demande et sur présentation d’un certificat d’exportation. L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 612/2009 de la Commission, du 7 juillet 2009, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 186, p. 1), prévoit que, sauf en ce qui concerne les exportations de marchandises, le droit à la restitution est subordonné à la présentation d’un certificat d’exportation comportant fixation à l’avance de la restitution. Ainsi que le souligne la Commission, la demande doit être introduite auprès des autorités nationales et le certificat d’exportation comportant fixation à l’avance de la restitution est également délivré par les autorités nationales.

48      Par ailleurs, selon l’article 46, paragraphe 1, du règlement n° 612/2009, la restitution n’est payée que, sur demande spécifique de l’exportateur, par l’État membre dans le territoire duquel la déclaration d’exportation a été acceptée.

49      Il convient en outre de relever que, selon l’article 1er, paragraphe 2, sous b), ii), du règlement (CE) n° 376/2008 de la Commission, du 23 avril 2008, portant modalités communes d’application du régime des certificats d’importation, d’exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 114, p. 3), un certificat est présenté en cas d’exportation pour « les produits visés à l’article 162, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1234/2007, pour lesquels une restitution à l’exportation, même nulle, ou une taxe à l’exportation a été établie ».

50      En outre, selon l’article 1er, paragraphe 4, du règlement n° 376/2008, « [a]ux fins du régime de certificats d’exportation et de préfixation visé au paragraphe 1, lorsqu’une restitution a été fixée pour des produits non énumérés à l’annexe II, partie II, et qu’un opérateur ne demande pas à bénéficier de cette restitution, l’opérateur concerné n’est pas tenu de présenter un certificat pour l’exportation des produits considérés ».

51      En l’espèce, il est constant entre les parties qu’il n’y avait aucune obligation d’obtenir un certificat d’exportation pour les produits en cause afin de pouvoir les exporter sans bénéficier de restitutions à l’exportation.

52      La Commission affirme que, même en cas de fixation du montant des restitutions à l’exportation à zéro par un règlement, « nul n’empêche » un opérateur d’introduire une demande de délivrance d’un certificat d’exportation, car, avec la délivrance d’un certificat d’exportation, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement n° 376/2008, le droit d’exporter serait fixé, mettant à l’abri l’opérateur de tout risque au cas où l’Union déciderait d’imposer un droit additionnel, une interdiction d’exporter ou toute autre mesure similaire.

53      Cependant, la question pertinente pour déterminer si le règlement attaqué « comporte » des mesures d’exécution n’est pas celle de savoir si rien n’empêche les opérateurs concernés de demander un certificat d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation, mais celle de savoir si, dans le cours normal des affaires, des opérateurs déposeront de telles demandes.

54      À cet égard, il convient de relever que, étant donné que l’obtention d’un certificat d’exportation n’est pas obligatoire et que les restitutions à l’exportation qui peuvent être fixées seront de toute façon d’un montant égal à zéro, dans le cours normal des affaires, les opérateurs concernés n’introduiront pas de demandes de certificats à l’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation auprès des autorités nationales.

55      C’est à juste titre que la requérante souligne, dans la réplique, que le risque d’instauration d’une taxe à l’exportation, voire d’une interdiction d’exportation entre la date de demande de certificat d’exportation et l’exportation proprement dite, était théorique en 2013 dans le secteur en cause. En effet, étant donné que les produits en cause avaient bénéficié, jusqu’à l’adoption du règlement attaqué, de restitutions à l’exportation d’un montant positif, il n’était pas envisageable que, dans un proche avenir, la Commission instaure une taxe à l’exportation ou même une interdiction d’exporter. La Commission n’affirme d’ailleurs pas qu’un tel risque existait.

56      Par ailleurs, la Commission concède que, dans le secteur de la volaille, il n’y a pas eu de demandes de certificats d’exportation après la fixation des restitutions à zéro par le règlement attaqué.

57      Dans la mesure où la Commission souligne que, dans les secteurs des céréales et du sucre, il y a eu des demandes de certificats d’exportation malgré la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, il convient de relever qu’elle Commission ne fournit aucun détail permettant d’évaluer les raisons pour lesquelles des opérateurs dans d’autres secteurs ont introduit de telles demandes et d’évaluer si la situation dans le secteur de la viande de volaille était comparable. La Commission a d’ailleurs concédé, lors de l’audience, qu’il n’existait pas d’exemples récents d’une telle pratique.

58      En raison de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, par le règlement attaqué, et en l’absence d’obligation de présenter un certificat d’exportation pour pouvoir exporter les produits en cause, dans le cours normal des affaires, aucune demande de certificats d’exportation ne sera présentée auprès des autorités nationales. En l’absence de demandes de certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation, les autorités nationales n’adopteront aucune mesure afin de mettre en œuvre le règlement attaqué. Celles-ci n’adopteront donc pas, dans le cours normal des affaires, de telles mesures. Il n’existera donc aucune mesure concrétisant les conséquences qu’a le règlement attaqué à l’égard des divers opérateurs concernés.

59      Il serait artificiel de considérer que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution au seul motif que les opérateurs peuvent introduire des demandes de certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation et ainsi obliger les autorités nationales à adopter des mesures en exécution du règlement attaqué, à savoir l’octroi de restitutions à l’exportation d’un montant égal à zéro. En effet, les opérateurs n’ont aucune raison de procéder ainsi et ils ne le feront donc pas dans le cours normal des affaires.

60      La Commission admet qu’il pourrait sembler excessif d’exiger d’un opérateur qu’il dépose une demande de certificat d’exportation à la seule fin d’obtenir l’accès à un juge. Elle concède également, en réponse à une question écrite posée à cet égard par le Tribunal, que, « dans une certaine mesure », une fixation du montant des restitutions à l’exportation à zéro dans un règlement constitue un acte qui, dans le cours normal des affaires, n’entraînera l’adoption d’aucun acte par une autorité pour sa mise en œuvre, car un opérateur n’a a priori besoin d’aucun acte pour pouvoir exporter sans restitutions.

61      La Commission estime néanmoins que, dans le cas d’espèce, l’acte d’exécution, qui ne serait normalement pas demandé, aurait bien pu l’être justement afin d’obtenir accès à la justice. Elle considère que la requérante aurait pu demander un certificat d’exportation qui aurait donné droit à une restitution à l’exportation d’un montant de 0 euro et qu’elle aurait pu, après avoir apporté la preuve de l’exportation des produits mentionnés dans le certificat, contester devant le juge national l’octroi d’une restitution d’un montant égal à zéro, en invoquant la prétendue illégalité du règlement attaqué.

62      Cependant, c’est justement le fait qu’une demande soit déposée auprès d’une autorité nationale à la seule fin de pouvoir obtenir accès à la justice qui implique que cette demande ne sera pas déposée dans le cours normal des affaires. L’autorité nationale n’ayant d’autre choix que de fixer le montant des restitutions à zéro, un exportateur ne peut avoir aucun intérêt à obtenir une fixation des restitutions par l’autorité nationale dans ces conditions, sauf pour obtenir, de manière « artificielle », l’adoption d’un acte pouvant faire l’objet d’un recours.

63      Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué ne « comporte » pas de mesures d’exécution.

64      Ce résultat n’est pas remis en cause par l’argument de la Commission selon lequel il serait paradoxal de faire dépendre la recevabilité d’un recours du niveau des restitutions et de considérer que, en cas de fixation du montant des restitutions à zéro, le règlement ne comporte pas de mesures d’exécution alors que, en cas de fixation à un niveau supérieur à zéro, l’acte attaquable est celui d’exécution au niveau national.

65      En effet, la question de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution doit être examinée en tenant compte de toutes les circonstances du cas d’espèce. Il convient de rappeler que, aux fins d’apprécier le point de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours (voir point 41 ci-dessus). Il est donc possible qu’un même règlement puisse être contesté par certains opérateurs devant le Tribunal, car il les concerne directement et ne comporte pas de mesures d’exécution à l’égard de ceux-ci, tandis qu’il comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres opérateurs. À plus forte raison, il n’est pas exclu qu’un règlement fixant à zéro le montant de restitutions ne comporte pas de mesures d’exécution, tandis qu’un règlement « similaire » fixant des restitutions à un montant positif en comporte.

66      Il n’est donc pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des arguments de la requérante selon lesquels, même si elle avait demandé un certificat d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation, elle n’aurait en tout état de cause pas pu contester devant le juge national l’acte adopté sur le plan national octroyant des restitutions à l’exportation d’un montant égal à zéro.

67      Il n’est pas davantage nécessaire d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels elle est individuellement concernée par le règlement attaqué.

68      Il résulte de tout ce qui précède que le recours est recevable, car le règlement attaqué est un acte réglementaire qui concerne directement la requérante et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

II –  Sur le fond

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation des formes substantielles et d’un détournement de procédure

69      Le premier moyen se divise en deux branches. La première est tirée du non-respect de la procédure prévue par le règlement (UE) n° 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO L 55, p. 13), et, la deuxième, d’une contradiction entre la procédure adoptée et les visas que comporte le texte en cause.

1.     Sur la première branche, tirée du non-respect de la procédure prévue par le règlement n° 182/2011

70      La requérante, soutenue par l’intervenante, considère que, en présentant le projet du règlement attaqué seulement au cours de la réunion du comité de gestion, la Commission n’a pas respecté les règles prévues par l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011. La Commission n’aurait pas donné aux membres du comité de gestion tous les éléments qui leur auraient offert « de réelles possibilités, à un stade précoce, d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion », au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011.

71      La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante.

72      Il convient de relever, tout d’abord, que la requérante a initialement indiqué que le premier moyen était dans son intégralité tiré d’un détournement de procédure.

73      Cependant, par la première branche du premier moyen, la requérante soulève en substance une violation des formes substantielles, en ce que la Commission n’aurait pas respecté, lors de la consultation du comité de gestion, la procédure prévue à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011. Lors de l’audience, la requérante a confirmé que la première branche du premier moyen était en réalité tirée d’une violation des formes substantielles, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience.

a)     Sur la violation alléguée de dispositions procédurales

74      Selon l’article 195 du règlement n° 1234/2007, la Commission est assistée par le comité de gestion. Selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement n° 182/2011, le comité est composé de représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission.

75      L’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011 est libellé de la manière suivante :

« Le président soumet au comité le projet d’acte d’exécution à adopter par la Commission.

Sauf dans des cas dûment justifiés, le président convoque une réunion au moins quatorze jours à compter de la soumission du projet d’acte d’exécution et du projet d’ordre du jour au comité. Le comité émet son avis sur le projet d’acte d’exécution dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question. Les délais sont proportionnés et donnent aux membres du comité de réelles possibilités, à un stade précoce, d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion. »

76      Ainsi que la Commission l’a expliqué, la procédure de consultation du comité de gestion s’est déroulée de la manière suivante. Le 16 juillet, à savoir deux jours avant la réunion du comité de gestion, la Commission a envoyé par courriel aux membres du comité de gestion un document intitulé « EU Market situation for poultry » (Situation du marché avicole de l’Union, ci-après le « document soumis au comité de gestion »).

77      Au cours de la matinée où s’est tenue la réunion du comité de gestion du 18 juillet 2013, la Commission a présenté la situation du marché avicole. Dans l’après-midi où cette réunion s’est poursuivie, après 13 heures, la Commission a présenté au comité de gestion le projet du règlement attaqué. Il s’agissait d’un règlement standard dans lequel seuls les chiffres avaient été mis à jour. Plus particulièrement, il s’agissait d’une photocopie du règlement antérieur fixant les restitutions à l’exportation dans lequel les mentions relatives aux montants des restitutions avaient été barrées au crayon.

78      Le projet du règlement attaqué a ensuite été soumis au vote. Le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural a accompli les formalités d’auto-certification le même jour, à 15 heures 46, afin de permettre une publication du règlement attaqué le lendemain au Journal officiel, pour une entrée en vigueur et une application immédiates.

79      La Commission a en outre expliqué qu’elle suivait cette pratique pour la fixation des restitutions à l’exportation depuis 1962.

80      De plus, elle a relevé que la procédure et les délais n’avaient fait l’objet d’aucune contestation de la part des États membres dans le cas d’espèce.

81      La Commission affirme que les raisons subjacentes de cette pratique sont d’éviter des fuites, des perturbations du marché et des spéculations mettant en péril les intérêts financiers de l’Union. Elle relève que la distribution du projet de mesures après 13 heures se justifie par le fait que, sur la base de l’article 16 du règlement n° 376/2008, aucune demande de certificat valable pour le même jour ne peut être déposée après 13 heures. La Commission considère que ces modalités sont absolument essentielles et que le fait de connaître par anticipation une éventuelle baisse du montant des restitutions permettrait aux opérateurs, à travers la fixation à l’avance des restitutions, de gagner des sommes énormes, fruits de la pure spéculation, et ce au détriment du budget de l’Union, en entraînant en outre de fortes perturbations des marchés. La Commission fait également valoir que les opérateurs sont informés des mesures avant leur publication par les différents organismes professionnels qui prennent contact avec leurs administrations nationales.

82      La requérante considère que les arguments soulevés par la Commission ne justifient pas la présentation du projet du règlement attaqué seulement en cours de réunion et qu’il ne saurait être présumé qu’il existait un risque de fuites.

83      Il y a donc lieu d’examiner si la manière dont la Commission a procédé lors de l’adoption du règlement attaqué est conforme aux règles prévues à l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011.

84      Il convient de commencer par examiner la question de savoir si le règlement n° 182/2011 permet, en principe, qu’un projet de règlement puisse être présenté au comité de gestion en cours de séance.

85      L’article 3, paragraphe 3, second alinéa, première phrase, du règlement n° 182/2011 prévoit un délai d’au moins quatorze jours entre la date de soumission du projet d’acte d’exécution et la date de réunion du comité de gestion, qui doit être respecté « [s]auf dans des cas dûment justifiés ».

86      Il est donc possible de déroger à la règle de présentation des projets de règlement quatorze jours avant la date de la réunion du comité de gestion, sans que le règlement n° 182/2011 prévoie un délai minimal devant être respecté. En raison des termes « [s]auf dans des cas dûment justifiés », qui figurent au début de la première phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011, cette première phrase ne s’oppose pas à une présentation d’un projet de règlement en cours de séance.

87      La deuxième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011 prévoit que le comité de gestion émet son avis sur le projet d’acte d’exécution « dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question ». La requérante a en substance affirmé, lors de l’audience, qu’il résultait de cette formulation qu’un délai devait toujours exister et que celui-ci ne pouvait pas être nul, de sorte qu’une présentation du projet du règlement à adopter en cours de séance serait exclue.

88      À cet égard, la Commission a souligné à juste titre, lors de l’audience, que, même en cas de présentation du projet à adopter en cours de séance, les membres du comité de gestion disposaient toujours d’« un moment » pour examiner le texte. En effet, même en cas de présentation d’un projet de règlement en cours de séance, le vote n’a pas lieu concomitamment avec la présentation du projet, mais toujours à l’issue d’un certain laps de temps, de quelques minutes ou de quelques quarts d’heures au moins. La présentation en cours de réunion ne signifie donc pas qu’il y a un délai nul pour l’avis du comité de gestion.

89      La troisième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011, selon laquelle les « délais sont proportionnés et donnent aux membres du comité de réelles possibilités, à un stade précoce, d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion », ne s’oppose pas davantage à une présentation du projet de règlement en cours de séance. En effet, lorsqu’un délai de quelques minutes ou, selon le cas, de quelques quarts d’heures entre la soumission du projet de règlement au comité de gestion et le passage au vote est suffisant afin de donner aux membres du comité de réelles possibilités d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion, un tel délai peut être « proportionné » au sens de la troisième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011.

90      La formulation selon laquelle les membres du comité de gestion doivent avoir la possibilité d’examiner le projet « à un stade précoce » doit être lue à la lumière du fait que le délai doit, selon la même disposition, être « proportionné ». La formulation « à un stade précoce » ne signifie pas nécessairement que le projet de règlement doit être soumis au comité de gestion avant la date de la réunion. Lorsqu’un délai de quelques minutes ou, selon le cas, de quelques quarts d’heures est « proportionné », au regard des circonstances, cette présentation doit être considérée comme une présentation ayant été effectuée « à un stade précoce » au sens de la troisième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011.

91      Il résulte de ce qui précède que l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011 ne s’oppose pas, en principe, à une présentation d’un projet de règlement en cours de réunion.

92      Il y a donc lieu d’examiner s’il existait, pour l’adoption du règlement attaqué, une justification suffisante qui permettait de ne pas respecter le délai de quatorze jours qui doit être respecté, « [s]auf dans des cas dûment justifiés », et si la présentation au cours de la réunion du comité de gestion a en l’espèce donné aux membres du comité de gestion de réelles possibilités d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion.

93      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la Commission a envoyé aux membres du comité de gestion par courriel, deux jours avant la date de la réunion, le document soumis au comité de gestion, à savoir une présentation concernant la situation du marché avicole. Ce document, qui a été produit par la requérante en annexe à la requête, a permis aux États membres de s’informer sur la situation du marché et de se faire leur propre opinion sur celle-ci. Au vu du contenu de ce document, le laps de temps entre l’envoi de ce dernier et la date de la réunion était suffisant pour permettre aux membres du comité de gestion de prendre utilement connaissance des éléments y figurant, de se forger une opinion sur la situation du marché et de préparer d’éventuelles questions à poser à la Commission à ce sujet lors de la réunion du comité de gestion. Il convient de relever que l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011 ne prévoit pas de délai particulier pour l’envoi de tels documents. En effet, le délai de quatorze jours prévu à la première phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011 concerne seulement la soumission du projet d’acte d’exécution et du projet d’ordre du jour.

94      Il convient en outre de relever qu’il résulte de l’annexe 9 de la requête que l’invitation et l’ordre du jour relatifs à la réunion du comité de gestion du 18 juillet 2013 datent du 3 juillet 2013. La requérante n’affirme pas que le délai de quatorze jours entre la date de soumission du projet d’ordre du jour et la date de la réunion du comité de gestion, prévu à la première phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011, n’a pas été respecté en l’espèce.

95      Les membres du comité de gestion savaient, dès la réception de l’ordre du jour du comité de gestion, que serait présentée, au cours de la matinée de la réunion, la situation du marché de la viande de volaille et des œufs et que, après 13 heures, le comité de gestion serait invité à donner son avis sur un projet de règlement fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille. Cette circonstance a laissé suffisamment de temps aux membres du comité de gestion, s’ils le souhaitaient, pour prendre contact avec des opérateurs concernés ou avec des organismes professionnels, afin de les interroger concernant leur avis relatif à la situation du marché et sur le montant des restitutions à l’exportation qu’ils considéraient comme étant adéquat, ou de s’informer au moyen de sources publiquement accessibles sur la situation du marché.

96      Ensuite, la présentation de la Commission concernant la situation du marché, lors de la matinée de la réunion du comité de gestion du 18 juillet 2013, a donné aux États membres la possibilité d’avoir un échange de vues et de demander à la Commission toutes les clarifications souhaitées sur la situation du marché.

97      Enfin, la Commission a présenté le projet du règlement attaqué dans l’après-midi de cette réunion. En ce qui concerne ce projet, il convient de rappeler qu’il s’agissait d’un règlement standard dans lequel seuls les chiffres avaient été mis à jour (voir point 77 ci-dessus). Il ressort de l’annexe 10 de la requête que le projet du règlement attaqué tel que soumis au comité de gestion était une photocopie du règlement antérieur, dans laquelle les nouveaux montants de restitutions proposés avaient été ajoutés à la main. Il ressort en outre de ce document que, à part la mise à jour du montant des restitutions, seules des modifications purement formelles ont été effectuées, telles que la mise à jour de la date et du numéro du règlement.

98      La seule information qui a été ajoutée dans l’après-midi de la réunion du 18 juillet 2013, en plus de celles dont avaient connaissance les membres du comité de gestion, était donc le montant exact des restitutions proposé par la Commission. Il n’était donc pas nécessaire que le délai fixé par le président du comité de gestion soit suffisant pour étudier le texte du règlement, mais seulement pour prendre connaissance du fait que le montant proposé par la Commission était de zéro et de se forger un avis sur cette proposition.

99      Au vu de la circonstance que les membres du comité de gestion ont disposé de suffisamment de temps, avant la date de la réunion, pour se forger une opinion sur la situation du marché, et que la situation du marché avait en outre été présentée lors de la matinée de la réunion, ils ont été en mesure de donner tout de suite un avis sur la proposition de la Commission de fixer à zéro le montant des restitutions.

100    En outre, rien n’empêchait les États membres de demander des explications additionnelles à la Commission et de l’inviter à justifier de manière plus détaillée sa proposition de fixer à zéro le montant des restitutions à l’exportation. Les États membres ont également eu la possibilité de prendre la parole pour expliquer aux autres membres du comité de gestion qu’ils considéraient que cette fixation à zéro n’était pas justifiée au regard de la situation du marché. La requérante n’affirme pas qu’un membre du comité de gestion a souhaité contribuer au débat et qu’il en a été empêché au motif qu’il n’y avait pas suffisamment de temps. La Commission, quant à elle, souligne qu’elle n’a pas contingenté le temps de parole des États membres et qu’elle a, comme d’habitude, fourni une réponse à toutes les questions posées.

101    Il y a en outre lieu de relever que, ainsi que l’a expliqué la Commission, sans être contredite sur ce point par la requérante, aucun membre du comité de gestion n’a soulevé d’objection en ce qui concerne la présentation du projet du règlement attaqué seulement en cours de réunion ni en ce qui concerne le délai entre la présentation du projet du règlement attaqué et sa mise au vote.

102    Lors de l’audience, la requérante a affirmé que, lorsque les États membres ont reçu les éléments sur la situation du marché deux jours avant la réunion du comité de gestion, ils auraient pu considérer que, compte tenu de l’évolution du marché, la Commission proposerait de maintenir le montant des restitutions à l’exportation au même niveau que dans le règlement antérieur. Selon la requérante, l’ajout du chiffre zéro lors de la réunion du comité de gestion aurait tout changé.

103    À cet égard, il convient de relever que, si un membre du comité de gestion considère, eu égard à la présentation de la situation du marché communiquée deux jours avant la date de la réunion, que l’évolution de la situation du marché ne donne pas lieu à une modification du montant des restitutions à l’exportation, et qu’il apprend dans l’après-midi de la réunion du comité de gestion que la Commission propose de fixer à zéro le montant des restitutions, il a la possibilité, en vertu de l’article 3, paragraphe 4 du règlement n° 182/2011, de proposer des modifications et, notamment, de laisser inchangé le montant des restitutions fixé par le règlement antérieur.

104    Si la requérante affirme que les États membres n’ont pas eu le temps de se coordonner, elle n’affirme pas qu’un État membre s’est opposé à une soumission du projet du règlement attaqué au vote. Il convient de relever qu’il appartient aux États membres et non à la requérante de décider s’ils ont besoin de plus de temps pour avoir l’occasion de se coordonner. Par ailleurs, chaque État membre a eu la possibilité de prendre la parole et d’expliquer aux autres États membres les raisons pour lesquelles il considérait comme non justifiée la fixation à zéro des restitutions à l’exportation, invitant ainsi les autres États membres à voter contre le projet du règlement attaqué.

105    La requérante estime que le fait que l’auto-certification a pu être effectuée par le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural dès 15 heures 46 le jour même démontre l’absence de débat sérieux sur le sujet des restitutions à l’exportation.

106    À cet égard, il convient de constater que la requérante ne saurait exiger que les membres du comité de gestion consacrent un temps déterminé au débat.

107    Il appartient à la Commission d’exposer la situation du marché et de donner aux membres du comité de gestion l’occasion de poser des questions et d’exprimer leurs avis sur la proposition de règlement d’exécution. Lorsque peu d’États membres souhaitent poser une question ou prendre la parole pour présenter leurs observations, le débat peut s’achever très rapidement. Cela ne signifie pas que les membres du comité de gestion n’ont pas eu de réelles possibilités d’exprimer leur opinion, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011. Il convient en outre de rappeler que la situation du marché avait été présentée et discutée dans la matinée de la réunion du comité de gestion et que c’est uniquement le montant exact des restitutions proposé par la Commission qui a été débattu durant l’après-midi.

108    Il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, le délai entre la présentation du projet du règlement attaqué et la mise au vote était suffisant pour donner aux membres du comité de gestion de réelles possibilités d’examiner ledit projet et d’exprimer leur opinion.

109    Ensuite, il y a lieu de rappeler que, selon la deuxième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011, le délai pour l’avis du comité de gestion est fixé par le président de ce comité en fonction de l’urgence de la question.

110    Lors de l’audience, la requérante a en substance fait valoir que, contrairement à la situation ayant donné lieu à l’arrêt du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission (278/84, Rec, EU:C:1987:2), sur lequel la Commission s’est appuyée, il n’existait pas en l’espèce une importante perturbation du marché qui aurait pu justifier la présentation du projet du règlement attaqué seulement en cours de réunion.

111    À cet égard, il y a lieu de constater que, certes, la Commission n’a pas fait état de l’existence d’une urgence en ce sens que la situation sur le marché aurait été telle qu’elle nécessitait une modification urgente du montant des restitutions. Une telle situation aurait d’ailleurs permis à la Commission, en vertu de l’article 164, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007, de modifier le montant des restitutions dans l’intervalle entre deux fixations périodiques, et ce sans l’assistance du comité de gestion.

112    Par le règlement attaqué, la Commission a procédé à une fixation périodique du montant des restitutions à l’exportation, et le fait qu’elle a inscrit le 3 juillet 2013 ce point à l’ordre du jour de la réunion du 18 juillet 2013 témoigne de ce qu’elle n’a pas considéré qu’il existait une urgence particulière pour adapter le montant des restitutions.

113    Cependant, ainsi que le souligne la Commission, il n’existe aucune contradiction entre le caractère périodique de la fixation des restitutions à l’exportation et le fait que, le jour venu pour ladite fixation, il existe une nécessité d’intervention rapide en extrême urgence.

114    Il résulte de la formulation de la deuxième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement n° 182/2011 qu’il incombe au président du comité de gestion, et donc à un représentant de la Commission, de décider de l’urgence. L’examen du Tribunal est limité à l’examen de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, point 110 supra, EU:C:1987:2, point 13).

115    Il y a lieu de constater que la procédure suivie par la Commission est de nature à éviter tout risque lié à une éventuelle possibilité de fuites. En effet, la communication du projet de règlement contenant les données chiffrées seulement après 13 heures le jour du vote du comité de gestion et de l’adoption du règlement attaqué permet d’éviter tout risque qu’un opérateur puisse, après avoir appris que la Commission allait proposer une baisse du montant des restitutions, déposer des demandes de certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation pour lesquels les anciens montants des restitutions seraient applicables. Ainsi que la Commission l’a expliqué, elle a un intérêt légitime à éviter de telles spéculations, qui pourraient nuire aux intérêts financiers de l’Union. La procédure suivie par la Commission garantit que le règlement fixant le nouveau montant des restitutions pourra entrer en vigueur le lendemain de la réunion du comité de gestion, et que le montant exact proposé sera communiqué seulement à un moment auquel aucune demande de restitutions valable pour le jour même ne pourra plus être déposée.

116    Il y a en outre lieu de constater que la Commission a relevé, en réponse à une question écrite portant sur la pratique habituelle qu’elle suivait, que ses services soumettaient en général leur proposition relative au montant des restitutions à l’exportation à la hiérarchie seulement deux jours avant la réunion du comité de gestion et que la décision de la hiérarchie était généralement prise la veille de la réunion du comité de gestion. Il en résulte que la Commission n’a pas pu procéder à l’envoi du projet du règlement attaqué contenant les montants proposés en même temps qu’à l’envoi du projet du règlement attaqué, car elle n’avait elle-même pas encore pris de décision sur les montants qu’elle allait proposer. La Commission a un intérêt légitime à faire en sorte que, même lors d’une fixation périodique des restitutions à l’exportation, elle prenne en compte les données les plus récentes possibles disponibles jusqu’à la date de la réunion du comité de gestion. Il ressort du document soumis au comité de gestion que la Commission a pris en compte des données très récentes. Ainsi, ce document contient un tableau relatif aux certificats d’exportation pour la semaine du 8 au 14 juillet 2013, ce qui témoigne d’une mise à jour des données quelques jours avant la réunion du comité de gestion.

117    Le choix de la Commission de fixer elle-même sa proposition relative au montant des restitutions à l’exportation seulement la veille de la réunion du comité de gestion ne saurait être critiqué. La requérante n’a d’ailleurs pas fait valoir que la Commission aurait dû prendre sa propre décision sur sa proposition plus tôt.

118    Il convient en outre de relever qu’un envoi du projet du règlement attaqué sans les montants proposés n’aurait eu aucun sens. En effet, le règlement attaqué correspondant à un règlement standard dans lequel seuls les chiffres avaient été mis à jour, les États membres connaissaient d’avance le texte du règlement attaqué, sauf en ce qui concerne les montants des restitutions.

119    Le délai pour l’avis du comité de gestion était donc proportionné et l’appréciation de l’urgence par la Commission n’est entachée ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’un détournement de pouvoir.

120    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas commis une violation de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011.

121    Ensuite, il convient de relever que, dans le cadre de sa défense, la Commission a affirmé que la présentation du projet du règlement attaqué en cours de séance était justifiée au regard de l’article 3 du règlement intérieur du comité de gestion, lequel est libellé de la manière suivante :

« 1. Aux fins de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement (UE) n° 182/2011, le président transmet aux membres du comité l’invitation, le projet d’ordre du jour et le projet d’acte d’exécution pour lequel un avis est demandé au comité suffisamment tôt avant la date de la réunion, compte tenu de l’urgence et de la complexité du dossier, et au plus tard quatorze jours civils avant cette date. Les autres documents utiles pour la réunion, notamment les documents accompagnant le projet d’acte d’exécution, sont transmis, dans la mesure du possible, dans le même délai.

Toutefois, dans les cas où une action rapide est demandée de façon régulière, ou lorsque l’acte de base prévoit des délais d’action spécifiques et obligatoires, des délais plus courts peuvent être appliqués. […]

2. Dans des cas dûment justifiés, le président peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un membre du comité, raccourcir le délai de transmission des documents indiqué au paragraphe 1, premier alinéa. Sauf dans des cas d’extrême urgence, en particulier afin d’éviter une importante perturbation des marchés dans le domaine de l’agriculture ou afin de protéger les intérêts financiers de l’Union au sens de l’article 325 […] TFUE, ce délai ne peut être inférieur à cinq jours civils. »

122    Lors de l’audience, la requérante a ajouté qu’un délai nul n’était un délai acceptable ni selon le règlement n° 182/2011, ni selon le règlement intérieur du comité de gestion. Il ne peut être déterminé clairement si, ce faisant, la requérante souhaite uniquement contester l’argument de la Commission, selon lequel la présentation du projet du règlement attaqué en cours de séance est justifié par le règlement intérieur du comité de gestion, ou si la requérante souhaite élargir la première branche du premier moyen en soulevant, outre une violation de l’article 3, paragraphe 3, du règlement n° 182/2011, également une violation de l’article 3 du règlement intérieur du comité de gestion.

123    À supposer que la requérante souhaite invoquer une violation de l’article 3 du règlement intérieur du comité de gestion, il conviendrait de constater ce qui suit.

124    L’article 3 du règlement intérieur du comité de gestion a pour objet d’assurer le fonctionnement interne dudit comité dans le plein respect des prérogatives de ses membres. Il en résulte que les personnes physiques ou morales ne sauraient se prévaloir d’une prétendue violation de cette règle, qui n’est pas destinée à assurer la protection des particuliers (voir, par analogie, arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, Rec, EU:T:2005:339, point 79 et jurisprudence citée).

b)      Sur l’incidence d’une éventuelle violation de règles procédurales sur la solution du litige

125    À titre surabondant, il convient de relever que, à supposer même que la présentation du projet du règlement attaqué en cours de réunion constitue une violation de l’article 3, paragraphe 3 du règlement n° 182/2011, ou qu’elle constitue une violation de la procédure prévue par l’article 3 du règlement intérieur du comité de gestion et que la requérante ait invoqué et soit en droit d’invoquer une violation de cette disposition, il n’y aurait en tout état de cause pas lieu d’annuler le règlement attaqué.

126    Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, constitue notamment une violation des formes substantielles le non-respect d’une règle procédurale si, en cas de respect de cette règle, le résultat de la procédure ou le contenu de l’acte adopté avait pu être substantiellement différent (voir arrêt du 13 décembre 2013, Hongrie/Commission, T‑240/10, Rec, EU:T:2013:645, point 84 et jurisprudence citée).

127    La méconnaissance d’un délai pour la consultation d’un comité peut produire des effets sur la procédure de consultation et se répercuter sur la décision finale prise par la Commission lorsque le comité n’a pas disposé d’un délai suffisant en vue de prendre connaissance des éléments importants de l’affaire et de statuer en pleine connaissance de cause. À l’inverse, la méconnaissance d’un tel délai n’est pas susceptible, à elle seule, d’entacher d’illégalité la décision finale de la Commission, lorsque la convocation a néanmoins été adressée dans des conditions ayant permis au comité de rendre son avis en pleine connaissance de cause (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 1991, RTE/Commission, T‑69/89, Rec, EU:T:1991:39, point 27).

128    En l’espèce, les membres du comité de gestion ont pu rendre leur avis en pleine connaissance de cause, malgré la présentation du projet du règlement attaqué seulement en cours de réunion. En effet, ainsi qu’il résulte des points 93 à 108 ci-dessus, le délai était suffisant pour donner aux membres du comité de gestion de réelles possibilités d’examiner le projet du règlement attaqué et d’exprimer leur opinion.

129    Une éventuelle violation d’une règle relative au délai entre la communication du projet du règlement attaqué et la mise au vote ne saurait donc en tout état de cause entacher d’illégalité le règlement attaqué.

c)     Sur les autres arguments soulevés par la requérante et par l’intervenante

 Sur l’argument selon laquelle la Commission aurait admis ne pas avoir respecté les règles établies par le règlement n° 182/2011

130    L’intervenante affirme que la Commission a implicitement reconnu ne pas avoir respecté les règles établies par le règlement n° 182/2011 en relevant, dans la duplique, qu’elle « pourrait souscrire à l’argument temporaire s’il s’agissait d’organiser un colloque à propos du régime des restitutions ».

131    Il convient de relever que cet argument de l’intervenante se réfère à un passage de la duplique dans lequel la Commission a répondu à l’argument de la requérante selon lequel le fait que l’auto-certification avait pu être effectuée à 15 heures 46 le jour de la réunion du comité démontrait l’absence de débat sérieux. Dans ce cadre, la Commission a seulement reconnu que le temps n’aurait pas été suffisant pour réaliser un colloque concernant le régime des restitutions. Ce faisant, la Commission n’a pas, même implicitement, reconnu que le temps imparti n’avait pas été suffisant pour permettre aux membres du comité de gestion, dans le cadre d’une fixation périodique des restitutions à l’exportation, d’examiner le projet du règlement attaqué et d’exprimer leur opinion. La Commission a au contraire explicitement affirmé que le temps imparti avait été « plus que suffisant » pour lui permettre de présenter la situation du marché et, en ce qui concerne les États membres, pour apprécier cette situation et s’exprimer.

132    L’argument de l’intervenante manque donc en fait.

 Sur les données prétendument incomplètes fournies au comité de gestion

133    La requérante a en outre affirmé, dans la requête, en s’appuyant sur le document soumis au comité de gestion, que les membres dudit comité n’avaient eu qu’un tableau pour les certificats d’exportation pour la semaine du 8 au 14 juillet 2013, qui n’aurait fait ressortir l’existence que de 21 certificats et qui aurait donc donné une idée totalement faussée des véritables exportations bénéficiant de restitutions.

134    En réponse à une question écrite posée à cet égard par le Tribunal, la requérante a en substance concédé qu’il ressortait de la page 21 du document soumis au comité de gestion que ce document ne contenait pas uniquement les données pour une semaine, mais pour trois semaines comprises sur la période allant de la fin du mois de juin au début du mois de juillet 2013.

135    Elle estime cependant que son commentaire reste pertinent dans la mesure où le document soumis au comité de gestion donnerait l’impression fausse qu’il n’y avait eu presque aucune exportation pendant les trois semaines comprises dans la période allant de la fin du mois de juin au début du mois de juillet 2013. Cette impression ne serait pas concordante avec la réalité de l’activité de la requérante, qui aurait exporté 26 410 kg de viande de volaille les 26 juin et 3 juillet 2013, qui auraient fait l’objet de demandes de fixation de restitutions. En tout état de cause, ces chiffres ne seraient pas en cohérence avec les chiffres mentionnés à la page 21 du document soumis au comité de gestion, à savoir 186 tonnes de carcasses.

136    À cet égard, il y a lieu de constater qu’il n’existe aucune contradiction entre les chiffres fournis par la requérante et ceux figurant à la page 21 du document soumis au comité de gestion. Si elle a exporté 26 410 kg, à savoir 26,41 tonnes, de viande de volaille pendant les trois semaines en cause, cela est compatible avec une quantité totale d’exportations bénéficiant de restitutions égale à 186 tonnes pendant cette période.

137    Ensuite, il convient de relever qu’il ressort de la jurisprudence relative à l’obligation de consultation du comité consultatif en matière d’ententes et de positions dominantes telle qu’elle était prévue à l’article 10, paragraphes 3 à 6, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204), que cette consultation constitue une formalité substantielle dont la violation affecte la légalité de la décision finale de la Commission s’il est établi que l’absence de transmission de certains éléments essentiels n’a pas permis au comité consultatif de rendre son avis en pleine connaissance de cause, c’est-à-dire sans avoir été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions (voir arrêt du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec, EU:T:2000:77, point 742 et jurisprudence citée).

138    Cette jurisprudence est applicable de manière générale en ce qui concerne le respect de règles relatives à la consultation d’un comité (voir, en ce sens, arrêt du 17 février 2011, Zhejiang Xinshiji Foods et Hubei Xinshiji Foods/Conseil, T‑122/09, EU:T:2011:46, point 104).

139    En l’espèce, la requérante n’a en tout état de cause pas établi que le comité de gestion avait été induit en erreur sur un point essentiel par des inexactitudes ou des omissions.

140    Tout d’abord, la requérante ne fournit aucun argument permettant de conclure que le nombre de certificats d’exportations délivrés ou la quantité des exportations concernées pendant la période de trois semaines comprise au cours de la période allant de la fin du mois de juin au début du mois de juillet 2013 a été un point essentiel pour la prise de décision des membres du comité de gestion.

141    Il ressort en outre de la page 15 du document soumis au comité de gestion que, pendant la période allant de janvier à mai 2013, les exportations vers l’Arabie Saoudite ont représenté 67 930 tonnes et celles vers le Yémen 15 594 tonnes. Il s’agit de deux destinations concernées par des restitutions à l’exportation. Bien que ces chiffres puissent inclure des exportations de produits de viande de volaille non concernés par les restitutions à l’exportation, il ne serait pas possible d’affirmer que le document soumis au comité de gestion donnait l’impression que les restitutions à l’exportation ne concernaient que des quantités négligeables.

142    L’argument de la requérante doit donc être rejeté.

 Sur l’argument tiré du fait qu’une absence d’avis du comité de gestion est constatée dans le règlement attaqué

143    Lors de l’audience, la requérante a relevé qu’il était indiqué dans le règlement attaqué que le comité de gestion n’avait pas rendu d’avis. Selon la requérante, cette motivation pose un problème, car il y aurait eu un vote de la part du comité de gestion, bien que ce vote n’ait pas été favorable à la majorité qualifiée.

144    À cet égard, il suffit de constater que, lorsqu’il n’y a une majorité qualifiée ni en faveur ni contre l’acte soumis à l’avis du comité de gestion, il est correct de constater l’absence d’avis du comité de gestion (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 1978, Schouten, 35/78, Rec, EU:C:1978:232, points 41 et 44 à 46). En l’espèce, tel a été le cas.

145    Contrairement à ce qu’affirme la requérante, le constat effectué au considérant 7 du règlement attaqué selon lequel le comité de gestion « n’a pas émis d’avis dans le délai imparti par son président » est donc correct.

146    Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée.

2.     Sur la seconde branche, tirée d’une contradiction entre la procédure adoptée et les visas que comporte le texte

147    La requérante fait valoir que la Commission a détourné la procédure du comité de gestion en supprimant de fait les restitutions à l’exportation, comme le démontrerait l’absence d’adoption de règlement depuis le 18 juillet 2013. Elle considère que ce détournement est confirmé par le fait que le règlement attaqué est fondé sur les articles 162 et suivants du règlement n° 1234/2007, alors que, si l’argument de la Commission, soulevé dans le mémoire en défense, concernant le fait qu’elle pourrait discrétionnairement décider d’accorder ou non des restitutions, était suivi, elle aurait dû fonder le règlement attaqué uniquement sur l’article 162 du règlement n° 1234/2007.

148    L’intervenante soutient les arguments de la requérante et ajoute que le règlement attaqué n’est pas seulement un règlement fixant à zéro le montant des restitutions, mais un règlement mettant fin aux restitutions. Selon elle, sous couvert d’un règlement « classique » fixant périodiquement le montant des restitutions, la Commission a mis fin purement et simplement à ce régime.

149    La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante. Elle affirme notamment que la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué était fondée sur la situation et sur les développements observés sur le marché au moment de cette fixation et notamment sur le fait que le montant de la restitution existant à l’époque n’était plus nécessaire pour assurer l’équilibre du marché, compte tenu du développement des prix et des échanges pour l’ensemble de la viande de volaille. Selon elle, le maintien du niveau des restitutions à zéro depuis le 18 juillet 2013 entre dans le champ d’application de l’article 164, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007.

a)     Sur la recevabilité de la seconde branche du premier moyen

150    Il convient de relever, à titre liminaire, que la seconde branche du premier moyen a été présentée pour la première fois au stade de la réplique.

151    Cette branche du premier moyen est néanmoins recevable, car elle se fonde sur des éléments qui se sont révélés pendant la procédure, au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

152    En effet, cette branche du premier moyen se fonde, d’une part, sur les arguments que la Commission a invoqués dans le mémoire en défense et, d’autre part, sur la circonstance que la Commission n’a pas adopté de nouveau règlement fixant les restitutions à l’exportation le 18 octobre 2013, soit à la fin de la période de trois mois prévue à l’article 164, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007. La requérante ne pouvait pas avoir connaissance de ces circonstances lors de l’introduction du présent recours.

b)     Sur le bien-fondé de la seconde branche du premier moyen

153    Il convient de rappeler, tout d’abord, que la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin (voir arrêt du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, Rec, EU:C:2005:275, point 38 et jurisprudence citée).

154    En l’espèce, il convient de relever que l’article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué prévoit explicitement que « [l]es restitutions à l’exportation prévues à l’article 164 du règlement (CE) n° 1234/2007 sont accordées pour les produits énumérés à l’annexe du présent règlement ».

155    Selon le libellé du règlement attaqué, il ne s’agit donc pas d’un règlement qui abolit de manière permanente les restitutions à l’exportation pour les produits en cause, mais d’un règlement qui en fixe le montant.

156    La requérante l’accepte en indiquant, dans la réplique, qu’il « n’y a pas eu formellement de règlement mettant fin aux restitutions en tant que système, mais juste une fixation à zéro des restitutions par l’adoption du règlement attaqué ».

157    Il n’existe aucune contradiction entre la procédure adoptée et le libellé du règlement attaqué, qui constitue un règlement fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille. Le seul fait que le montant a été fixé à zéro ne signifie pas qu’il s’agisse d’un règlement qui, en réalité, ne se limite pas à fixer le montant des restitutions à l’exportation, mais les abolirait de manière permanente.

158    La requérante s’appuie sur la circonstance que la Commission n’a pas adopté de nouveau règlement fixant le montant des restitutions à l’exportation à l’issue de la période de trois mois prévue à l’article 164, paragraphe 2, première phrase, du règlement n° 1234/2007, à savoir le 18 octobre 2013.

159    À cet égard, il convient de souligner, tout d’abord, que la légalité du règlement attaqué doit être appréciée au regard de la situation de droit et de fait existant au moment de son adoption (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec, EU:C:1979:29, point 7). Cela n’exclut pas qu’un événement postérieur à la date d’adoption du règlement attaqué, tel que, en l’espèce, l’absence d’adoption d’un nouveau règlement fixant les restitutions à l’exportation, puisse servir d’élément de preuve afin de démontrer un détournement de pouvoir consistant en ce que la Commission, en adoptant le règlement attaqué, a usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. La requérante et l’intervenante affirment, en substance, que la Commission a usé de son pouvoir de fixer périodiquement le montant des restitutions à l’exportation dans le but de mettre définitivement fin à ce régime, en s’abstenant d’adopter un nouveau règlement à l’issue de la période de trois mois, laissant donc le montant des restitutions perpétuellement à zéro.

160    Il y a toutefois lieu de relever, tout d’abord, que le comportement postérieur de la Commission n’a qu’une valeur probante limitée en ce qui concerne le but qu’elle poursuivait en adoptant le règlement attaqué.

161    En outre, ainsi que la Commission le souligne, selon l’article 164, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007, les restitutions peuvent être maintenues au même niveau pendant plus de trois mois.

162    Le libellé de l’article 164, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007 n’exige pas que la Commission adopte un nouveau règlement lorsque le montant des restitutions à l’exportation reste inchangé.

163    L’intervenante semble d’ailleurs le concéder, dans son mémoire en intervention, en affirmant que « la Commission a, certes, le droit au vu des textes de l’article 164, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 1234/2007 de maintenir le niveau des restitutions sans prendre de nouveau règlement mais [qu’]elle n’utilisait pas cette faculté ». La raison pour laquelle l’intervenante estime que la Commission « n’utilisait pas cette faculté » n’apparaît pas clairement. En effet, la Commission a précisément maintenu le niveau des restitutions sans adopter de nouveau règlement.

164    En tout état de cause, il y a lieu de relever que le présent recours ne concerne pas la légalité de l’absence d’adoption d’un nouveau règlement par la Commission le 18 octobre 2013, mais la légalité du règlement attaqué.

165    Étant donné que l’article 164, paragraphe 2, du règlement n° 1234/2007 permet à la Commission de maintenir le montant des restitutions pendant plus de trois mois, la seule absence d’adoption d’un nouveau règlement après trois mois ne permet pas de conclure que la Commission a détourné la procédure prévue pour la fixation périodique des restitutions à l’exportation pour, en réalité, abolir complètement ce système.

166    L’intervenante fait valoir que les données qui étaient à la disposition de la Commission au mois d’octobre 2013 montraient un changement de circonstances qui ne pouvait que conduire la Commission à ne pas maintenir à zéro le montant des restitutions. Elle s’appuie sur la circonstance que les prévisions de l’automne 2013 faisaient apparaître des perspectives de croissance des exportations de volailles vivantes et que, trois mois plus tard, les mêmes prévisions faisaient apparaître une baisse des exportations de l’Union.

167    Cependant, ainsi qu’il ressort de la première page du document sur lequel s’appuie l’intervenante, à savoir du document intitulé « Short term outlook for arable crops, meat and dairy markets in the European Union – Winter 2014 » (Perspectives à court terme pour les marchés des cultures arables, de la viande et des produits laitiers de l’Union européenne – Hiver 2014), les données disponibles jusqu’au 15 février 2014 ont été utilisées dans ce document. L’intervenante ne saurait apporter la preuve, moyennant un document dans lequel les données disponibles jusqu’au 15 février 2014 ont été utilisées, que, au mois d’octobre 2013, les circonstances auraient dû amener la Commission à ne pas maintenir à zéro le niveau des restitutions.

168    De plus, il ressort du document en question que la baisse des exportations était notamment due à la politique du gouvernement russe visant à améliorer l’autosuffisance, qui a eu pour conséquence la réduction des exportations vers la Fédération de Russie. Ce document relève en outre que les exportations vers l’Ukraine et la Biélorussie ont baissé simultanément. Il s’agit de destinations qui ne bénéficiaient en tout état de cause pas de restitutions à l’exportation. Il ressort par ailleurs de ce document qu’une part croissante des exportations est allée vers l’Arabie Saoudite, malgré la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation vers cette destination.

169    Par ailleurs, ce document fait également état de ce que « la consommation de viande de volaille devrait continuer à augmenter ».

170    L’argument de l’intervenante n’est donc pas de nature à démontrer que la situation du marché en octobre 2013 ne pouvait que conduire la Commission à fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif.

171    À plus forte raison, l’absence de fixation de restitutions à l’exportation d’un montant positif en octobre 2013 ne saurait constituer un indice de ce que la Commission a, lors de l’adoption du règlement attaqué le 18 juillet 2013, mis fin au régime des restitutions à l’exportation sous couvert d’un règlement fixant périodiquement le montant des restitutions.

172    Ensuite, il y a lieu de relever que l’absence d’adoption d’un nouveau règlement après le 1er janvier 2014 s’explique par une modification du cadre juridique. Le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) n° 922/72, (CEE) n° 234/79, (CE) n° 1037/2001 et n° 1234/2007 du Conseil (JO L 347, p. 671), prévoit une modification du régime des restitutions à l’exportation avec effet au 1er janvier 2014.

173    L’article 196, paragraphe 1, du règlement n° 1308/2013 prévoit que, « lorsque les conditions sur le marché intérieur correspondent à celles décrites à l’article 219, paragraphe 1, ou à l’article 221 » du même règlement, à savoir en substance en cas de crise sur le marché, la différence entre les cours ou les prix du marché mondial et les prix de l’Union peut être couverte par une restitution à l’exportation pour certains produits, dont la viande de volaille. L’article 196, paragraphe 3, de ce règlement prévoit que, « [s]ans préjudice de l’application de l’article 219, paragraphe 1, et de l’article 221, la restitution disponible pour les produits visés au paragraphe 1 du présent article est de 0 EUR ». Le règlement n° 1308/2013 ne prévoit donc plus une fixation périodique du montant des restitutions à l’exportation.

174    Le fait que le règlement n° 1308/2013 prévoit que le montant des restitutions à l’exportation est de 0 euro, sauf en cas de crise, signifie que la Commission n’avait aucune raison d’adopter un nouveau règlement après le 1er janvier 2014. L’absence d’adoption d’un nouveau règlement après cette date ne peut donc pas constituer un indice de ce que, en adoptant le règlement attaqué, la Commission aurait détourné la procédure pour la fixation périodique des restitutions à l’exportation pour mettre fin définitivement à ce système.

175    Ensuite, la requérante affirme que le détournement de procédure est confirmé par le fait que le règlement attaqué est fondé sur les articles 162 et suivants du règlement n° 1234/2007, alors que, si l’on suivait l’argument de la Commission, soulevé au point 30 du mémoire en défense, concernant le fait qu’elle pourrait discrétionnairement décider d’accorder ou non des restitutions, elle aurait dû fonder le règlement attaqué uniquement sur l’article 162 du règlement n° 1234/2007.

176    À cet égard, il y a lieu de constater que, au point 30 du mémoire en défense, la Commission se limite à citer le texte de l’article 162, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007. Une telle citation n’est pas de nature à confirmer l’existence d’un détournement de pouvoir.

177    Il ne ressort pas des mémoires produits par la Commission que, lors de l’adoption du règlement attaqué, elle n’aurait pas voulu se limiter à procéder à une fixation périodique du montant des restitutions à l’exportation, mais qu’elle aurait décidé, en vertu de l’article 162, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007 qui prévoit que l’octroi de restitutions est facultatif, de ne plus accorder du tout de restitutions à l’exportation dans le secteur en cause.

178    Certes, la Commission cite parfois l’article 162, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007 dans le cadre de son raisonnement juridique, notamment aux points 90 et 106 à 107 du mémoire en défense. Cependant, elle cite cette disposition conjointement avec l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007.

179    La citation de l’article 162, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007 par la Commission correspond seulement à un argument juridique. La Commission fait notamment valoir qu’elle jouit d’une grande marge d’appréciation lors de la fixation du montant des restitutions à l’exportation, ce qui serait confirmé par le fait que, selon l’article 162, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007, l’octroi même des restitutions est facultatif.

180    En soulevant un tel argument juridique, la Commission n’affirme pas que, pour l’adoption du règlement attaqué, elle s’est appuyée sur le fait que l’octroi des restitutions à l’exportation était facultatif et qu’elle a décidé, en vertu de l’article 162, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007, de n’accorder aucune restitution à l’exportation sans examiner les critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007. Il ressort par ailleurs de l’examen du quatrième moyen que, lors de l’adoption du règlement attaqué, la Commission a fait application de l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 et qu’elle a notamment pris en compte le critère figurant dans ce même paragraphe, sous b) (voir points 282 à 293 ci-après).

181    Enfin, il convient de relever que la Cour a constaté, dans l’arrêt du 14 mars 1973, Westzucker (57/72, Rec, EU:C:1973:30, point 8), que le choix de la Commission de fixer la prime de dénaturation, en ce qui concernait le sucre destiné à l’alimentation animale, à un montant nul, plutôt que de prononcer la suspension de la prime, ne saurait être critiqué. De même, en l’espèce, le choix de la Commission de fixer à zéro le montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué, plutôt que de prononcer leur suspension, ne saurait être critiqué et à plus forte raison n’est pas de nature à démontrer qu’il y a eu un détournement de pouvoir.

182    Il résulte de tout ce qui précède qu’il n’existe pas d’indices permettant de conclure que, contrairement au libellé du règlement attaqué, il ne s’agirait pas d’un règlement fixant le montant des restitutions à l’exportation, mais d’un règlement adopté dans le but de mettre définitivement un terme à ce système.

183    Il y a donc lieu de rejeter également la seconde branche du premier moyen et, par conséquent, le premier moyen dans son ensemble.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré d’un vice de procédure et d’incompétence

184    La requérante, soutenue par l’intervenante, fait valoir que la Commission n’a pas prouvé que le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural, qui a signé le règlement attaqué au nom du président de la Commission, avait compétence pour ce faire.

185    La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante. Selon elle, une habilitation a été valablement accordée au membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural, et une subdélégation en bonne et due forme a été accordée au directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural pour signer le règlement attaqué.

186    Selon l’article 13, premier alinéa, du règlement intérieur de la Commission [C (2000) 3614] (JO 2000, L 308, p. 26), « [l]a Commission peut, à condition que le principe de sa responsabilité collégiale soit pleinement respecté, habiliter un ou plusieurs de ses membres à prendre des mesures de gestion ou d’administration, en son nom et dans les limites et conditions qu’elle fixe ». Le troisième alinéa de ce même article prévoit que « [l]es compétences ainsi attribués peuvent faire l’objet d’une subdélégation aux directeurs généraux et chefs de service, sauf interdiction expresse figurant dans la décision d’habilitation ».

187    Il convient donc d’examiner la question de savoir s’il résulte des documents fournis par la Commission, premièrement, que le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural a bénéficié d’une habilitation valable et, deuxièmement, qu’une subdélégation valable a été accordée au directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural.

188    En premier lieu, en ce qui concerne l’habilitation accordée au membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural, la Commission a fourni, en annexe B 3 au mémoire en défense, un document du secrétariat général de la Commission datant du 19 avril 2002 et portant la référence SEC (2002) 432. Ce document comporte, sous l’intitulé « Restitution à l’exportation vers les pays tiers, y compris les correctifs, pour tous les secteurs agricoles (fiche n° 2) », la mention selon laquelle « il est proposé de maintenir la procédure d’habilitation pour l’adoption de ces actes ». Cette « fiche n° 2 » mentionne en tant qu’organe délégué le « Membre chargé de l’Agriculture ».

189    Il ressort de ce document que la proposition a été faite de maintenir la procédure d’habilitation en ce qui concerne les « [r]estitution[s] à l’exportation vers les pays tiers […] pour tous les secteurs agricoles ».

190    Il ressort du procès-verbal de la 1565e réunion de la Commission, que la Commission a produit à la suite d’une demande du Tribunal, que cette proposition a été acceptée. En effet, il est indiqué au point 7.5 de ce procès-verbal que « [l]a Commission octroie les habilitations et délégations en objet selon les termes repris au document SEC (2002) 432 et /2 ».

191    La Commission a donc démontré que le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural était habilité à fixer des restitutions à l’exportation vers les pays tiers.

192    En second lieu, il convient d’examiner la question de savoir s’il ressort des documents figurant dans le dossier qu’une subdélégation a été accordée au directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural, au titre de l’article 13, troisième alinéa, du règlement intérieur de la Commission.

193    La requérante a produit, en annexe 24 de la réplique, un document daté du 22 novembre 2004 et intitulé « Procédure d’habilitation – fiche de renseignements ». Ce document mentionne, en tant qu’« acte soumis à l’approbation de la Commission », ce qui suit :

« Titre exact et complet : Subdélégation au directeur général de l’agriculture et du développement rural relative aux instruments agricoles périodiques, tels que prévus par les procédures d’habilitation et de délégation dans le domaine agricole (définition des mesures subdéléguées au directeur général de l’agriculture). »

194    À la fin de ce document, se trouve la mention « Conformément à l’article 13 du règlement intérieur de la Commission, […] j’adopte, au nom de la Commission et sous la responsabilité de celle-ci, la (les) décision(s) visée(s) » et la signature du membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural à l’époque.

195    Il ressort donc de ce document qu’une subdélégation a été accordée au directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural. Les compétences faisant l’objet de cette subdélégation ont été définies en détail dans le document intitulé « Subdélégation au directeur général de l’agriculture et du développement rural relative aux instruments agricoles périodiques, tels que prévus par les procédures d’habilitation et de délégation dans le domaine agricole », datant également du 22 novembre 2004 et signé par le membre de la Commission en charge de l’agriculture et du développement rural, qui a été produit par la Commission en réponse à une demande du Tribunal.

196    Il ressort de ce document que le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural à l’époque a subdélégué au directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural « les compétences suivantes, telles que définies par les procédures d’habilitation et de délégation dans le domaine agricole [document SEC (2002) 432 et 432/2 adopté le 30.04.2002 PV 1565] », de la façon suivante :

« Pour tous les secteurs agricoles :

–        restitutions à l’exportation vers les pays tiers, y compris les correctifs (fiche n° 2) […] »

197    Il résulte donc de ce document que la fixation des restitutions à l’exportation, telle que définie dans la fiche n° 2 du document SEC (2002) 432, figure parmi les instruments pour lesquels le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural a obtenu une subdélégation.

198    La Commission a donc apporté la preuve que le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural était compétent pour signer le règlement attaqué.

199    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments invoqués par la requérante.

200    Dans la mesure où la requérante affirme que le règlement attaqué ne peut pas être qualifié d’« instrument agricole périodique », car il n’a pas été renouvelé depuis, il suffit de rappeler que cet argument a déjà été rejeté aux points 154 à 182 ci-dessus.

201    En ce qui concerne l’argument selon lequel le règlement intérieur de la Commission ne prévoit pas formellement qu’une subdélégation donnée en 2004 soit encore valable en 2013, les délégataires et délégants ayant changé, il convient de relever ce qui suit.

202    Une habilitation ou une subdélégation n’est pas accordée à une personne physique, mais à une personne exerçant une fonction, à savoir le membre de la Commission chargé d’un domaine précis ou le directeur général d’une direction générale déterminée. Ainsi, elle reste valable en cas de changement de personnes exerçant une fonction.

203    Contrairement à ce que semble soutenir la requérante, il n’est pas nécessaire que le règlement intérieur de la Commission prévoie explicitement qu’une subdélégation donnée reste valable après un changement des personnes ayant agi en qualité de délégataire ou de délégant. En effet, la possibilité d’accorder des habilitations ou des subdélégations vise à décharger le collège des commissaires ou le membre de la Commission en cause de décisions ne nécessitant pas l’intervention du collège ou du commissaire en cause. La décision d’accorder une habilitation ou une subdélégation vise à repartir les compétences au sein de la Commission et il ne s’agit pas d’une preuve de confiance qui concerne une personne physique précise. Sauf décision contraire spécifique, aucune compétence n’est attribuée ad personam. En l’espèce, les décisions d’habilitation et de subdélégation visent le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural et le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural et non certaines personnes nommément désignées.

204    Ensuite, en ce qui concerne l’argument de l’intervenante selon lequel la procédure d’habilitation invoquée par la Commission se réfère à son règlement intérieur de 2000 alors que ce règlement intérieur a été modifié par décision de la Commission du 24 février 2010, il convient de relever ce qui suit.

205    Il est certes exact que le règlement intérieur de la Commission de 2000 a été modifié à plusieurs reprises. L’article 1er de la décision de la Commission du 24 février 2010 modifiant son règlement intérieur (JO L 55, p. 60) prévoit que « [l]es articles 1er à 29 du règlement intérieur de la Commission sont remplacés par le texte figurant à l’annexe de la présente décision ».

206    Il convient cependant de relever que la substance de l’article 13 du règlement intérieur de la Commission n’a pas été modifiée. Les modifications apportées à cet article sont de nature purement rédactionnelle, telles que le remplacement des alinéas par des paragraphes. Étant donné que les conditions dans lesquelles une habilitation ou une subdélégation peuvent être accordées n’ont pas été modifiées, les modifications du règlement intérieur de la Commission ne peuvent en aucune façon remettre en cause la validité des habilitations et des subdélégations qui avaient été accordées avant ces modifications.

207    Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que les documents du 22 novembre 2004 mentionnés aux points 193 et 195 ci-dessus constituaient des documents d’habilitation au sens de l’article 13 du règlement intérieur de la Commission de 2000 et non des documents d’une délégation au sens de l’article 14 de ce même règlement. Elle a en substance reproché à la Commission d’avoir à tort seulement visé l’article 13 et non l’article 14 de son règlement intérieur.

208    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 14 du règlement intérieur de la Commission, cette dernière peut déléguer l’adoption de mesures de gestion ou d’administration aux directeurs généraux et aux chefs de service. Cet article concerne l’hypothèse où la Commission délègue directement des compétences aux directeurs généraux ou aux chefs de service.

209    Cependant, en l’espèce, la Commission n’a pas directement délégué au directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural la compétence pour la fixation des restitutions à l’exportation. Dans une première étape, le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural a été habilité par elle à fixer des restitutions à l’exportation, conformément à l’article 13, premier alinéa, de son règlement intérieur. Dans une seconde étape, le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural a subdélégué ces compétences au directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural, conformément à l’article 13, troisième alinéa, du même règlement intérieur.

210    La Commission a donc uniquement fait usage de l’article 13 de son règlement intérieur et non de l’article 14 de ce règlement, de sorte que c’est à juste titre que les actes d’habilitation et de subdélégation ne visent pas l’article 14 du règlement intérieur de la Commission.

211    Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen.

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une absence de motivation

1.     Sur la recevabilité du troisième moyen

212    La Commission fait observer, « [à] titre subsidiaire et à toutes fins utiles, dans l’hypothèse où […] le Tribunal estim[erait] que la motivation du règlement attaqué ne serait pas irréprochable », qu’un requérant n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme d’une décision, dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision, identique, quant au fond, à la décision annulée. Or, en l’espèce, les amples pouvoirs discrétionnaires dont la Commission dispose lui permettraient d’adopter un nouveau règlement en corrigeant le présumé vice de forme sans changer la substance de la mesure adoptée.

213    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que cet argument, qui a été soulevé « à titre subsidiaire » par la Commission, revient à faire valoir l’absence d’intérêt à agir de la requérante pour soulever le moyen tiré d’une absence de motivation. Un tel argument concerne la recevabilité du moyen et donc une question qui se pose préalablement à l’examen du bien-fondé de ce moyen. La question de l’intérêt à agir d’un requérant pour soulever un moyen n’est pas une question qui peut se poser à titre subsidiaire après qu’a été constaté le bien-fondé de ce moyen.

214    En second lieu, il convient de constater que l’argument tiré de l’absence d’intérêt à agir doit être rejeté comme non fondé.

215    En effet, la jurisprudence selon laquelle un requérant n’a aucun intérêt à obtenir l’annulation d’un acte pour insuffisance de motivation, si cet acte ne peut être remplacé que par un nouvel acte identique, quant au fond, à l’acte attaqué, concerne les cas dans lesquels l’institution ne dispose d’aucune marge d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 1983, Geist/Commission, 117/81, Rec, EU:C:1983:191, point 7, et du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, Rec, EU:T:1992:120, point 54). C’est uniquement dans l’hypothèse où l’administration ne dispose d’aucune marge d’appréciation que l’annulation de l’acte attaqué pour vice de forme ne peut que donner lieu à une nouvelle décision identique quant au fond.

216    L’argument soulevé par la Commission dans le mémoire en défense, selon lequel la grande marge d’appréciation dont elle dispose en matière de politique agricole lui permettrait d’adopter un nouveau règlement identique quant au fond au règlement attaqué, n’est pas de nature à remettre en cause l’intérêt à agir de la requérante.

217    En effet, une situation dans laquelle la marge d’appréciation de la Commission lui permet d’adopter un nouveau règlement identique au précédent quant au fond ne saurait être assimilée à une situation dans laquelle elle ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation et dans laquelle elle est tenue d’adopter un nouveau règlement identique quant au fond. En effet, il n’est nullement exclu que, après l’annulation d’un règlement pour vice de motivation, la Commission puisse adopter un nouveau règlement qui soit différent quant au fond. Dès lors, la seule existence de la possibilité que la Commission puisse éventuellement adopter un nouvel acte identique au précédent quant au fond ne saurait priver un requérant d’un intérêt à obtenir l’annulation de l’acte en cause pour vice de forme.

218    En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission a affirmé que, en cas d’annulation du règlement attaqué pour vice de forme, elle serait dans l’obligation d’adopter un nouveau règlement en corrigeant le prétendu vice de forme ex tunc, sans changer la substance de la mesure adoptée, pour garantir la sécurité juridique et éviter de remettre en question des transactions désormais conclues ou ouvrir la porte à des prétentions non fondées.

219    À cet égard, il convient de relever que, à supposer même que la Commission soit en droit d’adopter un nouveau règlement avec effet rétroactif, les arguments qu’elle avance ne sont pas de nature à démontrer qu’elle serait obligée d’adopter un nouveau règlement ex tunc qui soit identique au règlement annulé, sans disposer d’une marge d’appréciation à cet égard. Il y a lieu de relever que, au moins en ce qui concerne la période située entre le 19 juillet et le 31 décembre 2013, à savoir entre l’adoption du règlement attaqué et l’entrée en vigueur du règlement n° 1308/2013 (voir à cet égard points 172 à 173 ci-dessus), il n’est pas établi que la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation quant au montant des restitutions à l’exportation à fixer dans un éventuel règlement qu’elle adopterait avec effet rétroactif.

220    Il y a donc lieu de constater que le troisième moyen soulevé par la requérante est recevable.

2.     Sur le bien-fondé du troisième moyen

a)     Sur la première branche, tirée d’une absence de motivation du règlement attaqué

221    La requérante, soutenue par l’intervenante, fait valoir que la motivation du règlement attaqué est identique à celle des règlements précédents alors même qu’il ne s’agit pas d’un maintien du montant des restitutions à l’exportation, mais d’une mise à zéro, ce qui impliquerait une motivation différente des précédents règlements. Le règlement attaqué romprait avec la pratique habituelle de la Commission et constituerait une modification abrupte de la réglementation en cours

222    La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante.

 Sur la jurisprudence concernant l’obligation de motivation

223    Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure adoptée et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a., C‑22/94, Rec, EU:C:1997:187, point 39 et jurisprudence citée). Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec, EU:C:2003:125, point 55 et jurisprudence citée).

224    Il ressort également d’une jurisprudence constante que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et que, s’agissant d’actes à portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre (voir arrêt du 9 septembre 2004, Espagne/Commission, C‑304/01, Rec, EU:C:2004:495, point 51 et jurisprudence citée).

225    De plus, le degré de précision de la motivation d’une décision doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles elle doit intervenir (arrêt du 1er décembre 1965, Schwarze, 16/65, Rec, EU:C:1965:117).

226    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence qu’une décision se plaçant dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante peut être motivée d’une manière sommaire, notamment par une référence à cette pratique (voir arrêt du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec, EU:C:1990:71, point 15 et jurisprudence citée ; arrêt du 8 novembre 2001, Silos, C‑228/99, Rec, EU:C:2001:599, point 28). Dans l’arrêt Delacre e.a./Commission, précité (EU:C:1990:71, point 19), la Cour a relevé que, dans les circonstances de l’espèce, la référence de la décision attaquée aux bases juridiques applicables satisfaisait à l’exigence de motivation et que la modification du montant de l’aide en cause par rapport aux adjudications particulières précédentes ne devait pas faire l’objet d’une motivation spécifique. La Cour a constaté, au point 17 de cet arrêt, que la fixation des montants maximaux des aides « constitu[ait] une procédure uniforme qui se rép[était] environ tous les quinze jours, dans le cadre de laquelle les décisions interv[enaient] sur la base de critères explicites d’une réglementation d’ailleurs parfaitement connue des milieux concernés et ne diff[éraient] sensiblement les unes des autres ni quant à leur mode d’adoption ni quant à leur contenu ».

227    En revanche, il résulte de la jurisprudence qu’il incombe à l’autorité de l’Union de développer son raisonnement de manière explicite lorsque la décision va sensiblement plus loin que les décisions précédentes (voir arrêt Delacre e.a./Commission, point 226 supra, EU:C:1990:71, point 15 et jurisprudence citée ; arrêt Silos, point 226 supra, EU:C:2001:599, point 28).

228    Dans l’arrêt Silos, point 226 supra (EU:C:2001:599, point 29), qui est invoqué par la requérante, la Cour a constaté que la motivation d’un règlement fixant à zéro le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur des céréales ne satisfaisait pas à l’obligation de motivation. La Cour a constaté que la motivation de ce règlement, identique à celle du règlement précédent par lequel la Commission avait augmenté le montant des restitutions relatives aux produits en cause au principal en le portant à 74,93 écus par tonne, ne fournissait aucune explication particulière quant aux raisons qui avaient amené la Commission, une semaine après l’adoption de ce dernier règlement, à supprimer de fait lesdites restitutions en réduisant leur montant à 0 écu par tonne. La Cour a en outre relevé, au point 30 de cet arrêt, que la simple référence aux possibilités et aux conditions de vente sur le marché mondial, à la nécessité d’éviter des perturbations sur le marché de l’Union et à l’aspect économique des exportations ne saurait, contrairement à ce que soutenait la Commission, constituer une motivation suffisante pour un règlement qui rompait avec la pratique habituelle de la Commission consistant à fixer le montant des restitutions en fonction de la différence entre les prix des produits concernés sur le marché de l’Union, d’une part, et ces prix sur le marché mondial, d’autre part.

229    Il y a toutefois lieu de constater qu’il résulte de la jurisprudence issue de l’arrêt Schwarze, point 225 supra (EU:C:1965:117), que, en matière agricole, le recours à des motivations standard est, sous certaines conditions, acceptable.

230    En outre, il ressort de l’arrêt Delacre e.a./Commission, point 226 supra (EU:C:1990:71, points 15, 17 et 19), qu’une référence, dans la motivation d’un acte, « aux bases juridiques applicables » peut être suffisante pour autant que cet acte se place dans la ligne d’une pratique décisionnelle constante.

231    Ainsi que l’avocat général Geelhoed l’a relevé au point 52 de ses conclusions dans l’affaire Silos (C‑228/99, Rec, EU:C:2001:196), par pratique usuelle, il faut entendre le comportement que la Commission adopte de façon constante, à la lumière des circonstances régnant sur le marché.

 Sur le caractère suffisant de la motivation du règlement attaqué

232    En l’espèce, il y a lieu de constater que la motivation du règlement attaqué correspond à une motivation standard. Ainsi que la requérante le souligne, cette motivation est identique à celle des règlements précédents, qui avaient fixé le montant des restitutions, respectivement, à 32,50 euros/100 kg, 21,70 euros/100 kg et à 10,85 euros/100 kg (voir points 8 et 9 ci-dessus).

233    Il convient de constater que, étant donné la nature périodique de la fixation du montant des restitutions à l’exportation et la procédure uniforme applicable pour l’adoption des règlements respectifs, une motivation standard est, selon la jurisprudence mentionnée au point 226 ci-dessus, admissible pour autant que la Commission agisse en conformité avec sa pratique habituelle lors de la fixation de ce montant.

234    Il convient donc d’examiner si la Commission a agi en conformité avec sa pratique habituelle, en fixant le montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué.

–       Sur la pratique habituelle de la Commission

235    En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission a expliqué en détail la pratique habituelle qu’elle suivait, au moment de l’adoption du règlement attaqué, en matière de fixation du montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille.

236    La Commission a notamment relevé que sa pratique habituelle consistait à effectuer, d’une part, un calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, fondé sur la différence entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché mondial et, d’autre part, une analyse de la situation du marché.

237    La Commission a en outre expliqué que, en ce qui concerne les poulets entiers congelés, la différence de prix est calculée, d’une part, sur la base de la différence entre le prix de revient en France calculé sur une base fob (franco à bord) et le prix de vente à destination (prix mondial retenu) qui est le prix transmis par les opérateurs et, d’autre part, sur la base de la différence entre le prix de revient en France calculé sur une base fob et le prix brésilien, lorsqu’il est disponible et à jour.

238    Elle a relevé que l’analyse du marché qu’elle effectuait consistait en une collection la plus complète possible des données économiques du secteur incluant notamment l’évolution du prix moyen hebdomadaire du poulet dans l’Union ; la variation en pourcentage des prix du poulet ; les cours à terme des graines de soja, du maïs et du blé fourrager ; les taux de change ; les prix des ingrédients de base ; les évolutions des aliments composés ; les prévisions de production et la production de poulets ; les importations et exportations.

239    La Commission a en outre expliqué que, sur la base de l’ensemble de ces éléments, il était possible de tirer des conclusions globales sur la situation du marché qui incluaient : la production dans l’Union, les prix de la viande de volaille sur le marché de l’Union, les marges des producteurs européens en fonction du coût des aliments, la situation des exportations et des importations pour le marché de l’Union y compris pour les exportations avec restitutions, la situation et les prix sur les marchés internationaux (Brésil et États-Unis) en tenant compte des taux de change.

240    Selon les explications fournies par la Commission, cette dernière déduisait le montant de la restitution de la combinaison de ces deux éléments, à savoir le calcul théorique et l’analyse de marché.

241    En ce qui concerne les conséquences à tirer de l’arrêt Silos, point 226 supra (EU:C:2001:599), et en particulier du point 30 dudit arrêt, dans lequel la Cour a relevé, concernant le secteur des céréales, que la pratique habituelle de la Commission consistait à fixer le montant des restitutions en fonction de la différence entre les prix des produits concernés sur le marché de l’Union, d’une part, et ces prix sur le marché mondial, d’autre part, la Commission a relevé qu’elle fixait le montant des restitutions « en fonction de » cette différence de prix en ce sens que cette dernière constituait un élément qu’elle prenait en compte. Elle a relevé que sa pratique habituelle n’avait jamais consisté à prendre exclusivement en compte ce seul élément et à fixer les restitutions à l’exportation à hauteur de la différence entre le prix du marché de l’Union et le prix du marché mondial, mais qu’elle avait toujours pris en compte les autres critères pour la fixation des restitutions indiqués par la réglementation applicable.

–       Sur la question de savoir si la Commission s’est écartée de sa pratique habituelle

242    En réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, la requérante n’a pas contesté que, d’un point de vue procédural, la Commission avait en l’espèce suivi sa pratique habituelle telle qu’elle l’a décrite. Elle ne conteste donc pas que, en l’espèce, la Commission a effectué, d’une part, un calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation et, d’autre part, une analyse de la situation du marché, conformément aux explications fournies par la Commission en réponse à la question écrite concernant la pratique habituelle qu’elle suivait.

243    En ce qui concerne les arguments soulevés par la requérante à l’appui de son affirmation selon laquelle la Commission ne s’est pas située dans le cadre de sa pratique habituelle lors de l’adoption du règlement attaqué, il convient de relever ce qui suit.

244    Premièrement, la requérante souligne que la motivation du règlement attaqué est identique à celle des règlements précédents, alors même qu’il ne s’agit pas d’un maintien du montant des restitutions à l’exportation, mais d’une mise à zéro de leur montant. Selon elle, la fixation à zéro du montant des restitutions impliquait une motivation différente de celle des précédents règlements.

245    À cet égard, il y a lieu de relever que le seul fait que le montant des restitutions à l’exportation a été fixé à zéro ne signifie pas automatiquement que la Commission a rompu avec sa pratique habituelle. La modification du montant des restitutions à l’exportation est inhérente au système de fixation périodique du montant de ces restitutions, de sorte qu’une même motivation peut couvrir des montants de restitutions à l’exportation très différents et également une fixation à zéro.

246    Pour autant que la requérante s’appuie sur l’arrêt Silos, point 226 supra (EU:C:2001:599), il convient de relever que, dans cet arrêt, la Cour ne s’est pas fondée sur la seule circonstance que le montant avait été fixé à zéro afin de constater que le règlement en cause rompait avec la pratique habituelle de la Commission, qui consistait à fixer le montant des restitutions à l’exportation en fonction de la différence entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché mondial. Elle s’est également appuyée sur la circonstance que, une semaine seulement avant l’adoption du règlement en cause dans cette affaire, la Commission avait augmenté le montant des restitutions à l’exportation pour le porter à 74,93 écus par tonne. Dans cette affaire, il s’agissait donc d’une baisse abrupte du montant des restitutions à l’exportation, qui apparemment ne pouvait pas s’expliquer par une modification de la situation du marché.

247    En l’espèce, la mise à zéro du montant des restitutions à l’exportation ne saurait être qualifiée d’abrupte (voir points 252 à 255 ci-après).

248    Deuxièmement, la requérante affirme que, en l’espèce, la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation équivaut à une suppression permanente du système des restitutions, ce qui serait confirmé par l’absence d’adoption d’un nouveau règlement depuis le 18 juillet 2013.

249    Cet argument n’est pas fondé, ainsi qu’il ressort des points 154 à 182 ci-dessus.

250    Dans la mesure où la requérante ajoute que la formulation du compte rendu de la réunion du comité de gestion démontre que la Commission avait la volonté de mettre définitivement fin aux restitutions à l’exportation, il convient de relever ce qui suit. Il est certes exact que le compte rendu en anglais de cette réunion contient la phrase suivante : « The Commission proposed to put the remaining refunds to zero » (La Commission a proposé de ramener les restitutions restantes à zéro). Cependant, l’utilisation du terme « remaining » (restantes) dans la version anglaise ne constitue pas une preuve que la Commission souhaitait mettre un terme définitif aux restitutions à l’exportation. En effet, l’utilisation du terme « remaining » peut s’expliquer par la circonstance que, pour six des neuf produits visés à l’annexe du règlement attaqué, le montant des restitutions à l’exportation avait déjà auparavant été fixé à zéro. Cette phrase peut donc simplement signifier que la Commission proposait de fixer à zéro le montant des restitutions à l’exportation pour les trois produits restants, pour lesquels ce montant n’avait pas encore été fixé à zéro. Il ne ressort nullement de cette formulation que la Commission avait l’intention d’abolir le système des restitutions à l’exportation.

251    L’argument de la requérante ne saurait donc prospérer.

252    Troisièmement, la requérante affirme que l’adoption du règlement attaqué constitue une modification abrupte de la réglementation en cours et que celle-ci aurait donc dû être motivée.

253    À cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi que la Commission le souligne, le montant absolu de la baisse a été de la même ampleur que celui des deux baisses précédentes (de 32,50 euros/100 kg à 21,70 euros/100 kg et ensuite à 10,85 euros/100 kg). En outre, pour d’autres produits du secteur de la volaille, essentiellement des poussins, le montant des restitutions à l’exportation avait déjà été fixé à zéro en 2011.

254    La baisse du montant des restitutions de 10,85 euros/100 kg à 0 euro n’est pas structurellement différente des baisses précédentes de 32,50 euros/100 kg à 21,70 euros/100 kg et ensuite à 10,85 euros/100 kg.

255    En l’espèce, la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation ne saurait être qualifiée d’abrupte, car elle s’inscrivait dans le cadre d’une baisse progressive du montant des restitutions à l’exportation et parce que le montant absolu de la baisse correspondait à celui des baisses précédentes.

256    En réponse à l’argument de la Commission selon lequel la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation était prévisible, au vu du contexte interne et du contexte international, à savoir de l’évolution de la politique agricole commune (PAC) et du résultat prévisible des négociations internationales concernant les restitutions à l’exportation dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la requérante souligne qu’il n’était aucunement prévisible que le montant des restitutions à l’exportation serait fixé à zéro à la date de l’adoption du règlement attaqué.

257    À cet égard, il convient de relever que la Commission s’est limitée à faire valoir que la requérante pouvait s’attendre à une mise à zéro du montant des restitutions à l’exportation « dans un laps de temps limité ». Le constat selon lequel la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué ne saurait être qualifiée d’abrupte et d’imprévisible ne présuppose pas que la requérante ou un autre opérateur averti ait pu prévoir que les restitutions à l’exportation seraient fixées à zéro à une date précise.

258    Il est certes exact, ainsi que le souligne la requérante, qu’il n’y avait à la date de l’adoption du règlement attaqué aucun engagement contraignant au niveau international concernant la suppression des restitutions à l’exportation. Il est également exact que le règlement attaqué ne vise pas les négociations en cours au sein de l’OMC dans sa motivation.

259    Cependant, la Commission n’a pas affirmé que, lors de l’adoption du règlement attaqué, elle avait fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation en raison d’un engagement pris au niveau international. Elle a seulement mentionné, dans le mémoire en défense, les négociations en cours au sein de l’OMC et les orientations futures de la PAC en tant qu’éléments du contexte général qui avait été pris en compte lors de l’adoption du règlement attaqué. Une telle prise en compte du contexte général ne constitue pas une rupture avec la pratique habituelle de la Commission et ne nécessite pas une mention expresse dans la motivation d’un règlement. En effet, l’adoption d’actes de portée générale se situe toujours dans un contexte politique et économique général, qui est connu des opérateurs concernés, et il est tout à fait normal que la Commission prenne en considération ce contexte.

 Sur les autres arguments soulevés par la requérante et par l’intervenante

260    La requérante souligne que le règlement attaqué n’a fourni aucune justification concernant la mise à zéro du montant des restitutions au regard des différents critères fixés à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007. La Commission n’aurait expliqué ni sur quels critères elle s’est fondée lors de l’adoption du règlement attaqué, ni la pondération desdits critères.

261    À cet égard, il convient de relever ce qui suit. Il résulte du point 19 de l’arrêt Delacre e.a./Commission, point 226 supra (EU:C:1990:71), que, lorsqu’une motivation standard est suffisante, car la Commission s’est située lors de l’adoption de l’acte en cause dans une pratique décisionnelle constante, la référence dans l’acte en cause « aux bases juridiques applicables » satisfait à l’obligation de motivation. En l’espèce, la Commission a mentionné les bases juridiques applicables pour la fixation des restitutions à l’exportation dans les considérants du règlement attaqué, notamment au considérant 2.

262    L’intervenante souligne qu’une éventuelle motivation que la Commission aurait pu fournir, lors de la réunion du comité de gestion du 18 juillet 2013, ne saurait combler l’absence de motivation figurant dans le règlement attaqué. Il est certes exact que la motivation d’un acte de portée générale doit figurer dans l’acte lui-même. Il n’est donc pas possible de prendre en considération les explications fournies par la Commission lors de la réunion du comité de gestion en tant que motivation du règlement attaqué. Cependant, au vu de la jurisprudence citée au point 261 ci-dessus, la motivation figurant dans le règlement attaqué était suffisante, sans qu’il soit besoin de recourir aux explications fournies par la Commission lors de la réunion du comité de gestion.

b)     Sur la seconde branche, tirée d’une incohérence et d’une contradiction de motivation équivalente à une absence de motivation

263    La requérante, soutenue par l’intervenante, fait valoir que l’article 1er du règlement attaqué est en contradiction avec l’annexe du même règlement, puisque le paragraphe 1 de l’article 1er indiquerait que des restitutions sont accordées alors qu’elles sont mises à zéro et donc supprimées de fait. De plus, le paragraphe 2 du même article renverrait à la nécessité de respecter d’autres règlements pour avoir des restitutions, alors qu’il serait impossible d’en obtenir avec des montants fixés à zéro et que ce renvoi perd, dès lors, tout sens. Elle considère que cette contradiction est l’équivalent d’une absence de motivation.

264    La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante.

265    L’article 1er du règlement attaqué est libellé comme suit:

« 1. Les restitutions à l’exportation prévues à l’article 164 du règlement (CE) n° 1234/2007 sont accordées pour les produits énumérés à l’annexe du présent règlement et à concurrence des montants qui y sont spécifiés, sous réserve des conditions énoncées au paragraphe 2 du présent article.

2. Les produits pouvant bénéficier d’une restitution en vertu du paragraphe 1 doivent satisfaire aux exigences des règlements (CE) n° 852/2004 et (CE) n° 853/2004 et, notamment, être préparés dans un établissement agréé et respecter les conditions concernant la marque d’identification fixées à l’annexe II, section I, du règlement (CE) n° 853/2004. »

266    La requérante considère qu’il est contradictoire de prévoir, dans un règlement, que des restitutions à l’exportation sont accordées sous certaines conditions, si le montant de ces restitutions est fixé, dans l’annexe de ce règlement, à zéro, de sorte qu’aucune restitution ne sera accordée.

267    Cependant, il y aurait une contradiction uniquement si l’octroi d’une restitution d’un montant égal à zéro était impossible. Il n’est pourtant pas impossible que les autorités nationales accordent des certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation d’un montant de 0 euro.

268    Certes, dans le cours normal des affaires, aucun opérateur n’introduira une telle demande (voir points 54 et 58 ci-dessus). Cependant, étant donné que l’octroi d’une restitution à l’exportation d’un montant de 0 euro n’est pas impossible, il n’existe aucune contradiction entre le libellé de l’article 1er du règlement attaqué et celui de l’annexe qui fixe le montant des restitutions à zéro. Il est tout à fait possible de prévoir que des restitutions à l’exportation seront accordées, si certaines conditions sont remplies, même si leur montant est fixé à zéro.

269    Dans ce cadre, il convient de relever que l’article 196, paragraphe 3, du règlement n° 1308/2013 prévoit que, « [s]ans préjudice de l’application de l’article 219, paragraphe 1, et de l’article 221, la restitution disponible pour les produits visés au paragraphe 1 du présent article est de 0 EUR ». Cette formulation, bien que figurant dans un règlement qui n’était pas encore en vigueur au moment de l’adoption du règlement attaqué, confirme qu’il n’est pas contradictoire de prévoir une restitution dont le montant est égal à 0 euro.

270    De plus, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 181 ci-dessus, le choix de la Commission de fixer à zéro le montant des restitutions à l’exportation dans le règlement attaqué, plutôt que de prononcer leur suspension, ne saurait être critiqué.

271    Il y a en outre lieu d’observer que l’argument de la requérante revient à affirmer qu’une fixation à zéro du montant des restitutions ne peut pas avoir lieu dans le cadre d’un règlement standard. En effet, il est inhérent à un règlement standard qu’un texte standard soit utilisé et que, à part la fixation du montant des restitutions à l’exportation, seules des modifications formelles, telles que la mise à jour des dates, soient apportées.

272    Cependant, la baisse du montant des restitutions de 10,85 euros/100 kg à 0 euro n’était pas structurellement différente des baisses précédentes de 32,50 euros/100 kg à 21,70 euros/100 kg et ensuite à 10,85 euros/100 kg. Le seul fait que la Commission a fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation ne signifie pas qu’elle n’est pas en droit de recourir à une motivation standard, lorsqu’elle ne rompt pas avec sa pratique habituelle.

273    Enfin, dans la mesure où la requérante s’appuie sur la circonstance selon laquelle la Commission n’a pas adopté de nouveau règlement le 18 octobre 2013, l’incidence que peut avoir ce fait sur la question de savoir s’il existe une contradiction dans règlement attaqué n’apparaît pas clairement. En effet, une contradiction doit résulter du libellé d’un acte et non d’un comportement ultérieur de la Commission. En tout état de cause, l’argument de la requérante selon lequel le règlement attaqué a procédé à une suppression définitive du système des restitutions à l’exportation a déjà été examiné et rejeté aux points 154 à 182 ci-dessus.

D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de la loi ou d’une erreur manifeste d’appréciation

274    Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante, soutenue par l’intervenante, affirme que la Commission ne s’est pas fondée sur les critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007, mais qu’elle a simplement décidé « d’en terminer avec » les restitutions. Selon elle, le document soumis au comité de gestion ne permet pas de prendre une décision en se fondant sur les critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007.

275    La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante.

276    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le législateur de l’Union dispose dans le domaine de l’agriculture d’un large pouvoir d’appréciation, qui correspond aux responsabilités politiques que les articles 40 TFUE à 43 TFUE lui attribuent. Par conséquent, le contrôle du juge doit se limiter à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir ou si l’autorité en question n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 14 mars 2013, Agrargenossenschaft Neuzelle, C‑545/11, Rec, EU:C:2013:169, point 43 et jurisprudence citée).

1.     Sur certaines prémisses sur lesquelles est fondé le raisonnement de la requérante

277    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante affirme, à plusieurs reprises, que la Commission n’a pas pris en compte un certain critère parmi ceux prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 et qu’elle a donc violé cette disposition.

278    À cet égard, il convient de relever que ces arguments sont fondés sur la prémisse selon laquelle la Commission serait obligée de prendre en compte la totalité des critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007. En effet, ce serait seulement dans l’hypothèse où la Commission serait obligée de prendre en compte la totalité des critères énumérés à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007, que l’absence de prise en compte de l’un de ces critères constituerait une violation de cette disposition. Cependant, il ressort clairement du libellé de l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 qu’une telle prémisse est erronée. En effet, selon ce libellé, la Commission est seulement obligée de tenir compte « d’un ou de plusieurs » des critères énumérés à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007. Cette disposition ne prévoit ni que la Commission doit prendre en compte la totalité des éléments qui sont énumérés, ni qu’un élément particulier doit systématiquement être pris en compte. La requérante a d’ailleurs admis, lors de l’audience, que la Commission n’était pas tenue de tenir compte de la totalité des critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007.

279    Ensuite, l’argument de la requérante selon lequel le document soumis au comité de gestion ne permet pas de prendre une décision en se fondant sur les critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 semble être fondé sur la prémisse que l’absence de mention d’un élément dans le document soumis au comité de gestion permettrait de considérer que la Commission ne l’a pas pris en compte. À cet égard, il convient de relever que, certes, le document soumis au comité de gestion expose l’analyse de la situation du marché faite par la Commission et donne donc des informations sur les éléments que celle-ci a pris en compte lors de cette analyse.

280    Cependant, il est nécessaire de tenir compte du fait que ce document n’a pas vocation à expliquer le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, mais surtout à présenter la situation du marché. Ainsi que la Commission l’a expliqué lors de l’audience, le calcul théorique reste interne aux services de la Commission et n’est pas communiqué au comité de gestion. L’absence de mention d’un élément dans le document soumis au comité de gestion ne constitue donc pas un indice de ce que cet élément n’a pas été pris en compte lors du calcul théorique.

281    Il convient d’analyser maintenant les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée lors de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, au regard de ses explications fournies lors de la présente procédure, et, ensuite, d’examiner les arguments concrets soulevés par la requérante afin de démontrer l’existence d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission.

2.     Sur les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée lors de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation

282    La Commission relève, dans le mémoire en défense, qu’elle a « notamment » pris en compte le critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1234/2007, selon lequel elle peut tenir compte « [d]es objectifs de l’organisation commune des marchés, qui consistent à assurer à ces marchés une situation équilibrée et un développement naturel sur le plan du prix et des échanges ».

283    À cet égard, la Commission souligne que l’Union était confrontée à une expansion de la demande interne pour la viande de volaille. Il en aurait résulté que les prix mondiaux de la volaille étaient en constante augmentation. La Commission relève également que les prix des viandes de volaille sur le marché intérieur étaient élevés, portés par une demande intérieure solide.

284    La Commission fait en outre valoir que, sur la base de l’évolution des coûts des aliments pour animaux, qui auraient été en diminution depuis une hausse à l’été 2012, la marge des producteurs avait progressivement augmenté à partir du quatrième trimestre de 2012. Elle relève que les marges des producteurs en fonction du coût des aliments étaient au-dessus de la moyenne historique malgré un prix des aliments élevé depuis plusieurs mois.

285    Dans le même temps, les prévisions de production de poulets auraient indiqué une production en légère hausse. Les perspectives d’évolution du marché auraient été bonnes avec des prévisions de croissance de la production de viande de volaille européenne de 0,7 %, poussée par l’augmentation de la demande sur le marché intérieur et sur le marché international.

286    Ensuite, la Commission souligne qu’elle a tenu compte du fait que, depuis 2007, la demande intérieure croissante était allée de pair avec l’augmentation des exportations de viande de volaille.

287    De plus, elle relève que, malgré une réduction des restitutions à l’exportation en octobre 2012 et en janvier 2013, les statistiques des exportations, telles que figurant dans le document soumis au comité de gestion, font état d’une augmentation des exportations de janvier à mai 2013 par rapport à 2012. Pour les cinq premiers mois de l’année 2013, le total des exportations de viande de volaille aurait augmenté de 0,6 % en volume et de 1 % en valeur par rapport aux cinq premiers mois de l’année 2012.

288    La Commission souligne en outre que les exportations de carcasses congelées, à savoir des produits concernés par les restitutions à l’exportation, ont augmenté de 7 %, malgré la baisse des restitutions à l’exportation.

289    La Commission relève que, compte tenu des prix élevés du poulet sur le marché intérieur, du coût élevé des aliments et de la dévaluation du réal brésilien (BRL), le différentiel de prix avec les volailles originaires du Brésil était estimé à 44,73 euros/100 kg.

290    La Commission a en outre relevé que, compte tenu de la situation du marché et de son évolution, les restitutions à l’exportation n’étaient pas nécessaires pour assurer l’équilibre du marché de l’Union de la viande de volaille ainsi qu’un développement naturel sur le plan du prix et des échanges.

291    Il ressort des explications fournies par la Commission que, bien que le résultat du calcul théorique du montant des restitutions ait été positif, elle a considéré que la situation sur le marché de l’Union était stable et qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer l’équilibre du marché et un développement naturel sur le plan du prix. Elle a donc accordé une importance particulière au critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1234/2007.

292    Il convient de relever que des éléments tels qu’une hausse des prix sur le marché de l’Union, l’existence de marges des producteurs de l’Union supérieures à la moyenne historique et une augmentation des exportations sont des éléments qui permettaient en principe à la Commission de considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la situation sur le marché de l’Union était stable et qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer la stabilité du marché.

293    Étant donné que l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 prévoit que la Commission tient compte « d’un ou de plusieurs » des critères énumérés, il lui est loisible d’accorder une importance particulière au critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous b), dudit règlement.

294    Dans ce cadre, il y a lieu de souligner que les restitutions à l’exportation visent à permettre à l’Union d’écouler ses excédents, présents sur le marché intérieur, du produit en cause vers les pays tiers (voir ordonnance Tilly-Sabco/Commission, point 18 supra, EU:T:2013:502, point 31 et jurisprudence citée). Le but du régime des restitutions à l’exportation n’est pas de subventionner un exportateur quel qu’il soit, mais de faciliter, si besoin est, les exportations dans le cadre de la réalisation des objectifs de la PAC, tels que prévus à l’article 39 TFUE, c’est-à-dire, notamment, de stabiliser les marchés et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ainsi que des prix raisonnables aux consommateurs (ordonnance Tilly-Sabco/Commission, point 18 supra, EU:T:2013:502, point 30).

3.     Sur les arguments concrets soulevés par la requérante et par l’intervenante concernant l’existence d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation

295    Il y a lieu d’examiner si les arguments avancés par la requérante et par l’intervenante sont de nature à démontrer l’existence soit d’une erreur de droit, soit d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise lors de l’adoption du règlement attaqué.

296    Il convient d’examiner, en premier lieu, les arguments de la requérante et de l’intervenante qui visent en substance à remettre en cause les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée afin de constater l’équilibre du marché.

a)     Sur les arguments visant en substance à remettre en cause les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée afin de constater l’équilibre du marché

 Sur les arguments visant à remettre en cause la hausse des prix de la viande de volaille

297    La requérante conteste, en substance, l’affirmation de la Commission selon laquelle les prix de la viande de volaille sur le marché mondial étaient en constante augmentation, en affirmant qu’il ressort de la page 18 du document soumis au comité de gestion que, en 2013, le prix du poulet frais avait baissé aux États-Unis et au Brésil.

298    La page 18 du document soumis au comité de gestion montre l’évolution des prix sur le marché de l’Union, des États-Unis et du Brésil. Ces prix sont tous exprimés en euros, ce qui signifie qu’ils tiennent compte de la variation du taux de change du dollar des États-Unis (USD) et du réal brésilien à l’égard de l’euro.

299    En réponse à une question écrite posée par le Tribunal, la Commission a relevé que les prix étaient en constante augmentation, lorsque l’on prend comme point de départ l’année 2009. Ce faisant, la Commission a en substance relevé que la page 18 du document soumis au comité de gestion visait à montrer l’évolution des prix sur le long terme.

300    À cet égard, il convient de rappeler que le document soumis au comité de gestion n’a pas vocation à expliquer le calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation, mais surtout à présenter la situation globale du marché. Si le calcul théorique prend en compte l’évolution des prix sur le court terme, il est loisible à la Commission de prendre en compte, pour apprécier la situation du marché, l’évolution des prix sur le long terme.

301    Il ressort clairement de la page 18 du document soumis au comité de gestion que la tendance sur le long terme des prix du poulet frais dans l’Union et aux États-Unis était à la hausse. Certes, à la toute fin de la période concernée, il y a eu une légère baisse des prix aux États-Unis. Cependant, même si l’évolution des prix aux États-Unis était prise en considération seulement pour les premiers mois de l’année 2013, la tendance était à la hausse. L’affirmation de la requérante selon laquelle, en 2013, le prix du poulet frais avait baissé aux États-Unis, manque donc en fait dès lors qu’il est tenu compte de la tendance de l’évolution des prix sur le marché.

302    En ce qui concerne les prix du poulet frais au Brésil, il ressort de la page 18 du document soumis au comité de gestion que, à la fin de la période considérée, il y a eu une baisse des prix. Cependant, il n’y avait pas de tendance à la baisse des prix au Brésil, si la totalité de la période considérée de 2009 à 2013 est prise en considération.

303    La requérante ne conteste pas l’exactitude des données chiffrées telles qu’elles figurent à la page 18 du document soumis au comité de gestion, mais seulement l’appréciation que la Commission a faite de ces données.

304    Compte tenu d’une tendance claire à la hausse des prix du poulet frais aux États-Unis, et en l’absence d’une tendance à la baisse des prix au Brésil sur le long terme, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en constatant que les prix sur le marché mondial étaient en hausse.

305    Par ailleurs, la Commission n’a pas seulement relevé qu’elle avait pris en compte une hausse des prix sur le marché mondial, mais elle a également relevé qu’elle avait pris en compte une hausse des prix sur le marché de l’Union.

306    La page 18 du document soumis au comité de gestion montre une tendance claire à la hausse des prix sur le marché de l’Union, sur le long terme ainsi que sur le court terme.

307    La Commission n’a en tout état de cause pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en prenant en considération, en tant qu’indicateur de l’équilibre du marché, une hausse des prix.

308    L’argument de la requérante selon lequel la page 18 du document soumis au comité de gestion montre qu’il y avait une différence importante entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché mondial et que cette différence de prix était en train de s’aggraver en défaveur des productions européens, rendant plus difficile les exportations pour ceux-ci, sera examiné aux points 392 à 403 ci-après.

309    Ensuite, la requérante critique en substance le fait que, aux pages 2 et 18 du document soumis au comité de gestion, la Commission se soit fondée sur le prix du « broiler », à savoir du poulet frais destiné à la consommation de viande, et non sur le prix du poulet congelé, qui est celui qui peut s’exporter.

310    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans le cadre de l’analyse de la situation globale du marché, la Commission n’est pas obligée de prendre en considération la situation particulière des entreprises exportatrices. La Commission a relevé, lors de l’audience, sans être contredite sur ce point par la requérante et par l’intervenante, que le marché de l’Union était essentiellement un marché du poulet frais. Le choix de la Commission de présenter au comité de gestion, dans le cadre de la présentation de la situation du marché, l’évolution des prix de la viande de poulet frais ne saurait donc être critiqué.

311    Il y a en outre lieu de relever que la Commission a bien pris en compte le prix du poulet congelé lors du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation. En effet, lors du calcul théorique, la Commission se fonde sur les prix communiqués par les opérateurs, notamment sur ceux fournis par le plus grand exportateur, qui correspondent aux prix du poulet congelé qui est exporté. L’absence de mention de l’évolution du prix du poulet congelé dans le document soumis au comité de gestion s’explique par le fait que celui-ci ne visait pas à expliquer le calcul théorique, mais à présenter la situation du marché.

312    L’intervenante a en outre critiqué, lors de l’audience, la circonstance que la comparaison des prix à la page 18 du document soumis au comité de gestion ne tenait pas compte des coûts de transport.

313    À cet égard, la Commission a relevé que le coût du transport était pris en compte lors du calcul théorique, mais qu’il n’avait pas été pris en compte dans le cadre du tableau figurant à la page 18 du document soumis au comité de gestion, car ce tableau montrait l’évolution générale des prix.

314    Étant donné que la Commission n’est pas tenue de prendre en compte la situation particulière des entreprises exportatrices dans le cadre de l’analyse de la situation globale du marché, le choix de la Commission de ne pas prendre en compte le coût du transport lors de la présentation de l’évolution des prix sur le marché de l’Union et sur le marché mondial, telle que figurant dans le document soumis au comité de gestion, ne saurait être critiqué. Étant donné que le tableau se trouvant à la page 18 du document soumis au comité de gestion concerne les prix du poulet frais, qui ne peut pas être exporté en tant que tel au Moyen-Orient, cela n’aurait d’ailleurs pas eu de sens de prendre en compte le coût du transport à destination du Moyen-Orient dans ce tableau.

 Sur les arguments concernant l’augmentation des exportations retenue par la Commission

315    En ce qui concerne l’augmentation des exportations de janvier à mai 2013 par rapport à la même période en 2012, telle que retenue par la Commission, la requérante fait valoir qu’il ressort du document soumis au comité de gestion que, même si la situation de la balance commerciale était favorable à l’Union, les importations augmentaient plus vite en pourcentage que les exportations.

316    En ce qui concerne cet argument, il convient de relever, tout d’abord, que la requérante le soulève afin de démontrer que la Commission n’a pas respecté le critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous c), du règlement n° 1234/2007, selon lequel il est tenu compte de « la nécessité d’éviter des perturbations susceptibles d’entraîner un déséquilibre prolongé entre l’offre et la demande sur le marché communautaire ».

317    À cet égard, il convient de rappeler qu’il n’existait aucune obligation pour la Commission de prendre en compte le critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous c), du règlement n° 1234/2007, car elle était seulement tenue de tenir compte « d’un ou de plusieurs » des éléments mentionnés dans ce paragraphe (voir point 278 ci-dessus).

318    Il convient néanmoins d’examiner cet argument dans la mesure où il pourrait remettre en cause l’appréciation de la Commission selon laquelle l’augmentation des exportations était un indice de la stabilité du marché.

319    Il convient de relever que, en affirmant que les importations augmentaient plus vite en pourcentage que les exportations, la requérante ne conteste pas le constat de la Commission selon lequel les exportations avaient augmenté. Il ressort d’ailleurs des données chiffrées figurant à la page 16 du document soumis au comité de gestion que les exportations augmentaient aussi bien en volume qu’en valeur. Il n’apparaît donc pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant une hausse des exportations.

320    Ce constat n’est pas remis en cause par la circonstance, soulignée par la requérante, que les importations augmentaient plus vite en pourcentage que les exportations. À cet égard, il ressort effectivement des données chiffrées figurant à la page 14 du document soumis au comité de gestion que les importations en volume avaient davantage augmenté que les exportations en volume, telles que résultant de la page 16 du document soumis au comité de gestion. Néanmoins, il ressort également des données chiffrées figurant aux pages 14 et 16 du document soumis au comité de gestion que les importations avaient baissé en valeur, tandis que les exportations avaient augmenté en valeur.

321    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la stabilité en valeur des importations, nonobstant leur hausse en volume, s’expliquait par les variations des taux de change, il y a lieu de constater qu’il ressort des données chiffrées figurant à la page 14 du document soumis au comité de gestion que, en réalité, les importations n’étaient pas restées stables en valeur, mais qu’elles avaient baissé. En outre, les variations des taux de change ont influencé la valeur des exportations de la même manière que la valeur des importations.

322    L’argument de la requérante n’est donc pas de nature à démontrer que la situation de la balance commerciale se dégradait.

323    La requérante soutient en outre que les pages 13 et 14 du document soumis au comité de gestion concernaient les importations en tonnage et en valeur, mais pas en type de produits, et ne permettaient pas de voir que, par exemple, le Brésil exportait principalement des filets de volaille et non des poulets entiers.

324    À cet égard, il y a lieu de constater que l’indication des importations en valeur reflète les différences en valeur entre les produits qui sont importés et ceux qui sont exportés.

325    Il convient en outre de rappeler que, afin de constater que le marché de la viande de volaille était stable, la Commission était en droit de considérer la situation de ce marché dans son ensemble, et qu’elle n’était pas tenue de considérer la situation particulière des produits concernés par les restitutions à l’exportation.

326    L’intervenante ajoute qu’est observée « une forte hausse des importations, à tel point que les certificats d’importation de volailles octroyés sur le fondement du règlement [n°] 612/2009 ne sont plus suffisants et que la Commission a dû appliquer des réductions des demandes d’importations » et que « [tel est] l’objet par exemple du règlement d’exécution (UE) n° 402/2014 de la Commission, du 22 avril 2014[, relatif à la délivrance de certificats d’importation et à l’attribution de droits d’importation pour les demandes introduites au cours des sept premiers jours du mois d’avril 2014 dans le cadre des contingents tarifaires ouverts par le règlement (CE) n° 616/2007 pour la viande de volaille (JO L 119, p. 59)] ».

327    La Commission rétorque que le règlement n° 402/2014 concerne la fixation d’un coefficient de réduction dans le cadre d’importations soumises à un contingent tarifaire et qu’il arrive souvent que les conditions favorables auxquelles un contingent tarifaire est soumis provoquent une forte demande d’importations dans ce cadre. Ainsi que la Commission le souligne, il ne peut pas en être conclu qu’il y a eu une forte hausse des importations. En effet, le coefficient vise à garantir le respect de la quantité préétablie dans le cadre du contingent tarifaire.

328    Il convient en outre de rappeler que la légalité du règlement attaqué doit être appréciée en vertu de la situation de droit et de fait existant lors de son adoption (voir point 159 ci-dessus). Le règlement n° 402/2014, datant du 22 avril 2014 et fixant des coefficients d’attribution pour la période commençant à partir du 1er juillet 2014, ne peut pas démontrer que, lors de l’adoption du règlement attaqué, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation. L’intervenante n’affirme pas que les données relatives aux importations sur lesquelles la Commission s’est appuyée lors de l’adoption du règlement attaqué, telles que reprises dans le document fourni au comité de gestion, étaient erronées.

329    En outre, la requérante affirme qu’il existe des contradictions entre les motifs relatifs à la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, tels que mentionnés dans une lettre de la Commission du 31 juillet 2013 (ci-après la « lettre du 31 juillet 2013 ») qui constituait une réponse à une lettre de la requérante du 9 juillet 2013, et les informations fournies dans le document soumis au comité de gestion.

330    À cet égard, la requérante n’explique pas de quelle manière les prétendues contradictions entre la lettre du 31 juillet 2013 et le document soumis au comité de gestion démontreraient l’existence d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise lors de l’adoption du règlement attaqué.

331    À supposer que l’argument de la requérante doive être compris en ce sens que la requérante souhaite remettre en cause l’exactitude des données chiffrées se trouvant dans le document soumis au comité de gestion et pris en compte par la Commission, pour autant qu’il existe une contradiction avec les données chiffrées contenues dans la lettre du 31 juillet 2013, il convient de relever ce qui suit.

332    La requérante considère que l’affirmation de la Commission dans la lettre du 31 juillet 2013, selon laquelle, « sur la période de janvier à mai 2013, les exportations de carcasses de poulet éligibles aux restitutions ont progressé de 7 % par rapport à la même période en 2012 », est en contradiction avec la page 15 du document soumis au comité de gestion, qui fait apparaître une progression de seulement 0,6 %.

333    À cet égard, il suffit de constater que, ainsi que le souligne la Commission, les données chiffrées figurant à la page 15 du document soumis au comité de gestion, qui font apparaître une augmentation de 0,6 %, concernent la totalité des exportations de viande de volaille, tandis que le chiffre de 7 % concerne uniquement les carcasses de poulet congelées éligibles aux restitutions.

334    Il n’existe donc aucune contradiction entre les chiffres contenus dans la lettre du 31 juillet 2013 et ceux contenus dans le document soumis au comité de gestion.

335    La requérante affirme en outre qu’il résulte de la page 5 du document intitulé « Short term outlook for EU arable crops, meat and dairy markets – Summer 2013 » (Perspectives à court terme pour les marchés des cultures arables, de la viande et des produits laitiers de l’Union européenne – Été 2013), produit en annexe 28 à la réplique, que les exportations n’étaient pas en augmentation comme le prétend la Commission, mais que, « [e]n 2013, concernant le commerce, les exportations sembl[ai]ent plafonner à 1,3 million de tonnes ».

336    À cet égard, il y a lieu de constater que ce document indique les prévisions du secteur et qu’il n’est nullement en contradiction avec le constat de la Commission selon lequel, pour la période de janvier à mai 2013, il y a eu une hausse des exportations de 0,6 %. En outre, il est constaté dans ce document qu’« on s’attend à ce que le rythme de croissance des exportations qu’a connu l’[Union] ces dernières années ralentisse sur la période ». Selon ce document, il y avait donc une perspective de croissance des exportations, bien qu’à un rythme ralenti. Ce document ne saurait donc remettre en cause l’appréciation de la Commission.

 Sur les arguments de la requérante et de l’intervenante visant à démontrer l’existence d’un déséquilibre provoqué par la fixation à zéro du montant des restitutions

337    La requérante considère que « [l]a Commission n’a pas pris du tout en compte le déséquilibre qu’elle allait provoquer entre l’offre et la demande sur le marché communautaire puisque sa décision va conduire à la disparation de la filière avicole française qui est la plus importante d’Europe ». Elle affirme en outre que « [l]e déséquilibre ainsi créé ne pourrait qu’être compensé par un autre déséquilibre du marché communautaire, à savoir qu’en l’absence de débouchés à l’export, Tilly-Sabco vende ses poulets à bas prix voire à perte en Allemagne pour éviter de les jeter ».

338    Même si la requérante a soulevé cet argument afin de démontrer l’absence de prise en compte du critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous c), du règlement n° 1234/2007, elle conteste également, en substance, le constat de la Commission selon lequel il n’aurait pas été nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer l’équilibre du marché.

339    Quant à la substance de l’argument soulevé par la requérante, il y a lieu de relever qu’elle semble invoquer, d’une part, la création d’un déséquilibre sur le marché de l’Union provoqué par une diminution de l’offre, en raison de la disparition de la filière avicole française (premier argument), et, d’autre part, la création d’un déséquilibre provoqué par une augmentation de l’offre, en raison de la vente sur le marché de l’Union de produits qui auraient, en l’absence d’une fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, été vendus au Moyen-Orient (second argument).

340    En ce qui concerne le premier argument soulevé par la requérante, il convient de constater que n’apparaît pas clairement la manière dont la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation ferait disparaître toute la filière avicole française. En effet, le risque d’une disparition pourrait tout au plus concerner les entreprises agricoles qui sont actives notamment dans l’exportation de la viande de poulet vers les destinations concernées par les restitutions à l’exportation, à savoir, pour l’essentiel, la requérante et l’intervenante.

341    Il n’y a pas lieu de considérer que la disparition d’une production qui n’était en tout état de cause pas destinée au marché de l’Union risque d’entraîner un déséquilibre entre l’offre et la demande sur ce marché. Il convient de rappeler dans ce cadre que la raison d’être des restitutions à l’exportation n’est pas de subventionner un exportateur déterminé, mais d’assurer l’équilibre du marché de l’Union, pris dans son ensemble.

342    En ce qui concerne le second argument de la requérante, il y a lieu de relever que, au vu du nombre limité d’entreprises actives dans l’exportation de la viande de poulet vers les pays du Moyen-Orient, la requérante aurait dû expliquer pourquoi le fait que ces entreprises puissent éventuellement vendre leurs produits sur le marché de l’Union était de nature à créer un déséquilibre entre l’offre et la demande sur ce marché.

343    Il n’y a pas lieu de considérer que toute augmentation de l’offre sur un marché qui est en équilibre entraîne un risque de perturbations sur ce marché. En effet, certaines variations de l’offre et de la demande constituent des facteurs normaux de l’évolution des marchés.

344    En outre, il n’existe aucun automatisme qui permettrait de conclure que, si les exportations des produits bénéficiant de restitutions à l’exportation ne sont plus rentables après la fixation à zéro du montant des restitutions, la production sera écoulée sur le marché de l’Union. En effet, la production qui était auparavant destinée à l’exportation vers les pays du Moyen-Orient pourrait également être écoulée sur d’autres marchés, qui ne sont de toute façon pas concernés par les restitutions à l’exportation. Il convient de rappeler que les restitutions à l’exportation étaient uniquement accordées pour des produits et des destinations déterminés.

345    Il ressort par ailleurs du point 13 de la réplique que, après l’adoption du règlement attaqué, la requérante a continué à exporter des poulets entiers congelés vers des pays du Moyen-Orient.

346    En outre, il convient de rappeler que les exportations bénéficiant de restitutions à l’exportation avaient augmenté avant l’adoption du règlement attaqué malgré la réduction progressive de ces restitutions.

347    Dans la mesure où l’intervenante relève que 2,5 millions de mètres carrés sont destinés en France à la production de poulets pour l’exportation, il y a lieu de souligner qu’elle ne met pas ce chiffre en relation avec la totalité de la production et de la consommation sur le marché de l’Union.

348    Les arguments de la requérante et de l’intervenante ne sont donc pas de nature à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la situation sur le marché était stable et qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer l’équilibre du marché. À plus forte raison, les arguments de la requérante et de l’intervenante ne sont pas de nature à démontrer qu’il existait un risque de « perturbations susceptibles d’entraîner un déséquilibre prolongé entre l’offre et la demande sur le marché communautaire » au sens de l’article 164, paragraphe 3, sous c), du règlement n° 1234/2007.

349    L’argument de l’intervenante selon lequel « la Commission n’a pas démontré que l’équilibre du marché était préservé en supprimant par le biais d’une mise à zéro des restitutions par le règlement attaqué » semble reposer sur une erreur quant à la charge de la preuve. En effet, il n’incombe pas à la Commission de démontrer que l’équilibre du marché était préservé, mais il appartient au contraire à la requérante et à l’intervenante de démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où elle a considéré que l’équilibre du marché était préservé.

 Sur les arguments concernant l’augmentation de la marge des producteurs retenue par la Commission

350    En ce qui concerne l’argument de la Commission, soulevé dans le mémoire en défense, selon lequel la marge des producteurs en fonction du coût des aliments avait progressivement augmenté à partir du quatrième trimestre de l’année 2012, la requérante souligne que cette augmentation de la marge a eu lieu à compter d’avril 2013.

351    Il convient de constater que, effectivement, il ressort des pages 9 et 10 du document soumis au comité de gestion que l’augmentation de la marge des producteurs n’a pas commencé au quatrième trimestre de l’année 2012, mais seulement en 2013. Cela ne remet pas en cause la circonstance que, au moment de l’adoption du règlement attaqué, les marges des producteurs étaient au-dessus de la moyenne historique. Ce fait plaide en faveur de la stabilité du marché de l’Union, et le moment exact auquel l’augmentation a commencé n’est pas un facteur déterminant dans le cadre du raisonnement de la Commission. La circonstance que la Commission s’est trompée en indiquant, au point 112 du mémoire en défense, que l’augmentation avait commencé à partir du quatrième trimestre de l’année 2012, n’est pas de nature à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise lors de l’adoption du règlement attaqué. La requérante n’affirme pas que les données figurant dans la présentation faite lors de la réunion du comité de gestion étaient erronées.

352    La Commission souligne que les marges des producteurs étaient au-dessus de la moyenne historique « malgré un prix des aliments élevé depuis plusieurs mois ».

353    La requérante le conteste, en substance, en faisant valoir que le fait que le prix de l’alimentation animale était plus élevé pendant la période de janvier à mai 2013 que pendant la même période en 2012, tel que mentionné dans la lettre du 31 juillet 2013, ne ressort pas clairement des documents remis au comité de gestion.

354    Cet argument manque en fait. En effet, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, le graphique figurant à la page 8 du document soumis au comité de gestion montre une augmentation du coût de l’alimentation pendant la période allant de janvier à mai 2013 par rapport à la période allant de janvier à mai 2012.

355    En outre, le graphique figurant à la page 9 du document soumis au comité de gestion montre également une augmentation du coût de l’alimentation des poulets en 2012.

356    La requérante estime qu’il existe une contradiction dans le mémoire en défense, en ce que la Commission affirmerait, au point 116 de ce mémoire, qu’il y avait eu une augmentation du coût de l’alimentation animale sur la même période entre 2012 et 2013, tandis qu’elle affirmerait, au point 112 du même mémoire, qu’il y avait eu une baisse du prix des aliments.

357    À cet égard, il convient de constater qu’il n’existe aucune contradiction entre les points en cause du mémoire en défense. En effet, le fait que le coût de l’alimentation animale était en baisse depuis une hausse à l’été 2012 n’est nullement incompatible avec la circonstance que ce prix a été plus élevé pendant la période de janvier à mai 2013 que pendant la période de janvier à mai 2012. Les données figurant à la page 9 du document soumis au comité de gestion montrent qu’il y a eu une forte augmentation des prix des aliments composés et des aliments à base d’un mélange de céréales pour poulets en 2012, et que ces prix ont baissé à partir de l’été 2012 pour les aliments à base d’un mélange de céréales et à partir de la fin de 2012 pour les aliments composés. Les données figurant sur cette page montrent également que les prix sont restés plus élevés de janvier à mai 2013 qu’ils ne l’étaient de janvier à mai 2012.

358    La requérante fait en outre valoir, dans la réplique, qu’il y a eu « une baisse du coût des aliments pour animaux mais non pas depuis l’été 2012, mais à partir de décembre 2012 ». Cet argument se réfère apparemment au point 112 du mémoire en défense, dans lequel la Commission a mentionné que les coûts des aliments pour animaux étaient « en diminution depuis une hausse [à l’]été 2012 ».

359    À cet égard, la Commission souligne à juste titre que les tableaux sur lesquels la requérante semble fonder son argument, à savoir les pages 4 à 6 du document soumis au comité de gestion, concernent les contrats à terme. Elle explique que les contrats à terme connaissaient une évolution légèrement différente par rapport aux prix réels de marché, en ce qu’ils étaient encore en légère augmentation en juillet 2012.

360    Certes, il ressort des données figurant à la page 9 du document soumis au comité de gestion que, s’il est exact que les prix avaient baissé à partir de l’été 2012 pour les aliments à base d’un mélange de céréales, ils avaient seulement baissé à partir de la fin de 2012 pour les aliments composés. L’affirmation de la Commission contenue au point 112 du mémoire en défense, selon laquelle les coûts des aliments pour animaux étaient en diminution depuis une hausse à l’été 2012, doit donc être nuancée.

361    Cependant, le fait qu’une affirmation de la Commission contenue dans le mémoire en défense doive être nuancée ne signifie pas qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’adoption du règlement attaqué. La requérante n’affirme pas que les données chiffrées concernant l’évolution des prix des aliments, contenues dans le document soumis au comité de gestion, sont erronées. En tout état de cause, la question de savoir si la baisse des prix des aliments a commencé à l’été 2012 ou à la fin de l’année 2012 ne joue pas un rôle déterminant dans le raisonnement suivi par la Commission afin de justifier la fixation à zéro du montant des restitutions.

362    La requérante fait en outre valoir que les informations sur les prix des matières fourragères concernent uniquement le marché des œufs et non le marché de la viande de volaille. À cet égard, il convient de relever ce qui suit.

363    Il est exact que les pages 4 à 6 et 8 du document soumis au comité de gestion portent la mention « Situation du marché avicole de l’Union ». Cependant, les prix des matières fourragères pour l’alimentation des poulets restent les mêmes, peu importe qu’il s’agisse de poulets destinés à la production d’œufs ou à la production de viande. La requérante n’affirme pas que les matières fourragères nécessaires pour l’alimentation de ces deux types de poulets sont différentes. Il y a donc lieu de considérer que les tableaux sont valables non seulement en ce qui concerne le marché des œufs, mais également en ce qui concerne le marché de la viande de volaille.

364    Par ailleurs, la page 9 du document soumis au comité de gestion contient un tableau qui montre l’évolution, premièrement, du prix des aliments composés, deuxièmement, du prix des aliments à base d’un mélange de céréales et, troisièmement, du prix des poulets. Cette page comporte la mention « Situation du marché avicole de l’Union ». En outre, la page 10 du document soumis au comité de gestion montre l’évolution des marges des producteurs de poulets en fonction du coût des aliments. L’argument de la requérante selon lequel, en substance, les informations sur les prix des matières fourragères concernent toutes le marché des œufs doit également être rejeté pour ce motif.

 Sur l’argument selon lequel la Commission n’a pas pris en compte la demande

365    Lors de l’audience, la requérante a affirmé que la Commission n’avait pas pris en compte la demande de poulets.

366    À cet égard, il y a lieu de constater que le document soumis au comité de gestion ne contient pas de tableau relatif à l’évolution de la demande de poulet sur le marché de l’Union ou sur le marché mondial. Cependant, le document soumis au comité de gestion contient plusieurs tableaux relatifs à l’évolution des prix ainsi que, à la page 12, un tableau relatif aux prévisions de production et à la production de poulets. En prenant en considération l’évolution de la production de poulets, donc l’offre, et l’évolution des prix des poulets, la Commission a nécessairement pris en compte la demande, car le prix résulte de la rencontre entre l’offre et la demande.

367    La Commission a d’ailleurs explicitement relevé que « [l]es prix des viandes de volailles sur le marché intérieur étaient élevés portés par une demande intérieure solide », confirmant ainsi qu’elle avait pris en compte la demande en tant que facteur déterminant l’évolution des prix.

368    Il convient en outre de constater que l’augmentation de la demande était un élément militant en faveur de l’appréciation de la Commission selon laquelle il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer l’équilibre du marché. Il n’existe donc aucune raison de penser que la Commission n’a pas pris en compte cet élément. Par ailleurs, n’apparaît pas clairement la manière dont la prétendue absence de prise en considération d’un élément militant en tout état de cause en faveur de la solution retenue, à savoir la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, pourrait constituer une erreur justifiant l’annulation du règlement attaqué.

369    La requérante semble remettre en cause l’augmentation de la demande, en soulignant qu’il résulte de la page 5 du document intitulé « Short term outlook for EU arable crops, meat and dairy markets – Summer 2013 » (voir point 335 ci-dessus), qui prend en considération des données disponibles jusqu’au 15 juin 2013, qu’il y a eu un « ralentissement de l’augmentation de la production et de la consommation de la viande de volaille ». Elle souligne en outre que ce document indique également que, « [a]près une période de forte demande dans l’[Union] et dans le monde ayant entraîné l’augmentation de la production nationale ces dernières années, la tendance en 2013 est à la baisse » et que, « [e]n dépit de la baisse prévue des prix des aliments pour animaux à compter du deuxième semestre 2013, le taux de croissance de la production pourrait continuer de ralentir en 2014 ».

370    À cet égard, il y a lieu de constater qu’il n’existe aucune contradiction entre ces constats et le constat de la Commission selon lequel l’Union était confrontée à une expansion de la demande interne pour la viande de volaille. En effet, un « ralentissement de l’augmentation de la production et de la consommation » et un taux de croissance de la production qui « pourrait continuer de ralentir en 2014 » signifient qu’il existe encore une croissance de la production et de la demande, ainsi qu’une prévision de croissance de la production, bien qu’à un taux plus faible qu’auparavant.

371    Le document sur lequel s’appuie la requérante n’est donc pas de nature à remettre en cause le constat de la Commission selon lequel il y avait une augmentation de la demande. Il convient en outre de relever que, dans l’hypothèse où ce serait à tort que la Commission a retenu une augmentation de la demande, la requérante, en tant qu’opérateur sur le marché, aurait dû être en mesure de fournir des éléments concrets relatifs à l’évolution de la demande de nature à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce.

b)     Sur les arguments visant à établir l’existence d’une erreur en ce que la Commission aurait pris en compte un élément non prévu à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007

372    La requérante affirme que la Commission a commis une erreur de droit en prenant en considération l’évolution du prix du soja, ainsi qu’il ressortirait du document soumis au comité de gestion, alors que le soja n’est pas une céréale. Elle souligne que, selon l’article 164, paragraphe 3, sous i), du règlement n° 1234/2007, la Commission peut prendre en compte « la différence entre les prix dans la Communauté et les prix sur le marché mondial pour la quantité de céréales fourragères nécessaire à la production dans la Communauté des produits de ces secteurs ». Selon elle, il en ressort que la Commission doit seulement prendre en compte les prix des céréales et non le prix du soja.

373    Lors de l’audience, la requérante a confirmé qu’elle considérait que l’énumération des critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 était limitative.

374    À cet égard, il convient de relever que la formulation retenue à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 est assez souple. En effet, selon ce paragraphe, « [l]ors de la fixation des restitutions applicables à un produit donné, il est tenu compte d’un ou de plusieurs des éléments suivants […] »

375    Il résulte de cette formulation que la Commission est tenue de prendre en compte au moins l’un des éléments énumérés par cet article. Cependant, il ne résulte pas de cette formulation que la liste de ces éléments est limitative. La formulation selon laquelle « il est tenu compte de » ne s’oppose pas à la prise en compte d’autres éléments.

376    La souplesse de la formulation choisie milite contre le caractère limitatif de l’énumération. Cette souplesse est d’ailleurs confirmée par d’autres versions linguistiques de la disposition en cause. Ainsi, la version anglaise, « One or more of the following aspects shall be taken into account when refunds for a certain product are being fixed », et la version allemande, « Die Ausfuhrerstattungen werden je nach Erzeugnis unter Berücksichtigung eines oder mehrerer der folgenden Faktoren festgesetzt », confirment que la Commission est seulement tenue de « tenir compte » d’un ou de plusieurs des éléments énumérés, ce qui ne signifie pas qu’elle doive se fonder exclusivement sur de tels facteurs.

377    En outre, la circonstance que, selon l’article 162, paragraphe 1, du règlement n° 1234/2007, l’octroi même des restitutions à l’exportation est facultatif milite en faveur d’une très grande marge d’appréciation et d’une grande flexibilité au profit de la Commission lorsqu’il s’agit de fixer leur montant.

378    En effet, il serait peu convainquant de considérer que la Commission peut décider de ne pas du tout accorder de restitutions à l’exportation, et ce sans être contrainte de fonder cette décision sur des critères déterminés, mais qu’elle doit, lors de la fixation du montant de ces restitutions, tenir compte exclusivement d’éléments énumérés de manière limitative.

379    L’argument de la requérante est donc fondé sur une prémisse erronée.

380    Il convient d’ailleurs de relever que la requérante fait elle-même valoir, au point 168 de la requête, sous l’intitulé « La Commission pouvait prendre en compte d’autres éléments », que le prix du soja au Brésil était nettement inférieur à celui pratiqué en France, ce qui aurait « forcément un impact sur les coûts comparés de production et donc sur les prix de vente ». Cette affirmation de la requérante est en contradiction avec son affirmation selon laquelle la Commission n’était pas en droit de prendre en compte le prix du soja.

381    À titre surabondant, il y a lieu de relever que, même si l’énumération des critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 était considérée comme étant limitative, cela ne signifierait pas que la Commission a commis une erreur en prenant en compte l’évolution du prix du soja.

382    À supposer que l’énumération des critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 soit limitative, cela signifierait seulement que la Commission n’est pas en droit de prendre en compte l’évolution du prix du soja dans le cadre de l’application du critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous i), du règlement n° 1234/2007, qui mentionne uniquement les prix des céréales fourragères.

383    Cependant, selon l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1234/2007, la Commission peut notamment prendre en compte la situation sur le marché. La marge des producteurs de poulets en fonction du coût des aliments peut être prise en compte en ce qu’elle constitue l’un des facteurs déterminant la situation du marché. La requérante n’affirme d’ailleurs pas que la Commission n’était pas en droit de prendre en compte l’évolution des marges des producteurs.

384    La prise en compte de l’évolution des marges des producteurs en fonction du coût des aliments signifie nécessairement que le coût réel de l’alimentation des poulets doit être pris en compte. La requérante a relevé, lors de l’audience, que le soja représentait 24 % des aliments qui étaient utilisés dans l’Union pour nourrir les poulets. Le soja est donc une composante importante de l’alimentation des poulets.

385    La circonstance que le document soumis au comité de gestion contient un tableau consacré à l’évolution des cours à terme du soja peut s’expliquer par le fait que la Commission a pris en compte l’évolution du prix du soja dans le cadre de l’examen du critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous b), du règlement n° 1234/2007. Dans ce cadre, il convient de rappeler que le document soumis au comité de gestion a pour vocation de présenter la situation du marché et non le résultat du calcul théorique.

386    Par ailleurs, ainsi que la Commission l’a souligné lors de l’audience, le prix des aliments entre en considération lors de l’analyse du critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1234/2007. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre du calcul théorique du montant des restitutions, la différence de prix est calculée sur la base de la différence entre le prix fob de revient en France et le prix de vente à destination (voir point 237 ci-dessus). Ainsi que la Commission l’a expliqué, en réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, le prix de revient en France est calculé en tenant compte du coût des aliments, du coût du vif, du coût du mort, du coût abattoir et du coût de mise en fob. En prenant en compte le prix de revient en France lors du calcul de la différence entre les prix sur le marché de l’Union et les prix sur le marché mondial, conformément au critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous a), du règlement n° 1234/2007, la Commission a pris en compte le coût de l’alimentation de la volaille sur ce marché, et donc également le coût du soja.

387    Même une lecture limitative des critères prévus à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007 n’empêcherait pas la Commission de prendre en considération, dans le cadre de l’examen du critère figurant dans cette disposition, sous a), en tant que prix sur le marché de l’Union, le prix de revient, dont l’un des éléments est constitué par le coût de l’alimentation de la volaille, y compris le coût du soja. La requérante n’affirme pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en se fondant, lors de l’application du critère en cause, sur le coût de revient dans l’Union.

388    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la prise en compte du prix du soja ne constitue donc ni une erreur de droit, ni une erreur manifeste d’appréciation.

389    La requérante reproche en outre à la Commission le fait que le document soumis au comité de gestion ne contienne pas de comparaison entre les prix des mêmes céréales sur le marché de l’Union et sur le marché mondial. Selon la requérante, la Commission n’a donc pas respecté le critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous i), du règlement n° 1234/2007.

390    Lors de l’audience, la requérante a reconnu que, selon le libellé de l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007, il n’existait aucune obligation pour la Commission de prendre en compte le critère figurant dans cette disposition, sous i). Elle a cependant affirmé que, lorsque la Commission commençait à examiner le critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous i), du règlement n° 1234/2007, elle devait l’examiner de manière complète et prendre en compte le prix des céréales fourragères non seulement dans l’Union, mais également sur le marché mondial.

391    À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort des points 383 à 387 ci-dessus, le coût de l’alimentation de la volaille dans l’Union peut être pris en compte dans le cadre de l’examen des critères figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous a) et sous b), du règlement n° 1234/2007. La circonstance que le document soumis au comité de gestion contient des informations relatives au coût de l’alimentation dans l’Union et non une comparaison avec le prix sur le marché mondial n’est donc pas de nature à établir que la Commission a pris en compte de manière incomplète le critère figurant à l’article 164, paragraphe 3, sous i), du règlement n° 1234/2007. La requérante n’a donc établi l’existence ni d’une erreur de droit ni d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission.

c)     Sur les arguments relatifs à l’augmentation des besoins en restitutions

392    La requérante présente un calcul des « besoins » en restitutions à l’exportation des sociétés françaises du secteur de la volaille, établi par l’ITAVI (institut technique de l’aviculture français) et fondé sur la différence des prix fob au départ de France et du Brésil. Elle relève que le prix du poulet était nettement inférieur au Brésil en comparaison du prix dans l’Union, ainsi qu’il résulterait d’ailleurs de la page 18 du document soumis au comité de gestion, ce qui aurait justifié l’octroi de restitutions.

393    La requérante souligne que les besoins en restitutions augmentaient au moment où la Commission a adopté le règlement attaqué fixant à zéro le montant des restitutions à l’exportation. Elle affirme que la Commission aurait donc dû au moins maintenir le niveau du montant des restitutions et qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation en fixant à zéro ce montant.

394    La Commission conteste les arguments de la requérante.

395    Il convient de relever que, lorsque la requérante se réfère aux « besoins » en restitutions, elle se réfère en substance au résultat du calcul théorique du montant des restitutions. De même, les calculs effectués par l’ITAVI et produits par la requérante en annexe à la requête concernent, en substance, le calcul théorique.

396    Ce calcul théorique concerne uniquement la question de savoir si les exportateurs de viande de volaille ont un « besoin » de restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’être en mesure de vendre leurs produits dans les régions concernées par ces restitutions. Cependant, dans le cadre de l’analyse globale de la situation du marché, la Commission n’est pas obligée de considérer la situation particulière des entreprises exportatrices. Même si les exportateurs avaient besoin de restitutions à l’exportation afin d’être en mesure de vendre leurs produits, cela ne signifie pas qu’il soit besoin, au vu de la situation globale du marché, de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif.

397    Il est possible que l’analyse de la situation du marché permette à la Commission de considérer que la situation sur le marché de l’Union est stable et qu’il n’est pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer la stabilité du marché et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole. Dans une telle situation, il est loisible à la Commission de ne pas accorder de restitutions à l’exportation ou de fixer leur montant à zéro, même si le résultat du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation est positif.

398    En l’espèce, le résultat du calcul théorique du montant des restitutions à l’exportation était positif, ce que la Commission admet. Néanmoins, ainsi qu’il résulte du point 292 ci-dessus, la Commission pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la situation sur le marché de l’Union était stable et qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation d’un montant positif afin d’assurer l’équilibre du marché.

399    La Commission a relevé, dans le cadre de sa réponse à la question écrite du Tribunal portant sur sa pratique habituelle, que le calcul théorique et l’analyse de marché revêtaient la même importance et que, cependant, à la lumière des objectifs de la PAC, l’analyse de la situation du marché influencerait davantage la décision finale.

400    La requérante a affirmé, lors de l’audience, qu’il existait une contradiction dans cet argument de la Commission, en ce que cette dernière indiquerait, d’une part, que le calcul théorique et l’analyse de marché revêtent la même importance et, d’autre part, que l’analyse de marché revêt plus d’importance.

401    À cet égard, il y a lieu de relever qu’une importance égale du calcul théorique et de l’analyse de marché, telle que relevée par la Commission, ne signifie pas que le montant des restitutions à l’exportation doit, en principe, être égal au résultat du calcul théorique. En effet, si le montant des restitutions à l’exportation devait, en principe, être égal au résultat du calcul théorique, cela signifierait que le calcul théorique revêt plus d’importance que l’analyse de marché. Une importance égale de ces deux éléments signifie nécessairement que l’analyse de marché peut exercer une influence importante sur le montant des restitutions à l’exportation qui est fixé.

402    Il est possible que, dans un cas d’espèce, l’analyse du marché influence davantage le montant des restitutions à l’exportation que le résultat du calcul théorique. La Commission a donné l’exemple selon lequel, en présence d’un marché déficitaire dans l’Union, il ne correspondrait pas aux objectifs de la PAC de favoriser les exportations au détriment de l’équilibre du marché de l’Union, de la sécurité des approvisionnements et de la garantie de prix raisonnables aux consommateurs, et ce même en présence d’un résultat positif du calcul théorique.

403    De même, lorsque le marché de l’Union n’est pas déficitaire, mais en équilibre, la Commission peut considérer que, au vu des objectifs de la PAC, il n’y a pas lieu de favoriser les exportations en fixant des restitutions à l’exportation d’un montant positif, et ce même en cas de résultat positif du calcul théorique, y compris dans l’hypothèse où le résultat du calcul théorique a augmenté par rapport au résultat obtenu lors de la fixation précédente des restitutions à l’exportation.

d)     Sur les arguments relatifs à l’entrée en vigueur immédiate du règlement attaqué

404    L’intervenante considère que l’erreur manifeste d’appréciation qu’elle allègue porte non seulement sur la fixation à zéro du montant des restitutions, mais également sur l’entrée en vigueur immédiate de cette mesure. Elle considère que la motivation type fournie au considérant 6 du règlement attaqué, qui prévoit une entrée en vigueur immédiate « [a]fin d’éviter de perturber le marché, d’éviter la spéculation sur le marché et d’assurer une gestion efficace », est particulièrement inadaptée au cas présent, puisque la suppression brutale des restitutions à l’exportation sans préavis risquerait au contraire de conduire à une désorganisation du marché intérieur.

405    À cet égard, il y a lieu de constater que la Cour a relevé, au point 19 de l’arrêt Westzucker, point 181 supra (EU:C:1973:30), que la mise en vigueur immédiate d’un règlement fixant à zéro le montant de la prime de dénaturation pour le sucre blanc « se justifi[ait] de manière évidente par la nécessité d’empêcher le dépôt, pendant le délai qui autrement se serait écoulé entre la publication de la mesure prise et sa mise en application, de demandes de titres de dénaturation qui, à cause notamment de leur longue durée, auraient pu compromettre l’effet de la mesure de politique économique prise par la Commission ».

406    Par analogie, en l’espèce, l’entrée en vigueur immédiate du règlement attaqué se justifiait par la nécessité d’éviter que les opérateurs concernés ne déposent des demandes de certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation entre la date de publication du règlement attaqué et la date de son entrée en vigueur.

407    Il est donc tout à fait normal qu’un règlement fixant le montant des restitutions à l’exportation entre en vigueur immédiatement, afin d’assurer l’efficacité de cette mesure.

408    Il y a lieu de relever qu’il résulte du point 19 de l’arrêt Westzucker, point 181 supra (EU:C:1973:30), que la mise en vigueur immédiate n’avait même pas à être spécialement motivée, « étant donné qu’elle tradui[sait] un impératif d’efficacité inhérent à la nature même de la mesure instituée par le règlement [en cause] ». En l’espèce, le règlement attaqué prévoit une motivation, bien que succincte, pour sa mise en vigueur immédiate (voir considérant 6 du règlement attaqué).

409    Il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

E –  Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

410    La requérante affirme qu’elle pouvait légitimement compter sur un maintien du système des restitutions jusqu’en 2014. L’intervenante ajoute que, dans un discours du 18 juin 2013, le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural réaffirmait que le passage à zéro du montant des restitutions et leur utilisation uniquement en cas de crise s’inscrivaient dans le cadre de la réforme de la PAC.

411    La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante.

412    Il convient de rappeler que la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées (arrêt Irish Farmers Association e.a., point 223 supra, EU:C:1997:187, point 25).

413    Or, il est de jurisprudence constante que, si le principe de protection de la confiance légitime s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union. Il en est spécialement ainsi dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir arrêt Delacre e.a./Commission, point 226 supra, EU:C:1990:71, point 33 et jurisprudence citée).

414    II en résulte que les opérateurs économiques ne sauraient invoquer un droit acquis au maintien d’un avantage, résultant pour eux de la mise en place de l’organisation commune des marchés, et dont ils ont bénéficié à un moment donné (voir arrêt Delacre e.a./Commission, point 226 supra, EU:C:1990:71, point 34 et jurisprudence citée).

415    En l’espèce, l’argumentation de la requérante est fondée sur la prémisse erronée selon laquelle la Commission aurait, en adoptant le règlement attaqué, mis fin au système des restitutions à l’exportation. Cependant, le règlement attaqué constitue un règlement qui fixe de manière périodique le montant des restitutions à l’exportation (voir points 154 à 182 ci-dessus). La Commission pouvait considérer, sans commettre une erreur manifeste d’appréciation, qu’il n’était pas nécessaire de fixer des restitutions à l’exportation à un montant positif afin d’assurer la stabilité du marché (voir point 292 ci-dessus).

416    Contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a donc pas mis fin de manière anticipée au système des restitutions à l’exportation qui était en place avant l’entrée en vigueur du règlement n° 1308/2013.

417    Les opérateurs doivent toujours s’attendre à ce que le montant d’une restitution à l’exportation soit fixé à zéro lorsque la situation du marché le permet.

418    En outre, lorsque les opérateurs économiques sont en mesure de prévoir l’adoption de la mesure de l’Union affectant leurs intérêts, le bénéfice du principe de protection de la confiance légitime ne saurait être invoqué (voir arrêt du 10 mars 2005, Espagne/Conseil, C‑342/03, Rec, EU:C:2005:151, point 48 et jurisprudence citée).

419    Il convient de rappeler que la modification du montant des restitutions à l’exportation a eu lieu dans le cadre d’une baisse progressive et qu’elle ne saurait être qualifiée d’abrupte (voir point 255 ci-dessus).

420    Au vu de la marge d’appréciation dont dispose la Commission, les opérateurs n’étaient pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante (voir, en ce sens, arrêt Espagne/Conseil, point 418 supra, EU:C:2005:151, point 49 et jurisprudence citée).

421    En ce qui concerne les déclarations de responsables de la Commission sur lesquelles la requérante et l’intervenante s’appuient au soutien de leurs arguments, il convient de relever ce qui suit.

422    Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables (voir arrêt du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, Rec, EU:T:2003:78, point 26 et jurisprudence citée).

423    La requérante a fourni un document intitulé « Résumé des rencontres Volailles Export 8 juin [2011] », établi par l’association Breiz Europe et résumant les résultats de rencontres entre Breiz Europe, la requérante et Doux, d’une part, et des fonctionnaires de la DG de l’agriculture et du développement rural de la Commission, d’autre part.

424    Il ne ressort cependant pas de ce document que les fonctionnaires de la DG de l’agriculture et du développement rural aient fourni une assurance précise quant au maintien des restitutions à l’exportation à un montant positif. Il n’en résulte même pas une assurance précise quant au maintien du système des restitutions à l’exportation en vigueur à l’époque jusqu’à une date précise.

425    La requérante s’appuie en outre sur un communiqué de l’association Breiz Europe du 26 juillet 2011, selon lequel, en « fonction de la réglementation en cours et sans anticiper sur le contenu de la prochaine réforme de la PAC qui n’entrera en vigueur qu’en 2014, force est de constater que le régime des restitutions fait parti[e] des instruments que l’[Union] a et conservera dans sa propre réglementation jusqu’en 2014 au minimum ».

426    À cet égard, il y a lieu de constater qu’un communiqué qui émane d’une association et qui ne cite pas des propos de responsables de la Commission ne permet pas de démontrer l’existence d’assurances précises de la part de cette dernière. De plus, le règlement attaqué ne correspond pas à une abolition du régime des restitutions à l’exportation. En effet, la fixation à zéro des restitutions à l’exportation ne change rien à la circonstance que le régime des restitutions en tant que tel a été maintenu.

427    L’intervenante cite en outre un discours du membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural du 18 juin 2013, dans lequel celui-ci a indiqué : « [À] l’occasion de [la réforme de la PAC], nous devrions prendre l’engagement clair que les restitutions doivent être utilisées exclusivement en cas de crise. »

428    À cet égard, il suffit de constater que cette affirmation ne comporte aucune assurance précise quant au comportement que la Commission adopterait avant l’entrée en vigueur de la PAC réformée. En tout état de cause, le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural ne s’est pas prononcé sur le niveau auquel le montant des restitutions à l’exportation serait fixé avant l’entrée en vigueur de la PAC réformée.

429    Lors de l’audience, l’intervenante a ajouté que la Cour avait rendu un arrêt dans lequel elle avait constaté que la Commission avait violé la règle de droit en n’ayant pas assorti la suppression d’une réglementation de mesures transitoires protégeant la confiance légitime des opérateurs.

430    Par cet argument, la requérante se réfère apparemment à l’arrêt du 14 mai 1975, CNTA/Commission (74/74, Rec, EU:C:1975:59). Au point 44 de cet arrêt, la Cour a relevé que, « en l’absence d’un intérêt public péremptoire, la Commission, en n’ayant pas assorti le règlement n° 189/72 de mesures transitoires protégeant la confiance que l’opérateur pouvait légitimement avoir dans la réglementation communautaire, a violé une règle supérieure de droit et engagé ainsi la responsabilité de la Communauté ».

431    Il ressort du point 43 de l’arrêt CNTA/Commission, point 430 supra (EU:C:1975:59), que cet arrêt concernait la suppression avec effet immédiat et sans avertissement de l’application de montants compensatoires « sans prendre de mesures transitoires qui, au moins, permettraient à un opérateur économique soit d’éviter la perte qui lui aurait été causée dans l’exécution de contrats d’exportation dont la réalité et l’irrévocabilité sont établies par la préfixation des restitutions, soit d’être dédommagé de cette perte ».

432    L’arrêt CNTA/Commission, point 430 supra (EU:C:1975:59), concernait la situation particulière d’opérateurs qui avaient pris des engagements irrévocables parce qu’ils avaient obtenu, sous caution, des certificats d’exportation comportant préfixation du montant de la restitution, et pour lesquels la modification de la réglementation avait eu pour effet de leur causer des pertes inévitables en leur réimposant le risque de change (voir point 42 de cet arrêt).

433    En l’espèce, la situation est différente, car la modification du montant des restitutions à l’exportation, par le règlement attaqué, ne change en rien la situation des opérateurs en ce qui concerne les exportations pour lesquelles ils avaient déjà obtenu des certificats à l’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation.

434    Certes, la requérante et l’intervenante soulignent que le cycle de production du poulet est de 18 mois et qu’il n’est pas possible pour un producteur d’arrêter la chaîne de production avec effet immédiat, car tous les jours de nouveaux poulets arrivent qui ont été mis en production bien avant.

435    Cependant, un tel argument démontre tout au plus que la requérante ne pouvait pas diminuer sa production avec effet immédiat, car elle était obligée d’accepter les poulets qui continuaient à arriver en raison des contrats conclus avec les éleveurs. Il n’existait cependant aucune obligation pour la requérante d’exporter les poulets qu’elle produisait vers les pays du Moyen-Orient.

436    La modification du montant des restitutions à l’exportation est inhérente au système de fixation périodique du montant de ces restitutions. Le seul fait que le cycle de production d’un poulet soit de 18 mois ne saurait donc faire naître une confiance légitime dans le maintien de restitutions à l’exportation à un certain niveau.

437    Il ne saurait donc être déduit de l’arrêt CNTA/Commission, point 430 supra (EU:C:1975:59), que la Commission viole le principe de protection de la confiance légitime lorsqu’elle fixe à zéro le montant des restitutions à l’exportation sans prévoir de mesures transitoires. L’intervenante n’explique d’ailleurs pas comment des mesures transitoires pourraient être prévues dans un règlement fixant le montant des restitutions à l’exportation. Il y a lieu de relever qu’un tel règlement fixe un seul montant des restitutions à l’exportation applicable et qu’il ne prévoit pas une réduction de ce montant par étapes successives. Il convient par ailleurs de rappeler que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en prévoyant l’entrée en vigueur immédiate du règlement attaqué (voir points 404 à 407 ci-dessus).

438    Il y a donc lieu de rejeter également le cinquième moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

439    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

440    En l’espèce, la Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de « réserver les dépens ». Ce faisant, elle n’a pas valablement conclu à la condamnation de la requérante ou de l’intervenante aux dépens. En effet, une demande visant à ce que le Tribunal réserve les dépens n’a pas de sens en l’espèce et équivaut à une absence de conclusions sur les dépens de la part de la Commission.

441    Dans ces circonstances, il y a lieu de décider que la requérante, ainsi que Doux, en sa qualité d’intervenante, et la Commission supporteront chacune leurs propres dépens, y compris, en ce qui concerne la requérante et la Commission, les dépens afférents à la procédure en référé.

442    La République française supportera ses propres dépens afférents à la procédure en référé, conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tilly-Sabco supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

4)      Doux SA supportera ses propres dépens.

5)      La République française supportera ses propres dépens tels qu’exposés en tant qu’intervenante dans la procédure en référé.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 janvier 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur la recevabilité

A –  Sur l’existence d’un acte réglementaire

B –  Sur l’affectation directe de la requérante

C –  Sur l’existence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution

II –  Sur le fond

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation des formes substantielles et d’un détournement de procédure

1.  Sur la première branche, tirée du non-respect de la procédure prévue par le règlement n° 182/2011

a)  Sur la violation alléguée de dispositions procédurales

b)  Sur l’incidence d’une éventuelle violation de règles procédurales sur la solution du litige

c)  Sur les autres arguments soulevés par la requérante et par l’intervenante

Sur l’argument selon laquelle la Commission aurait admis ne pas avoir respecté les règles établies par le règlement n° 182/2011

Sur les données prétendument incomplètes fournies au comité de gestion

Sur l’argument tiré du fait qu’une absence d’avis du comité de gestion est constatée dans le règlement attaqué

2.  Sur la seconde branche, tirée d’une contradiction entre la procédure adoptée et les visas que comporte le texte

a)  Sur la recevabilité de la seconde branche du premier moyen

b)  Sur le bien-fondé de la seconde branche du premier moyen

B –  Sur le deuxième moyen, tiré d’un vice de procédure et d’incompétence

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une absence de motivation

1.  Sur la recevabilité du troisième moyen

2.  Sur le bien-fondé du troisième moyen

a)  Sur la première branche, tirée d’une absence de motivation du règlement attaqué

Sur la jurisprudence concernant l’obligation de motivation

Sur le caractère suffisant de la motivation du règlement attaqué

–  Sur la pratique habituelle de la Commission

–  Sur la question de savoir si la Commission s’est écartée de sa pratique habituelle

Sur les autres arguments soulevés par la requérante et par l’intervenante

b)  Sur la seconde branche, tirée d’une incohérence et d’une contradiction de motivation équivalente à une absence de motivation

D –  Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de la loi ou d’une erreur manifeste d’appréciation

1.  Sur certaines prémisses sur lesquelles est fondé le raisonnement de la requérante

2.  Sur les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée lors de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation

3.  Sur les arguments concrets soulevés par la requérante et par l’intervenante concernant l’existence d’une erreur de droit ou d’une erreur manifeste d’appréciation

a)  Sur les arguments visant en substance à remettre en cause les éléments sur lesquels la Commission s’est appuyée afin de constater l’équilibre du marché

Sur les arguments visant à remettre en cause la hausse des prix de la viande de volaille

Sur les arguments concernant l’augmentation des exportations retenue par la Commission

Sur les arguments de la requérante et de l’intervenante visant à démontrer l’existence d’un déséquilibre provoqué par la fixation à zéro du montant des restitutions

Sur les arguments concernant l’augmentation de la marge des producteurs retenue par la Commission

Sur l’argument selon lequel la Commission n’a pas pris en compte la demande

b)  Sur les arguments visant à établir l’existence d’une erreur en ce que la Commission aurait pris en compte un élément non prévu à l’article 164, paragraphe 3, du règlement n° 1234/2007

c)  Sur les arguments relatifs à l’augmentation des besoins en restitutions

d)  Sur les arguments relatifs à l’entrée en vigueur immédiate du règlement attaqué

E –  Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.