Language of document : ECLI:EU:T:2016:8

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

14 janvier 2016 (*

« Agriculture – Restitution à l’exportation – Viande de volaille – Règlement d’exécution fixant la restitution à 0 euro – Recours en annulation – Acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution – Affectation directe – Recevabilité – Article 3, paragraphe 3, du règlement (UE) no 182/2011 – Obligation de motivation – Article 164, paragraphe 3, du règlement (CE) no 1234/2007 – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑397/13,

Tilly‑Sabco, établie à Guerlesquin (France), représentée par Mes R. Milchior, F. Le Roquais et S. Charbonnel, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Doux SA, établie à Châteaulin (France), représentée par Me J. Vogel, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Bianchi et Mme K. Skelly, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement d’exécution (UE) no 689/2013 de la Commission, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 196, p. 13),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2015,

rend le présent

Arrêt (1)

 Antécédents du litige

1        La requérante, Tilly‑Sabco, est une société active notamment dans l’exportation de poulets entiers congelés vers les pays du Moyen‑Orient.

2        Par le présent recours, la requérante demande l’annulation d’un acte adopté par la Commission européenne, par lequel cette dernière a fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille pour trois catégories de poulets entiers congelés.

3        Les principes gouvernant les restitutions à l’exportation sont régis par le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO L 299, p. 1), tel que modifié.

4        Le chapitre III, « Exportations », de la partie III, « Échanges avec les pays tiers », du règlement no 1234/2007 comprend une section II, « Restitutions à l’exportation », consacrée auxdites restitutions. L’article 162 de ce règlement dispose que, dans la mesure requise pour permettre la réalisation des exportations sur la base des cours ou des prix du marché mondial et dans les limites découlant des accords conclus conformément à l’article 218 TFUE, la différence entre ces cours ou ces prix et les prix de l’Union européenne peut être couverte par une restitution à l’exportation pour les produits relevant, notamment, du secteur de la viande de volaille.

5        Selon l’article 164, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, les restitutions à l’exportation sont les mêmes pour toute l’Union. Selon le paragraphe 2 de ce même article, les restitutions sont fixées par la Commission et peuvent l’être de façon périodique ou, pour certains produits, par voie d’adjudication. Ce paragraphe prévoit également que, sauf dans les cas de fixation par voie d’adjudication, la liste des produits pour lesquels il est accordé une restitution à l’exportation et le montant de cette restitution sont fixés au moins une fois tous les trois mois.

[omissis]

10      Par le règlement d’exécution (UE) no 689/2013, du 18 juillet 2013, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 196, p. 13, ci‑après le « règlement attaqué »), la Commission a notamment fixé à zéro le montant des restitutions à l’exportation pour trois catégories de poulets congelés, dont les codes sont 0207 12 10 9900, 0207 12 90 9190 et 0207 12 90 9990.

11      Le montant des restitutions pour les six autres produits – essentiellement des poussins – repris dans l’annexe du règlement attaqué, qui avait été fixé à zéro par le règlement d’exécution (UE) no 1056/2011 de la Commission, du 20 octobre 2011, fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille (JO L 276, p. 31), n’a pas été modifié.

12      Selon l’annexe du règlement attaqué, les destinations concernées par les restitutions à l’exportation sont notamment des pays du Moyen‑Orient.

13      Le règlement attaqué a en outre abrogé le règlement no 360/2013, qui fixait jusqu’alors le niveau des restitutions pour le secteur en cause.

[omissis]

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2013, la requérante a introduit le présent recours.

18      Par acte séparé, déposé le même jour au greffe du Tribunal, la requérante a introduit une demande en référé dans laquelle elle concluait, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution du règlement attaqué, jusqu’à l’adoption de la décision mettant fin au litige principal. Par ordonnance du 29 août 2013, le président du Tribunal a admis la République française à intervenir dans l’affaire en référé au soutien des conclusions de la requérante. Le président du Tribunal a rejeté la demande en référé par l’ordonnance du 26 septembre 2013, Tilly‑Sabco/Commission (T‑397/13 R, EU:T:2013:502), et les dépens ont été réservés.

19      Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 15 novembre 2013, Doux SA, une société également active notamment dans l’exportation de poulets entiers congelés de l’Union vers les pays du Moyen‑Orient, a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante dans le litige au principal. Par ordonnance du 7 avril 2014, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

20      La requérante a demandé que certains éléments confidentiels contenus dans le mémoire en réplique ainsi que dans ses annexes soient exclus de la communication à la partie intervenante. La communication à la partie intervenante desdits écrits et annexes a été limitée aux versions non confidentielles produites par la requérante. La partie intervenante n’a pas soulevé d’objections à ce sujet.

21      L’intervenante a déposé son mémoire en intervention dans le délai imparti et la Commission a présenté ses observations sur celui‑ci également dans le délai imparti. La requérante n’a pas déposé d’observations sur ce mémoire dans le délai imparti.

22      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, invité les parties à répondre par écrit à des questions et demandé à la Commission de produire certains documents. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

23      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

24      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation contre le règlement attaqué introduit par la requérante recevable ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        réserver les dépens.

 En droit

26      À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens, tirés, le premier, d’une violation des formes substantielles et d’un détournement de procédure, le deuxième, d’un vice de procédure et d’incompétence, le troisième, d’une absence de motivation, le quatrième, d’une violation de la loi ou d’une erreur manifeste d’appréciation et, le cinquième, d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

27      La Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, fait valoir que le recours est irrecevable. Elle estime que la requérante n’a pas qualité pour agir, car, selon elle, les conditions prévues par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne sont pas remplies.

 I – Sur la recevabilité

28      La requérante, soutenue par l’intervenante, fait valoir que le règlement attaqué constitue un acte réglementaire qui la concerne directement et qui ne comporte pas de mesures d’exécution, conformément à la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. À titre subsidiaire, elle fait valoir qu’elle est concernée directement et individuellement par le règlement attaqué, au sens de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

29      Il convient de commencer par examiner si le règlement attaqué constitue un acte réglementaire qui concerne directement la requérante et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

 A – Sur l’existence d’un acte réglementaire

30      S’agissant, tout d’abord, de la question de savoir si le règlement attaqué constitue un acte réglementaire au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a lieu de rappeler que la notion d’acte réglementaire au sens de cette disposition doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs [arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, Rec, EU:C:2013:625, point 61 ; ordonnance du 6 septembre 2011, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, T‑18/10, Rec, EU:T:2011:419, point 56, et arrêt du 25 octobre 2011, Microban International et Microban (Europe)/Commission, T‑262/10, Rec, EU:T:2011:623, point 21].

31      Ainsi que la requérante le souligne à juste titre, un acte a une portée générale, s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite [ordonnance du 8 avril 2008, Saint‑Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑503/07 P, Rec, EU:C:2008:207, point 71, et arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 30 supra, EU:T:2011:623, point 23]. En l’espèce, il y a lieu de relever que le règlement attaqué a une portée générale, car il a pour objet de fixer le montant des restitutions à l’exportation qui s’appliquent à une catégorie d’opérateurs envisagées de manière générale et abstraite, à savoir à tous les opérateurs exportant les produits en cause vers les pays concernés par ledit règlement.

32      Étant donné que le règlement attaqué n’a été adopté ni selon la procédure législative ordinaire ni selon une procédure législative spéciale au sens de l’article 289, paragraphes 1 à 3, TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 4 juin 2012, Eurofer/Commission, T‑381/11, Rec, EU:T:2012:273, point 44), il constitue un acte réglementaire au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

33      La Commission concède d’ailleurs que le règlement attaqué est un acte réglementaire.

 B – Sur l’affectation directe de la requérante

34      Il n’y a aucune raison d’interpréter la notion d’affectation directe, telle qu’elle est requise s’agissant des actes réglementaires dans le cadre de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, d’une manière autre que celle dont cette notion est interprétée dans le cadre de la deuxième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, à savoir s’agissant des actes qui concernent « directement et individuellement » une personne physique ou morale (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:204, point 59).

35      La condition d’affectation directe exige, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure chargés de sa mise en œuvre, celle‑ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation incriminée sans application d’autres règles intermédiaires [voir arrêt Microban International et Microban (Europe)/Commission, point 30 supra, EU:T:2011:623, point 27 et jurisprudence citée].

36      En l’espèce, le règlement attaqué produit un effet juridique directement sur la requérante, en ce sens qu’elle ne peut plus bénéficier de restitutions à l’exportation d’un montant positif pour ses exportations de poulets entiers congelés vers les pays du Moyen‑Orient. Le montant des restitutions à l’exportation ayant été fixé à zéro par le règlement attaqué, celui‑ci ne laisse aucune marge d’appréciation à cet égard aux autorités nationales chargées d’allouer les restitutions. Même si une restitution à l’exportation était accordée par une autorité nationale, celle‑ci serait automatiquement d’un montant égal à zéro, dans la mesure où le règlement attaqué ne laisse aucune marge d’appréciation aux autorités nationales leur permettant de fixer une restitution à l’exportation d’un montant positif.

37      La requérante est donc directement affectée par le règlement attaqué.

38      La Commission a d’ailleurs confirmé, en réponse à une question posée à cet égard lors de l’audience, qu’elle ne contestait pas l’affectation directe de la requérante, ce dont il a été pris acte dans le procès‑verbal de l’audience.

 C – Sur l’existence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution

39      La notion d’actes réglementaires ne comportant pas de mesures d’exécution, au sens de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition qui consiste, ainsi qu’il ressort de sa genèse, à éviter qu’un particulier ne soit contraint d’enfreindre le droit pour pouvoir accéder au juge. Or, lorsqu’un acte réglementaire produit directement des effets sur la situation juridique d’une personne physique ou morale sans requérir des mesures d’exécution, cette dernière risquerait d’être dépourvue d’une protection juridictionnelle effective si elle ne disposait pas d’une voie de recours direct devant le juge de l’Union aux fins de mettre en cause la légalité de cet acte réglementaire. En effet, en l’absence de mesures d’exécution, une personne physique ou morale, bien que directement concernée par l’acte en question, ne serait en mesure d’obtenir un contrôle juridictionnel de cet acte qu’après avoir violé les dispositions dudit acte en se prévalant de l’illégalité de celles‑ci dans le cadre des procédures ouvertes à son encontre devant les juridictions nationales (arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 27).

40      La Cour a également précisé que, lorsqu’un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré indépendamment de la question de savoir si lesdites mesures émanent de l’Union ou des États membres. Les personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement devant le juge de l’Union un acte réglementaire de l’Union sont protégées contre l’application à leur égard d’un tel acte par la possibilité d’attaquer les mesures d’exécution que cet acte comporte (arrêt Telefónica/Commission, point 39 supra, EU:C:2013:852, point 28).

41      Aux fins d’apprécier le point de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours au titre de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Il est donc sans pertinence de savoir si l’acte en question comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres justiciables. En outre, il convient de se référer exclusivement à l’objet du recours (arrêt Telefónica/Commission, point 39 supra, EU:C:2013:852, points 30 et 31).

42      S’il ressort de la jurisprudence citée au point 39 ci‑dessus que la notion d’actes réglementaires ne comportant pas de mesures d’exécution doit être interprétée à la lumière de l’objectif de cette disposition, qui est de garantir une protection juridictionnelle effective, cela ne signifie cependant pas qu’il y a lieu d’examiner cette notion exclusivement à la lumière de cet objectif. En effet, il n’est pas possible de se prononcer sur un critère objectif de recevabilité, à savoir la condition d’existence d’un acte réglementaire qui comporte des mesures d’exécution, en répondant uniquement à la question de savoir si le requérant dispose d’une protection juridictionnelle effective.

43      Eu égard au libellé de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il y a également lieu d’examiner si l’acte réglementaire en cause « comporte » des mesures pour sa mise en œuvre. Cela signifie que peuvent seulement constituer des mesures d’exécution au sens de cette disposition des mesures que les organes ou organismes de l’Union ou les autorités nationales adoptent dans le cours normal des affaires. Si, dans le cours normal des affaires, les organes ou organismes de l’Union et les autorités nationales n’adoptent aucune mesure pour mettre en œuvre l’acte réglementaire et pour concrétiser ses conséquences pour chacun des opérateurs concernés, cet acte réglementaire ne « comporte » pas de mesures d’exécution.

44      Il convient de souligner que, selon le libellé de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, il ne suffit pas que l’acte réglementaire « puisse comporter » des mesures d’exécution, mais il est nécessaire qu’il « comporte » des mesures d’exécution.

45      Les libellés de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dans d’autres versions linguistiques du traité FUE que la version française, telles que la version anglaise (does not entail implementing measures) ou la version allemande (keine Durchführungsmaßnahmen nach sich ziehen), confirment qu’il doit s’agir de mesures qui suivent naturellement l’acte réglementaire. Il n’est pas suffisant qu’un opérateur ait la possibilité d’obliger, de manière artificielle, l’administration à adopter une mesure susceptible de recours, car une telle mesure ne constitue pas une mesure que l’acte réglementaire « comporte ».

46      Il y a donc lieu d’examiner si, dans le cours normal des affaires, des mesures seront adoptées par des autorités afin de mettre en œuvre le règlement attaqué.

47      Selon l’article 167, paragraphe 1, du règlement no 1234/2007, une restitution à l’exportation n’est accordée que sur demande et sur présentation d’un certificat d’exportation. L’article 4, paragraphe 1, du règlement (CE) no 612/2009 de la Commission, du 7 juillet 2009, portant modalités communes d’application du régime des restitutions à l’exportation pour les produits agricoles (JO L 186, p. 1), prévoit que, sauf en ce qui concerne les exportations de marchandises, le droit à la restitution est subordonné à la présentation d’un certificat d’exportation comportant fixation à l’avance de la restitution. Ainsi que le souligne la Commission, la demande doit être introduite auprès des autorités nationales et le certificat d’exportation comportant fixation à l’avance de la restitution est également délivré par les autorités nationales.

48      Par ailleurs, selon l’article 46, paragraphe 1, du règlement no 612/2009, la restitution n’est payée que, sur demande spécifique de l’exportateur, par l’État membre dans le territoire duquel la déclaration d’exportation a été acceptée.

49      Il convient en outre de relever que, selon l’article 1er, paragraphe 2, sous b), ii), du règlement (CE) no 376/2008 de la Commission, du 23 avril 2008, portant modalités communes d’application du régime des certificats d’importation, d’exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 114, p. 3), un certificat est présenté en cas d’exportation pour « les produits visés à l’article 162, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007, pour lesquels une restitution à l’exportation, même nulle, ou une taxe à l’exportation a été établie ».

50      En outre, selon l’article 1er, paragraphe 4, du règlement no 376/2008, « [a]ux fins du régime de certificats d’exportation et de préfixation visé au paragraphe 1, lorsqu’une restitution a été fixée pour des produits non énumérés à l’annexe II, partie II, et qu’un opérateur ne demande pas à bénéficier de cette restitution, l’opérateur concerné n’est pas tenu de présenter un certificat pour l’exportation des produits considérés ».

51      En l’espèce, il est constant entre les parties qu’il n’y avait aucune obligation d’obtenir un certificat d’exportation pour les produits en cause afin de pouvoir les exporter sans bénéficier de restitutions à l’exportation.

52      La Commission affirme que, même en cas de fixation du montant des restitutions à l’exportation à zéro par un règlement, « nul n’empêche » un opérateur d’introduire une demande de délivrance d’un certificat d’exportation, car, avec la délivrance d’un certificat d’exportation, selon l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 376/2008, le droit d’exporter serait fixé, mettant à l’abri l’opérateur de tout risque au cas où l’Union déciderait d’imposer un droit additionnel, une interdiction d’exporter ou toute autre mesure similaire.

53      Cependant, la question pertinente pour déterminer si le règlement attaqué « comporte » des mesures d’exécution n’est pas celle de savoir si rien n’empêche les opérateurs concernés de demander un certificat d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation, mais celle de savoir si, dans le cours normal des affaires, des opérateurs déposeront de telles demandes.

54      À cet égard, il convient de relever que, étant donné que l’obtention d’un certificat d’exportation n’est pas obligatoire et que les restitutions à l’exportation qui peuvent être fixées seront de toute façon d’un montant égal à zéro, dans le cours normal des affaires, les opérateurs concernés n’introduiront pas de demandes de certificats à l’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation auprès des autorités nationales.

55      C’est à juste titre que la requérante souligne, dans la réplique, que le risque d’instauration d’une taxe à l’exportation, voire d’une interdiction d’exportation entre la date de demande de certificat d’exportation et l’exportation proprement dite, était théorique en 2013 dans le secteur en cause. En effet, étant donné que les produits en cause avaient bénéficié, jusqu’à l’adoption du règlement attaqué, de restitutions à l’exportation d’un montant positif, il n’était pas envisageable que, dans un proche avenir, la Commission instaure une taxe à l’exportation ou même une interdiction d’exporter. La Commission n’affirme d’ailleurs pas qu’un tel risque existait.

56      Par ailleurs, la Commission concède que, dans le secteur de la volaille, il n’y a pas eu de demandes de certificats d’exportation après la fixation des restitutions à zéro par le règlement attaqué.

57      Dans la mesure où la Commission souligne que, dans les secteurs des céréales et du sucre, il y a eu des demandes de certificats d’exportation malgré la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, il convient de relever qu’elle Commission ne fournit aucun détail permettant d’évaluer les raisons pour lesquelles des opérateurs dans d’autres secteurs ont introduit de telles demandes et d’évaluer si la situation dans le secteur de la viande de volaille était comparable. La Commission a d’ailleurs concédé, lors de l’audience, qu’il n’existait pas d’exemples récents d’une telle pratique.

58      En raison de la fixation à zéro du montant des restitutions à l’exportation, par le règlement attaqué, et en l’absence d’obligation de présenter un certificat d’exportation pour pouvoir exporter les produits en cause, dans le cours normal des affaires, aucune demande de certificats d’exportation ne sera présentée auprès des autorités nationales. En l’absence de demandes de certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation, les autorités nationales n’adopteront aucune mesure afin de mettre en œuvre le règlement attaqué. Celles‑ci n’adopteront donc pas, dans le cours normal des affaires, de telles mesures. Il n’existera donc aucune mesure concrétisant les conséquences qu’a le règlement attaqué à l’égard des divers opérateurs concernés.

59      Il serait artificiel de considérer que le règlement attaqué comporte des mesures d’exécution au seul motif que les opérateurs peuvent introduire des demandes de certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation et ainsi obliger les autorités nationales à adopter des mesures en exécution du règlement attaqué, à savoir l’octroi de restitutions à l’exportation d’un montant égal à zéro. En effet, les opérateurs n’ont aucune raison de procéder ainsi et ils ne le feront donc pas dans le cours normal des affaires.

60      La Commission admet qu’il pourrait sembler excessif d’exiger d’un opérateur qu’il dépose une demande de certificat d’exportation à la seule fin d’obtenir l’accès à un juge. Elle concède également, en réponse à une question écrite posée à cet égard par le Tribunal, que, « dans une certaine mesure », une fixation du montant des restitutions à l’exportation à zéro dans un règlement constitue un acte qui, dans le cours normal des affaires, n’entraînera l’adoption d’aucun acte par une autorité pour sa mise en œuvre, car un opérateur n’a a priori besoin d’aucun acte pour pouvoir exporter sans restitutions.

61      La Commission estime néanmoins que, dans le cas d’espèce, l’acte d’exécution, qui ne serait normalement pas demandé, aurait bien pu l’être justement afin d’obtenir accès à la justice. Elle considère que la requérante aurait pu demander un certificat d’exportation qui aurait donné droit à une restitution à l’exportation d’un montant de 0 euro et qu’elle aurait pu, après avoir apporté la preuve de l’exportation des produits mentionnés dans le certificat, contester devant le juge national l’octroi d’une restitution d’un montant égal à zéro, en invoquant la prétendue illégalité du règlement attaqué.

62      Cependant, c’est justement le fait qu’une demande soit déposée auprès d’une autorité nationale à la seule fin de pouvoir obtenir accès à la justice qui implique que cette demande ne sera pas déposée dans le cours normal des affaires. L’autorité nationale n’ayant d’autre choix que de fixer le montant des restitutions à zéro, un exportateur ne peut avoir aucun intérêt à obtenir une fixation des restitutions par l’autorité nationale dans ces conditions, sauf pour obtenir, de manière « artificielle », l’adoption d’un acte pouvant faire l’objet d’un recours.

63      Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué ne « comporte » pas de mesures d’exécution.

64      Ce résultat n’est pas remis en cause par l’argument de la Commission selon lequel il serait paradoxal de faire dépendre la recevabilité d’un recours du niveau des restitutions et de considérer que, en cas de fixation du montant des restitutions à zéro, le règlement ne comporte pas de mesures d’exécution alors que, en cas de fixation à un niveau supérieur à zéro, l’acte attaquable est celui d’exécution au niveau national.

65      En effet, la question de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution doit être examinée en tenant compte de toutes les circonstances du cas d’espèce. Il convient de rappeler que, aux fins d’apprécier le point de savoir si un acte réglementaire comporte des mesures d’exécution, il y a lieu de s’attacher à la position de la personne invoquant le droit de recours (voir point 41 ci‑dessus). Il est donc possible qu’un même règlement puisse être contesté par certains opérateurs devant le Tribunal, car il les concerne directement et ne comporte pas de mesures d’exécution à l’égard de ceux‑ci, tandis qu’il comporte des mesures d’exécution à l’égard d’autres opérateurs. À plus forte raison, il n’est pas exclu qu’un règlement fixant à zéro le montant de restitutions ne comporte pas de mesures d’exécution, tandis qu’un règlement « similaire » fixant des restitutions à un montant positif en comporte.

66      Il n’est donc pas nécessaire d’examiner le bien‑fondé des arguments de la requérante selon lesquels, même si elle avait demandé un certificat d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation, elle n’aurait en tout état de cause pas pu contester devant le juge national l’acte adopté sur le plan national octroyant des restitutions à l’exportation d’un montant égal à zéro.

67      Il n’est pas davantage nécessaire d’examiner les arguments de la requérante selon lesquels elle est individuellement concernée par le règlement attaqué.

68      Il résulte de tout ce qui précède que le recours est recevable, car le règlement attaqué est un acte réglementaire qui concerne directement la requérante et qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

 II – Sur le fond

 A – Sur le premier moyen, tiré d’une violation des formes substantielles et d’un détournement de procédure

69      Le premier moyen se divise en deux branches. La première est tirée du non‑respect de la procédure prévue par le règlement (UE) no 182/2011 du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, établissant les règles et principes généraux relatifs aux modalités de contrôle par les États membres de l’exercice des compétences d’exécution par la Commission (JO L 55, p. 13), et, la deuxième, d’une contradiction entre la procédure adoptée et les visas que comporte le texte en cause.

 1. Sur la première branche, tirée du non‑respect de la procédure prévue par le règlement no 182/2011

70      La requérante, soutenue par l’intervenante, considère que, en présentant le projet du règlement attaqué seulement au cours de la réunion du comité de gestion, la Commission n’a pas respecté les règles prévues par l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011. La Commission n’aurait pas donné aux membres du comité de gestion tous les éléments qui leur auraient offert « de réelles possibilités, à un stade précoce, d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion », au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011.

71      La Commission conteste les arguments de la requérante et de l’intervenante.

72      Il convient de relever, tout d’abord, que la requérante a initialement indiqué que le premier moyen était dans son intégralité tiré d’un détournement de procédure.

73      Cependant, par la première branche du premier moyen, la requérante soulève en substance une violation des formes substantielles, en ce que la Commission n’aurait pas respecté, lors de la consultation du comité de gestion, la procédure prévue à l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011. Lors de l’audience, la requérante a confirmé que la première branche du premier moyen était en réalité tirée d’une violation des formes substantielles, ce dont il a été pris acte dans le procès‑verbal de l’audience.

 a) Sur la violation alléguée de dispositions procédurales

74      Selon l’article 195 du règlement no 1234/2007, la Commission est assistée par le comité de gestion. Selon l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 182/2011, le comité est composé de représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission.

75      L’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 est libellé de la manière suivante :

« Le président soumet au comité le projet d’acte d’exécution à adopter par la Commission.

Sauf dans des cas dûment justifiés, le président convoque une réunion au moins quatorze jours à compter de la soumission du projet d’acte d’exécution et du projet d’ordre du jour au comité. Le comité émet son avis sur le projet d’acte d’exécution dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question. Les délais sont proportionnés et donnent aux membres du comité de réelles possibilités, à un stade précoce, d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion. »

76      Ainsi que la Commission l’a expliqué, la procédure de consultation du comité de gestion s’est déroulée de la manière suivante. Le 16 juillet, à savoir deux jours avant la réunion du comité de gestion, la Commission a envoyé par courriel aux membres du comité de gestion un document intitulé « EU Market situation for poultry » (Situation du marché avicole de l’Union, ci‑après le « document soumis au comité de gestion »).

77      Au cours de la matinée où s’est tenue la réunion du comité de gestion du 18 juillet 2013, la Commission a présenté la situation du marché avicole. Dans l’après‑midi où cette réunion s’est poursuivie, après 13 heures, la Commission a présenté au comité de gestion le projet du règlement attaqué. Il s’agissait d’un règlement standard dans lequel seuls les chiffres avaient été mis à jour. Plus particulièrement, il s’agissait d’une photocopie du règlement antérieur fixant les restitutions à l’exportation dans lequel les mentions relatives aux montants des restitutions avaient été barrées au crayon.

78      Le projet du règlement attaqué a ensuite été soumis au vote. Le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural a accompli les formalités d’auto‑certification le même jour, à 15 heures 46, afin de permettre une publication du règlement attaqué le lendemain au Journal officiel, pour une entrée en vigueur et une application immédiates.

79      La Commission a en outre expliqué qu’elle suivait cette pratique pour la fixation des restitutions à l’exportation depuis 1962.

80      De plus, elle a relevé que la procédure et les délais n’avaient fait l’objet d’aucune contestation de la part des États membres dans le cas d’espèce.

81      La Commission affirme que les raisons subjacentes de cette pratique sont d’éviter des fuites, des perturbations du marché et des spéculations mettant en péril les intérêts financiers de l’Union. Elle relève que la distribution du projet de mesures après 13 heures se justifie par le fait que, sur la base de l’article 16 du règlement no 376/2008, aucune demande de certificat valable pour le même jour ne peut être déposée après 13 heures. La Commission considère que ces modalités sont absolument essentielles et que le fait de connaître par anticipation une éventuelle baisse du montant des restitutions permettrait aux opérateurs, à travers la fixation à l’avance des restitutions, de gagner des sommes énormes, fruits de la pure spéculation, et ce au détriment du budget de l’Union, en entraînant en outre de fortes perturbations des marchés. La Commission fait également valoir que les opérateurs sont informés des mesures avant leur publication par les différents organismes professionnels qui prennent contact avec leurs administrations nationales.

82      La requérante considère que les arguments soulevés par la Commission ne justifient pas la présentation du projet du règlement attaqué seulement en cours de réunion et qu’il ne saurait être présumé qu’il existait un risque de fuites.

83      Il y a donc lieu d’examiner si la manière dont la Commission a procédé lors de l’adoption du règlement attaqué est conforme aux règles prévues à l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011.

84      Il convient de commencer par examiner la question de savoir si le règlement no 182/2011 permet, en principe, qu’un projet de règlement puisse être présenté au comité de gestion en cours de séance.

85      L’article 3, paragraphe 3, second alinéa, première phrase, du règlement no 182/2011 prévoit un délai d’au moins quatorze jours entre la date de soumission du projet d’acte d’exécution et la date de réunion du comité de gestion, qui doit être respecté « [s]auf dans des cas dûment justifiés ».

86      Il est donc possible de déroger à la règle de présentation des projets de règlement quatorze jours avant la date de la réunion du comité de gestion, sans que le règlement no 182/2011 prévoie un délai minimal devant être respecté. En raison des termes « [s]auf dans des cas dûment justifiés », qui figurent au début de la première phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011, cette première phrase ne s’oppose pas à une présentation d’un projet de règlement en cours de séance.

87      La deuxième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011 prévoit que le comité de gestion émet son avis sur le projet d’acte d’exécution « dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question ». La requérante a en substance affirmé, lors de l’audience, qu’il résultait de cette formulation qu’un délai devait toujours exister et que celui‑ci ne pouvait pas être nul, de sorte qu’une présentation du projet du règlement à adopter en cours de séance serait exclue.

88      À cet égard, la Commission a souligné à juste titre, lors de l’audience, que, même en cas de présentation du projet à adopter en cours de séance, les membres du comité de gestion disposaient toujours d’« un moment » pour examiner le texte. En effet, même en cas de présentation d’un projet de règlement en cours de séance, le vote n’a pas lieu concomitamment avec la présentation du projet, mais toujours à l’issue d’un certain laps de temps, de quelques minutes ou de quelques quarts d’heures au moins. La présentation en cours de réunion ne signifie donc pas qu’il y a un délai nul pour l’avis du comité de gestion.

89      La troisième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011, selon laquelle les « délais sont proportionnés et donnent aux membres du comité de réelles possibilités, à un stade précoce, d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion », ne s’oppose pas davantage à une présentation du projet de règlement en cours de séance. En effet, lorsqu’un délai de quelques minutes ou, selon le cas, de quelques quarts d’heures entre la soumission du projet de règlement au comité de gestion et le passage au vote est suffisant afin de donner aux membres du comité de réelles possibilités d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion, un tel délai peut être « proportionné » au sens de la troisième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011.

90      La formulation selon laquelle les membres du comité de gestion doivent avoir la possibilité d’examiner le projet « à un stade précoce » doit être lue à la lumière du fait que le délai doit, selon la même disposition, être « proportionné ». La formulation « à un stade précoce » ne signifie pas nécessairement que le projet de règlement doit être soumis au comité de gestion avant la date de la réunion. Lorsqu’un délai de quelques minutes ou, selon le cas, de quelques quarts d’heures est « proportionné », au regard des circonstances, cette présentation doit être considérée comme une présentation ayant été effectuée « à un stade précoce » au sens de la troisième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011.

91      Il résulte de ce qui précède que l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 ne s’oppose pas, en principe, à une présentation d’un projet de règlement en cours de réunion.

92      Il y a donc lieu d’examiner s’il existait, pour l’adoption du règlement attaqué, une justification suffisante qui permettait de ne pas respecter le délai de quatorze jours qui doit être respecté, « [s]auf dans des cas dûment justifiés », et si la présentation au cours de la réunion du comité de gestion a en l’espèce donné aux membres du comité de gestion de réelles possibilités d’examiner le projet d’acte d’exécution et d’exprimer leur opinion.

93      À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que la Commission a envoyé aux membres du comité de gestion par courriel, deux jours avant la date de la réunion, le document soumis au comité de gestion, à savoir une présentation concernant la situation du marché avicole. Ce document, qui a été produit par la requérante en annexe à la requête, a permis aux États membres de s’informer sur la situation du marché et de se faire leur propre opinion sur celle‑ci. Au vu du contenu de ce document, le laps de temps entre l’envoi de ce dernier et la date de la réunion était suffisant pour permettre aux membres du comité de gestion de prendre utilement connaissance des éléments y figurant, de se forger une opinion sur la situation du marché et de préparer d’éventuelles questions à poser à la Commission à ce sujet lors de la réunion du comité de gestion. Il convient de relever que l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011 ne prévoit pas de délai particulier pour l’envoi de tels documents. En effet, le délai de quatorze jours prévu à la première phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011 concerne seulement la soumission du projet d’acte d’exécution et du projet d’ordre du jour.

94      Il convient en outre de relever qu’il résulte de l’annexe 9 de la requête que l’invitation et l’ordre du jour relatifs à la réunion du comité de gestion du 18 juillet 2013 datent du 3 juillet 2013. La requérante n’affirme pas que le délai de quatorze jours entre la date de soumission du projet d’ordre du jour et la date de la réunion du comité de gestion, prévu à la première phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011, n’a pas été respecté en l’espèce.

95      Les membres du comité de gestion savaient, dès la réception de l’ordre du jour du comité de gestion, que serait présentée, au cours de la matinée de la réunion, la situation du marché de la viande de volaille et des œufs et que, après 13 heures, le comité de gestion serait invité à donner son avis sur un projet de règlement fixant les restitutions à l’exportation dans le secteur de la viande de volaille. Cette circonstance a laissé suffisamment de temps aux membres du comité de gestion, s’ils le souhaitaient, pour prendre contact avec des opérateurs concernés ou avec des organismes professionnels, afin de les interroger concernant leur avis relatif à la situation du marché et sur le montant des restitutions à l’exportation qu’ils considéraient comme étant adéquat, ou de s’informer au moyen de sources publiquement accessibles sur la situation du marché.

96      Ensuite, la présentation de la Commission concernant la situation du marché, lors de la matinée de la réunion du comité de gestion du 18 juillet 2013, a donné aux États membres la possibilité d’avoir un échange de vues et de demander à la Commission toutes les clarifications souhaitées sur la situation du marché.

97      Enfin, la Commission a présenté le projet du règlement attaqué dans l’après‑midi de cette réunion. En ce qui concerne ce projet, il convient de rappeler qu’il s’agissait d’un règlement standard dans lequel seuls les chiffres avaient été mis à jour (voir point 77 ci‑dessus). Il ressort de l’annexe 10 de la requête que le projet du règlement attaqué tel que soumis au comité de gestion était une photocopie du règlement antérieur, dans laquelle les nouveaux montants de restitutions proposés avaient été ajoutés à la main. Il ressort en outre de ce document que, à part la mise à jour du montant des restitutions, seules des modifications purement formelles ont été effectuées, telles que la mise à jour de la date et du numéro du règlement.

98      La seule information qui a été ajoutée dans l’après‑midi de la réunion du 18 juillet 2013, en plus de celles dont avaient connaissance les membres du comité de gestion, était donc le montant exact des restitutions proposé par la Commission. Il n’était donc pas nécessaire que le délai fixé par le président du comité de gestion soit suffisant pour étudier le texte du règlement, mais seulement pour prendre connaissance du fait que le montant proposé par la Commission était de zéro et de se forger un avis sur cette proposition.

99      Au vu de la circonstance que les membres du comité de gestion ont disposé de suffisamment de temps, avant la date de la réunion, pour se forger une opinion sur la situation du marché, et que la situation du marché avait en outre été présentée lors de la matinée de la réunion, ils ont été en mesure de donner tout de suite un avis sur la proposition de la Commission de fixer à zéro le montant des restitutions.

100    En outre, rien n’empêchait les États membres de demander des explications additionnelles à la Commission et de l’inviter à justifier de manière plus détaillée sa proposition de fixer à zéro le montant des restitutions à l’exportation. Les États membres ont également eu la possibilité de prendre la parole pour expliquer aux autres membres du comité de gestion qu’ils considéraient que cette fixation à zéro n’était pas justifiée au regard de la situation du marché. La requérante n’affirme pas qu’un membre du comité de gestion a souhaité contribuer au débat et qu’il en a été empêché au motif qu’il n’y avait pas suffisamment de temps. La Commission, quant à elle, souligne qu’elle n’a pas contingenté le temps de parole des États membres et qu’elle a, comme d’habitude, fourni une réponse à toutes les questions posées.

101    Il y a en outre lieu de relever que, ainsi que l’a expliqué la Commission, sans être contredite sur ce point par la requérante, aucun membre du comité de gestion n’a soulevé d’objection en ce qui concerne la présentation du projet du règlement attaqué seulement en cours de réunion ni en ce qui concerne le délai entre la présentation du projet du règlement attaqué et sa mise au vote.

102    Lors de l’audience, la requérante a affirmé que, lorsque les États membres ont reçu les éléments sur la situation du marché deux jours avant la réunion du comité de gestion, ils auraient pu considérer que, compte tenu de l’évolution du marché, la Commission proposerait de maintenir le montant des restitutions à l’exportation au même niveau que dans le règlement antérieur. Selon la requérante, l’ajout du chiffre zéro lors de la réunion du comité de gestion aurait tout changé.

103    À cet égard, il convient de relever que, si un membre du comité de gestion considère, eu égard à la présentation de la situation du marché communiquée deux jours avant la date de la réunion, que l’évolution de la situation du marché ne donne pas lieu à une modification du montant des restitutions à l’exportation, et qu’il apprend dans l’après‑midi de la réunion du comité de gestion que la Commission propose de fixer à zéro le montant des restitutions, il a la possibilité, en vertu de l’article 3, paragraphe 4 du règlement no 182/2011, de proposer des modifications et, notamment, de laisser inchangé le montant des restitutions fixé par le règlement antérieur.

104    Si la requérante affirme que les États membres n’ont pas eu le temps de se coordonner, elle n’affirme pas qu’un État membre s’est opposé à une soumission du projet du règlement attaqué au vote. Il convient de relever qu’il appartient aux États membres et non à la requérante de décider s’ils ont besoin de plus de temps pour avoir l’occasion de se coordonner. Par ailleurs, chaque État membre a eu la possibilité de prendre la parole et d’expliquer aux autres États membres les raisons pour lesquelles il considérait comme non justifiée la fixation à zéro des restitutions à l’exportation, invitant ainsi les autres États membres à voter contre le projet du règlement attaqué.

105    La requérante estime que le fait que l’auto‑certification a pu être effectuée par le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural dès 15 heures 46 le jour même démontre l’absence de débat sérieux sur le sujet des restitutions à l’exportation.

106    À cet égard, il convient de constater que la requérante ne saurait exiger que les membres du comité de gestion consacrent un temps déterminé au débat.

107    Il appartient à la Commission d’exposer la situation du marché et de donner aux membres du comité de gestion l’occasion de poser des questions et d’exprimer leurs avis sur la proposition de règlement d’exécution. Lorsque peu d’États membres souhaitent poser une question ou prendre la parole pour présenter leurs observations, le débat peut s’achever très rapidement. Cela ne signifie pas que les membres du comité de gestion n’ont pas eu de réelles possibilités d’exprimer leur opinion, au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011. Il convient en outre de rappeler que la situation du marché avait été présentée et discutée dans la matinée de la réunion du comité de gestion et que c’est uniquement le montant exact des restitutions proposé par la Commission qui a été débattu durant l’après‑midi.

108    Il résulte de ce qui précède que, en l’espèce, le délai entre la présentation du projet du règlement attaqué et la mise au vote était suffisant pour donner aux membres du comité de gestion de réelles possibilités d’examiner ledit projet et d’exprimer leur opinion.

109    Ensuite, il y a lieu de rappeler que, selon la deuxième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011, le délai pour l’avis du comité de gestion est fixé par le président de ce comité en fonction de l’urgence de la question.

110    Lors de l’audience, la requérante a en substance fait valoir que, contrairement à la situation ayant donné lieu à l’arrêt du 14 janvier 1987, Allemagne/Commission (278/84, Rec, EU:C:1987:2), sur lequel la Commission s’est appuyée, il n’existait pas en l’espèce une importante perturbation du marché qui aurait pu justifier la présentation du projet du règlement attaqué seulement en cours de réunion.

111    À cet égard, il y a lieu de constater que, certes, la Commission n’a pas fait état de l’existence d’une urgence en ce sens que la situation sur le marché aurait été telle qu’elle nécessitait une modification urgente du montant des restitutions. Une telle situation aurait d’ailleurs permis à la Commission, en vertu de l’article 164, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007, de modifier le montant des restitutions dans l’intervalle entre deux fixations périodiques, et ce sans l’assistance du comité de gestion.

112    Par le règlement attaqué, la Commission a procédé à une fixation périodique du montant des restitutions à l’exportation, et le fait qu’elle a inscrit le 3 juillet 2013 ce point à l’ordre du jour de la réunion du 18 juillet 2013 témoigne de ce qu’elle n’a pas considéré qu’il existait une urgence particulière pour adapter le montant des restitutions.

113    Cependant, ainsi que le souligne la Commission, il n’existe aucune contradiction entre le caractère périodique de la fixation des restitutions à l’exportation et le fait que, le jour venu pour ladite fixation, il existe une nécessité d’intervention rapide en extrême urgence.

114    Il résulte de la formulation de la deuxième phrase de l’article 3, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 182/2011 qu’il incombe au président du comité de gestion, et donc à un représentant de la Commission, de décider de l’urgence. L’examen du Tribunal est limité à l’examen de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’un détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, point 110 supra, EU:C:1987:2, point 13).

115    Il y a lieu de constater que la procédure suivie par la Commission est de nature à éviter tout risque lié à une éventuelle possibilité de fuites. En effet, la communication du projet de règlement contenant les données chiffrées seulement après 13 heures le jour du vote du comité de gestion et de l’adoption du règlement attaqué permet d’éviter tout risque qu’un opérateur puisse, après avoir appris que la Commission allait proposer une baisse du montant des restitutions, déposer des demandes de certificats d’exportation comportant fixation à l’avance des restitutions à l’exportation pour lesquels les anciens montants des restitutions seraient applicables. Ainsi que la Commission l’a expliqué, elle a un intérêt légitime à éviter de telles spéculations, qui pourraient nuire aux intérêts financiers de l’Union. La procédure suivie par la Commission garantit que le règlement fixant le nouveau montant des restitutions pourra entrer en vigueur le lendemain de la réunion du comité de gestion, et que le montant exact proposé sera communiqué seulement à un moment auquel aucune demande de restitutions valable pour le jour même ne pourra plus être déposée.

116    Il y a en outre lieu de constater que la Commission a relevé, en réponse à une question écrite portant sur la pratique habituelle qu’elle suivait, que ses services soumettaient en général leur proposition relative au montant des restitutions à l’exportation à la hiérarchie seulement deux jours avant la réunion du comité de gestion et que la décision de la hiérarchie était généralement prise la veille de la réunion du comité de gestion. Il en résulte que la Commission n’a pas pu procéder à l’envoi du projet du règlement attaqué contenant les montants proposés en même temps qu’à l’envoi du projet du règlement attaqué, car elle n’avait elle‑même pas encore pris de décision sur les montants qu’elle allait proposer. La Commission a un intérêt légitime à faire en sorte que, même lors d’une fixation périodique des restitutions à l’exportation, elle prenne en compte les données les plus récentes possibles disponibles jusqu’à la date de la réunion du comité de gestion. Il ressort du document soumis au comité de gestion que la Commission a pris en compte des données très récentes. Ainsi, ce document contient un tableau relatif aux certificats d’exportation pour la semaine du 8 au 14 juillet 2013, ce qui témoigne d’une mise à jour des données quelques jours avant la réunion du comité de gestion.

117    Le choix de la Commission de fixer elle‑même sa proposition relative au montant des restitutions à l’exportation seulement la veille de la réunion du comité de gestion ne saurait être critiqué. La requérante n’a d’ailleurs pas fait valoir que la Commission aurait dû prendre sa propre décision sur sa proposition plus tôt.

118    Il convient en outre de relever qu’un envoi du projet du règlement attaqué sans les montants proposés n’aurait eu aucun sens. En effet, le règlement attaqué correspondant à un règlement standard dans lequel seuls les chiffres avaient été mis à jour, les États membres connaissaient d’avance le texte du règlement attaqué, sauf en ce qui concerne les montants des restitutions.

119    Le délai pour l’avis du comité de gestion était donc proportionné et l’appréciation de l’urgence par la Commission n’est entachée ni d’une erreur manifeste d’appréciation ni d’un détournement de pouvoir.

120    Il résulte de tout ce qui précède que la Commission n’a pas commis une violation de l’article 3, paragraphe 3, du règlement no 182/2011.

[omissis]

 B – Sur le deuxième moyen, tiré d’un vice de procédure et d’incompétence

[omissis]

201    En ce qui concerne l’argument selon lequel le règlement intérieur de la Commission ne prévoit pas formellement qu’une subdélégation donnée en 2004 soit encore valable en 2013, les délégataires et délégants ayant changé, il convient de relever ce qui suit.

202    Une habilitation ou une subdélégation n’est pas accordée à une personne physique, mais à une personne exerçant une fonction, à savoir le membre de la Commission chargé d’un domaine précis ou le directeur général d’une direction générale déterminée. Ainsi, elle reste valable en cas de changement de personnes exerçant une fonction.

203    Contrairement à ce que semble soutenir la requérante, il n’est pas nécessaire que le règlement intérieur de la Commission prévoie explicitement qu’une subdélégation donnée reste valable après un changement des personnes ayant agi en qualité de délégataire ou de délégant. En effet, la possibilité d’accorder des habilitations ou des subdélégations vise à décharger le collège des commissaires ou le membre de la Commission en cause de décisions ne nécessitant pas l’intervention du collège ou du commissaire en cause. La décision d’accorder une habilitation ou une subdélégation vise à repartir les compétences au sein de la Commission et il ne s’agit pas d’une preuve de confiance qui concerne une personne physique précise. Sauf décision contraire spécifique, aucune compétence n’est attribuée ad personam. En l’espèce, les décisions d’habilitation et de subdélégation visent le membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural et le directeur général de la DG de l’agriculture et du développement rural et non certaines personnes nommément désignées.

[omissis]

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tilly‑Sabco supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

3)      La Commission européenne supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure en référé.

4)      Doux SA supportera ses propres dépens.

5)      La République française supportera ses propres dépens tels qu’exposés en tant qu’intervenante dans la procédure en référé.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 janvier 2016.

Signatures


* Langue de procédure : le français.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.