Language of document : ECLI:EU:T:2006:92

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

22 mars 2006 (*)

« Personnel d’Europol − Rémunération − Échelons accordés sur la base d’une évaluation − Décision du directeur »

Dans les affaires jointes T-209/02 et T-210/04,

Andreas Mausolf, ancien agent de l’Office européen de police, demeurant à Leiden (Pays-Bas), représenté par Mes M. Baltussen et P. de Casparis, avocats,

partie requérante,

contre

Office européen de police (Europol), représenté initialement par Mme K. Hennessy-Massaro et M. D. Heimans, puis par Mme Hennessy-Massaro, MM. N. Urban et D. Neumann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes visant, d’une part, à l’annulation de la décision du 23 novembre 2001, par laquelle le directeur d’Europol a accordé au requérant un avancement d’un échelon à compter du 1er juillet 2001 ainsi que de la décision implicite de rejet de la réclamation du requérant contre cette décision et, d’autre part, à l’annulation des décisions du 2 janvier 2003 et du 1er mars 2004, par lesquelles le directeur d’Europol a décidé de ne pas octroyer au requérant un avancement d’un échelon supplémentaire à compter du 1er juillet 2002,


LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska‑Białecka, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

rend le présent

Arrêt

 Cadre réglementaire

1       Aux termes de l’article 28, premier alinéa, du statut du personnel de l’Office européen de police (Europol) (ci-après le « statut Europol »), adopté par acte du Conseil du 3 décembre 1998 (JO 1999, C 26, p. 23) :

« La compétence, l’efficacité et la conduite dans le service de chaque agent […] font l’objet d’un rapport périodique établi au moins une fois par an. »

2       L’article 29, premier alinéa, du statut Europol est libellé comme suit :

« Le directeur peut accorder au maximum deux échelons par période de deux ans, sur la base d’une évaluation et en tenant compte des prestations de l’intéressé […] Les modalités précises de la procédure d’évaluation sont arrêtées par le conseil d’administration, statuant sur proposition du directeur, faite après consultation du comité du personnel. »

3       L’article 92, paragraphe 2, du statut Europol dispose ce qui suit :

« Toute personne visée au présent statut peut saisir le directeur d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que le directeur ait pris une décision, soit qu’il se soit abstenu de prendre une mesure imposée par le statut. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois [...]

Le directeur notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la réclamation. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet, susceptible de faire l’objet d’un recours au sens de l’article 93. »



4       Aux termes de l’article 93 du statut Europol :

« 1.  La Cour de justice des Communautés européennes est compétente pour statuer sur tout litige opposant Europol à l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne au sens de l’article 92, paragraphe 2. Dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction.

2.       Un recours à la Cour de justice n’est recevable que :

–       si le directeur a été préalablement saisi d’une réclamation au sens de l’article 92, paragraphe 2, dans le délai qui y est prévu

et

–       si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

3.       Le recours visé au paragraphe 2 doit être formé dans un délai de trois mois. Ce délai court :

–       à compter du jour où a été notifiée la décision prise en réponse à la réclamation,

–       à compter de la date d’expiration du délai de réponse, lorsque le recours porte sur une décision implicite de rejet d’une réclamation présentée en application de l’article 92, paragraphe 2 ; néanmoins, lorsqu’une décision explicite de rejet d’une réclamation intervient après la décision implicite de rejet mais dans le délai de recours, elle fait à nouveau courir le délai de recours.

4.       Par dérogation au paragraphe 2, l’intéressé peut, après avoir introduit auprès du directeur une réclamation au sens de l’article 92, paragraphe 2, saisir immédiatement la Cour de justice d’un recours, à la condition que soit jointe à ce recours une requête tendant à obtenir un sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou des mesures provisoires. Dans ce cas, la procédure au principal devant la Cour de justice est suspendue jusqu’au moment où intervient une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation.

5.       Les recours visés au présent article sont instruits et jugés dans les conditions prévues par le règlement de procédure établi par la Cour de justice des Communautés européennes. »


 Antécédents du litige et procédure

5       Le requérant est entré au service d’Europol en juin 1999 en qualité d’administrateur principal au sein de l’unité « Criminalité financière ». Il a été initialement classé au grade 6, échelon 5, et pouvait prétendre au traitement de base correspondant, conformément à l’article 45 du statut Europol.

6       Le requérant a fait l’objet d’une première procédure d’évaluation par ses supérieurs hiérarchiques pour la période allant du 1er juillet 1999 au 1er juillet 2000. Le rapport établi à la suite de cette évaluation, daté du 15 novembre 2000, attribuait au requérant une note correspondant à six pour cinq des neuf rubriques prises en considération aux fins de la notation et une note correspondant à sept pour les quatre rubriques restantes.

7       Le requérant a fait l’objet d’une deuxième procédure d’évaluation, portant sur la période allant du 1er juillet 1999 au 1er juillet 2001. Le rapport établi à la suite de cette évaluation, en date du 11 septembre 2001, attribuait au requérant une note correspondant à six pour cinq des onze rubriques considérées aux fins de l’évaluation, une note correspondant à sept pour cinq rubriques et une note correspondant à huit pour la rubrique restante.

8       Par décision du 23 novembre 2001, le directeur d’Europol a accordé au requérant un échelon à partir du 1er juillet 2001 (ci-après la « décision attaquée dans l’affaire T-209/02 » ou la « décision du 23 novembre 2001 »).

9       Le 10 décembre 2001, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 23 novembre 2001, conformément à l’article 92, paragraphe 2, du statut Europol. En premier lieu, il faisait valoir l’absence de critères objectifs pour l’octroi d’échelons. En deuxième lieu, il attirait l’attention du directeur d’Europol sur le fait que, à sa connaissance, 40 % du personnel d’Europol s’était vu attribuer deux échelons et que, eu égard à l’évaluation particulièrement positive dont il avait fait l’objet, il était improbable qu’un pourcentage si élevé du personnel eût pu recevoir une notation supérieure à la sienne. Enfin, il faisait remarquer que ses activités au sein du comité du personnel d’Europol n’avaient pas été prises en compte aux fins de son évaluation.

10     Le requérant a, par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juillet 2002, introduit un recours, au titre de l’article 92, paragraphe 2, et de l’article 93 du statut Europol, contre la décision implicite de rejet de sa réclamation.

11     Ce recours a été enregistré sous le numéro T-209/02.

12     Par lettre du 15 juillet 2002, le directeur d’Europol a informé le requérant qu’une nouvelle évaluation de ses prestations aurait lieu à sa demande et que, sur la base de cette évaluation, le requérant « pourrait se voir accorder un échelon supplémentaire à compter du 1er juillet 2002 » (ci-après la « lettre du 15 juillet 2002 »). Le directeur d’Europol y exposait que sa décision tenait compte des griefs soulevés par le requérant ainsi que de ses prestations au cours de la période s’étant écoulée entre-temps.

13     Le nouveau rapport d’évaluation du requérant a été établi le 26 juillet 2002 et couvrait la période allant du 1er juillet 2001 au 31 mai 2002. Il comportait une note correspondant à six pour quatre des onze rubriques considérées aux fins de l’évaluation, une note correspondant à sept pour cinq rubriques et une note correspondant à huit pour les deux rubriques restantes.

14     Par lettre du 2 janvier 2003, le directeur d’Europol, faisant référence à la lettre du 15 juillet 2002, a informé le requérant que, à la suite du nouveau rapport d’évaluation et après avoir examiné le cas du requérant avec le directeur adjoint responsable, il était arrivé à la conclusion qu’il n’y avait pas de raisons suffisantes pour accorder au requérant un échelon supplémentaire.

15     Le 31 mars 2003, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision contenue dans la lettre susvisée. Il y faisait valoir que le refus du directeur d’Europol de lui accorder un échelon supplémentaire ne se justifiait pas à la lumière, notamment, de l’amélioration de l’ensemble de sa notation lors de son évaluation la plus récente. Il arguait, en outre, que le directeur avait excédé les limites de son pouvoir discrétionnaire en ne fondant pas sa décision sur des critères objectifs.

16     Le requérant a, par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2003, introduit un recours contre la décision implicite de rejet de la réclamation mentionnée au point 15 ci-dessus.

17     Ce recours a été enregistré sous le numéro T-355/03.

18     À la suite d’un accord intervenu entre Europol et le requérant, ce dernier s’est désisté de ce recours. Par ordonnance du 19 février 2004, l’affaire a, dès lors, été radiée du registre du Tribunal.

19     Conformément aux termes de l’accord précité, le 1er mars 2004, le directeur d’Europol a adopté une décision explicite de rejet de la réclamation du requérant dirigée contre sa décision du 2 janvier 2003, visée au point 14 ci-dessus. Le directeur d’Europol y exposait notamment que celle-ci avait été adoptée sur la base de l’article 29 du statut Europol et des critères objectifs contenus dans les lignes directrices concernant l’évaluation du personnel d’Europol adoptées par le conseil d’administration conformément à l’article susvisé. Il exposait également que, bien que les prestations du requérant aient été jugées « plus que satisfaisantes » à la suite de la dernière évaluation conduite par son chef d’unité et par le directeur adjoint, l’amélioration du rendement global du requérant n’avait pas été considéré comme suffisant pour justifier la décision de lui octroyer un échelon supplémentaire, compte tenu des règles couramment appliquées à l’examen comparatif des mérites des agents d’Europol.

20     Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er juin 2004, le requérant a introduit un recours, lequel a été enregistré sous le numéro T‑210/04, contre la décision du directeur d’Europol du 2 janvier 2003 et la décision explicite de rejet de sa réclamation du 31 mars 2003, adoptée par le directeur d’Europol le 1er mars 2004 (ci‑après, conjointement, les « décisions attaquées dans l’affaire T‑210/04 » ou, séparément, la « décision du 2 janvier 2003 » et la « décision du 1er mars 2004 »).

21     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé, dans les affaires T‑209/02 et T‑210/04, d’ouvrir la procédure orale et, au titre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à répondre, dans l’affaire T‑210/04, à une question écrite avant l’audience. Le requérant a déféré à cette invitation dans les délais impartis.

22     Par ordonnance du 27 octobre 2005, les parties entendues conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement de procédure, les affaires T‑209/02 et T‑210/04 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

23     Par télécopie du 4 novembre 2005, le requérant a informé le Tribunal qu’il n’assisterait pas à l’audience, laquelle s’est déroulée le 10 novembre 2005, en présence de la seule partie défenderesse, qui a été entendue en sa plaidoirie et en ses réponses aux questions du Tribunal.

 Conclusions des parties

24     Dans l’affaire T-209/02, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du 23 novembre 2001 et la décision implicite de rejet de la réclamation du requérant contre ladite décision ;

–       condamner Europol à accorder au requérant deux échelons avec effet au 1er juillet 2001 et à lui verser, à partir de cette date, un salaire correspondant au grade 6, échelon 7 ;

–       condamner Europol à verser les sommes dues en vertu du deuxième chef de conclusions dans un délai de 48 heures suivant la signification de l’arrêt à rendre par le Tribunal, majorées des intérêts légaux dus en vertu du droit néerlandais ;

–       condamner Europol aux dépens.

25     Dans l’affaire T‑210/04, le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du 2 janvier 2003 ainsi que la décision du 1er mars 2004 ;

–       condamner Europol à octroyer au requérant un échelon supplémentaire avec effet au 1er juillet 2002 ;

–       condamner Europol à verser les sommes dues en vertu du deuxième chef de conclusions dans un délai de 48 heures suivant la signification de l’arrêt à rendre par le Tribunal, majorées des intérêts légaux dus en vertu du droit néerlandais ;

–       condamner Europol à verser au requérant une indemnité couvrant les dépens de l’instance.

26     Dans l’affaire T-209/02, Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

27     Dans l’affaire T-210/04, Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       condamner le requérant à supporter ses propres dépens.

 En droit

 Considérations liminaires

28     Il convient de relever que les décisions attaquées dans les présentes affaires, bien qu’ayant un objet différent, s’insèrent dans le cadre du même différend opposant le requérant à Europol. Par ailleurs, les arguments invoqués par le requérant afin de contester la légalité de ces décisions sont, en substance, identiques dans les deux affaires.

29     Dans ces conditions, le Tribunal estime opportun de se prononcer d’abord sur la légalité des décisions attaquées, avant d’examiner les questions de recevabilité que soulève chacune des affaires. En effet, lorsqu’il apparaît qu’un recours dont la recevabilité fait doute doit en tout état de cause être rejeté au fond, il est loisible au juge, dans un souci d’économie de procédure, de se prononcer d’emblée sur sa substance (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, non encore publié au Recueil, point 155, et la jurisprudence citée).

 Sur la légalité des décisions attaquées

30     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque deux moyens communs aux affaires T‑209/02 et T‑210/04, tirés respectivement d’une violation de l’article 29 du statut Europol et d’un dépassement des limites du pouvoir discrétionnaire conféré à l’administration ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement. Dans l’affaire T‑210/04, le requérant soulève un moyen supplémentaire, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le premier moyen commun aux affaires T‑209/02 et T‑210/04, tiré d’une violation de l’article 29 du statut Europol

–       Arguments des parties

31     Le requérant fait observer que, s’il est vrai que l’article 29, premier alinéa, première phrase, du statut Europol confère au directeur d’Europol une compétence discrétionnaire en matière d’avancement d’échelon, cependant, aux termes de ce même article, premier alinéa, troisième phrase, les décisions à cet égard doivent être adoptées conformément aux « modalités précises de la procédure d’évaluation » devant être arrêtées par le conseil d’administration après consultation du comité du personnel.

32     Or, selon le requérant, de telles modalités n’avaient pas été arrêtées lors de l’adoption des décisions attaquées.

33     Le document du 16 janvier 2001, intitulé « Évaluation du personnel d’Europol », produit par Europol, contiendrait uniquement les règles concernant la procédure à suivre en matière de notation et n’énoncerait aucun critère pour l’octroi d’échelons. Selon le requérant, la troisième phrase de l’article 29 du statut Europol ne pourrait être comprise qu’en ce sens que les « modalités précises » auxquelles elle fait référence visent la réglementation relative à l’octroi d’échelons. En effet, comme l’article 28 du statut Europol porte sur l’évaluation du personnel d’Europol et l’article 29 sur l’attribution d’échelons, s’il fallait interpréter les « modalités » mentionnées à ce dernier article, premier alinéa, troisième phrase, comme visant uniquement l’évaluation des prestations des agents d’Europol, la disposition reprise dans cette phrase devrait logiquement figurer à l’article 28 du statut Europol et non à l’article 29.

34     Il s’ensuit, selon le requérant, que les décisions attaquées ont été adoptées en violation de l’article 29 du statut Europol.

35     Europol conteste ces allégations.

–       Appréciation du Tribunal

36     Le requérant soutient, en substance, que les actes attaqués ont méconnu l’article 29 du statut Europol en ce qu’ils ont été adoptés en l’absence de critères régissant la procédure d’évaluation mentionnée à cet article, première phrase, lesquels auraient dû être arrêtés par le conseil d’administration suivant la procédure indiquée au même article, troisième phrase. Europol affirme que lesdits critères ont été arrêtés conformément à cette procédure et qu’ils étaient en vigueur lors de l’évaluation du requérant.

37     Il convient, tout d’abord, de relever qu’il ressort du libellé de l’article 29, premier alinéa, première phrase, du statut Europol, lu en tenant compte de ses différentes versions linguistiques, que les décisions du directeur d’Europol portant sur l’attribution des échelons bisannuels au personnel d’Europol sont adoptées sur le fondement d’une « évaluation » qui vise les performances de chaque agent concerné. Il s’ensuit que, lorsque le même article, premier alinéa, troisième phrase, prescrit que « les modalités précises de la procédure d’évaluation sont arrêtées par le conseil d’administration », cette disposition se réfère à la procédure moyennant laquelle les performances des agents d’Europol sont évaluées et notées.

38     Il y a ensuite lieu de relever qu’Europol a produit, à l’annexe de ses mémoires en défense, un document, daté du 16 janvier 2001, intitulé « Évaluation du personnel d’Europol », adopté sur la base de l’article 29 du statut Europol. Au point 1 de ce document, sous la rubrique « Introduction », il est précisé que celui-ci vise à régir, dans le détail, la procédure d’évaluation conformément à l’article 29 du statut Europol. Le point 2 établit les règles de cette procédure, le point 3 fixe les critères d’évaluation à utiliser par les notateurs, le point 4 est consacré aux règles d’égalité et de transparence et, enfin, le point 5 prévoit une procédure d’appel dans le cas où l’agent concerné souhaite contester le contenu du rapport d’évaluation.

39     Europol soutient, sans être contredit sur ce point par le requérant, que lesdites règles ont été adoptées par le conseil d’administration en février 2001, suivant la procédure décrite à l’article 29, premier alinéa, troisième phrase, du statut Europol et qu’elles étaient en vigueur au moment de l’évaluation du requérant.

40     Compte tenu de l’interprétation de l’article 29, premier alinéa, du statut Europol retenue au point 37 ci-dessus et de la référence expresse à cet article contenue dans les règles susvisées, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces dernières constituent la mise en œuvre de la disposition de l’article 29, premier alinéa, troisième phrase, du statut Europol, au vu de laquelle le conseil d’administration, sur proposition du directeur et après consultation du comité du personnel, fixe les « modalités précises de la procédure d’évaluation ».

41     Dans ces circonstances, le requérant ne saurait soutenir que les décisions attaquées dans ses recours ont été prises en violation de l’article 29, premier alinéa, du statut Europol, au motif qu’elles auraient été arrêtées en l’absence des règles fixant les modalités de la procédure d’évaluation dont l’adoption est prescrite par cette même disposition.

42     Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter comme non fondé le premier moyen commun aux présents recours.

 Sur le second moyen commun aux affaires T‑209/02 et T‑210/04, tiré d’un dépassement des limites du pouvoir discrétionnaire conféré à l’administration ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement

–       Arguments des parties

43     Le requérant fait valoir que le pouvoir d’appréciation du directeur d’Europol lorsque celui-ci décide de l’octroi d’échelons en application de l’article 29 du statut Europol ne saurait en tout cas dépasser les limites qui s’imposent à l’exercice de tout pouvoir discrétionnaire conféré à l’administration communautaire lorsqu’il s’agit de décisions prises à l’égard de son personnel. Il rappelle que de telles limites ont été expressément reconnues par la jurisprudence communautaire, notamment dans l’arrêt du Tribunal du 8 mai 2001, Caravelis/Parlement (T‑182/99, Rec. p. II‑1313). Il se déduirait de cet arrêt que l’administration est tenue d’adopter des décisions soigneuses et impartiales lorsqu’elle exerce le pouvoir discrétionnaire dont elle dispose en matière de gestion du personnel.

44     En l’espèce, s’agissant notamment de la décision du 23 novembre 2001, attaquée dans l’affaire T‑209/02, le directeur d’Europol se limiterait à y exposer que, « lorsqu’[il] octroie des échelons, [il] s’efforce d’aboutir à une évaluation équilibrée pour toute l’organisation, en tenant compte du travail accompli par tout le personnel […] », sans préciser les règles sur la base desquelles une telle évaluation est conduite ni dans quelle mesure celle-ci influe sur la décision d’octroi d’échelons. De même, les explications apportées par Europol dans le cadre de son mémoire en défense dans l’affaire T‑209/02 ne préciseraient pas les critères sur la base desquels les mérites des agents ont été comparés. Par contre, il ressortirait des données statistiques produites par Europol que l’attribution d’échelons aux agents n’a pas été fonction de la notation obtenue lors de l’évaluation et qu’elle a, dès lors, été arbitraire. En effet, ces données montreraient que, dans la catégorie des administrateurs principaux au département « Grande criminalité » dont relève le requérant, une note correspondant à celle obtenue par le requérant a débouché tant sur l’attribution de deux échelons que sur l’attribution d’un échelon. Le requérant fait observer que la notation des administrateurs principaux affectés au département « Grande criminalité » ayant obtenu deux échelons varie d’un minimum de 6,3 à un maximum de 8,2, alors que sa notation de 6,6 ne lui a valu que l’attribution d’un échelon. Par ailleurs, l’allégation d’Europol selon laquelle seuls les agents dont les performances ont été qualifiées d’exceptionnelles se sont vus accorder deux échelons serait contredite par la circonstance, ressortant des données produites par le défendeur, que 56 % des agents d’Europol ont obtenu deux échelons, alors même que leur notation se situait autour de six.

45     Par ailleurs, le requérant estime que la décision du 23 novembre 2001 est entachée d’une violation du principe d’égalité de traitement. En effet, d’une part, Europol affirmerait que les décisions d’octroi d’échelons ont été prises sur la base des performances des agents, alors que, d’autre part, le requérant constate qu’un niveau de prestations presque moyen a suffi à l’attribution de deux échelons. Il s’ensuivrait que, ayant reçu, au titre des deux évaluations successives dont il a fait l’objet, une notation supérieure à la moyenne, le requérant aurait dû bénéficier, si le principe d’égalité de traitement n’avait pas été méconnu, de l’attribution de deux échelons.

46     S’agissant notamment des décisions du 2 janvier 2003 et du 1er mars 2004, attaquées dans l’affaire T‑210/04, le requérant fait valoir que, à l’occasion de son évaluation du 26 juillet 2002, il a obtenu une moyenne de 6,8, mais que, en dépit de cette appréciation positive, il ne s’est pas vu attribuer d’échelons supplémentaires. Or, il ressortirait du tableau produit par Europol dans le cadre de l’affaire T‑209/02, reproduit à l’annexe du mémoire en réplique dans l’affaire T‑210/04, que des notations comprises entre 6,5 et 7,5 ont donné lieu, en 2001, à l’octroi de deux échelons. Selon le requérant, il ressort de la décision du 1er mars 2004, motivant le refus de lui attribuer un échelon supplémentaire par la circonstance que son rapport d’évaluation ne montrait pas une amélioration globale du niveau de ses prestations, qu’un critère différent par rapport à ceux utilisés en 2001 pour décider de l’octroi d’échelons aux autres agents d’Europol a été appliqué dans son cas.

47     Le requérant en conclut que les décisions attaquées dans les deux affaires ont été adoptées en l’absence de politique transparente en matière d’octroi d’échelons et, dès lors, qu’elles sont entachées d’un dépassement des limites du pouvoir discrétionnaire conféré dans ce domaine au directeur d’Europol. Elles seraient également entachées d’une violation du principe d’égalité de traitement.

48     Europol réplique, tout d’abord, qu’il relève de la seule compétence de son directeur d’effectuer un examen comparatif des mérites de tous les agents en vue de l’attribution d’échelons. Si, dans l’exercice d’une telle compétence, le directeur d’Europol se fonde, de manière générale, sur les résultats de l’évaluation conduite par les supérieurs hiérarchiques de chaque agent conformément aux règles d’évaluation du personnel d’Europol arrêtées par le conseil d’administration, il lui serait néanmoins loisible de faire entrer également en ligne de compte sa propre appréciation en vue de l’adoption de la décision finale.

49     Par ailleurs, Europol fait observer que, en l’espèce, il s’agissait de la première fois que la procédure d’attribution d’échelons pour l’ensemble du personnel d’Europol avait été mise en œuvre. Or, une telle circonstance, ainsi que le fait que l’évaluation était conduite par les supérieurs hiérarchiques de chaque agent, aurait abouti à ce que certains éléments des évaluations n’étaient pas tout à fait comparables. Il incombait, dès lors, au directeur d’Europol, lors de l’adoption des décisions d’attribution d’échelons, d’opérer des adaptations permettant d’aboutir à un résultat équilibré pour l’ensemble de l’institution, reflétant au mieux les mérites de chaque agent. C’est à la lumière de ces éléments qu’il faudrait interpréter les données chiffrées produites par Europol dans le cadre de son mémoire en défense dans l’affaire T‑209/02, concernant les échelons attribués en 2001 à l’ensemble de son personnel.

50     Europol fait également observer que le jugement de valeur complexe qui doit être formulé dans le contexte de l’adoption de décisions comme celles de l’espèce pour l’ensemble du personnel d’une organisation ne peut pas être réduit à de simples opérations mathématiques, compte tenu notamment du fait que les notations individuelles sont attribuées par les supérieurs hiérarchiques de chaque agent, dont les standards d’appréciation sont susceptibles de varier d’une personne à l’autre. À cet égard, le directeur d’Europol, en tant qu’autorité compétente, disposerait d’un large pouvoir d’appréciation comparable à celui qui est reconnu à l’administration communautaire lors de l’adoption de décisions de promotion dans le cadre de l’application du statut des fonctionnaires des Communautés européennes. Les principes établis en la matière par la jurisprudence seraient donc transposables au cas d’espèce.

51     Le directeur d’Europol aurait estimé en 2001 qu’il n’était pas en mesure de justifier l’attribution au requérant de deux échelons sur la base de ses rapports d’évaluation et d’un examen comparatif des mérites des autres agents. Dans le cadre de son évaluation comparative, le directeur aurait examiné les rapports d’évaluation du requérant ainsi que ses prestations générales en les comparant avec ceux d’agents occupant des fonctions similaires au sein de la même unité et du même département. Il aurait également comparé les performances du requérant avec celles d’autres agents au sein d’Europol. C’est sur la base de ces rapports et de l’évaluation comparative avec les rapports d’évaluation des autres agents accomplissant des tâches similaires que le directeur d’Europol, dans la décision du 23 novembre 2001, serait parvenu à la conclusion que le requérant méritait l’attribution d’un seul échelon.

52     De même, la décision de ne pas attribuer au requérant un échelon supplémentaire à la suite de son évaluation conduite en 2002 aurait été prise, comme toutes les décisions relatives à l’octroi d’échelons, après comparaison entre l’ensemble des agents d’Europol et après consultation de leurs supérieurs hiérarchiques, ainsi que cela ressort de la décision du 1er mars 2004.

53     En ce qui concerne le grief du requérant tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, Europol fait valoir que la même procédure a été suivie pour tous les agents aux fins de l’attribution d’échelons.

–       Appréciation du Tribunal

54     Il convient, tout d’abord, d’examiner la méthode appliquée par le directeur d’Europol aux fins de l’octroi d’échelons au personnel en 2001.

55     À cet égard, il y a lieu de relever que, dans sa décision du 23 novembre 2001, attaquée dans le cadre de l’affaire T‑209/02, le directeur d’Europol expose ce qui suit :

« J’ai l’intention, en procédant à l’attribution d’échelons, de parvenir à un jugement équilibré pour l’ensemble de l’organisme, en prenant en considération la manière de servir de chacun des agents durant les deux dernières années. »

56     La même approche ressort des décisions attaquées dans l’affaire T‑210/04.

57     Par ailleurs, dans ses écritures devant le Tribunal, Europol maintient que chaque décision d’octroi d’échelons est prise sur la base de l’évaluation des prestations de l’agent intéressé, effectuée suivant les règles adoptées par le conseil d’administration conformément à l’article 29 du statut Europol et au vu des mérites respectifs de chaque agent. Dans son mémoire en défense dans l’affaire T‑209/02, Europol précise que « dans son évaluation comparative, le directeur a examiné les rapports d’évaluation ou de notation d[u requérant] ainsi que ses prestations générales et a comparé ceux-ci avec ceux d’agents occupant des fonctions et des grades similaires au sein de son unité et de son département » et qu’« il les a également comparés avec les évaluations d’autres agents au sein d’Europol ».

58     Il convient, ensuite, de vérifier si une telle méthode, qui implique outre la prise en considération des performances de chaque agent, également un examen comparatif des mérites de l’ensemble du personnel, se justifie à la lumière des dispositions applicables.

59     À cet égard, il est, certes, vrai que l’article 29 du statut Europol se borne à prévoir que les décisions en matière d’octroi d’échelons doivent se fonder sur une évaluation des prestations de l’agent concerné et ne prescrit pas de manière expresse qu’une telle évaluation doit se faire dans le cadre d’un examen comparatif des mérites de l’ensemble du personnel d’Europol.

60     Cependant, d’une part, il convient de relever que les règles pour l’évaluation du personnel d’Europol mentionnées au point 40 ci-dessus, adoptées par le conseil d’administration d’Europol sur la base de l’article 29 du statut Europol, prévoient, dans un chapitre consacré aux dispositions permettant d’assurer l’équité et la transparence de la procédure d’évaluation, la mise en place d’un système de monitorage des évaluations confié à l’unité chargée de la gestion des ressources humaines, ayant pour objectif notamment de fournir au directeur d’Europol les informations nécessaires dans le but d’intervenir « en vue de corriger d’éventuelles différences injustifiées ». Par ailleurs, un tableau reproduit, à titre indicatif, la ventilation, en pourcentage, des notations à attribuer aux agents travaillant au sein d’un même département. Ce tableau préconise l’attribution d’une notation entre trois et six points à un pourcentage d’agents compris entre 70 et 75 % et une notation entre sept et huit à un pourcentage compris entre 20 et 25 %.



61     Ainsi, les règles sur l’évaluation du personnel d’Europol confèrent au directeur d’Europol le pouvoir d’effectuer des appréciations comparatives des prestations des agents et mettent en place les instruments lui permettant d’avoir une vision d’ensemble des performances de ces derniers. Or, si un tel pouvoir n’est expressément prévu qu’en ce qui concerne la notation des agents, il n’en reste pas moins que c’est précisément sur les évaluations effectuées à l’occasion de cette notation que le directeur d’Europol se fonde, conformément à l’article 29, premier alinéa, du statut Europol, aux fins de l’attribution des échelons bisannuels.

62     D’autre part, il y a lieu de relever que, hormis l’article 29, le statut Europol ne consacre aucune autre disposition aux avancements de carrière du personnel.

63     Par ailleurs, contrairement à ce que prévoit l’article 44 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, aux termes duquel « le fonctionnaire comptant deux ans d’ancienneté dans un échelon de son grade accède automatiquement à l’échelon suivant de ce grade », l’avancement bisannuel d’échelons au sein d’Europol n’est pas automatique. Cela ressort clairement du libellé tant de l’article 29, premier alinéa, du statut Europol, aux termes duquel le directeur « peut » accorder un maximum de deux échelons, sur la base d’une évaluation des prestations de l’agent concerné, que de l’article 29, deuxième alinéa, lequel prévoit que le directeur peut décider de n’attribuer aucun échelon en cas de manque d’efficacité de l’agent en cause.

64     Dans ces circonstances, l’avancement bisannuel d’échelon au titre de l’article 29 du statut Europol, loin de pouvoir être comparé à l’avancement automatique d’échelon prévu par l’article 44 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, se rapproche plutôt, ainsi que l’allègue à juste titre Europol, de la procédure de promotion visée par l’article 45 du même statut.

65     Enfin, il importe de souligner que, lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, Europol a fait valoir que, dans l’exercice de ses compétences en matière d’octroi d’échelons, le directeur d’Europol doit également tenir compte de contraintes d’ordre budgétaire.

66     Dans ces conditions, compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que le directeur d’Europol, en ce qu’il s’est fondé, afin de décider de l’octroi d’échelons au personnel en 2001, non seulement sur les performances de chaque agent, mais également sur un examen comparatif des mérites de l’ensemble des agents concernés, ne s’est pas écarté du cadre de légalité constitué par les dispositions statutaires et réglementaires applicables en la matière.

67     Il découle aussi, notamment, des considérations exposées ci-dessus que l’application de l’article 29 du statut Europol relève d’un domaine dans lequel il convient, en principe, de reconnaître aux autorités compétentes une large marge d’appréciation, à l’instar de celle qui est, selon une jurisprudence constante, reconnue à l’autorité investie du pouvoir de nomination dans l’application de l’article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes.

68     À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence du Tribunal, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, l’autorité investie du pouvoir de nomination dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l’autorité investie du pouvoir de nomination (voir arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, non encore publié au Recueil, point 58, et la jurisprudence citée). Cependant, selon cette même jurisprudence, le pouvoir discrétionnaire ainsi reconnu à l’administration est limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des candidatures avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement (arrêt Nielsen/Conseil, précité, point 59).

69     En l’espèce, le requérant ne conteste pas que, dans l’application de l’article 29 du statut Europol, le directeur jouisse d’un pouvoir discrétionnaire. Il soutient, cependant, que les décisions attaquées sont entachées d’une erreur d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement. Il fait valoir, à cet égard, qu’environ la moitié des agents d’Europol s’est vu octroyer deux échelons alors qu’un seul échelon lui a été attribué, bien que ses rapports d’évaluation se soient situés au-dessus de la moyenne de l’ensemble du personnel d’Europol. Il fait également observer que, dans certains cas, une notation inférieure à la sienne a suffi pour l’attribution de deux échelons.

70     Or, il convient, tout d’abord, de relever qu’il ressort du dossier que le requérant a obtenu une moyenne de 6,4 lors de sa première évaluation (rapport d’évaluation du 15 novembre 2000), une moyenne de 6,7 lors de sa deuxième évaluation (rapport d’évaluation du 11 septembre 2001) et une moyenne de 6,8 lors de sa troisième évaluation (rapport d’évaluation du 26 juillet 2002).

71     Il y a lieu, ensuite, de se référer au tableau reproduit dans le mémoire en défense dans l’affaire T‑209/02 et joint par le requérant à l’annexe de la réplique dans l’affaire T‑210/04.

72     Il ressort de ce tableau que la moyenne des notations des agents principaux affectés, comme le requérant, au département « Grande criminalité », ayant obtenu en 2001 deux échelons, se situe autour de 7,4 et est comprise dans une fourchette allant d’un minimum de 6,3 à un maximum de 8,2. La moyenne des agents principaux au sein de ce même département ayant obtenu un échelon se situe autour de 6,6, la notation la plus basse étant de 5,9 et la plus élevée de 7,1.

73     Or, il importe de relever que la notation la plus élevée obtenue par le requérant à la suite de sa troisième évaluation, à savoir 6,8, est de plus d’un demi-point inférieure à la moyenne des notations des agents principaux ayant obtenu deux échelons au sein du département « Grande criminalité » et correspond à la moyenne des notations des agents principaux ayant obtenu un seul échelon.

74     Si l’on a égard aux données du tableau concernant l’ensemble des agents principaux d’Europol, indépendamment du département d’affectation, l’on relève que la moyenne des notations des agents principaux ayant obtenu deux échelons est de 7,3, la notation la plus basse étant de 6,3 et la plus élevée de 8,1, alors que la moyenne des notations des agents principaux ayant obtenu un seul échelon se situe autour de 6,5 et est comprise dans une fourchette allant d’une notation minimale de 5,1 à une notation maximale de 7,1. Dans ce cas aussi, la moyenne du requérant se rapproche plus de celle des agents principaux ayant obtenu un échelon que de celle des agents principaux ayant reçu deux échelons.

75     En commentant les données du tableau élaboré par Europol, le requérant fait valoir, d’une part, que l’écart existant entre les notations minimale et maximale des agents principaux ayant obtenu deux échelons, au sein du département « Grande criminalité », est si important que l’attribution d’échelons au sein de ce département apparaît comme arbitraire et, d’autre part, qu’un agent principal ayant obtenu une notation de 6,3 a néanmoins reçu deux échelons, alors que le requérant a obtenu un seul échelon en dépit d’une notation bien supérieure.

76     À cet égard, il suffit de relever, d’une part, que l’attribution d’échelons se fait sur la base d’une évaluation globale des prestations de l’agent concerné et que l’autorité compétente jouit d’une large marge d’appréciation. Or, en l’espèce, il ne résulte pas de la seule circonstance qu’il existe un écart sensible entre les notations des agents ayant reçu deux échelons ni du fait que deux échelons ont été attribués à des agents dont la notation était inférieure à la moyenne des agents ayant reçu un seul échelon, que, en agissant de la sorte, l’autorité compétente pour attribuer les échelons au sein d’Europol a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. D’autre part, il convient de relever que le requérant n’est pas le seul agent principal dont la notation dépasse 6,3, note ayant valu l’attribution de deux échelons à un agent principal au sein du département « Grande criminalité », à avoir obtenu un seul échelon. En effet, il ressort du tableau que plusieurs agents principaux affectés à ce même département et qui ont reçu une notation même plus élevée que celle du requérant, allant jusqu’à 7,1, se sont vu accorder, à l’instar de ce dernier, un seul échelon. Partant, le requérant n’est pas davantage fondé à soutenir que, en lui attribuant un seul échelon, le directeur d’Europol a méconnu le principe d’égalité de traitement.

77     Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que les décisions attaquées ne sont entachées ni d’erreurs manifestes d’appréciation ni d’un dépassement des limites du pouvoir d’appréciation qu’il convient de reconnaître à l’autorité compétente en la matière et qu’elles n’enfreignent pas le principe d’égalité de traitement.

78     Dès lors, le second moyen commun aux affaires T-209/02 et T‑210/04 doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le moyen, soulevé dans le cadre de l’affaire T-210/04, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

–       Arguments des parties

79     Le requérant fait valoir que la lettre du 15 juillet 2002 ne peut s’interpréter que comme l’assurance que, compte tenu du niveau de ses prestations, il devait se voir attribuer un échelon supplémentaire à compter du 1er juillet 2002. Étant donné qu’une notation moyenne a été suffisante en 2001 pour justifier l’attribution de deux échelons à environ 40 % du personnel d’Europol, le requérant, dont la notation se situerait dans la moyenne des agents ayant obtenu deux échelons, aurait dû se voir attribuer en 2002 un échelon supplémentaire sans avoir à satisfaire la condition d’une amélioration générale de ses prestations par rapport à 2001, pourtant exigée par la décision du 1er mars 2004. Par ailleurs, une telle condition, qui, au demeurant, n’aurait été imposée à aucun des autres agents notés, serait satisfaite en l’espèce, le requérant ayant reçu, dans le rapport d’évaluation le concernant le plus récent, des notes plus élevées que celles attribuées dans les rapports précédents ainsi qu’une appréciation globale jugée « plus que satisfaisante ».

80     Le requérant souligne également que la lettre du 15 juillet 2002 doit s’interpréter comme la promesse de lui appliquer une deuxième fois l’article 29 du statut Europol, et ce avant l’échéance biennale prévue par cet article. Europol aurait dû examiner si l’évaluation des prestations du requérant conduite en juillet 2002 justifiait l’attribution d’un échelon supplémentaire. Or, compte tenu du fait que, lors de l’évaluation du personnel d’Europol effectuée en juillet 2001, l’octroi d’un échelon au minimum était prévu en cas de notation supérieure à six, le requérant pouvait s’attendre à ce que lui soit attribué un échelon supplémentaire au cas où ses prestations dépasseraient cette moyenne. En effet, conformément à l’article 29 du statut Europol, seules des prestations insuffisantes justifieraient le refus de faire droit aux augmentations salariales périodiques correspondant aux échelons prévus par ce même article.

81     Europol rappelle tout d’abord les termes de la lettre du 15 juillet 2002, qui indiquaient clairement qu’« il se [pouvait] qu’un échelon supplémentaire soit accordé [au requérant] à compter du 1er juillet 2002 », au moyen d’une décision ultérieure à intervenir, le cas échéant, dans la mesure où la nouvelle évaluation du requérant le justifierait. Par ailleurs, dans cette même lettre, le directeur d’Europol aurait expressément affirmé qu’il n’était pas disposé à réexaminer sa décision initiale.

82     Europol conteste ensuite l’allégation du requérant selon laquelle des prestations de niveau moyen auraient suffi pour l’octroi de deux échelons, un tel traitement étant, en revanche, réservé aux performances particulièrement bonnes. En outre, Europol fait observer que le rapport d’évaluation du requérant qualifie ses « connaissances d’ordre professionnel » de simplement satisfaisantes, ce qui n’a pas permis de considérer que ses performances, après un examen comparatif avec celles des autres agents, étaient d’un niveau justifiant l’octroi d’un échelon supplémentaire.

–       Appréciation du Tribunal

83     Selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes généraux du droit communautaire, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, a fait naître dans son chef des espérances fondées. En outre, ces assurances doivent être conformes aux normes applicables en général (voir arrêts du Tribunal du 20 janvier 2004, Briganti/Commission, T‑195/02, non encore publié au Recueil, point 63, et du 16 mars 2005, Ricci/Commission, T‑329/03, non encore publié au Recueil, points 79 et 80).

84     En l’espèce, rien dans la lettre du 15 juillet 2001 ne permet d’interpréter celle-ci, ainsi que le suggère le requérant, comme contenant l’assurance qu’un échelon supplémentaire lui serait attribué à compter du 1er juillet 2002, à la suite d’une nouvelle évaluation de ses prestations établie par sa hiérarchie.

85     En effet, dans cette lettre, après avoir expliqué les raisons l’ayant conduit à n’attribuer au requérant qu’un échelon supplémentaire en 2001, le directeur d’Europol s’exprime dans les termes suivants :

« Toutefois, bien que je ne sois pas disposé à reconsidérer ma première décision, eu égard à vos préoccupations et compte tenu de votre rendement général depuis lors, j’ai demandé à votre chef d’unité de procéder à une nouvelle évaluation, pour le 1er juillet 2002. En fonction de ce rapport, il se peut qu’un échelon supplémentaire vous soit accordé à compter du 1er juillet 2002. »

86     Or, il ressort clairement des termes utilisés (« il se peut qu’un échelon supplémentaire vous soit accordé ») que l’attribution d’un échelon supplémentaire au requérant n’était envisagée que comme une simple possibilité, dont la concrétisation dépendait des résultats de la nouvelle évaluation de ses performances.

87     Par ailleurs, le Tribunal ne saurait retenir la thèse du requérant selon laquelle la lettre en cause impliquait l’adoption à son égard d’une nouvelle décision au titre de l’article 29 du statut Europol avant l’échéance bisannuelle prévue par cette disposition, avec la conséquence que, conformément au libellé de l’article 29, deuxième alinéa, sa nouvelle évaluation aurait dû aboutir à l’attribution d’un échelon au minimum, sauf en cas de manque d’efficacité.

88     En effet, une telle interprétation de la lettre du 15 juillet 2001 reviendrait à admettre que le directeur d’Europol avait autorisé en faveur du seul requérant une dérogation à la règle statutaire selon laquelle l’attribution d’échelons au personnel d’Europol intervient à échéances bisannuelles, ce qui aurait entraîné une inégalité de traitement vis-à-vis des autres agents d’Europol. Par conséquent, contrairement à ce que suggère le requérant, ladite lettre ne peut s’interpréter que comme l’affirmation de la part du directeur d’Europol de sa disponibilité à revoir la décision du 23 novembre 2001, par laquelle il avait octroyé au requérant un seul échelon, sur la base des résultats d’une nouvelle évaluation des prestations du requérant à établir par sa hiérarchie.

89     Pour les raisons qui précèdent, le moyen, soulevé dans le cadre de l’affaire T‑210/04, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté comme non fondé.

 Considérations finales

90     L’analyse des moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation dans le cadre des présents recours n’a permis d’établir l’existence d’aucune des illégalités invoquées par le requérant à l’encontre des décisions attaquées.

91     Lesdites conclusions, ainsi que les autres chefs de conclusions, dans lesquels le requérant avance des prétentions qui présupposent le bien‑fondé des conclusions en annulation, doivent dès lors être rejetées comme non fondées.

92     Les recours dans les présentes affaires jointes devant être rejetés au fond dans leur ensemble, il n’y a pas lieu de statuer sur les questions de recevabilité soulevées par chacune des affaires.

 Sur les dépens

93     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a donc lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

94     

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.


Legal

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mars 2006.


Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : le néerlandais.