Language of document : ECLI:EU:T:2004:239

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
15 juillet 2004 (1)

« Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité d'installation – Article 9, paragraphe 3, de l'annexe VII du statut –  Délai d'un an »

Dans l'affaire T-384/02,

Fernando Valenzuela Marzo, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M.-A. Lucas, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et V. Joris, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation des décisions de la Commission du 16 novembre 2001 et du 13 février 2002, refusant au requérant la seconde moitié de l'indemnité d'installation au motif que l'installation de sa famille au lieu de son affectation ne serait pas intervenue dans le délai statutaire d'un an suivant sa prise de fonctions et, d'autre part, la condamnation de la Commission à lui verser la seconde moitié de l'indemnité d'installation, augmentée des intérêts au taux annuel de 8 %,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),



composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 22 avril 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
L’article 5 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« 1. Une indemnité d’installation égale à deux mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer, ou égale à un mois de traitement de base, s’il s’agit d’un fonctionnaire n’ayant pas droit à cette allocation, est due au fonctionnaire titulaire qui remplit les conditions pour bénéficier de l’indemnité de dépaysement ou qui justifie avoir été tenu de changer de résidence pour satisfaire aux obligations de l’article 20 du statut.

[…]

3. L’indemnité d’installation est calculée d’après l’état civil et le traitement du fonctionnaire, soit à la date d’effet de la titularisation, soit à celle de l’affectation à un nouveau lieu de service.

L’indemnité d’installation est versée sur production de documents justifiant de l’installation du fonctionnaire au lieu de son affectation, ainsi que de celle de sa famille, si le fonctionnaire a droit à l’allocation de foyer.

4. Si un fonctionnaire qui a droit à l’allocation de foyer ne s’installe pas avec sa famille au lieu de son affectation, il ne reçoit que la moitié de l’indemnité à laquelle il aurait normalement droit ; la seconde moitié lui est versée lors de l’installation de sa famille au lieu de son affectation pour autant que cette installation ait lieu dans les délais visés à l’article 9, paragraphe 3[…] »

2
L’article 9, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut énonce :

« Le déménagement doit être effectué par le fonctionnaire titulaire dans l’année suivant l’expiration de la période de stage.

Lors de la cessation définitive des fonctions, le déménagement doit intervenir dans le délai de trois ans prévu à l’article 6, paragraphe 4, deuxième alinéa.

Les frais de déménagement exposés après l’expiration des délais prévus ci-avant ne peuvent être remboursés qu’exceptionnellement et sur décision spéciale de l’autorité investie du pouvoir de nomination. »


Faits à l’origine du litige

3
Le 3 mai 2000, la Commission a décidé d’engager M. Valenzuela Marzo en tant que directeur général adjoint à la direction générale (DG) « Relations extérieures », ce dont il a été informé par une note du 17 mai 2000 émanant de l’unité 5 « Organigramme et personnel d’encadrement » de la direction A « Politique du personnel » de la DG « Personnel et administration ».

4
Le requérant a été titularisé dès le 1er juin 2000, date de son entrée en service, son grade A 1 le dispensant de l’obligation de stage.

5
À la mi-juin 2000, une information concernant les délais statutaires pour le déménagement, la prise en charge des frais liés à son engagement ainsi que l’installation de sa famille lui a été donnée par Mme Pérez Silván, affectée à l’unité 3 « Gestion des droits individuels » de la direction B « Droits et obligations ; politique et actions sociales » de la DG « Personnel et administration » (ci-après l’« unité B.3 »), lors d’un entretien téléphonique.

6
Le 23 novembre 2000, le compromis de vente d’un appartement à Woluwé‑Saint‑Pierre a été signé par le requérant et son épouse (Mme Fondevila).

7
Le 5 mars 2001, le requérant et son épouse ont acquis cet immeuble par acte notarié en date du 5 mars 2001.

8
Le 11 avril 2001, un déménagement de meubles et d’effets personnels du requérant a été effectué de Madrid à Bruxelles.

9
Au début de juillet 2001, Mme Hinckley, secrétaire du requérant, a contacté par téléphone l’unité B.3 afin d’obtenir un formulaire pour le remboursement des frais de voyage de la famille du requérant. Elle a expliqué que la famille du requérant le rejoindrait à Bruxelles au début du mois de septembre 2001. M. Pissoort, de l’unité B.3, lui a répondu que ce remboursement ne serait pas accordé, car le délai d’un an prévu par le statut pour que la famille du fonctionnaire vienne rejoindre celui-ci à son lieu d’affectation avait expiré le 31 mai 2001.

10
Par courrier électronique du 4 juillet 2001 envoyé aux services de l’unité B.3, Mme Hinckley a indiqué aux fins du remboursement des frais de voyage de l’épouse et de la fille cadette du requérant (María Valenzuela) que celles-ci rejoindraient le requérant à la fin du mois d’août 2001. Elle a également précisé que Maria Valenzuela devait achever l’année scolaire en Espagne avant son arrivée en Belgique.

11
Le 6 juillet 2001, M. Pissoort a confirmé, par courrier électronique en réponse à Mme Hinckley, que les délais prévus à l’article 5, paragraphe 4, de l’annexe VII du statut étant dépassés, le requérant ne pouvait prétendre au remboursement des frais de voyage, pas plus qu’au paiement de la seconde moitié de l’indemnité d’installation.

12
Par note du 16 juillet 2001 à l’attention de M. Brüchert, directeur de la direction « Droits et obligations ; politique et actions sociales » de la DG « Personnel et administration », le requérant, affirmant que sa famille se serait installée à Bruxelles en date du 11 avril 2001, a déclaré que la perte des billets d’avion et des cartes d’embarquement l’empêchait de solliciter le remboursement des frais de voyage et a limité sa demande au paiement de la seconde moitié de l’indemnité d’installation.

13
Le 17 juillet 2001, l’épouse et la fille cadette du requérant se sont présentées au service « Privilèges et immunités » de l’unité B.3 pour retirer les formulaires en vue d’obtenir une carte d’identité spéciale délivrée par les autorités belges. Dans le formulaire de renseignements à fournir pour l’obtention de ladite carte spéciale, l’épouse du requérant a déclaré être arrivée en Belgique le 11 juillet 2001, que son adresse actuelle en Belgique était à Woluwé-Saint-Pierre, qu’elle n’avait pas d’adresse antérieure en Belgique et que sa dernière adresse avant son arrivée en Belgique était à Pozuelo, Madrid.

14
Le 10 août 2001, Mme Pérez Silván, de l’unité B.3, a transmis à la secrétaire du requérant le formulaire à remplir en vue d’obtenir le payement de l’indemnité d’installation. Le requérant a complété et signé ledit formulaire le 29 août 2001.

15
Le 6 novembre 2001, Mme Hinckley a adressé un message à Mme Pérez Silván affirmant que la famille du requérant se serait installée à Bruxelles le 11 avril 2001 et sollicitant le payement de la deuxième moitié de l’indemnité d’installation.

16
Par note datée du 16 novembre 2001, Mme Tzirani, chef de l’unité B.3, a informé le requérant que la seconde moitié de l’indemnité d’installation ne pourrait lui être accordée, les délais statutaires étant dépassés.

17
Le 27 novembre 2001, le requérant a adressé à M. Brüchert une note par laquelle il précisait la portée des déclarations de son épouse à l’administration. Selon lui, si celle-ci avait déclaré qu’elle était arrivée en Belgique avec sa fille le 11 juillet 2001, il ne s’agissait pas là de la date de sa première entrée dans le pays. À l’appui de ses dires, le requérant communiquait certaines pièces, dont le rapport d’évaluation du déménagement du 11 avril 2001, signé par son épouse, et l’acte d’acquisition de leur appartement passé le 5 mars 2001.

18
Le 13 février 2002, Mme Tzirani a adressé une note au requérant lui indiquant que son dossier avait été réexaminé au vu de sa note du 27 novembre 2001 et confirmant que la seconde moitié de l’indemnité d’installation ne pourrait pas lui être versée, certains éléments figurant dans son dossier établissant que l’installation de sa famille au lieu de son affectation apparaissait ne pas être intervenue dans le délai statutaire d’un an suivant sa prise de fonctions, soit avant le 31 mai 2001.

19
Le 13 mai 2002, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision prise le 13 février 2002 par Mme Tzirani.

20
Par décision du 16 septembre 2002, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation du requérant.


Procédure et conclusions des parties

21
Par requête déposée le 18 décembre 2002, le requérant a introduit le présent recours.

22
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

23
Le 22 avril 2004, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

24
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler les décisions des 16 novembre 2001 et 13 février 2002 du chef de l’unité « Gestion des droits individuels » de la DG « Personnel et administration » refusant au requérant la seconde moitié de l’indemnité d’installation ;

annuler la décision de l’AIPN du 16 septembre 2002 rejetant la réclamation administrative du 13 mai 2002 à l’encontre des décisions précédentes ;

condamner la Commission à lui payer la seconde moitié de son indemnité d’installation, à majorer des intérêts de retard à 8 % l’an à dater du 11 avril 2001 jusqu’à complet paiement ;

condamner la Commission aux dépens.

25
La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de la décision du 16 novembre 2001 et l’annulation de la décision de rejet de la réclamation du 16 septembre 2002 ;

rejeter le recours comme non fondé pour le surplus ;

statuer sur les dépens comme de droit.


Sur la recevabilité du recours

Arguments des parties

26
La défenderesse estime le recours partiellement irrecevable.

27
Elle soutient, en premier lieu, que le seul acte faisant grief est la décision du 13 février 2002. Cette décision aurait été prise après un nouvel examen de la situation du requérant et, partant, remplacerait la décision du 16 novembre 2001 qui aurait disparu de l’ordonnancement juridique.

28
En second lieu, la défenderesse rappelle une jurisprudence constante selon laquelle toute décision de rejet d’une réclamation ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable (arrêt du Tribunal du 3 juin 1997, H/Commission, T‑196/95, RecFP p. I‑A‑133 et II‑403, point 40). La décision de rejet de la réclamation prise le 16 septembre 2002, étant une décision de rejet pure et simple, ne serait dès lors pas un acte attaquable.

29
Le requérant estime, en premier lieu, que si elle doit bien être considérée comme un acte faisant grief distinct de la décision du 16 novembre 2001, en raison du réexamen de cette décision dont elle procède, la décision du 13 février 2002 se borne à confirmer purement et simplement la décision antérieure et ne s’y est donc pas substituée.

30
Il fait valoir qu’il résulte de l’arrêt du Tribunal du 21 octobre 1998, Vicente‑Núñez/Commission (T‑100/96, RecFP p. I‑A‑591 et II‑1779, point 37), qu’une décision n’est purement confirmative d’une décision antérieure que si deux conditions cumulatives sont réunies, à savoir l’absence de réexamen de la décision précédente et l’absence d’élément nouveau par rapport à celle-ci. Le requérant fait référence, ensuite, à l’arrêt du Tribunal du 3 mars 1994, Cortes Jiménez e.a./Commission (T‑82/92, RecFP p. I‑A‑69 et II‑237, points 14 et 17), dont il ressortirait que c’est seulement en présence d’un élément nouveau qu’il y a un effet de substitution.

31
En second lieu, le requérant soutient que l’argument de la défenderesse selon lequel la décision de rejet de la réclamation serait irrecevable se heurte à une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, selon laquelle un fonctionnaire n’est recevable à présenter un recours contre une décision prise à son encontre par l’AIPN qu’après avoir préalablement saisi cette autorité d’une réclamation et qu’après que cette réclamation a été explicitement ou implicitement rejetée. Le recours serait recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision initialement contestée, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux actes conjointement, à condition toutefois que la réclamation et le recours aient été formés dans les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut (arrêt de la Cour du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, point 7).

Appréciation du Tribunal

32
Il convient, en premier lieu, de rappeler la jurisprudence selon laquelle un recours en annulation formé contre une décision purement confirmative d’une décision antérieure non attaquée dans les délais est irrecevable. Selon cette jurisprudence, une décision est purement confirmative d’une décision antérieure lorsqu’elle ne contient aucun élément nouveau par rapport à l’acte antérieur et qu’elle n’a pas été précédée d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte (arrêt du Tribunal du 18 septembre 2003, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑321/01, non encore publié au Recueil, point 23).

33
Il convient de constater ensuite que la décision constituée par la note de Mme Tzirani envoyée au requérant le 13 février 2002 a été adoptée après réexamen du dossier du requérant. En effet, il y est indiqué :

« […] vous nous avez communiqué un complément d’informations sur la base [duquel] vous demandez que soit revue ma décision du [16 novembre 2001] vous refusant le bénéfice de la deuxième partie de l’indemnité d’installation. Votre dossier a fait l’objet d’un nouvel examen, dont je vous communique ci-après les résultats. »

34
Il s’ensuit que la décision du 13 février 2002, adoptée après réexamen du dossier du requérant, a remplacé la décision du 16 novembre 2001.

35
Partant, le recours est irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de la décision du 16 novembre 2001.

36
Il convient de relever, en second lieu, que, certes, toute décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, prise isolément, un acte attaquable. Ce n’est que lorsque cette décision fait, en tout ou en partie, droit à la réclamation de l’intéressé qu’elle constituera, le cas échéant, par elle-même, un acte susceptible de faire l’objet d’un recours (ordonnance de la Cour du 16 juin 1988, Progoulis/Commission, 371/87, Rec. p. 3081, point 17, et arrêt H/Commission, point 28 supra, point 40).

37
Toutefois, il convient de remarquer que, en l’espèce, le requérant conteste non seulement la décision de rejet de sa réclamation, mais également la décision du 13 février 2002 lui refusant la seconde moitié de l’indemnité d’installation. Comme la défenderesse l’indique, à juste titre, le recours est de toute manière recevable contre la décision du 13 février 2002. Dans ces circonstances, la fin de non‑recevoir de la défenderesse, tirée de ce que le recours serait à tort dirigé contre la décision de rejet de la réclamation, doit être rejetée.

38
Il s’ensuit que le recours est uniquement irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de la décision du 16 novembre 2001.

39
Le recours est, en revanche, recevable en ce qu’il vise la décision du 13 février 2002 (ci-après la « décision attaquée »).


Sur le fond

40
Le requérant présente deux moyens.

41
Le premier moyen est tiré d’une erreur de droit, en ce que la défenderesse aurait accordé une importance prépondérante aux déclarations de l’épouse du requérant au service « Privilèges et immunités », ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation.

42
Le second moyen est tiré d’une erreur de droit et de l’omission de faits essentiels, car la défenderesse aurait considéré le délai prévu par l’article 5, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut comme un délai de rigueur et n’aurait pas examiné la possibilité d’y déroger en raison de la titularisation du requérant dès son entrée en fonctions et de l’impossibilité dans laquelle se trouvait la fille du requérant de rejoindre ses parents à Bruxelles avant la fin de l’année scolaire 2000/2001.

Sur le premier moyen

Sur la première branche du premier moyen, tirée de l’importance prépondérante que la défenderesse aurait accordée aux déclarations de l’épouse du requérant au service « Privilèges et immunités »

– Arguments des parties

43
Le requérant soutient que la notion d’installation ou de transfert de la résidence habituelle est une notion de fait et que le statut ne prescrit aucun mode de preuve particulier, de sorte que la preuve de l’installation de la famille du fonctionnaire concerné au lieu de son affectation peut être apportée par toute voie de droit.

44
Il fait valoir que la portée des dispositions statutaires ne peut pas être restreinte par l’administration. Celle-ci ne pourrait donc, sans violer le statut, exiger un mode de preuve particulier de l’installation, tels que les cartes d’identité spéciales délivrées par l’administration belge pour attester l’inscription de la famille du fonctionnaire au registre de la population de la commune de leur domicile ou les déclarations faites par les intéressés au service « Droits et privilèges » aux fins de l’obtention de ces documents. Ces documents ne seraient d’ailleurs pas exigés par le formulaire de demande d’indemnité d’installation. Par conséquent, les services de la défenderesse ne pourraient pas accorder à ce type de preuve une importance supérieure aux autres.

45
Bien que sa motivation fasse apparaître qu’il a été procédé à un examen de l’ensemble des données factuelles figurant au dossier, la décision attaquée serait entachée d’une erreur de droit, dans la mesure où elle se fonde sur l’absence de production des cartes d’identité spéciales et sur les déclarations de Mme Fondevila au service « Privilèges et immunités », confirmées par le message du 4 juillet 2001 du requérant annonçant l’arrivée prochaine de sa famille, pour écarter les autres éléments de preuves invoqués par le requérant.

46
La décision du 16 septembre 2002 de rejet de la réclamation administrative ne démontrerait pas une quelconque évolution de l’approche de la défenderesse, puisque le principal argument de la défenderesse consisterait à soutenir que sa position ne résultait pas seulement des déclarations de l’épouse du requérant au service « Privilèges et immunités », mais également des déclarations antérieures et concordantes du requérant lui-même, par l’intermédiaire de sa secrétaire, alors que toutes ces déclarations étaient précisément de même nature, et que méconnaître la portée des unes reviendrait à méconnaître la portée des autres.

47
Le requérant soutient que c’est à la lumière des déclarations de son épouse et des siennes que tous les autres éléments du dossier continuent d’être interprétés, au mépris de leur portée, mais aussi du bon sens et de la réalité. Les erreurs d’appréciation qui ont été commises en l’espèce résulteraient donc fondamentalement d’une erreur de droit.

48
Le requérant soutient que la distinction qu’opère la défenderesse entre les documents requis pour faire preuve, d’une part, de l’installation du fonctionnaire au lieu de son affectation et, d’autre part, de l’installation de sa famille avec lui n’est pas justifiée par le texte de l’article 5 de l’annexe VII du statut, qui ne prévoit, ni pour le fonctionnaire lui-même, ni pour sa famille, un mode de preuve particulier de leur installation.

49
Selon le requérant, la circonstance que la famille d’un fonctionnaire ne vient pas immédiatement s’installer avec lui au lieu de son affectation, mais ne le rejoint que plus tard, justifie que l’administration se contente, en tant que preuve de l’installation, d’un document attestant la résidence des membres de sa famille à l’adresse du fonctionnaire, celui-ci ayant fait antérieurement la preuve de l’acquisition ou de la location d’un logement à cette adresse. Mais cette circonstance ne justifierait évidemment pas que la défenderesse exige un document d’un type particulier et refuse d’admettre d’autres moyens de preuve comme, en l’espèce, un acte d’acquisition d’un logement et la preuve du déménagement.

50
Le requérant fait valoir que n’est pas fondé non plus l’argument selon lequel les déclarations faites le 17 juillet 2001 par l’épouse du requérant quant à sa date d’arrivée au service « Privilèges et immunités », ainsi que celles que la défenderesse impute au requérant lui-même en raison du courrier électronique du 4 juillet 2001 envoyé par sa secrétaire, auraient été faites in tempore non suspecto.

51
En ce qui concerne les déclarations du 17 juillet 2001, l’argument manquerait en fait, puisque la veille le requérant avait introduit, par une note à l’attention de M. Brüchert, une demande de payement de l’indemnité d’installation en faisant valoir que son épouse s’était installée avec lui le 11 avril 2001. Ces déclarations seraient donc situées in tempore suspecto et leur apparente contrariété avec ce que le requérant indiquait dans sa note de la veille constituerait par conséquent un indice qu’elles ne visaient que la date de la dernière entrée de Mme Fondevila en Belgique et non celle de son installation dans ce pays.

52
Quant aux déclarations que la défenderesse impute au requérant en se prévalant du courrier électronique du 4 juillet 2001, le requérant admet qu’à cette époque il n’était pas encore conscient du problème qu’allait poser le payement de la seconde moitié de son indemnité d’installation. Cela n’impliquerait cependant nullement que ces déclarations conduisent à présumer que son épouse se serait installée à Bruxelles postérieurement au 1er juin 2001. Tout d’abord, ces déclarations n’émaneraient pas directement du requérant. Ensuite, la secrétaire du requérant n’aurait tout simplement pas fait la nuance entre la date de l’installation de Mme Fondevilla avec son époux et la date à laquelle celle-ci a ramené sa fille à Bruxelles.

53
Selon le requérant, à supposer même que le courrier électronique du 4 juillet 2001 de Mme Hinckley et les déclarations du 17 juillet de son épouse aient créé un obstacle apparent à sa demande de payement de la seconde moitié de l’indemnité d’installation, ces difficultés ont été surmontées par sa note du 27 novembre 2001 envoyée à M. Brüchert, puis par sa réclamation du 13 mai 2002.

54
La défenderesse conteste ces arguments et soutient que la décision attaquée est fondée.

– Appréciation du Tribunal

55
Le requérant soutient, en substance, que la défenderesse a commis une erreur de droit en accordant une importance prépondérante aux déclarations de son épouse au service « Privilèges et immunités », le 17 juillet 2001.

56
À cet égard, il convient d’observer, à titre liminaire, que la décision attaquée a été prise sur le fondement d’un ensemble d’éléments.

57
En effet, au troisième alinéa de la décision attaquée figure ce qui suit : « Au vu d’un ensemble d’informations versées à votre dossier, émanant de diverses sources et remontant à des dates différentes […] » Au quatrième alinéa, il est indiqué : « […] il ressort de l’ensemble de ces éléments que, recruté par la Commission en date du 01/06/2000, vous vous êtes alors installé en Belgique sans votre famille. Le 11/04/2001 […] vous avez effectué un déménagement […] Enfin, votre épouse et votre fille se sont présentées le 17/07/2001 au service ‘Privilèges et immunités’ dépendant de mon unité et ont déclaré qu’elles [étaient] arrivées en Belgique pour s’y installer le 11/07/2001 ». Enfin, il est indiqué au cinquième alinéa :

« D’après le complément d’informations que vous nous avez envoyé, il apparaît également que votre épouse a, dès le printemps 2001, effectué des visites en Belgique, engageant à cette occasion un certain nombre de démarches ponctuelles […] dans le cadre de la préparation de son installation future à Bruxelles. »

58
De plus, il convient d’indiquer que la réponse à la réclamation fait aussi état d’un ensemble d’éléments. Il y est indiqué notamment ce qui suit :

« En effet, le refus de l’administration de considérer la famille […] du réclamant comme ne s’étant pas installée à Bruxelles dans les délais statutaires d’un an n’est pas basée uniquement sur les déclarations de Mme Fondevila auprès du service ‘Privilèges et immunités’ en date du 17 juillet […], mais également sur les déclarations émises à plusieurs reprises par le réclamant lui-même, par le biais de sa secrétaire, que son épouse et sa fille cadette l’auraient rejoint à Bruxelles au plus tôt fin août 2001. »

59
Il apparaît donc que la décision attaquée est fondée sur un ensemble d’éléments et non pas uniquement en fonction des déclarations faites le 17 juillet 2001 par l’épouse du requérant au service « Privilèges et immunités ».

60
Il convient d’observer ensuite qu’il est tout à fait légitime que la défenderesse ait été plus convaincue par certains documents ou éléments que par d’autres et que, de ce fait, elle leur ait accordé une force juridique probante supérieure. La défenderesse fait observer, en ce sens, qu’elle a bien tenu compte de tous les éléments de preuve avancés par le requérant, mais qu’elle en a privilégié certains en l’espèce.

61
Les éléments auxquels la défenderesse a attribué une force probante supérieure sont notamment les déclarations du requérant contenues dans le courrier électronique envoyé par Mme Hinckley le 4 juillet 2001, ainsi que les renseignements fournis par l’épouse du requérant au service « Privilèges et immunités », le 17 juillet 2001, en vue d’obtenir la carte d’identité spéciale. La défenderesse rappelle à cet égard que la possession de cette carte est pour elle, notamment dans le cas où la famille ne rejoint le fonctionnaire que dans un deuxième temps, une confirmation légale de l’installation en Belgique des membres de la famille d’un fonctionnaire et, partant, un indice particulièrement probant de leur volonté de résider et de s’intégrer socialement au lieu d’affectation d’une façon permanente et durable pour une durée indéterminée mais substantielle. Pour la défenderesse, ce n’est qu’en présence d’autres indices allant très clairement dans un autre sens qu’il serait possible de mettre en doute la présomption qui résulte nécessairement de l’établissement de cette pièce. Elle estime que de tels indices font précisément défaut en l’espèce. La défenderesse fait observer, par ailleurs, que, pour conclure que l’épouse du requérant résidait en Belgique depuis plusieurs mois, elle aurait dû présumer que le requérant et son épouse s’étaient mis en situation de séjour irrégulier.

62
La défenderesse fait valoir qu’une seconde raison de privilégier ces déclarations est qu’elles sont intervenues in tempore non suspecto, confirmant ainsi la présomption résultant de la délivrance de la carte de résidence spéciale.

63
En ce qui concerne les éléments de preuve apportés par le requérant, la défenderesse expose les raisons pour lesquelles elle les a trouvés moins convaincants. Ainsi, elle fait observer notamment que la signature de l’acte de vente de l’appartement, le 5 mars 2001, attesterait uniquement la présence de l’épouse du requérant ce jour-là à Bruxelles, mais le caractère authentique de l’acte ne signifie pas que le notaire se porte garant de la résidence des acquéreurs à Bruxelles. De même, elle fait valoir que la signature du rapport du déménagement intervenu le 11 avril 2001 prouve que l’épouse du requérant se trouvait à Bruxelles à cette date, mais non qu’elle avait effectivement transféré ce jour-là sa résidence de Madrid à Bruxelles.

64
Il découle des développements ci-dessus que, contrairement aux allégations du requérant, la défenderesse ne semble pas avoir accordé en droit une importance supérieure à un certain type de preuves, telles que les cartes d’identité spéciales délivrées par l’administration belge ou les déclarations faites par Mme Fondevila au service « Privilèges et immunités », plutôt qu’à d’autres mais s’est simplement trouvée en fait plus convaincue par certains éléments que par d’autres. Cela ne saurait constituer une erreur de droit.

65
Dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’examiner, à ce stade, le bien-fondé des appréciations de la défenderesse, lesquelles seront examinées dans le cadre de la seconde branche de ce premier moyen, il y a lieu de rejeter l’argumentation du requérant tirée de l’erreur de droit en ce que la défenderesse aurait accordé à tort aux déclarations de l’épouse du requérant au service « Privilèges et immunités » une importance prépondérante.

66
À la lumière des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

Sur la seconde branche du premier moyen, tirée d’erreurs d’appréciation

– Arguments des parties

67
Le requérant fait valoir qu’en l’espèce la question qui se pose est de savoir si la résidence habituelle de Mme Fondevila se trouvait, avant le 1er juin 2001, à Bruxelles ou à Madrid. Cette question devrait être appréciée en fonction, conjointement, de deux critères, à savoir la présence physique de l’épouse du requérant à Bruxelles ou à Madrid, mais aussi, et surtout, des circonstances de fait établissant la volonté de conférer à l’une ou l’autre résidence un caractère stable et habituel (ci‑après l’« animus manendi »).

68
Le requérant soutient que la stabilité que Mme Fondevila a entendu conférer à sa résidence bruxelloise ressort à suffisance de droit de son acquisition, avec son époux, d’un appartement à Bruxelles et du déménagement de leurs effets mobiliers de Madrid à Bruxelles le 11 avril 2001. Le caractère temporaire de la présence de Mme Fondevila à Madrid ressortirait à suffisance de droit de la circonstance, non contestée par la défenderesse, que celle-ci ne s’expliquait que par la nécessité de mettre fin aux activités professionnelles d’avocate qu’elle y exerçait et de veiller régulièrement aux intérêts de sa fille cadette, en dernière année d’études secondaires, et dont le maintien de la résidence à l’ancien domicile familial était donc, elle aussi, indubitablement temporaire.

69
Peu importerait qu’après avoir organisé et géré le déménagement de sa famille, Mme Fondevila se soit rendue une dernière fois à Madrid pour ramener sa fille à Bruxelles. Selon le requérant, les déclarations faites au service « Privilèges et immunités » étaient non seulement exactes, mais encore tout à fait compatibles avec la revendication de la totalité de l’indemnité d’installation.

70
Le requérant maintient que Mme Fondevila n’est pas restée en Espagne auprès de sa fille, mais s’est installée à Bruxelles avec lui à la mi-septembre 2000. Elle aurait été régulièrement présente à Bruxelles à partir de cette époque pour accomplir les démarches nécessaires à l’installation de sa famille, même si elle a également accompli un certain nombre de voyages à Madrid pour veiller aux intérêts de sa fille et régler certains problèmes sur place.

71
Le nombre, la durée et l’espacement réduit des séjours de Mme Fondevila à Bruxelles ne laisseraient aucun doute. Le requérant rappelle ainsi que :

María Valenzuela n’était pas seule à l’ancien domicile familial, puisque sa sœur aînée y résidait avec elle et que plusieurs membres de sa famille résidaient également à Madrid ;

la télécopie du 15 novembre 2000 de l’agence immobilière Continental Investments est adressé à Mme Fondevila, ce qui établit que c’est bien elle qui s’est chargée de la recherche de l’appartement en question ;

ladite télécopie fait implicitement état de plusieurs visites de l’appartement ;

le même fax établit qu’un assez long délai s’est écoulé entre la date à laquelle ces renseignements ont été sollicités par Mme Fondevila et celle à laquelle ils lui ont été communiqués ;

le compromis de vente, signé aussi bien par Mme Fondevila que par lui, est daté du 23 novembre 2000, soit quelques jours après la télécopie du 15 novembre 2000 de l’agence immobilière ;

ce compromis fait état de la résidence commune de M. et Mme Valenzuela à Bruxelles et prévoyait une entrée dans les lieux à la date du 31 janvier 2001, sous réserve de la passation de l’acte authentique ;

l’acte notarié du prêt hypothécaire, ainsi que l’acte notarié de l’acquisition de l’appartement, dressés par un officier ministériel belge, datés du 5 mars 2001, font état de l’intervention aux actes non seulement de lui-même mais aussi de son épouse, et de leur résidence commune à Bruxelles ;

la facture d’eau figurant au dossier, datée du 27 juin 2001, établie au nom de Mme Fondevila, fait état d’un relevé de clôture du compteur en date du 5 mars 2001 et d’une consommation de 20 m3 d’eau entre cette date et le 22 juin 2001, et a été réglée par Mme Fondevila ;

la facture de téléphone produite par lui, datée du 29 mai 2001, établie au nom de Mme Fondevila, fait état d’une précédente facture du 29 mars 2001 et vise des appels téléphoniques entre le 6 avril et le 15 mai 2001 ;

la facture de télédistribution produite par lui, qui est datée du 13 mars 2001, est établie au nom de son épouse, fait mention de sa résidence avenue de Tervueren, et d’une précédente facture en date du 1er mars 2001, et a été réglée par Mme Fondevila au moyen de sa carte Bancontact, à Bruxelles, le 13 mars 2001 ;

les documents relatifs au déménagement des effets mobiliers de la famille Valenzuela de Madrid à Bruxelles en date du 11 avril 2001 portent la signature de Mme Fondevila.

72
Le requérant affirme ne pas soutenir que le critère de l’animus manendi serait prépondérant par rapport à celui de la présence physique, mais soutenir que, lorsqu’une personne est physiquement présente à la fois au lieu d’origine et au lieu d’affectation, la question du lieu de résidence habituelle doit nécessairement être tranchée au vu d’éléments objectifs qui manifestent sa volonté de conférer un caractère stable à l’une de ces résidences et un caractère provisoire à l’autre.

73
Le requérant fait valoir que, par le rapport d’évaluation des services de la société de déménagement, il n’a pas seulement établi que son épouse avait été physiquement présente à Bruxelles le 11 avril 2001, mais surtout qu’ils avaient transporté leurs meubles et objets personnels de leur maison de Madrid à leur appartement de Bruxelles. Par la production du compromis de vente et de l’acte authentique d’acquisition de l’appartement, il aurait démontré à suffisance de droit que son épouse avait effectivement transféré sa résidence à Bruxelles et qu’elle avait entendu conférer un caractère stable à sa nouvelle résidence. Il fait valoir que, à partir du moment où ils avaient transféré, le 11 avril 2001, la totalité de leurs meubles de leur ancien domicile de Madrid à leur nouveau domicile de Bruxelles, les séjours ultérieurs de Mme Fondevila à Madrid ne pouvaient être que provisoires. La question de la durée de ces séjours serait donc sans intérêt.

74
Le requérant produit avec la réplique des pièces supplémentaires tendant à établir la présence de son épouse à Bruxelles avant mais aussi après le déménagement du 11 avril 2001 ainsi que la durée substantielle de ses séjours dans cette ville et surtout sa volonté de s’y établir avec son époux.

75
Quant à l’argument de la défenderesse, tiré du caractère prétendument contradictoire des déclarations du requérant et de son épouse quant à la date d’installation de celle-ci à Bruxelles (mi-septembre 2000, début de l’année 2001, 11 avril 2001, 11 juillet 2001), le requérant fait valoir que ces dates correspondaient à des événements différents : l’installation de son épouse avec lui, avenue de la Renaissance, plus précisément le 17 septembre 2000 ; l’installation de son épouse avec lui, dans l’appartement qu’ils avaient acquis avenue de Tervueren, « au mois de mars 2002 » ; le déménagement de leurs effets mobiliers ; le retour de son épouse et de sa fille de Madrid.

76
Les déclarations du requérant et de son épouse ne seraient donc nullement contradictoires. Le requérant ajoute que, selon la jurisprudence du Tribunal (arrêt du Tribunal du 5 mars 2003, Ineichen/Commission, T‑293/01, non encore publié au Recueil, point 111), la détermination du centre d’intérêts ou de la résidence habituelle d’un fonctionnaire à un moment donné exige une appréciation délicate fondée sur un ensemble complexe d’éléments factuels, et qu’il ne saurait donc décemment être fait grief à un fonctionnaire d’éventuelles imprécisions ou même inexactitudes à cet égard.

77
Il fait valoir que la référence de la défenderesse à l’arrêt Ineichen/Commission, point 76 supra, pour soutenir que des explications contradictoires constituent un point important et même parfois décisif en défaveur des fonctionnaires dans des affaires ayant trait à l’octroi d’avantages pécuniaires, est dépourvue de pertinence en l’espèce, car, dans l’affaire en question, il était reproché au requérant d’avoir délibérément omis de déclarer un élément de fait important pour la solution du litige, ce qui n’est absolument pas le cas en l’espèce.

78
Quant à l’imprécision relative à l’activité professionnelle de l’épouse du requérant, elle ne serait imputable qu’à la complexité des faits que le conseil du requérant n’aurait pas exactement cernés. Mme Fondevila serait effectivement juriste de formation et aurait été avocate. Elle n’aurait plus exercé depuis un certain nombre d’années mais aurait envisagé de reprendre ses activités avant que son époux ne soit engagé par la défenderesse et aurait pris des contacts en ce sens avant de renoncer à ce projet durant l’été 2000 pour suivre son mari à Bruxelles.

79
La défenderesse fait valoir que l’appréciation du transfert effectif de la résidence habituelle du membre de la famille considéré de son lieu de séjour précédent à son lieu d’affectation est essentiellement une question de fait. Elle rappelle que c’est au requérant de prouver que son épouse avait transféré sa résidence habituelle à Bruxelles avant le 1er juin 2001. Elle conteste les éléments avancés par le requérant à cet égard.

– Appréciation du Tribunal

80
Le requérant soutient, en substance, que la défenderesse a mal apprécié la situation de Mme Fondevila, dont la résidence habituelle aurait été fixée à Bruxelles avant le 1er juin 2001.

81
Selon une jurisprudence constante, la résidence habituelle est le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts, étant entendu que, afin de déterminer la résidence habituelle, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 22).

82
Par ailleurs, la notion de résidence, tout en ne se fondant pas sur une donnée purement quantitative du temps passé par la personne sur le territoire de l’un ou de l’autre pays, implique toutefois, outre le fait de demeurer physiquement en un certain lieu, l’intention de conférer à ce fait la continuité résultant d’une habitude de vie et du déroulement de rapports sociaux normaux (arrêt du Tribunal du 24 avril 2001, Miranda/Commission, T‑37/99, RecFP p. I‑A‑87 et II‑413, point 32).

83
Il s’ensuit que l’appréciation de l’installation ou du transfert de la résidence habituelle est une question de fait, dont la preuve peut être rapportée par tout moyen approprié. Il appartient au fonctionnaire d’établir soit par un élément de preuve irréfutable, soit par un ensemble d’éléments constituant un faisceau d’indices conformes non équivoques et non contradictoires que son conjoint avait transféré sa résidence habituelle au lieu de son affectation dans l’année de sa titularisation.

84
En l’espèce, la question est de savoir si la défenderesse a commis une erreur en considérant que la résidence habituelle de Mme Fondevila ne se trouvait pas à Bruxelles avant le 1er juin 2001. En effet, la seule résidence de l’épouse du requérant à Bruxelles suffisait pour ouvrir droit, au profit du requérant, à la seconde moitié de l’indemnité d’installation, la présence des enfants au lieu d’affectation n’étant pas requise.

85
À cet égard, il convient de constater que, pour conclure que l’installation de la famille du requérant à Bruxelles n’est pas intervenue dans le délai statutaire d’un an suivant la prise de fonctions du requérant, la défenderesse s’est fondée, à titre principal, sur la déclaration de l’épouse du requérant au service « Privilèges et immunités », le 17 juillet 2001. Dans cette déclaration, Mme Fondevila a affirmé clairement être arrivée en Belgique le 11 juillet 2001. À juste titre, la défenderesse fait valoir à cet égard que la possession de la carte d’identité spéciale est un indice particulièrement probant de la volonté du déclarant de résider et de s’intégrer socialement au lieu d’affectation de son époux d’une façon permanente et pour une durée « indéterminée mais substantielle ».

86
Dans ces conditions, c’est à raison que la défenderesse considère que, si Mme Fondevila avait voulu conférer, avant juillet 2001, le caractère stable résultant d’une habitude de vie et du fait d’entretenir des rapports sociaux normaux à sa résidence de Bruxelles, elle aurait demandé ladite carte bien avant le 17 juillet 2001, et ce d’autant plus que son époux, fort de sa titularisation et conscient de son obligation statutaire de résidence au lieu de son affectation, n’a pas hésité à demander sa carte d’identité spéciale dès son arrivée en juin 2000.

87
À cet égard, il convient de constater que, en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, le représentant du requérant a reconnu qu’il pourrait y avoir une contradiction inexpliquée entre, d’une part, le fait pour le requérant de demander sa carte d’identité spéciale en juin 2000, c’est‑à‑dire au moment de son arrivée à Bruxelles, et, d’autre part, le fait pour son épouse de ne demander cette carte qu’en juillet 2001, c’est-à-dire, plusieurs mois après sa prétendue installation à Bruxelles.

88
Ensuite, il convient de relever le caractère contradictoire des déclarations du requérant quant à la date de l’installation de Mme Fondevila à Bruxelles.

89
En effet, d’une part, à la page 1 de sa réclamation du 13 mai 2002, le requérant affirme qu’« [à] la mi-septembre 2000, Madame Fondevila s’[est installée] avec son époux à Bruxelles ». De manière identique, au point 4 de la requête, il est indiqué que, « à la mi-septembre 2000, Madame Fondevila s’[est installée] avec son époux à Bruxelles » et au point 47 de la requête que « Madame Fondevila n’est pas ‘restée en Espagne auprès de sa fille’, mais s’est bien installée à Bruxelles avec son époux à la mi-septembre 2000, à sa résidence provisoire de l’avenue de la Renaissance ».

90
En revanche, d’autre part, dans la note envoyée à M. Brüchert le 16 juillet 2001, le requérant affirme :

«[J]e vous informe que ma famille s’est installé[e] à Bruxelles en date du 11 avril 2001. »

91
Par ailleurs, dans la note à l’attention de M. Brüchert, du 27 novembre 2001, le requérant indique : « Ma femme réside à Bruxelles depuis le début de l’année 2001, indépendamment du nombre de voyages qu’elle a réalisé[s] en Espagne. » Cette date est aussi mentionnée aux points 147 et 153 du mémoire en réplique.

92
Force est de constater que les déclarations du requérant sont inconciliables. Il y a lieu d’observer, à cet égard, que les observations du requérant dans son mémoire en réplique, tendant à expliquer qu’il n’y a nullement contradiction, puisque ces dates correspondraient à des événements différents, ne sont pas convaincantes. En effet, en ce qui concerne, notamment, le « début de l’année 2001 », le requérant affirme que cette date ne correspond pas à la date d’installation définitive de son épouse avec lui à Bruxelles, mais à la date de leur installation dans l’appartement qu’ils venaient d’acquérir. Toutefois, force est de constater que la note à l’attention de M. Brüchert, du 27 novembre 2001, citée ci-dessus, ne contient pas de référence à une telle installation dans l’appartement que le requérant et son épouse venaient d’acquérir.

93
Les mêmes considérations peuvent être faites au sujet des autres dates. En ce qui concerne, notamment, la date du 11 avril 2001, le requérant fait valoir qu’elle correspond au déménagement des effets mobiliers de sa famille. Pourtant, le texte de la note du requérant du 16 juillet 2001 ne contient aucune précision relative au déménagement. En effet, comme il ressort de l’extrait de ladite note figurant ci‑dessus, le requérant a seulement affirmé que sa « famille s’[était] installée à Bruxelles en date du 11 avril 2001 ».

94
Au vu de ces éléments, et notamment du caractère contradictoire des indications données par le requérant, il ne saurait être fait grief à la défenderesse d’avoir considéré que ce n’est qu’à partir du jour où Mme Fondevila a accompli les démarches pour obtenir une carte de résidence en Belgique et son inscription au registre de la commune de Woluwé-Saint-Pierre qu’il était possible de considérer qu’elle a manifesté son intention claire de s’installer de manière stable à Bruxelles.

95
Par ailleurs, les éléments que présente le requérant ne suffisent pas pour établir l’installation de son épouse à Bruxelles avant le 1er juin 2001. En effet, rien ne démontre que Mme Fondevila ait transféré sa résidence habituelle à Bruxelles avant ladite date.

96
Ainsi, le fait, d’une part, que Mme Fondevila a accompli des démarches de recherche d’un appartement, qu’elle a trouvé un logement et en est devenue propriétaire avec son mari et, d’autre part, que les factures d’eau, de téléphone et de télédistribution pour l’appartement à Woluwé-Saint-Pierre ont été établies à son nom, ne prouve pas que Mme Fondevila ait fait plus, avant le 11 juillet 2001, que des visites et des séjours ponctuels et sporadiques à Bruxelles.

97
En ce qui concerne le déménagement du mobilier, le requérant fait valoir que, à partir du moment où les époux ont transféré, le 11 avril 2001, la « totalité » de leurs biens meubles de leur ancien domicile de Madrid à leur nouveau domicile de Bruxelles, les séjours ultérieurs de Mme Fondevila à Madrid ne pouvaient être que provisoires. Pourtant, il convient de rappeler que le requérant a affirmé que sa fille cadette n’était pas seule à l’ancien domicile familial, puisque sa sœur aînée y résidait avec elle et que, par ailleurs, le déménagement n’a pas empêché Mme Fondevila de vivre auprès de ses filles à Madrid pendant la période d’examen de sa fille cadette. Dans ces conditions, l’affirmation du requérant selon laquelle la totalité des biens meubles de la famille aurait été déménagée et que, par conséquent, les séjours ultérieurs de Mme Fondevila à Madrid ne pouvaient être que provisoires ne saurait être déterminante.

98
Quant aux pièces supplémentaires produites par le requérant après l’adoption par l’AIPN de la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle la légalité de l’acte individuel attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris (voir, notamment, arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et du 17 mai 2001, IECC/Commission, C‑449/98 P, Rec. p. I-3875, point 87; arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T‑177/94 et T‑377/94, Rec p. II-2041, point 119). En effet, si le Tribunal devait examiner les actes attaqués à la lumière d’éléments de fait qui n’existaient pas à la date à laquelle l’acte a été pris, il se substituerait à l’institution dont émane l’acte en cause. Or, il n’appartient pas au Tribunal de se substituer aux institutions (arrêt du Tribunal du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T‑19/90, Rec. p. II‑615, point 30). En conséquence, seuls les éléments dont la défenderesse pouvait avoir connaissance dans le cadre de la procédure administrative peuvent être pris en considération. En ce qui concerne les pièces établies postérieurement à la décision par laquelle l’AIPN a statué sur la réclamation du requérant, elles ne sauraient être retenues par le Tribunal que dans la mesure où elles tendent à prouver la réalité et la portée des informations dont disposait l’auteur des actes contestés.

99
En tout état de cause, force est de constater que ces pièces supplémentaires ne sont pas de nature à établir la résidence de Mme Fondevila à Bruxelles avant le 1er juin 2001. En effet, ces pièces, notamment un formulaire d’ouverture d’un compte à la Banco Exterior de España daté du 5 juin 2000, une facture du 6 décembre 2000 établie par un expert immobilier, une lettre du 16 février 2001 de Me Indekeu, notaire, un bon de livraison du 1er mars 2001 pour des meubles et accessoires avec des annotations manuscrites de Mme Fondevila, des reçus pour acompte ou payement de serrures, de tentures, d’une télévision, de papiers peints, respectivement datés des 15 février, 10 et 13 mars et du 6 mai 2001 ainsi, enfin, que deux factures des 8 mai et 9 juin 2001, suffisent à montrer que Mme Fondevila s’est rendue à plusieurs reprises à Bruxelles, mais nullement à établir le changement de résidence de Mme Fondevila et son intention de donner à sa résidence à Bruxelles un caractère stable à une date antérieure à celle déclarée par elle, le 17 juillet 2001, en vue de l’obtention de la carte d’identité.

100
En ce qui concerne, plus particulièrement, le document intitulé « Convention de location d’un flat. Attestation de séjour au sein de ‘Parc Residence’ », établi le 14 avril 2003 à la demande de l’épouse du requérant par la Sprl Flats Residence, et dans lequel il est indiqué que « M. Fernando Valenzuela et Madame Valenzuela (née Fondevila) ont habité ensemble à l’appartement n° 5 C au n° 34, avenue de la Renaissance, 1000 Bruxelles, pendant la période comprise entre le 11 juin 2000 et le 15 mars 2001 », il y a lieu d’observer qu’il ne saurait non plus établir la résidence habituelle de Mme Fondevila à Bruxelles. En effet, il convient de constater non seulement qu’il a été établi, à la demande de Mme Fondevila, le 14 avril 2003, c’est‑à‑dire postérieurement à l’adoption de la décision attaquée et de la décision par laquelle l’AIPN a statué sur la réclamation du requérant (voir point 101 ci-dessus), ainsi que in tempore suspecto, mais surtout, qu’une attestation de séjour établie par une société de location d’appartements est dépourvue de valeur probante pour ce qui concerne l’établissement définitif sur le territoire.

101
Il s’ensuit que les éléments présentés par le requérant ne suffisent pas à établir l’installation de Mme Fondevila à Bruxelles avant le 1er juin 2001.

102
Il y a lieu par ailleurs d’observer que, par courrier électronique du 4 juillet 2001 envoyé par sa secrétaire, le requérant a indiqué que sa famille le rejoindrait à la fin du mois d’août 2001, notamment en raison du fait que sa fille devait achever l’année scolaire en Espagne avant son arrivée en Belgique.

103
Les objections présentées par le requérant à cet égard sont à rejeter. Ainsi, l’allégation selon laquelle Mme Hinckley n’aurait pas correctement retransmis le message que le requérant lui avait demandé d’envoyer a été faite pour la première fois devant le Tribunal au stade de la réplique, après la production du courrier électronique en cause par la défenderesse. Force est de constater que le requérant n’a pas rectifié le contenu du message ni même fait état de son inexactitude à l’époque des faits. Il convient de constater, par ailleurs, que les informations contenues dans le courrier électronique du 4 juillet 2001 sont très précises et qu’elles sont faites à propos d’un sujet particulier et déterminé. De plus, il ressort du rapport de notation de Mme Hinckley, établi par le requérant, que celle-ci est une secrétaire de haut niveau ayant une connaissance approfondie de la langue espagnole. Il y a lieu de noter, en outre, que le contenu du courrier électronique est corroboré par d’autres éléments. En effet, la défenderesse soutient, dans la décision prise sur la réclamation du requérant et dans son mémoire en défense, sans être contredite par le requérant, que Mme Hinckley a fait savoir à l’unité B.3, lors de la conversation téléphonique qu’elle a eue au début du mois de juillet 2001 avec M. Pissoort, que la famille du requérant rejoindrait celui-ci à Bruxelles au début du mois de septembre 2001. Enfin, il convient de relever que, comme le fait observer la défenderesse à juste titre, cette conversation a eu lieu in tempore non suspecto. À cet égard, il est justifié d’accorder plus de crédit à une déclaration faite alors que le requérant n’avait pas encore compris qu’il était forclos pour obtenir le versement de la seconde moitié de l’indemnité qu’aux pièces produites ultérieurement.

104
Enfin, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les dispositions ouvrant droit à des prestations financières doivent être interprétées strictement (arrêt du Tribunal du 18 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, non encore publié au Recueil, point 38). Partant, l’administration peut être exigeante quant à la preuve de l’installation de la famille du fonctionnaire et refuser le versement de la seconde moitié de l’indemnité si elle a des doutes sérieux sur la réalité de cette installation dans le délai requis par le statut.

105
En vertu de toutes ces considérations, il y a lieu de conclure que le requérant n’est pas parvenu à démontrer que, en considérant que l’installation de Mme Fondevila n’est pas intervenue dans le délai statutaire d’un an suivant la prise de fonctions du requérant, la défenderesse a commis une erreur d’appréciation.

106
En conséquence, la deuxième branche du premier moyen est à rejeter.

Sur le second moyen

107
Le requérant soulève un second moyen, tiré d’une erreur de droit et de l’omission de faits essentiels, l’administration ayant considéré le délai prévu par l’article 5, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut comme un délai de rigueur et n’ayant pas examiné la possibilité d’y déroger en raison de la titularisation du requérant dès son entrée en fonctions et de l’impossibilité dans laquelle se trouvait la fille cadette du requérant de rejoindre ses parents à Bruxelles avant la fin de l’année scolaire 2000/2001.

Arguments des parties

108
Le requérant soutient que l’exception au délai prévue à l’article 9, paragraphe 3, troisième alinéa, de l’annexe VII du statut pour le remboursement des frais de déménagement est aussi applicable pour le payement de la seconde moitié de l’indemnité d’installation. Il fait valoir qu’il serait contradictoire d’autoriser des dérogations au délai quand il s’agit de rembourser des frais de déménagement, mais non dans celui où il s’agit de payer une indemnité d’installation.

109
Il estime contraire au but de l’indemnité d’installation de prévoir un délai de rigueur d’un an pour le regroupement familial, certaines circonstances étant clairement de nature à rendre le respect de ce délai impossible. Ce serait spécialement vrai dans le cas d’un fonctionnaire de grade A 1 dispensé de l’obligation de stage, puisque, dans ce cas, la titularisation, qui constitue le point de départ du délai, intervient dès l’entrée en service, ce qui, de facto, réduit de six mois le délai dont sa famille dispose pour se regrouper au lieu de son affectation.

110
Le cas d’espèce constituerait une parfaite illustration de ces principes. Le requérant aurait pris, pour s’intégrer au lieu de son affectation, les dispositions nécessaires à l’installation de sa famille avec lui à Bruxelles. Il serait évident que toutes les démarches accomplies à Bruxelles par Mme Fondevila répondaient à cet objectif. Toutefois, selon le requérant, il était préférable pour sa fille de terminer ses études à Madrid, de sorte qu’il ne lui était pas possible de rejoindre ses parents à Bruxelles avant la fin de l’année scolaire 2000/2001, alors qu’en raison de son grade A 1, entraînant sa titularisation sans obligation de stage, le délai d’un an courait dès la date de son entrée en fonctions et expirait donc le 31 mai 2001.

111
Quant à l’argument de la défenderesse selon lequel proroger le délai d’un an d’une période égale à celle du stage dans les cas des fonctionnaires qui en sont dispensés équivaudrait à discriminer les fonctionnaires tenus à cette obligation, car ces derniers ne pourraient envisager leur installation définitive que lorsque leur situation cesserait d’être précaire, c’est-à-dire à l’issue de leur stage, le requérant soutient que son argument n’implique pas que le délai d’un an soit prorogé d’une durée égale à celle du stage qu’il n’a pas dû accomplir, mais implique seulement une prorogation de onze jours, puisque, selon la défenderesse, sa famille l’a rejoint à Bruxelles le 11 juillet 2001.

112
Il ajoute que même si les fonctionnaires astreints à une obligation de stage ne sont pas contraints de s’installer au lieu de leur affectation avant leur titularisation, leur situation restant précaire, rien en droit ne les empêche de le faire à leurs risques et périls, qu’ils sont généralement en mesure d’apprécier objectivement eux-mêmes compte tenu de leurs rapports avec la hiérarchie, et d’obtenir, dans ce cas, le payement de l’indemnité d’installation.

113
Le requérant fait valoir que la précarité de la situation des fonctionnaires soumis à une obligation de stage, durant la période probatoire, n’est nullement de nature à les empêcher ou à les dissuader d’accomplir, durant cette période, les recherches préalables à l’installation de leur famille avec eux au lieu de leur affectation, mais seulement de nature à les empêcher de concrétiser définitivement cette installation. Un fonctionnaire dispensé de l’obligation de stage serait donc, de facto, placé dans une situation moins favorable du point de vue de son installation avec sa famille au lieu de son affectation qu’un fonctionnaire soumis à cette obligation et cette particularité de la situation du requérant aurait ainsi constitué une circonstance exceptionnelle justifiant une prorogation de onze jours du délai d’un an.

114
Il fait observer que si la défenderesse admet que la décision de la famille Valenzuela concernant la poursuite des études de la fille du requérant à Madrid était légitime et compréhensible, elle aurait dû, dès lors, proroger pour ce motif la durée du délai d’installation.

115
Selon le requérant, dans ces circonstances, l’administration devait considérer sa qualité de fonctionnaire de grade A 1 et l’impossibilité pour sa fille de rejoindre ses parents à Bruxelles avant juillet 2001 comme des circonstances exceptionnelles justifiant une dérogation au délai d’un an fixé en principe par le statut. Le requérant soutient que, si l’administration ne l’a pas fait, c’est parce que, commettant une erreur de droit, elle a considéré ce délai comme un délai de rigueur.

116
La défenderesse estime que ce moyen n’est pas fondé.

Appréciation du Tribunal

117
En ce qui concerne l’argument selon lequel l’AIPN aurait dû examiner la possibilité de déroger au délai prévu par l’article 5, paragraphe 4, et l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut, il suffit de constater, sans qu’il soit besoin de statuer sur la question de savoir si l’article 9, paragraphe 3, troisième alinéa, peut s’appliquer non seulement aux frais de déménagement, mais aussi à l’indemnité d’installation, que le requérant n’a pas apporté la preuve de l’existence d’une circonstance exceptionnelle au sens de l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut, de nature à justifier qu’il soit dérogé au délai d’un an prévu pour le déménagement.

118
En effet, le requérant invoque, en premier lieu, une justification tirée de sa titularisation dès son entrée en fonctions, sans période de stage, ce qui, de facto, aurait réduit de six mois le délai dont sa famille disposait pour se regrouper au lieu de son affectation.

119
Cette justification ne saurait être acceptée. Il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 5, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut que l’indemnité d’installation est due au fonctionnaire titulaire et que le délai auquel renvoie le paragraphe 4 du même article est, en vertu de l’article 9, paragraphe 3, d’un an suivant l’expiration de la période de stage. Comme le soutient à juste titre la défenderesse, la clarté de ces libellés s’oppose à ce que ce délai soit prolongé de la durée d’un stage que le requérant n’a pas dû effectuer.

120
En effet, tant pour les fonctionnaires tenus d’effectuer un stage que pour les fonctionnaires qui, tel le requérant, sont dispensés de cette obligation, la seconde moitié de l’indemnité d’installation accordée aux fonctionnaires chargés de famille est versée sous la même condition temporelle, à savoir à condition que le changement de résidence de la famille ait lieu dans l’année suivant la titularisation.

121
Il convient encore d’observer que la durée des stages est variable (six ou neuf mois, selon la catégorie dont relève le fonctionnaire), si bien qu’un fonctionnaire de grade C ou D dispose, à compter de son entrée en fonctions, de trois mois de moins qu’un fonctionnaire de grade A ou B pour que sa famille le rejoigne à son lieu d’affectation. Le requérant a profité du privilège de ne pas devoir effectuer un stage avant d’être titularisé. Il doit, partant, supporter les désavantages relatifs qui découlent de sa situation plus favorable, à savoir un délai pour l’installation de sa famille au lieu de son affectation réduit par rapport au délai dont dispose la famille des fonctionnaires soumis à une obligation de stage.

122
Par ailleurs, comme l’affirme à juste titre la défenderesse, la situation des fonctionnaires dispensés de stage est objectivement différente, en droit et en fait, de celle des fonctionnaires soumis à un stage, en raison de la précarité de leur situation, que seuls ces derniers subissent avant d’être titularisés. La situation des uns et des autres ne devient identique qu’à l’expiration du stage ayant mis fin à la situation de précarité des fonctionnaires soumis à un stage. Le principe d’égalité de traitement commande, dès lors, de faire débuter, pour les uns et pour les autres, le délai statutaire d’un an à partir de leur titularisation.

123
Il s’ensuit que la première justification alléguée par le requérant, tirée de circonstances particulières liées à sa titularisation dès son entrée en fonctions, doit être rejetée.

124
Le requérant invoque, en second lieu, une justification tirée de ce qu’il était préférable pour sa fille cadette de terminer ses études à Madrid, de sorte qu’il n’était pas possible à celle-ci de rejoindre ses parents à Bruxelles avant la fin de l’année scolaire 2000/2001.

125
Cependant, le fait qu’il était préférable, pour la fille du requérant, de poursuivre ses études à Madrid ne saurait non plus, dans le contexte spécifique de la présente affaire, être considéré comme une circonstance exceptionnelle justifiant une dérogation au délai prescrit pour le versement de la seconde moitié de l’indemnité d’installation. Il convient en effet d’indiquer, à cet égard, que le requérant a été informé de son engagement par la Commission en mai 2000 et que l’année scolaire n’a commencé qu’au mois de septembre, ce qui lui permettait d’inscrire sa fille en temps utile dans un lycée à Bruxelles.

126
À titre surabondant, il convient de maintenir une interprétation stricte de la notion de circonstance exceptionnelle, dès lors que les délais d’installation prévus par la réglementation communautaire l’ont été dans l’intérêt de l’administration.

127
Il ressort de ce qui précède que le requérant n’est pas parvenu à apporter la preuve de l’existence de circonstances exceptionnelles au sens de l’article 9, paragraphe 3, de l’annexe VII du statut, de nature à justifier qu’il soit dérogé au délai d’un an prévu pour le déménagement. Partant, le second moyen ne saurait être accueilli.

128
Il s’ensuit que le requérant n’est fondé à demander ni l’annulation de la décision attaquée ni la condamnation de la Commission à lui verser la seconde moitié de ladite indemnité augmentée des intérêts au taux annuel de 8 %. Eu égard à tout ce qui précède, le recours doit être rejeté dans son intégralité.


Sur les dépens

129
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Azizi

Jaeger

Dehousse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1
Langue de procédure : le français.