Language of document : ECLI:EU:T:2021:325

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

9 juin 2021 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Décision de mise en invalidité – Avis de la commission d’invalidité – Article 78 du statut – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑880/19,

Anastasia Lianopoulou, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me F. Quraishi, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Bohr et L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 27 février 2019 mettant fin au service de la requérante le 28 février 2019 en raison du constat de son invalidité et l’admettant au bénéfice d’une allocation d’invalidité à partir du 1er mars 2019,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et O. Porchia (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        La requérante, Mme Anastasia Lianopoulou, est entrée au service de la Commission des Communautés européennes le 1er août 1986. Elle a été affectée à l’Office des publications de l’Union européenne (OP) en tant que fonctionnaire de grade AST 8.

2        Le directeur de la direction « Santé et bien‑être » de la direction générale « Ressources humaines et sécurité » de la Commission a, sur le fondement de l’article 59, paragraphe 5, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), pris à l’égard de la requérante la décision du 31 mars 2015 de mise en congé médical d’office à compter de cette date jusqu’au 30 septembre 2015 inclus, puis, à la suite d’un entretien entre le médecin contrôleur de l’institution et la requérante, la décision du 5 octobre 2015 de mise en congé médical d’office pour la période allant du 6 octobre 2015 au 5 avril 2016 inclus.

3        L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a décidé, par décision du 31 mars 2016, de saisir la commission d’invalidité, puis, sur la base de l’avis rendu par celle-ci, a déclaré, par décision du 9 novembre 2017, l’invalidité de la requérante comme étant totale et son admission au bénéfice d’une allocation d’invalidité à compter du 1er décembre 2017.

4        Le 2 janvier 2018, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de mise en invalidité du 9 novembre 2017.

5        Par décision du 30 avril 2018, l’AIPN a donné une suite favorable à la réclamation et a annulé la décision du 9 novembre 2017.

6        À la suite de la décision du 30 avril 2018, la requérante a été considérée comme étant à nouveau en service depuis le 1er décembre 2017, mais n’a pas repris son poste.

7        Par courrier du 11 juin 2018, le service médical de la Commission a invité la requérante à se présenter à une visite médicale le 26 juin 2018 et, en raison de l’absence de celle-ci à ladite visite, un courrier électronique a été envoyé au représentant de la requérante afin de l’informer que le docteur A était tenu de saisir la commission d’invalidité. Le même jour, le représentant de la requérante a contesté cette saisine.

8        Le 16 juillet 2018, la requérante a désigné le docteur B en tant que médecin qui la représenterait au sein de la commission d’invalidité dans le cadre de la procédure de mise en invalidité lancée le 26 juin 2018. La Commission a désigné le docteur A et, en raison d’un désaccord entre les parties sur la nomination du troisième médecin, le docteur C a été désigné par le président de la Cour de justice de l’Union européenne.

9        À la suite de la visite médicale du 18 juillet 2018, la requérante, qui a été examinée par le docteur A, a été mise en congé d’office à partir du 19 juillet 2018.

10      La commission d’invalidité s’est réunie le 15 février 2019 et, après avoir examiné la requérante, a estimé que cette dernière était atteinte d’une invalidité permanente considérée comme totale la mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière.

11      Par décision du 27 février 2019, sur la base de l’avis médical de la commission d’invalidité, l’AIPN a décidé de mettre fin au service de la requérante le 28 février 2019 en raison du constat de son invalidité et de l’admettre au bénéfice d’une allocation d’invalidité à partir du 1er mars 2019.

12      Par réclamation enregistrée en date du 3 juin 2019 (ci-après la « réclamation »), la requérante a contesté la décision du 27 février 2019 devant l’AIPN.

13      Par décision du 2 octobre 2019, l’AIPN a rejeté la réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 31 décembre 2019, la requérante a introduit le présent recours.

15      Par acte séparé du 6 février 2020, la requérante a demandé au Tribunal de ne pas maintenir l’anonymat provisoire accordé d’office par le greffe.

16      Le 27 mars 2020, la Commission a déposé le mémoire en défense. La réplique et la duplique ont été déposées, respectivement, le 23 juin et le 24 août 2020. Dans la réplique, la requérante a demandé au Tribunal, à titre de mesure d’instruction, d’enjoindre à la Commission de produire l’intégralité de son dossier administratif et médical ainsi que de le lui communiquer.

17      Le 16 novembre 2020, le Tribunal a invité les parties, par la voie des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a) et c), de son règlement de procédure, à répondre à des questions et à produire le procès-verbal de la réunion de la commission d’invalidité du 15 février 2019. Les parties ont déféré aux mesures d’organisation de la procédure dans les délais.

18      Le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réformer sinon annuler la décision de rejet de la réclamation ainsi que déclarer la réclamation fondée et, en conséquence, réformer sinon annuler la décision du 27 février 2019 ;

–        ordonner, en conséquence, sa réintégration au dernier poste de travail occupé auprès de l’OP sinon à un poste équivalent et la rétablir rétroactivement dans l’ensemble de ses droits ;

–        ordonner tous devoirs et actes d’instruction, notamment une expertise médicale par un médecin expert indépendant, ayant pour objectif d’évaluer la correspondance de son état de santé avec l’exercice de son dernier poste de travail occupé auprès de l’OP, sinon tout autre poste en rapport avec son grade et ses qualifications, sinon tout autre emploi en rapport avec ses forces et aptitudes auprès de la Commission ;

–        condamner la Commission aux dépens et notamment aux frais d’expertise ;

–        lui réserver tous autres droits, moyens, dus et actions.

20      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

21      La requérante demande au Tribunal de réformer ou d’annuler la décision de rejet de la réclamation et, en conséquence, de réformer ou d’annuler la décision du 27 février 2019.

22      À cet égard, il convient de rappeler que le recours, même formellement dirigé contre la décision de rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 21 mai 2014, Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 34 ; voir, également, arrêt du 27 octobre 2016, CW/Parlement, T‑309/15 P, non publié, EU:T:2016:632, point 27 et jurisprudence citée).

23      En outre, compte tenu de ce que la procédure précontentieuse présente un caractère évolutif, une décision explicite de rejet de la réclamation qui ne contient que des précisions complémentaires et se borne ainsi à révéler, de manière détaillée, les motifs de la confirmation de la décision antérieure ne constitue pas un acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2005, Cavallaro/Commission, T‑375/02, EU:T:2005:199, points 65 et 66). Néanmoins, ce même caractère évolutif de la procédure précontentieuse implique que ces précisions complémentaires soient prises en considération pour apprécier la légalité de l’acte attaqué (arrêt du 12 décembre 2018, Colin/Commission, T‑614/16, non publié, EU:T:2018:914, point 29).

24      En l’espèce, sans que cela soit remis en cause par les parties, il y a lieu de relever que la décision de rejet de la réclamation, même si elle comprend des précisions complémentaires, confirme et ne remet pas en question les motifs et le sens de la décision du 27 février 2019.

25      Il s’ensuit que le présent recours doit être regardé comme étant dirigé contre la décision du 27 février 2019 (ci-après la « décision attaquée »), telle que complétée par la décision de rejet de la réclamation.

 Sur la recevabilité de certains chefs de conclusions

26      S’agissant du premier chef de conclusions visant, en partie, la réformation de la décision attaquée, il convient de constater que le Tribunal n’est pas compétent pour procéder à une telle réformation dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2019, WI/Commission, T‑379/18, non publié, EU:T:2019:617, point 71).

27      Il s’ensuit que le chef de conclusions aux fins de réformation de la décision attaquée est manifestement irrecevable.

28      S’agissant du deuxième chef de conclusions visant à ordonner la réintégration de la requérante au dernier poste qu’elle occupait au sein de l’OP ou à un poste équivalent ainsi qu’à la rétablir rétroactivement dans l’ensemble de ses droits, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, le juge de l’Union européenne n’est pas compétent pour adresser des injonctions à l’administration. En effet, en cas d’annulation d’un acte, l’institution concernée est tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (voir arrêt du 25 janvier 2018, Galocha/Entreprise commune Fusion for Energy, T‑561/16, EU:T:2018:29, point 74 et jurisprudence citée).

29      Il s’ensuit que le chef de conclusions aux fins d’injonction est irrecevable.

30      S’agissant du cinquième chef de conclusions visant à ce que le Tribunal lui réserve tous autres droits, moyens et actions, il y a lieu de constater que les arguments développés dans la requête ne permettent pas de comprendre la portée juridique d’un tel chef de conclusions, mentionné au point 19 ci-dessus, qui doit dès lors être rejeté comme irrecevable. En effet, selon la jurisprudence, le Tribunal est tenu de rejeter comme irrecevable un chef de conclusions de la requête qui lui est présentée dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef de conclusions est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de cette requête elle-même (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, EU:C:2006:494, point 37).

 Sur les conclusions en annulation

31      À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens, dont un au stade de la réplique.

32      Le premier moyen est tiré de l’irrégularité de la décision attaquée au motif, d’une part, que cette dernière fait référence, dans ses visas, à la décision de l’AIPN du 31 mars 2016 de saisir la commission d’invalidité, laquelle concerne l’ancienne procédure, au lieu de la décision du 26 juin 2018 et, d’autre part, de la saisine irrégulière, par le docteur A, de la commission d’invalidité le 26 juin 2018.

33      Le deuxième moyen est tiré de l’irrégularité de la saisine de la commission d’invalidité après le retrait de la décision du 9 novembre 2017 par la décision de l’AIPN du 30 avril 2018, entachant ainsi la décision attaquée d’irrégularité, d’excès de pouvoir, de détournement ou d’abus de droit ou de la loi, du statut ou de toute autre norme assimilée.

34      Le troisième moyen est tiré de l’irrégularité de la saisine de la commission d’invalidité le 26 juin 2018, en violation de l’article 59, paragraphe 4, du statut.

35      Le quatrième moyen est tiré de l’irrégularité de la composition de la commission d’invalidité et des conclusions de celle-ci, dans la mesure où le docteur A n’aurait pas dû siéger au sein de cette commission, entachant ainsi la décision attaquée d’irrégularité, d’excès de pouvoir, d’abus sinon de détournement de pouvoir ou de toute autre norme assimilée.

36      Le cinquième moyen, soulevé dans la réplique, est tiré du fait que les conclusions de l’avis de la commission d’invalidité du 15 février 2019 n’ont pas été motivées à ce jour, de sorte qu’il a été impossible pour la requérante de les contester utilement, constituant ainsi une violation de ses droits de la défense.

37      Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’emblée, le cinquième moyen, en commençant par examiner sa recevabilité, qui est contestée par la Commission.

 Sur la recevabilité du cinquième moyen

38      La Commission fait observer que, dans l’hypothèse où, par son moyen, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, la requérante entend en réalité remettre en cause le bien-fondé des conclusions de la commission d’invalidité, comme elle l’avait fait dans sa réclamation, une telle prétention serait irrecevable dans la mesure où il s’agit d’un moyen qui n’a pas été soulevé dans la requête, mais seulement au stade de la réplique.

39      À cet égard, il convient de relever que, par son cinquième moyen, la requérante fait valoir que les conclusions de l’avis de la commission d’invalidité du 15 février 2019 n’ont pas été motivées à ce jour, de sorte qu’il lui est impossible de les contester utilement. Son moyen est donc bien tiré, en substance, de la violation de l’obligation de motivation.

40      Or, ainsi qu’en convient la Commission, il est de jurisprudence constante qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE, et constitue un moyen d’ordre public pouvant, voire devant, être soulevé d’office par le juge de l’Union (voir arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 34 et jurisprudence citée ; arrêt du 20 mars 2019, Hércules Club de Fútbol/Commission, T‑766/16, EU:T:2019:173, point 59).

41      Aussi le cinquième moyen invoqué par la requérante doit-il être considéré comme recevable.

 Sur le bien-fondé du cinquième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

42      En réponse à l’argumentation de la requérante selon laquelle les conclusions de l’avis de la commission d’invalidité du 15 février 2019 n’ont pas été motivées à ce jour, la Commission fait valoir que celle-ci est manifestement infondée. À cet égard, elle soutient que, comme toute décision de mise en invalidité, la décision attaquée est fondée sur un avis médical rendu par une commission d’invalidité et que, en l’espèce, celle-ci a estimé que la requérante était atteinte d’une invalidité permanente considérée comme totale la mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière. La Commission ajoute qu’il est fait référence aux conclusions de cette commission d’invalidité dans la décision attaquée et que le médecin de confiance de la requérante a siégé au sein de celle-ci. Selon la Commission, ce médecin a pu garantir la défense des intérêts de la requérante, dans la mesure où il connaissait les éléments médicaux précis qui ont amené la commission d’invalidité à rendre un tel avis et les a communiqués à la requérante. Par ailleurs, la Commission indique qu’il existe un procès-verbal de la réunion du 15 février 2019, lequel fait l’objet du secret médical.

43      À cet égard, il convient, tout d’abord, de rappeler que l’obligation de motivation prescrite par l’article 296 TFUE, prévue à l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et également présente à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but de permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité des décisions faisant grief et de fournir aux intéressés une indication suffisante pour savoir si ces décisions sont bien fondées ou si elles sont entachées d’un vice permettant d’en contester la légalité. Il en résulte que la motivation doit, en principe, être communiquée à l’intéressé en même temps que la décision lui faisant grief et que l’absence de motivation ne saurait être régularisée par le fait que l’intéressé apprend les motifs de la décision au cours de la procédure devant le juge de l’Union (arrêt du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, EU:C:2008:134, point 50 ; voir, également, arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 51 et jurisprudence citée).

44      Il y a lieu, ensuite, de relever que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité (voir arrêt du 11 juin 2020, Commission/Di Bernardo, C‑114/19 P, EU:C:2020:457, point 29 et jurisprudence citée).

45      En particulier, s’agissant de la régularité de l’avis émis par la commission d’invalidité, sur lequel se fonde la décision attaquée, le juge de l’Union est compétent pour examiner si cet avis contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles les conclusions qu’il contient sont fondées et s’il a établi un lien compréhensible entre les constatations médicales qu’il comporte et les conclusions auxquelles parvient la commission d’invalidité (arrêts du 12 juillet 2018, RI/Conseil, T‑9/17, non publié, EU:T:2018:437, point 39, et du 23 octobre 2018, McCoy/Comité des régions, T‑567/16, EU:T:2018:708, point 67). Cet exercice du contrôle juridictionnel sur la régularité des avis émis par une commission d’invalidité est le corollaire de l’absence de contrôle juridictionnel sur les appréciations médicales proprement dites, qui doivent être tenues pour définitives dès lors qu’elles sont intervenues dans des conditions régulières (arrêt du 8 juin 2011, Commission/Marcuccio, T‑20/09 P, EU:T:2011:257, point 54).

46      En l’espèce, la décision attaquée est structurée sous la forme de cinq visas et d’un dispositif composé de deux articles. Elle renvoie également à une annexe, à savoir l’avis de la commission d’invalidité du 15 février 2019.

47      S’agissant, premièrement, des visas, les trois premiers citent les dispositions en vertu desquelles ladite décision est fondée, le quatrième mentionne la décision de l’AIPN du 31 mars 2016 concernant la saisine de la commission d’invalidité du cas de la requérante et le cinquième fait état des conclusions de l’avis de la commission d’invalidité du 15 février 2019 établissant que la requérante était atteinte d’une invalidité considérée comme totale la mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de son groupe de fonctions.

48      S’agissant, deuxièmement, des deux articles de la décision attaquée, ceux-ci prévoient, respectivement, de mettre fin au service de la requérante le 28 février 2019, l’AIPN ayant constaté son incapacité permanente à exercer ses fonctions, et d’admettre la requérante au bénéfice d’une allocation d’invalidité à partir du 1er mars 2019.

49      S’agissant, troisièmement, de l’avis de la commission d’invalidité du 15 février 2019, il convient de relever qu’il se limite purement et simplement à constater et à conclure, après avoir rappelé la composition de cette commission et la date à laquelle elle s’était réunie, que la requérante « est atteinte d’une invalidité permanente considérée comme totale la mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière et que, pour ce motif, elle est tenue de suspendre son service à la Commission ». Il mentionne également que la commission d’invalidité a estimé nécessaire que la requérante subisse un examen médical de révision après un délai d’un an.

50      Ainsi, ni la décision attaquée ni l’avis de la commission d’invalidité ne contiennent de motivation permettant, d’une part, à la requérante de connaître et de comprendre les motifs de sa mise en invalidité et, d’autre part, au Tribunal d’apprécier les considérations sur lesquelles le constat de l’invalidité permanente totale de la requérante et les conséquences en découlant sur le maintien de son service sont fondés.

51      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le procès-verbal de la réunion de la commission d’invalidité du 15 février 2019 que la Commission a produit dans sa version non confidentielle dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure.

52      En effet, ce procès-verbal n’a pas été communiqué à la requérante en même temps que la décision attaquée. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier, et il n’est pas soutenu par la Commission, que ce procès-verbal aurait été communiqué à un stade ultérieur de la procédure précontentieuse. En tout état de cause, dans sa version finalement produite devant le Tribunal, ledit procès-verbal ne fait nulle mention des considérations sur la base desquelles la commission d’invalidité a rendu son avis. À cet égard, force est de constater qu’il n’est pas possible d’établir un lien compréhensible entre les constations médicales de l’avis de la commission d’invalidité ainsi que celles qui ressortent du procès-verbal, d’une part, et la conclusion à laquelle est parvenue la commission d’invalidité, d’autre part.

53      De plus, si le procès-verbal a été signé par les trois médecins, il y a toutefois lieu de constater que le docteur B, médecin de confiance de la requérante, a exprimé une opinion divergente de celle des deux autres médecins quant à la cause médicale de l’invalidité de la requérante. Or, cette divergence d’opinion médicale révèle que le diagnostic médical de la requérante ne relevait pas de l’évidence et qu’il incombait à la commission d’invalidité, saisie de questions d’ordre médical, de fournir une motivation supplémentaire à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 2 octobre 2013, Nardone/Commission, F‑111/12, EU:F:2013:140, point 43).

54      Les arguments de la Commission selon lesquels, en substance, la requérante, nonobstant les constats opérés aux points 50 à 52 ci-dessus quant à l’absence de motivation de la décision attaquée et de l’avis de la commission d’invalidité du 15 février 2019, a eu néanmoins connaissance des motifs qui ont conduit la commission d’invalidité à conclure à son invalidité ne sauraient prospérer.

55      Premièrement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il peut être remédié à un éventuel défaut de motivation par une motivation adéquate fournie au stade de la réponse à la réclamation, cette dernière motivation étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation a été dirigée (voir arrêt du 14 juin 2018, Spagnolli e.a./Commission, T‑568/16 et T‑599/16, EU:T:2018:347, point 69 et jurisprudence citée).

56      Or, en l’espèce, la requérante a fait valoir, dans sa réclamation, que ni elle ni son représentant ne disposaient des conclusions détaillées de la commission d’invalidité leur permettant de critiquer la décision attaquée. Il importe de relever que, si la décision de rejet de la réclamation mentionne que les appréciations d’ordre médical ne peuvent être remises en cause par l’AIPN, cette dernière ne porte pas à la connaissance de la requérante les éléments pertinents au regard desquels la commission d’invalidité a rendu ses conclusions. Au demeurant, il y a lieu de relever que ce manque de connaissance semble être corroboré par la circonstance selon laquelle la requérante a demandé au Tribunal, dans le cadre de son recours, d’enjoindre à la Commission de produire l’intégralité de son dossier administratif et médical, ainsi qu’il ressort du point 16 ci-dessus.

57      Deuxièmement, il ressort également d’une jurisprudence constante qu’il est possible, d’une part, de pallier une insuffisance – mais non l’absence totale – de motivation même en cours d’instance lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation et, d’autre part, de considérer une décision comme étant suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné lui permettant de comprendre sa portée (voir arrêt du 14 juin 2018, Spagnolli e.a./Commission, T‑568/16 et T‑599/16, EU:T:2018:347, point 70 et jurisprudence citée).

58      Or, en l’espèce, la circonstance que la requérante était présente à la réunion de la commission d’invalidité le 15 février 2019 ne saurait établir à suffisance de droit qu’elle avait connaissance du contexte dans lequel la décision attaquée est intervenue. À cet égard, si la présence de la requérante était nécessaire, puisque sa situation devait être examinée par la commission d’invalidité, il convient de relever toutefois qu’aucun élément ne permet d’attester qu’elle était en mesure de connaître les motifs sur lesquels la commission d’invalidité s’est fondée pour déclarer son invalidité.

59      En outre, contrairement à ce que fait valoir la Commission, le fait que le docteur B, médecin de confiance désigné par la requérante, a siégé dans la commission d’invalidité et qu’il a été en mesure de défendre les intérêts de la requérante, notamment en inscrivant dans le procès-verbal qu’elle n’était pas inapte à travailler, ne saurait pallier l’absence de motivation de l’avis de la commission d’invalidité et de la décision attaquée. En effet, même à supposer que le docteur B était susceptible de fournir à la requérante tout ou partie des raisons médicales qui ont conduit aux conclusions dudit avis, cela ne saurait signifier pour autant que la requérante a été en mesure de connaître avec exactitude les éléments précis sur lesquels la commission d’invalidité s’est fondée pour rendre son avis. Au demeurant, le Tribunal a déjà dit pour droit que la présence du médecin qui a la confiance de la requérante au sein de la commission d’invalidité ne saurait faire obstacle à l’exercice du contrôle juridictionnel sur la régularité de l’avis de la commission d’invalidité (arrêt du 8 juin 2011, Commission/Marcuccio, T‑20/09 P, EU:T:2011:257, point 56). Or, admettre, comme le soutient la Commission, que la présence du docteur B au sein de cette commission suffirait à permettre à la requérante de connaître les raisons de sa mise en invalidité reviendrait à faire échec, en pratique, à l’exercice d’un tel contrôle.

60      Il résulte de tout ce qui précède que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée en ce que, d’une part, la requérante a été dans l’impossibilité d’exercer efficacement ses droits lors de son recours, puisqu’elle n’a pas été en mesure de contester utilement le bien-fondé de ladite décision, et, d’autre part, le juge n’est pas à même d’exercer son contrôle de légalité.

61      Partant, le présent moyen doit être accueilli et la décision attaquée doit, en conséquence, être annulée, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur les demandes de mesure d’instruction formulées par la requérante ainsi que sur les autres moyens qu’elle a soulevés.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 27 février 2019 mettant fin au service de Mme Anastasia Lianopoulou le 28 février 2019 en raison du constat de son invalidité et l’admettant au bénéfice d’une allocation d’invalidité à partir du 1er mars 2019 est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission est condamnée aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.