Language of document : ECLI:EU:T:2005:272

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

5 juillet 2005 (*)

« Fonctionnaires – Sécurité sociale – Accident –Article 73 du statut – Recevabilité – Motivation »

Dans l’affaire T-9/04,

Luigi Marcuccio, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tricase (Italie), représenté par Mes M. Di Stefano et A. Distante, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet principal une demande d’annulation de la décision implicite de la Commission rejetant la demande introduite par le requérant le 3 décembre 2002 en vue d’obtenir la reconnaissance d’un accident au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de M. J. D. Cooke, président, Mmes I. Labucka et V. Trstenjak, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 mars 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 73, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut ») énonce :

« Dans les conditions fixées par une réglementation établie d’un commun accord des institutions des Communautés, après avis du comité du statut, le fonctionnaire est couvert, dès le jour de son entrée en service, contre les risques de maladie professionnelle et les risques d’accident […] »

2       La réglementation relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après la « réglementation »), établie en exécution de l’article 73 du statut, définit dans son article 2, paragraphe 1, la notion d’accident comme suit :

« Est considéré comme accident tout événement ou facteur extérieur et soudain ou violent ou anormal ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique du fonctionnaire. »

3       L’article 16 de la réglementation dispose :

« 1. Le fonctionnaire victime d’un accident ou ses ayants droit doivent déclarer l’accident à l’administration de l’institution dont relève le fonctionnaire.

[…]

La déclaration d’accident doit indiquer de façon détaillée le jour et l’heure, les causes et les circonstances de l’accident, ainsi que les noms des témoins et du tiers responsable éventuels. Un certificat médical y sera joint, spécifiant la nature des lésions et les suites probables de l’accident.

2. Sauf en cas de force majeure ou pour tout autre motif légitime, la déclaration doit être faite dans les dix jours ouvrables suivant la date à laquelle l’accident s’est produit.

[...] »

4       L’article 19 de la réglementation prévoit que les décisions relatives à la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement sont prises par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’ « AIPN ») suivant la procédure prévue à l’article 21 au vu des conclusions émises par le ou les médecins désignés par les institutions et, si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l’article 23.

 Faits à l’origine du litige

5       Le requérant, fonctionnaire de grade A 7 à la direction générale « Développement » de la Commission a été affecté à Luanda auprès de la délégation de la Commission en Angola (ci-après la « délégation ») en tant que fonctionnaire stagiaire à compter du 16 juin 2000, puis comme fonctionnaire titulaire à compter du 16 mars 2001.

6       Le 29 octobre 2001, lors de l’ouverture des courriers parvenus à la délégation par la valise diplomatique provenant du siège de la Commission à Bruxelles, le requérant a été en contact avec une poudre blanche (ci-après l’« événement du 29 octobre 2001 »). Il en a immédiatement informé le chef de la délégation.

7       Un échantillon de la poudre en cause a été analysé par l’Instituto Nacional de Saude (Institut national de la santé) en Angola. Il ressortait de cet examen, avec une probabilité de 90 %, que la poudre en cause contenait des traces du bacille de l’anthrax significatives au niveau de la charge bactérienne.

8       Le 31 octobre 2001, le requérant a adressé un note au chef de la délégation (ci-après la « note du 31 octobre 2001 »), dans laquelle il décrivait l’événement du 29 octobre 2001 et demandait qu’un échantillon de la poudre en cause soit examiné à l’étranger, que les autorités judiciaires, policières et médicales soient averties, et qu’une enquête soit ouverte en Europe et en Angola dont les résultats devraient lui être communiqués. Enfin, dans l’hypothèse où les examens subséquents confirmeraient le diagnostic préliminaire de l’anthrax, il demandait à être évacué d’Angola et hospitalisé dans une institution médicale spécialisée, aux frais de la Communauté européenne.

9       Le 2 Novembre 2001, des échantillons de la poudre en cause ont été envoyés à l’ARC Onderstepoort Veterinary Institute (ci-après l’« ARC-OVI ») en Afrique du Sud, laboratoire agréé par l’Organisation mondiale de la santé.

10     Le rapport communiqué par l’ARC-OVI, contenant les résultats des analyses bactériologiques effectuées sur l’échantillon précisait, le 5 novembre 2001 : « Les cultures […] ont été examinées : il s’agit d’un Bacillus sp et non d’un B. anthracis. Des examens complémentaires devront être effectués pour confirmer quelles sont les espèces en cause et les résultats correspondants seront probablement disponibles demain ». Ce même document rapportait, en outre, le 6 novembre 2001, le résultat définitif des analyses, en précisant que « le bacille isolé a [vait] été identifié comme un Bacillus megaterium, selon les tests énumérés dans le manuel de Bergey ».

11     Le même jour, une réunion a eu lieu à la délégation pour informer le personnel des résultats obtenus.

12     Par note transmise le 3 décembre 2001 à son chef de délégation, le requérant a demandé une copie de tous les documents de quelque nature qu’ils soient, en relation avec l’événement du 29 octobre 2001, notamment les résultats des tests effectués sur la poudre en cause.

13     Le 6 décembre 2001, le chef d’administration auprès de la délégation, a envoyé à l’attention du requérant les résultats des analyses transmis par l’ARC-OVI, excluant la présence d’anthrax dans les échantillons examinés.

14     Par décision du 11 janvier 2002, ultérieurement annulée et remplacée le 18 mars 2002 par une décision prenant effet le 1er avril 2002, le requérant a été réaffecté à Bruxelles dans l’intérêt du service. Par un recours inscrit sous la référence T-236/02 le requérant entend obtenir l’annulation de cette décision.

15     Depuis le 4 janvier 2002, le requérant se trouve toutefois à son domicile de Tricase (Italie), en congé de maladie.

16     Le 25 novembre 2002, le requérant a passé une visite médicale auprès du docteur U., chirurgien spécialiste en neurologie et en psychiatrie, qui, dans le rapport médical rédigé à la même date (ci-après le « rapport médical du 25 novembre 2002 »), a indiqué ce qui suit :

« En ce qui concerne notamment l’accident du travail, il ne fait pas de doute que celui-ci a eu - et continue d’avoir une influence importante sur l’évolution, tant en termes de durée que d’intensité des manifestations symptomatiques, du syndrome anxio-dépressif du malade pour lequel les répercussions de ces incidents sur la santé psychique pourraient être très graves et avoir un caractère invalidant […] Avec la réserve explicite résultant du fait que le malade ne m’a fourni aucune information sur la nature des substances avec lesquelles il a été en contact, les répercussions de cet incident sur sa santé physique et psychique peuvent se manifester plusieurs années après l’incident lui-même et être particulièrement graves et invalidantes, en fonction, notamment, du degré de toxicité de ladite substance dont rien n’est connu jusqu’à présent. »

17     Le 3 décembre 2002, le requérant a saisi l’AIPN d’une demande en vue d’obtenir la reconnaissance de l’accident professionnel au titre de l’article 73 du statut, ainsi que l’indemnisation prévue par le droit applicable (ci après la « demande du 3 décembre 2002 »). À sa demande, il a joint les documents suivants : la note du 31 octobre 2001 ; une note qu’il a rédigée le 3 décembre 2001 et adressée au chef de la délégation ; une note datée du 6 décembre 2001 et rédigée par le chef de l’administration de la délégation, cette lettre comportant, quant à elle, en annexe, une copie du rapport de l’ARC-OVI ; le rapport médical du 25 novembre 2002 ; un rapport rédigé par le docteur A. P., daté du 27 avril 2002 et un rapport rédigé par le docteur M. et daté du 16 août 2002.

18     Cette demande n’a pas fait l’objet d’une décision explicite. Le 11 juin 2003, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

19     La réclamation n’a pas fait l’objet d’une réponse dans le délai visé à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

 Procédure et conclusions des parties

20     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 janvier 2004, le requérant a introduit le présent recours.

21     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

22     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience publique du 2 mars 2005.

23     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer le recours recevable ;

–       annuler la décision implicite de la Commission rejetant la demande introduite par le requérant le 3 décembre 2002 en vue d’obtenir la reconnaissance d’un accident au titre de l’article 73 du statut (ci-après la « décision attaquée ») ;

–       annuler la décision de l’AIPN rejetant sa réclamation introduite contre le rejet de la demande ;

–       dire pour droit qu’il a été victime, le 29 octobre 2001, alors qu’il était affecté à la délégation, d’un accident sur son lieu de travail ;

–       déclarer que l’accident du travail a consisté dans le fait d’être en contact, par les mains, sur son lieu de travail et pendant les horaires de travail avec une poudre blanche de nature toxico-chimique dont on ignore la nature et qui affecte son intégrité physique et psychologique ainsi que ses relations sociales, lui causant un préjudice effectif ;

–       déclarer qu’il est en droit d’obtenir l’ensemble des indemnités prévues par la réglementation pour cet accident du travail et condamner la défenderesse à verser ces indemnités ;

–       condamner la défenderesse aux dépens.

24     À titre de mesures d’instruction, le requérant demande au Tribunal d’ordonner :

–       le versement de son dossier personnel à la présente procédure ;

–       la transmission de l’ensemble de son dossier médical au Tribunal par le service médical de la Commission et le régime commun d’assurance maladie ;

–       une expertise médico-légale en vue d’apprécier l’état de sa pathologie, le lien de causalité avec les faits dénoncés et les conséquences négatives pour son intégrité physique et psychologique ainsi que son préjudice effectif sur le plan des relations sociales ;

–       des mesures destinées à vérifier que la nature chimico-toxicologique de la poudre avec laquelle il a été en contact le 29 octobre 2001 n’a toujours pas été établie, en tenant compte notamment du fait que les examens qui ont été effectués sur cette poudre ne sont pas seulement et exclusivement de nature microbiologique ;

–       l’audition en qualité de témoins de deux fonctionnaires de la Commission sur les évènements qui se sont produits à la délégation le 29 octobre 2001.

25     La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer le recours irrecevable et dénué de fondement ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

26     S’agissant de la recevabilité des conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée et de celle portant rejet de la réclamation contre cette décision, la défenderesse considère, sans soulever formellement d’exception d’irrecevabilité, que le recours est irrecevable, puisque le requérant n’a pas correctement suivi la procédure permettant de déclarer le prétendu accident du travail, telle qu’énoncée à l’article 16 de la réglementation à laquelle renvoie l’article 73, paragraphe 1, du statut.

27     D’une part, la Commission fait observer que la note du 31 octobre 2001 ne satisfait pas aux exigences de l’article 16 de la réglementation. En effet, en premier lieu, le requérant ne l’aurait pas envoyée pour déclarer un accident, mais pour qu’il soit fait droit à d’autres demandes liées au prétendu accident. En second lieu, aucun certificat médical précisant la nature des lésions et les probables conséquences de l’accident n’aurait été joint à la note du 31 octobre 2001, contrairement à ce qu’exige l’article 16 de la réglementation. En ce qui concerne le rapport médical du 25 novembre 2002, annexé à la demande du 3 décembre 2002, qui faisait référence à la note du 31 octobre 2001, la défenderesse fait observer qu’un rapport rédigé un an après le prétendu accident n’est pas conforme aux exigences de la réglementation.

28     D’autre part, en ce qui concerne la demande du 3 décembre 2002, la Commission fait observer qu’elle a été envoyée plus d’une année après l’événement du 29 octobre 2001 et donc après l’expiration du délai de dix jours ouvrables visé à l’article 16, paragraphe 2, de la réglementation. À cet égard, la défenderesse relève, en premier lieu, qu’il ressort clairement du libellé de cet article que ledit délai court à compter de la date de l’accident et non à partir de la date du premier diagnostic des lésions. En deuxième lieu, la défenderesse fait observer que ce délai doit être considéré comme un délai de prescription. Cette conclusion découlerait, d’une part, du fait que, de l’avis de la Commission, la raison d’être de la déclaration est de « cristalliser », au moment des faits, une symptomatologie liée à l’accident et, d’autre part, du fait que l’article 16, paragraphe 2, de la réglementation prévoit une prorogation exceptionnelle en cas de force majeure ou pour tout autre motif légitime.

29     En outre, la défenderesse estime que le requérant ne saurait soutenir qu’en l’espèce il était confronté à « un cas de force majeure » ou à « un autre motif légitime », dès lors que rien ne l’empêchait de préserver rapidement ses intérêts lors de l’événement du 29 octobre 2001 et qu’il n’a apporté aucun élément de preuve à cet égard. La défenderesse conteste en particulier l’affirmation du requérant, selon laquelle son état de santé l’empêchait d’entreprendre toute action en rapport avec l’accident et fait observer que cet état de santé n’a pas empêché le requérant de rédiger, quelques jours après l’événement du 29 octobre 2001, la note du 31 octobre 2001.

30     Le requérant fait valoir que son recours est recevable. Il conteste l’allégation selon laquelle il n’a pas suivi la procédure permettant de déclarer un accident du travail. Il fait observer, toutefois, que même à supposer que cette allégation soit fondée, aucune disposition réglementaire ne prévoit qu’il convient de suivre ladite procédure sous peine d’irrecevabilité de la demande visant à obtenir les droits prévus par le droit communautaire applicable.

31     D’une part, le requérant fait valoir qu’il a déclaré l’accident à l’administration, conformément à l’article 16 de la réglementation, par la note du 31 octobre 2001 qui comportait toutes les informations requises par la réglementation. Même si cette note ne comportait pas de certificats médicaux décrivant la nature des lésions et les conséquences probables de l’événement du 29 octobre 2001, la réglementation aurait été respectée dans sa finalité dès lors que l’administration a été informée de cet événement et devait être consciente de ses éventuels effets négatifs sur l’intégrité psychophysique du requérant. En outre, le rapport médical du 25 novembre 2002 aurait été joint à la demande du 3 décembre 2002 et cette demande aurait fait spécifiquement référence à la note du 31 octobre 2001, en précisant qu’elle constituait « un complément, notamment, des demandes datées du 31 octobre 2001 ».

32     D’autre part, le requérant conteste l’argument de la Commission selon lequel la demande du 3 décembre 2002 a été envoyée après l’expiration du délai visé à l’article 16, paragraphe 2, de la réglementation. À cet égard, il fait valoir, en premier lieu, que « la date à laquelle l’accident s’est produit », à laquelle se réfère cet article, ne peut être en l’espèce que la date à laquelle il a eu connaissance des effets négatifs sur sa santé psychophysique de l’évènement du 29 octobre 2001 et donc, en l’occurrence, le 25 novembre 2002, quand ces effets ont été diagnostiqués par un médecin pour la première fois. Le requérant estime que cette interprétation est la seule conforme au « principe du caractère raisonnable », commun aux ordres juridiques de l’ensemble des États membres de l’Union européenne. En deuxième lieu, le requérant fait valoir que le délai de dix jours ouvrables, visé à l’article 16 de la réglementation, n’est pas un délai contraignant. Cette conclusion résulterait, d’une part, de la référence à la force majeure ou à tout autre motif légitime dispensant du respect du délai. D’autre part, cette conclusion s’imposerait eu égard à la ratio legis de cette disposition, à savoir, de l’avis du requérant, l’exigence que l’institution communautaire en cause soit informée à temps de ce qui est arrivé à l’un de ses fonctionnaires et, lorsque celui-ci en a connaissance, des conséquences éventuelles sur son intégrité psychophysique. Or, cette exigence aurait été respectée en l’espèce.

33     En outre, le requérant affirme que, même à supposer que le délai n’ait pas été respecté, son état de santé l’empêchait de s’engager dans toute activité ayant un lien avec l’évènement du 29 octobre 2001, comme il l’a indiqué dans sa demande du 3 décembre 2001 et ce qui ressortirait des rapports médicaux qui l’accompagnaient. La maladie du requérant constituerait donc un « cas de force majeure ou tout autre motif légitime » justifiant, conformément à l’article 16, paragraphe 2, de la réglementation, une exception au délai fixé. Le requérant relève, à cet égard, que selon la jurisprudence (arrêt de la Cour du 30 mai 1984, Ferriera Vittoria/Commission, 224/83, Rec. p. 2349, point 13), la notion de force majeure ne requiert pas une impossibilité absolue mais impose qu’il s’agisse de difficultés anormales, indépendantes de la volonté de la personne intéressée.

 Appréciation du Tribunal

34     Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la recevabilité du présent recours doit être examinée à la lumière des prescriptions des articles 90 et 91 du statut. Il résulte de leur lecture même, ainsi que d’une jurisprudence constante, que peut être soumis au juge communautaire tout litige opposant la Communauté à l’une des personnes visées audit statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne (arrêts du Tribunal du 3 avril 1990, Pfloeschner/Commission, T‑135/89, Rec. p. II‑153, point 11, et 29 juin 2004, Hivonnet/Conseil, T‑188/03, non encore publié au Recueil, point 16). En outre, les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d’un tel recours à la condition d’un déroulement régulier de la procédure administrative préalable (ordonnances du Tribunal du 7 décembre 1999, Reggimenti/Parlement, T‑108/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1205, point 19, et du 14 février 2005, Ravailhe/Comité des régions, T‑406/03, non encore publiée au Recueil, point 40).

35     Dans le cas où le fonctionnaire cherche à obtenir que l’AIPN prenne à son égard une décision ou adopte une mesure, la procédure administrative doit être introduite par la demande de l’intéressé invitant ladite autorité à prendre la décision ou la mesure sollicitée, conformément à l’article 90, paragraphe 1. C’est seulement contre la décision de rejet de cette demande, laquelle, à défaut de réponse de l’administration, est censée intervenir implicitement à l’expiration d’un délai de quatre mois, que l’intéressé peut saisir, dans un nouveau délai de trois mois, l’AIPN d’une réclamation, conformément au paragraphe 2 de cet article (ordonnance de la Cour du 4 juin 1987, GP/CES, 16/86, Rec. p. 2409, point 6 ; ordonnances du Tribunal du 1er octobre 1991, Coussios/Commission, T‑38/91, Rec. p. II‑763, point 23, et Reggimenti/Parlement, précitée, point 19).

36     En l’espèce, dans la demande du 3 décembre 2002, le requérant a sollicité de l’AIPN la reconnaissance de l’accident au titre de l’article 73 du statut ainsi que l’indemnisation prévue par le droit applicable. Or, la reconnaissance d’un accident aux fins de l’article 73 du statut relève, en vertu de la réglementation, de la compétence de l’AIPN. Dès lors, dans la mesure où le requérant a invité l’autorité compétente à prendre une décision à son égard et qu’il a précisé l’objet de sa demande de façon suffisamment claire pour que cette autorité puisse statuer en connaissance de cause, la demande du 3 décembre 2002 constitue effectivement une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 mars 1975, Küster/Parlement, 23/74, Rec. p. 353, point 11, et du 17 décembre 1981, Bellardi-Ricci e.a./Commission, 178/80, Rec. p. 3187, point 9 ; arrêts du Tribunal du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 28, et du 11 juin 1996, Ouzounoff Popoff/Commission, T‑111/94, RecFP p. I‑A‑277 et II‑819, point 28).

37     Dans ces conditions, le refus de l’AIPN de faire droit à la prétention du requérant qui, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, est intervenu implicitement à l’expiration d’un délai de quatre mois, constitue un acte lui faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation à condition que le requérant ait introduit préalablement et valablement une réclamation en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut (voir, en ce sens, arrêt Pfloeschner/Commission, précité, point 17, et ordonnance Ravailhe/Comité des régions, précitée, point 50). Or, force est de constater que la présente demande d’annulation a bien été précédée d’une procédure précontentieuse conforme à l’article 90 du statut.

38     Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner, quant à la recevabilité du recours, si la procédure prescrite à l’article 16 de la réglementation a été effectivement respectée par le requérant. En effet, même dans l’hypothèse où le requérant n’aurait pas déclaré l’accident conformément à la réglementation, cette circonstance ne saurait entraîner l’irrecevabilité du recours qui, comme il a été relevé ci-dessus, a été introduit en conformité avec les prescriptions des articles 90 et 91 du statut (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, Rec. p. 3709, point 26).

39     À titre surabondant, il convient de relever qu’il ne saurait être objecté, en l’espèce, que le requérant n’était pas en droit de présenter une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, dès lors qu’il n’avait pas déposé une déclaration d’accident telle que prévue par l’article 16 de la réglementation. En effet, l’article 90, paragraphe 1, du statut dispose, sans restriction, que toute personne visée au statut peut saisir l’AIPN d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision. Par conséquent, la circonstance qu’un fonctionnaire n’a pas respecté la procédure spécifique régissant les déclarations d’accident, même si elle peut, le cas échéant, être prise en compte par l’AIPN afin de statuer sur l’objet de la demande, ne saurait entraver l’exercice même du droit de déposer une demande, dont dispose tout fonctionnaire en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

40     Il s’ensuit que la demande d’annulation est recevable dans la mesure où elle vise la décision attaquée.

41     En revanche, la conclusion tendant à l’annulation de la décision implicite portant rejet de la réclamation du 11 juin 2002 doit être déclarée irrecevable. En effet, selon une jurisprudence constante, une décision de rejet d’une réclamation, qu’elle soit implicite ou explicite, ne fait, si elle est pure et simple, que confirmer l’acte ou l’abstention dont le réclamant se plaint et ne constitue pas, en tant que telle, un acte attaquable (voir arrêt du Tribunal du 23 mars 2000, Rudolph/Commission, T‑197/98, RecFP p. I‑A‑55 et II‑241, point 49 et la jurisprudence citée).

42     Par ailleurs, les autres conclusions, à l’exception de celle tendant à la condamnation de la défenderesse aux dépens, doivent être également déclarées irrecevables. Il suffit de constater, à cet égard, que dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut, le juge communautaire n’est pas compétent pour faire des déclarations en droit ou pour adresser à l’administration des injonctions (arrêts du Tribunal du 11 juin 1996, Pavan/Parlement, T‑147/95, RecFP p. I‑A‑291 et II‑861, point 24 , du 5 novembre 1996, Mazzocchi-Alemanni/Commission, T‑21/95 et T‑186/95, RecFP p. I‑A‑501 et II‑1377, point 44)

 Sur le fond

43     À l’appui de son recours, le requérant soulève deux moyens d’annulation. Le premier moyen est tiré du défaut de motivation de la décision attaquée et, ainsi, de la violation de l’article 25 du statut. Le second moyen est tiré de la violation de l’article 2 de la réglementation.

 Arguments des parties

44     S’agissant du premier moyen, le requérant soutient que la décision attaquée est entachée d’un défaut total de motivation. Par ailleurs, le requérant relève qu’il ne dispose d’aucune information sur les motifs qui ont amené la défenderesse à rejeter implicitement ladite demande.

45     À cet égard, le requérant estime que le fait qu’il a été informé des résultats de l’examen de la poudre en cause effectué par l’ARC-OVI est dépourvu de pertinence. D’une part, ces résultats n’auraient pas exclu la présence de micro-organismes autres que des bactéries ni, a fortiori, que la poudre en cause ait été en tout état de cause toxique. D’autre part, les atteintes à l’intégrité psychophysique du requérant en raison de l’événement du 29 octobre 2001 seraient, au moins en partie, indépendantes de la nature de la poudre. À l’appui de cette thèse, il cite un extrait du rapport médical du 25 novembre 2002, lequel affirme, en l’absence d’informations sur la nature de la poudre en cause, qu’il est indubitable que l’événement du 29 octobre 2001 a exercé et exerce encore une influence importante sur le déroulement, tant en termes de durée que d’intensité des symptômes présentés, du syndrome anxio-dépressif du requérant. Ce serait donc la frayeur résultant du contact avec la poudre en cause et l’incertitude qui perdurerait sur la nature de cette poudre qui aurait porté atteinte à l’intégrité psychophysique du requérant.

46     La défenderesse fait observer que, à la lumière de la jurisprudence, un acte de l’AIPN est réputé être suffisamment motivé lorsqu’il intervient dans un contexte connu du fonctionnaire intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure le concernant (arrêt du Tribunal du 22 janvier 1998, Costacurta/Commission, T‑98/96, RecFP p. I‑A‑21 et II‑49, points 86 à 90).

47     Or, en l’espèce, le requérant aurait été dûment informé par les autorités compétentes des résultats de l’analyse de la poudre en cause, qui a été effectuée rapidement et dont les résultats auraient été négatifs sans aucune marge de doute. Par conséquent, la Commission estime que, dans ce contexte bien connu du requérant, ce dernier disposait de tous les moyens nécessaires pour comprendre la portée du silence de l’AIPN.

48     En réponse à l’argument du requérant selon lequel l’atteinte à son état de santé causé par l’événement du 29 octobre 2001 serait, au moins en partie, indépendante de la nature de la poudre en cause, la défenderesse note que l’on ne pourrait parler en l’espèce d’accident du travail, compte tenu de la définition contenue dans l’article 2 de la réglementation, que si le requérant avait été en contact avec de la poudre contenant de l’anthrax.

 Appréciation du Tribunal

49     S’agissant de la violation de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par cette disposition, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Il s’ensuit, que l’obligation de motivation ainsi édictée constitue un principe essentiel du droit communautaire auquel il ne saurait être dérogé qu’en raison de considérations impérieuses (arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; arrêts du Tribunal Pérez-Minguez Casariego/Commission, précité, point 73, et du 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, non encore publié au Recueil, point 105).

50     En l’espèce, il est constant que l’AIPN n’a répondu ni à la demande du requérant du 3 décembre 2002 ni à la réclamation que le requérant a introduite contre le rejet implicite de cette demande.

51     La Commission fait valoir, toutefois, que la notification des résultats de l’analyse de la poudre en cause effectuée par l’ARC-OVI a mis le requérant en mesure de comprendre la portée de la décision attaquée.

52     Cet argument ne saurait être retenu. En effet, d’une part, il ressort des arguments que la défenderesse a présentés, au cours de la procédure écrite et à l’audience, quant à la recevabilité du recours que la demande du 3 décembre 2002 a été rejetée, car l’AIPN avait considéré que le requérant n’avait pas déposé de déclaration d’accident satisfaisant aux exigences de l’article 16 de la réglementation et que c’est pour cette raison que l’AIPN n’a pas engagé la procédure prévue par l’article 19 de ladite réglementation pour la reconnaissance de l’origine accidentelle d’un événement. Or, ce motif du rejet de la demande du 3 décembre 2002 ne se déduit aucunement de la notification des résultats de l’analyse de la poudre en cause.

53     D’autre part, même à supposer que la décision attaquée ait été motivée par la considération que c’est seulement dans l’hypothèse où la poudre en cause aurait contenu de l’anthrax que l’événement du 29 octobre 2001 aurait pu constituer un accident, au sens de l’article 2 de la réglementation, force est de constater que le requérant ne pouvait pas déduire cette motivation du simple fait que les résultats de l’analyse de ladite poudre lui avaient été notifiés.

54     Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée est entachée d’une absence totale de motivation. Cette constatation est corroborée par le fait que ce n’est que dans la réplique que le requérant a, pour la première fois, pris position sur le respect de la procédure prévue à l’article 16 de la réglementation. Par conséquent, il convient d’observer que la seule motivation fournie par l’AIPN au requérant a consisté en des explications fournies dans le cadre du mémoire en défense et de la duplique.

55     Or, selon la jurisprudence constante, une absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours ne peut être couverte par des explications fournies par l’AIPN en cours d’instance (voir arrêt Huygens/Commission, précité, point 112, et la jurisprudence citée). À ce stade, de telles explications ne remplissent plus leur fonction. L’introduction d’un recours met donc un terme à la possibilité pour l’AIPN de régulariser sa décision par une réponse portant rejet de la réclamation (arrêt de la Cour du 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, point 23, et arrêt Huygens/Commission, précité, point 108).

56     Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le présent moyen et d’annuler la décision attaquée sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen invoqué par le requérant.

57     S’agissant des mesures d’instruction sollicitées par le requérant (voir point 24 ci-dessus), il résulte, d’une part, des éléments du dossier et, d’autre part, de tout ce qui précède que ces mesures ne présentent aucune utilité pour la solution du litige. Par conséquent, les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne les mesures d’instruction doivent être rejetées.

 Sur les dépens

58     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant conclu à la condamnation de la défenderesse aux dépens et celle-ci ayant pour l’essentiel succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission rejetant la demande introduite par le requérant le 3 décembre 2002 en vue d’obtenir la reconnaissance d’un accident au titre de l’article 73 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes est annulée.

2)      Les conclusions tendant à ce que le Tribunal ordonne des mesures d’instruction sont rejetées.

3)      Le recours est irrecevable pour le surplus.

4)      La Commission est condamnée aux dépens.

Cooke

Labucka

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juillet 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       J. D. Cooke


* Langue de procédure : l´italien.