Language of document : ECLI:EU:T:2021:207

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

21 avril 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant un cercle contenant deux courbes entrelacées – Marque nationale figurative antérieure représentant deux cercles inachevés entrelacés horizontalement – Marque nationale figurative antérieure représentant un cercle contenant deux cercles inachevés entrelacés horizontalement – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des signes – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑44/20,

Chanel, établie à Neuilly-sur-Seine (France), représentée par Me J. Passa, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Huawei Technologies Co. Ltd, établie à Shenzhen (Chine), représentée par M. M. Edenborough, QC,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 28 novembre 2019 (affaire R 1041/2019-4), relative à une procédure d’opposition entre Chanel et Huawei Technologies,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg et R. Mastroianni (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 23 juillet 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 septembre 2017, l’intervenante, Huawei Technologies Co. Ltd., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)] .

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Matériel informatique et logiciels pour l’intégration de textes, de contenu audio, d’illustrations graphiques, d’images fixes et d’images animées dans une livraison interactive pour applications multimédias ; matériel informatique et logiciels pour le contrôle de dispositifs d’information et de communication à commande vocale ; appareils de réponse vocale ; logiciels de reconnaissance vocale ; matériel informatique et logiciels pour la commande à distance d’appareils d’éclairage électrique, appareils de contrôle de la température et produits électroniques ; logiciels téléchargeables pour la gestion du wi-fi mobile ; téléphones portables ; modems USB ; modems sans fil ; passerelle sous forme de matériel de télécommunications et de réseautage de données, à savoir routeurs de passerelle sous forme de matériel informatique de commande ; modems ; décodeurs pour téléviseurs ; terminaux informatiques, à savoir terminaux vidéo multifonctions (tables) équipés de fonctions permettant d’accéder à l’Internet, de passer des appels téléphoniques, de visualiser des vidéos et de jouer à des jeux ; dispositifs et équipements pour terminaux d’accès mobiles à large bande, à savoir modems pour services mobiles à large bande ; routeurs d’appels de réseaux et d’appels téléphoniques ; modules de communication, à savoir modules à circuits intégrés ; assistants numériques personnels (PDA) ; batteries ; chargeurs de batteries ; souris d’ordinateur ; écouteurs et casques ; logiciels dans le domaine des communications, à savoir logiciels pour la gestion, l’exploitation et la conduite de vidéoconférences, logiciels pour communications de données, logiciels destinés à la gestion de bases de données et à la gestion de réseaux, logiciels utilisés comme tableurs et pour le traitement de texte ; équipements informatiques, à savoir cartes sans fil, adaptateurs sans fil utilisés pour relier des ordinateurs à un réseau de télécommunications ; adaptateurs pour réseaux informatiques ; programmes d’ordinateurs enregistrés ; programmes d’ordinateurs [logiciels téléchargeables] ; applications logicielles informatiques téléchargeables ; programmes du système d’exploitation enregistrés pour ordinateurs ; casques d’écoute sans fil pour téléphones portables ; écouteurs sans fil pour téléphones intelligents ; décodeurs numériques ; lunettes intelligentes ; montres intelligentes ; films de protection pour écrans d’ordinateur ; capteurs d’activité à porter sur soi ; coques pour smartphones ; étuis pour smartphones ; films de protection d’écran pour téléphones mobiles ; perches pour autophotos [monopodes à main] ; pièces et parties constitutives de tous les produits précités ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 193/2017, du 11 octobre 2017.

5        Le 28 décembre 2017, la requérante, Chanel, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        D’une part, l’opposition était fondée sur le motif visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et sur la marque française figurative antérieure, déposée le 24 janvier 2013 et enregistrée le 17 mai 2013 sous le numéro 3977077, désignant notamment des produits relevant de la classe 9 et correspondant notamment à la description suivante : « Caméras, lunettes de soleil, lunettes ; écouteurs et casques ; matériel informatique », reproduite ci-après :

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7        D’autre part, elle était fondée sur le motif visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 et sur la marque française, déposée le 11 décembre 1985, enregistrée sous le numéro 1334490 et renouvelée jusqu’au 11 décembre 2025 (ci-après la « marque prétendument renommée »), désignant notamment des produits relevant des classes 3, 14, 18 et 25 et correspondant à la description suivante : « Parfums, produits cosmétiques, bijoux fantaisie, articles en cuir, vêtements », reproduite ci-après :

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8        Le 19 mars 2019, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

9        Le 14 mai 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 28 novembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent par rapport à la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et que la première des conditions pour l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, à savoir celle concernant l’identité ou la similarité des signes en conflit, n’était pas remplie en l’espèce, étant donné que la marque demandée était différente de la marque prétendument renommée.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        en ce qui concerne l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, annuler la décision attaquée en ce qu’elle indique que la marque demandée n’est pas similaire à la marque prétendument renommée ;

–        en ce qui concerne l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, annuler la décision attaquée en ce qu’elle indique que la marque demandée n’est pas similaire à la marque antérieure ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner conjointement et solidairement la requérante et l’EUIPO aux dépens qu’elle a soutenus et qui sont liés à la présente procédure et à la procédure devant l’EUIPO.

 En droit

14      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 26 septembre 2017, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009.

15      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens. Par son premier moyen, elle fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation, lorsqu’elle a rejeté l’opposition en tant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001). Par son second moyen, elle soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation, lorsqu’elle a rejeté l’opposition en tant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009

16      La requérante soutient que l’enregistrement de la marque demandée pour les produits mentionnés au point 3 ci‑dessus aurait dû être refusé sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en ce que celle-ci est similaire à la marque prétendument renommée.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

18      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose la réunion des trois conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit, deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 9 mars 2012, Ella Valley Vineyards/OHMI – HFP (ELLA VALLEY VINEYARDS), T‑32/10, EU:T:2012:118, point 18 et jurisprudence citée].

19      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la marque demandée et la marque prétendument renommée n’étaient pas similaires. Du point de vue visuel, elle a relevé qu’elles possédaient une structure différente et étaient composées d’éléments différents. La simple présence, dans chacune des marques en conflit, de deux éléments reliés entre eux n’aurait pas pour effet de les rendre similaires même si elles partageaient la forme géométrique basique d’un cercle, entourant lesdits éléments. Alors qu’une comparaison phonétique des marques en conflit serait impossible, lesdites marques ne seraient pas non plus similaires sur le plan conceptuel. Partant, les marques en conflit étant différentes, la chambre de recours a conclu que la première des conditions cumulatives mentionnées au point 18 ci-dessus n’était pas remplie, si bien que l’opposition introduite par la requérante au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 devait être rejetée pour ce seul motif, sans qu’elle ait estimé nécessaire de poursuivre l’examen des autres conditions d’application de ladite disposition.

20      Selon la requérante, la marque demandée et la marque prétendument renommée sont globalement similaires à un degré moyen, voire à un degré moyen à faible, lorsqu’elles sont prises dans l’orientation dans laquelle elles sont déposées et à un degré moyen à fort dans l’hypothèse d’une rotation à 90 degrés de la marque demandée. À ce dernier égard, elle soutient que la chambre de recours a erronément écarté par principe toute possibilité de prendre en compte la marque demandée dans une orientation autre que celle dans laquelle elle avait été déposée, pour le motif inexact que les marques devraient toujours être comparées telles qu’elles ont été déposées et enregistrées. Il serait en revanche permis de tenir compte de l’orientation différente de l’un des signes si elle correspond à la perception que, indépendamment des intentions de son titulaire, le public peut en avoir lorsque la marque est apposée sur des produits mis sur le marché.

21      Du point de vue visuel, la requérante estime que la comparaison de la marque demandée et de la marque prétendument renommée, dans l’orientation dans laquelle elles ont été déposées, n’exclut pas certaines ressemblances, de sorte que ces marques pourraient être considérées comme présentant des similitudes. Dans l’hypothèse de la rotation à 90 degrés de la marque demandée, la marque prétendument renommée et la marque demandée seraient, à tout le moins moyennement, visuellement similaires. Du point de vue phonétique, la requérante fait valoir que c’est à juste titre que la chambre de recours a jugé que la comparaison phonétique des marques en conflit n’était pas possible, celles-ci ne pouvant pas être prononcées. Du point de vue conceptuel, selon la requérante, la chambre de recours a considéré à tort que les marques en conflit étaient différentes. En effet, dès lors que les signes n’ont pas de signification et ne véhiculent aucun concept, la chambre de recours aurait dû juger que la comparaison conceptuelle n’avait pas lieu d’être opérée.

22      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

23      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, afin de satisfaire à la condition tenant à l’existence d’une identité ou d’une similitude entre les signes en conflit, posée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre la marque antérieure jouissant d’une prétendue renommée et la marque demandée. Il suffit que le degré de similitude entre ces deux marques ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre elles (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2012, ELLA VALLEY VINEYARDS, T‑32/10, EU:T:2012:118, point 37).

24      L’appréciation de la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. En outre, il ressort de la jurisprudence que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [voir, en ce sens, arrêt du 27 octobre 2016, Spa Monopole/EUIPO – YTL Hotels & Properties (SPA VILLAGE), T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 35 et jurisprudence citée].

25      À titre liminaire, il convient de relever que, comme cela est indiqué au point 20 de la décision attaquée, et ainsi que l’EUIPO et l’intervenante le soutiennent, lors de l’appréciation de leur identité ou de leur similitude, les signes doivent être comparés dans la forme dans laquelle ils sont protégés, c’est-à-dire dans la forme dans laquelle ils sont enregistrés ou demandés. L’usage réel ou potentiel des marques enregistrées sous une autre forme est dénué de pertinence lors de la comparaison de signes [voir arrêt du 20 avril 2018, Mitrakos/EUIPO – Belasco Baquedano (YAMAS), T‑15/17, non publié, EU:T:2018:198, point 34 et jurisprudence citée].

26      L’orientation des signes, telle qu’elle figure dans la demande d’enregistrement, peut avoir un impact sur l’étendue de leur protection et, par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, pour éviter toute incertitude et insécurité, la comparaison entre les signes ne peut s’effectuer que sur la base des formes et orientations dans lesquelles ces signes sont enregistrés ou demandés.

27      La jurisprudence invoquée par la requérante ne saurait remettre en cause une telle constatation.

28      Dans l’arrêt du 19 septembre 2018, Volkswagen/EUIPO – Paalupaikka (MAIN AUTO WHEELS) (T‑623/16, non publié, EU:T:2018:561), confirmé par la Cour sur pourvoi (ordonnance du 21 mai 2019, Volkswagen/EUIPO, C‑744/18 P, non publiée, EU:C:2019:437, points 9 et 10), le Tribunal a explicitement indiqué qu’il fallait procéder à une comparaison entre la marque demandée et la marque antérieure telles qu’enregistrées (arrêt du 19 septembre 2018, MAIN AUTO WHEELS, T‑623/16, non publié, EU:T:2018:561, point 45), et ce n’est qu’à titre surabondant qu’il a tenu compte de la représentation de la marque demandée positionnée à l’envers sur les produits qu’elle visait.

29      Dans l’arrêt du 29 novembre 2018, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Bee-Fee Group (LV POWER ENERGY DRINK) (T‑372/17, non publié, EU:T:2018:851), le Tribunal s’est borné à relever qu’il n’y avait pas lieu d’accorder une importance excessive aux tailles respectives des éléments des marques qui ne sont pas enregistrées dans une taille déterminée, mais qui varieront en fonction de l’objet sur lequel elles sont apposées (arrêt du 29 novembre 2018, LV POWER ENERGY DRINK, T‑372/17, non publié, EU:T:2018:851, point 79), sans pour autant modifier l’orientation d’aucune de ces marques lors de leur comparaison.

30      Quant aux arrêts du 6 mars 2014, Pi-Design e.a./Yoshida Metal Industry (C‑337/12 P à C‑340/12 P, non publié, EU:C:2014:129), et du 10 novembre 2016, Simba Toys/EUIPO (C‑30/15 P, EU:C:2016:849), la Cour a certes jugé que des éléments utiles à l’identification convenable des caractéristiques essentielles d’un signe et des éléments autres que la représentation telle que demandée ou enregistrée peuvent être pris en considération, si ces éléments correspondent à la réalité de l’usage du signe sur le marché. Cette jurisprudence relève toutefois de l’appréciation de critères juridiques autres que celui en cause en l’espèce, en ce qu’ils concernent des motifs absolus de refus ou de déchéance, et n’est dès lors pas pertinente dans le cadre de l’examen du présent motif relatif de refus.

31      De même, l’arrêt du 18 juillet 2017, Chanel/EUIPO – Jing Zhou et Golden Rose 999 (Ornement) (T‑57/16, EU:T:2017:517), en matière de dessins ou modèles communautaires, procède de l’application de critères autres que ceux applicables aux fins de la comparaison des signes au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. En tout état de cause, si la rotation des dessins avait été prise en compte par le Tribunal, il s’agissait toutefois d’un critère d’examen surabondant.

32      Ainsi, pour les raisons exposées aux points 25 à 31 ci-dessus, il y a lieu de comparer la marque prétendument renommée dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée et la marque demandée dans la forme sous laquelle elle a été demandée, indépendamment de toute éventuelle rotation lors de leur utilisation sur le marché.

33      En l’espèce, en ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur le plan visuel, il convient d’observer que la marque demandée est un signe figuratif qui se compose d’un cercle contenant deux courbes ressemblant à l’image de deux lettres « u » de couleur noire disposées verticalement et en miroir inversé, qui se croisent et se coupent pour former un élément central constituant une ellipse horizontale. La marque prétendument renommée est elle aussi un signe figuratif qui se compose d’un cercle contenant deux courbes ressemblant à l’image de deux lettres « c » de couleur noire disposées horizontalement et en miroir inversé, qui se croisent et se coupent pour former un élément central constituant une ellipse verticale.

34      Les marques en conflit partagent ainsi certaines caractéristiques, à savoir un cercle de couleur noire, deux courbes entrelacées, que ledit cercle entoure, de couleur noire également, se croisant en miroir inversé, ainsi qu’une ellipse centrale, résultant de l’entrecroisement des courbes.

35      Les différences visuelles entre les marques en conflit résultent, quant à elles, premièrement, de la forme plus arrondie des courbes, ressemblant à l’image de deux lettres « c » dans la marque prétendument renommée, par rapport à l’image de la lettre « h » de la marque demandée, deuxièmement, de la stylisation différente desdites courbes et de leur disposition, horizontale dans la marque prétendument renommée et verticale dans la marque demandée, troisièmement, de l’orientation de l’ellipse centrale, résultant de l’entrecroisement desdites courbes, verticale dans la marque prétendument renommée et horizontale dans la marque demandée et, quatrièmement, de l’épaisseur plus importante du trait de ces courbes dans la marque prétendument renommée par rapport au trait des courbes de la marque demandée, de même que du trait formant le cercle de la marque demandée par rapport à celui de la marque prétendument renommée.

36      Par ailleurs, si l’intersection des courbes entrelacées de la marque demandée est visible, en ce que le trait s’interrompt aux endroits où lesdites courbes se croisent, il n’en va pas de même de la marque prétendument renommée. Il est également possible de relever que l’écart entre le trait formant le cercle et les extrémités des courbes dans chacune des marques en conflit, c’est-à-dire les points où ces courbes commencent et finissent, diffère.

37      Ainsi, il convient de relever que, appréciées globalement, les marques en conflit sont différentes sur le plan visuel, en dépit de la présence commune de deux courbes entrelacées au sein d’un cercle de couleur noire, ce dernier étant par ailleurs un élément géométrique banal [voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Cain Cellars/OHMI (Représentation d’un pentagone), T‑304/05, non publié, EU:T:2007:271, point 22 et jurisprudence citée, et du 20 mars 2019, Grammer/EUIPO (Représentation d’une forme), T‑762/17, non publié, EU:T:2019:171, point 19].

38      En ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur le plan phonétique, les parties ne contestent pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle une analyse d’une quelconque similitude ne peut être réalisée dans la mesure où lesdites marques ne seront pas prononcées.

39      En ce qui concerne la similitude des marques en conflit sur le plan conceptuel, il convient d’observer que la marque demandée et la marque prétendument renommée sont composées d’un cercle contenant une image renvoyant à des lettres stylisées. La chambre de recours a constaté que le simple fait qu’elles comportaient la forme géométrique d’un cercle ne saurait les rendre similaires d’un point de vue conceptuel.

40      Il y a lieu de relever que si les initiales de la fondatrice de la société requérante devaient être décelées dans l’image renvoyant à des lettres stylisées de la marque prétendument renommée, c’est la lettre « h » stylisée ou les deux lettres « u » entrelacées qui pourraient être perçues dans l’image renvoyant à une lettre stylisée de la marque demandée, de sorte que les marques en conflit sont différentes sur le plan conceptuel.

41      Au vu des considérations exposées aux points 32 à 40 ci-dessus, il convient de relever que la marque demandée et la marque prétendument renommée sont différentes.

42      Il s’ensuit que, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, la première des conditions visées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 et mentionnées au point 18 ci-dessus n’est pas remplie, de sorte que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

43      La requérante soutient, en substance, que l’enregistrement de la marque demandée pour les produits mentionnés au point 3 ci‑dessus aurait dû être refusé sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

44      Conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

45      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Il ressort de cette même jurisprudence que le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

46      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que la marque demandée et la marque antérieure n’étaient pas similaires. Elle a indiqué que la première consistait en deux éléments en forme de « u » qui s’entrecroisaient en position verticale, qui étaient entourés par la forme géométrique basique d’un cercle. La seconde était également purement figurative et consistait en deux cercles gras, noirs et inachevés, placés en miroir et se chevauchant en position horizontale. Selon la chambre de recours, sur le plan visuel, les marques en conflit produisaient une impression globale très différente, dans la mesure où elles possédaient une structure différente et étaient composées d’éléments différents. Le simple fait que chacune des marques soit composée de deux éléments reliés entre eux ne les rendait pas similaires. Sur le plan phonétique, dans la mesure où les marques en conflit ne seront pas prononcées, il était impossible, selon la chambre de recours, de procéder à une comparaison. N’ayant pas de concept en commun, elles n’étaient pas similaires d’un point de vue conceptuel. La chambre de recours en a conclu que, globalement, les marques en conflit étaient différentes aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et qu’il n’était pas besoin de poursuivre l’examen des autres conditions d’application de ladite disposition.

47      Selon la requérante, en premier lieu, la marque demandée et la marque antérieure sont similaires à un degré moyen, voire moyen à faible, lorsqu’elles sont prises dans l’orientation dans laquelle elles ont été déposées et à un degré au moins moyen dans l’hypothèse de la rotation à 90 degrés de la marque demandée. Elle renvoie, à ce dernier égard, aux observations rappelées au point 20 ci-dessus. En second lieu, la requérante fait valoir que, à défaut de possibles comparaisons phonétique et conceptuelle, existent entre la marque demandée et la marque antérieure des similitudes visuelles qui conduisent à la conclusion que les marques en conflit sont globalement similaires. Elle conteste à cette fin les considérations de la chambre de recours selon lesquelles la marque demandée et la marque antérieure produisent une impression globale très différente.

48      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

49      À titre liminaire, il convient de relever que, comme cela est indiqué au point 20 de la décision attaquée, et ainsi que l’EUIPO et l’intervenante le soutiennent, et pour les raisons exposées aux points 25 à 31 ci-dessus, il y a lieu de comparer la marque antérieure dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée et la marque demandée dans la forme sous laquelle elle a été demandée, indépendamment de toute éventuelle rotation lors de leur utilisation sur le marché.

50      En ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur le plan visuel, la marque antérieure est un signe figuratif qui se compose de deux courbes ressemblant à l’image de deux lettres « c » de couleur noire disposées horizontalement et en miroir inversé, qui se croisent et se coupent pour former un élément central constituant une ellipse verticale.

51      Le cercle, présent exclusivement dans la marque demandée, entoure les courbes contenues en son centre et donne à ladite marque un agencement et des proportions spécifiques qui ne se retrouvent pas dans la marque antérieure. Même si les marques en conflit partagent des caractéristiques, à savoir deux courbes entrelacées de couleur noire se croisant en miroir inversé, une ellipse centrale résultant de l’entrecroisement des courbes, l’absence de cercle dans la marque antérieure et d’un agencement conséquent exclut toute similitude sur le plan visuel.

52      En ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur les plans phonétique et conceptuel, les considérations figurant aux points 38 et 39 ci-dessus ont vocation à s’appliquer également dans ce contexte.

53      Il s’ensuit que la chambre de recours a correctement constaté que les marques étaient globalement différentes et que, de ce fait, l’opposition devait être rejetée sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. En effet, dans la mesure où les signes en conflit ne sont pas similaires, les autres facteurs pertinents pour l’appréciation globale du risque de confusion ne peuvent en aucun cas contrebalancer et pallier cette dissimilitude, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les examiner (arrêts du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, EU:C:2004:611, point 54 ; du 11 décembre 2008, Gateway/OHMI, C‑57/08 P, non publié, EU:C:2008:718, points 56 et 57, et du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 65, 66 et 68).

54      Par conséquent, il convient de rejeter le second moyen et, dès lors, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

57      Par ailleurs, dans la mesure où l’intervenante doit être regardée comme ayant conclu à ce que la requérante soit condamnée également aux dépens afférents à la procédure devant la division d’opposition et devant la chambre de recours, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, la demande de l’intervenante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’opposition, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est en tout état de cause irrecevable. S’agissant de la demande formulée par l’intervenante relativement aux dépens de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 194].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      Chanel est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.