Language of document : ECLI:EU:T:2020:225

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

28 mai 2020 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Plainte pour discrimination et harcèlement moral – Enquête administrative interne – Rejet de la plainte – Droit à un recours juridictionnel effectif – Droit d’être entendu – Demande d’accès aux procès-verbaux d’audition des témoins – Destruction du dossier d’enquête – Caractère probant des preuves soumises au Tribunal – Examen lacunaire – Harcèlement moral – Erreur de droit – Devoir d’assistance – Responsabilité – Lien de causalité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑483/16 RENV,

Maria Concetta Cerafogli, demeurant à Rome (Italie), représentée par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes F. Feyerbacher et B. Ehlers, en qualité d’agents, assistées de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de la BCE du 24 novembre 2009 clôturant l’enquête administrative interne ouverte à la suite de la plainte de la requérante pour discrimination et atteinte à sa dignité, constitutives d’un harcèlement moral et d’une violation de la politique de dignité au travail en vigueur au sein de la BCE et, si nécessaire, de la décision de la BCE du 24 mars 2010 rejetant son recours spécial et, d’autre part, à la condamnation de la BCE au paiement de dommages et intérêts,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. H. Kanninen, président, J. Schwarcz et C. Iliopoulos (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Agent depuis le 1er septembre 1995 de l’Institut monétaire européen (IME), puis, à compter de 1998, de la Banque centrale européenne (BCE), la requérante, Mme Maria Concetta Cerafogli, a été affectée en qualité d’expert à la division des infrastructures de marché (Market Infrastructure Division, ci-après la « division MIS ») de la direction générale (DG) « Paiements » de la BCE (ci-après la « DG-P »).

2        En 1998, à la suite de son élection, la requérante est devenue membre du comité du personnel de la BCE et, à l’exception d’une courte période en 2006, l’est demeurée jusqu’au mois de juin 2008. Pendant l’ensemble de cette période, elle a en outre assumé les fonctions de vice-porte-parole du comité du personnel, de septembre 2000 à décembre 2001 et d’octobre 2007 à février 2008, ainsi que de porte-parole dudit comité, de mai 2001 à juillet 2002. Pour ses activités de représentation du personnel, la requérante a bénéficié de dispenses de service variant de 20 % à 50 % de son temps de travail. En particulier, la dispense de service qui lui a été accordée de janvier à juillet 2006 a représenté 50 % de ce temps.

3        De mars à mai 2007, la requérante, qui bénéficiait déjà d’une dispense de service de 20 % de son temps de travail pour ses activités de représentation du personnel, s’est vu accorder une réduction supplémentaire de son temps de travail de 35 % pour motifs médicaux. À cette occasion, le directeur général de la DG-P (ci-après le « directeur général DG-P ») lui a retiré le dossier relatif à l’établissement de normes et de standards en matière d’instruments de paiement et lui a confié pour seule tâche le soin de préparer une note sur la politique des normes et des standards en matière d’instruments de paiement.

4        La requérante a été placée en congé de maladie à compter du 17 janvier 2008 et a été affectée à une autre division à dater du 1er août 2008.

5        La requérante s’estime victime, depuis de nombreuses années, d’une discrimination et d’une violation de la politique de dignité au travail de la part de la BCE. En particulier, elle fait grief à la BCE d’avoir dû supporter une lourde charge de travail en raison du cumul de son travail au sein de la division et de son travail au sein du comité du personnel et de ne s’être vu confier, à dater d’avril 2007, que la seule tâche de préparer la note sur la politique des normes et des standards en matière d’instruments de paiement. Elle se plaint, en outre, de n’avoir reçu, en janvier 2008, ni augmentation de traitement ni gratification au motif de la prétendue insuffisance de ses prestations, alors que la responsabilité de cette prétendue insuffisance incomberait au directeur général DG-P. Elle soutient également que ce dernier l’aurait, notamment, offensée en affirmant sans explication que sa réputation professionnelle était « très mauvaise » et menacée en lui indiquant que si elle ne suivait pas son conseil de quitter la DG-P elle serait « dévastée », alors même qu’il était au courant de l’état psychologique fragile dans lequel elle se trouvait.

6        Dans ce contexte, le 8 avril 2008, la requérante a introduit une « demande d’examen précontentieux » (ci-après la « plainte » ou la « demande d’assistance ») sur la base de l’article 41 des conditions d’emploi du personnel de la BCE adoptées par la décision 1999/330/CE de la BCE, du 9 juin 1998, relative à l’adoption des conditions d’emploi du personnel de la BCE, modifiée le 31 mars 1999 (JO 1999, L 125, p. 32, ci-après les « conditions d’emploi »). Cette demande tendait à mettre en cause, d’une part, le comportement de supérieurs hiérarchiques constitutif, selon elle, d’une discrimination et d’un harcèlement moral à son égard et, d’autre part, la violation par la BCE de normes internationales et de l’Union européenne en droit du travail.

7        Par courrier du 30 mai 2008, la BCE a informé la requérante de la décision de son directoire d’ouvrir une enquête administrative interne (ci-après l’« enquête administrative ») en mandatant un panel afin « “de clarifier les faits et les circonstances ainsi que l’existence ou l’absence de preuves suffisantes” des allégations relatives à la “discrimination [...] fondée sur le sexe, l’âge, la nationalité et l’état de santé [dont elle aurait été l’objet]” ; [la] “discrimination [...] en raison de sa qualité de membre du [c]omité du personnel” et [les] allégations relatives à “une violation de la politique de dignité au travail”, en particulier par la [DG-P], y compris “la diffamation, l’isolement, le harcèlement moral et l’intimidation” ».

8        Le 5 septembre 2009, un projet de rapport d’enquête a été transmis à la requérante pour commentaires. La requérante a communiqué ceux-ci le 5 octobre suivant.

9        Le rapport d’enquête final, daté du 11 novembre 2009, concluait que les allégations de la requérante n’étaient pas étayées. Ce rapport a été transmis au directoire de la BCE le 17 novembre 2009, soit le jour même de la réunion du directoire au cours de laquelle a été adoptée la décision datée du 24 novembre 2009, par laquelle le directoire a clôturé l’enquête administrative en considérant que les griefs fondant la plainte de la requérante n’étaient pas établis (ci-après la « décision attaquée du 24 novembre 2009 »). Cette décision a été notifiée à la requérante par courrier daté du 30 novembre 2009, reçu le 1er décembre 2009.

10      La requérante a saisi le président de la BCE du recours spécial prévu à l’article 41 des conditions d’emploi complété par l’article 8.1.6 des règles applicables au personnel de la BCE contre la décision attaquée du 24 novembre 2009, par télécopie du 29 janvier 2010. Les trois annexes de ce recours spécial sont parvenues à la BCE quelques jours après cette date.

11      Le recours spécial a été rejeté par décision du directoire de la BCE du 24 mars 2010 (ci-après la « décision attaquée du 24 mars 2010 »).

 Sur la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2012, Cerafogli/BCE (F43/10)

12      Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 4 juin 2010, enregistrée sous le numéro F‑43/10, la requérante a demandé à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique : premièrement, d’annuler la décision attaquée du 24 novembre 2009 et, si nécessaire, celle du 24 mars 2010 ; deuxièmement, de faire droit, par conséquent, aux demandes qu’elle avait formulées dans sa plainte et, plus concrètement, d’une part, qu’il soit mis fin à toute forme de discrimination et de harcèlement moral à son égard et, d’autre part, que le directeur général DG-P retire par écrit ses déclarations offensantes et menaçantes ; troisièmement, de condamner la BCE à lui payer des dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et matériel subis, évalués, respectivement, ex æquo et bono, à 50 000 euros et à 15 000 euros ; quatrièmement, de condamner la BCE aux dépens ; cinquièmement, d’enjoindre à la BCE de produire la totalité du rapport d’enquête avec toutes ses annexes, y compris les procès-verbaux des témoins auditionnés durant l’enquête administrative (ci-après les « procès-verbaux litigieux »), ainsi que toutes les communications entre le panel et le directoire de la BCE ou le président de la BCE ; sixièmement, d’ordonner la citation de A en qualité de témoin.

13      À l’appui de son recours devant le Tribunal de la fonction publique, la requérante a avancé les moyens suivants :

–        un premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense, du droit d’être entendue, du principe du contradictoire et du droit d’être assistée par un avocat, de la méconnaissance de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire administrative no 1/2006 du directoire de la BCE, du 21 mars 2006, concernant les enquêtes administratives internes (ci-après la « circulaire no 1/2006 »), de la violation de l’obligation de motivation, de la violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, de la violation de l’article 3 du règlement intérieur du directoire de la BCE, adopté par la décision BCE/1999/7 de la BCE, du 12 octobre 1999 (JO 1999, L 314, p. 34) , ainsi que de la violation des articles 51 et 52 des conditions d’emploi ;

–        un deuxième moyen, tiré de la violation par le panel de son mandat ;

–        un troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation ;

–        un quatrième moyen, tiré de la violation de la notion de harcèlement moral ;

–        un cinquième moyen, tiré de la violation du devoir d’assistance.

14      Par arrêt du 12 décembre 2012, Cerafogli/BCE (F‑43/10, ci-après l’« arrêt initial », EU:F:2012:184), le Tribunal de la fonction publique (troisième chambre) a rejeté l’ensemble des chefs de conclusions et des moyens invoqués par la requérante et, partant, a rejeté le recours dans son ensemble et condamné la requérante aux dépens.

15      En outre, le Tribunal de la fonction publique a rejeté la demande de la requérante tendant à la production du dossier d’enquête, y compris des annexes du rapport d’enquête et des procès-verbaux litigieux (arrêt initial, points 220 à 222).

 Sur le pourvoi devant le Tribunal (chambre des pourvois) et l’arrêt du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE (T114/13 P)

16      Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante a demandé au Tribunal (chambre des pourvois), en substance, d’une part, d’annuler l’arrêt initial et, d’autre part, de faire droit à ses conclusions formulées en première instance dans le cadre du recours dans l’affaire F‑43/10.

17      Au soutien du pourvoi, la requérante a invoqué les moyens suivants :

–        un premier moyen, tiré d’une dénaturation du dossier et d’une violation des droits de la défense, du principe de proportionnalité, de l’article 20 du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), et du droit à un recours effectif, pour ne pas lui avoir accordé l’accès aux procès-verbaux litigieux ;

–        un deuxième moyen, tiré de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif et de l’obligation de motivation pour ne pas avoir fait droit à sa demande d’enjoindre à la BCE de produire les procès-verbaux litigieux et les annexes du rapport d’enquête ;

–        un troisième moyen, pris de ce que le Tribunal de la fonction publique a apprécié erronément le moyen tiré de la violation de son mandat par le panel et de la violation par la BCE de son devoir d’assistance ;

–        un quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 ;

–        un cinquième moyen, tiré d’une méconnaissance par le Tribunal de la fonction publique de la notion d’erreur manifeste d’appréciation et d’un défaut de motivation.

18      Plus particulièrement, dans le cadre de la première branche du premier moyen, la requérante a fait grief au Tribunal de la fonction publique, en substance, d’avoir considéré à tort que la BCE n’était pas tenue de lui garantir le respect des droits de la défense et de lui accorder l’accès à l’ensemble du dossier d’enquête et, en particulier, aux procès-verbaux litigieux. Par la deuxième branche du premier moyen, elle a fait valoir, en substance, que l’accès au seul projet de rapport d’enquête, considéré par le Tribunal de la fonction publique comme lui permettant d’assurer le respect du contradictoire dans le cadre de la procédure administrative, ne lui avait pas permis d’exercer ses droits de la défense et de faire utilement valoir son point de vue, ledit projet ne mentionnant pas toutes les déclarations des témoins et n’incluant pas tous les éléments de fait la concernant. Par la troisième branche du premier moyen, la requérante a soutenu, en substance, que c’était à tort que le Tribunal de la fonction publique, premièrement, avait considéré que la protection des témoins constituait une raison supplémentaire de lui refuser l’accès au dossier sans avoir cependant mis cette protection en balance avec les droits de la défense qui auraient dû lui être reconnus et, deuxièmement, avait considéré que la nécessité de préserver les témoins de toute influence devait être garantie par l’anonymat et la confidentialité de toute donnée susceptible de les identifier, alors que la circulaire no 1/2006 ne prévoirait ni une telle protection ni l’anonymat et la confidentialité de toute donnée susceptible d’identifier les témoins. Par la quatrième branche du premier moyen, la requérante a prétendu, en substance, que le Tribunal de la fonction publique avait erronément interprété l’article 20 du règlement no 45/2001. Enfin, par la cinquième branche dudit moyen, la requérante a fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif à défaut de l’avoir mise en mesure de prendre connaissance du dossier d’enquête, l’empêchant ainsi de défendre ses droits de manière satisfaisante durant la procédure juridictionnelle en ce qui concerne, en particulier, l’incidence des déclarations des témoins.

19      Dans l’arrêt du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE (T‑114/13 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:T:2015:678), le Tribunal a estimé adéquat d’examiner ensemble le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, d’une dénaturation du dossier, d’une violation du principe de proportionnalité, de l’article 20 du règlement no 45/2001 et du droit à un recours effectif, et le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit à un recours juridictionnel effectif et de l’obligation de motivation (arrêt sur pourvoi, point 24). À l’issue de cet examen, d’une part, il a rejeté la première branche du premier moyen et, partiellement, la deuxième branche de ce moyen. D’autre part, il a accueilli le deuxième moyen et, partiellement, les deuxième et cinquième branches du premier moyen. Aussi, il a annulé l’arrêt initial, renvoyé l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique et réservé les dépens.

20      Tout d’abord, après avoir rappelé, au point 32 de l’arrêt sur pourvoi, que, selon une jurisprudence constante, les droits de la défense, qui comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier, figuraient au nombre des droits fondamentaux dont le respect s’imposait même lorsque la réglementation applicable ne prévoyait pas expressément une telle formalité, le Tribunal a considéré, au point 40 de l’arrêt sur pourvoi, que le Tribunal de la fonction publique avait estimé à bon droit que la situation d’un plaignant, dans le cadre d’une plainte pour harcèlement moral, ne pouvait être assimilée à celle de la personne objet de la plainte et que les droits procéduraux qui devaient être reconnus à la personne accusée de harcèlement se distinguaient de ceux, plus limités, dont disposait, dans le cadre de la procédure administrative, le plaignant. Il a en outre considéré, au point 41 de l’arrêt sur pourvoi, que c’était également à bon droit que le Tribunal de la fonction publique avait jugé que le respect du principe du contradictoire, lequel s’imposait également dans le cadre de la procédure administrative, avait été assuré en l’espèce, la requérante s’étant vu accorder la possibilité de faire valoir ses observations sur le projet de rapport d’enquête ayant conduit au rejet de sa plainte. Partant, le Tribunal a rejeté la première branche du premier moyen et, partiellement, la deuxième branche de ce moyen.

21      Ensuite, au point 42 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a estimé que les considérations retenues par le Tribunal de la fonction publique aux points 221 et 222 de l’arrêt initial pour refuser l’accès à la requérante, au cours de la procédure juridictionnelle de première instance, aux procès-verbaux litigieux étaient entachées d’une erreur de droit. Il a relevé que, pour justifier cette décision, le Tribunal de la fonction publique s’était fondé, premièrement, sur l’absence de droit de la requérante à prendre connaissance de ces documents lors de la procédure administrative, deuxièmement, sur le caractère « particulièrement étoffé et éclairant par lui-même » du rapport d’enquête ainsi que, troisièmement, sur la nécessité de garantir la neutralité et l’objectivité des enquêtes en vue d’obtenir la collaboration sans retenue des membres du personnel, que la levée de la confidentialité des témoignages lors de la procédure contentieuse aurait menacé de compromettre.

22      En outre, au point 43 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a jugé que le droit à un recours juridictionnel effectif impliquait que le plaignant, dont la plainte pour harcèlement moral aurait été rejetée, puisse contester devant le juge de l’Union l’acte lui faisant grief dans tous ses éléments, y compris, le cas échéant, en faisant valoir que le rapport d’enquête ne reflétait pas correctement les témoignages sur lesquels ce rejet était fondé. Ce droit pouvait impliquer qu’une partie requérante, pour faire valoir utilement ses arguments, ait été mise en mesure de contrôler elle-même l’adéquation entre le rapport d’enquête et les procès-verbaux litigieux sur lesquels ledit rapport était fondé ou, du moins, de solliciter du Tribunal de la fonction publique qu’il prenne connaissance de ces éléments de preuve dans les conditions de confidentialité que prévoyait l’article 47 de son règlement de procédure. Il appartenait alors à ce dernier, conformément à l’article 47, paragraphe 2, de son règlement de procédure, d’opérer la mise en balance de l’intérêt de la partie requérante à disposer des éléments de preuve nécessaires pour lui permettre d’exercer utilement son droit à un recours juridictionnel effectif, d’une part, avec les inconvénients que la divulgation de ces éléments était susceptible de comporter, d’autre part.

23      Par ailleurs, le Tribunal a estimé, au point 45 de l’arrêt sur pourvoi, que lorsqu’une partie requérante n’avait pas été mise en mesure d’accéder, lors de la procédure administrative, à des éléments de preuve déterminants quant à l’issue de cette procédure, il ne pouvait être requis d’elle qu’elle établisse à suffisance des erreurs de fait dont la constatation dépendait de l’examen d’éléments de preuve auxquels l’accès lui avait été refusé. Il appartient au contraire au Tribunal de la fonction publique, si la partie requérante apporte un commencement de preuve à l’appui de ses allégations, de demander la production des éléments de preuve nécessaires pour apprécier le bien-fondé de cette argumentation.

24      De plus, au point 46 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a relevé que, en l’espèce, il ressortait de l’arrêt initial que la requérante mettait précisément en cause le rapport d’enquête et alléguait, notamment, que certains témoignages n’avaient pas été pris en considération (arrêt initial, point 220, dernière phrase) et que des appréciations négatives avaient été formulées à son endroit sur la base des témoignages recueillis (arrêt initial, point 127, dernière phrase).

25      Au point 47 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a estimé que, pour écarter ces allégations, le Tribunal de la fonction publique ne pouvait affirmer que le rapport d’enquête était circonstancié, qu’aucun élément du dossier ne permettait de douter qu’il ne reproduisait pas la substance des témoignages recueillis (arrêt initial, point 97), qu’il contenait notamment l’exposé des données factuelles recueillies au cours de l’enquête et qu’il était particulièrement étoffé et éclairant par lui-même (arrêt initial, point 222) sans préalablement vérifier la concordance entre le rapport d’enquête mis en cause et les témoignages recueillis au cours de l’enquête. Pour le Tribunal, cette obligation était d’autant plus nécessaire en l’espèce que le Tribunal de la fonction publique avait relevé, aux points 162 à 193 de l’arrêt initial, que la requérante était fondée à soutenir que le rapport d’enquête était par ailleurs entaché de nombreuses erreurs factuelles (arrêt sur pourvoi, point 48).

26      Partant, au point 49 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a estimé que le Tribunal de la fonction publique ne pouvait relever, pour écarter l’argumentation de la requérante, qu’il n’existait, en substance, aucune contradiction entre le rapport d’enquête et les procès-verbaux litigieux sans le vérifier. Au contraire, il aurait dû examiner lui-même ces procès-verbaux que les parties n’avaient pas versés au dossier de l’affaire. Il a donc conclu que le Tribunal de la fonction publique avait commis une erreur de droit en refusant d’enjoindre à la BCE de lui communiquer les éléments du dossier d’enquête et, en particulier, les témoignages recueillis au cours de celle-ci. Dès lors, au point 52 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a accueilli le deuxième moyen et, partiellement, les deuxième et cinquième branches du premier moyen.

27      En conséquence, le Tribunal a annulé l’arrêt initial et renvoyé l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, au vu du dossier d’enquête et, en particulier, des procès-verbaux litigieux, sur le recours introduit devant lui par la requérante (arrêt sur pourvoi, point 55).

 Sur la procédure de renvoi 

28      Par lettre du 7 octobre 2015, le greffe du Tribunal de la fonction publique a, conformément à l’article 130, paragraphe 1, de son règlement de procédure en vigueur à cette date, informé la requérante qu’elle disposait d’un délai de deux mois augmenté du délai de distance forfaitaire de dix jours à compter de la signification de l’arrêt sur pourvoi pour déposer son mémoire d’observations écrites.

29      La requérante n’a pas présenté d’observations à la suite d’une erreur de computation des délais commise par son avocate. Par courrier du 11 décembre 2015, l’avocate de la requérante a donc sollicité du Tribunal de la fonction publique la possibilité de présenter ses observations dans un mémoire complémentaire, conformément à l’article 130, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique.

30      Dans un courrier parvenu au greffe du Tribunal de la fonction publique le 19 janvier 2016, lequel a été signifié à la requérante, la BCE a présenté ses observations sur le renvoi. Premièrement, elle a indiqué qu’elle ne pouvait formuler de commentaires en raison de l’absence d’observations de la requérante. Deuxièmement, en exécution de l’arrêt sur pourvoi, elle a annexé au courrier du 19 janvier 2016 une copie confidentielle des 45 procès-verbaux d’audition des 38 témoins interrogés dans le cadre de l’enquête administrative, en sollicitant leur traitement confidentiel et en indiquant au Tribunal de la fonction publique que, dans l’hypothèse où il estimerait nécessaire de communiquer lesdits procès-verbaux à la requérante, elle lui en ferait parvenir une version non confidentielle. Troisièmement, la BCE a précisé qu’elle n’était pas en mesure de fournir une copie signée des 45 procès-verbaux susmentionnés, car l’original du dossier d’enquête avait été détruit conformément au programme de conservation des documents de la BCE. Le courrier du 19 janvier 2016 a été versé au dossier et signifié à la requérante, contrairement à ses annexes.

31      Le 27 janvier 2016, le Tribunal de la fonction publique a demandé à la BCE, en application de l’article 47 de son règlement de procédure alors en vigueur, de produire la version non confidentielle des 45 procès-verbaux d’audition des témoins communiqués le 19 janvier 2016. La BCE a déféré à cette demande le 18 février 2016. Ces documents (ci-après les « 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 ») ont été versés au dossier et signifiés à la requérante.

32      Le 27 avril 2016, la requérante a déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique des observations écrites complémentaires (ci-après les « observations écrites complémentaires du 27 avril 2016 »), ainsi qu’elle y avait été précédemment invitée en application de l’article 130, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, dans lesquelles elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        annuler la décision attaquée du 24 novembre 2009 et, si nécessaire, la décision attaquée du 24 mars 2010 ;

–        dans tous les cas, condamner la BCE à réparer les préjudices moral et matériel subis, évalués respectivement, ex æquo et bono, à 70 000 euros et à 15 000 euros ;

–        condamner la BCE aux dépens.

33      Le 30 juin 2016, la BCE a déposé au greffe du Tribunal de la fonction publique des observations complémentaires, dans lesquelles elle a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les conclusions de la requérante ;

–        rejeter la demande de réparation des préjudices moral et matériel dont la requérante se prétend victime ;

–        condamner la requérante à l’intégralité des dépens.

34      En annexe aux observations complémentaires du 30 juin 2016, la BCE a également produit la version non confidentielle du document intitulé « Information for the purpose of the administrative inquiry » (Informations aux fins de l’enquête administrative), adressé à l’un des témoins auditionnés dans le cadre de l’enquête administrative de 2008. Ce document d’information a été versé au dossier et signifié à la requérante.

35      Par courrier du 8 juillet 2016, la requérante a produit une nouvelle offre de preuve, laquelle a été versée au dossier et signifiée à la BCE.

36      Par courrier du 15 juillet 2016, le Tribunal de la fonction publique a demandé à la BCE, en application de l’article 47, paragraphe 2, de son règlement de procédure, de produire, au plus tard le 1er août 2016, les versions confidentielle et non confidentielle des 45 documents d’information signés par chacun des témoins préalablement à leur audition.

37      La BCE a présenté des observations sur la nouvelle offre de preuve de la requérante (voir point 35 ci-dessus) par courrier du 22 juillet 2016, enregistré par le Tribunal de la fonction publique le 28 juillet 2016 (ci-après le « courrier du 22 juillet 2016 »). En outre, elle a annexé au courrier du 22 juillet 2016, d’une part, les versions confidentielle et non confidentielle des 45 documents d’information signés par chacun des témoins auditionnés, sollicitées par le Tribunal de la fonction publique par courrier du 15 juillet 2016 (voir point 36 ci-dessus), et, d’autre part, plusieurs autres documents produits spontanément.

38      Le Tribunal de la fonction publique n’a pas pris de décision concernant le versement au dossier des documents mentionnés au point 37 ci-dessus.

39      À compter du 1er septembre 2016, la présente affaire a été transférée au Tribunal, conformément à l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137).

40      En raison de ce transfert, la présente affaire s’est vu attribuer le numéro d’affaire T‑483/16 RENV.

41      Le 16 février 2017, le Tribunal a invité la BCE, par une mesure d’organisation de la procédure adoptée sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, à indiquer si les 45 documents d’information annexés au courrier du 22 juillet 2016 contenaient des informations confidentielles à l’égard de la requérante et, le cas échéant, à procéder spontanément au retrait des versions confidentielle et non confidentielle des 45 documents d’information annexés au courrier du 22 juillet 2016 et à lui soumettre une seule version des 45 documents d’information pouvant être versée au dossier de l’affaire et signifiée à la requérante.

42      La BCE a déféré à cette demande dans le délai imparti. Ainsi, par lettre du 9 mars 2017, d’une part, la BCE a indiqué procéder au retrait de l’ensemble des documents annexés au courrier du 22 juillet 2016, y compris les documents communiqués spontanément le 22 juillet 2016 (voir point 37 ci-dessus). D’autre part, elle a adressé au Tribunal la version non confidentielle des 45 documents d’information sollicitée par le Tribunal de la fonction publique par courrier du 15 juillet 2016 (voir point 36 ci-dessus) ainsi qu’une version non confidentielle de 30 procès-verbaux d’audition des témoins auditionnés lors de l’enquête administrative signés en 2016 (ci-après les « 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 »), laquelle comportait moins de passages noircis que celle des 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 (voir point 31 ci-dessus). La BCE a en outre précisé qu’elle ne produisait pas de version confidentielle de l’ensemble des documents susmentionnés afin que celle-ci ne soit pas communiquée à la requérante.

43      Les courriers du 22 juillet 2016 et du 9 mars 2017 ont été versés au dossier de la procédure et signifiés à la requérante, ainsi que l’ensemble des documents annexés au courrier du 9 mars 2017.

44      En définitive ont été versés au dossier et signifiés à la requérante, premièrement, les 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016, deuxièmement, les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 et, troisièmement, la version non confidentielle des 45 documents d’information signés par les témoins auditionnés (voir points 31 et 42 ci-dessus).

45      Par courrier du 2 mai 2017, tout d’abord, la requérante a soulevé, en application de l’article 85, paragraphes 1 à 3, du règlement de procédure, l’irrecevabilité des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 en raison de la tardiveté de cet envoi et de son absence de justification. En outre, elle a sollicité du Tribunal qu’il l’autorise à présenter des observations sur les documents précités dans l’hypothèse où il les déclarerait recevables.

46      Le courrier du 2 mai 2017 a été versé au dossier et la BCE a été invitée à présenter ses observations sur la fin de non-recevoir soulevée par la requérante.

47      Par courrier du 31 mai 2017, la BCE a présenté ses observations sur cette fin de non-recevoir.

48      Par décision du 7 août 2017, le Tribunal (quatrième chambre) a adopté une mesure d’organisation de la procédure, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, aux fins d’interroger les parties sur leur éventuel souhait d’être entendues dans le cadre d’une audience. Le délai qui leur a été imparti pour répondre à ladite question expirait le 28 août 2017.

49      La requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti par courrier du 28 août 2017, dans lequel elle a notamment indiqué que, en application du principe d’économie de la procédure, elle n’estimait pas nécessaire la tenue d’une audience.

50      Par courrier du 12 septembre 2017, envoyé après l’expiration du délai imparti par le Tribunal, la BCE a également considéré que la tenue d’une audience n’était pas nécessaire. Dans ce courrier, la BCE a en outre fait valoir que la réponse de la requérante à la question écrite du Tribunal s’apparentait à des conclusions écrites et, partant, ne devrait pas être versée au dossier.

51      Le 21 novembre 2017, le 20 décembre 2018 et le 27 juin 2019, le Tribunal a adressé trois nouvelles séries de questions aux parties au titre de mesures d’organisation de la procédure, en application de l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, auxquelles les parties ont déféré dans les délais impartis.

52      Par mesure d’organisation de la procédure du 26 juillet 2019, le Tribunal a invité chacune des parties à présenter ses observations sur les réponses de l’autre partie aux questions écrites du Tribunal du 27 juin 2019. Les parties ont déféré à cette demande dans les délais impartis.

 Sur la recevabilité

 Observations liminaires

 Sur les règles de procédure applicables à la procédure de renvoi

53      Eu égard à la dissolution du Tribunal de la fonction publique, à compter du 1er septembre 2016, la présente affaire a été transférée au Tribunal conformément à l’article 3 du règlement 2016/1192, lequel dispose ce qui suit :

« Les affaires pendantes devant le Tribunal de la fonction publique à la date du 31 août 2016 sont transférées au Tribunal. Elles continuent à être traitées par le Tribunal dans l’état où elles se trouvent à cette date et conformément à son règlement de procédure […] »

54      En conséquence, le règlement de procédure s’applique pour toute question de procédure dont le fait générateur est postérieur au 1er septembre 2016.

55      En revanche, les questions afférentes à la recevabilité du recours de la requérante doivent être appréciées au regard des règles de procédure applicables au moment de l’introduction de ce recours et, partant, en l’espèce, au regard du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique dans sa version applicable au moment de l’introduction du recours initial (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2017, Knöll/Europol, T‑563/16, non publié, EU:T:2017:665, point 25), soit, en l’espèce, celle du 25 juillet 2007 (JO 2007, L 225, p. 1).

56      Enfin, les questions procédurales afférentes à la procédure de renvoi antérieure au 1er septembre 2016 doivent être réglées sur le fondement du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique dans sa version applicable à l’époque, soit la version du 14 juillet 2014 (JO 2014, L 206, p.1).

 Sur l’objet du litige après renvoi

57      En application de l’article 128 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique du 14 juillet 2014,  lorsque le Tribunal annule un arrêt ou une ordonnance du Tribunal de la fonction publique et décide de renvoyer devant ce dernier le jugement de l’affaire en vertu de l’article 13 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le Tribunal de la fonction publique est saisi par l’arrêt de renvoi.

58      Aux termes de l’article 13 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (abrogé par le règlement 2016/1192) :

« 1. Lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et statue lui-même sur le litige. Il renvoie l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé.

2. En cas de renvoi, le Tribunal de la fonction publique est lié par les points de droit tranchés par la décision du Tribunal. »

59      Ainsi, à la suite de l’annulation par le Tribunal de l’arrêt initial et du renvoi de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique, celui-ci était saisi, en application de l’article 13 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 128 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique du 14 juillet 2014, par l’arrêt sur pourvoi et devait se prononcer une nouvelle fois sur l’ensemble des moyens d’annulation soulevés par la partie requérante, à l’exclusion des éléments du dispositif non annulés par le Tribunal ainsi que des considérations qui constituent le fondement nécessaire desdits éléments, ceux-ci étant passés en force de chose jugée (voir, par analogie, arrêt du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission, T‑236/02, EU:T:2011:465, point 83).

60      En l’espèce, le point 1 du dispositif de l’arrêt sur pourvoi a annulé l’arrêt initial après avoir, d’une part, accueilli partiellement les deuxième et cinquième branches du premier moyen du pourvoi, par lesquelles, en substance, la requérante soutenait que le Tribunal de la fonction publique avait méconnu l’obligation de motivation ainsi que son droit à un recours juridictionnel effectif à défaut de l’avoir mise en mesure de prendre connaissance du dossier d’enquête, en l’empêchant ainsi de défendre ses droits de manière satisfaisante au cours de la procédure juridictionnelle (arrêt sur pourvoi, points 30 et 52), et, d’autre part, accueilli le deuxième moyen du pourvoi, par lequel la requérante soutenait que le Tribunal de la fonction publique avait rejeté à tort sa demande visant à enjoindre à la BCE de produire le dossier d’enquête, y compris les annexes et les procès-verbaux litigieux (arrêt sur pourvoi, points 31 et 52). Cependant, l’arrêt sur pourvoi a écarté la première branche du premier moyen du pourvoi ainsi que, partiellement, la deuxième branche de celui-ci en considérant, en substance, que le Tribunal de la fonction publique n’avait pas commis d’erreur en estimant que les droits de la défense de la requérante, y compris le droit d’être entendu, et le principe du contradictoire n’avaient pas été violés en l’espèce (voir points 19 et 20 ci-dessus).

61      Enfin, aux points 54 et 55 de l’arrêt sur pourvoi, le Tribunal a estimé que, « le litige n’étant pas en état d’être jugé, il y a[vait] lieu de renvoyer l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, au vu du dossier d’enquête et, en particulier, des procès-verbaux des témoignages annexés au rapport d’enquête, sur le recours introduit devant lui par la requérante ».

62      Il résulte de ce qui précède que le Tribunal est appelé à statuer à nouveau sur l’ensemble des chefs de conclusions et des moyens d’annulation soulevés par la requérante dans son recours initial, à l’exception des griefs tirés de la violation des droits de la défense, y compris du droit d’être entendu, et de la violation du principe du contradictoire, invoqués au soutien du premier moyen de la requête, lesquels ont été définitivement rejetés par l’arrêt sur pourvoi (voir points 20 et 60 ci-dessus).

63      Enfin, il convient de relever que, au point 125 des observations écrites complémentaires du 27 avril 2016, la requérante a indiqué qu’elle « [modifiait] ses conclusions, notamment pour se conformer à [l’arrêt initial] (points 42 à 44) ».

64      En réponse à une question écrite du Tribunal du 20 décembre 2018, la requérante a confirmé qu’elle s’était désistée du deuxième chef de conclusions de la requête, par lequel elle demandait au Tribunal de la fonction publique de faire droit aux demandes qu’elle avait formulées dans la plainte tendant, concrètement, à ce qu’il soit mis fin à toute forme de discrimination et de harcèlement moral à son égard et à ce que le directeur général DG-P retire par écrit ses déclarations offensantes et ses menaces (voir point 12 ci-dessus).

65      Il y a donc lieu de prendre acte du désistement de la requérante en ce qui concerne le deuxième chef de conclusions rappelé au point 64 ci-dessus.

 Sur la portée des conclusions en annulation et sur la recevabilité des conclusions en annulation contre la décision attaquée du 24 mars 2010

66      Par le présent recours, la requérante sollicite notamment du Tribunal l’annulation de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et, si nécessaire, de la décision attaquée du 24 mars 2010.

67      Par une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé aux parties de faire connaître leur position sur la recevabilité du recours en ce qu’il est dirigé contre la décision attaquée du 24 mars 2010, au regard de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique du 25 juillet 2007. Dans sa réponse datée du 14 juillet 2019, la BCE a indiqué, en substance, que le recours, en ce qu’il était dirigé contre cette décision, ne remplissait pas les conditions de recevabilité de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique du 25 juillet 2007, à défaut pour la requérante d’avoir invoqué un quelconque moyen au soutien de sa demande d’annulation.

68      La requérante prétend que le recours dirigé contre la décision attaquée du 24 mars 2010 est recevable pour deux raisons. Premièrement, la requête ferait explicitement référence à cette décision. Deuxièmement, il découlerait de la jurisprudence que les conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome.

69      Aux termes de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique du 25 juillet 2007, la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne contient, notamment, les moyens et les arguments de fait et de droit invoqués.

70      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version issue du règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés (JO 2004, L 124, p. 1), entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « statut »), et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, points 7 et 8, et du 12 décembre 2018, SH/Commission, T‑283/17, EU:T:2018:917, point 37), sauf dans l’hypothèse dans laquelle le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêts du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T‑281/04, EU:T:2006:334, point 26, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 70).

71      En effet, une décision explicite de rejet d’une réclamation peut, eu égard à son contenu, ne pas avoir un caractère confirmatif de l’acte contesté par la partie requérante. Tel est le cas lorsque la décision de rejet de la réclamation contient un réexamen de la situation de la partie requérante, en fonction d’éléments de droit et de faits nouveaux, ou lorsqu’elle modifie ou complète la décision initiale. Dans ces hypothèses, le rejet de la réclamation constitue un acte soumis au contrôle du juge, qui le prend en considération dans l’appréciation de la légalité de l’acte contesté, voire le considère comme un acte faisant grief se substituant à ce dernier (voir arrêt du 21 septembre 2011, Adjemian e.a./Commission, T‑325/09 P, EU:T:2011:506, point 32 et jurisprudence citée).

72      Étant donné que, dans le système du statut, l’intéressé doit présenter une réclamation contre la décision qu’il conteste et introduire un recours contre la décision portant rejet de cette réclamation, la Cour a jugé le recours recevable, qu’il soit dirigé contre la seule décision objet de la réclamation, contre la décision portant rejet de la réclamation ou contre ces deux décisions conjointement, pour autant que la réclamation et le recours ont été formés dans les délais prévus par les dispositions applicables (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, point 7). Toutefois, conformément au principe d’économie de la procédure, le juge peut décider qu’il n’y a pas lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation lorsqu’il constate que celles-ci sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été présentée (voir arrêt du 21 février 2018, LL/Parlement, C‑326/16 P, EU:C:2018:83, point 38 et jurisprudence citée).

73      Par ailleurs, il convient de relever que, aux termes de l’article 9, sous c), des conditions d’emploi, « [l]es principes consacrés par les règlements, les règles et la jurisprudence applicables au personnel des institutions [de l’Union] sont dûment pris en considération pour l’interprétation des droits et obligations prévus par les […] conditions d’emploi ».

74      En outre, il convient de rappeler que l’article 41 des conditions d’emploi et l’article 8.1 des règles applicables au personnel de la BCE instituent une procédure précontentieuse dont le respect constitue une condition préalable à l’introduction de tout recours juridictionnel contre les décision ou actes de la BCE. Conformément à l’article 8.1 des règles applicables au personnel de la BCE, la procédure précontentieuse comporte deux phases : d’une part, une procédure de contrôle administratif et, d’autre part, une procédure de réclamation ou une procédure de recours spécial en fonction de l’organe de la BCE ayant adopté la décision contestée.

75      Ainsi, dans la mesure où les conditions de recevabilité des recours introduits devant la Cour de justice de l’Union européenne contre les décisions ou actes de la BCE, prévues dans le corpus normatif applicable aux agents de la BCE, présentent certaines analogies avec celles prévues par l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut, il y a lieu d’appliquer par analogie la jurisprudence rappelée aux points 70 à 72 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, AX/BCE, F‑73/13, EU:F:2015:9, point 103).

76      En l’espèce, bien que la décision attaquée du 24 mars 2010 confirme la décision attaquée du 24 novembre 2009 et, partant, ne modifie pas le dispositif de celle-ci, cette décision n’est pas pour autant totalement dépourvue de contenu autonome. En effet, tout en confirmant le bien-fondé de la décision attaquée du 24 novembre 2009, le directoire de la BCE, tout d’abord, a indiqué, pour la première fois dans la décision attaquée du 24 mars 2010, que les évaluations annuelles de la requérante antérieures à 2007 contenaient certaines critiques à son égard et étaient donc nuancées, alors que la décision attaquée du 24 novembre 2009 ne comportait aucune appréciation sur les compétences professionnelles de la requérante. Ensuite, la décision attaquée du 24 mars 2010 émet des doutes quant à la recevabilité du recours spécial. Enfin, elle rejette les critiques de la requérante concernant la prétendue impartialité du panel et l’absence de respect de son mandat.

77      La décision attaquée du 24 mars 2010 est donc dotée, pour partie, d’un contenu autonome par rapport à la décision attaquée du 24 novembre 2009.

78      Dans ces conditions, d’une part, il y a lieu de statuer sur les conclusions en annulation de la décision attaquée du 24 novembre 2009 sans qu’il soit nécessaire de statuer sur celles dirigées contre la décision attaquée du 24 mars 2010 qui sont dépourvues de contenu autonome.

79      D’autre part, il y a lieu de statuer spécifiquement sur les conclusions en annulation dirigées contre la décision attaquée du 24 mars 2010, dans la mesure où cette décision complète la motivation de la décision attaquée du 24 novembre 2009 en concluant à l’absence de violation par le panel de son mandat, à l’impartialité de celui-ci ainsi que, en substance, à l’existence de difficultés professionnelles de la requérante antérieures à 2007 (voir point 76 ci-dessus).

80      À cet égard, contrairement à ce que prétend la BCE, force est de constater que, dans la requête, la requérante a soulevé des griefs au soutien des conclusions en annulation dirigées contre la partie de la décision attaquée du 24 mars 2010 dotée d’un contenu autonome. En effet, dans le cadre du deuxième moyen, elle a invoqué la violation par le panel de son mandat. En outre, dans le cadre de la seconde branche du troisième moyen, elle a fait grief à la décision attaquée du 24 mars 2010 de la diffamer davantage et de s’être appuyée sur des extraits de ses évaluations annuelles qui lui seraient défavorables en ce qu’ils seraient modifiés ou sortis de leur contexte. Enfin, dans la réplique, la requérante a invoqué la partialité du panel en tant qu’élément qui démontrerait la violation du devoir d’assistance au cas d’espèce.

81      Eu égard à ce qui précède, le recours est recevable en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée du 24 mars 2010, en tant qu’elle est dotée d’un contenu autonome.

 Sur les fins de non-recevoir invoquées par la BCE dans le mémoire en défense

82      Dans le mémoire en défense, la BCE a soulevé cinq fins de non-recevoir, tirées, respectivement, du non-respect de la procédure précontentieuse et du délai concernant l’introduction du recours spécial, de l’absence d’acte faisant grief, d’une situation de litispendance ainsi que de la violation de la « règle de concordance entre la réclamation et le recours ».

83      En réponse à une question écrite du Tribunal du 27 juin 2019, la BCE a indiqué que la situation de litispendance qu’elle contestait dans le mémoire en défense avait disparu à la suite du prononcé des deux arrêts du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑84/08, EU:F:2010:134), et du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑96/08, EU:F:2010:135). Cette appréciation étant exempte d’erreur, il n’y a plus lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de la litispendance.

 Sur le non-respect de la procédure précontentieuse, du délai applicable aux recours spéciaux et de la règle de « concordance entre la réclamation et le recours »

84      La BCE soutient que la requête est irrecevable à défaut pour la requérante d’avoir introduit un recours spécial conformément à l’article 41 des conditions d’emploi et à l’article 8.1.6 des règles applicables au personnel de la BCE. En effet, le recours spécial introduit par la lettre du 29 janvier 2010 consisterait en une « série de remarques générales » et vagues, l’essentiel de l’argumentation étant exposée dans des annexes communiquées par la requérante après l’expiration du délai de deux mois prévu pour l’introduction du recours spécial et qui seraient donc, de ce fait, irrecevables. Par ailleurs, la BCE soutient que les moyens d’annulation soulevés dans la requête, tirés de l’erreur manifeste d’appréciation, de la violation de la notion de harcèlement moral ainsi que de la méconnaissance de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006, de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE ainsi que des articles 51 et 52 des conditions d’emploi, ne seraient pas recevables, car ils n’auraient pas été précédemment invoqués dans le recours spécial.

85      La requérante conteste ces fins de non-recevoir.

86      L’article 8.1.6 des règles applicables au personnel de la BCE établit que le recours spécial doit être introduit par un membre du personnel dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle la décision du directoire lui a été notifiée par le biais d’un recours spécial adressé au président de la BCE. Cette demande doit être accompagnée de toute pièce pertinente et doit énoncer clairement les motifs ayant conduit à contester la décision ainsi que les mesures correctives sollicitées.

87      Il ressort de ce qui précède que la procédure de recours spécial n’est pas assujettie à des conditions de forme strictes, à l’instar de la procédure de réclamation prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

88      Il convient également de rappeler que, puisque la procédure précontentieuse a un caractère informel et que les intéressés agissent en général, à ce stade, sans le concours d’un avocat, l’administration ne doit pas interpréter les réclamations de façon restrictive, mais doit, au contraire, les examiner dans un esprit d’ouverture. En effet, l’article 90 du statut n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, la phase contentieuse éventuelle, dès lors que le recours contentieux ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 76).

89      Toutefois, pour que la procédure précontentieuse prévue par l’article 90, paragraphes 1 et 2, du statut puisse atteindre son objectif, il faut que l’autorité en cause soit en mesure de connaître de façon suffisamment précise les critiques que les intéressés formulent à l’encontre de la décision contestée (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2013, Commission/Moschonaki, T‑476/11 P, EU:T:2013:557, point 77).

90      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la règle de la concordance entre la réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’autorité compétente ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2014, Kimman/Commission, T‑644/11 P, EU:T:2014:613, point 43 et jurisprudence citée).

91      Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, qui est de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (voir arrêt du 4 juillet 2014, Kimman/Commission, T‑644/11 P, EU:T:2014:613, point 44 et jurisprudence citée).

92      Il s’ensuit que, dans les recours introduits par des fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (voir arrêt du 4 juillet 2014, Kimman/Commission, T‑644/11 P, EU:T:2014:613, point 45 et jurisprudence citée).

93      Enfin, il ressort des points 73 à 75 ci-dessus que les principes susmentionnés régissant la procédure précontentieuse visée à l’article 90 du statut s’appliquent, mutatis mutandis, à la procédure précontentieuse prévue aux articles 41 et 42 des conditions d’emploi et à l’article 8.1 des règles applicables au personnel de la BCE, laquelle poursuit la même finalité, à savoir la recherche d’un règlement amiable au conflit opposant l’administration à un fonctionnaire ou agent.

94      En premier lieu, contrairement à ce que prétend la BCE, le recours spécial formé par la requérante sur le fondement de l’article 8.1.6 des règles applicables au personnel de la BCE expose de manière suffisamment claire son objet ainsi que les motifs qui le fondent.

95      En effet, la lettre du 29 janvier 2010 adressée par le conseil de la requérante au président de la BCE vise clairement à contester la décision attaquée du 24 novembre 2009 au motif que la procédure d’enquête administrative préalable à son adoption n’aurait pas été transparente, que cette décision serait insuffisamment motivée, qu’elle aurait méconnu le principe de sollicitude ainsi que le devoir d’assistance et qu’elle aurait été adoptée à la suite d’une enquête incomplète et sans qu’il soit établi que la BCE aurait effectivement pris connaissance du rapport d’enquête.

96      En conséquence, par la lettre du 29 janvier 2010, la requérante a contesté la décision attaquée du 24 novembre 2009 en invoquant une série de griefs mettant en cause tant la légalité au fond de cette décision que sa validité formelle, y compris ses aspects procéduraux.

97      Dès lors, contrairement à ce que prétend la BCE, le recours spécial respecte suffisamment les exigences de précision requises par la jurisprudence rappelée au point 89 ci-dessus.

98      En deuxième lieu, c’est à tort que la BCE prétend que le délai d’introduction du recours spécial aurait été violé en l’espèce au motif que l’essentiel de l’argumentation de la requérante aurait été développée dans des annexes du recours spécial déposées quatre jours après l’expiration de ce délai.

99      En l’espèce, d’une part, il n’est pas contesté que le recours spécial a été introduit dans le délai de deux mois prévu à l’article 8.1.6 des règles applicables au personnel de la BCE. D’autre part, ainsi qu’il a été conclu au point 97 ci-dessus, le recours spécial a été valablement formé malgré la tardiveté de ses annexes.

100    Nonobstant ce qui précède, il y a lieu de relever que les annexes susmentionnées n’ont pas une fonction purement probatoire, car elles complètent l’argumentation de la requérante au soutien du recours spécial. Ainsi, dans la mesure où ces annexes ont été produites après l’expiration du délai d’introduction du recours spécial, l’argumentation qu’elles contiennent était tardive et la BCE n’a pas commis d’erreur de droit en refusant d’en tenir compte.

101    En troisième lieu, s’agissant de la prétendue absence de concordance entre le recours spécial et la requête, d’une part, il ressort des points 95 et 96 ci-dessus que, dans le recours spécial, la requérante a invoqué des moyens et des arguments visant à contester tant la légalité au fond de la décision attaquée du 24 novembre 2009 que la validité formelle de celle-ci. D’autre part, force est de constater que l’ensemble des moyens et des arguments invoqués au soutien du présent recours se rattachent étroitement aux moyens et arguments invoqués au soutien du recours spécial.

102    Ainsi, en application de la jurisprudence rappelée au point 92 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la règle de concordance n’a pas été violée en l’espèce.

103    Eu égard à ce qui précède, les fins de non-recevoir tirées du non-respect de la procédure précontentieuse, du délai applicable aux recours spéciaux et de la règle de « concordance entre la réclamation et le recours » doivent être rejetées.

 Sur l’absence d’acte faisant grief

104    La BCE prétend que la décision attaquée du 24 novembre 2009 ne modifie pas la situation juridique de la requérante et, partant, ne constituerait pas un acte faisant grief.

105    La requérante conteste cette fin de non-recevoir.

106    Il ressort de la jurisprudence qu’une décision rejetant une demande d’assistance en raison d’un prétendu harcèlement moral constitue un acte faisant grief au demandeur (voir arrêt du 16 décembre 2015, De Loecker/SEAE, F‑34/15, EU:F:2015:153, point 42 et jurisprudence citée).

107    La décision attaquée du 24 novembre 2009 clôturant l’enquête administrative et rejetant la demande d’assistance de la requérante constitue, par conséquent, un acte lui faisant grief.

108    Dès lors, la fin de non-recevoir de la BCE doit être rejetée.

 Sur la recevabilité de la demande indemnitaire additionnelle et du moyen nouveau invoqués par la requérante lors de la procédure de renvoi 

109    Dans les observations écrites complémentaires du 27 avril 2016, la requérante a sollicité la condamnation de la BCE au paiement d’une indemnité supplémentaire de 20 000 euros. Cette demande est fondée sur un moyen nouveau, tiré, en substance, de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif et des droits de la défense de la requérante résultant de la destruction des procès-verbaux litigieux.

110    Dans sa réponse du 14 décembre 2017 à une question écrite du Tribunal, la BCE a soulevé l’irrecevabilité de ce moyen nouveau. En outre, dans sa réponse du 16 janvier 2019 à une question écrite du Tribunal, la BCE a soulevé l’irrecevabilité de la nouvelle demande indemnitaire. À cet égard, elle prétend que la demande susmentionnée est par définition nouvelle, car il ressort du point 125 des observations écrites complémentaires du 27 avril 2016que l’augmentation du montant de l’indemnité sollicité initialement viserait à « se conformer à [l’arrêt initial] (points 42 à 44) ». En outre, il découlerait du point 125 des observations écrites complémentaires du 27 avril 2016 que cette demande serait liée à la destruction du dossier d’enquête et, partant, concernerait un acte distinct de celui visé par le recours initial.  

111    Dans sa réponse du 18 janvier 2019 à une question écrite du Tribunal, la requérante a fait valoir que l’augmentation du montant des dommages et intérêts ne constituait pas une demande nouvelle. En effet, la destruction du dossier d’enquête viendrait accroître son sentiment d’injustice, car elle aurait souffert en apprenant que le dossier d’enquête avait été détruit conformément à la politique de conservation des documents de la BCE. En outre, en substance, ladite destruction porterait atteinte à ses droits procéduraux et, tout particulièrement, à ses droits de la défense, méconnaîtrait l’arrêt sur pourvoi et entraverait l’exercice d’un contrôle juridictionnel effectif par le Tribunal.  

112    Selon une jurisprudence constante, les parties ne sont pas recevables à présenter de nouvelles demandes après l’introduction de la requête et, a fortiori, après l’arrêt de renvoi, sous peine de modifier l’objet du litige tel que déterminé par les conclusions présentées dans la requête (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1996, Chehab/Commission, T‑10/95, EU:T:1996:42, point 66, et du 14 septembre 2011, Marcuccio/Commission, T‑236/02, EU:T:2011:465, points 88 et 215).

113    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans sa réponse du 14 décembre 2017 à une question écrite du Tribunal, la BCE a indiqué que la destruction du dossier d’enquête était intervenue le 23 décembre 2014.

114    Par ailleurs, force est de constater, d’une part, que la demande visant une augmentation de 20 000 euros du montant des dommages et intérêts réclamés dans la requête a été formée dans les observations écrites complémentaires du 27 avril 2016, c’est-à-dire après l’arrêt sur pourvoi et, d’autre part, qu’elle trouve son origine dans la destruction du dossier d’enquête par la BCE et non dans les décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010, qui lui sont antérieures. Il s’agit donc d’une demande nouvelle qui, en application de la jurisprudence rappelée au point 112 ci-dessus, est irrecevable.

115    Au surplus, la demande d’indemnisation additionnelle mentionnée au point 109 ci-dessus ne se rapporte pas à un préjudice résultant des décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010, mais à une faute prétendument commise par la BCE. Or, la requérante n’a pas indiqué qu’elle aurait introduit, à cet égard, une demande de contrôle administratif suivie d’une réclamation ou d’un recours spécial conformément à l’article 41 des conditions d’emploi et à l’article 8.1 des règles applicables au personnel de la BCE (voir point 74 ci-dessus). Partant, la demande d’indemnisation additionnelle est également irrecevable pour ce motif (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 février 2019, L/Parlement, T‑91/17, non publié, EU:T:2019:93, point 68).

116    Dès lors, la demande d’indemnité supplémentaire de 20 000 euros doit être rejetée comme étant irrecevable.

117    Eu égard à ce qui précède, il n’y a pas lieu de se prononcer sur le moyen nouveau, tiré de la violation du droit à un recours juridictionnel effectif et d’une violation des droits de la défense de la requérante du fait de la destruction de l’original du dossier d’enquête, ni sur sa recevabilité, également contestée par la BCE dans sa réponse du 14 décembre 2017 à une question écrite du Tribunal, dans la mesure où ce moyen a été invoqué au soutien de la demande d’indemnité supplémentaire de 20 000 euros qui est irrecevable (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 juillet 2017, DD/FRA, T‑742/15 P, non publié, EU:T:2017:528, point 36).

 Sur la recevabilité des documents communiqués spontanément par la BCE le 9 mars 2017

118    Dans un courrier du 2 mai 2017, la requérante a contesté la recevabilité des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017, datés et signés en 2016. En effet, selon elle, ces documents constitueraient des offres de preuves nouvelles dont le caractère tardif n’aurait pas été justifié par la BCE et, partant, seraient irrecevables en application de l’article 85 du règlement de procédure. À cet égard, d’une part, elle souligne qu’il ressort des dates auxquelles lesdits procès-verbaux ont été signés par les témoins que la BCE aurait disposé desdits documents avant le dépôt des observations complémentaires du 30 juin 2016. Partant, elle soutient que la production des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017, intervenue après les observations complémentaires du 30 juin 2016, ne serait pas justifiée, tout en précisant que ces procès-verbaux auraient été produits spontanément et non en réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal. D’autre part, elle indique, en substance, que, depuis l’arrêt sur pourvoi, la BCE savait qu’elle aurait dû produire les procès-verbaux litigieux devant la juridiction de renvoi et qu’elle avait disposé de plusieurs mois pour le faire (de septembre 2015 à février 2016).

119    La BCE conteste les arguments de la requérante. Premièrement, elle fait valoir, en substance, que l’article 85 du règlement de procédure ne serait pas applicable en l’espèce dans la mesure où elle n’aurait pas produit de « preuves » au sens dudit article, mais des documents aux fins de se conformer à l’arrêt sur pourvoi et, partant, afin de permettre au Tribunal de la fonction publique de vérifier « qu’il n’existait aucune contradiction entre le rapport d’enquête et les procès-verbaux [litigieux] ». Selon elle, la référence à l’article 85 du règlement de procédure serait donc inopérante en l’espèce. Deuxièmement, dans l’hypothèse où l’article 85 du règlement de procédure s’appliquerait aux circonstances de l’espèce, ce que la BCE conteste, la production des documents en cause ne serait pas tardive et serait pleinement justifiée. À cet égard, elle soutient que, le 19 janvier 2016, au début de la procédure de renvoi, elle avait adressé au Tribunal de la fonction publique les 45 procès-verbaux d’audition des témoins interrogés dans le cadre de l’enquête administrative. En outre, une version régularisée desdits témoignages aurait été produite dans le délai imparti à cet effet par le Tribunal de la fonction publique. Or, du fait du transfert de la présente affaire au Tribunal, ce dernier lui aurait demandé, au moyen d’une mesure d’organisation de la procédure, de lui adresser une version non confidentielle des documents qu’elle avait déjà envoyés au Tribunal de la fonction publique, étant donné que le Tribunal aurait décidé de ne verser au dossier aucun des documents précédemment communiqués. Elle prétend donc s’être conformée à la demande susmentionnée du Tribunal.

120    Aux termes de l’article 85 du règlement de procédure, les preuves sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. Toutefois, selon l’article 85, paragraphe 3, du même règlement, à titre exceptionnel, les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

121    À titre liminaire, les documents visés par la fin de non-recevoir soulevée par la requérante, à savoir les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017, ont été produits postérieurement à la dissolution du Tribunal de la fonction publique intervenue le 1er septembre 2016 (voir point 53 ci-dessus).

122    Dès lors, en application de l’article 3 du règlement 2016/1192, la recevabilité des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 doit être appréciée au regard des dispositions du règlement de procédure (voir points 53 et 54 ci-dessus).

123    Par ailleurs, en premier lieu, la BCE n’est pas fondée à soutenir que les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 auraient été produits aux fins d’exécuter l’arrêt sur pourvoi de sorte qu’ils ne constitueraient pas des « preuves » au sens de l’article 85 du règlement de procédure.

124    À cet égard, il convient de relever que, aux fins d’exécuter l’arrêt sur pourvoi, la BCE a adressé au Tribunal de la fonction publique les 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 (voir point 31 ci-dessus).

125    En revanche, les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 ont été produits plus d’un an et demi après l’arrêt sur pourvoi aux fins d’infirmer l’argument, invoqué par la requérante dans les observations écrites complémentaires du 27 avril 2016, tiré, en substance, de l’absence d’authenticité et de caractère probant des 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 au motif qu’ils n’étaient ni signés ni datés.

126    Les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 constituent donc des offres de preuve au sens de l’article 85 du règlement de procédure.

127    Dès lors, l’argument de la BCE doit être rejeté.

128    En deuxième lieu, la BCE soutient que les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 ont été, en tout état de cause, produits pour se conformer à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, qui lui aurait demandé de fournir une version non confidentielle des documents qu’elle avait précédemment envoyés au Tribunal de la fonction publique.

129    Par une mesure d’organisation de la procédure du 16 février 2017 (voir point 41 ci-dessus), le Tribunal a demandé à la BCE d’indiquer si les versions confidentielle et non confidentielle des 45 documents d’information annexés à son courrier du 22 juillet 2016 contenaient des informations confidentielles à l’égard de la requérante, auquel cas le Tribunal a invité la BCE à procéder volontairement au retrait des documents susmentionnés et à lui fournir une seule version de ces documents pouvant être signifiée à la requérante.

130    Contrairement à ce que prétend la BCE, par cette mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal n’a pas sollicité la production des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017.

131    L’argument de la BCE est donc erroné en fait et doit être rejeté.

132    En troisième lieu, il convient de relever que les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 constituent des offres de preuve produites, d’une part, postérieurement au transfert de la présente affaire au Tribunal (voir point 121 ci-dessus) et, d’autre part, avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure.

133    En conséquence, en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la BCE pouvait encore communiquer de nouvelles offres de preuve à condition de justifier ce retard (voir point 120 ci-dessus).

134    À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que, dans le courrier du 22 juillet 2016, la BCE a indiqué qu’elle y avait annexé, d’une part, les versions confidentielle et non confidentielle des 45 documents d’information sollicitées par le Tribunal de la fonction publique par le biais d’une mesure d’organisation de la procédure du 15 juillet 2016 et, d’autre part, d’autres documents, dont des nouvelles copies des procès-verbaux litigieux, datées et signées en 2016 par un certain nombre de témoins. Dans ce courrier, la BCE a précisé qu’elle n’avait pas pu produire avant ces nouvelles copies des procès-verbaux litigieux, car il lui avait fallu beaucoup de temps pour retrouver les témoins concernés, tout en précisant que certains d’entre eux ne travaillaient plus à la BCE ou n’étaient plus en service et qu’un témoin était même décédé. De surcroît, elle a informé le Tribunal qu’elle attendait toujours le retour de certains témoins et qu’elle se réservait donc la possibilité de communiquer, par la suite, d’autres copies signées des procès-verbaux litigieux.

135    Ensuite, nonobstant le retrait volontaire, par la BCE, de l’ensemble des documents annexés à son courrier du 22 juillet 2016 (voir points 42 et 129 ci-dessus), ce courrier a été versé au dossier sans ses annexes (voir point 43 ci-dessus) et communiqué à la requérante qui, partant, n’en ignorait pas le contenu.

136    Enfin, il ressort implicitement mais nécessairement du courrier de la BCE du 9 mars 2017 que les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 font partie de ceux précédemment annexés au courrier du 22 juillet 2016, qui n’avaient été ni versés au dossier de l’affaire ni signifiés à la requérante en raison de leur retrait volontaire par la BCE, courrier dans lequel la BCE avait expliqué les raisons pour lesquelles ces documents n’avaient pas pu être communiqués avant au Tribunal (voir point 134 ci-dessus).

137    Compte tenu de ce qui précède, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la production tardive des nouvelles offres de preuve annexées au courrier de la BCE du 9 mars 2017 n’a pas été valablement justifiée, les motifs de ce retard ayant été exposés par la BCE dans le courrier du 22 juillet 2016 (voir point 134 ci-dessus).

138    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que la BCE disposait d’une partie des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 avant le dépôt de ses observations complémentaires du 30 juin 2016. D’une part, ainsi que l’indique la BCE (voir point 134 ci-dessus), celle-ci attendait toujours le retour de certains témoins. D’autre part, en application de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la BCE pouvait produire des offres de preuve jusqu’à la décision du Tribunal de clôturer la phase orale de la procédure ou avant celle de statuer sans phase orale de la procédure, lesquelles décisions n’étaient toujours pas intervenues au 9 mars 2017.

139    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la requérante.

 Sur le fond

 Sur l’authenticité, la validité et le caractère probant des procès-verbaux d’audition des témoins produits par la BCE dans le cadre de la procédure de renvoi

140    Dans les observations écrites complémentaires du 27 avril 2016 et dans le courrier du 2 mai 2017, la requérante a contesté la valeur juridique de la version non confidentielle des 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 et des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017. D’une part, s’agissant des 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016, la requérante prétend que, à défaut de signature, il n’existerait aucune certitude quant à l’authenticité des déclarations qu’ils relatent. Or, pour la requérante, la signature des témoignages serait une condition nécessaire pour en assurer l’authenticité. À cet égard, elle invoque, par analogie, l’article 73 du règlement de procédure, lequel prévoit que les procès-verbaux afférents aux déclarations des témoins auditionnés par le Tribunal sont signés par ces derniers. Par ailleurs, elle ajoute que des fichiers électroniques seraient facilement modifiables. Enfin, elle fait valoir que ces documents sont en tout état de cause incomplets, car ils auraient été transmis sans leurs éventuelles annexes.

141    D’autre part, en ce qui concerne les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017, premièrement, la requérante prétend qu’il existerait, en l’espèce, une présomption défavorable à la BCE conformément à l’adage « omnia praesumuntur contra spoliatorem », c’est-à-dire contre celui qui a détruit des documents. Il reviendrait ainsi à la BCE de supporter les conséquences de son incapacité à produire les preuves manquantes, étant rappelé que la requérante se trouverait elle-même dans l’impossibilité de les produire. À cet égard, la requérante invoque, par analogie, la solution consacrée dans l’arrêt du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission (T‑44/00, EU:T:2004:218, points 49, 342 et 343). Deuxièmement, elle soutient que le juge de l’Union devrait fonder ses décisions uniquement sur des preuves qui ont été divulguées. Troisièmement, elle estime que les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 soulèveraient des questions sérieuses, d’une part, sur la manière dont ils ont été obtenus et, d’autre part, sur leur valeur en tant que « procès-verbaux d’audition », dans la mesure où ils seraient anonymes et sans signature lisible et où environ la moitié des procès-verbaux litigieux serait manquante, lesquels auraient été favorables à la requérante ou auraient inclus de fortes critiques à l’égard de ses supérieurs.

142    La BCE conteste les arguments de la requérante. Tout d’abord, après avoir initialement soutenu que l’original du dossier d’enquête, y compris les procès-verbaux litigieux, avait été détruit conformément au programme de conservation des documents de la BCE, celle-ci a admis, dans sa réponse du 14 décembre 2017 à une question écrite du Tribunal, que cette destruction, intervenue le 23 décembre 2014, découlerait d’une erreur humaine. Cependant, pour la BCE, l’effet de cette erreur serait limité, car elle aurait conservé les procès-verbaux litigieux sous format électronique. Par ailleurs, la BCE prétend, en substance, que la requérante insinue abusivement qu’elle aurait agi de mauvaise foi en produisant des preuves inexactes ou altérées en vue d’entraver frauduleusement le cours de la justice et d’obtenir un jugement favorable. La requérante essayerait de la sorte de lui imposer indument la charge de prouver que les documents fournis seraient valides, alors que, faisant partie des éléments de preuve communiqués au Tribunal, ces documents bénéficieraient d’une présomption de validité. Par ailleurs, la thèse défendue par la requérante soulèverait la question de l’existence de son intérêt à agir étant donné que sa position reviendrait à empêcher le Tribunal de procéder à une vérification qu’il jugeait nécessaire et qu’il devrait effectuer lui-même à ce stade.

143    Il convient de relever qu’il ne ressort ni de la circulaire no 1/2006 ni d’aucun autre document du dossier que les procès-verbaux d’audition des témoins interrogés lors d’une enquête administrative diligentée au sein de la BCE doivent être signés et datés aux fins de leur validité, l’article 6, paragraphe 4, de la circulaire no 1/2006 disposant uniquement que les témoins auditionnés dans le cadre d’une enquête administrative doivent signer les procès-verbaux d’audition.  

144    En tout état de cause, eu égard à la destruction, par la BCE, des originaux des procès-verbaux litigieux et à l’absence de conservation d’une copie électronique signée et datée desdits procès-verbaux, la question qui se pose n’est pas tant celle de leur validité que celle de leur force probante et de l’authenticité des témoignages qu’ils contiennent.

145    À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que les 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 ne comportent ni date ni signature. D’autre part, s’agissant des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017, datés et signés en 2016, premièrement, un laps de temps très important, d’environ huit ans, s’est écoulé entre les auditions des témoins et la signature des procès-verbaux par ces derniers. Deuxièmement, certains témoins ayant signé, en 2016, les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 ont émis des réserves. Troisièmement, un témoin a daté la copie du procès-verbal de son audition en mentionnant l’année « 1962 » au lieu de l’année « 2016 ». Quatrièmement, les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 ont été produits dans une version non confidentielle qui empêche de vérifier si les personnes qui les ont signés en 2016 correspondent à celles effectivement interrogées au cours de l’enquête administrative.

146    En outre, ainsi que le prétend en substance la requérante en invoquant, d’une part, la présomption « omnia praesumuntur contra spoliatorem », c’est-à-dire la présomption négative existant contre celui qui a détruit des documents et, d’autre part, l’obligation de la BCE de supporter les conséquences de son impossibilité à produire les documents litigieux qui découlerait de l’arrêt du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission (T‑44/00, EU:T:2004:218), il existe un doute quant à l’authenticité des 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 et des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017.

147    En effet, eu égard à la destruction de l’original du dossier d’enquête et aux considérations exposées au point 145 ci-dessus, il y a lieu de considérer que la BCE n’a pas dissipé tout doute quant à l’authenticité des copies des procès-verbaux litigieux produites dans le cadre de la présente procédure de renvoi.

148    Pour autant, les procès-verbaux produits par la BCE dans le cadre de la procédure de renvoi ne sont pas totalement dépourvus de force probante en ce qu’ils constituent, à tout le moins, un commencement de preuve du contenu des témoignages recueillis lors de l’enquête administrative. Au demeurant, dans le cadre de la présente procédure de renvoi, la requérante a présenté des observations sur la base des déclarations des témoins contenues dans les 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 et dans les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 aux fins de contester les conclusions du rapport d’enquête.

149    Enfin, il y a lieu de rejeter l’argument de la BCE selon lequel les conséquences de la destruction fautive des procès-verbaux litigieux seraient atténuées par le fait que la version électronique du dossier d’enquête, y compris les copies électroniques non signées et non datées des procès-verbaux litigieux, n’aurait pas été effacée et existerait toujours.

150    D’une part, la BCE est dans l’impossibilité de démontrer que les copies électroniques non datées et non signées des procès-verbaux litigieux qu’elle a conservées sont en tous points identiques aux originaux des procès-verbaux litigieux qu’elle a détruits (voir points 145 à 147 ci-dessus).

151    D’autre part, la BCE n’était pas sans ignorer que la requérante avait sollicité la communication des procès-verbaux litigieux dès la réception du projet de rapport d’enquête, qu’elle avait contesté l’absence de communication desdits documents dans son recours spécial, qu’elle avait formé une demande de mesure d’organisation de la procédure auprès du Tribunal de la fonction publique aux fins de leur obtention et qu’elle avait contesté, dans le cadre du pourvoi devant le Tribunal, le refus du Tribunal de la fonction publique de faire droit à cette demande. Ainsi, la destruction, fût-elle par erreur, des procès-verbaux litigieux au cours de la procédure sur pourvoi, et sans que la BCE prenne le soin, au préalable, d’en informer le Tribunal, relève d’un comportement incompatible avec le principe de bonne administration et, plus particulièrement, avec le devoir de prudence et de diligence qui s’impose à l’administration, qui ne saurait être pallié par la conservation d’une copie électronique non datée et non signée des procès-verbaux litigieux.

152    Pour autant, le manquement de la BCE au devoir de prudence et de diligence mentionné au point 151 ci-dessus ne saurait conduire, en l’espèce, à l’annulation de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et de celle du 24 mars 2010, lesquelles sont antérieures à la destruction des procès-verbaux litigieux par la BCE (voir point 114 ci-dessus).

153    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de prendre en considération les 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 et les 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017 en ce qu’ils constituent un commencement de preuve des témoignages recueillis au cours de l’enquête administrative.

 Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation du droit d’être assisté par un avocat, de la méconnaissance de l’article 6, paragraphe 5, et de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006, de la violation de l’obligation de motivation, de la violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE ainsi que de la violation des articles 51 et 52 des conditions d’emploi 

154    La requérante fait valoir que le rapport d’enquête serait fondé sur les éléments recueillis durant l’enquête administrative et qu’il ferait souvent référence à des entretiens tenus par le panel, sans plus d’information, ainsi qu’au contenu des déclarations des témoins auxquelles elle n’aurait pas eu accès. Dès lors, en premier lieu, elle allègue une violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 en ce que le rapport d’enquête qui lui a été notifié ne comportait pas la copie de tous les documents et de tous les procès-verbaux d’audition réunis durant l’enquête administrative. De plus, elle soutient que l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006 conférerait à toutes les personnes concernées par une enquête administrative interne à la BCE le droit d’exprimer leur point de vue sur celle-ci et d’en corriger les inexactitudes. En outre, l’exercice de ces droits ne serait pas limité à ce qui serait consigné dans le projet de rapport d’enquête ou dans le rapport d’enquête final. Ainsi, elle aurait dû avoir accès à tous les éléments recueillis au cours de l’enquête administrative afin de défendre sa réputation et de démontrer que les rumeurs entachant celle-ci étaient dépourvues de fondement.  Au demeurant, aucun texte ne prévoirait que les témoignages recueillis lors de l’enquête administrative seraient confidentiels par nature. De surcroît, l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006 violerait le principe général des droits de la défense s’il devait être interprété en ce sens que les droits qu’il consacre seraient limités à l’accès au projet de rapport d’enquête et au rapport d’enquête. Enfin, la requérante soutient, au titre du respect des droits de la défense, que son droit à bénéficier pleinement de l’assistance de ses avocats aurait été méconnu en ce que le panel aurait ignoré ces derniers en faisant d’elle, personnellement, l’unique destinataire des réponses à leurs courriers. 

155    En deuxième lieu, la requérante prétend que la décision attaquée du 24 novembre 2009 serait insuffisamment motivée dans la mesure où elle ferait référence au rapport d’enquête final qui, lui-même, ne permettrait pas de comprendre cette décision à défaut d’être accompagné du dossier d’enquête.

156    En troisième lieu, la requérante fait valoir que le directoire de la BCE aurait reçu un rapport d’enquête ne comportant pas la copie des éléments recueillis durant l’enquête administrative, en particulier les procès-verbaux litigieux, et qu’il aurait donc pris la décision attaquée du 24 novembre 2009 sur la base d’un dossier incomplet, en violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006.  

157    En quatrième lieu, la requérante soutient que le directoire de la BCE aurait reçu le rapport d’enquête final le jour même où il aurait adopté la décision attaquée du 24 novembre 2009. Cette communication tardive violerait l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE, lequel prévoirait que les documents sont mis à la disposition des membres dudit organe au moins deux jours ouvrables avant que celui-ci ne se réunisse.

158    La BCE conteste ces différents griefs.

159    À titre liminaire, l’article 76, sous d), du règlement de procédure exige que la requête contienne, outre l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. En l’espèce, force est de constater que, dans la requête, la requérante mentionne la violation des articles 51 et 52 des conditions d’emploi, mais ne présente aucune argumentation distincte au soutien d’une telle violation. Aussi, le grief tiré de la violation des articles 51 et 52 des conditions d’emploi doit être rejeté comme étant en tout état de cause manifestement irrecevable.

160    Par ailleurs, il convient de rappeler que les griefs tirés, premièrement, de la violation des droits de la défense, y compris du droit d’être entendu et, deuxièmement, de la violation du principe du contradictoire ont définitivement été rejetés par l’arrêt sur pourvoi et, partant, ne font pas partie de l’objet du litige après renvoi (voir point 62 ci-dessus).

161    Dès lors, il y a lieu d’examiner, premièrement, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation, deuxièmement, le grief tiré de la violation du droit d’être assisté par un avocat, troisièmement, le grief tiré de la violation de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006, quatrièmement, le grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 et, cinquièmement, le grief tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE.

 Sur le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation

162    La requérante prétend que l’accès au dossier d’enquête aurait été nécessaire afin d’assurer le respect du devoir de motivation. En effet, la décision attaquée du 24 novembre 2009 ferait référence au rapport d’enquête qui lui avait été notifié en même temps que ladite décision. Or, elle prétend que ledit rapport d’enquête ne serait pas suffisant pour comprendre la décision attaquée faute d’avoir eu accès au dossier d’enquête et, notamment, aux procès-verbaux litigieux.  

163    Dans sa réponse du 14 décembre 2017 à une question écrite du Tribunal, la requérante a ajouté que, selon elle, il découlerait de l’arrêt sur pourvoi que le rapport d’enquête ne pourrait pas être considéré comme étant circonstancié, comme contenant un exposé des données factuelles recueillies au cours de l’enquête administrative ou comme étant particulièrement étoffé et éclairant par lui-même. Étant donné que le rapport d’enquête constituerait la motivation de la décision attaquée du 24 novembre 2009, les motifs qu’il expose ne seraient pas suffisants pour permettre au juge de contrôler cette décision et à la requérante de la contester. Par ailleurs, elle fait valoir que, compte tenu du fait que le rapport d’enquête ne contiendrait aucun élément étayant les impressions personnelles exprimées par les témoins auditionnés et n’évaluerait pas si celles-ci concordaient avec les autres preuves disponibles, les impressions négatives à son égard et quant à son travail ne seraient pas motivées. Dès lors, les conclusions du rapport d’enquête s’appuyant sur ces impressions ne seraient pas suffisamment motivées.  

164    La BCE conteste les arguments de la requérante.

165    Selon une jurisprudence constante, le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, EU:T:2005:437, point 93 et jurisprudence citée). En outre, une décision est suffisamment motivée dès lors que l’acte qui fait l’objet du recours est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, EU:T:2005:437, point 97 et jurisprudence citée).

166    En l’espèce, tout d’abord, la décision attaquée du 24 novembre 2009 a été adoptée à l’issue d’une enquête ouverte aux fins d’établir si les griefs formulés par la requérante dans la plainte du 8 avril 2008 étaient fondés, ce qui impliquait l’examen, par le panel, des circonstances factuelles alléguées par la requérante. La requérante connaissait ainsi le contexte dans lequel était intervenue l’adoption de la décision attaquée du 24 novembre 2009.

167    Ensuite, la requérante a eu accès, dès la phase précontentieuse, au projet de rapport d’enquête, puis à sa version finale. Or, le rapport d’enquête expose les motifs qui ont conduit le panel à rejeter les griefs allégués dans la plainte.

168    En outre, la requérante a pu contester les conclusions du rapport d’enquête, même en l’absence des procès-verbaux litigieux, en invoquant, notamment, le caractère lacunaire de ce rapport en ce qu’il aurait été fondé sur des informations et des comptes rendus de faits partiels.

169    Enfin, d’une part, contrairement à ce que prétend la requérante, le rapport d’enquête ne contient pas de conclusions négatives sur son travail, le panel n’ayant pas été mandaté pour en apprécier la qualité (voir page 51 du rapport d’enquête). D’autre part, il ressort notamment de la page 51 de ce rapport que certains témoins ont indiqué au panel que la requérante avait une certaine réputation du fait de ses fréquentes absences, de ses retards dans l’accomplissement de son travail et de ce qu’elle était une collègue difficile à gérer. Le rapport d’enquête ne précise pas s’il s’agissait de l’impression personnelle des témoins auditionnés ou s’il s’agissait de rumeurs dont ils auraient eu écho. Pour autant, force est de constater que les motifs sous-tendant cette réputation ressortent clairement du rapport d’enquête. Au demeurant, il appert de la réponse du 14 décembre 2017 de la requérante à une question écrite du Tribunal que ce qu’elle conteste dans le cadre de cette branche du premier moyen n’est pas tant un défaut ou une insuffisance de motivation du rapport d’enquête qu’une insuffisance d’examen de la part du panel, qui n’aurait pas vérifié la concordance entre les impressions des témoins auditionnés et les autres éléments du dossier d’enquête (voir point 163 ci-dessus).

170    Eu égard à ce qui précède, le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation en raison de l’absence de communication à la requérante de l’intégralité du dossier d’enquête et, en particulier, des procès-verbaux litigieux doit être rejeté.

 Sur le grief tiré de la violation du droit d’être assisté par un avocat

171    Selon la requérante, la BCE aurait violé son droit fondamental d’être assistée par son conseil pendant la procédure d’enquête, lequel ferait partie de ses droits de la défense.

172    Dans la mesure où le droit d’être assisté par un avocat fait partie des droits de la défense et où l’arrêt sur pourvoi a définitivement rejeté le grief tiré de la violation des droits de la défense (voir points 20 et 60 ci-dessus), le grief de la requérante, tiré de la violation du droit d’être assistée par un avocat, doit également être rejeté.

173    En tout état de cause, dans la mesure où le rapport d’enquête n’est qu’un acte préparatoire visant à clarifier des faits, où il ne constitue pas un acte faisant grief aux supérieurs hiérarchiques et, à plus forte raison, à la requérante, où la procédure d’enquête est de nature administrative et non judiciaire et où la requérante avait le statut de plaignante et non celui de personne faisant l’objet de l’enquête administrative, la requérante ne saurait soutenir qu’elle disposait d’un droit, faisant partie de ses droits de la défense, à être assistée par son conseil au cours de la procédure d’enquête. Le fait qu’elle n’ait pas pu être assistée par son conseil au cours de l’enquête administrative n’entraîne donc pas l’irrégularité de celle-ci ni, par voie de conséquence, de la décision attaquée du 24 novembre 2009 (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2012, Donati/BCE, F‑63/09, EU:F:2012:193, points 137 à 139).

174    Eu égard à ce qui précède, le grief tiré de la violation du droit d’être assisté par un avocat doit être rejeté.

 Sur le grief tiré de la violation de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006

175    La requérante considère que les droits procéduraux dont elle prétend bénéficier en application de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006 auraient été violés en ce que tout le dossier de l’enquête administrative ne lui aurait pas été communiqué et en ce que, de ce fait, elle n’aurait pas pu présenter son point de vue sur tous les faits qui la concernaient.

176    La BCE conclut au rejet de ce grief.

177    Aux termes de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006 :

« 1. Les employés de la BCE affectés par l’enquête administrative en sont tenus informés pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En tout état de cause, aucune conclusion se rapportant nommément à une personne ne peut être adoptée avant que cette dernière n’ait eu la possibilité de présenter ses observations sur tous les faits la concernant.

[…]

3. Les employés de la BCE faisant l’objet d’une enquête administrative :

a)      seront informés par la personne en charge de l’enquête, ou par le panel, avant la présentation du rapport [d’enquête] motivé, du contenu du prétendu manquement à leurs obligations professionnelles et se verront accorder l’accès aux documents relatifs aux allégations formulées à leur égard et relatant des faits importants pour l’exercice de leurs droits de la défense ; et

b)      auront la possibilité de faire valoir leur point de vue et d’ajouter leurs commentaires sur les conclusions les concernant ; afin de garantir que le dossier d’enquête soit complet, ces commentaires seront inclus dans le rapport [d’enquête] motivé ; et

c)      pourront demander l’assistance d’un représentant du personnel.

Les employés de la BCE ou d’autres individus impliqués dans l’enquête administrative auront également accès à tous les faits les concernant, ainsi qu’à leurs données personnelles afin de garantir l’exactitude et le caractère complet de celles-ci ; ils auront le droit d’obtenir du responsable d’enquête, agissant en qualité de contrôleur, la rectification immédiate de toute inexactitude ou lacune se rapportant à leurs références personnelles. »

178    Premièrement, il y a lieu de relever que l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire no 1/2006 consacre le droit, pour le personnel de la BCE impliqué dans une enquête administrative au sens de ladite circulaire, de présenter son point de vue.

179    Deuxièmement, il ressort du libellé de l’article 7, paragraphe 3, premier alinéa, de la circulaire no 1/2006 que cette disposition concerne uniquement les employés de la BCE qui font l’objet de l’enquête administrative et non ceux qui sont à l’initiative d’une telle enquête. En revanche, l’article 7, paragraphe 1, de la circulaire no 1/2006 et l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de cette circulaire visent plus généralement toutes les personnes qui sont soit affectées par une enquête administrative, soit impliquées dans une telle enquête.

180    Troisièmement, force est de constater que la requérante était non seulement impliquée dans l’enquête administrative conduite par la BCE aux fins de statuer sur sa plainte, mais également affectée par le résultat de cette enquête (voir points 106 et 107 ci-dessus).

181    En conséquence, la requérante est fondée à soutenir que, en application de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la circulaire no 1/2006, elle avait le droit de présenter ses observations sur tous les faits et les données personnelles la concernant pour, le cas échéant, faire rectifier ces données avant que toute conclusion sur sa personne ne fût adoptée.

182    Cependant, en l’espèce, la requérante n’a pas été en mesure de faire valoir son point de vue sur tous les faits et les données la concernant dès lors qu’elle n’a pas eu accès, à tout le moins, à une version non confidentielle ou à un résumé non confidentiel des procès-verbaux litigieux et des documents qui y étaient annexés avant l’adoption de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et de celle du 24 mars 2010.

183    La requérante est donc fondée à invoquer une violation de l’article 7, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la circulaire no 1/2006.

184    Toutefois, selon une jurisprudence constante, une violation des droits procéduraux ne justifie l’annulation d’une décision adoptée au terme d’une procédure que si, en l’absence de cette irrégularité, cette procédure pouvait aboutir à un résultat différent (arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 38 ; voir également, en ce sens, arrêt du 6 septembre 2012, Storck/OHMI, C‑96/11 P, non publié, EU:C:2012:537, point 80).

185    En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la requête et dans la réplique, la requérante s’est limitée à soutenir que l’accès aux procès-verbaux litigieux était nécessaire afin qu’elle puisse défendre sa réputation en contestant l’existence de rumeurs la concernant ainsi que les critiques de la direction à l’égard de son travail mentionnées dans le rapport d’enquête. Par ailleurs, dans le cadre de la procédure de renvoi, la requérante a présenté des arguments visant encore une fois à contester les affirmations contenues dans le rapport d’enquête et relatives à sa prétendue mauvaise réputation, à la lumière des 45 procès-verbaux communiqués le 18 février 2016 et des 30 procès-verbaux communiqués le 9 mars 2017. Elle a également présenté des arguments aux fins de démontrer que l’enquête administrative aurait été conduite de manière partiale. Dans ce cadre, elle a fait valoir qu’il ressortait des procès-verbaux litigieux que le panel aurait essentiellement enquêté sur elle et non sur ses supérieurs hiérarchiques, que le choix d’interroger des témoins avec qui elle avait eu des différends, notamment en sa qualité de membre du comité du personnel, aurait été critiquable et que les réponses des témoins concernant l’environnement de travail difficile qui régnait dans le service à cause des supérieurs hiérarchiques mis en cause auraient été ignorées par le panel.

186    Ce n’est que dans sa réponse du 15 juillet 2019 à une mesure d’organisation de la procédure que la requérante a fait expressément valoir, pour la première fois, que la décision attaquée du 24 novembre 2009 aurait pu avoir un contenu différent si elle avait pu présenter ses observations sur le projet de rapport d’enquête à la lumière de l’ensemble des documents figurant dans le dossier d’enquête. Dans cette réponse, elle a réitéré, en substance, les mêmes arguments que ceux qu’elle avait déjà présentés dans ses précédents écrits et, en particulier, dans les observations écrites complémentaires du 27 avril 2016 (voir point 185 ci-dessus).

187    Dans ce contexte, premièrement, s’agissant des déclarations des témoins auditionnés portant des appréciations négatives ou incorrectes sur la requérante et sur son travail, il y a lieu de relever que, dans sa réponse du 15 juillet 2019 à une mesure d’organisation de la procédure, la requérante a reconnu que ces déclarations n’avaient pas été mentionnées dans le rapport d’enquête et que celui-ci n’examinait pas ses compétences professionnelles. Ainsi, à supposer que la requérante ait pu contester les critiques exprimées par certains témoins à l’égard de sa personne et de son travail, le contenu de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et de celle du 24 mars 2010 n’aurait pas été différent.

188    Deuxièmement, s’agissant de l’allégation selon laquelle les témoignages recueillis confirmeraient que des opinions négatives et des rumeurs circulaient sur la requérante et que le panel n’aurait pas enquêté sur l’origine de celles-ci, il y a lieu de relever que le projet de rapport d’enquête indiquait que des collègues et des supérieurs hiérarchiques attribuaient à la requérante une réputation liée à ses absences, à ses retards dans l’accomplissement de son travail et au fait qu’elle aurait été une personne avec qui il était difficile de travailler. La requérante était donc en mesure de critiquer ce constat en faisant valoir que celui-ci se fondait sur des rumeurs dont le panel n’avait pas vérifié le bien-fondé. Au demeurant, c’est ce que la requérante a fait dans ses commentaires sur le projet de rapport d’enquête, sans que cela ait pour autant conduit le panel à modifier ses conclusions.

189    Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel, en substance, le panel aurait fait preuve de partialité, notamment dans le choix des témoins auditionnés, dont plusieurs auraient été en conflit d’intérêt avec la requérante, force est de constater que le panel ne s’est pas fondé sur les déclarations de ces témoins pour conclure au caractère non étayé des griefs invoqués dans la plainte. Par ailleurs, il ressort de la page 46 du projet de rapport d’enquête que le panel avait également interrogé des collègues ayant déclaré qu’elle avait une « bonne réputation » et qui, dès lors, n’avaient pas de préjugés à son égard. En outre, dans ses commentaires sur le projet de rapport d’enquête, la requérante a fait valoir que l’opinion négative exprimée à son égard par certains collègues auditionnés était le reflet d’opinions subjectives et partiales dont l’objectif était de nuire à sa réputation et qui ne trouvaient aucune confirmation dans les rapports annuels. Malgré ces critiques, les conclusions du rapport d’enquête sur les griefs invoqués dans la plainte sont restées inchangées.

190    Quatrièmement, s’agissant de l’allégation selon laquelle les témoignages révéleraient que le contexte de travail était différent de celui décrit dans le rapport d’enquête, il y a lieu de relever que les critiques formulées par certains témoins à l’égard des directeurs mis en cause dans la plainte ne sauraient constituer une preuve de la discrimination ou du harcèlement dont la requérante aurait été victime. Ils démontrent tout au plus l’existence d’une mauvaise ambiance générale qui régnait dans le service où travaillait la requérante ainsi que, le cas échéant, des problèmes de gestion dont la requérante n’était pas la seule à subir les conséquences.

191    Cinquièmement, s’agissant des critiques concernant les appréciations du panel afférentes à sa charge de travail en 2006 qui, selon la requérante, reposeraient sur les témoignages recueillis, force est de constater que celle-ci a été en mesure de les contester dans les commentaires sur le projet de rapport d’enquête.

192    Eu égard à ce qui précède, il n’est pas établi que la décision attaquée du 24 novembre 2009 et celle du 24 mars 2010 auraient pu avoir un contenu différent si la requérante avait pu présenter ses observations sur les témoignages contenus dans les procès-verbaux litigieux avant l’adoption de ces décisions.

193    Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté.

 Sur le grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006

194    La requérante invoque une violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 dans la mesure où le rapport d’enquête final, qui lui a été adressé ainsi qu’au directoire de la BCE, ne comprenait pas la copie de tous les documents figurant dans le dossier d’enquête, y compris les procès-verbaux litigieux. Dès lors, la requérante n’aurait pas pu présenter son point de vue sur tous les faits la concernant et le directoire aurait adopté une décision sur la base d’un rapport d’enquête incomplet.

195    La BCE conclut au rejet du grief de la requérante. Elle estime en effet que l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 ne prévoit la transmission de l’intégralité du dossier d’enquête ni à l’auteur de la plainte ni au directoire de la BCE. Ainsi, selon elle, le fait que le directoire n’ait pas reçu l’intégralité du dossier d’enquête, composé de onze dossiers, ne violerait pas l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006.

196    Aux termes de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 :

« La personne en charge de l’enquête, ou le panel, fait régulièrement rapport au responsable d’enquête sur les développements de la procédure. [...] Copies de tous les documents pertinents et des procès-verbaux d’audition, en ce compris les résultats des votes, des vérifications sur place ou de tout autre devoir d’enquête accompli par la personne en charge de l’enquête ou par le panel, sont annexés au rapport [d’enquête] motivé. »

197    Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006 que l’obligation d’annexer l’ensemble des documents et des procès-verbaux d’audition pertinents au rapport d’enquête ne vaut qu’à l’égard de la « personne en charge de l’enquête » et non à l’égard des témoins, du plaignant ou du directoire de la BCE.

198    Dès lors, la prétendue absence de communication à la requérante et au directoire de la BCE de tous les documents et de tous les procès-verbaux litigieux avec le rapport d’enquête motivé ne viole pas l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire no 1/2006.

199    Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté.

 Sur le grief tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE

200    Pour la requérante, le fait que le directoire de la BCE a reçu le rapport d’enquête final le 17 novembre 2009, c’est-à-dire le jour même où il aurait adopté la décision attaquée du 24 novembre 2009, violerait l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE et aurait empêché les membres du directoire de prendre utilement connaissance du rapport d’enquête final et d’adopter une décision « correcte ».

201    La BCE conclut au rejet du grief de la requérante. Tout d’abord, elle fait valoir que les circonstances critiquées par la requérante n’ont pas empêché le directoire de prendre note des conclusions du panel et d’adopter, le même jour, la décision attaquée du 24 novembre 2009. Ensuite, elle soutient que le délai prévu à l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE n’est pas d’ordre public. Enfin, elle prétend que la décision attaquée du 24 novembre 2009 n’aurait pas eu un contenu différent en l’absence de la prétendue irrégularité.

202    Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE, les documents se rapportant à l’ordre du jour doivent être « envoyé[s], en principe, […] aux membres du directoire au moins deux jours ouvrables avant la réunion, sauf dans les situations d’urgence, auquel cas le président agit d’une manière appropriée selon les circonstances ».

203    En l’espèce, la personne en charge de l’enquête a adressé le rapport d’enquête final au directoire de la BCE le 17 novembre 2009, soit le même jour que celui où a eu lieu la réunion du directoire lors de laquelle a été adoptée la décision attaquée du 24 novembre 2009 (voir point 9 ci-dessus).

204    Le rapport d’enquête final n’a donc pas été transmis au directoire de la BCE au moins deux jours ouvrables avant la réunion du 17 novembre 2009.

205    Toutefois, bien qu’il soit possible de s’interroger sur l’étendue de l’examen du rapport d’enquête effectué par les membres du directoire, eu égard au très bref délai courant entre la réception du rapport d’enquête et la réunion du directoire du 17 novembre 2009, pour qu’une violation des règles prévues par le règlement intérieur du directoire de la BCE puisse constituer une irrégularité substantielle susceptible d’entacher la validité d’une décision de celui-ci, il appartient à l’intéressé de démontrer que cette décision aurait pu avoir un contenu différent en l’absence de cette violation (voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, EU:T:1999:39, point 53 ; du 7 mai 2008, Lebedef/Commission, F‑36/07, EU:F:2008:52, point 57, et du 13 septembre 2011, Behnke/Commission, F‑68/10, EU:F:2011:135, point 42). Or, force est de constater qu’il n’est pas satisfait à cette condition en l’espèce, la requérante se bornant à supputer que, les membres du directoire ayant reçu le rapport d’enquête final le jour même de leur réunion, ils n’auraient pu en prendre utilement connaissance avant de statuer sur les conséquences à en tirer.

206    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE et, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation par le panel de son mandat

207    La requérante soutient, en substance, que le panel n’a pas correctement exécuté son mandat en ce que, d’une part, il aurait omis d’examiner certains griefs et faits qu’elle avait invoqués au soutien de sa plainte et, d’autre part, il se serait concentré sur des éléments négatifs concernant sa personne, en la discréditant. Plus précisément, premièrement, elle fait valoir que le rapport d’enquête ne contiendrait aucune constatation quant à l’attitude du directeur général DG-P qu’elle avait spécialement mis en cause. Deuxièmement, le panel n’aurait pas recherché l’existence de violations des « dispositions de la politique de dignité au travail par la DG [“Paiements”] ». En particulier, le panel n’aurait apprécié le comportement du directeur général DG-P que sous l’angle du harcèlement moral et non sous celui de la note diffusée par la BCE sur sa politique de « [d]ignité au travail » (ci-après la « note sur la politique de dignité au travail »). Troisièmement, le panel aurait partiellement examiné l’existence d’un harcèlement moral en limitant son examen aux seules allégations d’offenses, de rumeurs et de menaces, omettant ainsi la situation générale et d’autres décisions ou comportements de ses supérieurs, de sorte que le grief de harcèlement moral n’apparaîtrait pas suffisamment étayé. De même, le panel aurait partiellement examiné l’existence d’une atteinte à la dignité et d’une discrimination au sein de la BCE dans le cadre de la question portant sur la discrimination de la requérante en raison de ses activités au sein du comité du personnel. Quatrièmement, le panel aurait seulement vérifié s’il existait des rumeurs mettant en cause la réputation de la requérante sans examiner si elles étaient fondées sur des faits et des preuves, en refusant ainsi de reconnaître que ces rumeurs constituaient une forme de harcèlement moral. Cinquièmement, le panel aurait également méconnu son mandat en estimant qu’il n’avait pas à examiner les allégations dirigées contre la BCE en tant qu’institution, ni la question de la qualité du travail effectué par la requérante ainsi que des documents médicaux. En particulier, le panel aurait, à tort, estimé qu’il n’était pas compétent pour apprécier la qualité du travail fourni par l’intéressée, alors qu’il aurait pu demander l’aide d’experts sur ce point. Sixièmement, le panel n’aurait pas investigué sur la violation par un membre du personnel de la BCE du caractère confidentiel d’un courrier du conseil de la requérante du 18 janvier 2008, adressé à ce membre du personnel et qu’il aurait divulgué au directeur général DG-P. Le rapport d’enquête se limiterait à observer que ce membre du personnel avait transmis ledit courrier en sa qualité de « cadre supérieur compétent ». Septièmement, la requérante considère que le rapport d’enquête aurait favorisé la propagation des rumeurs la concernant en portant ainsi atteinte à sa réputation.

208    La BCE conclut au rejet du moyen de la requérante.

209    À titre liminaire, force est de constater que certains arguments invoqués par la requérante au soutien du deuxième moyen viennent, en réalité, à l’appui des troisième et quatrième moyens et, partant, seront examinés uniquement dans ce cadre. Il en va ainsi de l’argument de la requérante selon lequel le panel aurait partiellement examiné l’existence d’un harcèlement moral en limitant son examen aux seules allégations d’offenses, de rumeurs et de menaces, omettant ainsi la situation générale et d’autres décisions ou comportements de ses supérieurs, de sorte que le grief de harcèlement moral n’apparaîtrait pas suffisamment étayé (voir point 207 ci-dessus). En effet, cet argument tend à démontrer une erreur dans la notion de harcèlement moral appliquée par le panel et validée par le directoire de la BCE par l’intermédiaire de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et, partant, sera examiné dans le cadre du quatrième moyen. En outre, l’argument selon lequel le panel n’aurait pas investigué sur la violation par un membre du personnel de la BCE du caractère confidentiel d’un courrier du conseil de la requérante du 18 janvier 2008, adressé à ce membre du personnel et qu’il aurait divulgué au directeur général DG-P, rappelé au point 207 ci-dessus, qui tend, en substance, à démontrer le caractère lacunaire de l’examen effectué par le panel, sera examiné dans le cadre du troisième moyen, tiré, en substance, des lacunes et des erreurs manifestes d’appréciation entachant le rapport d’enquête, la décision attaquée du 24 novembre 2009 et celle du 24 mars 2010.

210    En premier lieu, il ressort du courrier du 30 mai 2008, adressé par la BCE à la requérante pour l’informer de la décision du directoire d’ouvrir une enquête administrative, que le mandat du panel portait sur la clarification des faits ainsi que sur l’existence ou l’absence de preuves suffisantes des allégations de cette dernière concernant :

–        une « discrimination [...] fondée sur le sexe, l’âge, la nationalité et l’état de santé » dont elle aurait été l’objet ;

–        sa « discrimination [...] en raison de sa qualité de membre du comité du personnel » ;

–        ses allégations relatives à « une violation de la politique de dignité au travail, en particulier par la [hiérarchie] » de la DG-P, y compris « la diffamation, l’isolement, le harcèlement moral et l’intimidation ».

211    En outre, il ressort du rapport d’enquête que le panel a examiné les griefs relatifs à une éventuelle discrimination en raison de :

–        l’appartenance de la requérante au comité du personnel et qui se serait manifestée dans le cadre de l’appréciation de son travail, de la fixation de son salaire et de l’octroi de suppléments de traitement ainsi que de ses opportunités de carrière ;

–        l’appartenance de l’intéressée au comité du personnel et qui se serait manifestée par des actes de harcèlement ;

–        son sexe, son âge et sa nationalité ;

–        son état de santé.

212    Bien qu’étant formellement structuré par référence exclusivement à des discriminations, il ressort néanmoins du contenu du rapport d’enquête que le panel s’est effectivement penché sur l’existence éventuelle d’éléments de preuve suffisants, non seulement de discriminations, mais aussi d’actes de diffamation, d’isolement, de harcèlement moral et d’intimidation ou constituant une violation, par la DG-P et plus particulièrement par le directeur général DG-P, de la note sur la politique de dignité au travail. Le panel a ainsi examiné l’ensemble des griefs mentionnés dans le mandat qui lui avait été confié. Pour autant, cette conclusion ne signifie pas que l’examen de l’ensemble de ces griefs, effectué par le panel, était complet et qu’il n’aurait pas omis d’examiner certains comportements ou décisions. Ces éventuelles insuffisances seront examinées dans le cadre du troisième moyen.

213    En deuxième lieu, contrairement à ce que prétend la requérante, le panel a examiné si le directeur général DG-P avait colporté ou était à l’origine des rumeurs sur elle, concernant notamment sa réputation. En effet, à la page 2 du rapport d’enquête, il est indiqué que ce directeur avait fait des remarques sur la mauvaise réputation de la requérante uniquement lors de réunions spécialement consacrées aux difficultés rencontrées par celle-ci et en présence de personnes tenues à une obligation de confidentialité.

214    Par ailleurs, le panel n’était pas tenu de rechercher si les collègues de la requérante étaient à l’origine des rumeurs, car il était mandaté pour examiner le bien-fondé de la plainte de la requérante dirigée contre les agissements de ses supérieurs hiérarchiques et non de ses collègues.

215    En troisième lieu, contrairement à ce que prétend la requérante sans l’étayer, le rapport d’enquête ne la discrédite pas du seul fait qu’il relate les déclarations des témoins et que les conclusions qui y figurent ne confirment pas les accusations de celle-ci. En outre, il ne saurait être considéré que ce rapport colporte des rumeurs sur la requérante, étant rappelé, à cet égard, que le rapport d’enquête est un document confidentiel.

216    En quatrième lieu, le mandat confié au panel chargeait ce dernier d’examiner le bien-fondé des allégations de la requérante à l’encontre de ses supérieurs hiérarchiques et non d’apprécier ses mérites ou son état de santé. Au demeurant, s’agissant de cette dernière question, il convient d’emblée de préciser que les effets du harcèlement moral s’apprécient de manière objective, en ce sens qu’un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (arrêts du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 65, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 78).

217    En cinquième lieu, au point 65 de la requête, la requérante affirme que le panel n’aurait pas respecté son mandat en n’examinant pas les allégations dirigées contre la BCE en tant qu’institution, sans toutefois présenter d’argumentation à l’appui de cette allégation, empêchant ainsi le Tribunal d’exercer son contrôle. Au demeurant, d’une part, il ressort de la plainte que la discrimination, le harcèlement moral, les offenses et les atteintes à la dignité dont elle se prétend victime sont le résultat d’agissements ou d’omissions de ses supérieurs hiérarchiques et non de la BCE en tant qu’institution. D’autre part, si la requérante entendait reprocher au panel de ne pas avoir examiné les griefs exposés aux points 14 et 15 et au point 16, premier paragraphe, de la plainte, visant, en substance, à mettre en cause l’attitude générale de la BCE à l’égard des membres du comité du personnel (à savoir le fait que la BCE aurait fait obstacle à ce que les organisations syndicales participent de manière efficace au dialogue social, en refusant la conclusion de conventions collectives, le fait qu’il y aurait eu, au sein de la BCE, plusieurs cas de harcèlement de membres du comité du personnel ainsi que, de manière générale, une violation des dispositions sur les dispenses de temps à accorder aux représentants du personnel), il y a lieu de rappeler que la demande de la requérante a été introduite sur le fondement de l’article 41 des conditions d’emploi, lequel dispose que « [l]es membres du personnel peuvent, en suivant la procédure prévue par les règles applicables au personnel, demander le contrôle administratif de leurs griefs et doléances concernant la conformité de mesures prises à leur égard ». Ainsi, la plainte de la requérante ne pouvait valablement saisir le directoire, et encore moins le panel, d’une demande portant sur des agissements de la BCE à caractère général et non individuel.

218    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante et, partant, le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré, en substance, des lacunes et des erreurs manifestes d’appréciation entachant le rapport d’enquête, la décision attaquée du 24 novembre 2009 et celle du 24 mars 2010

219    En faisant état des lacunes du rapport d’enquête, la requérante entend, en substance, démontrer, d’une part, les carences dans l’examen opéré par le panel, lequel n’aurait pas apprécié certains comportements ou certaines décisions de ses supérieurs hiérarchiques au regard des griefs de discrimination et de harcèlement moral allégués et, d’autre part, l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation découlant de l’absence d’examen opéré par le panel ou de l’insuffisance de celui-ci.

220    Ainsi, le moyen de la requérante se divise, en substance, en deux branches, la première, tirée du caractère lacunaire du rapport d’enquête servant de fondement à la décision attaquée du 24 novembre 2009 et, la seconde, tirée d’erreurs manifestes entachant directement les appréciations contenues dans le rapport d’enquête, la décision attaquée du 24 novembre 2009 et la décision attaquée du 24 mars 2010.

 Sur la première branche du troisième moyen, tirée du caractère lacunaire du rapport d’enquête

221    La requérante prétend, en substance, que de nombreux faits importants qu’elle avait allégués au soutien de sa plainte, ne serait-ce que pour décrire la succession des événements dans le temps, seraient absents du rapport d’enquête, lequel n’examinerait pas non plus plusieurs questions cruciales concernant les supérieurs hiérarchiques qu’elle avait mis en cause dans sa plainte.

222    La BCE conteste les arguments de la requérante. En outre, elle soulève l’irrecevabilité des arguments mentionnés aux points 76 et 77 de la requête, qui seraient très vagues et ne feraient l’objet d’aucune explication.

223    D’emblée, il convient de relever que, en dépit d’une présentation peu rigoureuse de l’argumentation exposée dans la requête, les arguments mentionnés aux points 76 et 77 de la requête sont suffisamment clairs et ont fait l’objet de plus amples explications, notamment aux points 67, 83, 84, 87, 88, 95, 97 et 98 de la requête. Partant, la fin de non-recevoir soulevée par la BCE doit être rejetée.

224    Il y a donc lieu d’examiner les différentes lacunes du rapport d’enquête invoquées par la requérante.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas examiné le grief tenant au manque de soutien adéquat dont la requérante aurait souffert face à sa surcharge de travail (en particulier le refus de la BCE d’engager une ressource à temps partiel)

225    Dans le mémoire en défense, la BCE a soulevé l’irrecevabilité de l’argument de la requérante pour cause de litispendance, ledit argument ayant été également soulevé dans l’affaire F‑84/08, Cerafogli/BCE. En outre, elle a fait valoir que la question de savoir s’il était nécessaire de recruter un collègue moins expérimenté aurait été abordée dans le rapport d’enquête.

226    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il n’y a plus lieu de se prononcer sur la fin de non-recevoir mentionnée au point 225 ci-dessus, la BCE ayant indiqué, en réponse à une question écrite du Tribunal du 27 juin 2019, que la situation de litispendance qu’elle contestait avait disparu à la suite du prononcé de l’arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑84/08, EU:F:2010:134) (voir point 83 ci-dessus).

227    Par ailleurs, il ressort du rapport d’enquête que le panel a examiné le grief de la requérante tiré du manque de soutien de la direction face à sa charge de travail dans le cadre de l’examen de l’allégation de discrimination en raison de son appartenance au comité du personnel. En effet, premièrement, le rapport d’enquête se réfère aux évaluations de la requérante faisant allusion aux difficultés qu’elle avait eues à concilier son travail pour le service avec celui pour le comité du personnel et au fait que le panel ne considérait pas cela comme la preuve d’un manque de soutien spécifique. Deuxièmement, le rapport d’enquête se réfère à la dispense de travail que le directeur général DG-P avait accordée à la requérante et qui excédait ce qui était normalement prévu. Troisièmement, le rapport d’enquête mentionne le fait que le directeur général DG-P avait accepté que la réduction du temps de travail pour raisons médicales de mars 2007 soit imputée au temps de travail au sein de la division MIS. Quatrièmement, le rapport d’enquête comporte des exemples d’aménagements consentis par la direction aux fins de réduire la charge de travail de la requérante.

228    Contrairement à ce que prétend la requérante, le panel a donc examiné le grief tenant au manque de soutien adéquat dont la requérante aurait souffert face à sa surcharge de travail.

229    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

230    Pour autant, cette conclusion ne préjuge pas de l’existence d’une éventuelle erreur manifeste d’appréciation commise par le panel au regard de la question du soutien effectif apporté par la direction de la BCE à la requérante au vu de la surcharge de travail alléguée, question qui sera examinée dans le cadre de la seconde branche du présent moyen.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas pris en compte la circonstance, d’une part, que, en mars 2007, toutes les tâches de la requérante lui auraient été retirées par le directeur général DG-P et ne lui auraient pas été réattribuées par la suite comme il lui aurait été dit en mai 2007 et, d’autre part, que le directeur général DG-P aurait déclaré qu’elle devait quitter la DG-P, suscitant ainsi une incertitude quant à la suite de sa carrière et à l’attribution de ses tâches

231    La BCE fait valoir, en substance, que l’argument de la requérante n’établit pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

232    Il ressort notamment des pages 8, 50, 54, 55 et 59 à 61 du rapport d’enquête que le panel a examiné les allégations de la requérante concernant les aménagements de sa charge de travail consentis par ses supérieurs hiérarchiques ainsi que la décision de la muter dans un autre service.

233    Contrairement à ce que prétend la requérante, le rapport d’enquête n’est donc pas lacunaire sur ces points.

234    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête aurait omis d’examiner le grief tenant à l’isolement de la requérante au sein du service

235    La BCE fait valoir, en substance, que l’argument de la requérante n’établit pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

236    Il ressort des pages 44 à 49 du rapport d’enquête que le grief tenant à l’isolement de la requérante au sein du service a été examiné par le panel, celui-ci ayant conclu à l’absence d’indices de ce que l’isolement et l’exclusion sociale ressentis par la requérante résultaient de l’action de la direction de la BCE exercée avec cette intention.

237    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête n’aurait pas pris en considération l’absence d’évaluation des prestations de la requérante en temps utile pour l’année 2007

238    La BCE fait valoir, en substance, que l’argument de la requérante n’établit pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

239    À titre liminaire, l’argument tiré de l’absence d’évaluation des prestations de la requérante en temps utile pour l’année 2007 a été invoqué dans la plainte de la requérante au soutien du grief tiré de la discrimination dont elle aurait fait l’objet en raison de son activité au sein du comité du personnel, mais aussi en tant qu’élément du harcèlement moral dont elle aurait été victime, puisque ce grief est mentionné à l’appui du point 1, sous le titre IV de la plainte, qui vise, notamment, la discrimination due au travail au sein du comité du personnel et le « mobbing » (harcèlement) (voir page 13 de la plainte).

240    Or, d’une part, à la page 40 du rapport d’enquête, où sont listées les allégations qui fondent le grief de harcèlement moral invoqué par la requérante, le retard dans l’évaluation de 2007 de cette dernière n’est pas mentionné. D’autre part, le rapport d’enquête fait uniquement référence au retard dans l’évaluation de 2007 aux pages 11, 25 (voir note en bas de page no 4) et 26 (voir note en bas de page no 6), sans qu’aucune conclusion en soit tirée.

241    En conséquence, le panel n’a pas examiné si le retard dans l’évaluation de 2007 de la requérante étayait les griefs de discrimination, de harcèlement et de violation de la politique de dignité au travail allégués par la requérante.

242    Dès lors, la requérante est fondée à invoquer une lacune du rapport d’enquête à cet égard, laquelle est aussi révélatrice d’un défaut d’examen par le panel du retard intervenu dans l’évaluation de la requérante pour l’année 2007.

243    Dès lors, il y a lieu d’accueillir l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas tenu compte de la circonstance qu’une augmentation de salaire avait été refusée à la requérante en 2007 en raison de la prétendue insuffisance de ses prestations

244    La BCE fait valoir, en substance, que l’argument de la requérante n’établit pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

245    Il y a lieu relever que, d’une part, le panel n’a pas ignoré l’absence d’octroi d’une augmentation de salaire à la requérante en 2007, puisque ce fait est mentionné expressément dans le rapport d’enquête, notamment à la page 32, où il est indiqué que la décision issue de la procédure de révision des salaires et des primes (annual salary and bonus review, ci-après l’« ASBR ») de 2007 avait été « annulée » dans l’attente de l’issue de l’enquête administrative portant sur les griefs allégués par la requérante.

246    D’autre part, le panel n’a pas examiné la décision issue de l’ASBR de 2007 de ne pas augmenter le salaire de la requérante en raison de la prétendue insuffisance de ses prestations dans le contexte de la discrimination et du harcèlement dont elle s’estimait victime.

247    Pour autant, cette absence d’examen se justifie par le fait que la décision issue de l’ASBR de 2007 avait été annulée par le président de la BCE en date du 19 août 2008, c’est-à-dire avant l’adoption du rapport final d’enquête.

248    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas investigué sur les commentaires du directeur général DG-P quant au fait que la requérante aurait perçu un salaire très élevé par rapport à celui de ses collègues

249    La BCE n’a pas pris position sur l’argument de la requérante.

250    Contrairement à ce que prétend la requérante, le panel a examiné les propos du directeur général DG-P quant au fait qu’elle aurait eu un salaire très élevé par rapport à celui de ses collègues. En effet, le rapport d’enquête fait état de ces propos à la page 50 et indique, à la page 51, que ces propos avaient été formulés dans le cadre restreint d’une réunion portant sur la situation de la requérante et en présence seulement de personnes tenues à la confidentialité. En outre, le rapport d’enquête indique que le constat du directeur général DG-P était exact, la requérante ayant le salaire le plus élevé parmi les experts de haut niveau de la DG-P.

251    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête ne comporterait aucune référence aux règles spécifiques de la BCE applicables en matière de harcèlement moral

252    La BCE conteste l’argument de la requérante. Selon elle, le rapport d’enquête se référerait, au point 2.1.1, à toutes les règles et à tous les textes de nature législative pertinents pris en compte dans le cadre de l’enquête administrative, y compris les dispositions auxquelles la requérante fait référence.

253    Force est de constater que le rapport d’enquête cite les dispositions du code de conduite de la BCE, édicté conformément à l’article 11.3 du règlement intérieur de la BCE (JO 2001, C 76, p. 12, ci-après le « code de conduite ») et de la note sur la politique de dignité au travail et se réfère à celles-ci dans le cadre de l’examen du grief tiré de la prétendue discrimination en raison de l’appartenance de la requérante au comité du personnel. Le rapport d’enquête indique ainsi que ces textes ne définissent pas les termes de « brimades » et de « harcèlement moral » qu’ils utilisent, mais que la notion de harcèlement fait, quant à elle, l’objet d’une définition à l’article 12 bis du statut. Enfin, le rapport d’enquête se réfère aux dispositions susmentionnées pour apprécier les allégations de la requérante selon lesquelles le directeur général DG-P l’aurait menacée, aurait tenu des propos offensants et aurait entretenu des rumeurs à son égard (voir pages 14 à 16, 49 et 53 du rapport d’enquête).

254    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête ne mentionnerait pas la contribution du conseiller social de la BCE dont la requérante avait demandé et obtenu l’intervention

255    La BCE conclut au rejet de cet argument. Elle soutient, d’une part, que le rapport d’enquête contiendrait des références explicites au conseiller social de la BCE et, d’autre part, que les procès-verbaux d’audition du conseiller social auraient été mis à la disposition du directoire pour examen.

256    Force est de constater que le rapport d’enquête mentionne les participations du conseiller social de la BCE aux réunions entre le directeur général DG-P et la requérante au sujet de la situation de celle-ci et se réfère au contenu des témoignages des participants à ces réunions dans l’analyse des faits survenus au cours de ces réunions (voir pages 50 et 51 du rapport d’enquête).

257    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que les problèmes de santé de la requérante n’auraient été ni pris en considération ni mentionnés par le panel, ne serait-ce que pour décrire la succession des événements dans le temps

258    Pour la requérante, son état de santé, qui s’est détérioré depuis 2006, aurait dû être pris en considération, en particulier pour apprécier ses absences ainsi que son manque de participation aux réunions de la division MIS qui sont mentionnés dans le rapport d’enquête et, surtout, pour apprécier le refus du directeur général DG-P de trouver une solution appropriée à sa charge de travail et le fait qu’il aurait décidé de tester ses compétences alors qu’elle était malade.

259    La BCE soutient que le panel n’était pas mandaté pour apprécier l’état de santé de la requérante et, en tout état de cause, aurait examiné l’existence d’une éventuelle discrimination en raison de son état de santé.

260    Ainsi que le prétend à juste titre la requérante, le rapport d’enquête ne tient pas compte de ses problèmes de santé lorsqu’il évoque sa réputation au regard de ses fréquentes absences et de ses retards dans l’accomplissement de son travail (voir page 51 du rapport d’enquête).

261    En outre, le rapport d’enquête ne relève pas que le directeur général DG-P avait demandé à la requérante de rédiger une note sur la politique de « standardisation » afin d’évaluer ses capacités sur le travail politique à un moment où la santé de celle-ci était compromise. En effet, à ce moment, la requérante bénéficiait d’une réduction de son temps de travail pour cause de maladie de 35 %, qui, additionnée à sa dispense de temps de travail pour les activités au sein du comité du personnel, lui laissait environ dix heures par semaine pour effectuer le travail au sein du service (voir page 61 du rapport d’enquête).

262    Enfin, à la page 51 du rapport d’enquête, il est indiqué que, après la réunion du 16 janvier 2008 entre la requérante, le directeur général DG‑P et une autre personne, la requérante semblait bouleversée (distraught), mais il n’est aucunement fait mention du fait qu’elle avait été placée en arrêt maladie par un psychiatre juste après cette réunion. Son placement en arrêt maladie est mentionné laconiquement et exclusivement dans la partie introductive du rapport (page 11) où sont rappelées les allégations du conseil de la requérante effectuées dans son courrier du 18 janvier 2008. Or, le fait que la requérante a été placée en arrêt maladie à l’issue de la réunion où elle s’est sentie offensée par les propos du directeur général DG-P est un élément qui permettait d’apprécier le contexte dans lequel était intervenue la réitération de ces propos dans le courriel du 27 janvier 2008 adressé par le directeur général DG-P à la requérante.

263    Pour autant, le panel a mentionné la fréquence des absences de la requérante pour des raisons de santé, les conséquences que cette situation avait pu avoir sur les tâches qui lui avaient été dévolues ainsi que les aménagements consentis en conséquence par le directeur général DG-P (voir pages 42 et 44 du rapport d’enquête). En outre, le panel a examiné spécifiquement si la requérante avait fait l’objet d’une discrimination en raison de son état de santé (voir pages 59 à 61 du rapport d’enquête).

264    Eu égard à ce qui précède, bien que le rapport d’enquête mentionne l’état de santé de la requérante de façon laconique, il ne l’a pas pour autant ignoré.

265    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas examiné l’incohérence des explications du directeur général DG-P quant aux propos offensants qu’il aurait tenus à l’égard de la requérante quant à sa prétendue mauvaise réputation

266    La requérante estime que le panel n’aurait pas examiné le fait que le directeur général DG-P aurait d’abord refusé de s’expliquer quant à ses propos relatifs à sa prétendue mauvaise réputation, puis, dans son courriel du 27 janvier 2008 et dans sa déposition devant le panel, fourni des explications contradictoires.

267    La BCE conclut au rejet de l’argument de la requérante.

268    À cet égard, il suffit de relever que la prétendue incohérence des explications du directeur général DG-P sur ses propos offensants, alléguée par la requérante, n’a pas été abordée par le panel dès lors que celui-ci n’avait pas trouvé offensants les propos litigieux.

269    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas enquêté sur le refus du directeur général DG-P d’adjoindre un collaborateur à la requérante

270    La BCE conclut au rejet de l’argument de la requérante.

271    D’une part, il ressort du rapport d’enquête que le directeur général DG-P avait estimé que l’adjonction d’un collaborateur aurait été mal acceptée par les collègues de la requérante et, au vu d’informations fournies par le chef de la division MIS, que ceux-ci auraient refusé de travailler sous la direction de celle-ci (voir pages 43 et 51 du rapport d’enquête).

272    D’autre part, dans les observations écrites complémentaires du 27 avril 2016  et de décembre 2017, la requérante a expliqué que la plupart des collègues ayant travaillé avec elle avaient affirmé au panel qu’ils n’avaient pas été interrogés à ce sujet par leurs supérieurs et que, s’ils l’avaient été, ils auraient accepté de travailler avec elle. Ces témoignages confirment implicitement que le panel a investigué sur le refus du directeur général DG-P d’adjoindre un collaborateur à la requérante, car, au vu des déclarations des témoins susmentionnées, des questions en ce sens leur avaient été posées par le panel.

273    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le panel aurait omis de se renseigner sur la circonstance que le directeur général DG-P aurait demandé à la requérante de quitter le comité du personnel à la suite de la réduction temporaire de son temps de travail pour des raisons de santé

274    La requérante fait grief au panel de ne pas avoir investigué sur son allégation selon laquelle, à plusieurs reprises, et en particulier lors de la réunion du 5 mars 2007, le directeur général DG-P lui aurait demandé de quitter le comité du personnel.

275    La BCE fait valoir, en substance, que l’allégation selon laquelle le directeur général DG-P aurait demandé à la requérante de quitter le comité du personnel découlerait d’une interprétation erronée faite par la requérante des propos du directeur général DG-P en ce qui concerne le refus de celle-ci de réduire son activité pour le comité du personnel malgré ses problèmes de santé, propos qui auraient été réitérés dans un courriel du 27 mars 2007 auquel il est fait référence dans le rapport d’enquête.

276    À cet égard, tout d’abord, il convient d’observer que le rapport d’enquête ne mentionne pas le grief de la requérante. Ensuite, il ne ressort pas des procès-verbaux d’audition du directeur général DG-P que le panel l’aurait interrogé sur les propos litigieux qu’il aurait tenus au cours de la réunion du 5 mars 2007, dès lors qu’aucune question en ce sens ne lui a été posée (voir procès-verbaux D-IA 05.550 et D-IA 08.551). Enfin, contrairement à ce que prétend la BCE, le courriel du 27 mars 2007 ne fait aucune référence aux propos litigieux, ni au fait que la requérante aurait refusé de réduire sa dispense de temps de travail pour son activité au sein du comité du personnel. Partant, la requérante est fondée à invoquer un défaut d’examen de ce grief par le panel.

277    Dès lors, il y a lieu d’accueillir l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas relevé la contradiction entre les propos du directeur général DG-P sur la prétendue insuffisance professionnelle de la requérante et les évaluations annuelles de celle-ci

278    Au point 83 de la requête, la requérante a mentionné que, lors de plusieurs réunions, le directeur général DG-P avait fait des commentaires sur le fait que son salaire était très élevé par rapport à celui de ses collègues, qu’elle ne convenait pas pour un travail politique, que sa réputation était très mauvaise et qu’elle devait envisager de quitter la division MIS, alors même que ses évaluations annuelles étaient toutes positives. En outre, au point 49 des observations écrites complémentaires du 27 avril 2016, la requérante a relevé que, dans le procès-verbal d’audition D-IA 08-550, le directeur général DG-P avait même déclaré qu’il avait voulu engager une procédure de licenciement à son égard.

279    La BCE soutient que le champ de l’enquête ne couvrait pas l’examen de la qualité du travail de la requérante.

280    À cet égard, il suffit de constater que, au dernier paragraphe de la page 51 du rapport d’enquête, est expressément mentionnée la contradiction existant entre les propos du directeur général DG-P sur l’insuffisance des capacités professionnelles de la requérante et les appréciations positives figurant dans ses évaluations annuelles, le panel rappelant toutefois que l’appréciation des compétences professionnelles de la requérante ne rentrait pas dans le mandat qu’il avait reçu.

281    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur l’absence de mention de la décision du directeur général DG-P d’appliquer la réduction temporaire du temps de travail de 35 % à l’activité au sein de la division MIS, laquelle aurait entraîné un réaménagement de la charge de travail de la requérante ne lui permettant pas de continuer à suivre le dossier sur la « standardisation » 

282    La BCE fait valoir que la question de la disponibilité limitée de la requérante pour le travail dans le service résultait de sa propre demande de ne pas appliquer la réduction de temps de travail à la dispense de temps de travail pour son activité au sein du comité du personnel.

283    Il ressort notamment des pages 42 et 43 du rapport d’enquête et des documents qui sont listés dans la note en bas de page no 18 de ce rapport que, en mars 2007, le directeur général DG-P avait accepté que la réduction du temps de travail de 35 % pour cause de maladie soit affectée uniquement au travail au sein de la division MIS, conformément au souhait de la requérante.

284    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête ne mentionnerait pas la demande de la requérante visant à ce que soit examinée la circonstance que des collègues de la division MIS auraient été informés du fait qu’elle avait reçu une prime pour 2006, ce qui était constitutif d’une « violation de la confidentialité »

285    La BCE fait valoir, en substance, que, à supposer établie l’absence d’examen par le panel de la circonstance que des collègues de la requérante étaient informés de la prime reçue par celle-ci en 2006, cette absence d’examen porterait sur un aspect factuel insignifiant qui ne pourrait en aucun cas donner lieu à une erreur manifeste.

286    Il ressort du compte rendu de la réunion du 12 mars 2007 entre la requérante et le directeur général DG-P que celui-ci a indiqué à la requérante qu’il avait dû justifier la décision de lui octroyer un bonus en 2006 auprès de l’un de ses collègues, qui l’avait au demeurant lourdement critiqué pour cela.

287    Étant donné que le rapport d’enquête ne comporte aucune référence à cette question, l’argument de la requérante doit être accueilli.

–       Sur le fait que le panel n’aurait pas investigué sur la violation par un membre du personnel de la BCE du caractère confidentiel d’un courrier du conseil de la requérante du 18 janvier 2008

288    La requérante prétend que le panel n’aurait pas investigué sur la violation, par un membre du personnel de la BCE, de la confidentialité du courrier de son conseil du 18 janvier 2008, adressé à ce membre du personnel et qu’il aurait divulgué au directeur général DG-P. Le rapport d’enquête se limiterait à observer que ce membre du personnel avait transmis ledit courrier en sa qualité de « cadre supérieur compétent ».

289    La BCE conteste l’argument de la requérante au motif que, d’une manière générale, les courriers adressés au directeur général de la DG « Ressources humaines, budget et organisation » (ci-après le « directeur général DG-H ») dans le cadre de son domaine d’activité professionnel, qui sont relatifs à des questions d’ordre professionnel impliquant d’autres membres du personnel, ne pourraient pas être traités comme des « non-documents ». En tout état de cause, dans le courrier du 18 janvier 2008, le conseil de la requérante indiquait qu’il demanderait au directeur général DG-P de retirer formellement et officiellement ses commentaires sur la requérante. Partant, il aurait été approprié et nécessaire d’en informer le directeur général DG-P, notamment afin qu’il puisse donner son point de vue sur les questions soulevées dans le courrier susmentionné.]

290     À la page 11 du rapport d’enquête, il est indiqué que le directeur général DG-H a informé le directeur général DG-P du contenu du courrier du 18 janvier 2008 en sa qualité de « supérieur hiérarchique compétent ».

291    Il en découle, d’une part, que le panel a examiné l’allégation de la requérante tirée d’une violation du caractère confidentiel du courrier du 18 janvier 2008 et, d’autre part, que, en tout état de cause, le panel ne pouvait pas voir un indice de harcèlement dans la divulgation au directeur général DG-P du courrier litigieux. Il en va d’autant plus ainsi que ce courrier annonçait que la requérante demanderait au directeur général DG-P de retirer les commentaires prétendument offensants qu’il avait proférés à son égard.

292    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

293    Eu égard à ce qui précède, force est de constater que le rapport d’enquête est lacunaire au regard de certains faits allégués par la requérante dans sa plainte.

 Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation

294    La requérante fait grief au panel d’avoir commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation, lesquelles seront examinées successivement ci-après.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête disculperait le directeur général DG-P pour les propos qu’il aurait tenus à l’égard de la requérante et qui auraient été fondés sur des rumeurs non étayées et sur le fait que le panel n’aurait pas non plus tenu compte de la circonstance que ces rumeurs étaient, en elles-mêmes, une forme de harcèlement

295    La requérante fait grief au panel d’avoir mentionné, dans le rapport d’enquête, quelques points négatifs de son travail et de les avoir utilisés pour justifier la déclaration du directeur général DG-P selon laquelle sa réputation serait mauvaise, alors même que cette déclaration ne serait pas étayée et que de nombreux témoins auraient indiqué qu’il s’agissait de rumeurs.

296    Selon la requérante, les remarques sur sa réputation seraient injustes, sans fondement et non constructives. En effet, lors des réunions des 5 et 12 mars 2007 et du 16 janvier 2008, le directeur général DG-P aurait refusé de lui donner le moindre éclaircissement sur sa prétendue mauvaise réputation et, dans son courriel du 27 janvier 2008, il aurait confirmé son offense en précisant que la requérante aurait eu plusieurs problèmes avec ses supérieurs hiérarchiques. Devant le panel, il aurait expliqué que c’était pour faire comprendre à la requérante que sa demande d’adjonction d’un collègue junior ne serait pas bien vue, sans toutefois expliquer pourquoi il en serait ainsi. Or, cette dernière allégation serait contredite par les témoignages recueillis lors de l’enquête administrative dont il ressortirait soit que les collègues de la requérante n’auraient pas été interrogés sur la question, soit qu’ils auraient été d’accord pour travailler avec elle si cela leur avait été demandé (voir procès-verbaux d’audition des témoins AN 11, AN 12, AN 14, AN 21, AN 22, AN 25, AN 26 et AN 35). Le chef de la division MIS n’aurait d’ailleurs pas confirmé avoir dit que les collègues de la requérante refuseraient de travailler avec elle et sous sa direction. En tout état de cause, le directeur général DG-P aurait dû vérifier si sa « mauvaise réputation » était avérée afin de respecter ses intérêts légitimes et, partant, le cas échéant, sanctionner disciplinairement toute personne colportant cette rumeur. Au cas où cette rumeur aurait été étayée, il aurait dû permettre à la requérante d’exprimer son point de vue.

297    La BCE conteste les arguments de la requérante. Selon elle, il ressort des pages 50 et 51 du rapport d’enquête que les déclarations du directeur général DG-P refléteraient son opinion personnelle et ne constitueraient pas une « rumeur » et que cette opinion aurait été confirmée par une partie des témoins interrogés. En outre, le directeur général DG-P n’aurait pas répété ses déclarations offensantes au panel, comme cela est indiqué aux points 85 et 86 de la requête, mais aurait confirmé son point de vue sur la réputation de la requérante. Or, un commentaire critique d’un supérieur hiérarchique ne serait pas ipso facto « offensant », voire relevant d’un harcèlement ou d’une discrimination. Il le serait d’autant moins que des témoignages auraient confirmé ses propos. En tout état de cause, le directeur général DG-P, niant avoir formulé les commentaires de manière offensante, n’aurait pas été tenu de présenter des excuses à la requérante. Enfin, la BCE critique le caractère vague des allégations exposées au point 87 de la requête.

298    À titre liminaire, il ressort de la plainte de la requérante que celle-ci avait mis en cause le comportement du directeur général DG-P, notamment en ce qu’il aurait colporté des rumeurs et des commentaires négatifs concernant son bonus et sa réputation, en l’humiliant et en utilisant abusivement ces rumeurs contre elle.

299    Il ressort en outre clairement de la requête, d’une part, que les rumeurs auxquelles la requérante fait référence dans ses écrits concernent sa prétendue mauvaise réputation et, d’autre part, que le fait que le directeur général DG-P lui aurait dit à plusieurs reprises qu’elle avait une mauvaise réputation sans jamais lui donner d’explications à cet égard viole ainsi la note sur la politique de dignité au travail, ces propos étant, selon elle, injustes, offensants et non constructifs.

300    En premier lieu, le rapport d’enquête a reconnu l’existence de rumeurs concernant la réputation de la requérante, qu’il ne qualifie pas explicitement de « mauvaise » même si c’est cette conclusion qui découle implicitement du constat, à la page 51 du rapport d’enquête, qu’une majorité des supérieurs hiérarchiques et des collègues de la requérante lui attribuaient une certaine réputation eu égard à ses fréquentes absences, à ses retards dans l’accomplissement de son travail et au fait qu’elle aurait été une collègue difficile à gérer.

301    Au vu des copies des procès-verbaux litigieux communiquées par la BCE, force est de constater que certains témoins avaient entendu circuler des rumeurs concernant les difficultés que la requérante aurait eues avec ses supérieurs hiérarchiques ou le fait qu’il aurait été difficile de travailler avec elle compte tenu de ses absences. Plusieurs témoins ont également confirmé qu’elle était souvent absente en raison de ses activités au sein du comité du personnel et de sa maladie.

302    Dès lors, force est de constater que des rumeurs circulaient sur la requérante et qu’elle était connue pour être fréquemment absente.

303    Cependant, il ne ressort pas du dossier que les rumeurs sur la requérante avaient été mises en circulation ou étaient colportées par le directeur général DG-P.

304    Ainsi, le fait que des rumeurs circulaient sur la requérante ne saurait démontrer l’existence d’un harcèlement moral dont elle aurait été victime de la part du directeur général DG-P.

305    En second lieu, la requérante conteste l’appréciation du panel selon laquelle les propos du directeur général DG-P sur sa mauvaise réputation seraient constructifs et, partant, ne seraient pas constitutifs d’une violation de la note sur la politique de dignité au travail, alors même que celui-ci avait refusé de lui exposer les motifs qui fondaient ces propos.

306    Tout d’abord, à la page 50 du rapport d’enquête, il est indiqué que les propos offensants contestés par la requérante auraient été proférés par le directeur général DG-P lors des réunions des 5 et 12 mars 2007, du 15 mai 2007 et du 16 janvier 2008 ayant eu lieu entre celui-ci et la requérante.

307    Ensuite, il ne ressort pas du dossier que le directeur général DG-P ait contesté avoir proféré les propos litigieux au cours des réunions mentionnées au point 306 ci-dessus et ne pas avoir expliqué à la requérante ce qu’il entendait exactement par ses propos.

308    Par ailleurs, il ressort du témoignage du conseiller social ayant assisté à l’une des réunions entre le directeur général DG-P et la requérante que celui-ci, de manière inattendue, avait effectué un commentaire sous-entendant que la requérante était une personne avec qui il était difficile de travailler et n’avait pas souhaité donner des explications précises sur les motifs d’une telle affirmation, ce qui, selon l’opinion du conseiller social, pouvait être compris comme voulant dire qu’il ne souhaitait pas divulguer l’identité des collègues de la requérante à l’origine de ces propos (voir procès-verbal d’audition D-IA 09.018, réponse à la question no 4). De plus, il découle du témoignage d’un autre membre du personnel ayant assisté à l’une des réunions visées au point 306 ci-dessus que le directeur général DG-P a effectivement prononcé les propos contestés sans fournir à la requérante la moindre explication (voir procès-verbal d’audition D-IA 08.503, réponse à la question no 5).

309    Enfin, le fait de ne pas avoir expliqué à la requérante les motifs qui fondaient les propos contestés relatifs à sa mauvaise réputation, propos réitérés à plusieurs reprises, n’est pas conforme à la note sur la politique de dignité au travail.

310    En effet, à la page 53 du rapport d’enquête, il est rappelé que, conformément à la note sur la politique de dignité au travail, les commentaires négatifs ou les critiques adressés à un membre du personnel sont appropriés (i) s’ils sont justes et constructifs, (ii) s’ils sont adressés directement au membre du personnel et (iii) si ce membre du personnel est traité avec dignité et respect.

311    Ainsi que le soutient à juste titre la requérante, une critique telle que celle formulée par le directeur général DG-P ne saurait être considérée comme « constructive » en l’absence de toute explication. Le fait qu’une explication a été fournie à la requérante dans un courriel du 27 janvier 2008 ne saurait infirmer la conclusion qui précède dès lors qu’il n’est pas contesté que, avant cette date, ces propos avaient été prononcés à plusieurs reprises par le directeur général DG-P sans qu’il s’en explique.

312    Eu égard à ce qui précède, la décision attaquée du 24 novembre 2009, qui fait référence au rapport d’enquête ayant conclu au caractère approprié des propos litigieux du directeur général DG-P, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

313    Dès lors, il y a lieu d’accueillir partiellement l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que le panel aurait considéré que les déclarations du directeur général DG-P concernant la mauvaise réputation de la requérante, selon elle offensantes et injustifiées, leur réitération au cours de l’enquête administrative et le refus de ce dernier de les retirer et de présenter des excuses n’étaient pas des actes intentionnels, alors que le directeur général DG-P était bien conscient de la fragilité de sa santé et de son état d’esprit

314    La BCE fait valoir que le directeur général DG-P n’a pas « répété » des déclarations offensantes, mais aurait exprimé son point de vue concernant la réputation de la requérante. En outre, un commentaire effectué par un supérieur ne serait pas ipso facto offensant, voire relevant du harcèlement ou de la discrimination. Il en irait d’autant plus ainsi que le commentaire critique serait confirmé, comme en l’espèce, par un certain nombre de témoins. Enfin, puisque le directeur général DG-P nierait avoir formulé ses commentaires d’une manière blessante, il n’aurait aucune obligation de s’excuser.

315    Contrairement à ce que prétend la requérante, il ne ressort pas du rapport d’enquête (voir pages 50 à 52) que le panel a conclu à l’absence de caractère intentionnel des propos du directeur général DG-P relatifs à sa mauvaise réputation. À cet égard, il convient en particulier de constater que, à la page 51 du rapport d’enquête, le panel a seulement relevé que les témoins qui avaient assisté aux réunions au cours desquelles de tels propos avaient été proférés avaient estimé que ceux-ci n’étaient pas discriminatoires et que le directeur général DG-P n’entendait pas discriminer la requérante.

316    Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête serait entaché d’une erreur manifeste en ce qu’il considérerait comme n’étant pas discriminatoire le refus d’accorder à la requérante une promotion ad personam en 2008, en se fondant sur une information incorrecte, à savoir qu’elle ne remplissait pas le critère de deux ans de service avec le plus haut niveau de mérite prévu pour bénéficier d’une telle promotion

317    La BCE a fait valoir que le refus d’accorder à la requérante une promotion ad personam en 2008 faisait l’objet du recours dans l’affaire F‑96/08, Cerafogli/BCE.  

318    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en réponse à une question écrite du Tribunal du 27 juin 2019, la BCE a reconnu que la situation de litispendance qu’elle contestait dans le mémoire en défense avait disparu à la suite du prononcé de l’arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑96/08, EU:F:2010:135) (voir point 83 ci-dessus).

319    Par ailleurs, dans l’arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑96/08, EU:F:2010:135), le Tribunal a annulé la décision par laquelle la BCE avait refusé d’accorder à la requérante, pour l’année 2008, une augmentation supplémentaire de salaire, en se fondant notamment sur la circonstance que le comité du personnel n’avait pas été consulté avant l’adoption du texte prévoyant le critère de deux ans de service avec le plus haut niveau de mérite (arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE, F‑96/08, EU:F:2010:135, points 52 à 54). Étant donné l’autorité de la chose jugée qui se rattache aux motifs précités qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt susmentionné, il y a lieu de conclure, en l’espèce, que le panel s’est, à tort, fondé sur le fait que la requérante ne remplissait pas le critère de deux ans de service avec le plus haut niveau de mérite pour considérer que le refus de lui accorder une promotion ad personam n’était pas contestable.

320    Dès lors, il y a lieu d’accueillir l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête conclurait de manière manifestement erronée que la requérante avait reçu le soutien de la DG-P, alors que, malgré de nombreuses demandes d’aide, aucune mesure n’aurait été prise pour remédier à sa surcharge de travail avant le mois de mars 2007, lorsque son temps de travail avait été réduit en raison de la détérioration de son état de santé

321    La BCE soutient que la requérante avait obtenu une dispense de temps de travail supérieure à celle normalement autorisée et que le directeur général DG-P aurait consacré, à partir de 2006, une quinzaine de réunions pour discuter avec la requérante de sa situation et de la manière de l’aider.  

322    Dans l’arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑84/08, EU:F:2010:134), il a été considéré qu’aucun élément ne permettait de tenir pour établi que la charge de travail de la requérante avait effectivement été adaptée pour tenir compte de la dispense de service à hauteur de 50 % de son temps de travail, que celle-ci avait obtenue en janvier 2006 pour assurer la représentation du personnel, et que la tâche principale qui lui avait été confiée, à savoir le dossier sur la « standardisation », n’avait été attribuée à un autre agent qu’en mars 2007, lorsqu’elle s’était vu octroyer une réduction de son temps de travail pour motifs médicaux (arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE, F‑84/08, EU:F:2010:134, point 58). Compte tenu de l’autorité de la chose jugée qui s’attache aux motifs susmentionnés, qui constituent le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑84/08, EU:F:2010:134), la décision attaquée du 24 novembre 2009, qui fait référence à la conclusion du rapport d’enquête selon laquelle la requérante avait bénéficié de mesures destinées à remédier à sa surcharge de travail avant le mois de mars 2007, est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

323    Dès lors, il y a lieu d’accueillir l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que, à la page 60, le rapport d’enquête relèverait, en contradiction avec les évaluations annuelles dont la requérante a fait l’objet, que, en raison du temps qu’elle consacrait au comité du personnel et de ses absences, son temps de travail pour le service s’était réduit et que cette situation, à laquelle s’ajoutaient ses « problèmes professionnels », avait exigé une attention particulière de la part du directeur général DG-P

324    La requérante prétend que le rapport d’enquête exprime un jugement négatif sur sa capacité à exécuter le travail de son unité organisationnelle, lequel serait en contradiction avec ses évaluations annuelles. Elle soutient que l’affirmation du panel à la page 60 du rapport d’enquête, selon laquelle sa situation requerrait une attention spéciale, n’est pas fondée, car aucun problème professionnel ne lui aurait été notifié. En outre, le rapport d’enquête ne préciserait pas quels seraient les « problèmes professionnels » auxquels il est fait référence, ni si ces problèmes auraient été portés à sa connaissance.

325    La BCE estime, en substance, que l’argument de la requérante repose sur des affirmations vagues, voire spéculatives, qui ne reposeraient pas sur des preuves circonstanciées et qui, en tout état de cause, n’établiraient pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

326    Le deuxième point de la page 60 du rapport d’enquête est rédigé en ces termes :

« Le panel d’enquête note que, en raison du temps consacré aux activités du comité du personnel et des absences qui ont eu lieu au cours des dernières années, le temps restant à disposition pour l’activité au sein du service est devenu limité et imprévisible. Cette situation considérée avec les problèmes professionnels de la plaignante qui ont été observés ont requis une attention particulière en termes de gestion de la part du directeur général DG-P. »

327    La « situation » à laquelle il est fait référence au début de la seconde phrase du deuxième point de la page 60 du rapport d’enquête se rapporte aux problèmes visés dans la première phrase de ce point, à savoir, d’une part, la surcharge de travail de la requérante en raison du temps consacré à ses responsabilités en tant que membre du comité du personnel et, d’autre part, ses absences.

328    Dès lors, les « problèmes professionnels » visés dans la seconde phrase du deuxième point de la page 60 du rapport d’enquête ne font pas référence à la surcharge de travail de la requérante et à ses absences, mais aux prétendus problèmes professionnels de la requérante dont le directeur général DG-P avait fait part au panel, et qui sont rappelés à la page 50 du rapport d’enquête.

329    Or, il ressort du point 280 ci-dessus que le panel a bien relevé la contradiction existant entre les propos du directeur général DG-P sur l’insuffisance des capacités professionnelles de la requérante et les appréciations positives figurant dans ses évaluations annuelles, tout en rappelant qu’il n’était pas compétent pour se prononcer sur cette question.

330    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête serait entaché d’une contradiction en ce qu’il relèverait, d’une part, que les membres du personnel de la division MIS auraient été opposés à ce que la requérante obtienne l’aide d’un collaborateur et, d’autre part, que ceux-ci se seraient montrés disposés à travailler avec elle

331    La BCE estime, en substance, que l’argument de la requérante repose sur des affirmations vagues n’établissant pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

332    Il y a lieu de relever que, premièrement, le rapport d’enquête mentionne que des collègues de la requérante s’étaient effectivement déclarés prêts à travailler avec elle, certains précisant néanmoins que les modalités concrètes d’une telle coopération devraient être définies au préalable. Deuxièmement, le rapport d’enquête indique que le directeur général DG-P était d’avis que l’adjonction d’un collaborateur à la requérante serait mal acceptée par ses collègues et qu’ils refuseraient de travailler sous la direction de celle-ci.

333    Force est de constater qu’aucune contradiction ne découle des deux constats mentionnés au point 332 ci-dessus dès lors que le premier résultait des auditions de membres du personnel, tandis que le second relatait l’opinion du directeur général DG-P, qu’il avait pu se forger sur la base d’une information fournie par le chef de la division MIS. Au surplus, l’opinion du directeur général DG-P a été fortement nuancée durant l’enquête administrative par les membres de la division MIS eux-mêmes.

334    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que le rapport d’enquête serait entaché d’une erreur en ce qu’il aurait négligé la circonstance que les autres membres de la DG-P absents pour maladie avaient pu retrouver leurs fonctions à leur retour, alors que, dans le cas de la requérante, le dossier sur la « standardisation » lui a été définitivement retiré après la fin de la réduction de son temps de travail pour raisons médicales

335    La requérante soutient, plus précisément, qu’une situation où un membre du personnel ferait l’objet d’une réduction du temps de travail de 35 % ne devrait pas être traitée différemment d’une situation où un membre du personnel serait absent pour maladie pendant une période de trois mois. Elle ajoute en substance que les autres membres de la DG-P, malades ou en congé pour quelques mois, seraient retournés à leur poste à la fin de leur congé. Ainsi, en substance, elle considère que le fait que le dossier sur la « standardisation » ne lui a pas été restitué à la fin de la réduction de son temps de travail pour raisons médicales serait constitutif d’une discrimination à son égard en raison de son appartenance au comité du personnel et de sa maladie, étant rappelé que ses supérieurs avaient refusé de prendre des mesures pour lui permettre d’assurer ses doubles fonctions lorsqu’elle était malade.

336    La BCE estime, en substance, que l’argument de la requérante repose sur des affirmations vagues, voire spéculatives, qui ne seraient pas fondées sur des preuves circonstanciées et qui, en tout état de cause, n’établiraient pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

337    L’argument de la requérante, même à le supposer fondé, ne saurait constituer la preuve d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où la requérante avait depuis longtemps une surcharge de travail, situation à laquelle la BCE devait trouver une solution.

338    Par ailleurs, dans l’arrêt du 28 octobre 2010, Cerafogli/BCE (F‑84/08, EU:F:2010:134, point 59), il a été jugé que la BCE, qui était compétente pour fixer et modifier l’organisation de ses services en fonction de ses besoins, avait pu estimer, sans porter atteinte à la position statutaire de la requérante, que celle-ci, en raison de sa dispense de service et de la réduction de son temps de travail pour motifs médicaux, n’était plus en mesure de suivre de manière adéquate le dossier sur la « standardisation ».

339    En tout état de cause, la requérante n’a pas démontré avoir été dans une situation analogue à celle de ses collègues ayant repris leurs fonctions après un arrêt maladie de trois mois. Elle n’a pas non plus démontré que les collègues de sa division avaient toujours retrouvé leurs dossiers au retour d’un arrêt maladie prolongé ou à la fin d’une période de réduction du temps de travail pour cause de maladie.

340    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante.

–       Sur le fait que le contenu du rapport d’enquête et celui de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et de celle du 24 mars 2010 ont eu pour résultat de diffamer davantage la requérante

341    La requérante fait valoir que le panel a établi les faits de manière partiale et que la décision attaquée du 24 novembre 2009 et celle du 24 mars 2010 contiendraient des citations incorrectes de ses évaluations annuelles afin de dénigrer son travail. Elle soutient aussi que de nombreuses citations contenues dans le rapport d’enquête, listées au point 97 de la requête, seraient soit incorrectes, soit sorties de leur contexte. De même, en substance, les affirmations dans le rapport d’enquête sur sa prétendue mauvaise réputation liée à ses absences fréquentes, à ses retards dans l’accomplissement de son travail et au fait qu’elle serait une collègue difficile auraient eu pour effet de la diffamer davantage.

342    La BCE conteste l’argument de la requérante, lequel ne tiendrait compte ni du temps ni de l’énergie considérables investis par un nombre important de personnes au sein de la BCE aux fins, d’abord, de trouver des solutions à la situation de la requérante, puis d’examiner sa plainte. En outre, l’argument de la requérante reposerait sur le postulat erroné selon lequel, dès lors que ses allégations se sont révélées infondées, elle aurait d’office subi une diffamation. Enfin, la BCE prétend que l’argument de la requérante ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.  

343    Il convient de relever que le caractère diffamatoire des propos tenus au sujet de la requérante n’est pas établi, la BCE faisant valoir, à juste titre, qu’il serait inhérent à toute enquête administrative interne de déboucher, le cas échéant, sur des conclusions ne confirmant pas les affirmations de l’auteur de la plainte à l’origine de l’enquête, voire contraires aux attentes de celui-ci. Dès lors, une telle situation ne saurait être considérée comme diffamatoire en elle-même.

344    En outre, même en supposant que le panel aurait commis une erreur en estimant qu’il était établi, au vu des témoignages recueillis auprès des supérieurs hiérarchiques et des collègues de la requérante, qu’elle avait une certaine réputation liée à ses absences, à ses retards dans l’accomplissement de son travail et au fait qu’elle aurait été une personne avec qui il était difficile de travailler, cette erreur ne saurait diffamer la requérante, car le rapport d’enquête prend également le soin de relever qu’un certain nombre de collègues lui reconnaissait une bonne réputation.

345    Dès lors, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante.

–       Sur le fait que la décision attaquée du 24 mars 2010 s’appuie sur des extraits des évaluations annuelles de la requérante qui lui seraient défavorables, parce qu’ils seraient modifiés ou sortis de leur contexte

346    La BCE prétend que l’argument de la requérante ne démontre pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.  

347    À titre liminaire, la décision attaquée du 24 mars 2010 indique, d’une part, que certains extraits des évaluations annuelles de la requérante antérieures à 2007 contenaient quelques critiques à son égard (par exemple l’évaluation de 2006 aurait sous-entendu que la requérante devait accroître l’interaction avec ses collègues) et, d’autre part, que si ses évaluations annuelles comportaient dans l’ensemble des appréciations globalement positives, celles-ci étaient nuancées au fil du temps.

348    En premier lieu, il n’est pas possible de vérifier si l’extrait de l’évaluation annuelle de 2001, reproduit dans la décision attaquée du 24 mars 2010, a été modifié, car cette évaluation ne figure pas au dossier de l’affaire. En revanche, les évaluations annuelles de 1999 et de 2006 ainsi que l’extrait de l’évaluation de 2002 figurent au dossier de l’affaire.

349    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, les extraits des évaluations annuelles de 1999, de 2002 et de 2006 mentionnés dans la décision attaquée du 24 mars 2010 n’ont pas été modifiés.

350    Cela étant, ces extraits ont été sortis de leur contexte aux fins d’en tirer des conclusions négatives sur la requérante, notamment quant à ses performances professionnelles, et ce alors même que l’appréciation de celles-ci ne faisait pas partie de l’objet de l’enquête administrative (voir point 216 ci-dessus).

351    En second lieu, la décision attaquée du 24 mars 2010 indique que l’évaluation de l’année 2006 « sugg[érait] que [la requérante devait] accroître son interaction avec ses collègues de la [division MIS] » (arrêt initial, point 187). Toutefois, à défaut d’autres éléments, dans les évaluations annuelles de 1999, de 2000 et de 2002 à 2005, confirmant cette interprétation, il ne peut pas être automatiquement déduit de l’accroissement de l’interaction entre la requérante et ses collègues, qui a été constaté dans l’évaluation de l’année 2006, que la situation avant cette date aurait été problématique ou peu optimale.

352    Au demeurant, sur la question de l’interaction entre la requérante et ses collègues, il ressort de plusieurs procès-verbaux communiqués par la BCE au Tribunal, premièrement, qu’il n’y avait pas nécessairement d’interaction entre les collègues d’une même division lorsqu’ils travaillaient sur des dossiers différents, deuxièmement, qu’il était habituel, au sein de la DG-P, que les employés aient pendant des années leurs propres dossiers auxquels ils étaient « attachés » et, troisièmement, qu’il y avait une certaine réticence à partager des dossiers ou à changer de dossier, en ce sens que les collègues voyaient cela comme une interférence dans ce qu’ils considéraient comme leurs propres dossiers.

353    Dès lors, l’argument de la requérante doit être accueilli.

 Conclusion

354    D’une part, les lacunes du rapport d’enquête (voir points 241, 242, 276, 286 et 287 ci-dessus) attestent d’une absence d’examen minutieux, par le panel, des griefs de discrimination, de harcèlement moral et de la violation de la note sur la politique de dignité au travail dont il était saisi, plusieurs éléments factuels présentés à l’appui de ces griefs ayant été ignorés.

355    Cependant, les éléments factuels que le panel a omis d’examiner, pris isolément ou dans leur ensemble, ne suffisent pas à eux seuls à remettre en cause la conclusion du panel selon laquelle la requérante n’aurait pas fait l’objet d’un traitement discriminatoire, d’un harcèlement moral et d’une violation de la note sur la politique de dignité au travail.

356    D’autre part, il ne peut pas être exclu que, en l’absence des erreurs manifestes d’appréciation constatées aux points 312, 319, 322 et 351 ci-dessus, les décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010, à tout le moins au regard du grief de harcèlement moral, auraient pu être différentes.

357    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’accueillir partiellement le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de la notion de harcèlement moral

358    La requérante considère que la décision attaquée du 24 novembre 2009 méconnaît la notion de harcèlement moral et, partant, en substance, qu’elle est entachée d’une erreur de droit. À cet égard, tout d’abord, elle fait valoir que le panel aurait apprécié le comportement du directeur général DG-P (en particulier, le caractère répété de sa déclaration relative à sa mauvaise réputation, ses critiques quant à sa capacité de fournir un travail en matière de politiques, son conseil de quitter la division et son avertissement « vous serez dévastée ») uniquement au regard des règles sur le harcèlement contenues dans le statut et non au regard des règles contenues dans la note sur la politique de dignité au travail, lesquelles n’exigeraient pas d’élément intentionnel. Ensuite, elle soutient que la conclusion du rapport d’enquête selon laquelle les propos du directeur général DG-P n’auraient pas été intentionnels serait incorrecte, car il aurait connu son état de santé et aurait été conscient du fait qu’elle avait ressenti ses déclarations comme une offense et il les aurait réitérées malgré cela. Enfin, elle prétend que si l’opinion négative d’un collègue n’est pas en soi constitutive de harcèlement moral, il en va autrement si cette opinion défavorable trouve son origine dans le fait qu’elle était membre du comité du personnel.

359    La BCE conclut au rejet du moyen de la requérante. À cet égard, tout d’abord, elle fait valoir que le rapport d’enquête se réfère à la politique sur la dignité au travail et, aux pages 49 à 51, contiendrait une appréciation du comportement du directeur général DG-P, avec la conclusion que ce comportement ne contrevenait pas aux règles pertinentes de la BCE. Ensuite, elle souligne le caractère vague de l’affirmation de la requérante selon laquelle ce comportement n’aurait pas été apprécié à l’aune des dispositions de la note sur la politique de dignité au travail. Enfin, elle affirme que le directeur général DG-P n’aurait pas répété au panel des commentaires négatifs sur la requérante, mais aurait simplement confirmé au panel ce qu’il avait dit à la requérante, en relevant qu’un certain nombre de témoins auraient confirmé que celle-ci aurait eu des difficultés avec la plupart de ses supérieurs hiérarchiques.

 Observations liminaires

360    En premier lieu, dans le cadre du deuxième moyen, tiré de la violation par le panel de son mandat, la requérante a contesté le fait que le panel aurait examiné son grief relatif au harcèlement moral uniquement au regard des allégations d’offenses, de colportage de rumeurs et de menaces du directeur général DG-P sans tenir compte de la situation générale et d’autres décisions ou comportements de la direction qu’elle considère comme abusifs (voir point 207 ci-dessus). De plus, dans la réplique, au soutien du cinquième moyen, tiré de la violation du devoir d’assistance par le panel, la requérante a fait valoir que, tout en confirmant tous les faits qu’elle avait allégués au sujet de sa situation de travail au sein de la DG-P, le panel n’aurait pas examiné ces faits ensemble et, par conséquent, n’aurait pas examiné l’ensemble de la situation pour établir si le harcèlement moral était avéré en l’espèce.

361    En d’autres termes, la requérante critique le fait, pour le panel, d’avoir apprécié l’existence du harcèlement moral allégué uniquement au regard de certains comportements et de certaines décisions du directeur général DG‑P pris isolément, en omettant ainsi d’effectuer cet examen au regard de tous les faits qu’elle avait allégués dans sa plainte, considérés de manière globale, c’est-à-dire en tenant compte de la « situation générale » à laquelle elle était exposée. Cette interprétation trouve d’ailleurs confirmation dans le recours spécial du 29 janvier 2010, dans lequel la requérante avait déjà explicitement contesté le fait que le rapport d’enquête avait examiné ses allégations séparément et non d’une manière globale, contrairement au concept de harcèlement.

362    Par une mesure d’organisation de la procédure du 27 juin 2019, le Tribunal a donné à la BCE l’opportunité de présenter ses observations sur ce grief. Dans sa réponse du 14 juillet 2019, la BCE a répondu que le panel avait procédé à une évaluation approfondie et exhaustive des allégations individuelles de la requérante. Ce faisant, il aurait tenu compte de la situation générale de la requérante au sein de la DG-P et de ses allégations concernant les décisions et les actions de gestion qui avaient été prises à son égard. La BCE a également précisé que le panel avait dû structurer son travail et avait regroupé l’objet de l’enquête administrative en quatre thèmes, en les évaluant un par un. Cela ne signifierait pas pour autant que les allégations de la requérante auraient été exclues du champ de l’enquête administrative ou n’auraient pas été évaluées. Selon la BCE, dans le rapport d’enquête, le panel aurait évalué en détail s’il existait suffisamment de preuves d’actes de diffamation, d’isolement, de harcèlement moral et d’intimidation ou d’actes constituant une violation de la politique de dignité au travail.

363    En deuxième lieu, le code de conduite, tel qu’il était applicable à l’époque des faits, disposait, au point 2.1 intitulé « Égalité de traitement et non-discrimination », ce qui suit :

« Les [membres du personnel de la BCE] doivent éviter toute forme de discrimination et en particulier toute discrimination fondée sur la race, la nationalité, le sexe, l’âge, un handicap physique, les préférences sexuelles, les opinions politiques, les conceptions philosophiques ou les convictions religieuses.

[...] Les [membres du personnel de la BCE] doivent faire preuve de sensibilité et de respect envers autrui et cesser tout comportement jugé offensant par une autre personne dès qu’elle le leur signifie. Aucun [membre du personnel de la BCE] ne saurait être défavorisé de quelque manière que ce soit pour avoir empêché ou signalé un cas de harcèlement ou d’intimidation. »

364    Le 19 septembre 2006, la BCE a diffusé la note sur la politique de dignité au travail. La partie introductive de cette note précise que celle-ci « exécute l’article 2.1 du code de conduite » et qu’elle couvre toute forme de comportements inappropriés, tels que le harcèlement, le harcèlement sexuel, la discrimination ou l’intimidation.

365    En outre, aux termes du chapitre 2 de la note sur la politique de dignité au travail :

« [La d]ignité au travail signifie l’absence de comportement inapproprié au sein de l’environnement de travail de la [BCE]. Un comportement inapproprié peut recouvrir plusieurs formes, lesquelles portent atteinte à la dignité ou au respect auxquels les autres membres du personnel ont le droit : harcèlement physique, harcèlement sexuel, discrimination, intimidation ou brimade. Un comportement inapproprié peut donc être physique, verbal ou psychologique. Il peut être le résultat de toute action ou [de tout] comportement, qui n’est pas souhaité et qui est estimé déraisonnable par le destinataire, celui-ci le considérant intimidant, humiliant ou offensant.

Un comportement inapproprié peut viser une variété de caractéristiques du personnel (genre, âge, orientation sexuelle, race/origine ethnique, handicap, religion ou croyances ou toute autre caractéristique d’un individu) et peut être le résultat d’actions ou [de] comportements visant directement ou indirectement un individu ou un groupe de personnes. Il peut intervenir une fois ou de manière répétée ; il peut inclure un abus de pouvoir manifeste ou recouvrir des formes plus subtiles.

L’intention du présumé fautif n’est pas le seul point ni le point principal ; le comportement incriminé peut même ne pas être intentionnel de la part de son auteur. L’effet du comportement sur celui qui le ressent est aussi d’une grande importance pour déterminer si le comportement est inapproprié. Chacun doit apprécier soigneusement la situation d’un comportement inapproprié allégué avant d’agir. Des allégations non fondées faites dans l’intention de discréditer d’autres personnes ne sont pas acceptables. Pour éviter les malentendus, il est important que chacun soit conscient que certains mots, certaines façons de parler et certains actes peuvent constituer un comportement acceptable dans sa propre culture, mais peuvent être blessants ou offensants pour d’autres et peuvent contrevenir aux valeurs de la [BCE] […]

Informer les membres du personnel sur le suivi de leur travail fait partie des responsabilités principales des supérieurs hiérarchiques en matière de direction et de développent de leur personnel. Un commentaire négatif ou des critiques sur le travail ou le comportement au travail d’un membre du personnel sont appropriés s’ils sont justes et constructifs, adressés directement à cet employé et que celui-ci est traité avec dignité et respect.

Un comportement inapproprié porte atteinte à la confiance en soi [des personnes employées par la BCE]. Il peut affecter [leur] capacité d’exercer [leurs] fonctions au mieux de [leurs] possibilités. Il peut aussi affecter [leur] santé et [leur] bien-être […] »  

366    Selon le chapitre 3 de la note sur la politique de dignité au travail :

« […]

Les chefs d’unité et les supérieurs hiérarchiques ont la responsabilité d’agir comme modèles pour leur personnel. Ils doivent être attentifs et reconnaître les comportements inappropriés et prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la politique de dignité au travail dans toute leur unité. Ils doivent être ouverts et prêts à réagir envers les membres du personnel qui se sentent traités de manière inappropriée.

[…] »  

367    À la lumière de ce qui précède, premièrement, il convient de constater que l’article 2.1 du code de conduite se réfère au « harcèlement » sans opérer de distinction entre harcèlement moral ou sexuel (voir point 363 ci-dessus). Deuxièmement, bien que la note sur la politique de dignité au travail ne vise pas expressément le harcèlement moral, il découle des termes employés que cette note vise implicitement mais nécessairement le harcèlement moral. En effet, d’une part, la partie introductive de cette note vise aussi bien le « harcèlement » que le « harcèlement sexuel » (voir point 364 ci-dessus). D’autre part, le chapitre 2 de ladite note indique qu’un comportement inapproprié, au sens de cette note, peut « recouvrir plusieurs formes ». Dès lors, la liste des comportements inappropriés, visée au chapitre 2 de la note sur la politique de dignité au travail (voir point 365 ci-dessus), n’est pas limitative et, partant, inclut le harcèlement moral. Au demeurant, force est de constater que les parties ne contestent pas que tel est bien le cas.

368    En troisième lieu, le rapport d’enquête mentionne les dispositions du code de conduite et de la note sur la politique de dignité au travail pertinentes et s’y réfère, d’une part, dans le cadre de l’examen d’une prétendue discrimination en raison de l’appartenance de la requérante au comité du personnel et, d’autre part, aux fins d’apprécier les allégations de la requérante selon lesquelles le directeur général DG-P l’aurait menacée, aurait tenu des propos offensants et aurait entretenu des rumeurs à son égard (voir pages 14 à 16, 41, 49 et 53 du rapport d’enquête).

369    À cette occasion, le rapport d’enquête fait état de ce que le code de conduite et la note sur la politique de dignité au travail ne définissaient pas les termes de « brimades » et de « harcèlement moral » et de ce que la définition du harcèlement moral avait été consacrée à l’article 12 bis du statut (voir pages 16, 17 et 41 du rapport d’enquête).

370    En outre, à la page 16, le rapport d’enquête indique également que, conformément à la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO 2000, L 303, p. 16), le harcèlement est une forme de discrimination. Ainsi, en se référant implicitement à la définition du harcèlement consacrée à l’article 2, paragraphe 3, de cette directive, le rapport d’enquête précise, à la page 16, que relève du harcèlement moral « toute conduite inappropriée qui a lieu sur une période donnée, est répétitive ou systématique et implique des comportements physiques, l’usage d’un langage parlé ou écrit, des gestes ou d’autres actes de nature intentionnelle et qui peuvent porter atteinte à la personnalité, à la dignité, à l’intégrité physique ou psychologique de toute personne ».

371    En quatrième lieu, il convient de rejeter l’allégation de la BCE concernant le caractère vague de l’affirmation de la requérante selon laquelle le comportement du directeur général DG-P n’aurait pas été apprécié à l’aune des dispositions de la note sur la politique de dignité au travail (voir point 359 ci-dessus). En effet, il ressort clairement des points 30 et 100 de la requête que, dans la mesure où le panel a recherché l’intentionnalité des comportements et des décisions des supérieurs hiérarchiques de la requérante, celui-ci n’aurait pas examiné le grief de harcèlement moral au regard de la note sur la politique de dignité au travail, laquelle ne requiert pas que soit démontrée l’intention du présumé fautif.

372    C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il y a lieu d’examiner le moyen de la requérante, lequel se divise, en substance, en deux branches. La première branche vise à contester la recherche, par le panel, de l’intentionnalité des comportements, des faits et des décisions contestées au titre du grief de harcèlement moral, laquelle, selon la requérante, ne serait pas exigée par la note sur la politique de dignité au travail. La seconde branche est tirée de l’absence d’examen conjoint et contextuel de tous les comportements, faits et décisions contestés au regard de la notion de harcèlement moral.

 Sur la première branche du quatrième moyen, tirée, en substance, de la recherche erronée, par le panel, de l’intentionnalité des comportements incriminés

373    Depuis l’entrée en vigueur, le 1er mai 2004, de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, le harcèlement moral s’entend comme « toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne ».

374    À cet égard, il y a lieu de constater que, dans le libellé de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, le législateur de l’Union n’a pas repris l’exigence jurisprudentielle antérieure selon laquelle, pour relever de la notion de harcèlement moral, un comportement devait avoir visé, objectivement, « à discréditer ou à dégrader délibérément les conditions de travail » de la personne à l’égard de laquelle un tel comportement avait été manifesté.

375    Dans ces conditions, il y a lieu d’admettre que la notion de harcèlement moral est définie, au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, comme une « conduite abusive » qui, premièrement, se matérialise par des comportements, des paroles, des actes, des gestes ou des écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont « intentionnels », par opposition à « accidentels ». Deuxièmement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, point 101 ; voir, également, arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 76 et jurisprudence citée).

376    Il n’est donc pas nécessaire d’établir que les comportements, les paroles, les actes, les gestes ou les écrits en cause ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral sans qu’il soit démontré que le harceleur a entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir arrêts du 5 juin 2012, Cantisani/Commission, F‑71/10, EU:F:2012:71, point 89 et jurisprudence citée, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 77 et jurisprudence citée).

377    Enfin, l’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, il s’ensuit que la qualification de « harcèlement » est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (arrêts du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 65, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 78).

378    Il ressort de ce qui précède que la notion statutaire de harcèlement moral n’exige pas que soit démontrée l’intention de nuire de son auteur.

379    Il convient d’ajouter qu’est sans incidence, en l’espèce, le fait que la requérante ait considéré, à tort, que seule la notion de harcèlement moral visée par la note sur la politique de dignité au travail n’exigeait pas que soit démontrée l’intention du présumé harceleur. En effet, dès lors que le panel a examiné l’existence d’un éventuel harcèlement moral, au sens de la note sur la politique de dignité au travail, en appliquant la définition statutaire, il y a lieu d’examiner si le panel a effectivement exigé l’intentionnalité des comportements incriminés par la requérante et, dans l’hypothèse où tel serait le cas, si cela constitue une violation de la notion de harcèlement moral au sens de la note sur la politique de dignité au travail et au sens de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut.

380    À cet égard, il convient de relever que, à la page 17 du rapport d’enquête, après avoir rappelé la définition statutaire du harcèlement moral, le panel en a résumé les conditions dans trois tirets, lesquelles sont rappelées ci-après :

« - Le comportement est contraire aux règles ;

- Le comportement est répétitif ou systématique ;

- Le comportement est intentionnel. »

381    La question qui se pose est donc de savoir si la référence à l’intention qui figure à la page 17 du rapport d’enquête vise la volonté de nuire de l’auteur présumé du harcèlement ou l’absence de caractère fortuit du comportement incriminé.

382    La réponse à cette question découle d’un examen in concreto des conclusions du rapport d’enquête sur les différents griefs examinés par le panel.

383    En ce qui concerne le grief d’isolement et d’exclusion, il est indiqué, aux pages 7 et 8 du rapport d’enquête, que « le panel d’enquête n’a relevé aucun élément établissant que l’isolement et l’exclusion sociale perçus par la plaignante étaient le résultat d’actions de gestion ayant un tel objectif » et que « l’absence de participation aux actions de formation ne peut être interprétée comme constituant une tentative répétée et intentionnelle de la part de la direction de la DG-P d’isoler Mme Cerafogli de l’équipe ou de détériorer ses conditions de travail ».

384    En outre, aux pages 48 et 49 du rapport d’enquête, il est indiqué ce qui suit :

« [L]a non-participation à deux formations en 2007 ne peut être interprétée comme constituant une tentative répétée et intentionnelle de la part de la direction de la DG-P d’isoler Mme Cerafogli de l’équipe ou de détériorer ses conditions de travail. En ce qui concerne la non-participation de la plaignante à l’événement destiné à favoriser la cohésion de l’équipe, le panel d’enquête a cependant noté que le chef de la division MIS aurait pu être plus proactif en communiquant ses décisions et en expliquant les raisons à la plaignante. Le panel d’enquête n’a relevé aucun élément établissant que l’isolement et l’exclusion sociale perçus par la plaignante étaient le résultat d’actions de gestion ayant cet objectif. Le panel d’enquête conclut que la demande n’est pas étayée. »

385    Enfin, en ce qui concerne le grief tiré des offenses, du colportage de rumeurs et des menaces de la part du directeur général DG-P, il est indiqué, aux pages 8 et 54 du rapport d’enquête, ce qui suit :

« Le commentaire fait par le directeur général dans lequel le mot “dévastation” était utilisé peut faire l’objet de différentes interprétations. Toutefois, sur la base des informations recueillies dans le but d’apprécier le contexte dans lequel le commentaire a été formulé, le panel est d’avis que l’utilisation de ce mot n’avait pas pour objectif de menacer. »

386    D’une part, il ressort implicitement mais nécessairement des extraits du rapport d’enquête reproduits aux points 383 à 385 ci-dessus que les comportements du directeur général DG-P ou, plus généralement, de la direction, mis en cause par la requérante, n’étaient pas accidentels. Sur ce point, il convient au demeurant de relever que plusieurs propos et comportements du directeur général DG-P contestés par la requérante ont été proférés ou réitérés lors de plusieurs réunions spécifiquement dédiées à la situation de la requérante et ont même été revendiqués par le directeur général DG-P dans son courriel du 27 janvier 2008. De même, le fait pour le chef de la division MIS de ne pas avoir invité la requérante à l’événement destiné à promouvoir l’esprit d’équipe de cette division, ayant eu lieu fin 2007, n’était pas accidentel, le chef de la division MIS ayant exposé à la requérante, par courriel du 18 décembre 2007, les raisons pour lesquelles celle-ci n’était pas invitée (voir page 48 du rapport d’enquête).

387    D’autre part, il ressort implicitement mais nécessairement des extraits du rapport d’enquête reproduits aux points 383 à 385 ci-dessus que le panel a recherché si certains comportements incriminés du directeur général DG-P et, plus généralement, des supérieurs hiérarchiques de la requérante étaient intentionnels, c’est-à-dire conduits avec la volonté de menacer, d’exclure, d’isoler ou de détériorer les conditions de travail de celle-ci et donc, en substance, de porter atteinte à son estime, à sa dignité, à son assurance ou à son intégrité psychologique.

388    Eu égard à la jurisprudence citée aux points 375 à 377 ci-dessus, cette recherche de la volonté de nuire du directeur général DG-P et, plus généralement, de la direction, qui ressort clairement des termes du rapport d’enquête, n’est conforme ni à la note sur la politique de dignité au travail ni à la définition statutaire du harcèlement moral.

389    Dès lors, le rapport d’enquête et, partant, les décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010 se fondent sur une interprétation de la notion de harcèlement moral erronée en droit.

390    À titre surabondant, force est de constater que, d’une part, la BCE n’a jamais affirmé, dans ses écrits, que les références à l’intentionnalité figurant dans le rapport d’enquête auraient visé à répondre à l’argument invoqué par la requérante dans ses commentaires du 5 octobre 2009 sur le projet de rapport d’enquête, selon lequel le directeur général DG-P était tout à fait conscient de la manière négative dont elle ressentait ses propos. D’autre part, la BCE n’a jamais fait valoir d’arguments pour infirmer le grief de la requérante selon lequel le panel aurait érigé, à tort, l’intention en tant que condition du harcèlement moral.

391    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d’accueillir la première branche du quatrième moyen.

 Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée, en substance, de l’absence d’appréciation conjointe et contextuelle des comportements incriminés par la requérante

392    Il ressort de la jurisprudence que la définition de la notion de harcèlement moral exige un caractère répétitif, de surcroît « au cours d’une période assez longue », des propos, des attitudes ou des agissements hostiles ou déplacés afin que ceux-ci puissent relever de cette notion. En effet, l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut définit le « harcèlement moral », pour les fonctionnaires et agents relevant de ce statut, comme étant une « conduite abusive » qui se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont « volontaires », par opposition à « accidentels » (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, EU:T:2017:897, point 101, et du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, points 76 et 77).

393    Cette référence dans la jurisprudence relative à l’article 12 bis du statut à un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et supposant l’existence d’agissements répétés ou continus peut également s’appliquer, par analogie, aux fins de l’application de la notion de harcèlement moral applicable aux agents de la BCE (voir, par analogie, arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 90 et jurisprudence citée).

394    Par ailleurs, tandis que la constatation d’un harcèlement sexuel ne dépend pas nécessairement de la récurrence du ou des comportements à connotation sexuelle non désirés, le constat d’un harcèlement moral est, pour sa part, la résultante du constat d’un ensemble de comportements et ne peut en principe pas être fait sur la base du constat d’un comportement isolé. C’est pour cette raison, par exemple, que le fait qu’un membre du personnel ait accidentellement pu adopter un ton inapproprié lors de réunions ou lors de discussions avec un autre membre du personnel ne relève pas, en principe, de la notion de harcèlement moral (arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 92).

395    Pour autant, il ne saurait être exigé que la qualification de « harcèlement moral » dépende de la répétition dans le temps de comportements identiques ou de même type, car cela irait à l’encontre de cette notion de processus dans le temps. En effet, en tant que résultante d’un tel processus, le harcèlement moral peut, par définition, être le résultat d’un ensemble de comportements différents, d’un membre du personnel de la BCE à l’égard d’un autre, qui, pris isolément, ne seraient pas nécessairement constitutifs d’un harcèlement moral, mais qui, appréciés globalement et de manière contextuelle, y compris en raison de leur accumulation dans le temps, pourraient être considérés comme ayant entraîné objectivement une atteinte à l’estime de soi et à l’assurance de cet autre membre du personnel destinataire desdits comportements (voir, par analogie, arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 93).

396    C’est pourquoi, lorsque est examinée la question de savoir si des comportements invoqués par une partie requérante sont constitutifs d’un harcèlement moral, il convient d’examiner ces faits tant isolément que conjointement en tant qu’éléments d’un environnement global de travail créé par les comportements d’un membre du personnel à l’égard d’un autre membre de ce personnel (arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 94).

397    Eu égard à ce qui précède, il appartenait au panel d’examiner si chaque comportement incriminé par la requérante, tant isolément que conjointement avec d’autres, avait pu entraîner objectivement une atteinte à son estime, à sa dignité, à son assurance ou à son intégrité physique ou psychologique (voir point 373 ci-dessus).

398    En l’espèce, force est toutefois de constater que le rapport d’enquête examine isolément chaque comportement ou décision contestés par la requérante sans tenir compte du contexte plus large dans lequel ceux-ci se sont manifestés et sans rechercher si ces comportements et ces décisions, considérés conjointement, établissaient l’existence du harcèlement moral dénoncé par la requérante.

399    Compte tenu de l’absence d’examen global de l’ensemble des comportements, des décisions et des faits allégués par la requérante au soutien du grief tiré de l’existence d’un harcèlement moral, les conclusions mentionnées dans les décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010 sont entachées d’une erreur de droit.

400    Eu égard à ce qui précède, la seconde branche du quatrième moyen doit être accueillie, sans qu’il soit besoin, d’une part, de procéder à l’examen global de l’ensemble des faits, comportements et décisions invoqués par la requérante au soutien du grief de harcèlement moral allégué, examen auquel la BCE n’a elle-même pas procédé et, d’autre part, de répondre aux arguments surabondants de la requérante rappelés au point 358 ci-dessus.

401    Dès lors, il y a lieu d’accueillir le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du devoir d’assistance

402    La requérante invoque une violation du devoir d’assistance de la part de la BCE. Dans la requête, elle fait valoir que cette violation se serait manifestée par le refus de lui accorder une dispense de temps adéquate au vu du travail qu’elle accomplissait au sein du comité du personnel, par le refus de lui adjoindre un collaborateur en raison de sa charge de travail sur le dossier sur la « standardisation » ou de prendre toute mesure effective, par le fait d’avoir laissé circuler des rumeurs négatives à son égard, par le refus de la placer « en marge de la hiérarchie » comme elle le demandait et comme le conseillait son médecin et, enfin, par l’absence d’appréciation neutre du travail qu’elle avait fourni en 2007. Dans la réplique, la requérante a fait également grief au panel de ne pas avoir apprécié convenablement les circonstances de l’espèce. De surcroît, elle conteste l’examen du grief de harcèlement moral effectué par le panel, qui n’aurait pas pris en considération l’ensemble des faits qu’elle avait allégués. De plus, le panel n’aurait pas enquêté convenablement sur les rumeurs la concernant, puisqu’il n’aurait pas vérifié si celles-ci étaient fondées et n’aurait pas exigé qu’il y soit mis fin. Enfin, la requérante a invoqué la partialité du panel en tant qu’élément démontrant la violation du devoir d’assistance dans le cas d’espèce.

403    La BCE objecte que le nombre de réunions avec le directeur général DG-P illustrerait le degré et la durée de l’assistance accordée à la requérante ainsi que la nature approfondie de l’enquête administrative. Le fait même qu’une enquête administrative avait été ouverte prouverait que la BCE avait bien tenté d’assister la requérante.

 Sur le devoir d’assistance de la BCE

404    Aux termes de l’article 9, sous c), des conditions d’emploi :

« […] La [BCE] applique : i) les principes généraux communs aux droits des États membres, ii) les règles contenues dans les règlements et directives communautaires concernant la politique sociale qui sont adressés aux États membres […] Les principes faisant autorité contenus dans les règlements, les règles et la jurisprudence applicables au personnel des institutions communautaires sont dûment pris en considération pour l’interprétation des droits et obligations prévus par les […] conditions d’emploi. »

405    Parmi les « principes faisant autorité contenus dans les règlements » et la « jurisprudence applicable au personnel des institutions », visés à l’article 9, sous c), des conditions d’emploi, figure le devoir d’assistance de l’administration à l’égard des fonctionnaires et agents, consacré à l’article 24 du statut.

406    L’article 24 du statut, dans sa version applicable aux faits litigieux, disposait ce qui suit :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

Elles réparent solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui-ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pas pu obtenir réparation de leur auteur. »

407    En l’espèce, il y a lieu de constater que le corpus des règles applicables à la BCE à l’époque des faits litigieux ne comportait aucune disposition analogue à l’article 24 du statut.

408    Toutefois, aux termes de l’article 3, paragraphe 4, de la circulaire no 1/2006, « si les supérieurs hiérarchiques compétents prennent connaissance […] d’un éventuel manquement aux obligations professionnelles, ils doivent apprécier dans les plus brefs délais les faits et les preuves présentés ». À cet égard, il convient de préciser que le respect de la note sur la politique de dignité au travail fait partie des « obligations professionnelles » visées par cette disposition.

409    De plus, conformément à l’article 4, paragraphes 1 et 2, de la circulaire no 1/2006, si les « supérieurs hiérarchiques » estiment que les violations de la note sur la politique de dignité au travail alléguées par un membre du personnel de leur unité justifient, selon eux, une enquête administrative, ils doivent en informer le directeur général DG-H, lequel à son tour propose au directoire de la BCE l’ouverture de cette enquête, conformément à l’article 4, paragraphe 2, de cette circulaire.

410    Il découle des dispositions mentionnées aux points 404 à 409 ci-dessus que lorsqu’une violation de la note sur la politique de dignité au travail est en cause, le respect de cette politique, qui appréhende, notamment, toute discrimination et tout harcèlement (voir point 367 ci-dessus), implique, à tout le moins, que la BCE, par son directoire, ouvre une enquête administrative pour établir si cette violation est avérée.

411    Dans le cadre des relations de travail régies par le statut, l’obligation mentionnée au point 410 ci-dessus fait partie du devoir d’assistance au sens de l’article 24 de ce statut, tel qu’interprété par la jurisprudence (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, CN/Parlement, T‑76/18, non publié, EU:T:2018:939, points 47 à 51).

412    Dès lors, en présence d’une plainte d’un membre du personnel de la BCE faisant état de violations suffisamment graves et caractérisées de la note sur la politique de dignité au travail et, plus généralement, de faits de discrimination ou de harcèlement, la BCE est tenue à une obligation d’assistance qui, en application de l’article 9, sous c), des conditions d’emploi, doit être interprétée à la lumière de la jurisprudence rendue au regard de l’article 24 du statut (voir points 404 et 405 ci-dessus).

413    Par ailleurs, il y a lieu de considérer que, par la plainte du 8 avril 2008, la requérante a saisi la BCE d’une demande d’assistance afin qu’il soit mis fin à la discrimination, au harcèlement moral et aux autres atteintes dont elle s’estimait victime.

414    La BCE avait donc une obligation d’assistance à l’égard de la requérante, qu’elle n’a d’ailleurs jamais contestée.

 Sur les violations du devoir d’assistance invoquées par la requérante

415    En premier lieu, la requérante soutient que la BCE a manqué au devoir d’assistance en ce qu’elle ne lui a pas accordé une dispense de temps de travail adéquate dans le service, en ce qu’elle a refusé de lui adjoindre un collaborateur en raison de sa charge de travail sur le dossier sur la « standardisation » ou de prendre toute mesure effective, en ce qu’elle a laissé circuler des rumeurs négatives à son égard, en ce qu’elle a refusé de la placer « en marge de la hiérarchie » comme elle le demandait et comme le conseillait son médecin et, enfin, car elle n’a pas apprécié de manière neutre le travail qu’elle avait fourni en 2007.

416    D’une part, il convient de relever que les comportements et les décisions mentionnés au point 415 ci-dessus sont antérieurs à la demande d’assistance fondée sur la discrimination, le harcèlement moral et la violation de la note sur la politique de dignité au travail dont la requérante s’estimait victime, que la requérante a introduite par le biais de la plainte du 8 avril 2008.

417    D’autre part, il ressort de la jurisprudence rendue au regard de l’article 24 du statut que, en présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité la demande d’assistance dans laquelle un harcèlement est allégué et d’informer le demandeur de la suite réservée à celle-ci (arrêts du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 65, et du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 88).

418    Force est de constater que, en l’espèce, après réception de la demande d’assistance contenue dans la plainte du 8 avril 2008, la BCE a ouvert une enquête administrative afin d’établir si les griefs allégués par la requérante étaient caractérisés et, à l’issue de cette enquête, a informé la requérante des suites réservées à la plainte.

419    Au surplus, à la date d’introduction de la plainte, la requérante, qui était en arrêt maladie depuis le 17 janvier 2008, n’était plus exposée aux comportements et aux décisions énumérés au point 415 ci-dessus.

420    Dès lors, la requérante n’est pas fondée à invoquer une violation du devoir d’assistance par la BCE en relation avec les comportements et les décisions visés au point 415 ci-dessus.

421    En deuxième lieu, la requérante soutient que le panel n’a pas enquêté convenablement sur les rumeurs la concernant, puisqu’il n’aurait pas vérifié si celles-ci étaient fondées et n’aurait pas exigé qu’il y soit mis fin.

422    Il ressort toutefois des points 300 à 304 ci-dessus que le panel a enquêté sur l’existence des rumeurs contestées par la requérante et a conclu que celle-ci était avérée. Cependant, dans la mesure où il ne ressort pas du dossier que ces rumeurs avaient été mises en circulation ou avaient été colportées par le directeur général DG-P, il ne saurait être reproché à la BCE de ne pas avoir ordonné qu’il y soit mis fin.

423    Dès lors, le grief de la requérante doit être rejeté.

424    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le panel n’aurait pas apprécié convenablement les circonstances de l’espèce, il ressort de l’examen du troisième moyen que le panel a instruit la plainte de la requérante sans faire preuve de toute la diligence requise par la jurisprudence rappelée au point 417 ci-dessus, en ce qu’il a notamment omis d’examiner certains comportements des supérieurs hiérarchiques de la requérante contestés dans la plainte (voir points 241, 242, 276, 286 et 287 ci-dessus). En outre, il découle de l’examen du premier moyen que le délai prévu à l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE n’a pas été respecté, le directoire de la BCE ayant reçu le rapport d’enquête final le jour même où il a statué sur la plainte de la requérante (voir point 203 ci-dessus).

425    Les lacunes du rapport d’enquête mentionnées au point 424 ci-dessus et le très bref délai dont le directoire de la BCE a disposé pour analyser le rapport d’enquête et pour décider des suites à donner à la plainte de la requérante attestent de l’absence d’examen suffisamment sérieux de cette plainte par la BCE, en violation de son devoir d’assistance.

426    Dès lors, le grief de la requérante doit être accueilli.

427    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument selon lequel le panel n’aurait pas pris en considération l’ensemble des faits allégués par la requérante au soutien du grief de harcèlement moral, il y a lieu de considérer que celui-ci vise, en substance, à contester l’erreur de droit entachant les conclusions du rapport d’enquête au regard de la notion de harcèlement moral qui a été appliquée par le panel et validée par le directoire de la BCE dans la décision attaquée du 24 novembre 2009, puis dans celle du 24 mars 2010.

428    Dès lors, l’argument de la requérante, découlant d’une confusion entre le devoir d’assistance visé à l’article 24 du statut, d’une part, et l’interdiction du harcèlement visée à l’article 12 bis du statut, d’autre part, doit être rejeté.

429    En cinquième et dernier lieu, s’agissant de la prétendue violation, par le panel, du principe d’impartialité, il y a lieu de relever que se rattache au principe de bonne administration, désormais consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’obligation pour les institutions, organes et organismes de l’Union compétents d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

430    À cet égard, d’une part, le fait d’avoir œuvré pendant dix années au sein du comité du personnel et d’avoir, dans ce cadre, assisté des membres du personnel dans des litiges les opposant à des membres du panel ne suffit pas, à lui seul, à remettre en cause l’impartialité du panel.

431    D’autre part, il ne ressort pas des pièces produites par la requérante que, au moment où l’enquête administrative a eu lieu, elle assistait toujours des membres du personnel de la BCE dans le cadre de litiges les opposant à l’un ou à plusieurs membres du panel. Il ne ressort pas non plus du dossier que les membres du panel étaient impliqués dans les faits à l’origine de la plainte de la requérante.

432    Le grief de la requérante doit donc être rejeté sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité.

433    Dès lors, il y a lieu d’accueillir le cinquième moyen.

434    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le quatrième moyen et, partiellement, les troisième et cinquième moyens. Partant, il y a lieu d’annuler les décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010, sans qu’il soit dès lors nécessaire de statuer sur les demandes de la requérante visant à l’adoption de mesures d’instruction et d’organisation de la procédure rappelées au point 12 ci-dessus.

 Sur les demandes indemnitaires

435    La requérante fonde ses demandes indemnitaires, en substance, sur la violation, par la BCE, de son devoir d’assistance, sur les illégalités inhérentes à la décision attaquée du 24 novembre 2009, sur le fait que la BCE aurait renforcé les rumeurs, la diffamation et l’atteinte à sa dignité dans le cadre de l’enquête et, enfin, sur le fait que, depuis octobre 2008, la BCE n’est parvenue à aucune conclusion quant à sa demande tendant à la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. Ces fautes seraient à l’origine d’effets négatifs sur sa santé, d’une impossibilité pour elle de reprendre le travail, avec pour conséquence un préjudice important consistant en la perte de salaire, en l’augmentation réduite de son salaire depuis 2007 ainsi qu’en la perte de plusieurs possibilités d’avancement de carrière. En outre, la requérante estime qu’il en résulterait un préjudice moral qu’elle évalue ex æquo et bono à la somme de 50 000 euros. Enfin, elle prétend que l’attitude de la BCE l’aurait contrainte à requérir l’assistance d’une avocate, ce qui lui aurait causé un préjudice matériel évalué à la somme de 15 000 euros.

436    La BCE conclut au rejet des conclusions indemnitaires de la requérante. À cet égard, elle fait valoir que, en l’absence d’une décision illégale, la requérante ne saurait réclamer d’indemnisation. S’agissant de l’insuffisance de l’assistance de la BCE, celle-ci rappelle qu’il y aurait eu plusieurs réunions avec le directeur général DG-P et qu’une enquête interne approfondie aurait été ouverte dans un délai raisonnable. En outre, selon la BCE, les allégations figurant au point 108 de la requête seraient trop générales. Enfin, la BCE soutient que les frais d’avocat au stade de la procédure précontentieuse ou administrative ne seraient pas récupérables et que les frais d’avocat exposés lors de la procédure contentieuse constituent des dépens.

437    En application d’une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 165 et jurisprudence citée). La circonstance que l’une de ces trois conditions fait défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt du 13 juillet 2018, SQ/BEI, T‑377/17, EU:T:2018:478, point 167).

438    À titre liminaire, force est de constater que la requérante demande à être indemnisée de plusieurs préjudices qui découleraient, pour certains, des prétendues erreurs entachant la légalité des décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010 et, pour d’autres, de circonstances extérieures à ces décisions.

 Sur les demandes indemnitaires fondées sur des circonstances extérieures à la décision attaquée du 24 novembre 2009 et à celle du 24 mars 2010

439    En premier lieu, il convient de rejeter la demande d’indemnisation du prétendu préjudice matériel consistant en les frais d’avocat que la requérante aurait exposés avant et au cours de la procédure contentieuse, lequel n’est pas un préjudice indemnisable. D’une part, les frais d’avocat exposés dans le cadre de la procédure contentieuse relèvent de la question de la charge des dépens récupérables, laquelle est régie par les articles 134 et suivants du règlement de procédure. D’autre part, s’agissant des frais d’avocat exposés durant la procédure précontentieuse, il y a lieu de rappeler que l’article 140 du règlement de procédure ne vise, parmi les dépens récupérables, que « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure [juridictionnelle] », à l’exclusion donc de ceux afférents à la phase la précédant. Dès lors, reconnaître aux frais exposés lors de la procédure précontentieuse la qualité de préjudice indemnisable dans le cadre d’un recours en indemnité serait en contradiction avec le caractère non récupérable des dépens encourus au cours de cette phase (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du 14 septembre 2005, Ehcon/Commission, T‑140/04, EU:T:2005:321, point 79, et arrêt du 8 novembre 2011, Idromacchine e.a./Commission, T‑88/09, EU:T:2011:641, point 100).

440    En second lieu, il y a lieu de rejeter la demande indemnitaire fondée sur le fait que la BCE ne serait parvenue à aucune conclusion quant à la demande de la requérante tendant à la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. En effet, cette demande n’est pas suffisamment étayée et la requérante n’explique même pas dans quelle mesure cette absence de décision serait constitutive d’une illégalité et lui causerait un préjudice.

 Sur les demandes indemnitaires fondées sur les illégalités découlant de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et de celle du 24 mars 2010 

441    En premier lieu, la requérante demande à être indemnisée, en substance, pour les préjudices matériel et moral résultant des rumeurs, de la diffamation et de l’atteinte à sa dignité découlant de l’enquête et des décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010. Il ressort cependant des points 343 à 345 ci-dessus que les illégalités susmentionnées ne sont pas établies en l’espèce. Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation de la requérante pour autant qu’elle concerne les préjudices matériel et moral susmentionnés.

442    En deuxième lieu, la requérante prétend que la violation du devoir d’assistance lui aurait causé plusieurs préjudices. En effet, sa santé n’aurait pas pu s’améliorer et elle n’aurait donc pas pu reprendre le travail, avec pour conséquence une perte de salaire, une augmentation réduite de son salaire depuis 2007 et une perte de possibilités d’avancement de carrière.

443    Toutefois, force est de constater que la requérante n’a pas démontré le lien de causalité qui existerait entre la violation du devoir d’assistance et les préjudices visés au point 442 ci-dessus. En effet, elle n’a pas démontré, ni même allégué que l’absence d’amélioration de son état de santé et le fait qu’elle n’avait pas pu reprendre le travail, avec toutes les conséquences que cela aurait induit en termes de perte de salaire et de possibilités d’avancement, découleraient directement de la violation du devoir d’assistance. Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande d’indemnisation de la requérante pour autant qu’elle concerne les préjudices susmentionnés.

444    Enfin, dans l’hypothèse où la requérante entendrait être indemnisée des préjudices causés par la discrimination et le harcèlement moral qu’elle estime avoir subis, il y a également lieu de rejeter cette demande (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 juillet 2014, CG/BEI, F‑103/11, EU:F:2014:185, points 113 à 115).

445    En effet, compte tenu de l’annulation des décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010, il appartiendra à la BCE de prendre toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt à intervenir et, partant, le cas échéant, de statuer à nouveau sur la plainte de la requérante aux fins de déterminer si les comportements qui y sont dénoncés sont constitutifs d’un harcèlement moral ou d’une discrimination à son égard.

446    En troisième lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité constitue, en elle-même, la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé (voir arrêt du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, point 26 et jurisprudence citée).

447    Cependant, il ressort de la jurisprudence que, afin d’assurer, dans l’intérêt de la partie requérante, un effet utile à l’arrêt d’annulation, le juge de l’Union peut faire usage de la compétence de pleine juridiction qui lui est dévolue dans les litiges à caractère pécuniaire et condamner, même d’office, l’institution défenderesse au paiement d’une indemnité pour le préjudice causé par sa faute. Dans un tel cas, il revient au Tribunal d’évaluer, compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire, le préjudice subi par la personne intéressée ex æquo et bono (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 20 mai 2010, Gogos/Commission, C‑583/08 P, EU:C:2010:287, points 44 et 50, et du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 57 et jurisprudence citée).

448    À cet égard, la jurisprudence admet que le sentiment d’injustice et les tourments qu’occasionne le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus sont susceptibles de constituer un préjudice qui peut être déduit du seul fait que l’administration a commis des illégalités. Ce préjudice est réparable lorsqu’il n’est pas compensé par la satisfaction résultant de l’annulation de l’acte en cause (arrêts du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 115, et du 10 juillet 2014, CG/BEI, F‑103/11, EU:F:2014:185, point 99).

449    En l’espèce, la BCE a rejeté la plainte de la requérante en concluant, notamment, à l’absence du harcèlement moral et de la discrimination dont elle prétendait être victime, en la contraignant ainsi à introduire un recours spécial, puis un recours devant le Tribunal de la fonction publique, aux fins de faire constater notamment les prétendues erreurs commises par la BCE dans l’application de la notion de harcèlement moral. En outre, il découle de l’annulation des décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010 que, à ce jour, la requérante n’a toujours pas obtenu de décision statuant définitivement sur l’existence des atteintes alléguées dans sa plainte, alors même que les faits de harcèlement moral qu’elle avait dénoncés, s’ils étaient établis, auraient pu avoir des effets extrêmement destructeurs sur son état de santé (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2015, De Loecker/SEAE, F‑34/15, EU:F:2015:153, point 43 et jurisprudence citée).

450    Le rejet de la plainte de la requérante a donc placé celle-ci dans une situation d’insécurité, d’incertitude et de désarroi qui constitue, eu égard à l’ancienneté des faits à l’origine de sa plainte, un préjudice moral qui n’est pas susceptible d’être intégralement réparé par la seule annulation des décisions attaquées du 24 novembre 2009 et du 24 mars 2010 (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 115, et du 10 juillet 2014, CG/BEI, F‑103/11, EU:F:2014:185, point 100).

451    Eu égard à ce qui précède, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner la BCE à payer à la requérante des dommages et intérêts évalués ex æquo et bono à la somme de 20 000 euros.

452    Le recours est rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

453    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, conformément à l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

454    En l’espèce, chacune des parties a succombé sur plusieurs chefs. Toutefois, la BCE a succombé pour l’essentiel, dans la mesure où plusieurs illégalités entachent la décision attaquée du 24 novembre 2009 et celle du 24 mars 2010 (voir points 204, 354, 356, 389, 399 et 425 ci-dessus) et où ces décisions sont totalement annulées.

455    En outre, la destruction du dossier d’enquête par la BCE a eu des conséquences sur le déroulement de la présente procédure de renvoi, dont il lui revient de supporter les conséquences.

456    Dès lors, il est justifié, au vu des circonstances de l’espèce, de condamner la BCE à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens exposés par la requérante et de condamner la requérante à supporter un tiers de ses propres dépens, afférents à la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique au titre du recours dans l’affaire F‑43/10, à la procédure de pourvoi au titre de l’affaire T‑114/13 P et à la présente procédure de renvoi au titre de l’affaire T‑483/16 RENV.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Banque centrale européenne (BCE) du 24 novembre 2009 clôturant l’enquête administrative interne ouverte à la suite de la plainte de Mme Maria Concetta Cerafogli et la décision de la BCE du 24 mars 2010 rejetant le recours spécial de Mme Cerafogli sont annulées.

2)      La BCE est condamnée à verser à Mme Cerafogli la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La BCE est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens exposés par Mme Cerafogli, afférents à la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne au titre du recours dans l’affaire F43/10, à la procédure de pourvoi au titre de l’affaire T114/13 P et à la présente procédure de renvoi au titre de l’affaire T483/16 RENV.

5)      Mme Cerafogli est condamnée à supporter un tiers de ses propres dépens, afférents à la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique au titre du recours dans l’affaire F43/10, à la procédure de pourvoi au titre de l’affaire T114/13 P et à la présente procédure de renvoi au titre de l’affaire T483/16 RENV.

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 2020.

Signatures



Table des matières


Antécédents du litige

Sur la procédure initiale devant le Tribunal de la fonction publique ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2012, Cerafogli/BCE (F 43/10)

Sur le pourvoi devant le Tribunal (chambre des pourvois) et l’arrêt du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE (T 114/13 P)

Sur la procédure de renvoi

Sur la recevabilité

Observations liminaires

Sur les règles de procédure applicables à la procédure de renvoi

Sur l’objet du litige après renvoi

Sur la portée des conclusions en annulation et sur la recevabilité des conclusions en annulation contre la décision attaquée du 24 mars 2010

Sur les fins de non-recevoir invoquées par la BCE dans le mémoire en défense

Sur le non-respect de la procédure précontentieuse, du délai applicable aux recours spéciaux et de la règle de « concordance entre la réclamation et le recours »

Sur l’absence d’acte faisant grief

Sur la recevabilité de la demande indemnitaire additionnelle et du moyen nouveau invoqués par la requérante lors de la procédure de renvoi

Sur la recevabilité des documents communiqués spontanément par la BCE le 9 mars 2017

Sur le fond

Sur l’authenticité, la validité et le caractère probant des procès-verbaux d’audition des témoins produits par la BCE dans le cadre de la procédure de renvoi

Sur le premier moyen, tiré, en substance, de la violation du droit d’être assisté par un avocat, de la méconnaissance de l’article 6, paragraphe 5, et de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire n o 1/2006, de la violation de l’obligation de motivation, de la violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE ainsi que de la violation des articles 51 et 52 des conditions d’emploi

Sur le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation

Sur le grief tiré de la violation du droit d’être assisté par un avocat

Sur le grief tiré de la violation de l’article 7, paragraphes 1 et 3, de la circulaire n o 1/2006

Sur le grief tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 5, de la circulaire n o 1/2006

Sur le grief tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 1, du règlement intérieur du directoire de la BCE

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation par le panel de son mandat

Sur le troisième moyen, tiré, en substance, des lacunes et des erreurs manifestes d’appréciation entachant le rapport d’enquête, la décision attaquée du 24 novembre 2009 et celle du 24 mars 2010

Sur la première branche du troisième moyen, tirée du caractère lacunaire du rapport d’enquête

– Sur le fait que le panel n’aurait pas examiné le grief tenant au manque de soutien adéquat dont la requérante aurait souffert face à sa surcharge de travail (en particulier le refus de la BCE d’engager une ressource à temps partiel)

– Sur le fait que le panel n’aurait pas pris en compte la circonstance, d’une part, que, en mars 2007, toutes les tâches de la requérante lui auraient été retirées par le directeur général DG-P et ne lui auraient pas été réattribuées par la suite comme il lui aurait été dit en mai 2007 et, d’autre part, que le directeur général DG-P aurait déclaré qu’elle devait quitter la DG-P, suscitant ainsi une incertitude quant à la suite de sa carrière et à l’attribution de ses tâches

– Sur le fait que le rapport d’enquête aurait omis d’examiner le grief tenant à l’isolement de la requérante au sein du service

– Sur le fait que le rapport d’enquête n’aurait pas pris en considération l’absence d’évaluation des prestations de la requérante en temps utile pour l’année 2007

– Sur le fait que le panel n’aurait pas tenu compte de la circonstance qu’une augmentation de salaire avait été refusée à la requérante en 2007 en raison de la prétendue insuffisance de ses prestations

– Sur le fait que le panel n’aurait pas investigué sur les commentaires du directeur général DG-P quant au fait que la requérante aurait perçu un salaire très élevé par rapport à celui de ses collègues

– Sur le fait que le rapport d’enquête ne comporterait aucune référence aux règles spécifiques de la BCE applicables en matière de harcèlement moral

– Sur le fait que le rapport d’enquête ne mentionnerait pas la contribution du conseiller social de la BCE dont la requérante avait demandé et obtenu l’intervention

– Sur le fait que les problèmes de santé de la requérante n’auraient été ni pris en considération ni mentionnés par le panel, ne serait-ce que pour décrire la succession des événements dans le temps

– Sur le fait que le panel n’aurait pas examiné l’incohérence des explications du directeur général DG-P quant aux propos offensants qu’il aurait tenus à l’égard de la requérante quant à sa prétendue mauvaise réputation

– Sur le fait que le panel n’aurait pas enquêté sur le refus du directeur général DG-P d’adjoindre un collaborateur à la requérante

– Sur le fait que le panel aurait omis de se renseigner sur la circonstance que le directeur général DG-P aurait demandé à la requérante de quitter le comité du personnel à la suite de la réduction temporaire de son temps de travail pour des raisons de santé

– Sur le fait que le panel n’aurait pas relevé la contradiction entre les propos du directeur général DG-P sur la prétendue insuffisance professionnelle de la requérante et les évaluations annuelles de celle-ci

– Sur l’absence de mention de la décision du directeur général DG-P d’appliquer la réduction temporaire du temps de travail de 35 % à l’activité au sein de la division MIS, laquelle aurait entraîné un réaménagement de la charge de travail de la requérante ne lui permettant pas de continuer à suivre le dossier sur la « standardisation »

– Sur le fait que le rapport d’enquête ne mentionnerait pas la demande de la requérante visant à ce que soit examinée la circonstance que des collègues de la division MIS auraient été informés du fait qu’elle avait reçu une prime pour 2006, ce qui était constitutif d’une « violation de la confidentialité »

– Sur le fait que le panel n’aurait pas investigué sur la violation par un membre du personnel de la BCE du caractère confidentiel d’un courrier du conseil de la requérante du 18 janvier 2008

Sur la seconde branche du troisième moyen, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation

– Sur le fait que le rapport d’enquête disculperait le directeur général DG-P pour les propos qu’il aurait tenus à l’égard de la requérante et qui auraient été fondés sur des rumeurs non étayées et sur le fait que le panel n’aurait pas non plus tenu compte de la circonstance que ces rumeurs étaient, en elles-mêmes, une forme de harcèlement

– Sur le fait que le panel aurait considéré que les déclarations du directeur général DG-P concernant la mauvaise réputation de la requérante, selon elle offensantes et injustifiées, leur réitération au cours de l’enquête administrative et le refus de ce dernier de les retirer et de présenter des excuses n’étaient pas des actes intentionnels, alors que le directeur général DG-P était bien conscient de la fragilité de sa santé et de son état d’esprit

– Sur le fait que le rapport d’enquête serait entaché d’une erreur manifeste en ce qu’il considérerait comme n’étant pas discriminatoire le refus d’accorder à la requérante une promotion ad personam en 2008, en se fondant sur une information incorrecte, à savoir qu’elle ne remplissait pas le critère de deux ans de service avec le plus haut niveau de mérite prévu pour bénéficier d’une telle promotion

– Sur le fait que le rapport d’enquête conclurait de manière manifestement erronée que la requérante avait reçu le soutien de la DG-P, alors que, malgré de nombreuses demandes d’aide, aucune mesure n’aurait été prise pour remédier à sa surcharge de travail avant le mois de mars 2007, lorsque son temps de travail avait été réduit en raison de la détérioration de son état de santé

– Sur le fait que, à la page 60, le rapport d’enquête relèverait, en contradiction avec les évaluations annuelles dont la requérante a fait l’objet, que, en raison du temps qu’elle consacrait au comité du personnel et de ses absences, son temps de travail pour le service s’était réduit et que cette situation, à laquelle s’ajoutaient ses « problèmes professionnels », avait exigé une attention particulière de la part du directeur général DG-P

– Sur le fait que le rapport d’enquête serait entaché d’une contradiction en ce qu’il relèverait, d’une part, que les membres du personnel de la division MIS auraient été opposés à ce que la requérante obtienne l’aide d’un collaborateur et, d’autre part, que ceux-ci se seraient montrés disposés à travailler avec elle

– Sur le fait que le rapport d’enquête serait entaché d’une erreur en ce qu’il aurait négligé la circonstance que les autres membres de la DG-P absents pour maladie avaient pu retrouver leurs fonctions à leur retour, alors que, dans le cas de la requérante, le dossier sur la « standardisation » lui a été définitivement retiré après la fin de la réduction de son temps de travail pour raisons médicales

– Sur le fait que le contenu du rapport d’enquête et celui de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et de celle du 24 mars 2010 ont eu pour résultat de diffamer davantage la requérante

– Sur le fait que la décision attaquée du 24 mars 2010 s’appuie sur des extraits des évaluations annuelles de la requérante qui lui seraient défavorables, parce qu’ils seraient modifiés ou sortis de leur contexte

Conclusion

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de la notion de harcèlement moral

Observations liminaires

Sur la première branche du quatrième moyen, tirée, en substance, de la recherche erronée, par le panel, de l’intentionnalité des comportements incriminés

Sur la seconde branche du quatrième moyen, tirée, en substance, de l’absence d’appréciation conjointe et contextuelle des comportements incriminés par la requérante

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du devoir d’assistance

Sur le devoir d’assistance de la BCE

Sur les violations du devoir d’assistance invoquées par la requérante

Sur les demandes indemnitaires

Sur les demandes indemnitaires fondées sur des circonstances extérieures à la décision attaquée du 24 novembre 2009 et à celle du 24 mars 2010

Sur les demandes indemnitaires fondées sur les illégalités découlant de la décision attaquée du 24 novembre 2009 et de celle du 24 mars 2010

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.