Language of document : ECLI:EU:T:2010:334

DOCUMENT DE TRAVAIL

Version non confidentielle

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

31 août 2010 (*)

« Référé – Marchés publics – Procédure d’appel d’offres – Rejet d’une offre – Demande de sursis à exécution – Fumus boni juris – Urgence – Mise en balance des intérêts »

Dans l’affaire T‑299/10 R,

Babcock Noell GmbH, établie à Würzburg (Allemagne), représentée par Mes M. Werner et C. Ebrecht, avocats,

partie requérante,

contre

Entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion, représentée par Mme A. Verpont, en qualité d’agent, assistée de Mmes C. Kennedy-Loest, K. Wilson et M. C. Thomas, solicitors, et MN. Pourbaix, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution des décisions prises par la défenderesse dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres de rejeter les offres de la requérante et d’attribuer à un autre soumissionnaire le lot D du marché de fourniture de packs de bobines à champ toroïdal ITER,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) est un projet international de construction et d’exploitation d’un réacteur expérimental destiné à démontrer la faisabilité scientifique et technique de l’énergie de fusion à des fins pacifiques. Le projet est régi par un accord international signé à Paris le 21 novembre 2006. Cet accord a créé l’organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion, dotée de la personnalité juridique et chargée d’assurer la mise en œuvre conjointe du projet. Par décision 2007/198/Euratom du Conseil, du 27 mars 2007, instituant une entreprise commune pour ITER et le développement de l’énergie de fusion et lui conférant des avantages (JO L 90, p. 58), a été créée l’entreprise commune européenne pour ITER et le développement de l’énergie de fusion (ci-après l’« entreprise commune »). En vertu de l’article 4 de l’annexe de la décision 2007/198 relative aux statuts de l’entreprise commune, celle-ci a la personnalité juridique et possède, sur le territoire de chacun de ses membres, la capacité juridique la plus large accordée aux personnes morales par les législations nationales respectives.

2        L’entreprise commune a pour mission de contribuer à l’organisation internationale ITER pour l’énergie de fusion, de contribuer aux activités relevant de l’approche élargie avec le Japon en vue de la réalisation rapide de l’énergie de fusion ainsi que d’élaborer et de coordonner un programme d’activités en préparation de la construction d’un réacteur de fusion de démonstration et des installations associées.

3        À ces fins, l’entreprise commune procède à la passation de marchés relatifs à la fourniture de biens meubles et immeubles, à l’exécution de travaux ou à la prestation de services, dans le cadre des tâches internationales devant être mises en œuvre en lien avec la construction du réacteur en cause à Cadarache (France).

4        En juillet 2009, l’entreprise commune a lancé l’appel d’offres F4E-2009-OPE-053 (MS-MG) en vue de l’attribution du marché de fourniture de packs de bobines à champ toroïdal ITER. Ce marché était divisé en quatre lots (A, B, C et D) et devait être exécuté en trois phases.

5        Le 15 décembre 2009, la requérante, Babcock Noell GmbH, une société active en matière de technologie nucléaire, de technologie des aimants et de technologie de la protection de l’environnement, a présenté des offres pour chacun des lots du marché en cause. Elle a joint à chacune de ses offres une liste intitulée « Amendements demandés », comprenant des observations et/ou des demandes de modification du contrat type inclus dans le cahier des charges de l’appel d’offres.

6        Par quatre courriers datés du 1er juillet 2010, l’entreprise commune a informé la requérante de sa décision de rejeter ses offres au motif que celles-ci n’étaient pas conformes aux dispositions du cahier des charges dans la mesure où elles présentaient chacune environ 45 différences par rapport au contrat type inclus dans le cahier des charges.

7        Ensuite, en date du 2 juillet 2010, l’entreprise commune a publié l’information selon laquelle le lot D du marché en cause avait été attribué, le 28 juin 2010, à un consortium constitué par trois entreprises (ci-après le « consortium »). Enfin, l’entreprise commune et le consortium ont conclu, le 19 juillet 2010, le contrat relatif audit lot.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juillet 2010, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation, d’une part, des décisions de l’entreprise commune portant rejet de ses offres pour les lots A, B, C et D du marché en cause (ci-après les « décisions de rejet ») et, d’autre part, de la décision de l’entreprise commune portant attribution au consortium du contrat pour le lot D du marché en cause (ci-après la « décision d’attribution »).

9        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        ordonner le sursis à l’exécution des décisions de rejet, jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur le recours principal ;

–        ordonner le sursis à l’exécution de la décision d’attribution et, le cas échéant, de tout contrat conclu en application de cette décision, jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur le recours principal ;

–        prononcer toute autre mesure provisoire appropriée ;

–        ordonner la tenue d’une audition ;

–        condamner l’entreprise commune aux dépens.

10      Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 2 août 2010, l’entreprise commune conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

11      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

12      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

13      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25]. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73).

14      Enfin, il importe de souligner que l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions, les organes et les organismes de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 31, et la jurisprudence citée).

15      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales. Par conséquent, il convient de rejeter la demande de la requérante visant à l’organisation d’une audition.

 Sur le fumus boni juris

16      Afin de déterminer si la condition relative au fumus boni juris est remplie en l’espèce, il y a lieu de procéder à un examen prima facie du bien-fondé des griefs invoqués par la requérante à l’appui du recours principal et donc de vérifier si au moins l’un d’entre eux présente un tel caractère sérieux qu’il ne saurait être écarté dans le cadre de la présente procédure de référé (voir ordonnance du président du Tribunal du 28 avril 2009, United Phosphorus/Commission, T‑95/09 R, non publiée au Recueil, point 21, et la jurisprudence citée).

17      En outre, il découle d’une lecture combinée de l’article 104, paragraphe 3, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci [ordonnances du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Stauner e.a./Parlement et Commission, T‑236/00 R, Rec. p. II‑15, point 34, et du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52 ; voir, également, ordonnance du président de la Cour du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil, point 13].

18      Par ailleurs, le point 68 des instructions pratiques aux parties prévoit expressément que « [l]a demande […] doit être compréhensible par elle-même, sans qu’il soit nécessaire de se référer à la requête dans l’affaire au principal ».

19      En l’espèce, s’agissant de la condition relative au fumus boni juris, la requérante s’est limitée à présenter dans la demande en référé un résumé des sept moyens de droit qu’elle invoque à l’appui du recours principal.

20      Or, force est de constater que les éléments de fait et de droit sur lesquels la requérante se fonde ne ressortent pas de manière compréhensible du texte même de la demande en référé, s’agissant de six des sept moyens invoqués à l’appui de cette demande. Il n’est donc pas possible pour le juge des référés de statuer à cet égard, la requérante ne précisant d’ailleurs pas lesquels de ces moyens visent les décisions de rejet et/ou la décision d’attribution et/ou la conclusion du contrat litigieux.

21      En effet, les allégations de la requérante selon lesquelles l’entreprise commune aurait violé le principe de l’égalité de traitement entre soumissionnaires en ce que celle-ci n’aurait ni « fourni […] les informations pertinentes dans le cadre de la procédure, en particulier le ‘Rapport final’ décrivant l’ensemble des résultats des travaux réalisés par le consortium », ni « remédié au fait que le consortium concurrent profitait d’un avantage concurrentiel significatif en termes d’information au moment d’élaborer son offre, compte tenu des informations relatives à la procédure litigieuse précédemment communiquées dans le cadre des travaux effectués pour le compte de [l’entreprise commune] ou d’autres entités », et selon lesquelles l’entreprise commune a violé le principe de transparence « en ne communiquant pas […] toutes les informations relatives aux circonstances et au contexte factuel de sa décision de ne pas divulguer toutes les informations liées à l’évaluation de l’avantage en termes d’information dont profitait le consortium » ne permettent pas au juge des référés d’examiner prima facie le bien-fondé du moyen tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement entre les soumissionnaires et du principe de transparence, à défaut d’explications factuelles et juridiques plus détaillées.

22      De même, l’allégation de la requérante selon laquelle « le consortium soumissionnaire concurrent faisait l’objet d’un conflit d’intérêts s’agissant du marché devant être attribué dans le cadre de l’appel d’offres litigieux » ne permet pas au juge des référés d’examiner prima facie le bien-fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 84, sous a), du règlement financier de l’entreprise commune, en l’absence de toute explication de ce conflit d’intérêts et de production dudit règlement financier.

23      Pour ce qui est du moyen tiré d’une violation de l’article 93 et de l’article 100, sous h), des dispositions d’application du règlement financier de l’entreprise commune, la requérante se borne à affirmer que l’entreprise commune « a décidé d’attribuer les marchés litigieux dans le cadre de la procédure ouverte, plutôt que dans le cadre d’une procédure de dialogue compétitif ou d’une procédure de gré à gré, bien que les conditions desdites procédures aient manifestement été réunies et bien que la procédure ouverte n’ait pas permis à [l’entreprise commune] de retenir l’offre économiquement la plus avantageuse » et que « la procédure ouverte n’était pas adaptée en raison de la complexité du marché sur le plan technique et commercial (comme le montre, en particulier, le fait que [l’entreprise commune] a dû modifier le cahier des charges à plusieurs reprises, que les bobines à champ toroïdal en question n’avaient jamais été fabriquées par le passé et que [l’entreprise commune] a choisi une procédure d’appel d’offres en trois étapes, la première étape comprenant une large part de travaux de recherche et développement) ». Ni lesdites dispositions d’application ni le cahier des charges n’ayant été annexés à la demande en référé, le juge des référés n’est pas en mesure d’apprécier prima facie le bien-fondé de ce moyen, dans le cadre duquel la requérante invoque également la complexité technique et commerciale du marché en cause.

24      Ensuite, s’agissant du moyen tiré d’une « violation de l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2004/18/CE (application par analogie) », la requérante se limite à indiquer que « les dispositions du contrat type de la procédure d’appel d’offres litigieuse sont contraires aux dispositions en vigueur du droit espagnol et ont pour effet de créer des obstacles injustifiés à l’ouverture du marché à la concurrence ». Une telle allégation ne permet pas au juge des référés d’apprécier prima facie le bien-fondé de ce moyen, d’autant que le contrat type en cause n’a pas été annexé à la demande en référé. Il en va de même s’agissant des moyens tirés d’une violation du principe de transparence et de l’article 116, paragraphe 1, des dispositions d’application du règlement financier de l’entreprise commune, dans la mesure où l’entreprise commune aurait « utilisé, dans le cahier des charges, des dispositions vagues et équivoques », ainsi que d’une violation des principes de transparence et de l’égalité de traitement, dans la mesure où l’entreprise commune aurait « appliqué, dans le cadre du cahier des charges de l’appel d’offres litigieux, des critères d’attribution vagues et opaques, sans rapport avec l’objet du marché, pour la qualification et la sélection des soumissionnaires ».

25      Enfin, dans le cadre du moyen tiré d’une violation des principes de l’égalité de traitement, de transparence et de bonne pratique administrative ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation de ses offres, la requérante conteste la légalité des décisions de rejet en faisant valoir que, contrairement aux allégations de l’entreprise commune, ses offres étaient conformes aux dispositions du cahier des charges et, loin de contenir des différences substantielles par rapport au contrat type, comportaient uniquement une liste énumérant différentes propositions sur des questions devant être négociées. Elle reproche en outre à l’entreprise commune d’avoir violé les principes de bonne administration et de transparence en adoptant ces décisions sans lui avoir demandé des précisions sur le contenu de ses offres et en n’indiquant pas de manière claire et non équivoque les motifs desdites décisions.

26      Bien que la requérante ait annexé à la demande en référé la liste intitulée « Amendements demandés », telle que celle-ci figurait dans son offre du 15 décembre 2009, elle s’est toutefois abstenue de mettre à la disposition du juge des référés le texte complet tant du contrat type inclus dans le cahier des charges de l’appel d’offres que de cette offre. En outre, si la requérante a produit l’avis de marché et les décisions de rejet, elle a omis de produire le cahier des charges auquel ces documents font référence et sur lequel sont expressément fondées les décisions de rejet. Le juge des référés n’est donc pas en mesure d’apprécier le sens et la portée à attribuer aux demandes de modification du contrat type dans le cadre de la procédure ouverte d’appel d’offres à laquelle la requérante a participé.

27      Or, la mise à disposition par la requérante de tous les documents pertinents était d’autant plus nécessaire que, dans ses observations, l’entreprise commune a présenté des documents susceptibles de contredire l’argumentation de la requérante.

28      L’entreprise commune a notamment souligné que, dans le cahier des charges relatif à ce marché, le premier point figurant à l’article 4.1 intitulé « Conditions générales » était constitué par une indication détaillée, aux termes de laquelle « la soumission d’une offre implique l’acceptation de l’ensemble des dispositions prévues au contrat type et des annexes qui y sont afférentes, y compris des spécifications techniques et du cahier des charges de gestion, ainsi que la renonciation aux conditions générales ou particulières du soumissionnaire » et l’entreprise commune « est en droit d’ignorer toute clause de réserve ou de non-responsabilité figurant, à cet égard, dans l’offre et se réserve le droit d’écarter les offres correspondantes sans poursuivre leur examen, au motif qu’elles ne sont pas conformes au cahier des charges ».

29      L’entreprise commune a également ajouté que, lorsque la requérante a soumis ses offres relatives aux différents lots, chacune d’elles contenait deux documents électroniques dans le dossier relatif au contrat type, le premier d’entre eux étant une copie du contrat type, paraphé à chaque page et signé en dernière page. Toutefois, au-dessus de la signature aurait figuré l’inscription manuscrite ainsi libellée : « la liste des divergences ci-jointe fait partie intégrante de l’offre de Babcock Noell GmbH ». Le deuxième document aurait été la « liste des divergences » reproduite à l’annexe A.2 de la demande en référé. Il s’agirait de la liste des amendements au contrat type qui ont conduit au rejet des offres de la requérante.

30      Il s’ensuit que les éléments avancés par la requérante dans la demande en référé et à l’appui de celle-ci ne permettent pas au juge des référés d’apprécier prima facie le bien-fondé de ce dernier moyen, étant précisé que l’absence d’explication suffisante, dans cette demande, des éléments constitutifs d’un tel fumus ne saurait être compensée par la requête dans l’affaire principale ayant été déposée au greffe du Tribunal. En effet, il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes ou dans la requête dans l’affaire principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 25 mai 2009, Biofrescos/Commission, T‑159/09 R, non publiée au Recueil, points 17 et 18).

31      Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas fait la preuve de l’existence d’un fumus boni juris.

32      Dans les circonstances particulières du cas d’espèce, il convient toutefois d’examiner, à titre surabondant, si la condition relative à l’urgence apparaît remplie.

 Sur l’urgence

33      Selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance United Phosphorus/Commission, précitée, point 32, et la jurisprudence citée).

34      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les éléments avancés par la requérante pour établir qu’elle subira un préjudice grave et irréparable si les mesures provisoires demandées ne sont pas ordonnées.

 Arguments des parties

35      La requérante estime qu’elle subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution sollicité n’était pas accordé, car elle risquerait d’être définitivement exclue de l’attribution du marché en cause. Elle soutient que l’entreprise commune n’organisera vraisemblablement pas, à la suite d’un arrêt d’annulation dans le litige principal, une nouvelle procédure d’appel d’offres relative à la fourniture de packs de bobines à champ toroïdal ITER. En concluant un contrat avec le consortium s’agissant du lot D du marché en cause à la suite de la décision d’attribution, l’entreprise commune aurait plutôt créé une « situation de fait irréversible ». Conformément au cahier des charges, la première phase de l’exécution du contrat, qui couvre l’essentiel du marché en cause, à savoir la fourniture du prototype « double pancake », les travaux d’équipement et de recherche ainsi que le développement, et qui représente environ 60 % de la valeur totale du marché en cause, serait probablement « lancée et exécutée » immédiatement. Compte tenu du calendrier prévu pour cette première phase, les travaux seraient finalisés entre juillet 2010 et avril 2013.

36      Selon la requérante, une réparation financière sous la forme du versement de dommages et intérêts ne constituerait pas une forme de réparation adéquate du préjudice subi. Le marché en cause porterait sur des fournitures pour un projet international exceptionnel, emblématique et unique en matière d’énergie de fusion. Dès lors, seule une réparation en nature, c’est-à-dire l’exécution du marché en cause, lui permettrait d’obtenir la « valeur économique du marché » ainsi que le prestige, la visibilité et l’expérience qu’implique un tel projet. Étant donné qu’il est improbable que des travaux comparables soient entrepris par des clients à l’avenir, il n’existerait aucun point de comparaison permettant de quantifier le dommage causé à sa réputation en raison du rejet de ses offres et de l’impossibilité qui en résulte d’acquérir l’expérience et les qualifications qu’implique un tel projet.

37      La requérante précise, ensuite, qu’elle subira la perte d’une chance et d’un avantage concurrentiel, un dommage pécuniaire significatif et un préjudice important pour sa crédibilité et sa réputation sur le marché, en raison de la perte d’une chance d’exécuter le marché en cause.

38      La requérante affirme que « le projet relatif aux bobines à champ toroïdal ITER constitue le projet le plus significatif et prestigieux dans ce segment de marché ». Le marché des bobines supraconductrices pour la fusion et les accélérateurs se caractériserait par l’existence d’un nombre limité de projets de grande envergure. Ce marché serait dominé par un nombre restreint de contrats d’une valeur de plus de 50 millions d’euros. Parmi ces grands projets, le marché en cause relatif à la fourniture de bobines à champ toroïdal ITER, d’une valeur d’environ 150 millions d’euros, serait de loin le plus important et dépasserait la somme de tous les autres grands projets actuels dans le domaine des bobines magnétiques pour la fusion. La requérante prétend ne pas pouvoir compenser la perte du marché en cause par l’exécution d’autres marchés.

39      À cet égard, la requérante renvoie à une étude de marché selon laquelle les bobines à champ toroïdal ITER relèvent du segment de marché « Recherche et développement technologique », le chiffre d’affaires mondial de ce segment de marché étant estimé à 765 millions d’euros en 2009 et à 845 millions d’euros en 2011. Elle en déduit que le marché en cause, d’une valeur d’environ 150 millions d’euros, représente environ 19 % dudit segment de marché. [confidentiel] (1)

40      La requérante fait valoir qu’il est difficile pour elle de quantifier le préjudice financier résultant de la perte de la chance d’exécuter le marché en cause. Il s’agirait donc d’un préjudice irréparable. À cet égard, elle invoque l’ordonnance du président du Tribunal du 20 juillet 2006, Globe/Commission (T‑114/06 R, Rec. p. II‑2627, points 117, 118 et 127).

41      La requérante ajoute qu’il s’agit de la perte d’une chance d’une gravité certaine, eu égard à l’expérience, à la renommée, à la notoriété et aux compétences qu’elle pourrait acquérir si elle avait l’opportunité d’exécuter le marché en cause. La fourniture de packs de bobines à champ toroïdal ITER impliquerait des activités très spécialisées, qui ne pourraient être exercées que par un nombre très limité d’opérateurs sur le marché au niveau mondial. Considérant le nombre limité d’opérateurs économiques présents sur le marché et l’importance du contrat, [confidentiel]. Or, une modification de la situation concurrentielle sur le marché d’une entreprise constituerait un critère pertinent pour apprécier la gravité du préjudice justifiant l’octroi de mesures provisoires.

42      La requérante souligne que le défaut d’exécution du marché en cause représente pour elle un manque à gagner considérable, qu’elle évalue à environ [confidentiel] euros, montant équivalant à la somme qu’elle recevrait si elle était chargée de l’exécution dudit marché. Son chiffre d’affaires annuel s’élèverait à environ 66 millions d’euros en 2009 et le marché en cause représenterait une valeur annuelle d’environ [confidentiel] (pour le lot A, d’une durée de 61 mois) ou d’environ [confidentiel] (pour le lot D, d’une durée de 82 mois), ce qui correspond à environ [confidentiel] (pour le lot A) ou [confidentiel] (pour le lot D) de son chiffre d’affaires annuel. De surcroît, sa participation à la procédure litigieuse aurait exigé un investissement d’environ [confidentiel] euros, environ [confidentiel] salariés ayant participé à l’élaboration et à la présentation des offres. Or, cet investissement substantiel serait en partie perdu, car les études de faisabilité réalisées dans le cadre de cet appel d’offres ne pourraient pas être réutilisées ou adaptées à la préparation d’autres offres à l’avenir.

43       Enfin, le rejet de ses offres pourrait porter un préjudice considérable à sa réputation sur le marché et avoir des répercussions importantes sur ses activités commerciales. En effet, s’agissant du lot D du marché en cause, la requérante soutient avoir présenté une offre très concurrentielle, dont le montant était nettement inférieur à celui de l’offre du consortium. Alors qu’elle avait de très fortes chances de remporter le marché, ses offres auraient été illégalement rejetées, la perte du marché ne relevant donc pas du risque normal qu’implique la participation à un appel d’offres. Or, le préjudice causé à la réputation d’une entreprise serait irréparable dans la mesure où il ne pourrait être précisément chiffré.

44      L’entreprise commune conteste les arguments de la requérante.

 Appréciation du juge des référés

45      Il convient de constater que la requérante allègue deux types de préjudices qui lui seraient causés en cas de rejet de la demande en référé : d’une part, un préjudice financier consistant en une perte d’une chance et en une perte de l’investissement opéré en vue de l’élaboration des offres ; d’autre part, un préjudice moral consistant en l’atteinte portée à sa réputation et à sa crédibilité, le rejet de ses offres et l’attribution du lot D du marché en cause à un autre soumissionnaire l’empêchant d’acquérir l’expérience et la renommée liées à l’exécution d’un marché aussi prestigieux et exceptionnel que le marché en cause. Selon la requérante, ces préjudices sont irréparables parce qu’ils ne peuvent pas être quantifiés.

46      Il y a également lieu de relever que ces préjudices seraient subis à l’occasion d’une procédure d’appel d’offres. Or, une telle procédure a pour objet de permettre à l’autorité concernée de choisir, parmi plusieurs offres concurrentes, celle qui lui paraît la plus conforme aux critères de sélection prédéterminés. Une entreprise qui participe à une telle procédure n’a, dès lors, jamais la garantie absolue que le marché lui sera adjugé, mais doit toujours tenir compte de l’éventualité de son attribution à un autre soumissionnaire. Dans ces conditions, les conséquences financières négatives pour l’entreprise en question qui découleraient du rejet de son offre font, en principe, partie du risque commercial habituel auquel chaque entreprise active sur le marché doit faire face (voir ordonnance du président du Tribunal du 23 janvier 2009, Unity OSG FZE/Conseil et EUPOL Afghanistan, T‑511/08 R, non publiée au Recueil, points 25 et 26, et la jurisprudence citée).

47      Il s’ensuit que, en l’espèce, la somme d’environ [confidentiel] euros, que la requérante aurait infructueusement investie dans l’élaboration de ses offres, ne saurait aucunement être prise en considération pour justifier l’urgence, tout soumissionnaire devant être conscient du risque d’un échec de sa participation à des procédures d’appel d’offres. Au demeurant, cette évidence a expressément été rappelée dans l’appel d’offres litigieux, présenté en annexe 1 à la demande en référé, en ce que l’entreprise commune a attiré l’attention des soumissionnaires sur le fait qu’elle pouvait, avant la signature du contrat, soit abandonner soit annuler la procédure d’adjudication ou une partie de celle-ci, sans que les soumissionnaires ne soient fondés à réclamer une quelconque indemnisation.

48      Ensuite, pour ce qui est du caractère irréparable du préjudice découlant de la perte d’une chance, il y a lieu de rappeler que, lorsque le Tribunal accorde des dommages et intérêts sur la base de l’attribution d’une valeur économique au préjudice subi en raison d’un manque à gagner, cette réparation est en principe susceptible de satisfaire à l’exigence, énoncée par la jurisprudence, d’assurer la réparation intégrale du préjudice individuel que la partie concernée a effectivement subi du fait des actes illégaux particuliers dont elle a été victime (ordonnance du président du Tribunal du 20 janvier 2010, Agriconsulting Europe/Commission, T‑443/09 R, non publiée au Recueil, point 32 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, Rec. p. I‑833, point 76).

49      Il en résulte que, dans l’hypothèse où la requérante obtiendrait gain de cause dans la procédure principale, il pourrait être attribué une valeur économique au préjudice subi en raison de la perte de sa chance de se voir attribuer le marché en cause, ce qui permettrait de satisfaire à l’obligation de réparer intégralement le dommage individuel effectivement subi. Par conséquent, l’argument de la requérante selon lequel son préjudice serait irréparable au motif qu’il ne serait pas possible de quantifier la perte de la chance de se voir attribuer le marché en cause ne saurait être accueilli (voir, en ce sens, ordonnance Agriconsulting Europe/Commission, précitée, point 33, et la jurisprudence citée). Au demeurant, la requérante a elle-même chiffré son prétendu manque à gagner et la prétendue perte de parts de marché (voir points 39 et 42 ci-dessus).

50      Ainsi, l’ordonnance Globe/Commission, précitée, invoquée par la requérante, doit être considérée comme dépassée à cet égard par la jurisprudence plus récente, dans la mesure où il y avait été jugé que la perte de la chance de se voir attribuer un marché public était très difficile, voire impossible, à quantifier, de sorte que ladite perte pouvait être qualifiée de préjudice irréparable (voir, en ce sens, ordonnance Agriconsulting Europe/Commission, précitée, point 34).

51      Il s’ensuit que la requérante n’est pas parvenue à établir, avec un degré de probabilité suffisant, que le préjudice invoqué pourrait être qualifié d’irréparable. Elle n’a, notamment, pas démontré qu’elle serait empêchée d’obtenir une compensation financière ultérieure par la voie d’un recours en indemnité au titre des articles 268 TFUE et 340 TFUE, étant entendu que la seule possibilité de former un tel recours suffit à attester du caractère en principe réparable d’un tel préjudice (voir, en ce sens, ordonnance Agriconsulting Europe/Commission, précitée, point 35, et la jurisprudence citée).

52      Enfin, en ce qui concerne la gravité du préjudice financier allégué, il convient de rappeler qu’elle ne saurait être admise que si la société requérante démontre à suffisance de droit qu’elle aurait pu retirer des bénéfices suffisamment significatifs de l’attribution et de l’exécution du marché en cause (voir, en ce sens, ordonnance Unity OSG FZE/Conseil et EUPOL Afghanistan, précitée, point 28), l’importance de ce préjudice devant être évaluée au regard de la taille de cette société ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat le cas échéant (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 7 février 2006, Brink’s Security Luxembourg/Commission, T‑437/05 R, non publiée au Recueil, point 57, ainsi que United Phosphorus/Commission, précitée, point 35, et du 18 juin 2008, Dow AgroSciences e.a./Commission, T‑475/07 R, non publiée au Recueil, points 77 à 81).

53      Il s’ensuit que la société requérante, qui est tenue de produire, pièces à l’appui, une image fidèle et globale de sa situation financière [ordonnance du président du Tribunal du 27 avril 2010, Parlement/U, T‑103/10 P(R), non publiée au Recueil, point 39], doit mettre à la disposition du juge des référés, lorsqu’elle appartient à un groupe, tous les éléments nécessaires lui permettant d’apprécier la capacité et la solidarité financières dont cette société jouit grâce à son intégration dans ce groupe.

54      En l’espèce, la requérante a produit, en annexe à la demande en référé, un extrait de son inscription au registre du commerce. Comme il ressort de cette inscription, la requérante a conclu, le 18 novembre 2003, en tant que société dominée, avec la société « BBP Service », en tant que société dominante, un contrat de contrôle et de transfert de bénéfices. Il s’avère donc que la requérante fait partie d’un groupe.

55      Or, ainsi qu’il résulte de sources publiques, à savoir le site Internet de la requérante, cette dernière est une société du groupe international Bilfinger Berger, ce qui est confirmé par les différents sites Internet de ce groupe et notamment par l’un d’entre eux sur lequel il est indiqué que la requérante dépend de la branche « Technologie énergétique et environnementale » du Multi Service Group Bilfinger Berger Power Services, ce dernier groupe représentant, quant à lui, l’un des cinq domaines d’activité du Bilfinger Berger AG Multi Service Group. Afin de démontrer la gravité du préjudice financier allégué en produisant une image fidèle et globale de sa situation financière, la requérante aurait donc dû fournir tous les éléments permettant d’apprécier les caractéristiques financières du groupe auquel elle appartient.

56      Toutefois, force est de constater que la requérante n’a fourni aucun élément de cette nature, alors que de telles précisions auraient dû être exposées dans le texte même de la demande en référé (voir point 17 ci-dessus) et que l’entreprise commune a affirmé, dans ses observations, que le groupe auquel appartient la requérante avait réalisé, en 2009, un chiffre d’affaires total consolidé substantiel (plus de 9 milliards d’euros), par rapport auquel le préjudice qu’elle invoque ne pouvait aucunement être qualifié de grave.

57      À défaut de tels éléments, le juge des référés est dans l’impossibilité d’apprécier la gravité du préjudice financier allégué. Au regard des contestations de l’entreprise commune, il ne saurait admettre l’urgence invoquée, en se contentant des simples affirmations non étayées de la requérante. En effet, compte tenu du caractère strictement exceptionnel de l’octroi de mesures provisoires (voir point 14 ci-dessus), de telles mesures ne peuvent être accordées que si ces affirmations s’appuient sur des éléments de preuve (ordonnance Parlement/U, précitée, point 39).

58      Par conséquent, le préjudice financier allégué par la requérante ne saurait justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la pertinence des chiffres qu’elle a avancés – sans la moindre pièce justificative – afin d’établir ses pertes et son manque à gagner.

59      S’agissant du préjudice moral allégué, la requérante invoque, d’abord, une atteinte à sa réputation sur le marché. À cet égard, il suffit de relever que la participation à une soumission publique, par nature hautement compétitive, implique des risques pour tous les participants et que le rejet de l’offre d’un soumissionnaire, en vertu des règles de passation de marchés publics, n’a, en elle-même, rien de préjudiciable. Lorsqu’une société a vu ses offres illégalement rejetées dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres comme étant non conformes au cahier des charges, il existe d’autant moins de raisons de penser qu’elle risque de subir une atteinte grave et irréparable à sa réputation que, d’une part, ledit rejet de ses offres est sans lien avec ses compétences et, d’autre part, l’arrêt d’annulation qui s’ensuivra permettra en principe de rétablir une éventuelle atteinte à sa réputation (voir, en ce sens, ordonnance Unity OSG FZE/Conseil et EUPOL Afghanistan, précitée, point 39, et la jurisprudence citée).

60      La requérante affirme également que, à défaut d’octroi des mesures provisoires demandées, le rejet illégal de ses offres l’empêche irrémédiablement d’acquérir l’expérience, la visibilité et les qualifications qu’implique l’exécution d’un marché aussi prestigieux et exceptionnel que le marché en cause.

61      En ce qui concerne la prétendue absence d’acquisition de l’expérience et des qualifications, il suffit de rappeler que la requérante admet, elle-même, la nature spécifique du marché en cause, en soulignant son caractère « exceptionnel » et « unique » en matière d’énergie de fusion, de sorte qu’« il est improbable que des travaux comparables soient entrepris par des clients à l’avenir » (voir point 36 ci-dessus). Le fait de ne pas pouvoir acquérir les qualifications et l’expérience qu’implique l’exécution de ce marché ne saurait donc constituer un préjudice grave, détachable du préjudice financier résultant de la perte dudit marché, d’autant que la requérante n’explique pas dans quelle mesure elle pourrait faire fructifier cette expérience et ces qualifications dans d’autres domaines économiques.

62      Pour ce qui est de l’atteinte prétendument portée au prestige et à la visibilité de la requérante, il convient de constater que l’activité économique de cette dernière n’est pas limitée au secteur de l’énergie de fusion. En effet, dans la demande en référé, la requérante indique être active dans le secteur du nucléaire et proposer des services en matière de technologie nucléaire, de technologie des aimants et de technologie de la protection de l’environnement et, sur son site Internet, elle indique avoir plusieurs décennies d’expérience dans ces secteurs en énumérant de nombreux projets prestigieux qu’elle aurait réalisés.

63      En tout état de cause, à supposer même que l’atteinte portée à la visibilité et au prestige de la requérante puisse être qualifiée de grave et d’irréparable, le sursis à exécution sollicité ne pourrait être accordé que si la balance des intérêts penchait en faveur de la requérante.

 Sur la balance des intérêts en présence

64      Selon une jurisprudence bien établie, la mise en balance des intérêts consiste pour le juge des référés à déterminer si l’intérêt de la partie requérante à obtenir les mesures provisoires demandées prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate de l’acte litigieux en examinant, plus particulièrement, si l’annulation éventuelle de cet acte par le juge du fond permettrait le renversement de la situation qui aurait été provoquée par son exécution immédiate et, inversement, si le sursis à l’exécution dudit acte serait de nature à faire obstacle à son plein effet, au cas où le recours principal serait rejeté (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 11 mai 1989, Radio Telefis Eireann e.a./Commission, 76/89 R, 77/89 R et 91/89 R, Rec. p. 1141, point 15, et du 26 juin 2003, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 R et C‑217/03 R, Rec. p. I‑6887, point 142).

65      En l’espèce, il convient donc de déterminer si l’intérêt de la requérante à obtenir les mesures provisoires demandées prévaut ou non sur l’intérêt que présente l’application immédiate des décisions de rejet et de la décision d’attribution.

66      À cet égard, il convient de rappeler que l’urgence n’a été admise que pour l’atteinte prétendument portée à la visibilité et au prestige de la requérante, à l’exclusion de tout intérêt financier de cette dernière. L’intérêt de la requérante se limite donc, en substance, à pouvoir mentionner, à des fins publicitaires, le marché en cause.

67      En outre, il ressort des considérants 3 et 9 de la décision 2007/198, dont la légalité n’a pas été remise en question par la requérante, que sont d’une importance fondamentale le projet ITER et les activités visant à exploiter la fusion en tant que source d’énergie potentiellement illimitée, sûre, durable, respectueuse de l’environnement et économiquement compétitive, dont l’Union européenne pourrait tirer d’importants avantages, en particulier en vue de garantir la sécurité et la diversité de son approvisionnement énergétique à long terme. De même, au considérant 5 de la décision 2007/198, il est fait mention de l’objectif que « la construction d’ITER puisse commencer sans délais » et, aux considérants 4 à 6 de cette décision, il est rappelé que l’Euratom et le Japon ont conclu un accord bilatéral pour la mise en œuvre d’activités de recherche en vue de la « concrétisation rapide » de l’énergie de fusion.

68      Il s’ensuit que l’octroi d’un sursis à l’exécution des décisions de rejet et de la décision d’attribution, qui serait ordonné dans l’intérêt purement publicitaire d’une société, affecterait directement l’intérêt général de l’Union européenne, y compris celui de ses citoyens, à une réalisation rapide du projet ITER, dont l’importance politico-économique primordiale est évidente. Dès lors, la balance des intérêts ne penche pas en faveur de la requérante.

69      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

Ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 31 août 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.