Language of document : ECLI:EU:T:2022:275

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

4 mai 2022 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale ALEGRA DE BERONIA – Marque nationale verbale antérieure ALEGRO – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑298/21,

Bodegas Beronia, SA, établie à Ollauri (Espagne), représentée par Me J. Mora Cortés, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. R. Raponi et J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Bodegas Carlos Serres, SL, établie à Haro (Espagne), représentée par Mes F. Pérez Álvarez et J. Pérez Itarte, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 12 mars 2021 (affaire R 2013/2020‑1), relative à une procédure d’opposition entre Bodegas Carlos Serres et Bodegas Beronia,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. Hesse et D. Petrlík (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mai 2021,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2021,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 11 août 2021,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 janvier 2019, la requérante, Bodegas Beronia, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ALEGRA DE BERONIA.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vin ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2019/017, du 25 janvier 2019.

5        Le 16 avril 2019, l’intervenante, Bodegas Carlos Serres, SL, a formé opposition, au titre de l’article 46 du règlement 2017/1001, à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée notamment sur la marque espagnole verbale ALEGRO, enregistrée sous le numéro 835778, désignant les produits relevant de la classe 33 et correspondant à la description suivante : « Vins de Rioja ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        Le 18 septembre 2020, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, en concluant à l’existence d’un risque de confusion.

9        Le 20 octobre 2020, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par la décision du 12 mars 2021 (affaire R 2013/2020‑1) (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, au motif qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public espagnol, puisque les consommateurs moyens pourraient croire que la marque demandée était une version ou une variante de la marque antérieure.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés dans le cadre de la procédure devant la division d’opposition et devant la chambre de recours.

12      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Observations liminaires

13      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne. 

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Ces deux conditions sont cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

 Sur les produits en cause et le public pertinent

17      La chambre de recours a considéré, aux points 30 à 32 de la décision attaquée, que les produits visés par la marque demandée et ceux couverts par la marque antérieure étaient identiques. Cette constatation n’est pas contestée par les parties.

18      Aux points 25 à 29 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que le public pertinent était constitué par le grand public espagnol, faisant preuve d’un degré moyen d’attention. Les parties ne contestent pas cette constatation.

 Sur les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit 

19      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur de droit dans l’examen des éléments distinctifs et dominants des marques en conflit. La chambre de recours aurait dénié à tort tout caractère distinctif au terme « beronia » en fondant l’appréciation de la similitude entre les marques en cause sur la base du seul élément « alegra ».

20      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

21      Au point 39 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les éléments composant les marques en conflit, à savoir, d’une part, l’élément « alegro » de la marque antérieure et, d’autre part, les éléments « alegra » et « beronia » de la marque demandée « possèdent tous le même caractère distinctif ». En outre, aux points 43 à 53 de ladite décision, la chambre de recours a procédé à une comparaison des signes en conflit en prenant en considération l’ensemble des éléments verbaux qu’ils comportent.

22      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas nié le caractère distinctif du terme « beronia ». Par conséquent, il y a lieu de rejeter le grief tiré de la méconnaissance de ce caractère.

23      Dans ce contexte, la requérante ne peut non plus reprocher à la chambre de recours d’avoir méconnu la jurisprudence selon laquelle l’appréciation de la similitude des signes en conflit sur la seule base de leurs éléments dominants ne peut se faire que si tous les autres composants de ces signes sont négligeables (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). En effet, la chambre de recours n’a pas appliqué cette jurisprudence lors de l’appréciation de la similitude des signes en conflit, mais, ainsi qu’il a été exposé au point 21 ci-dessus, elle a pris en compte tous les composants de ceux-ci.

24      Ensuite, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que la chambre de recours a décidé, les termes « de beronia » possèdent un caractère distinctif supérieur à celui de l’autre élément de la marque demandée et à l’élément unique de la marque antérieure, puisque ces termes pourraient être perçus par le public pertinent comme indiquant le producteur des produits en cause. Il en irait d’autant plus ainsi que la requérante serait propriétaire d’une famille de marques désignant des produits relevant de la classe 33, en vigueur dans l’Union, qui comportent le terme « beronia ».

25      Selon la jurisprudence, aux fins d’apprécier le niveau de caractère distinctif des éléments d’une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de ceux-ci à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée ou demandée comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques des éléments en cause au regard de la question de savoir si ceux-ci sont ou non dénués de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée ou demandée [voir arrêt du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 47 et jurisprudence citée ; arrêt du 10 mars 2021, Kerry Luxembourg/EUIPO – Ornua (KERRYMAID), T‑693/19, non publié, EU:T:2021:124, point 53].

26      En l’espèce, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que ni la signification des éléments « alegro » et « alegra » ni celle des termes « de beronia » n’ont aucun lien avec les produits en cause, puisqu’ils ne décrivent aucune de leurs caractéristiques.

27      Partant, le seul fait que les termes « de beronia » permettent d’identifier la requérante comme le producteur des produits en cause n’octroie pas à ces éléments une qualité intrinsèque particulière, au regard de laquelle ceux-ci seraient davantage distinctifs que l’élément « alegra ».

28      À cet égard, la requérante ne saurait non plus s’appuyer sur la circonstance que la marque demandée fait prétendument partie d’une famille de marques. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner dans quelle mesure cette circonstance est pertinente aux fins d’apprécier le caractère distinctif des termes « de beronia » de la marque demandée, un tel argument présuppose, en tout état de cause, que la requérante fournisse la preuve de l’usage sur le marché d’un nombre suffisant de marques qui seraient susceptibles de constituer une telle famille et qu’elle démontre ainsi l’existence effective de cette dernière [voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, EU:C:2007:514, points 64 et 65, et du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T‑194/03, EU:T:2006:65, point 126].

29      Or, la requérante n’a pas fourni une telle preuve. Elle s’est bornée à énumérer les marques faisant prétendument partie d’une famille de marques sans apporter la preuve de l’usage sur le marché d’un nombre suffisant de marques qui seraient susceptibles de constituer une telle famille.

30      Enfin, le dossier ne contient aucun autre indice qui permettrait de constater que les éléments « alegro » de la marque antérieure et « alegra » et « beronia » de la marque demandée posséderaient un caractère distinctif différent.

31      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que ces éléments possèdent le même caractère distinctif.

 Sur la comparaison des signes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

32      Aux points 43 à 47 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle en raison de la présence dans chacun d’eux d’un élément comportant la suite de lettres « alegr ». Aux points 48 et 49 de cette décision, la chambre de recours a constaté que le degré de similitude phonétique de ces signes était moyen, dès lors que leur prononciation coïncidait par le même son initial correspondant à ladite suite de lettres. Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a estimé, aux points 50 à 52 de ladite décision, que lesdits signes présentaient à tout le moins un degré moyen de similitude, en raison du fait que l’élément « alegra » de la marque demandée et l’élément unique de la marque antérieure, « alegro », seraient compris par le public pertinent comme étant respectivement la conjugaison à la troisième et à la première personne du singulier du présent de l’indicatif du verbe espagnol « alegrar » (réjouir).

33      La requérante soutient que les signes en conflit ne sont pas similaires. Sur les plans visuel et phonétique, la disparité concernant le nombre d’éléments verbaux et de syllabes établirait l’existence de différences visuelles entre les marques en conflit et rendrait le rythme et l’intonation de celles-ci différents. Sur le plan conceptuel, les termes « de beronia » détermineraient le terme « alegra ». En outre, le public pertinent aurait tendance à associer l’élément verbal unique de la marque antérieure au terme « allegro », qui serait utilisé dans le langage musical, plutôt que de le comprendre comme étant la conjugaison du verbe « alegrar ». Par conséquent, les marques en cause seraient conceptuellement différentes.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante. L’EUIPO soutient que le fait que les deux signes partagent la suite de lettres « alegr » implique qu’ils présentent des similitudes sur les plans visuel et phonétique, malgré qu’ils sont composés d’un nombre différent de syllabes et de mots. L’intervenante considère que l’inclusion des termes « de beronia » dans la marque demandée ne diminue pas le risque de confusion, dès lors que la marque antérieure, dont le caractère distinctif serait normal, serait incluse dans la marque demandée. Sur le plan conceptuel, l’EUIPO estime que le public pertinent n’associera pas l’élément verbal unique de la marque antérieure au terme musical « allegro », puisque ce dernier serait un mot étranger, qui vient de l’italien, et qu’il ne serait connu que d’une petite partie du public pertinent comme un terme spécialisé utilisé dans le langage musical. En outre, dans la marque demandée, l’expression « de beronia » ne singulariserait ni ne déterminerait la signification de l’élément « alegra », mais jouerait un rôle secondaire.

35      Il y a lieu de rappeler que la marque demandée consiste en trois éléments verbaux, à savoir « alegra », « de » et « beronia », alors que la marque antérieure est constituée d’un seul élément verbal, à savoir « alegro ».

36      S’agissant de la comparaison visuelle, il ressort de la jurisprudence que la présence dans chacune des marques verbales en conflit de plusieurs lettres dans le même ordre peut revêtir une certaine importance dans l’appréciation des similitudes visuelles entre les signes de ces marques [voir arrêt du 24 mars 2021, Creaton South-East Europe/EUIPO – Henkel (CREATHERM), T‑168/20, non publié, EU:T:2021:160, point 46 et jurisprudence citée].

37      Cela étant, il ressort également de la jurisprudence que le fait qu’un élément par lequel les marques verbales en conflit se distinguent, et qui n’est pas secondaire, comporte plus de lettres et de syllabes que l’élément que ces marques ont en commun est de nature à réduire le degré de similitude visuelle entre ces marques [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, Speciality Drinks/EUIPO – William Grant (CLAN), T‑250/15, non publié, EU:T:2016:678, point 63].

38      En l’espèce, l’élément unique de la marque antérieure et le premier élément de la marque demandée commencent par la même suite de cinq lettres, à savoir « alegr ».

39      Cependant, en dépit de ces lettres communes, le premier élément de la marque demandée et l’élément unique de la marque antérieure se distinguent par leur dernière lettre, de sorte que la marque antérieure n’est pas complétement incluse dans la marque demandée.

40      En outre, la marque demandée diffère par les termes « de beronia », qui sont placés après l’élément « alegra » de cette marque. À cet égard, il importe de relever que ces termes comportent deux éléments, lesquels contiennent, dans leur ensemble, plus de lettres et de syllabes que le premier élément de la marque demandée et que l’élément unique de la marque antérieure.

41      En raison de ces différences, il convient de relever, d’une part, que les signes en cause ne coïncident que par cinq des six lettres du signe de la marque antérieure et cinq des quinze lettres dont est constituée la marque demandée.

42      D’autre part, comme déjà exposé au point 31 ci-dessus, dans la marque demandée, l’élément « beronia » revêt le même degré de caractère distinctif que l’élément « alegra ». La présence au sein de cette marque des termes « de beronia », qui ne sont pas descriptifs, diminue ainsi significativement la similitude visuelle entre les marques en conflit.

43      Dans ces conditions, la seule présence de la suite de lettres « alegr » dans les signes en conflit ne permet pas de constater que le degré de similitude visuelle de ces signes est moyen, comme l’a relevé la chambre de recours.

44      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les consommateurs ont tendance à attacher plus d’importance à la partie initiale d’un signe.

45      Certes, il découle de la jurisprudence que le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque ayant normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un effet plus fort que la partie finale de celle-ci [arrêts du 27 février 2019, Aytekin/EUIPO – Dienne Salotti (Dienne), T‑107/18, non publié, EU:T:2019:114, point 47, et du 26 mars 2020, Conlance/EUIPO – LG Electronics (SONANCE), T‑343/19, non publié, EU:T:2020:124, point 39].

46      Cependant, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas et remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par celles-ci [arrêts du 10 décembre 2008, Giorgio Beverly Hills/OHMI – WHG (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑228/06, non publié, EU:T:2008:558, point 28, et du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, point 142 (non publié)].

47      De même, rien ne permet de considérer que le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé négligera systématiquement la seconde partie de l’élément verbal d’une marque au point de n’en mémoriser que la première partie. Il en va notamment ainsi dans le secteur des boissons alcooliques, dans lequel les consommateurs sont habitués à ce que les produits soient fréquemment désignés par les marques comprenant plusieurs éléments verbaux [arrêts du 11 juillet 2006, Torres/OHMI – Bodegas Muga (Torre Muga), T‑247/03, non publié, EU:T:2006:198, points 52 et 53, et du 18 décembre 2008, Torres/OHMI – Sociedad Cooperativa del Campo San Ginés (TORRE DE BENÍTEZ), T‑16/07, non publié, EU:T:2008:604, points 57 et 58].

48      En l’espèce, le fait que l’élément comportant la suite de lettres commune aux signes en conflit se situe dans la marque demandée avant les termes « de beronia » ne signifie pas que le public pertinent prêtera moins attention à ceux-ci compte tenu de l’impression d’ensemble produite par ladite marque sur ce public.

49      En outre, le fait que le public pertinent est, en règle générale, susceptible de prêter une plus grande attention à l’élément « alegra », en raison de sa position au début de la marque demandée, est contrebalancé par les circonstances que les éléments « alegra » et « beronia » de cette marque possèdent le même degré de caractère distinctif, que les termes « de beronia » comportent plus de lettres que l’élément « alegra » et que les produits désignés par ladite marque relèvent du secteur des boissons alcooliques, dans lequel les consommateurs sont habitués aux marques comprenant plusieurs éléments verbaux.

50      La conclusion énoncée au point 43 ci-dessus n’est pas non plus remise en cause par l’arrêt du 28 avril 2016, Gervais Danone/EUIPO – Mahou (B’lue) (T‑803/14, non publié, EU:T:2016:251), invoqué par l’EUIPO, dans lequel le Tribunal a constaté, en ce qui concerne une marque verbale composée de plusieurs éléments, que les consommateurs avaient tendance à désigner ladite marque de manière abrégée par son élément initial. En effet, il résulte des points 32 et 58 de cet arrêt que celui-ci concernait une marque dans laquelle l’élément placé en seconde position renvoyait à l’origine géographique ou commerciale des produits en cause dans cette affaire et n’avait qu’un caractère distinctif faible pour une partie du public pertinent. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, l’élément « beronia » étant un terme fantaisiste qui possède un caractère distinctif normal.

51      Dans ces conditions, il convient de constater que les différences qui existent entre les signes en conflit sur le plan visuel contribuent substantiellement à l’impression globale produite par les marques en cause et ne sont pas annihilées par l’existence de la suite de lettres qu’elles ont en commun, « alegr », bien qu’elle soit positionnée au début de celles-ci.

52      Par conséquent, il convient de conclure qu’il existe une faible similitude visuelle entre les signes en cause et que, partant, la chambre de recours a constaté à tort qu’il existait un degré moyen de similitude entre eux sur le plan visuel.

53      S’agissant de la comparaison phonétique des signes en cause, la prononciation de leurs deux premières syllabes, « a » et « le », est identique, tandis que la prononciation de leur troisième syllabe respective, à savoir « gro », d’une part, et « gra », d’autre part, est similaire. Cependant, les signes en conflit diffèrent par les quatre dernières syllabes de la marque demandée, à savoir « de », « be », « ro » et « nia ».

54      En outre, ainsi que les parties en conviennent d’ailleurs, la prononciation des termes « de beronia » rend le rythme et l’intonation des signes en conflit différents.

55      Dans ces conditions, et compte tenu mutatis mutandis des considérations énoncées aux points 36 à 51 ci-dessus, il convient de constater que les signes en cause ne présentent qu’un faible degré de similitude phonétique.

56      Par conséquent, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a constaté qu’il existait un degré moyen de similitude entre les signes en conflit sur le plan phonétique.

57      En ce qui concerne, enfin, la comparaison conceptuelle, la chambre de recours a estimé que les mots « alegro » et « alegra » constituent des conjugaisons différentes du verbe « alegrar » (réjouir). Par conséquent, elle a estimé que le public pertinent associerait ces deux éléments verbaux « à l’action de causer un sentiment agréable et vif ». En outre, la chambre de recours a considéré l’élément « beronia » comme un terme fantaisiste qui, compte tenu de la présence de la préposition « de », pourrait être perçu par le public pertinent comme indiquant le producteur des produits en cause.

58      Il est vrai qu’une partie du public pertinent peut certes comprendre les éléments « alegro » et « alegra » comme des conjugaisons différentes du verbe « alegrar » (réjouir) et, par conséquent, les associer à des sentiments de joie.

59      Cependant, il est tout aussi probable que le public pertinent n’établisse pas nécessairement un tel lien conceptuel entre ces éléments et le verbe « alegrar ».

60      Ainsi, tout d’abord, comme le fait valoir la requérante, il n’est pas exclu qu’une partie de ce public associe plutôt le terme « alegro » à un terme d’origine italienne signifiant « tempo modérément vif ».

61      Ensuite, comme le fait également valoir la requérante et contrairement à ce que soutient l’EUIPO, l’élément « alegro » pris de manière isolée, c’est-à-dire sans le pronom réfléchi « me », constitue une forme du verbe « alegrar » qui est atypique dans la langue courante et se présente donc comme un terme très inhabituel. Cette circonstance est donc susceptible de créer une ambiguïté dans l’esprit du public pertinent quant à la signification de ce terme, augmentant ainsi les probabilités que celui-ci soit compris par une partie de ce public comme renvoyant au terme musical visé au point 60 ci-dessus.

62      Enfin, comme le soutient aussi la requérante, dans la marque demandée, la préposition « de » exprime la possession ou l’appartenance et lie ainsi l’élément « alegra » au terme « beronia », de sorte que le terme « alegra » est, sur le plan conceptuel, déterminé par les termes « de beronia ». Il s’ensuit que le public pertinent sera susceptible de comprendre que le terme « alegra » appartient au terme « beronia », qui est apte à représenter la requérante en tant que fabricant des produits en cause. Cette constatation corrobore la conclusion, exposée aux points 47 à 49 ci-dessus, selon laquelle le public pertinent n’aura pas tendance à mémoriser uniquement le premier élément de la marque demandée en négligeant systématiquement les termes « de beronia ».

63      Il en va d’autant plus ainsi que, dans le monde vitivinicole, les noms ont une grande importance, qu’il s’agisse de noms de famille ou de noms de domaine, puisqu’ils servent à référencer et à désigner les vins. Ainsi, les consommateurs sont habitués à désigner et à reconnaître les vins en fonction de l’élément verbal qui sert à les identifier et qui désigne notamment le récoltant ou la propriété sur laquelle le vin est produit [voir arrêt du 27 juin 2019, Sandrone/EUIPO – J. García Carrión (Luciano Sandrone), T‑268/18, EU:T:2019:452, point 99 et jurisprudence citée]. Dans ces conditions, les termes « de beronia » sont susceptibles de contribuer, d’une manière significative, à l’identification des vins de la requérante.

64      Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, rien ne permet de constater que les termes « de beronia » jouent un rôle secondaire dans le cadre de la comparaison conceptuelle des signes en conflit.

65      Dans ces conditions, la marque demandée ne saurait être considérée, dans le cadre de la perception conceptuelle globale, comme renvoyant soit uniquement, soit de manière prédominante, à des sentiments de joie.

66      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de constater que les signes en cause ne présentent qu’une faible similitude conceptuelle.

67      Par conséquent, la chambre de recours a constaté à tort qu’il existait un degré moyen de similitude entre les signes en conflit sur le plan conceptuel.

 Sur le risque de confusion

68      Aux points 54 à 61 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu, en tenant compte de l’identité des produits désignés par les marques en conflit et de la similitude moyenne entre celles-ci, qu’un risque de confusion ne pouvait être exclu pour le consommateur moyen espagnol. Dans ce contexte, elle a considéré que les différences constatées dans le cadre de la comparaison des marques en cause étaient insuffisantes pour compenser ou contrebalancer le poids de leurs similitudes et, donc, pour éviter une confusion dans l’esprit du public pertinent.

69      La requérante soutient que cette conclusion est erronée. À cet égard, elle se fonde notamment sur l’existence de différences visuelles et phonétiques entre les marques en cause qui seraient suffisamment évidentes pour permettre de compenser l’identité des produits en cause et de conclure qu’il n’existe pas de risque de confusion.

70      L’EUIPO et l’intervenante font valoir qu’il existe un risque de confusion. D’une part, ils soulignent que la marque demandée est destinée à désigner des produits identiques à ceux de la marque antérieure. D’autre part, ces marques présenteraient à tout le moins un degré moyen de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, étant entendu que l’expression « de beronia » dans la marque demandée ne serait pas suffisante pour conclure que les signes en cause sont différents.

71      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

72      Par ailleurs, le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24).

73      En outre, afin d’apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, il faut déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie des produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 27).

74      En l’espèce, les produits en cause sont identiques.

75      Cependant, ainsi qu’il a été constaté aux points 52, 55 et 66 ci-dessus, les signes en conflit ne présentent qu’un faible degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle.

76      Certes, leur similitude visuelle et phonétique tient à la présence de la suite de lettres « alegr », qui est commune à ces signes. Toutefois, cette similitude doit être mise en perspective avec le fait que lesdits signes se distinguent par la dernière lettre de l’élément unique de la marque antérieure et du premier élément de la marque demandée et, avant tout, par les termes « de beronia » qui font partie de la marque demandée. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 47 ci-dessus, rien ne permet de considérer que le public pertinent abrégerait la marque demandée en ne retenant que le premier élément de celle-ci.

77      S’agissant, ensuite, du concept véhiculé par les signes en conflit, il convient de rappeler, d’une part, qu’il est bien possible que le public pertinent n’établisse pas le lien conceptuel entre les éléments « alegro » et « alegra » et le verbe « alegrar » (voir points 59 à 61 ci-dessus).

78      D’autre part, le terme « beronia » est un terme fantaisiste qui peut être perçu par le public pertinent comme déterminant l’élément « alegra » sur le plan conceptuel et comme susceptible d’indiquer l’origine commerciale des produits couverts par la marque demandée.

79      Au regard de ces différences, qui ont un caractère significatif, il y a lieu de relever que, confronté aux produits désignés par la marque demandée, le public pertinent sera en mesure de distinguer ces produits de ceux désignés par la marque antérieure.

80      Dans ces conditions, les différences entre les marques en conflit sont suffisantes pour compenser l’identité des produits en cause. Partant, il convient de conclure qu’il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

81      Il découle de ce qui précède que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle a constaté qu’il existe pour ce public un risque de confusion.

82      Dans ces conditions, il y a lieu d’accueillir le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

83      Par conséquent, il convient d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes du paragraphe 2 du même article, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens. L’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la requérante afférents à la présente procédure ainsi qu’à la procédure devant la chambre de recours, conformément aux conclusions de la requérante. Il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que l’EUIPO et l’intervenante supporteront chacun la moitié desdits dépens et frais indispensables exposés par la requérante.

85      Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. En effet, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours, et non pas devant la division d’opposition, sont considérés comme dépens récupérables. Partant, la demande de la requérante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’opposition, qui ne constituent pas des dépens récupérables, est irrecevable [arrêt du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 91].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 mars 2021 (affaire R 2013/20201) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par Bodegas Beronia, SA, y compris la moitié des frais indispensables exposés par celle-ci aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

3)      Bodegas Carlos Serres, SL, supportera ses propres dépens ainsi que la moitié de ceux exposés par Bodegas Beronia, y compris la moitié des frais indispensables exposés par celle-ci aux fins de la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

Kornezov

Hesse

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.