Language of document : ECLI:EU:T:2022:295

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

18 mai 2022 (*)

« Mesures de sauvegarde – Marché des produits sidérurgiques – Règlement d’exécution (UE) 2019/159 – Recours en annulation – Intérêt à agir – Qualité pour agir – Recevabilité – Égalité de traitement – Confiance légitime – Principe de bonne administration – Devoir de diligence – Menace de préjudice grave – Erreur manifeste d’appréciation – Ouverture d’une enquête de sauvegarde – Compétence de la Commission – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑245/19,

Uzina Metalurgica Moldoveneasca OAO, établie à Rîbniţa (Moldavie), représentée par Mes P. Vander Schueren et E. Gergondet, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Luengo et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme O. Porchia, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 avril 2019,

–        l’exception d’irrecevabilité soulevée au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal par la Commission par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 26 juin 2019,

–        les observations sur cette exception déposées par la requérante le 20 août 2019,

–        l’ordonnance de jonction de l’exception d’irrecevabilité au fond du 13 février 2020,

à la suite de l’audience du 21 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Uzina Metalurgica Moldoveneasca OAO, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/159 de la Commission, du 31 janvier 2019, instituant des mesures de sauvegarde définitives à l’encontre des importations de certains produits sidérurgiques (JO 2019, L 31, p. 27, ci-après le « règlement attaqué »), en tant qu’il s’applique à elle.

 Antécédents du litige

2        La requérante, établie dans la région de Transnistrie en Moldavie, est une productrice de deux catégories de produits sidérurgiques faisant l’objet des mesures de sauvegarde imposées en application du règlement attaqué : la catégorie de produits no 13 (barres d’armature) et la catégorie de produits no 16 (fil machine en fer ou en aciers non alliés et en autres aciers alliés).

3        Le 28 avril 2016, au regard de la situation de l’industrie sidérurgique de l’Union européenne, la Commission européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/670 établissant une surveillance préalable de l’Union des importations de certains produits sidérurgiques originaires de certains pays tiers (JO 2016, L 115, p. 37).

4        Le 23 mars 2018, les États‑Unis d’Amérique ont instauré des droits à l’importation au titre de la section 232 du Trade Expansion Act (loi sur le développement du commerce)  (ci-après la « section 232 »).

5        Le 26 mars 2018, au regard des données statistiques collectées à la suite de la mise en place des mesures de surveillance, la Commission a ouvert une enquête de sauvegarde afin d’examiner la situation de plusieurs catégories de produits sidérurgiques.

6        Dans la mesure où son analyse des données l’a conduite à conclure à titre provisoire que l’industrie sidérurgique de l’Union se trouvait menacée d’un préjudice grave en ce qui concernait 23 des 26 catégories de produits pour lesquelles un accroissement des importations a été établi à l’issue de l’enquête, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/1013, du 17 juillet 2018, instituant des mesures de sauvegarde provisoires concernant les importations de certains produits sidérurgiques (JO 2018, L 181, p. 39, ci-après le « règlement provisoire »).

7        Le 31 janvier 2019, estimant que l’industrie sidérurgique de l’Union se trouvait menacée d’un préjudice grave concernant 26 catégories de produits sidérurgiques, la Commission a adopté le règlement attaqué, mettant en place des mesures de sauvegarde définitives pour une période de trois ans sous la forme de contingents tarifaires spécifiques par catégorie dont le plafond quantitatif a été fixé au volume moyen des importations des pays concernés pendant la période 2015-2017, majoré de 5 % pour garantir que les flux commerciaux habituels seront maintenus et que l’industrie utilisatrice et importatrice existante dans l’Union recevra un soutien suffisant.

8        Contrairement à la situation qui prévalait dans le cadre des mesures de sauvegarde provisoires, le règlement attaqué a établi des contingents spécifiques par pays pour les pays ayant un intérêt significatif en tant que fournisseurs (c’est-à-dire les pays avec une part de plus de 5 % des importations pour la catégorie de produits en cause). Un contingent tarifaire « résiduel » a également été établi pour les autres pays exportateurs vers le territoire de l’Union. La Commission a aussi estimé que, lorsqu’un pays fournisseur aurait épuisé son contingent tarifaire spécifique, il devrait être autorisé à avoir accès au contingent tarifaire résiduel pour assurer le maintien des flux commerciaux habituels, mais aussi pour éviter que, le cas échéant, certaines parties du contingent tarifaire résiduel demeurent inutilisées.

9        Ainsi, les pays exportateurs ayant un intérêt significatif en tant que fournisseurs – tels que la Moldavie en ce qui concerne les catégories de produits no 13 et no 16 – ont, en principe, la possibilité d’opérer dans le cadre de deux systèmes distincts. Dans un premier temps, ils peuvent continuer leurs échanges en dessous du volume quantitatif spécifique par pays, défini par rapport à leurs propres flux commerciaux habituels entre 2015 et 2017, majorés de 5 %, et, dans un second temps, une fois atteint ce plafond quantitatif spécifique par pays, ils peuvent continuer à exporter vers l’Union à condition de ne pas dépasser le plafond du contingent résiduel erga omnes. Ce n’est que si les deux plafonds sont atteints que le droit hors contingent de 25 % commence à s’appliquer à de telles importations.

10      Selon la Commission, d’une part, les mesures prises en l’espèce visent à permettre aux flux commerciaux habituels d’échapper à une protection supplémentaire pour que l’offre et la concurrence soient suffisantes sur le marché de l’Union et, d’autre part, les niveaux des contingents tarifaires sont fixés de manière à empêcher tout détournement des flux commerciaux, dans le cadre des mesures adoptées au titre de la section 232, qui pourrait avoir une incidence négative sur l’industrie de l’Union. Ainsi, le droit hors contingent ne s’appliquerait en principe que si un détournement des flux commerciaux dû aux mesures adoptées par les États-Unis d’Amérique provoquait le passage d’une situation de menace de préjudice grave à une situation de préjudice grave. À cet égard, la Commission estime que les contingents tarifaires spécifiques aux pays indiqués à l’annexe IV.1 du règlement attaqué ont été établis de manière à réduire au minimum l’incidence des mesures de sauvegarde sur les flux commerciaux normaux en provenance, notamment, de Moldavie.

11      De l’entrée en vigueur du règlement attaqué le 2 février 2019 jusqu’au 30 juin 2021, les mesures devaient être régulièrement réexaminées et libéralisées progressivement, à intervalles réguliers, afin d’augmenter peu à peu les seuils quantitatifs pour permettre à l’industrie de l’Union de s’adapter.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler le règlement attaqué, dans la mesure où il s’applique à elle ;

–        condamner la Commission aux dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

14      Par acte séparé, la Commission a contesté le caractère recevable du recours du fait que la requérante ne remplit ni les conditions relatives à l’intérêt à agir ni celles relatives à la qualité pour agir.

 Sur le dépôt hors délai de l’exception d’irrecevabilité par la Commission

15      À titre liminaire, la requérante estime que l’exception d’irrecevabilité doit être rejetée dans la mesure où elle a été déposée après l’expiration du délai prévu à l’article 81 du règlement de procédure.

16      La requérante considère que, afin de respecter le délai applicable pour le dépôt d’une exception d’irrecevabilité, la Commission aurait dû introduire sa demande le 25 juin 2019 au plus tard. Or, elle relève que l’exception d’irrecevabilité a été déposée le 26 juin 2019.

17      L’argument de la requérante doit être rejeté en ce qu’il repose sur une compréhension erronée des règles régissant le calcul des délais applicables à la présente procédure.

18      En effet, conformément à l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande visant à ce que le Tribunal statue sur l’irrecevabilité d’un recours doit être introduite dans le délai prévu à l’article 81 du même règlement, à savoir dans les deux mois qui suivent la signification de la requête.

19      En outre, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, un délai exprimé en mois prend fin à l’expiration du jour qui, dans le dernier mois, porte le même chiffre que le jour au cours duquel a été effectué l’acte à partir duquel le délai est à compter. Par ailleurs, il découle de l’article 60 du même règlement que les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours.

20      En l’espèce, la signification de la requête a été reçue par la Commission le 16 avril 2019, comme cela ressort du dossier. Ainsi, en vertu de l’article 58, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, le délai de deux mois visé à l’article 81 du même règlement courait jusqu’au 16 juin 2019. Ce délai, augmenté des dix jours du délai de distance en vertu de l’article 60 du règlement de procédure, expirait le 26 juin 2019.

21      Partant, l’exception d’irrecevabilité de la Commission, déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2019, n’est pas tardive.

 Sur l’intérêt à agir

22      Premièrement, la Commission conteste l’existence d’un intérêt à agir de la requérante au motif que cette dernière n’exerce pas ses activités dans le cadre du champ d’application du règlement attaqué.

23      La Commission affirme que le règlement attaqué ne produit aucun effet contraignant en Moldavie pour les opérations ou les activités quotidiennes de la requérante. En effet, elle estime que, la requérante n’étant qu’une productrice établie hors du territoire de l’Union, ses activités ne sont pas couvertes par le règlement attaqué dont le champ d’application est limité au territoire de l’union douanière.

24      La requérante conteste les arguments de la Commission.

25      À cet égard, pour rejeter cet argument, il suffit de relever que, lors de l’audience, la Commission a reconnu qu’il ressortait des documents fournis pendant la phase écrite de la procédure que les activités de la requérante incluaient celles d’exportatrice de certaines catégories du produits concerné vers l’Union.

26      Deuxièmement, la Commission estime que, si la requérante obtenait gain de cause, elle ne saurait en tirer un bénéfice personnel, dans la mesure où l’annulation du règlement attaqué ne saurait conduire à l’élimination du préjudice qu’elle invoque. À cet égard, la Commission conteste l’existence d’un intérêt né et actuel à l’égard de la requérante, dans la mesure où le règlement attaqué n’empêche pas l’exportation du produit concerné de la Moldavie vers l’Union.

27      Au soutien de son argumentation, tout d’abord, d’une part, la Commission rappelle le fait que ce n’est que lorsque le contingent tarifaire par pays et le contingent résiduel sont tous deux épuisés que le droit hors contingent de 25 % s’applique. D’autre part, elle précise que, au moment de l’introduction du recours, la composante quantitative des contingents instaurés par le règlement attaqué pour les catégories de produits no 13 et no 16, dans la mesure où elle concernait la Moldavie, n’était pas épuisée. Par conséquent, la requérante ne pourrait retirer aucun bénéfice de l’annulation du règlement attaqué, puisque celui-ci n’aurait pas encore produit d’effets juridiques à son égard.

28      Ensuite, la Commission ajoute que le fait, pour la requérante, de faire valoir, aux fins de la démonstration d’un intérêt à agir, la simple possibilité de l’imposition d’un droit hors contingent constitue un argument spéculatif. À cet égard, la Commission souligne que, du fait des réexamens des limites quantitatives prévus dans le règlement attaqué, la certitude qu’une telle possibilité se réalise fait même défaut, alors que c’est une condition requise par la jurisprudence si l’intérêt dont se prévaut une partie requérante concerne une situation juridique future.

29      Enfin, la Commission estime que la jurisprudence pertinente conduit à conclure qu’une conséquence juridique personnelle découlant du règlement attaqué ne peut être constatée que pour les entités qui font l’objet des mesures d’exécution mettant en œuvre le règlement attaqué, à savoir un importateur du produit en cause établi dans l’Union auquel est présentée la facture douanière faisant application du droit hors contingent de 25 % par les autorités d’un État membre. Dès lors, ce ne serait pas la requérante qui aurait à acquitter le droit hors contingent lors de l’importation dans l’Union du produit concerné.

30      Par conséquent, la Commission conclut que, si la requérante obtenait gain de cause, cela ne saurait se traduire par un avantage consistant en l’élimination des conséquences juridiques du règlement attaqué qui découleraient de l’épuisement de la limite quantitative fixée par cet acte.

31      La requérante conteste les arguments de la Commission.

32      Selon une jurisprudence constante, l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice. Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est ainsi recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. L’intérêt à agir d’une partie requérante suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte (voir arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T-499/12, EU:T:2015:840, point 24 et jurisprudence citée).

33      Or, il ressort du mécanisme mis en place par le règlement attaqué que le régime juridique applicable à l’activité d’exportation vers l’Union des produits de la requérante est moins favorable que celui qui s’appliquait à elle avant l’adoption de ce règlement.

34      Ainsi, au regard de ce qui précède et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la valeur probante des chiffres avancés par les parties au litige quant à l’épuisement des contingents, il y a lieu de reconnaître que l’annulation partielle du règlement attaqué par une décision favorable à la requérante serait susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et serait apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la requérante qui, partant, dispose d’un intérêt à agir.

 Sur la qualité pour agir

35      Selon une jurisprudence constante, l’article 263, quatrième alinéa, TFUE prévoit deux cas de figure dans lesquels la qualité pour agir est reconnue à une personne physique ou morale pour former un recours contre un acte dont elle n’est pas le destinataire. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui‑ci la concerne directement (voir arrêt du 16 mai 2019, Pebagua/Commission, C‑204/18 P, non publié, EU:C:2019:425, point 26 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 juillet 2019, Air France/Commission, T‑894/16, EU:T:2019:508, point 24).

36      En l’espèce, la requérante estime, en substance, qu’elle est directement et individuellement concernée par le règlement attaqué, dans la mesure où, étant la seule et unique productrice-exportatrice moldave du produit concerné, elle fait naturellement partie du groupe restreint des négociants qui étaient identifiés ou identifiables au moment où le règlement attaqué a été adopté.

37      La Commission considère que la requérante n’est concernée ni directement ni individuellement par le règlement attaqué et qu’il convient, par conséquent, de conclure qu’elle ne saurait former un recours tendant à l’annulation de ce règlement sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

–       Affectation directe

38      La condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la mesure faisant l’objet du recours requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, d’une part, produise directement des effets sur la situation juridique de cette personne et, d’autre part, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires chargés de la mettre en œuvre, cette mise en œuvre ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union sans application d’autres règles intermédiaires (voir arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C‑461/18 P, EU:C:2020:979, point 58 et jurisprudence citée).

39      La Commission soutient que, dans le cas présent, la situation de la requérante ne satisfait pas aux conditions relatives à l’affectation directe.

40      En premier lieu, pour démontrer l’absence d’effet du règlement attaqué sur la situation juridique de la requérante, la Commission s’appuie sur quatre arguments : premièrement, à moins et jusqu’à ce que la composante contingentaire du règlement attaqué soit épuisée et que le droit hors contingent soit imposé, aucun effet juridique ne pourrait découler de ce règlement. Deuxièmement, même si un tel effet juridique découlait de la simple existence de ce règlement, la requérante ne serait pas affectée juridiquement, parce que cet acte ne produirait aucun effet juridique en Moldavie, mais en produirait uniquement dans l’Union. Troisièmement, les effets juridiques découlant du règlement attaqué pourraient uniquement résulter d’une mise en œuvre de ce règlement par les autorités douanières des États membres et ne se produiraient donc qu’au niveau de l’importateur informé du niveau de la dette douanière. Quatrièmement et en tout état de cause, la requérante n’aurait pas exporté effectivement les catégories de produits concernées pendant l’enquête, mais aurait simplement agi en tant que productrice de ces produits, ce qui exclurait toute affectation juridique directe.

41      En second lieu, pour démontrer l’existence de mesures d’exécution, la Commission affirme, d’une part, qu’il est dépourvu de pertinence de savoir si lesdites mesures ont ou non un caractère mécanique et, d’autre part, que, dans le domaine de l’application de la politique commerciale commune, l’existence de mesures d’exécution revêt une importance particulière, puisque ces mesures sont les seules à matérialiser les effets du règlement attaqué. Elle ajoute que la personne physique ou morale peut, dès lors, contester la mesure devant les juridictions nationales.

42      La requérante conteste les arguments de la Commission.

43      Tout d’abord, tout argument de la Commission relatif à l’absence d’affectation directe du fait de la nature exclusive de productrice de la requérante doit être écarté, conformément aux considérations exposées au point 25 ci‑dessus.

44      Ensuite, le règlement attaqué génère des effets directs sur la situation juridique de la requérante. Il détermine, en effet, le cadre juridique et les conditions dans lesquelles la requérante a la faculté d’exporter vers l’Union, en termes de volume comme de prix, ses produits étant désormais soumis à un système de contingentement et non plus à une mise en libre circulation dans l’Union, lequel n’impose ni attribution de quantités, ni autorisation de la part de la Commission. Dans un tel système de contingentement, la faculté pour la requérante d’utiliser le contingent à droit nul dépend de l’attribution par la Commission de quantités sur ce contingent à ses produits.

45      Enfin, il doit être rappelé, d’une part, que l’exigence d’un acte ne comportant pas de mesures d’exécution ne doit pas être confondue avec la condition tenant à l’affectation directe (voir, en ce sens, ordonnance du 4 décembre 2013, Forgital Italy/Conseil, T‑438/10, non publiée, EU:T:2013:648, point 54) et, d’autre part, que, dans le cadre de l’analyse de l’affectation directe, la simple existence de mesures d’exécution ne suffit pas à exclure cette affectation, le critère juridique pertinent étant celui de l’inexistence de tout pouvoir d’appréciation laissé aux destinataires de l’acte en cause, qui sont chargés de sa mise en œuvre (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, point 40).

46      En l’espèce, le règlement attaqué ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux autorités compétentes de l’État membre dans le cadre de la mise en œuvre des mesures de sauvegarde [voir, par analogie, arrêts du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a., C‑461/18 P, EU:C:2020:979, point 59, et du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 28 (non publié)], les autorités compétentes étant tenues d’appliquer un droit additionnel au taux de 25 % une fois les contingents tarifaires épuisés [voir articles 49 à 54 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 558), ainsi que les articles 1er et 3 du règlement attaqué].

47      Par conséquent, il y a lieu de conclure que la requérante est directement concernée par le règlement attaqué.

–       Affectation individuelle

48      Les conditions de l’affectation directe et de l’affectation individuelle étant cumulatives (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 76), la requérante doit également être considérée comme étant individuellement concernée par le règlement attaqué pour que son recours soit recevable.

49      La Commission soutient que la situation de la requérante ne satisfait pas aux conditions relatives à l’affectation individuelle.

50      Premièrement, la Commission souligne, d’une part, que le règlement attaqué est un acte de portée générale qui exige que des mesures d’exécution (prises par les autorités douanières des États membres) prennent effet et qui concerne un nombre quasi infini de personnes (erga omnes) et, d’autre part, que le règlement attaqué concerne de manière identique toute personne de Moldavie et toute personne de l’Union souhaitant exporter ou importer le produit concerné depuis ou par la Moldavie. En conséquence, la Commission estime que l’application du règlement attaqué s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée ne comportant pas de caractéristiques permettant une quelconque individualisation.

51      Deuxièmement, la Commission affirme que le règlement attaqué n’est pas de nature hybride, en ce sens qu’il contiendrait des décisions individuelles personnalisant la requérante et créant ainsi une « classe ». La Commission relève que, si cette nature a été reconnue dans le cas des règlements antidumping et antisubventions, cette reconnaissance est fondée sur des caractéristiques particulières de ces règlements (à savoir l’établissement individuel et personnel du taux du droit antidumping ou compensateur pour chaque négociant ou producteur-exportateur sur la base de ses seules données individuelles), qui ne se retrouvent pas dans les règlements imposant des mesures de sauvegarde, dont la finalité est de protéger le marché de l’acier de l’Union contre une augmentation soudaine des importations.

52      Troisièmement, la Commission estime que le règlement attaqué ne « choisit » en aucun cas une classe, et qu’une telle classe n’est pas non plus « choisie » par les autorités douanières des États membres qui mettent en œuvre ledit règlement. Elle précise que le fait que certaines catégories de produits en acier originaires d’un certain nombre de pays soient visées dans le règlement attaqué ne constitue rien de plus que l’établissement, de manière objectivement définie, des conditions législatives aux fins de l’importation de ces produits dans l’Union. Dès lors, la question de savoir si ce règlement détermine ou non, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des opérateurs économiques auxquels s’applique la mesure ne modifierait pas la forme de cette dernière, qui demeurerait un acte de portée générale et n’individualiserait en aucun cas cette « classe ». En effet, toute personne prête et apte à exporter le produit concerné depuis la Moldavie pourrait à tout moment rejoindre la « classe » des exportateurs et des négociants des catégories de produits no 13 et no 16 et pourrait également le faire du côté des importateurs de l’Union.

53      La Commission considère que cette appréciation est confirmée par le fait qu’il est impossible d’annuler partiellement cet acte en ce qui concerne une personne ou une catégorie individualisée de personnes, dans la mesure où la mesure de sauvegarde est applicable sur la base des importations en provenance de tous les pays, et non de certaines entreprises ou de pays spécifiques.

54      Quatrièmement, selon la Commission, même s’il existait une sorte de « classe » propre à la Moldavie, rien n’indique que la requérante représente les intérêts de l’ensemble de ladite « classe ». Dans ce contexte, la Commission conteste non seulement le fait que la requérante soit productrice‑exportatrice, mais également le fait que, comme l’affirme cette dernière, toutes les références aux importations en provenance de Moldavie dans le règlement attaqué seraient de facto des références à celle-ci.

55      Cinquièmement, la Commission estime qu’est applicable aux enquêtes de sauvegarde la jurisprudence selon laquelle la simple participation à une procédure menée par les institutions de l’Union ne signifie pas que la personne participante est concernée par l’acte établi une fois la procédure terminée. Par conséquent, la participation, même « active », de la requérante à l’enquête n’entraînerait pas son individualisation par le règlement attaqué. L’individualisation de l’opérateur économique intéressé ne se produirait donc que lors de l’adoption de la mesure nationale d’exécution par les autorités douanières des États membres, permettant alors à celui-ci de contester la mesure concernée devant les juridictions desdits États membres.

56      La requérante conteste les arguments de la Commission.

57      Il est de jurisprudence constante que l’article 263, quatrième alinéa, TFUE n’autorise les personnes physiques et morales à former un recours contre un acte de portée générale, tel qu’un règlement, que lorsque, en plus de concerner directement ces personnes, il les affecte également en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire d’une décision (arrêts du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, point 36, et du 10 avril 2003, Commission/Nederlandse Antillen, C‑142/00 P, EU:C:2003:217, point 65). En d’autres termes, les violations alléguées par la requérante doivent être de nature à l’individualiser de manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l’acte (voir, en ce sens, ordonnance du 8 mai 2019, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, T‑330/18, non publiée, EU:T:2019:324, point 48 et jurisprudence citée).

58      En premier lieu, il convient de rejeter les objections de la Commission fondées sur la nature d’un règlement instaurant des mesures de sauvegarde.

59      En effet, tout d’abord, la circonstance que le règlement attaqué a, par nature, un effet erga omnes n’exclut pas la possibilité pour un tel acte de comporter des mesures s’appliquant individuellement à certains opérateurs économiques (voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2003, VVG International e.a./Commission, T‑155/02, EU:T:2003:125, points 40 à 42). Dès lors, bien que l’application du règlement attaqué s’effectue en vertu d’une situation objectivement déterminée, la requérante peut, néanmoins, faire valoir des éléments de nature à l’individualiser de manière analogue à celle dont le serait le destinataire de l’acte.

60      Ensuite, le fait que, s’agissant d’un règlement instaurant des mesures de sauvegarde, l’élément ayant permis de reconnaître la nature hybride des règlements antidumping et antisubventions, à savoir l’utilisation des données chiffrées d’opérateurs, qui se trouvent alors individualisés, fait défaut ne permet pas d’écarter l’existence de qualités particulières propres à la requérante ou d’une situation de fait la caractérisant par rapport à toute autre personne et l’individualisant d’une manière analogue à celle dont le serait un destinataire.

61      À cet égard, il y a lieu de rejeter l’argument de la Commission selon lequel la participation à une enquête ne signifie pas que l’entreprise participante soit concernée individuellement par l’acte. En effet, si la simple participation n’est pas suffisante en soi, elle n’est cependant pas dénuée de pertinence dans le cadre de l’appréciation de l’affectation individuelle (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T‑161/94, EU:T:1996:101, points 47 et 48). Or, en l’espèce et comme le reconnaît la Commission, la requérante était la seule productrice de Moldavie à coopérer dans le cadre de l’enquête ayant abouti à l’institution des mesures en cause.

62      Enfin, en ce qui concerne les considérations de la Commission relatives à l’existence de mesures d’exécution (voir point 55 in fine  ci‑dessus), il y a lieu d’observer que l’affectation individuelle d’une partie requérante s’apprécie au regard des critères définis par la jurisprudence citée au point 57 ci‑dessus et que celle‑ci ne fait pas référence à l’existence de mesures d’exécution. Par conséquent, lesdites considérations sont inopérantes.

63      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’analyse des données chiffrées, par la Commission, qui la conduit à considérer que la requérante n’est pas la seule exportatrice du produit concerné en Moldavie, d’une part, il convient de relever que, sans avoir été contredite spécifiquement sur ce point, la requérante souligne le caractère marginal des importations provenant de Moldavie relevant d’autres catégories de produits sidérurgiques que les catégories no 13 et no 16. Dès lors, si le fait d’être la productrice-exportatrice la plus importante des produits soumis aux mesures de sauvegarde n’est pas, à lui seul, de nature à individualiser la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2002, Rica Foods/Commission, T‑47/00, EU:T:2002:7, point 39), il n’est pas dénué de pertinence, dans la mesure où il fait partie d’un ensemble d’éléments constitutifs d’une situation particulière qui caractérise la requérante, au regard de la mesure en cause, par rapport à tout autre opérateur économique (voir, par analogie, arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 17).

64      D’autre part, en ce qui concerne l’analyse des données chiffrées qui la conduit à considérer que la requérante n’est pas la seule exportatrice des catégories de produits no 13 et no 16 en Moldavie, la Commission a été invitée à se prononcer, lors de l’audience, tant sur les documents fournis par la requérante lors de la phase écrite de la procédure et tendant à prouver le contraire que sur les explications relatives aux supposées incohérences qu’elle avait relevées. Or, si la Commission a pu exprimer des réserves quant à la véracité de ces informations, elle a cependant admis ne pas les avoir vérifiées plus avant. Il convient d’en conclure que la Commission n’a pas apporté de preuve allant à l’encontre des éléments avancés par la requérante à cet égard.

65      En troisième lieu, au regard des considérations, exposées au point 64 ci‑dessus, relatives à la situation de la requérante, il y a lieu d’écarter l’allégation de la Commission concernant l’impossibilité d’annuler partiellement le règlement attaqué, dans la mesure où une telle annulation partielle serait possible dès lors qu’elle concernerait les contingents spécifiquement établis pour les catégories de produits no 13 et no 16 provenant de Moldavie.

66      En quatrième lieu, en ce qui concerne l’objection de la Commission quant à l’existence d’une classe fermée du fait que tout importateur actuel ou potentiel, établi sur le territoire de l’Union, de produits provenant de Moldavie et relevant des catégories visées par les mesures de sauvegarde serait également concerné par l’acte attaqué, il convient d’identifier le faisceau d’éléments qui pourrait venir caractériser une individualisation de la requérante au sens de la jurisprudence pertinente (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1991:214, point 17).

67      Dans ce contexte, il y a lieu de relever, premièrement, que le règlement attaqué prévoit un contingent spécifique pour chacune des deux catégories de produits relevant de l’activité économique de la requérante, deuxièmement, que le règlement attaqué établit ces contingents par pays et, plus particulièrement, en attribue spécifiquement à la Moldavie (voir annexe IV du règlement attaqué), troisièmement, que, sans avoir été valablement contredite par la Commission, la requérante a apporté des preuves documentaires et des données chiffrées (accompagnées de justifications relatives aux objections portant sur la fiabilité et la cohérence de ces informations) tendant à démontrer qu’elle est l’unique productrice‑exportatrice de produits relevant des catégories no 13 et no 16 en Moldavie, quatrièmement, que la requérante a participé activement à l’enquête de sauvegarde et, cinquièmement, que les données utilisées par le règlement attaqué concernant la Moldavie, bien que provenant d’Eurostat, se confondent avec les données de la requérante dans la mesure où son statut d’unique productrice‑exportatrice de produits relevant des catégories no 13 et no 16 dans ce pays n’a pas été valablement réfuté.

68      Au regard de ce qui précède, la requérante peut être considérée comme, premièrement, faisant partie d’un cercle fermé, deuxièmement, identifiable dans le règlement attaqué, troisièmement, ayant participé à l’enquête en préparation de l’instauration des mesures de sauvegarde et, quatrièmement, étant l’unique opérateur dont les données commerciales ont été utilisées pour fixer les contingents tarifaires concernant la Moldavie.

69      Dès lors, il ressort des éléments du dossier, tels qu’ils ont été discutés à l’audience, qu’il existe un ensemble d’éléments factuels et juridiques constitutifs d’une situation particulière qui caractérise la requérante, au regard du règlement attaqué, par rapport à tout autre opérateur économique et, partant, qui démontre une affectation individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

70      Par conséquent, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments avancés par la requérante dans ce cadre, il y a lieu de conclure que celle-ci est individuellement concernée par le règlement attaqué.

71      Partant, le recours doit être déclaré recevable.

 Sur le fond

72      La requérante soulève huit moyens au soutien de son recours.

73      À titre liminaire, elle fait valoir que la légalité des décisions prises par la Commission concernant le respect des conditions d’imposition de mesures de sauvegarde en vertu de l’article 16 du règlement (UE) 2015/478 du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 2015, relatif au régime commun applicable aux importations (JO 2015, L 83, p. 16, ci‑après le « règlement de base sur les sauvegardes ») doit être contrôlée à la lumière de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994 et de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les sauvegardes ainsi que de la jurisprudence de l’OMC s’y rapportant ou, à tout le moins et à titre subsidiaire, que ces accords et cette jurisprudence peuvent constituer des outils d’interprétation utiles pour définir les conditions et les exigences à remplir pour justifier l’imposition de mesures de sauvegarde.

 Observations liminaires sur l’étendue du contrôle juridictionnel

74      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (voir, en ce sens, arrêts du 19 juillet 2012, Conseil/Zhejiang Xinan Chemical Industrial Group, C‑337/09 P, EU:C:2012:471, point 106 et jurisprudence citée, et du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 47 et jurisprudence citée).

75      Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur les appréciations de ces institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2017, Changshu City Standard Parts Factory et Ningbo Jinding Fastener/Conseil, C‑376/15 P et C‑377/15 P, EU:C:2017:269, point 47).

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination

76      Par son premier moyen, la requérante relève que la République d’Islande, la Principauté de Lichtenstein et le Royaume de Norvège, en tant qu’États membres de l’Espace Économique Européen (EEE) (ci‑après les « États membres de l’EEE visés »), ont été exclus de l’application du règlement attaqué. Or, elle estime, en substance, que la République de Moldavie se trouve dans une situation comparable en ce qui concerne les raisons avancées pour justifier cette exclusion. Par conséquent, la République de Moldavie aurait dû se voir appliquer le même traitement.

77      Premièrement, tout comme l’accord EEE, l’accord d’association entre l’Union et la Communauté européenne de l’énergie atomique et leurs États membres, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part (JO 2014, L 260, p. 4), aurait instauré une étroite intégration économique entre l’Union et la Moldavie, notamment en ce qui concerne les échanges de biens, parmi lesquels figure le produit concerné par le règlement attaqué.

78      Deuxièmement, aucune expansion ou fragmentation de l’industrie moldave ne serait susceptible d’avoir un impact réel sur le volume d’importation dans l’Union, dans la mesure où la requérante serait la seule productrice‑exportatrice du produit concerné en Moldavie.

79      Troisièmement, la part de la Moldavie dans les importations totales au sein de l’Union serait inférieure à celle des États membres de l’EEE visés.

80      Par conséquent, les États membres de l’EEE visés et la Moldavie se trouveraient dans une situation comparable en ce qui concerne l’étroite intégration économique avec le marché de l’Union, les chiffres globaux des importations et le faible risque de détournement des flux commerciaux. Or, ils auraient été traités différemment sans aucune justification objective.

81      À cet égard, la requérante ajoute, d’une part, que, au regard de l’article 2, paragraphe 2, de l’accord de l’OMC sur les sauvegardes, l’article 15, paragraphe 5, du règlement de base sur les sauvegardes doit être interprété comme exigeant l’application du principe de non‑discrimination dans le cadre des enquêtes de sauvegarde. D’autre part, elle souligne qu’il n’existe aucun élément de preuve permettant de conclure que les marchés sidérurgiques des États membres de l’EEE visés seraient plus étroitement intégrés au marché de l’Union que ne l’est le marché moldave.

82      La Commission conteste les arguments de la requérante.

83      À titre liminaire, il convient de relever que le premier moyen de la requérante repose sur la prémisse selon laquelle il existe un principe imposant à la Commission de traiter de manière égale différents pays tiers au regard de l’application des mesures de sauvegarde. Elle estime qu’un tel principe ressort de l’article 15, paragraphe 5, du règlement de base sur les sauvegardes, lu à la lumière de l’article 2, paragraphe 2, de l’accord de l’OMC sur les sauvegardes, cette dernière disposition traduisant le principe de la nation la plus favorisée consacré par l’article 1er, paragraphe 1, du GATT de 1994. Ainsi, selon la requérante, la mise en œuvre de mesures de sauvegarde doit se faire dans le respect du principe de non‑discrimination.

84      Or, compte tenu de la réponse apportée par la requérante à une question posée à l’audience visant à préciser la teneur du premier moyen, il est ressorti que, pour rejeter ce moyen, il n’est pas nécessaire, en fait, de se prononcer sur la violation de la clause de la nation la plus favorisée, telle qu’elle est alléguée par la requérante. En revanche, il convient d’examiner si, en appliquant à la Moldavie un traitement différent de celui appliqué aux États membres de l’EEE visés, la Commission a violé le principe de non‑discrimination en tant que principe fondamental du droit de l’Union.

85      À cet égard, il ressort des écritures que les parties ne se placent pas sur le même plan quant à l’appréciation de la comparabilité des situations.

86      En effet, l’analyse à laquelle se livre la requérante consiste à examiner la situation de la Moldavie au regard de critères mentionnés dans le règlement provisoire pour exclure les États membres de l’EEE visés du champ d’application de ces mesures. Ainsi, elle conclut que les États membres de l’EEE visés et la Moldavie se trouvent dans une situation comparable en ce qui concerne l’étroite intégration avec le marché de l’Union, les chiffres globaux relatifs aux importations et le faible risque de détournement des flux commerciaux.

87      Cependant, en effectuant une comparaison limitée à ces critères, la requérante omet de prendre en compte que l’approche de la Commission dans le règlement provisoire repose avant tout sur la prémisse selon laquelle il est question des États membres de l’EEE visés. En effet, au considérant 80 du règlement provisoire, il est expressément indiqué que, « [à] la suite de l’accord EEE […], l’Union a établi une intégration économique étroite avec les marchés des pays de l’EEE ». Ce sont bien « les marchés » dont il est question, sans que cela soit limité au seul marché sidérurgique. Ainsi, il est erroné d’interpréter le raisonnement de la Commission sous‑tendant l’exclusion des États membres de l’EEE visés en ignorant le contexte découlant de l’accord dont il est question. Faisant référence au considérant 80 du règlement provisoire, le règlement attaqué confirme cette interprétation en rappelant, à son considérant 193, que, notamment, l’étroite intégration des marchés des États membres de l’EEE justifie cette exclusion.

88      Cette appréciation est, en outre, confirmée au regard de l’approche appliquée au considérant 193 in fine  du règlement attaqué concernant l’Afrique du Sud, le Botswana, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, l’Eswatini, les Fidji, le Ghana, le Lesotho, le Mozambique et la Namibie. Ces pays sont également exclus du champ d’application du règlement attaqué « afin d’assurer le respect d’obligations bilatérales ». Cependant, tout État tiers ayant contracté des « obligations » bilatérales avec l’Union n’est pas, de ce seul fait, exclu du champ d’application dudit règlement.

89      Ainsi, dans la mesure où la comparabilité des situations doit prendre en compte le contexte des relations qui unit l’Union et l’État tiers concerné, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir estimé que la situation de la Moldavie n’était pas comparable à celle des États membres de l’EEE visés.

90      En effet, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être décelée dans le fait d’avoir conclu que l’accord EEE, lequel démontre l’existence d’une relation ancienne ayant donné lieu à une intégration continue et profonde des marchés et vise la réalisation, de la façon la plus complète possible, de la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux, de manière à étendre le marché intérieur réalisé sur le territoire de l’Union aux États membres de l’EEE visés (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, point 125 et jurisprudence citée), et l’accord d’association entre l’Union et la Communauté européenne de l’énergie atomique et ses États membres, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part, par lequel a été créée une zone de libre‑échange approfondi et complet, mais qui n’est entré en vigueur qu’en juillet 2016, diffèrent par leur portée, par leurs objectifs et par leurs mécanismes institutionnels.

91      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes

92      Par son deuxième moyen, la requérante soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes en n’ayant pas exclu les importations originaires de Moldavie (en tant que pays en développement) du champ d’application des mesures de sauvegarde.

93      La requérante estime que, alors que la Commission a défini le produit concerné visé par l’évaluation comme étant composé des 26 catégories de produits considérées toutes ensemble, l’analyse des seuils déclenchant l’exclusion des pays en développement a été faite pour chacune des catégories de produits séparément, contrairement à ce qu’impose l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes. En effet, cette disposition ne conférerait aucun pouvoir discrétionnaire à la Commission et ne lui permettrait donc pas de choisir l’ensemble de données qui lui convient en fonction de ses intérêts. À cet égard, la requérante souligne que, contrairement aux allégations de la Commission, cette dernière n’a jamais effectué une réelle analyse par catégorie de produits, dans la mesure où elle s’est contentée de faire une telle analyse à titre indicatif et non dans le cadre d’un examen motivé et adéquat des tendances des importations et du préjudice pour chacune des 26 catégories de produits.

94      La requérante ajoute que son interprétation de l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes concorde avec l’obligation de respecter un parallélisme entre le champ d’application d’une enquête de sauvegarde et celui d’une mesure de sauvegarde, comme l’a établi l’organe d’appel de l’OMC. Or, dans la présente affaire, elle relève que, l’enquête ayant porté sur les 26 catégories de produits prises dans leur ensemble, le champ d’application des mesures de sauvegarde devrait couvrir les 26 catégories de produits prises dans leur ensemble. La non‑application desdites mesures aux pays en développement étant un élément constitutif du champ d’application des mesures de sauvegarde, cette exclusion devrait également être fondée sur le champ d’application de l’enquête, à savoir les 26 catégories de produits prises dans leur ensemble.

95      La requérante conclut qu’une application non entachée d’illégalité de l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes aurait conduit à exclure la République de Moldavie du champ d’application des mesures de sauvegarde définitives instituées par le règlement attaqué pour toutes les catégories de produits.

96      La Commission conteste les arguments de la requérante.

97      À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort de l’économie générale du chapitre V du règlement de base sur les sauvegardes que les mesures de sauvegarde doivent faire l’objet d’une application proportionnée et exceptionnelle.

98      L’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes porte sur l’application de ces mesures. En effet, il dispose ce qui suit :

« Aucune mesure de sauvegarde ne peut être appliquée à un produit originaire d’un pays en développement membre de l’OMC tant que la part de ce pays dans les importations de l’Union du produit concerné ne dépasse pas 3 %, à condition que les pays en développement membres de l’OMC dont la part dans les importations est inférieure à 3 % ne contribuent pas collectivement pour plus de 9 % aux importations totales dans l’Union du produit concerné ».

99      En l’espèce, si, dans le cadre de l’examen des exigences de fond permettant d’imposer des mesures de sauvegarde, la Commission a défini le « produit concerné » comme étant composé des 26 catégories de produits considérées toutes ensemble, elle a procédé à une analyse plus détaillée dans le cadre de l’application desdites mesures.

100    Ainsi, conformément à l’exigence rappelée au point 97 ci‑dessus, la Commission a examiné les mesures les plus appropriées, en application de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes, la conduisant à analyser chaque catégorie de produits pour pouvoir déterminer les contingents tarifaires (voir, à cet égard, annexe III.2 du règlement attaqué, lue en combinaison avec le considérant 191 du même règlement). Dans ce contexte, comme cela est indiqué aux considérants 190 et 191 du règlement attaqué, elle a pris en compte le critère des 3 % visé à l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes. De cette façon, elle a évité de soumettre les importations originaires de pays en développement membres de l’OMC aux mesures de sauvegarde pour toutes les catégories de produits alors que, en réalité, lesdites importations ne concernaient qu’un petit nombre de catégories. Une telle approche permet ainsi d’obtenir un résultat proportionné aux objectifs poursuivis, contrairement à celui auquel aurait conduit l’interprétation de l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes prônée par la requérante.

101    Par ailleurs, à supposer qu’il y ait lieu de prendre en considération les allégations de la requérante quant à la violation, par la Commission, de l’obligation de parallélisme entre le champ d’application d’une enquête de sauvegarde et celui d’une mesure de sauvegarde, celles‑ci seraient dénuées de fondement.

102    En effet, le respect d’une telle obligation requiert que la décision d’imposer des mesures de sauvegarde soit fondée sur une correspondance parfaite avec le « produit concerné ». Or, dans le cas présent, la Commission a bien procédé de la sorte, l’examen des critères de fond ayant été effectué par rapport aux 26 catégories de produits considérées dans leur ensemble, ce que ne conteste pas la requérante.

103    Le fait d’avoir appliqué le seuil visé à l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes sur la base de chaque catégorie de produits prise séparément reflète ainsi la flexibilité reconnue dans la jurisprudence de l’OMC à l’égard de l’application de l’article 9 de l’accord de l’OMC sur les sauvegardes, telle qu’elle a été citée par la Commission dans ses écritures, et plus spécifiquement les considérations du groupe spécial de l’OMC formulées dans son rapport rendu dans l’affaire République dominicaine – Mesures de sauvegarde visant les importations de sacs en polypropylène et de tissu tubulaire (WT/DS 415, 416, 417, 418/R, 21 janvier 2012, points 7.367 à 7.391), concernant les éléments pertinents à cet égard contenus dans le rapport de l’organe d’appel de l’OMC rendu dans l’affaire États‑Unis – Mesures de sauvegarde définitives à l’importation de tubes et tuyaux de qualité carbone soudés, de section circulaire, en provenance de Corée (WT/DS 202/AB/R, 15 février 2002, point 181).

104    Par conséquent, les éléments apportés par la requérante ne permettent pas de conclure à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise par la Commission dans l’application de l’article 18 du règlement de base sur les sauvegardes en l’espèce. De ce fait, il convient de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de bonne administration et de protection de la confiance légitime, d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes

105    La requérante allègue que la Commission a commis une erreur en omettant d’examiner si les conditions pour imposer des mesures de sauvegarde étaient réunies pour chaque catégorie de produits prise séparément. Le troisième moyen de la requérante se divise en trois branches.

–       Sur la première branche du troisième moyen, relative au fait que la Commission a enfreint le principe de protection de la confiance légitime en ne procédant qu’à une seule évaluation pour les 26 catégories de produits

106    La requérante soutient que, dans l’avis d’ouverture de l’enquête de sauvegarde, la portée de l’enquête était définie par référence à « des produits », au pluriel, et que la Commission avait annoncé vouloir effectuer son analyse sur la base d’un examen individuel de chacune des catégories de produits. À cet égard, elle conteste les allégations de la Commission concernant la présence, dans ledit avis, de nombreuses indications claires et univoques quant à l’intention de traiter les catégories de produits ayant fait l’objet de l’enquête comme un groupe unique de produits. La requérante considère en conséquence que la Commission, en ayant omis de procéder de la sorte, a violé le principe de protection de la confiance légitime.

107    En outre, elle ajoute que les attentes légitimes suscitées par l’avis d’ouverture ont été entretenues et confirmées dans deux documents ultérieurs. Ainsi, elle estime que, jusqu’à l’adoption des mesures provisoires, les parties intéressées ont reçu des informations précises, inconditionnelles et concordantes selon lesquelles l’analyse serait effectuée pour chaque catégorie de produits séparément, de sorte qu’elles ont pu nourrir une confiance légitime à cet égard.

108    La Commission conteste les arguments de la requérante.

109    En premier lieu, il convient de rappeler qu’il ressort du règlement attaqué que la Commission a procédé à un examen relatif aux 26 catégories de produits prises dans leur ensemble, complété par des analyses plus détaillées au niveau de certaines catégories de produits (voir point 99 ci‑dessus).

110    En second lieu, cette approche est reflétée dans les termes utilisés au point 2 de l’avis d’ouverture de l’enquête de sauvegarde. En effet, après avoir indiqué à plusieurs reprises que son analyse se fonde sur « le total des importations des produits concernés », la Commission précise, au second paragraphe in fine de ce point 2, que « l’enquête examinera la situation des produits concernés, y compris pour chacune des catégories de produits séparément ». Or, cette formulation ne peut être comprise que comme signifiant que « la situation des produits concernés » renvoie à une analyse d’ensemble.

111    Par conséquent, les affirmations de la requérante sont erronées en fait.

112    Partant, à supposer même que le principe de protection de la confiance légitime trouve à s’appliquer dans le cadre d’un avis d’ouverture d’une enquête de sauvegarde, l’avis en cause en l’espèce n’aurait, à aucun moment, pu faire naître une telle confiance concernant l’application d’une méthode d’analyse individualisée et séparée des produits soumis à l’enquête de sauvegarde.

113    Au regard de ce qui précède, il convient de conclure que la première branche du troisième moyen n’est pas fondée.

–       Sur la deuxième branche du troisième moyen, relative au fait que la Commission a enfreint le principe de bonne administration, a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes en définissant le produit concerné comme un groupe unique pour les 26 catégories de produits

114    La requérante affirme que le fait d’avoir procédé à un examen des 26 catégories de produits dans leur ensemble, d’une part, ne peut se justifier, dans la mesure où lesdits produits n’entretiennent pas de relation entre eux et, d’autre part, conduit à fausser les constatations relatives à la hausse des importations, à la menace d’un préjudice grave et au lien de causalité, les conditions permettant d’imposer des mesures de sauvegarde n’étant pas nécessairement réunies catégorie par catégorie.

115    La Commission conteste les arguments de la requérante.

116    Premièrement, en ce qui concerne l’interrelation des produits en cause, la requérante affirme en substance que, tout d’abord, mis à part deux catégories de produits pouvant être utilisées comme matières premières, les catégories de produits sidérurgiques ne peuvent pas, pour la plupart, servir à la fabrication, ensuite, ces produits ne sont pas interchangeables sur le plan commercial et ne satisfont pas aux mêmes exigences des consommateurs et, enfin, les différentes catégories de produits sidérurgiques n’étant pas fabriquées avec les mêmes équipements, l’importance des investissements nécessaires pour faire en sorte que des importations de produits non soumises à des mesures de sauvegarde viennent remplacer des importations de produits soumises à de telles mesures rend le risque que cela se produise peu crédible. Selon la requérante, dans la mesure où, contrairement à ce que la Commission allègue, celle-ci n’a pas tenu compte de ces éléments, elle a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé le principe de bonne administration.

117    Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, au considérant 15 du règlement provisoire, la Commission a souligné que de nombreux producteurs de l’Union sont actifs dans la production de la plupart des catégories de produits, démontrant ainsi que les sidérurgistes peuvent adapter leur production à divers types de catégories de produits.

118    À cet égard, la requérante se contente de répondre que, même si les producteurs de l’Union peuvent produire plus d’une catégorie de produits, cela ne signifie pas que les chaînes de production peuvent être facilement interrompues et réorientées. À l’appui de son affirmation visant à exclure l’interrelation entre les catégories de produits, la requérante ne fournit, cependant, aucun commencement de preuve.

119    Deuxièmement, en ce qui concerne le fait que l’analyse agrégative de la Commission aurait conduit à de fausses constatations quant aux éléments à satisfaire au titre de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes, la requérante avance que cette approche, d’une part, a pour conséquence d’aplanir les fluctuations dans l’évolution des importations, dans la mesure où, même si les importations ont pu baisser pour certaines catégories de produits, cette baisse est compensée par des hausses plus élevées pour d’autres et, d’autre part, ne permet pas de confirmer que les importations du produit concerné ont réellement pour effet de causer ou de menacer de causer un préjudice grave à l’industrie de l’Union, étant donné que les importations sur un marché n’ont pas toujours les mêmes incidences que les importations sur un autre marché. À cet égard, elle conteste les allégations de la Commission selon lesquelles cet argument est fondé sur une prémisse erronée, du fait que cette dernière a également considéré les catégories de produits séparément.

120    Cependant, comme cela est relevé aux points 117 et 118 ci‑dessus, l’interrelation entre les catégories de produits ne peut être exclue. En raison de ladite interrelation, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir examiné les effets de l’accroissement des importations sur une base agrégée et de s’être prononcée sur l’existence d’une menace de préjudice grave au regard de l’ensemble des catégories de produits.

121    Par conséquent, la requérante n’a pas apporté d’éléments suffisants pour établir une erreur manifeste d’appréciation concernant cet élément de l’analyse de la Commission.

122    Au regard de ce qui précède, il convient de conclure que la deuxième branche du troisième moyen n’est pas fondée.

–       Sur la troisième branche du troisième moyen, relative au fait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes en affirmant que l’analyse globale des 26 catégories de produits considérées toutes ensemble était renforcée par une analyse séparée menée sur trois familles de produits différentes

123    La requérante considère que, contrairement aux allégations de la Commission, l’analyse des tendances des importations et du préjudice au niveau de trois familles de produits (à savoir les produits plats, les produits longs et les tubes) donne un résultat différent, qui aurait dû inciter cette dernière à examiner de manière plus approfondie pour quelles catégories de produits des mesures de sauvegarde étaient ou non justifiées.

124    Par conséquent, en affirmant que l’analyse globale menée au niveau des 26 catégories de produits était confirmée par une analyse séparée concernant trois familles de produits différentes, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation constitutive d’une violation de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes.

125    La Commission conteste les arguments de la requérante.

126    Premièrement, en ce qui concerne l’analyse relative à la hausse des importations, dans la mesure où la requérante développe son argumentation principalement dans le cadre de son quatrième moyen, il est renvoyé aux points 140 et 144 ci‑dessous.

127    Deuxièmement, en ce qui concerne l’analyse relative au préjudice de l’industrie de l’Union, la requérante présente des chiffres dont il ressort, d’une part, que, pour les produits plats et les produits longs, les parts de marché ont baissé et la rentabilité a augmenté et, d’autre part, que, pour les tubes, la part de marché est restée stable, même si la rentabilité a baissé. Ces chiffres correspondent aux considérations formulées par la Commission aux considérants 77 et 84 du règlement attaqué dans le cadre de son analyse pour chacune des trois familles de produits.

128    Or, ces évolutions apparaissent cohérentes avec celles observées dans le cadre de l’analyse globale et reprises aux considérants 68 et 72 du règlement attaqué.

129    En effet, les éléments sur lesquels repose l’argumentation de la requérante, telles que l’amélioration de la rentabilité des produits plats, ne permettent pas de remettre en question l’ensemble de l’analyse dans la mesure où il ne doit pas être perdu de vue que, au considérant 90 du règlement attaqué, la Commission a estimé que, malgré cette amélioration temporaire, l’industrie de l’Union se trouvait toujours dans une situation délicate et sous la menace d’un préjudice grave si la tendance à la hausse des importations se poursuivait, avec la baisse des prix et la chute de la rentabilité en dessous des seuils de viabilité qui en résultent.

130    Ainsi, en ce qui concerne la menace d’un préjudice grave, la sélection de données sur la base de laquelle la requérante conclut que les trois familles de produits suivent des tendances différentes ne permet pas de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la conclusion de la Commission, formulée au considérant 87 du règlement attaqué, selon laquelle il ressort de l’analyse effectuée, à la fois globalement et pour chacune des trois familles de produits, que l’industrie de l’Union se trouvait dans une situation économique difficile jusqu’en 2016, qui ne s’est que partiellement redressée en 2017.

131    Au regard de ce qui précède, il convient de conclure que la troisième branche du troisième moyen n’est pas fondée, sous réserve de l’appréciation qui sera faite du bien‑fondé de l’analyse de la requérante relative à la hausse des importations présentée dans le cadre de son quatrième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’un manquement au devoir de diligence ainsi que de la violation de l’article 9, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes

132    La requérante soutient que le règlement attaqué ne démontre pas qu’il y a eu une hausse récente, soudaine, brutale et significative des importations du produit concerné, comme l’exigent l’article 9, paragraphe 1, sous a), et l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes.

133    Premièrement, au regard de l’analyse globale effectuée par la Commission dans le règlement attaqué, la requérante estime que le seul accroissement soudain, brutal ou important des importations qui pourrait être allégué s’est produit entre 2013 et 2016, soit trois ans avant l’adoption dudit règlement. Par conséquent, l’accroissement des importations constaté par la Commission ne serait pas suffisamment récent pour justifier l’imposition de mesures de sauvegarde. Cette appréciation du caractère « récent » serait conforme à la jurisprudence de l’OMC. À cet égard, la requérante souligne qu’il ressort également de cette jurisprudence, d’une part, qu’il ne suffit pas que les importations aient augmenté à un moment donné dans le passé et qu’elles soient restées stables pour justifier l’imposition de mesures de sauvegarde et, d’autre part, que l’analyse des tendances au cours de la période la plus récente doit étayer le caractère soudain et récent de l’augmentation des importations, ce qui ne ressort pas de l’analyse qualitative de l’évolution des importations en l’espèce.

134    Dès lors, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait violé l’article 9, paragraphe 1, sous a), et l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes en considérant que l’accroissement des importations du produit concerné vers l’Union justifiait l’imposition de mesures de sauvegarde.

135    Par ailleurs, la requérante ajoute que l’interprétation proposée par la Commission vide de sa substance l’exigence selon laquelle l’augmentation des importations doit être récente et soudaine et est contraire à l’objectif des mesures de sauvegarde, tel qu’il est entendu, notamment, par la jurisprudence de l’OMC.

136    Deuxièmement, au regard de l’analyse fondée sur les trois familles de produits effectuée par la Commission dans le règlement attaqué, la requérante considère que ces trois familles ont suivi des tendances très différentes au cours de la période s’étendant du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, appelée la période la plus récente (ci‑après la « PPR »). Dès lors, la requérante relève que, comme l’analyse par famille de produits fait apparaître des tendances divergentes, elle ne permet pas de venir corroborer l’analyse globale.

137    Or, en prenant appui sur la jurisprudence de l’OMC qui souligne l’importance des tendances intermédiaires pour aboutir à la conclusion que les importations se sont accrues au sens de l’article 2.1 de l’accord de l’OMC sur les sauvegardes, la requérante conclut que, lorsque des tendances divergentes sont constatées entre différentes catégories de produits composant un produit concerné unique, rien ne vient étayer la conclusion selon laquelle les importations du produit concerné unique se sont accrues et des mesures de sauvegarde sont juridiquement justifiées. Dans ce contexte, au regard des spécificités de l’espèce, elle conteste la pertinence des allégations de la Commission selon lesquelles la jurisprudence de l’OMC vient contredire sa position.

138    Au regard de ce qui précède, la requérante estime que, en ne tirant pas les conclusions pertinentes de son analyse par famille de produits, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a également manqué à son devoir de diligence en omettant d’établir et d’examiner avec soin tous les éléments de fait et de droit pertinents dont elle disposait.

139    La Commission conteste les arguments de la requérante.

140    Dans un premier temps, il convient d’examiner les allégations de la requérante relatives aux erreurs qu’aurait commises la Commission en effectuant ses analyses, au premier rang desquelles l’absence de corroboration entre l’analyse globale et l’analyse fondée sur les trois familles de produits.

141    D’une part, eu égard aux considérants 32 et 33 du règlement attaqué, il ressort de l’analyse globale que les importations ont connu une augmentation de 71 % en chiffres absolus et que les parts de marché sont passées de 12,7 % à 18,8 % en termes relatifs. La hausse la plus importante a eu lieu au cours de la période 2013-2016. Par la suite, les importations ont continué à augmenter à un rythme plus lent, avant de remonter de nouveau au cours de la PPR.

142    D’autre part, eu égard aux considérants 34 et 35 du règlement attaqué, il ressort de l’analyse par famille de produits que les trois familles de produits (produits plats, produits longs et tubes) ont progressé en termes absolus respectivement de 64 %, 97 % et 60 % entre 2013 et la PPR. Au cours de la même période, les importations ont également augmenté en termes relatifs, avec des parts de marché passant respectivement de 14,2 % à 20,9 %, de 8,6 % à 14 % et de 20,4 % à 25,7 %.

143    Au regard de ce qui précède, il peut être conclu, tout d’abord, que les deux méthodes d’analyse arrivent à des résultats similaires, ensuite, que la Commission a bien procédé à une analyse tant des points extrêmes que des tendances intermédiaires et, enfin, que l’évolution des importations pendant la PPR a bien été prise en compte.

144    Dans ce contexte, il y a lieu de relever que l’argumentation de la requérante repose sur une analyse partielle des données mettant en exergue des périodes trop restreintes temporellement pour être significatives. À titre d’exemple, elle fait valoir que les importations de produits plats ont diminué entre 2017 et la PPR. Cependant, si effectivement le volume est passé de 20 299 000 tonnes à 20 202 000 tonnes (soit une diminution de 97 000 tonnes), la part de marché est, néanmoins, restée constante (20,9 %) et, surtout, le volume s’est maintenu à un niveau très élevé par rapport à la période 2013‑2015 (+1 811 000 tonnes par rapport à 2015).

145    Dans un second temps, il convient d’examiner les allégations de la requérante relatives à l’absence de satisfaction des critères que doit remplir la hausse des importations pour justifier la mise en place de mesures de sauvegarde.

146    À cet égard, comme le rappelle la requérante, l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes utilise l’expression de « quantités tellement accrues » et l’article 9, paragraphe 1, sous a), du même règlement vise un accroissement « de manière significative ». Dans son rapport du 14 décembre 1999, rendu dans l’affaire « Argentine – Mesures de sauvegarde à l’importation de chaussures [Argentine – Chaussures (CE)] », l’organe d’appel de l’OMC a souligné qu’il était nécessaire que « l’accroissement des importations ait été assez récent, assez soudain, assez brutal et assez important, à la fois en quantité et en qualité, pour causer ou menacer de causer un “dommage grave” ». Aux considérants 39 et 47 du règlement attaqué, la Commission, se fondant notamment sur cette jurisprudence, a confirmé que la hausse des importations en cause remplissait ces conditions.

147    Or, il suffit de souligner qu’il ressort de ce qui précède que la Commission dispose d’une certaine marge de manœuvre quant à l’appréciation du caractère récent de la hausse des importations, dans la mesure où elle n’est pas tenue à une temporalité précise quant à l’identification de l’augmentation des importations en cause, et que son examen de l’accroissement de ces importations sur les plans tant quantitatif que qualitatif a révélé son caractère brutal, soudain et suffisamment récent pour causer ou menacer de causer un préjudice grave.

148    En l’espèce, au regard des évolutions des importations en cause (voir points 127 et 141 ci‑dessus), la Commission était en droit de conclure que la hausse dont il était question satisfaisait aux critères requis.

149    En outre, l’interprétation du critère « récent » suggérée par la requérante conduirait à rendre ineffectives les mesures de surveillance qui viennent compléter le système mis en place pour l’élaboration de mesures de sauvegarde conformes à l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes.

150    Au regard de ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté comme non fondé.

151    Conformément aux points 126 et 131 ci‑dessus, il convient également de rejeter l’ensemble du troisième moyen comme non fondé, dans la mesure où l’argumentation de la requérante relative à la hausse des importations, invoquée dans le cadre de son troisième moyen, mais développée dans le cadre de son quatrième moyen, a été écartée.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation du principe de bonne administration, d’un manquement au devoir de diligence ainsi que de la violation de l’article 5, paragraphe 2, de l’article 9, paragraphe 2, et de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes

152    Par son cinquième moyen, divisé en quatre branches, la requérante soutient que le règlement attaqué ne démontre pas l’existence d’une menace de préjudice grave (première branche), que ladite menace est, à tort, fondée exclusivement sur un détournement des flux commerciaux (deuxième branche), que la Commission ne s’est, en toute hypothèse, pas fondée sur les faits pour constater ladite menace (troisième branche) et que la Commission aurait dû prendre en considération les indicateurs de préjudice communiqués par l’Association européenne de l’acier (Eurofer) pour évaluer ladite menace (quatrième branche).

–       Sur la première branche du cinquième moyen, relative au fait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé l’article 9, paragraphe 2, et l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes en considérant que la situation de l’industrie de l’Union pouvait annoncer une menace de préjudice grave

153    Par sa première branche, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’aurait pas dû constater une menace de préjudice grave sur la base des données et des informations dont elle disposait.

154    Au soutien de sa contestation, premièrement, la requérante relève que, sur les onze indicateurs de préjudice examinés par la Commission, seuls trois affichent une tendance légèrement négative (parts de marché, stocks et emploi), ce qui n’est pas le signe d’une industrie en situation « délicate » ou « vulnérable », comme l’entend la jurisprudence de l’OMC, mais plutôt révélateur d’une industrie solide et puissante, comme cela ressort notamment de l’examen de l’indicateur clé de la rentabilité.

155    La Commission conteste cet argument.

156    À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans le mémoire en défense, la Commission a contesté le caractère recevable de la première branche du cinquième moyen, au motif que l’argumentation développée par la requérante ne satisfaisait pas aux conditions posées à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. Cependant, dans la duplique, la Commission a semblé revenir sur son appréciation, considérant que les explications données par la requérante dans la réplique permettaient de mieux comprendre l’argumentation sur laquelle reposait la première branche du cinquième moyen. Interrogée lors de l’audience sur le maintien de ses objections relatives à la recevabilité de cette argumentation, la Commission a déclaré s’en remettre à la sagesse du Tribunal, ce qui a été acté au procès‑verbal d’audience.

157    Or, il ressort des échanges entre les parties, tant lors de la phase écrite que lors de la phase orale de la procédure, que l’argumentation de la requérante relative à la première branche du cinquième moyen a été exposée de manière suffisamment claire et précise pour permettre à la Commission d’y répondre et au Tribunal d’exercer son contrôle. Dès lors, il y a lieu d’écarter les objections de la Commission quant à la recevabilité de la première branche du cinquième moyen et d’en examiner le bien‑fondé.

158    À cet égard, il convient de relativiser la pertinence des appréciations de la requérante, du fait de leur caractère fragmentaire et isolé. En effet, elle relève, d’une part, que la consommation et les ventes intérieures avaient augmenté et, d’autre part, que la production avait également augmenté pendant que les capacités de production et l’utilisation des capacités étaient restées stables. Cependant, il convient de considérer ces constatations à la lumière du fait qu’il ressort de l’analyse opérée par la Commission aux considérants 63 à 89 du règlement attaqué que, tout d’abord, si la production avait augmenté, cette augmentation était moindre que la consommation intérieure, ensuite, que les prix de vente de l’Union avaient diminué tout au long de la période considérée, à l’exception d’un rebond à la toute fin de cette période, et, enfin, que les profits étaient restés inférieurs aux profits cibles tout au long de la période considérée (et avaient seulement pu augmenter en 2017 en raison d’une diminution des coûts de production et de l’efficacité des mesures de défense commerciale adoptées par l’Union). À ces observations, il convient d’ajouter le fait que la part de marché avait diminué.

159    S’il est vrai que la requérante insiste sur la croissance continue de la rentabilité et l’amélioration des flux de liquidité, il y a lieu, cependant, de relever que, au considérant 97 du règlement attaqué, la Commission a spécifiquement souligné que, « en dépit du fait qu’en 2017, les niveaux de rentabilité s’étaient nettement améliorés par rapport aux années précédentes (durant lesquelles l’industrie de l’Union avait enregistré des pertes ou avait atteint le seuil de rentabilité), cette situation pourrait rapidement s’inverser si les importations continuaient d’augmenter (ou s’envolaient, à la suite notamment des mesures prises par les États‑Unis d’Amérique au titre de la section 232) ».

160    Ainsi, il ressort de cette appréciation que les niveaux de rentabilité atteints ne pouvaient pas être considérés de manière isolée, car, bien qu’ils se soient améliorés par rapport à l’année précédente, le risque établi de détournement des flux commerciaux était un élément essentiel qui aurait une incidence négative sur la situation économique de l’industrie de l’Union si des mesures n’étaient pas adoptées. Dans ce contexte devait être pris en compte le fait que le détournement imminent des flux commerciaux aurait, en l’absence de mesures, eu une incidence négative sur la situation économique de l’industrie de l’Union, de sorte que le rétablissement aurait rapidement pu s’inverser.

161    Au regard de ce qui précède, il ne peut être conclu à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission concernant la détermination de la situation dans laquelle se trouvait l’industrie de l’Union.

162    Deuxièmement, la requérante estime que l’évolution du préjudice de l’industrie de l’Union entre 2013 et le premier semestre de l’année 2018 ne permet pas de conclure à l’existence d’une « menace de préjudice grave », notamment au sens de la jurisprudence de l’OMC. En outre, elle ajoute que les données les plus récentes du dossier indiquent que les importations supplémentaires n’ont pas eu l’effet allégué par la Commission.

163    La Commission conteste ces arguments.

164    À cet égard, il suffit de rappeler que, dans la mesure où il a été conclu, aux points 158 à 161 ci‑dessus, que l’analyse de la requérante devait être écartée au profit de celle proposée par la Commission, les arguments de la requérante avancés au sujet de la manière de prendre en compte des éléments prospectifs sont, désormais, dénués de pertinence.

165    Au regard de ce qui précède, aucune erreur manifeste d’appréciation de la Commission ne peut être identifiée du fait d’avoir conclu que la situation de l’industrie de l’Union pouvait annoncer une menace de préjudice grave.

166    Dès lors, la première branche du cinquième moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche du cinquième moyen, relative au fait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé l’article 9, paragraphe 2, et l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes en ne fondant son constat d’une menace de préjudice grave que sur un éventuel détournement des flux commerciaux

167    Par la deuxième branche du cinquième moyen, la requérante affirme que, parce que la Commission a uniquement fondé ses conclusions sur un détournement des flux commerciaux, elle n’aurait pas dû constater l’existence d’une menace de préjudice grave au sens de l’article 9, paragraphe 2, du règlement de base sur les sauvegardes.

168    Selon la requérante, la Commission ne fonde pas la menace d’un préjudice grave sur le niveau des importations au moment de l’adoption du règlement attaqué ou de la poursuite des importations à ce niveau, mais plutôt sur un accroissement injustifié et théorique des importations à l’avenir, provenant d’un détournement des flux commerciaux sous l’effet des mesures américaines prises au titre de la section 232. En procédant de la sorte, la Commission aurait assimilé une menace hypothétique d’accroissement des importations à une menace de préjudice grave. Ce faisant, elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait violé l’article 9, paragraphe 2, et l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes. À cet égard, la requérante relève que cette appréciation est confirmée par la jurisprudence de l’OMC.

169    La Commission conteste les arguments de la requérante.

170    À titre liminaire, il convient de relever que, au considérant 90 du règlement attaqué, la Commission a conclu que l’industrie de l’Union se trouvait « sous la menace d’un préjudice grave si la tendance à la hausse des importations se poursuivait, avec la baisse des prix et la chute de la rentabilité en dessous des seuils de viabilité qui en résultent ». Or, la requérante affirme que cette déclaration est dénuée de fondement et contredite par les éléments du dossier, dans la mesure où elle a démontré, dans le cadre de la première branche de son cinquième moyen, que la situation de l’industrie de l’Union en 2017 et au cours des deux premiers trimestres de l’année 2018 ne faisait pas apparaître que, au niveau des importations au cours de cette période, l’industrie de l’Union était sur le point de s’effondrer et qu’un préjudice grave était donc clairement prévisible ou imminent.

171    Dans la mesure où il a été conclu au rejet de la première branche du cinquième moyen, la prémisse de l’argumentation de la requérante développée dans le cadre de la deuxième branche de ce moyen est erronée. Ainsi, il convient de n’examiner la deuxième branche du cinquième moyen qu’au regard des allégations selon lesquelles les éléments apportés par la Commission au soutien de la démonstration d’un possible accroissement des importations constitueraient une erreur manifeste d’appréciation.

172    Or, il ressort du dossier que, pour démontrer l’existence de la menace de préjudice grave, la Commission ne s’est pas fondée uniquement sur la constatation d’un détournement éventuel des flux commerciaux, mais qu’elle a pris en compte d’autres facteurs. En effet, aux considérants 99 et 100 du règlement attaqué, il est fait une analyse du rythme d’accroissement des exportations ainsi que de la probabilité d’une nouvelle hausse des exportations sur la base d’une analyse des données disponibles les plus récentes. En outre, les statistiques présentées et analysées aux points 5.6.1 et 5.6.2 du règlement attaqué montrent la tendance à la hausse continue des importations et le fait que les premiers signes de détournement des flux commerciaux pouvaient déjà être observés au cours des mois qui ont suivi l’entrée en vigueur des mesures prises par les États-Unis d’Amérique au titre de la section 232.

173    Par conséquent, la Commission s’est, effectivement, fondée sur des éléments permettant de constater non seulement un détournement des flux commerciaux, mais également une probabilité d’augmentation des importations normalement destinées au marché américain qui pouvaient alors être détournées vers l’Union.

174    Aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut, ainsi, être déduite du faisceau d’indices détaillé sur lequel repose l’analyse de la Commission.

175    Au surplus, à supposer même qu’il y ait lieu de tenir compte de l’accord de l’OMC sur les sauvegardes, il peut être relevé que l’approche de la Commission est cohérente avec les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, sous b), dudit accord, la démonstration de l’existence d’un possible accroissement des importations ne reposant pas, en l’espèce, sur de simples allégations, conjectures ou lointaines possibilités.

176    Dès lors, la deuxième branche du cinquième moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la troisième branche du cinquième moyen, relative au fait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation et a violé l’article 9, paragraphe 2, et l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes en ne procédant pas à une évaluation factuelle approfondie de sa constatation d’une menace de préjudice grave

177    Dans le cadre de la troisième branche du cinquième moyen, la requérante avance trois arguments afin de démontrer que, même dans l’hypothèse où la menace d’un accroissement des importations pourrait constituer une menace de préjudice grave, la Commission n’établit pas, de manière satisfaisante, au regard notamment de la jurisprudence de l’OMC, qu’il existe un risque réel de détournement important des flux commerciaux susceptible de causer un préjudice grave.

178    Premièrement, la Commission n’aurait pas envisagé l’existence d’autres marchés d’exportation à même de pallier un éventuel détournement des flux commerciaux provenant des États‑Unis. Contrairement à ses allégations, les considérations sur lesquelles la Commission se fonde pour démontrer le contraire ne constitueraient que des affirmations dont la valeur probante ferait défaut.

179    Deuxièmement, il ne ressortirait pas de l’analyse des données chiffrées du dossier que le détournement des flux commerciaux constaté aurait pu menacer de causer un préjudice grave, ces mouvements étant limités. À cet égard, la requérante estime que les allégations de la Commission pour démontrer le contraire ne sont pas étayées par les faits.

180    Troisièmement, l’analyse, par la Commission, de l’évolution des importations vers l’Union et vers les États‑Unis au cours des premiers mois de l’année 2018 aurait été faite en termes absolus et ces importations n’auraient pas nécessairement été réalisées dans des conditions ou selon des modalités à même de constituer une menace de préjudice grave. Dès lors, la Commission n’aurait pas présenté les faits qui lui ont permis de conclure que des importations supplémentaires entraîneraient une baisse des prix et une chute de la rentabilité. À cet égard, la requérante ajoute que la Commission n’a pas fourni d’explications quant aux raisons justifiant sa conclusion selon laquelle les importations en quantités prétendument accrues ont menacé de causer un préjudice grave.

181    La Commission conteste les arguments de la requérante.

182    Premièrement, en ce qui concerne le fait que la Commission n’aurait pas examiné la circonstance que, indépendamment d’une éventuelle fermeture du marché américain, un détournement des flux commerciaux serait limité et peu susceptible de causer une menace de préjudice grave, il convient de relever, d’une part, qu’il ressort tant des considérants 35 et 67 du règlement provisoire que des considérants 107 et 173 du règlement attaqué que ce reproche n’est pas fondé, dans la mesure où le raisonnement suivi par la Commission prend nécessairement en compte d’autres marchés. D’autre part, au regard de ce qui est indiqué aux points 172 à 174 ci‑dessus, il convient d’écarter le reproche, fait à la Commission, selon lequel lesdits considérants ne constituent que de simples affirmations qui ne seraient étayées par aucun élément de preuve et, plus précisément, selon lequel il n’y aurait aucune preuve que les flux commerciaux vers les États‑Unis correspondent – en termes de gamme de produits et de pays exportateurs – aux flux commerciaux vers l’Union.

183    Deuxièmement, en ce qui concerne le fait que l’éventuel détournement des flux commerciaux en provenance des États‑Unis serait trop limité pour constituer une menace de causer un préjudice grave, la requérante conteste les calculs opérés par la Commission. Cependant, en application des principes rappelés aux points 74 et 75 ci‑dessus, il importe peu qu’une autre analyse, telle que celle proposée par la requérante, puisse être effectuée, dans la mesure où le contrôle du juge de l’Union, en l’espèce, est limité à l’identification d’une erreur manifeste d’appréciation viciant l’analyse sur laquelle est fondé le règlement attaqué. Or, une telle erreur ne ressort pas du dossier. En effet, les considérants 107 et 179 du règlement attaqué indiquent que la Commission a mené des simulations en tenant compte de différents critères et a corroboré son modèle économique à l’aide des données disponibles les plus récentes. L’approche suivie par la Commission lui a, en outre, permis de conclure à l’existence d’un détournement des flux commerciaux au plan des volumes au premier semestre de l’année 2018, suffisant pour justifier ses conclusions relatives à la menace de préjudice grave.

184    Troisièmement, en ce qui concerne le fait que la conclusion selon laquelle l’accroissement des importations conduirait à une baisse des prix et à une chute de la rentabilité de telle sorte qu’il menacerait de causer un préjudice grave n’est étayée d’aucun élément de preuve, il convient de rappeler qu’il a été admis que la Commission avait apporté la preuve, à suffisance de droit, que l’industrie de l’Union se trouvait dans une situation délicate (voir points 158 à 161 ci‑dessus) et qu’il y a donc lieu d’apprécier, à la lumière de cette situation, le bien‑fondé de la démonstration, par la Commission, de l’existence d’une menace de causer un préjudice grave du fait de l’accroissement des importations. Dans ce cadre, la Commission ne peut se voir reprocher aucune erreur manifeste d’appréciation du fait qu’elle a considéré que, au regard des très faibles profits réalisés au cours de la période considérée, la pression supplémentaire que représentait l’accélération de l’augmentation constatée des importations à la suite de l’adoption par les États‑Unis d’Amérique des mesures prises au titre de la section 232 conduirait à une baisse des prix et à une chute de la rentabilité, de telle sorte qu’elle menacerait de causer un préjudice grave. À cet égard, les considérations de la requérante relatives à l’amélioration de la rentabilité doivent être écartées pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 158 à 161 ci‑dessus, lus en combinaison avec le point 165 ci‑dessus.

185    Au regard de ce qui précède, la troisième branche du cinquième moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la quatrième branche du cinquième moyen, relative au fait que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, a violé le principe de bonne administration, a manqué à son devoir de diligence et a agi en violation de l’article 5, paragraphe 2, du règlement de base sur les sauvegardes en ne tenant pas compte de l’évolution positive des indicateurs de préjudice pour le premier semestre de l’année 2018

186    Par la quatrième branche du cinquième moyen, la requérante allègue que la Commission a violé le principe de bonne administration, a manqué à son devoir de diligence et a violé l’article 5, paragraphe 2, du règlement de base sur les sauvegardes lorsqu’elle a décidé de ne pas prendre en considération les indicateurs de préjudice communiqués par Eurofer pour le premier semestre de l’année 2018.

187    Selon la requérante, aucune des raisons avancées par la Commission ne peut justifier cette absence de prise en compte, dans la mesure où elle pouvait légalement prendre en considération ces informations actualisées, avec ou sans vérification, demander des informations supplémentaires, le cas échéant, et se fonder sur les données disponibles, si nécessaire.

188    Or, la requérante estime, tout d’abord, que ces indicateurs démontrent que l’industrie de l’Union a amélioré sa position concurrentielle et que, par conséquent, ils constituent des éléments de preuve positifs de l’absence de menace de préjudice grave.

189    Ensuite, la requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle, même si elle avait pris en compte les indicateurs de préjudice pour le premier semestre de 2018, la constatation finale aurait été identique. À cet égard, la requérante souligne que la tendance à la hausse de la rentabilité sur la période allant du mois de janvier 2018 au mois de juin 2018 ne pouvait pas confirmer la constatation finale de la Commission qui repose sur l’hypothèse qu’un accroissement des volumes d’importations entraînerait une dépression des prix et une baisse de rentabilité.

190    Enfin, la requérante estime que, contrairement aux allégations de la Commission, il ressort de la jurisprudence que le Tribunal est compétent, en l’espèce, pour contrôler si cette dernière a agi conformément au principe de bonne administration.

191    La Commission conteste les arguments de la requérante.

192    À titre liminaire, il convient de relever que, à plusieurs reprises dans ses écritures, la requérante fonde son analyse sur des indicateurs de préjudice actualisés fournis par Eurofer, dont la pertinence fait l’objet de la quatrième branche du cinquième moyen.

193    Cependant, l’analyse de la requérante repose sur le facteur relatif à la rentabilité. Or, comme cela est indiqué aux points 158 à 161 ci‑dessus, lus en combinaison avec le point 165 ci‑dessus, l’importance de ce facteur doit être relativisée et il ne peut, à lui‑seul, conduire à l’identification d’une erreur manifeste d’appréciation. Par conséquent, la quatrième branche du cinquième moyen est inopérante.

194    En tout état de cause, les nombreuses raisons avancées par la Commission pour justifier le fait de ne pas prendre en compte les indicateurs de préjudice communiqués par Eurofer pour les deux premiers trimestres de l’année 2018 ne révèlent pas d’erreur manifeste d’appréciation malgré les contestations de la requérante. À cet égard, l’incomplétude desdites données est caractéristique. En effet, les indicateurs d’Eurofer ne couvraient pas l’ensemble du produit concerné. Dès lors, même si la requérante estime que les catégories de produits couvertes représentaient la vaste majorité des volumes du produit concerné et que, l’absence d’information sur les autres catégories de produits étant probablement due à la non-communication de ces données par l’association européenne du tube d’acier (ESTA), la Commission était en droit d’utiliser les données disponibles, conformément à l’article 5, paragraphe 6, du règlement de base sur les sauvegardes, il ne peut en être déduit une obligation pour la Commission de le faire. Cette dernière est, effectivement, en droit de considérer que, au regard de cette incomplétude, les données ne sont pas pertinentes, sans que cela soit constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une quelconque violation du devoir de diligence ou du principe de bonne administration.

195    Au regard de ce qui précède, la quatrième branche du cinquième moyen doit être écartée et, partant, le cinquième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et de la violation de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes

196    Par son sixième moyen, divisé en trois branches, la requérante vise à démontrer que la Commission a violé l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes en ne rapportant pas la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre l’accroissement des importations constaté et le risque identifié de préjudice grave menaçant l’industrie de l’Union.

–       Sur la première branche du sixième moyen, relative au fait que, la menace de préjudice grave étant liée aux importations futures, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en établissant un lien de causalité entre ladite menace et l’accroissement des importations, en violation de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes

197    Dans le cadre de la première branche du sixième moyen, la requérante allègue qu’il ressort du règlement attaqué que la Commission n’a pas constaté que les importations existantes à la date du règlement attaqué causaient ou menaçaient de causer un préjudice grave, mais que cette menace reposait sur des importations qui n’avaient pas encore été réalisées, ce qui est, notamment, contraire à la jurisprudence de l’OMC.

198    Selon la requérante, la Commission a ainsi violé l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes, en se fondant sur « un accroissement futur et théorique des importations ».

199    La Commission conteste les arguments de la requérante.

200    À titre liminaire, il convient de relever que la Commission a fondé sa constatation sur une appréciation des importations existantes et futures. En effet, il ressort de son analyse que, si la menace de préjudice grave est, en l’espèce, représentée par les importations futures, dont la potentialité ressort du faisceau d’indices mentionné aux points 172 à 174 ci‑dessus, elle existe du fait de la situation particulière dans laquelle se trouve l’industrie de l’Union à cause des importations constatées au moment de l’adoption du règlement attaqué.

201    L’approche suivie par la Commission quant à l’application de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes est, ainsi, conforme à l’article 9, paragraphe 2, du même règlement, qui prévoit précisément que, dans le cas d’une menace de dommage grave, la Commission doit examiner le taux d’accroissement des exportations vers l’Union afin de déterminer s’il est clairement prévisible qu’une situation particulière est susceptible de se transformer en dommage réel.

202    En d’autres termes, sans les effets causés par les importations existantes, des importations futures pourraient ne pas être problématiques. Ainsi, du fait des importations existantes, une menace de préjudice grave apparaît face aux projections envisagées quant au taux d’accroissement des exportations vers l’Union.

203    Or, la requérante estime qu’il ressort de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes que seules les importations existantes doivent causer ou menacer de causer un préjudice grave.

204    La prémisse de l’argumentation développée par la requérante dans le cadre de la présente branche repose, dès lors, sur une interprétation erronée de la nature du lien de causalité existant entre l’accroissement des importations constaté et le risque identifié de préjudice grave menaçant l’industrie de l’Union.

205    Au regard de ce qui précède, la première branche du sixième moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche du sixième moyen, relative à l’absence de lien de causalité, de sorte que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en violation de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes

206    Par la deuxième branche du sixième moyen, la requérante affirme que la Commission n’a pas établi l’existence d’un lien de causalité et qu’elle n’a donc pas respecté les exigences de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes.

207    Plus précisément, la requérante soutient que les éléments du dossier montrent que, loin de menacer de causer un préjudice grave, le niveau existant des importations, même pendant la PPR, n’empêchait pas l’industrie de l’Union de soutenir la concurrence et de réaliser des bénéfices confortables. Or, conformément à la jurisprudence de l’OMC, la Commission aurait dû fournir, dans une telle situation, des explications satisfaisantes, motivées ou raisonnables quant au fait que les données indiquaient malgré tout l’existence d’un lien de causalité, ce qu’elle n’aurait pas fait.

208    En outre, la requérante conteste l’absence de pertinence, alléguée par la Commission, des chiffres fournis par Eurofer quant au critère relatif à la rentabilité et souligne que, même en se fondant sur les chiffres mentionnés dans le règlement attaqué, il ressort une absence de corrélation entre l’accroissement des importations et une détérioration de la situation de l’industrie de l’Union entre l’année 2013 et l’année 2017.

209    La Commission conteste les arguments de la requérante.

210    À titre liminaire, il convient de relever que les arguments de la requérante concernant l’absence de lien de causalité et soutenant la deuxième branche de son sixième moyen reposent essentiellement sur ses interprétations relatives à la hausse de la rentabilité, confortées par les chiffres fournis par Eurofer.

211    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, tout d’abord, le critère de la rentabilité n’apparaît pas déterminant (voir points 158 à 161 ci‑dessus, lus en combinaison avec le point 165 ci‑dessus), ensuite, les chiffres fournis par Eurofer ne peuvent être pris en compte (voir point 194 ci‑dessus) et, enfin, le lien de causalité entre le niveau existant des importations, au moment de l’adoption du règlement attaqué, et la menace de préjudice grave a été démontré, à suffisance de droit, par la Commission (voir points 200 à 205 ci‑dessus).

212    Au regard de ce qui précède, la deuxième branche du sixième moyen doit être rejetée comme non fondée.

–       Sur la troisième branche du sixième moyen, relative au fait que la Commission n’a pas correctement évalué l’incidence des pratiques antérieures de dumping ou de subventions sur le préjudice subi par l’industrie de l’Union, entachant dès lors son évaluation de la causalité d’une erreur manifeste d’appréciation, en violation de l’article 16 du règlement de base sur les sauvegardes

213    Par la troisième branche du sixième moyen, la requérante allègue que la Commission n’a pas pris en compte l’incidence possible des pratiques antérieures de dumping et de subventions, ce qui a vicié sa constatation relative à l’évaluation du préjudice, de sorte que l’analyse du lien de causalité a été entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

214    Plus précisément, la requérante relève que le fait que la Commission a conclu, dans le règlement attaqué, que l’industrie de l’Union se trouvait dans une situation économique difficile jusqu’en 2016 s’explique, au moins en partie, par un préjudice antérieur important dont la cause était des pratiques antérieures de dumping et de subventions contre lesquelles des mesures de défense commerciale avaient été adoptées. À cet égard, elle souligne que le fait que les mesures antidumping et compensatoires aient ou non des objectifs différents ou ciblent des produits spécifiques par rapport aux mesures de sauvegarde est sans importance.

215    La Commission conteste les arguments de la requérante.

216    Premièrement, il convient de relever qu’il ressort du considérant 95 du règlement attaqué que, dans l’appréciation de la situation dans laquelle se trouvait l’industrie de l’Union, la Commission n’a ignoré ni l’existence des pratiques antérieures de dumping et de subventions en question, ni les effets des mesures prises à leur égard. Cette prise en compte a, d’ailleurs, justifié le fait qu’elle n’a pas pu établir l’existence d’un préjudice grave.

217    Ainsi, le raisonnement de la Commission n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation quant à l’impact des pratiques antérieures de dumping et de subventions sur son analyse du lien de causalité entre l’accroissement des importations et la menace de préjudice grave.

218    Deuxièmement, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas avoir pris en compte de manière plus détaillée ces pratiques, dans la mesure où, même si elles concernaient prétendument une partie significative du produit concerné, comme le fait valoir la requérante, il n’en reste pas moins qu’elles ne concernaient que certaines catégories de produits originaires de certains pays.

219    Dès lors, les avoir prises en considération de la manière décrite au point 216 ci‑dessus suffit pour écarter toute identification d’une erreur manifeste d’appréciation.

220    Au regard de ce qui précède, la troisième branche du sixième moyen doit être rejetée comme non fondée et, partant, le sixième moyen dans son ensemble.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation de l’article 16 et de l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes

221    Par son septième moyen, la requérante allègue qu’il n’existe aucune base juridique dans le règlement de base sur les sauvegardes pour que la Commission ouvre une enquête de sauvegarde de sa propre initiative. Cette ouverture ne serait justifiée que si les informations (et, en fin de compte, une demande) avaient été reçues de la part d’un État membre.

222    Plus précisément, la requérante prend appui sur l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes, inclus dans le chapitre III auquel renvoie l’article 16 dudit règlement, lu à la lumière des considérants 7 et 8 du même règlement, pour affirmer que seuls les États membres peuvent être à l’initiative de l’ouverture d’une enquête de sauvegarde. Or, d’une part, elle souligne que l’avis d’ouverture de l’enquête indique explicitement que celle‑ci a été ouverte de la propre initiative de la Commission et, d’autre part, elle relève, au regard de divers éléments du dossier, qu’elle l’a été sur la base d’informations dont il n’a jamais été établi qu’elles provenaient d’un État membre.

223    Enfin, d’une part, la requérante ajoute que la Commission ne pouvait pas ouvrir l’enquête sur la seule base des informations reçues dans le cadre des mesures de surveillance, ces mesures ne couvrant que les importations pour la période allant de l’année 2015 à l’année 2017, à l’exclusion de la période allant de l’année 2013 à l’année 2014 et en l’absence de toute information sur la situation de préjudice de l’industrie de l’Union. D’autre part, elle souligne que, indépendamment des compétences effectivement attribuées à la Commission en vertu du règlement de base sur les sauvegardes, aucune disposition ne lui permet d’ouvrir des enquêtes ex officio.

224    La Commission conteste les arguments de la requérante.

225    En premier lieu, il convient de relever que, contrairement aux allégations de la requérante, l’existence d’une compétence exclusive des États membres quant à l’initiative de l’ouverture d’une enquête de sauvegarde ne ressort pas de l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes, lu à la lumière des considérants 7 et 8 du même règlement.

226    Tout d’abord, le considérant 7 du règlement de base sur les sauvegardes dispose qu’« il convient que la Commission soit informée par les États membres de toute menace résultant d’une évolution des importations qui pourrait nécessiter l’établissement d’une surveillance de l’Union ou l’application de mesures de sauvegarde ».

227    Ce considérant ne concerne pas le pouvoir de la Commission d’ouvrir une enquête, mais l’obligation d’information pesant sur les États membres pour permettre à celle-ci d’accomplir les obligations que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne lui ont confiées, afin de protéger les intérêts de l’Union dans le cadre de la politique commerciale commune, en matière tant de déclenchement d’une mise sous surveillance de l’importation d’un produit originaire d’un pays tiers, conformément au chapitre IV du règlement de base sur les sauvegardes, que d’imposition de mesures de sauvegarde à l’égard d’un produit importé dans l’Union, conformément au chapitre V du même règlement.

228    Néanmoins, une quelconque exclusivité quant à la source de l’information permettant à la Commission d’exercer ses obligations ne ressort pas du libellé dudit considérant.

229    Ensuite, le considérant 8 du règlement de base sur les sauvegardes énonce que, « dans un tel cas, la Commission devrait examiner les conditions et modalités des importations et leur évolution, ainsi que les différents aspects de la situation économique et commerciale et les éventuelles mesures à prendre ».

230    Ce considérant ne concerne pas le pouvoir de la Commission d’ouvrir une enquête, mais vise à imposer une obligation d’examen pesant sur celle-ci dans une situation précise, à savoir lorsqu’elle reçoit le type d’informations mentionné au considérant 7 du règlement de base sur les sauvegardes.

231    Si l’existence d’une obligation circonscrite à une hypothèse particulière ressort du libellé du considérant 8 du règlement de base sur les sauvegardes, il ne limite ni n’exclut la possibilité pour la Commission de procéder à un tel examen dans d’autres hypothèses.

232    Enfin, l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes indique, notamment, que, « lorsqu’il lui apparaît qu’il existe des éléments de preuve suffisants pour justifier l’ouverture d’une enquête, la Commission ouvre une enquête dans un délai d’un mois suivant la date de la réception de l’information fournie par un État membre et publie un avis au Journal officiel de l’Union européenne ».

233    Cette disposition garantit à un État membre qui a fait parvenir une information à la Commission que celle‑ci se prononcera sur les conséquences à en tirer quant à l’ouverture d’une éventuelle enquête. Ainsi, le délai prescrit vise, par définition, la situation dans laquelle la Commission se trouve lorsqu’elle se voit imposer l’obligation d’examen dont il est question au considérant 8 du règlement de base sur les sauvegardes.

234    Cependant, comme cela est précisé aux points 228 et 231 ci‑dessus, cette situation n’est pas exclusive d’autres hypothèses, sous peine d’empêcher la Commission de s’acquitter des obligations qui lui ont été confiées.

235    Tel est le cas, à tout le moins, lorsque, comme en l’espèce, des mesures de surveillance ont été mises en place.

236    L’application de telles mesures peut être décidée par la Commission, conformément à l’article 10 du règlement de base sur les sauvegardes, sans enquête préalable, l’exigence posée à l’article 4, paragraphe 1, du même règlement ne s’appliquant pas à cette situation.

237    Ainsi, le règlement d’exécution 2016/670 a, notamment, été adopté sur le fondement de l’article 10 du règlement de base sur les sauvegardes.

238    Or, conformément au considérant 12 du règlement d’exécution 2016/670, l’objectif poursuivi par l’instauration d’une surveillance préalable était la fourniture d’informations statistiques approfondies permettant une analyse rapide de l’évolution des importations en provenance de l’ensemble des pays tiers.

239    Comme cela ressort de l’avis d’ouverture de l’enquête de sauvegarde, au regard, notamment, des informations obtenues en vertu du système de surveillance, la Commission a estimé qu’il existait des éléments de preuve suffisants indiquant que l’évolution des importations pourrait rendre nécessaire le recours à des mesures de sauvegarde.

240    À cet égard, en application de l’article 15, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes, la Commission, afin de sauvegarder les intérêts de l’Union, peut, notamment de sa propre initiative, imposer de telles mesures lorsque des conditions de fond sont satisfaites.

241    Cependant, conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes, à l’exception des situations d’urgence visées à l’article 7 du même règlement, aucune mesure de sauvegarde ne peut être imposée sans ouverture d’une enquête préalable.

242    Par conséquent, la Commission a décidé d’ouvrir, de sa propre initiative, une telle enquête concernant les importations de produits sidérurgiques.

243    Il ressort de ce qui précède que si, comme la requérante le prétend, l’initiative de l’ouverture d’une enquête de sauvegarde revenait exclusivement aux États membres, non seulement le pouvoir d’initiative donné à la Commission en vertu de l’article 15, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes se trouverait limité dans ses effets, mais, surtout, l’objet même du mécanisme de surveillance serait affecté.

244    En effet, l’interprétation prônée par la requérante, revenant à faire dépendre l’ouverture d’une enquête de la saisine de la Commission par un État membre, priverait de l’essentiel de son intérêt l’étude des données collectées en vertu de ce mécanisme.

245    Par conséquent, l’interprétation de la requérante relative au pouvoir d’initiative d’ouverture d’une enquête, au sens de l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes, est incompatible avec l’économie du système prévu par ce règlement.

246    À cet égard, il peut également être ajouté que l’interprétation que donne la requérante de l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes apparaît incohérente au regard d’autres dispositions du même règlement.

247    Ainsi, l’article 7 du règlement de base sur les sauvegardes permet à la Commission d’adopter, notamment, des mesures de sauvegarde provisoires dans des situations d’urgence. Conformément à l’article 4, paragraphe 1, du même règlement, la mise en œuvre de cette compétence est exemptée de la satisfaction de l’exigence relative à la réalisation d’une enquête préalablement à l’imposition desdites mesures. Cependant, toute mesure d’enquête n’est pas écartée. En effet, l’article 7, paragraphe 3, du règlement de base sur les sauvegardes précise que la Commission doit procéder immédiatement aux mesures d’enquête encore nécessaires. Or, l’ouverture d’une telle enquête ne dépend pas de la saisine préalable de la Commission par un État membre. Il serait, en effet, illogique de poser une telle condition alors que, notamment, il a été déterminé qu’il existait des éléments de preuve suffisants selon lesquels un accroissement des importations avait causé ou menaçait de causer un dommage grave, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement de base sur les sauvegardes. Le même raisonnement explique l’existence de la possibilité, pour la Commission, d’ouvrir une enquête sans saisine préalable par un État membre, lorsque des mesures de surveillance sont déjà en vigueur et permettent d’apporter des éléments de preuve suffisants indiquant que l’évolution des importations pourrait rendre nécessaire le recours à des mesures de sauvegarde.

248    De la même manière, la Commission n’est pas contrainte par une quelconque obligation d’être saisie par un État membre préalablement à l’exercice des pouvoirs qui lui sont reconnus en vertu, d’une part, de l’article 15, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes, l’habilitant à adopter des mesures de sauvegarde, et, d’autre part, de l’article 20 du même règlement, l’autorisant à examiner les effets des mesures de sauvegarde en vigueur et à en modifier les modalités, voire à les révoquer. L’ensemble de ces actions, que la Commission peut effectuer de sa propre initiative, s’inscrit dans une logique selon laquelle celle-ci détient, préalablement à l’exercice de ses compétences, des éléments de preuve relatifs à l’existence ou non d’une situation problématique pour les producteurs de l’Union, l’origine de ces éléments étant indifférente.

249    Découle dès lors de ces dispositions un système cohérent, instaurant une logique globale donnant à la Commission la possibilité d’agir de sa propre initiative lorsqu’elle dispose d’éléments de preuve suffisants pour justifier son action.

250    Il convient donc d’interpréter l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes au regard de cette logique et, ainsi, de conclure que la possibilité pour la Commission d’agir de sa propre initiative est reconnue dans le cadre de l’ouverture des enquêtes visée par ce même article.

251    Au surplus, il convient de relever qu’aucun élément factuel ne vient corroborer la position de la requérante. En effet, il est constant que les États membres n’ont pas exprimé d’objection à l’égard de cette enquête et ont même coopéré avec la Commission dans ce cadre, conformément à l’article 5, paragraphe 1, du règlement de base sur les sauvegardes.

252    En second lieu, l’argument de la requérante se fondant sur une quelconque exclusivité quant à la source des informations limitant le champ d’investigation ne trouve aucun soutien dans les dispositions réglementaires pertinentes. Il n’existe, en effet, aucun argument textuel obligeant la Commission à écarter les informations qu’elle a pu se procurer en complément de celles obtenues par l’intermédiaire des autorités des États membres en application des mesures de surveillance.

253    En tout état de cause, ainsi que la Commission le relève, la requérante confond les données qui ont déclenché l’ouverture de l’enquête (à savoir l’augmentation continue des importations de produits sidérurgiques) avec celles relatives à la période examinée par la Commission pour tirer ses conclusions.

254    Au regard de ce qui précède, le septième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le huitième moyen, tiré de la violation du droit à un procès équitable

255    Dans le cadre de son huitième moyen, la requérante affirme que, en ne divulguant pas certaines informations au cours de l’enquête de sauvegarde, la Commission a violé son droit à un procès équitable, qui fait partie des droits de la défense.

256    Plus précisément, après avoir rappelé l’importance particulière que revêt le respect des garanties procédurales auxquelles appartient le droit à un procès équitable en matière de mesures de défense commerciale, domaine dans lequel les institutions de l’Union jouissent d’un large pouvoir d’appréciation, d’une part, la requérante estime que, en ne divulguant pas les informations statistiques pour la PPR dont elle disposait, la Commission a empêché les parties intéressées, dont elle fait partie, de se prononcer sur des informations essentielles qui ont notamment servi de base pour constater un accroissement des importations. D’autre part, la requérante considère que, en retardant de manière significative la diffusion des informations transmises par Eurofer, la Commission a privé les parties intéressées, dont elle fait partie, de l’occasion de faire des commentaires et de présenter leurs vues sur le préjudice actualisé subi par une grande partie de l’Union. À cet égard, la requérante estime qu’il importe peu que la Commission n’ait pas utilisé ces données, dans la mesure où son argumentation repose sur le degré d’information dont elle aurait pu disposer pour former son opinion.

257    La requérante ajoute, dans un premier temps, que, contrairement aux allégations de la Commission, cette dernière, d’une part, avait l’obligation de la mettre en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus à l’appui de l’allégation de l’existence d’un accroissement des importations et d’une menace de préjudice grave et, d’autre part, a omis de tenir le dossier à jour en temps utile. Dans un second temps, la requérante affirme ne pas avoir été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue en ce qui concerne, d’une part, les informations sur l’utilisation des statistiques d’importation pour la PPR et, d’autre part, les indicateurs de préjudice actualisés d’Eurofer.

258    La Commission conteste les arguments de la requérante.

259    À titre liminaire, d’une part, il y a lieu de relever qu’il ressort des écrits de la requérante que, si son argumentation à l’égard des informations sur l’utilisation des statistiques d’importation pour la PPR a, dans un premier temps, fondé son argumentation sur une prétendue illégalité tirée de l’absence de divulgation de ces informations, elle a, dans un second temps, considéré que l’illégalité trouvait sa source dans le fait qu’elle n’avait pas été mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue. Ainsi, il n’est plus question d’une contestation concernant l’absence de divulgation, mais d’une contestation concernant le caractère tardif de cette divulgation. Par conséquent, les arguments de la requérante quant à ces informations rejoignent, en substance, son grief formulé à l’égard de la mise à disposition des informations relatives aux indicateurs de préjudice actualisés d’Eurofer.

260    D’autre part, il convient d’écarter les objections de la Commission relatives au caractère inopérant du huitième moyen du fait de l’inapplicabilité du droit à un procès équitable en l’espèce. En effet, comme la Commission l’a reconnu dans la duplique, il est ressorti des échanges, lors de la phase écrite de la procédure, que, par ce moyen, la requérante allègue, en réalité, une violation des droits de la défense due au fait qu’elle n’aurait pas été mise en mesure de se prononcer sur un certain nombre d’informations au cours de la procédure administrative.

261    À cet égard, il y a lieu de relever que les modalités encadrant les droits des parties intéressées de faire connaître leur point de vue, d’avoir accès à certaines informations et d’être entendues sont prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement de base sur les sauvegardes ainsi qu’à l’article 5, paragraphes 4 et 5, du même règlement.

262    Or, s’il est vrai, comme la Commission le souligne, que la requérante n’indique pas explicitement la disposition que la Commission aurait violée, il doit, néanmoins, être reconnu que, afin de pouvoir exercer les droits dont il est question au point 261 ci‑dessus, cette dernière est tenue de mettre à disposition des parties, en temps utile, les renseignements qui lui sont fournis dans le cadre de l’enquête, sous réserve de quelques exceptions.

263    Dans ce contexte, il convient d’examiner les allégations de la requérante relatives à la communication tardive des informations sur l’utilisation des statistiques d’importation pour la PPR et des informations relatives aux indicateurs de préjudice actualisés au regard du respect, par la Commission, de son obligation de mettre à disposition des parties, en temps utile, les renseignements qui lui sont fournis dans le cadre de l’enquête.

264    À cet égard, il suffit de relever que la requérante a eu accès aux indicateurs de préjudice fournis par Eurofer le 21 décembre 2018 et aux informations statistiques pour la PPR le 4 janvier 2019. Or, le règlement attaqué a été adopté le 31 janvier 2019.

265    Bien que la requérante n’ait pas disposé d’un laps de temps important, il convient de rappeler, d’une part, que ces informations ne venaient que compléter d’autres informations qu’elle avait commentées tout au long de la procédure et, d’autre part, que les mesures de sauvegarde sont des mesures d’urgence dont l’adoption ne peut être indéfiniment retardée.

266    Par conséquent, il y a lieu de constater que, en l’espèce, la requérante a été mise en position de faire valoir ses observations en temps utile et que la Commission n’a pas enfreint son obligation de mettre à disposition des parties, en temps utile, les renseignements qui lui sont fournis dans le cadre de l’enquête.

267    Dès lors, il y a lieu de conclure qu’aucune violation des droits de la défense ne peut être identifiée.

268    Au regard de ce qui précède et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur les objections de la Commission relatives au caractère inopérant du huitième moyen du fait de l’absence d’utilisation des indicateurs de préjudices actualisés pour le premier et le deuxième trimestres de l’année 2018, le huitième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les dépens

269    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

270    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Uzina Metalurgica Moldoveneasca OAO est condamnée aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.