Language of document : ECLI:EU:T:2022:298

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

18 mai 2022 (*) (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreur d’appréciation – Proportionnalité – Droit de propriété – Droit d’exercer une activité économique – Détournement de pouvoir – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à un procès équitable – Détermination des critères d’inscription »

Dans l’affaire T‑296/20,

Amer Foz, demeurant à Dubaï (Émirats arabes unis), représenté par Me L. Cloquet, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme T. Haas et M. M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak‑Carbonne, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment :

–        la requête déposée au greffe du Tribunal le 12 mai 2020,

–        le premier mémoire en adaptation déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2020,

–        le mémoire en défense avec les observations sur le premier mémoire en adaptation déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2020,

–        la réplique déposée au greffe du Tribunal le 27 novembre 2020,

–        la duplique déposée au greffe du Tribunal le 3 février 2021,

–        le second mémoire en adaptation déposé au greffe du Tribunal le 9 août 2021,

–        les observations sur le second mémoire en adaptation déposées au greffe du Tribunal le 28 septembre 2021,

à la suite de l’audience du 2 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Amer Foz, demande l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2020/212 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 6), du règlement d’exécution (UE) 2020/211 du Conseil, du 17 février 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 43 I, p. 1), de la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1), de la décision (PESC) 2021/855 du Conseil, du 27 mai 2021, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2021, L 188, p. 90), et du règlement d’exécution (UE) 2021/848 du Conseil, du 27 mai 2021, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2021, L 188, p. 18), en tant que ces actes inscrivent et maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

2        Le requérant est un homme d’affaires ayant la nationalité syrienne.

3        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

4        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de ladite décision.

5        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés à ces responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

6        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union des personnes dont le nom figure à l’annexe I et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure aux annexes I et II.

7        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2012, L 16, p. 1).

8        La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

9        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836 modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

10      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des personnes qui sont liées aux catégories de personnes mentionnées au paragraphe 2, sous a) à g), de ces articles, « dont la liste figure à l’annexe I », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

11      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

12      Par la décision d’exécution 2020/212 et le règlement d’exécution 2020/211 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes initiaux »), le nom du requérant a été ajouté à la ligne 291 de la liste figurant à l’annexe I, section A (Personnes) de la décision 2013/255 et ajouté à la ligne 291 de la liste figurant à l’annexe II, section A (Personnes) du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »).

13      D’une part, les « informations d’identification » inscrites dans les listes en cause mentionnent que le requérant est de sexe masculin, a, notamment, la nationalité syrienne et est né le 11 mars 1976. En outre, ses fonctions y sont décrites comme étant celles de « directeur général d’ASM International General Trading LLC ». Enfin, « Samer Foz ; Aman Holding [(Aman Dimashq JSC)] » et « ASM International General Trading LLC » y sont mentionnés comme étant des « parents/associés/entités ou partenaires d’affaires/liens » du requérant.

14      D’autre part, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont rédigés comme suit :

« Homme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, notamment au travers d’Aman Holding (connue auparavant sous le nom d’Aman Group). Par l’intermédiaire d’Aman Holding, il bénéficie financièrement d’un accès aux perspectives commerciales et soutient le régime [de Bashar Al‑Assad], notamment en participant à la construction de Marota City, qui est appuyée par le régime. Il est également directeur général d’ASM International [General] Trading LLC depuis 2012.

Il est en outre associé à son frère Samer Foz, qui figure sur la liste de l’[Union européenne] depuis janvier 2019 en tant qu’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage. »

15      Le 18 février 2020, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes et entités qui faisaient l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2020, C 55, p. 7). Les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil, avant le 1er mars 2020, une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur les listes en cause.

16      Par lettre du 10 avril 2020, le requérant, en substance, s’est opposé à l’inscription de son nom sur les listes en cause et a demandé au Conseil de lui communiquer les documents étayant ladite inscription (ci-après la « lettre du 10 avril 2020 »).

17      Par lettre du 23 avril 2020, le Conseil a communiqué au requérant le document portant la référence WK 1751/2020 INIT, du 12 février 2020, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs d’inscription de son nom sur les listes en cause. En outre, il a indiqué au requérant qu’il était en possession d’un document classifié qui lui serait transmis dès que la procédure de déclassification serait terminée. Enfin, il l’a informé qu’il lui répondrait ultérieurement s’agissant de ses observations relatives à l’inscription de son nom sur les listes en cause. À cet égard, par lettre du 2 juin 2020, il a, notamment, complété sa réponse.

18      Le 28 mai 2020, le Conseil a adopté, d’une part, la décision 2020/719, qui a prorogé l’application de la décision 2013/255 jusqu’au 1er juin 2021, et, d’autre part, le règlement d’exécution 2020/716 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2020 »). Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 291 des listes en cause sur le fondement de motifs identiques à ceux retenus dans les actes initiaux (ci-après les « motifs de 2020 »).

19      Le 29 mai 2020, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel  de l’avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2020, C 180, p. 10). Les personnes et entités concernées par cet avis pouvaient, conformément à ce dernier, adresser au Conseil, avant le 1er mars 2021, une demande de réexamen de la décision par laquelle leur nom avait été inscrit sur les listes en cause.

20      Par lettre du 1er mars 2021, le requérant a présenté des observations relatives à l’inscription de son nom sur les listes en cause et s’est opposé au maintien de son nom sur celles-ci.

21      Par lettre du 15 avril 2021, tout d’abord, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir son nom sur les listes en cause pour des motifs partiellement différents de ceux figurant dans les motifs de 2020. Ensuite, il lui a communiqué le document portant la référence WK 4361/2021 INIT, du 29 mars 2021, comprenant les éléments de preuve venant au soutien de la proposition de modification des motifs d’inscription par rapport aux motifs de 2020. Enfin, il l’a invité à présenter ses observations sur la proposition de motifs d’inscription au plus tard le 29 avril 2021.

22      Par lettre du 29 avril 2021, le requérant a contesté la proposition de motifs d’inscription sur laquelle le Conseil entendait se fonder.

23      Le 27 mai 2021, le Conseil a adopté, d’une part, la décision 2021/855, qui a prorogé l’application de la décision 2013/255 jusqu’au 1er juin 2022, et, d’autre part, le règlement d’exécution 2021/848 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2021 »). Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 291 des listes en cause. Le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives à l’égard du requérant par la mention de motifs différents de ceux mentionnés dans les actes initiaux et les actes de maintien de 2020 (ci-après les « motifs de 2021 »).

24      S’agissant, d’une part, des « informations d’identification » inscrites dans les listes en cause, les actes de maintien de 2021 reprennent les informations indiquées au point 13 ci-dessus. En outre, les fonctions du requérant y sont désormais décrites comme étant celles de « fondateur de la société District 6 Company et partenaire fondateur de la société Easy Life Company », la mention à « ASM International General Trading LLC » a été supprimée et celle de « Vice-président de la société Asas Steel Company » a été ajoutée en tant que « parents/associés/entités ou partenaires d’affaires/liens » du requérant.

25      S’agissant, d’autre part, des motifs de 2021, ceux-ci sont rédigés comme suit :

« Homme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne. Il tire aussi des profits financiers de son accès à des débouchés commerciaux et soutient le régime syrien. Entre 2012 et 2019, il était directeur général d’ASM International [General] Trading LLC.

Il est en outre associé à son frère Samer Foz, qui a été désigné par le Conseil depuis janvier 2019 en tant qu’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage. Avec son frère, il met en œuvre un certain nombre de projets commerciaux, notamment dans la région d’Adra al-Ummaliyya [(banlieue de Damas, Syrie)]. Ces projets comprennent une usine fabriquant des câbles et des accessoires de câbles ainsi qu’un projet de production d’électricité à l’aide de l’énergie solaire. Ils ont également mené diverses activités avec l’[État islamique en Irak et au Levant (EIIL), Daech] au nom du régime [de Bashar Al‑Assad], y compris la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile. »

26      Le 28 mai 2021, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel  de l’avis à l’attention des personnes et entités faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2021, C 201, p. 6).

27      Par lettre du 28 mai 2021, le Conseil a informé le requérant qu’aucun des arguments présentés dans la lettre du 29 avril 2021 ne remettait en cause sa décision selon laquelle il existait des raisons suffisantes pour maintenir le nom de celui-ci sur les listes en cause.

 Conclusions des parties

28      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux, les actes de maintien de 2020 et les actes de maintien de 2021 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués ») en tant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

29      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en tant qu’ils visent le requérant, ordonner le maintien des effets des décisions 2020/719 et 2021/855 en tant que celles-ci le concernent jusqu’à ce que l’annulation partielle des règlements d’exécution 2020/716 et 2021/848 prenne effet.

30      La formulation du troisième chef de conclusions du Conseil exposée au point 29 ci-dessus, rectifiant une erreur de plume figurant dans les observations du Conseil sur le second mémoire en adaptation, a été acceptée par ce dernier lors de l’audience, ce dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience.

 En droit

31      Au soutien de son premier chef de conclusions, le requérant invoque six moyens, tirés, le premier, d’une erreur d’appréciation, le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité, le troisième, d’une violation du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique, le quatrième, d’un détournement de pouvoir, le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation et, enfin, le sixième, d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

32      Il convient d’examiner, tout d’abord, le cinquième moyen, puis le sixième moyen, avant d’examiner le premier moyen, le quatrième moyen et, enfin, les deuxième et troisième moyens pris ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

33      Le requérant soutient que la motivation fournie par le Conseil ne satisfait pas à l’obligation qui incombe aux institutions de l’Union en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Plus précisément, il fait valoir que la motivation retenue dans les actes attaqués ne lui permet pas de déterminer quelles seraient les transactions litigieuses. En outre, il ajoute que le Conseil n’a pas examiné avec soin la motivation adoptée et que celle-ci serait purement formelle, n’ayant pas fait l’objet d’une réflexion de la part de celui-ci. Par ailleurs, il serait admis dans la jurisprudence que les motifs doivent être communiqués immédiatement après l’adoption de la décision afin de permettre à la personne dont le nom est inscrit sur les listes en cause de se défendre et au juge d’exercer le contrôle de la légalité des actes attaqués. De plus, le requérant estime que, pour étayer la motivation, le Conseil s’est référé aux motifs d’inscription de son nom sur les listes en cause ainsi qu’aux considérants 2 et 3 des actes initiaux. Enfin, il soutient que le Conseil a utilisé une formulation « alambiquée » dans la motivation ayant pour objectif d’éviter délibérément de reprendre le libellé complet du critère de « l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie » en omettant les termes « exerçant ses activités en Syrie ». Par ailleurs, lors de l’audience, il a soutenu, en substance, que le Conseil n’avait pas clairement indiqué les critères d’inscription de son nom sur les listes en cause. Or, selon lui, des précisions à ce sujet apportées au stade de l’audience impliquent soit que la motivation des motifs de 2020 et de 2021 n’est pas suffisamment élaborée, soit que la détermination des critères d’inscription est opérée a posteriori.

34      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

35      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

36      Il convient également de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

37      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit permettre que soient identifiées les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

38      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

39      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

40      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 66 et jurisprudence citée).

41      Enfin, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

42      Au préalable, il importe de préciser que les considérants 2 et 3 des actes initiaux exposent les motifs généraux justifiant l’adoption des mesures en cause, tandis que les motifs particuliers de la désignation du requérant sont inscrits à la ligne 291 du tableau A des listes en cause.

43      Par ailleurs, il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de mesures restrictives. De même, l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, disposent que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime syrien ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. Enfin, l’article 27, paragraphe 2, dernière partie de la phrase, et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, dernière partie de la phrase, et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, dernière partie de la phrase, et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités qui sont liées aux personnes, entités et organismes relevant de l’un des critères d’inscription font l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime syrien ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement (critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives).

44      Ainsi qu’il a été mentionné au point 18 ci-dessus, il convient de relever que les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont restés inchangés entre l’adoption des actes initiaux et celle des actes de maintien de 2020. Ainsi, s’agissant de ces actes, le Conseil a motivé l’inscription et le maintien du nom du requérant sur lesdites listes de la manière suivante :

« Homme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, notamment au travers d’Aman Holding (connue auparavant sous le nom d’Aman Group). Par l’intermédiaire d’Aman Holding, il bénéficie financièrement d’un accès aux perspectives commerciales et soutient le régime [de Bashar Al‑Assad], notamment en participant à la construction de Marota City, qui est appuyée par le régime. Il est également directeur général d’ASM International [General] Trading LLC depuis 2012.

Il est en outre associé à son frère Samer Foz, qui figure sur la liste de l’[Union européenne] depuis janvier 2019 en tant qu’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage. »

45      En revanche, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ont été modifiés lors de l’adoption des actes de maintien de 2021 tel que cela a été indiqué au point 25 ci-dessus. Le Conseil a motivé le maintien de la manière suivante :

« Homme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne. Il tire aussi des profits financiers de son accès à des débouchés commerciaux et soutient le régime syrien. Entre 2012 et 2019, il était directeur général d’ASM International [General] Trading LLC.

Il est en outre associé à son frère Samer Foz, qui a été désigné par le Conseil depuis janvier 2019 en tant qu’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage. Avec son frère, il met en œuvre un certain nombre de projets commerciaux, notamment dans la région d’Adra al-Ummaliyya (banlieue de Damas). Ces projets comprennent une usine fabriquant des câbles et des accessoires de câbles ainsi qu’un projet de production d’électricité à l’aide de l’énergie solaire. Ils ont également mené diverses activités avec l’[État islamique en Irak et au Levant (EIIL), Daech] au nom du régime [de Bashar Al‑Assad], y compris la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile. »

46      En premier lieu, contrairement à ce qu’allègue le requérant dans l’argument mentionné au point 33 ci-dessus, il convient d’indiquer que la formulation des motifs d’inscription cités aux points 44 et 45 ci-dessus permet de déduire qu’il a vu son nom être inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien et, troisièmement, de son lien avec une personne ou une entité visée par les mesures restrictives, à savoir son frère, Samer Foz. Autrement dit, l’inscription et le maintien du nom du requérant sont fondés, tout d’abord, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie), ensuite, sur le critère défini au paragraphe 1, de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision, et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime) et, enfin, sur le critère défini à la dernière partie de la phrase du paragraphe 2, de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision ainsi qu’à la dernière partie de la phrase du paragraphe 1 bis de l’article 15 dudit règlement (critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives).

47      Ainsi, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le Conseil n’a pas clairement indiqué les critères à l’aune desquels son nom avait été inscrit et maintenu sur les listes en cause, il convient de le rejeter. À cet égard, il y a lieu, en effet, de rappeler que l’omission de la référence à une disposition précise ne peut pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique d’un acte peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 68). D’ailleurs, dans ses écritures, le requérant a été en mesure de déterminer les critères à l’aune desquels son nom avait été inscrit puis maintenu sur les listes en cause.

48      En l’espèce, il convient de constater que les raisons spécifiques et concrètes ayant conduit le Conseil à procéder à l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et à l’y maintenir sont indiquées de manière suffisamment claire pour permettre au requérant de les comprendre. En effet, les motifs de 2020 portent sur des faits clairs concernant le requérant. Il s’agit, premièrement, de ses intérêts commerciaux tant personnels que familiaux, deuxièmement, de l’exercice d’activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, notamment au sein d’Aman Holding, par l’intermédiaire de laquelle il bénéficie financièrement d’un accès à des perspectives commerciales, notamment en participant au projet de construction Marota City (ci-après le « projet Marota City »), troisièmement, de sa qualité de directeur général d’ASM International General Trading LLC depuis 2012 et, quatrièmement, de son association professionnelle avec son frère, Samer Foz.

49      S’agissant des motifs de 2021, contenant des modifications substantielles par rapport aux motifs de 2020, ils font également référence à des faits mentionnés de manière claire. D’une part, ils délimitent la période durant laquelle le requérant a occupé le poste de directeur général exécutif d’ASM International General Trading, soit de 2012 à 2019. D’autre part, ils précisent de manière claire les types d’activités que le requérant gère avec son frère, Samer Foz, à savoir, tout d’abord, la mise en œuvre d’un certain nombre de projets commerciaux, qui comprennent une usine fabriquant des câbles et des accessoires de câbles et un projet de production d’électricité à l’aide de l’énergie solaire, et, ensuite, diverses activités menées avec l’État islamique en Irak et au Levant (ci-après l’« EIIL »), également connu sous le nom de Daech, au nom du régime syrien.

50      De surcroît, les moyens et les arguments soulevés par le requérant dans ses écritures indiquent, d’une part, qu’il a été mis en mesure de connaître les justifications des mesures prises à son égard afin de pouvoir les contester utilement devant le juge de l’Union et, d’autre part, que le contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures était connu de lui. En particulier, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel le Conseil a utilisé une formulation « alambiquée » dans la motivation afin d’éviter les termes « exerçant ses activités en Syrie », force est de relever qu’il ressort des écritures du requérant qu’il a effectivement compris que le Conseil considérait qu’il exerçait ses activités en Syrie, puisqu’il allègue qu’il n’exerce clairement pas ses activités en Syrie, mais qu’il est actif à Dubaï (Émirats arabes unis).

51      En deuxième lieu, l’argument du requérant selon lequel le Conseil n’a pas examiné avec soin la motivation adoptée vise, en réalité, à contester les éléments factuels qui ont été retenus par le Conseil. Dès lors que cet argument ne tend pas à remettre spécifiquement en cause le caractère suffisant de la motivation des actes attaqués, mais plutôt la légalité au fond de ces actes, il doit être examiné dans le cadre du premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

52      En troisième lieu, le fait que le Conseil n’a pas exposé de manière détaillée les transactions litigieuses qui seraient à l’origine de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait conduire à constater une violation de l’obligation de motivation qui lui incombe, dès lors que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 39 et 40 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents et que le requérant a été mis en mesure de comprendre la portée des mesures prises à son égard.

53      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la motivation des actes attaqués est compréhensible et suffisamment précise pour permettre au requérant de connaître les raisons ayant conduit le Conseil à considérer que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause étaient justifiés ainsi que d’en contester la légalité devant le juge de l’Union et pour permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Dès lors, il convient de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

54      Le requérant soutient, en substance, que les actes attaqués violent ses droits de la défense et son droit à un procès équitable, tels que prévus à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et à l’article 6, paragraphe 3, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, dans la mesure où le Conseil ne l’a pas entendu avant l’adoption desdits actes. À cet égard, il fait valoir que, n’ayant pas été auditionné avant l’adoption desdits actes, il n’a pas pu présenter ses observations en temps utile. Selon lui, il n’existait aucune urgence ni aucun risque de perte particulier pour le Conseil. En revanche, il estime que la possibilité d’être entendu a posteriori ne lui aurait pas permis d’éviter des pertes de manière certaine et prévisible. Dans la réplique, il cite le point 41 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire M. (C‑277/11, EU:C:2012:253) afin de soutenir que la justification permettant au ministère de la Justice d’un État membre de l’Union de se soustraire au respect de la formalité substantielle que constitue le droit universel d’être entendu au préalable ne s’appliquerait pas au Conseil en l’espèce.

55      Le Conseil conteste les arguments du requérant. Il soutient, s’agissant des actes initiaux, que, puisqu’il s’agit de décisions initiales d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, il ne serait pas tenu, conformément à la jurisprudence constante, de l’entendre avant sa désignation.

56      Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d’être entendu, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

57      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

58      Enfin, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

59      Au préalable, il convient de préciser que le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes imposant des mesures restrictives et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur lesdites listes (arrêt du 30 avril 2015, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11, EU:T:2015:249, point 40).

60      En premier lieu, il importe de rappeler que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne confèrent aux intéressés le droit à une audition, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 93, et du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105).

61      En deuxième lieu, en ce qui concerne les actes initiaux, il ne saurait être requis des autorités de l’Union qu’elles communiquent les motifs desdites mesures préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes imposant des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 34 et jurisprudence citée).

62      En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

63      En l’espèce, la communication des motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel  du 18 février 2020, ainsi qu’il ressort du point 15 ci-dessus. En outre, par la lettre du 10 avril 2020, le requérant, en substance, s’est opposé à l’inscription de son nom sur les listes en cause et a demandé au Conseil de lui communiquer les documents visant à étayer ladite inscription, ce que le Conseil a fait par lettre du 23 avril 2020.

64      Dès lors, il y a lieu de constater que, en l’espèce, le fait que le requérant n’a pas été entendu préalablement à l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause constitue une limitation justifiée de ses droits de la défense au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus.

65      Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments du requérant. À cet égard, d’une part, il soutient de manière non étayée qu’il n’existait aucune urgence ni aucun risque qu’il compromette l’efficacité des actes initiaux en étant auditionné préalablement à leur adoption, alors que la possibilité d’être entendu a posteriori ne lui aurait pas permis d’éviter des pertes. D’autre part, l’argument du requérant fondé sur le point 41 des conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire M. (C‑277/11, EU:C:2012:253) est dénué de fondement. En effet, il ressort, en substance, du point 40 desdites conclusions que, en ce qui concerne les décisions initiales inscrivant le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes de mesures restrictives, des limites au droit d’être entendu au nom de la protection d’un intérêt public supérieur ont été apportées en se fondant sur une jurisprudence constante, rappelée aux points 60 et 62 ci-dessus.

66      En troisième lieu, s’agissant des actes de maintien de 2020 et de 2021, il convient de rappeler que, dans le cas des actes par lesquels le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà dans les listes imposant des mesures restrictives est maintenu, un effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité desdites mesures, de sorte que l’adoption de tels actes doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

67      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

68      En l’espèce, d’une part, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été signalé au point 18 ci-dessus, que les actes de maintien de 2020 n’ont pas modifié les motifs de 2020 figurant dans les annexes des actes initiaux. En outre, le Conseil, par lettre du 23 avril 2020, c’est-à-dire avant l’adoption des actes de maintien de 2020, a communiqué au requérant le document WK 1751/2020 INIT, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs de l’inscription initiale du nom du requérant sur les listes en cause. Il ne ressort pas du dossier que le Conseil s’est fondé sur de nouveaux éléments de preuve pour adopter les actes de maintien de 2020, ni qu’il a pris en considération des éléments d’actualisation concernant la situation personnelle du requérant ou la situation politique et sécuritaire de la République arabe syrienne entre la date d’adoption des actes initiaux et celle des actes de maintien de 2020 (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, points 71 et 72 et jurisprudence citée). Il en résulte que le Conseil a respecté les droits de la défense du requérant lors de l’adoption des actes de maintien de 2020.

69      D’autre part, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 23 ci-dessus, que les actes de maintien de 2021 ont modifié les motifs de 2020. Or, ainsi qu’il ressort du dossier, par lettre du 15 avril 2021, tout d’abord, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir son nom sur les listes en cause sous des motifs différents de ceux figurant dans les motifs de 2020 et lui a communiqué la proposition de motifs d’inscription modifiés. En outre, il lui a communiqué le document WK 4361/2021 INIT, comprenant les éléments de preuve venant au soutien de ladite proposition, et l’a invité à présenter ses observations sur celle-ci au plus tard le 29 avril 2021, ce que le requérant a fait par lettre du 29 avril 2021. Enfin, par lettre du 28 mai 2021, il l’a informé de l’adoption des actes de maintien de 2021, maintenant son nom sur lesdites listes sous des motifs différents des motifs de 2020.

70      Il ressort de ce qui précède que, concernant les actes de maintien de 2021, le Conseil a, en communiquant au requérant préalablement à l’adoption des actes susvisés la proposition de motifs d’inscription modifiés ainsi que le document comprenant les éléments de preuve venant au soutien de ladite proposition de motifs et en l’invitant à présenter des observations tant sur cette dernière que sur les éléments de preuve, respecté les droits de la défense du requérant lors de l’adoption des actes de maintien de 2021. Dès lors, il y a lieu de rejeter le sixième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

 Considérations liminaires

71      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

72      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

73      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

74      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

75      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

76      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

77      Enfin, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

78      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent moyen.

79      En substance, premièrement, le requérant soutient que le Conseil a lui-même admis qu’il n’est pas un homme d’affaires « exerçant ses activités en Syrie », au sens de l’article 27, paragraphe 2, sous a), et de l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. Deuxièmement, il conteste être un « homme d’affaires ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne ». Troisièmement, il affirme ne pas pouvoir être considéré comme un homme d’affaires « influent ». Quatrièmement, il prétend ne pas être lié au régime de Bashar Al‑Assad, n’exercer aucune influence sur ce régime et ne pas être associé à un risque de contournement des sanctions visant le régime. Cinquièmement, il soutient ne plus être impliqué dans ASM International General Trading étant donné que cette société a été liquidée et dissoute. Sixièmement, il estime ne pas être lié à ou impliqué dans des sociétés établies en Syrie, ni impliqué dans Aman Holding JSC. Septièmement, sur le plan professionnel, il fait valoir qu’il n’est pas associé à Samer Foz. Huitièmement, il indique que le fait qu’il est lié à Samer Foz ne remet pas en cause l’absence totale de lien entre lui et le régime de Bashar Al-Assad, puisque Samer Foz lui-même ne serait nullement lié audit régime et contesterait l’inscription de son propre nom sur les listes en cause devant le Tribunal. Neuvièmement, il allègue ne pas être impliqué dans le projet Marota City, de sorte qu’il n’aurait pas pu exploiter des terres expropriées appartenant à des personnes déplacées par le conflit en Syrie, ce qui les aurait empêchées de regagner leur foyer. Dixièmement, ledit projet ne serait pas soutenu par le régime syrien.

80      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

 Sur la détermination des éléments des motifs d’inscription se rattachant à chacun des critères d’inscription

81      Ainsi qu’il a été mentionné au point 46 ci-dessus, il convient de déduire des motifs de 2020 et de 2021 que le nom du requérant a été inscrit et maintenu sur les listes en cause à l’aune de trois critères, à savoir celui de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, celui de l’association avec le régime syrien et celui du lien avec une personne ou entité visées par les mesures restrictives. Pour apprécier le bien-fondé de l’application en l’espèce de ces critères, il y a lieu de déterminer, au préalable, les éléments factuels des motifs d’inscription qui relèvent de chacun des critères.

82      À cet égard, il convient de rappeler qu’il ne saurait être exclu que, pour une personne déterminée, plusieurs motifs d’inscription se recoupent dans une certaine mesure, en ce sens qu’une personne peut être qualifiée de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et être considérée comme bénéficiant, dans le cadre de ses activités, du régime syrien ou comme soutenant celui-ci au travers de ces mêmes activités. Cela ressort précisément de ce que, ainsi qu’il est établi au considérant 6 de la décision 2015/1836, les liens étroits avec le régime syrien et le soutien de celui-ci apporté à cette catégorie de personnes sont l’une des raisons pour lesquelles le Conseil a décidé de créer cette catégorie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, même dans cette hypothèse, de critères différents (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 77).

83      Lorsque le Conseil décide d’inscrire le nom d’une personne en raison de sa qualité de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il n’est pas tenu de préciser, dans les motifs d’inscription de cette personne, qu’elle bénéficie ou soutient le régime syrien. S’il le fait, c’est qu’il entend aussi lui appliquer le critère prévu à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. Cette interprétation est la plus à même de garantir l’effet utile de chacun des paragraphes 1 et 2 de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et de permettre aux personnes inscrites de déterminer avec précision sur le fondement de quels critères leur nom a été inscrit ou maintenu sur les listes en cause (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 79).

84      La constatation établie au point 82 ci-dessus s’applique, par analogie, au critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives. En effet, une personne peut être qualifiée de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et être considérée comme étant liée, notamment par des liens d’affaires, à une autre personne visée par les mesures restrictives au travers de ces mêmes activités (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 127). De même, cette personne peut être liée au régime syrien tout en étant liée, pour les mêmes raisons, à une personne visée par les mesures restrictives.

85      En l’espèce, en premier lieu, s’agissant des motifs de 2020, la première phrase du premier alinéa indique que le requérant est un « [h]omme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels et familiaux et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, notamment au travers d’Aman Holding (connue auparavant sous le nom d’Aman Group) ». Cette phrase se rattache non seulement au critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, mais également au critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives, en raison du caractère familial des intérêts commerciaux du requérant. En effet, il y a lieu de comprendre que ce caractère familial fait référence aux liens du requérant avec son frère, Samer Foz, qui a vu son propre nom être inscrit sur les listes en cause en raison, notamment, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Ces liens s’expriment au travers de leurs participations ou implications au sein des sociétés Aman Holding (Aman Dimashq JSC) et ASM International General Trading, mentionnées dans les informations d’identification comme étant des « parents/associés/entités ou partenaires d’affaires/liens » du requérant.

86      La deuxième phrase du premier alinéa des motifs de 2020, selon laquelle, « [p]ar l’intermédiaire d’Aman Holding, [le requérant] bénéficie financièrement d’un accès aux perspectives commerciales et soutient le régime [de Bashar Al-Assad], notamment en participant à la construction de Marota City, qui est appuyée par le régime [syrien] », correspond, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 83 ci-dessus, tant au critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie qu’à celui de l’association avec le régime syrien. En effet, le Conseil, tout en mentionnant l’activité du requérant dans Aman Holding, y a visé, explicitement, le soutien que le requérant apporte au régime syrien ainsi que le bénéfice qu’il retire de son association avec ledit régime.

87      Quant à la troisième phrase du premier alinéa des motifs de 2020, selon laquelle « [le requérant] est également directeur général d’ASM International [General] Trading LLC depuis 2012 », elle se rapporte au critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

88      Enfin, le second alinéa des motifs de 2020 se rattache au critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives. En effet, outre la mention de la relation du requérant avec Samer Foz en tant qu’élément factuel, il y est précisé la date d’inscription du nom de Samer Foz sur les listes en cause, à savoir janvier 2019, et l’exposé factuel sur la base duquel le nom de ce dernier a été inscrit, à savoir « homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage ».

89      En second lieu, s’agissant des motifs de 2021, tout d’abord, il convient de relever qu’une conclusion similaire à celle développée au point 85 ci-dessus doit être tirée concernant la première phrase du premier alinéa. En effet, d’une part, le requérant y est décrit comme étant un « [h]omme d’affaires influent ayant des intérêts commerciaux personnels [...] et exerçant des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne » et, d’autre part, il y est exposé qu’il possède des « intérêts commerciaux [...] familiaux » dans le cadre desquels il conviendra de vérifier l’existence de liens d’affaires entre lui et son frère, Samer Foz. À cet égard, la société Aman Holding est mentionnée dans les éléments d’identification comme faisant partie des « parents/associés/entités ou partenaires d’affaires/liens » du requérant, de sorte qu’il ne saurait être exclu que lui et son frère entretiennent des liens d’affaires au sein de celle-ci.

90      La deuxième phrase du premier alinéa des motifs de 2021, selon laquelle le requérant « tire aussi des profits financiers de son accès à des débouchés commerciaux et soutient le régime syrien », correspond au critère de l’association avec le régime syrien. En effet, le Conseil y a visé, explicitement, le soutien qu’il apporte au régime syrien ainsi que le bénéfice qu’il retire de son association avec ledit régime.

91      La troisième phrase du premier alinéa des motifs de 2021, qui mentionne que, « [e]ntre 2012 et 2019, [le requérant] était directeur général d’ASM International [General] Trading », se rattache au critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

92      S’agissant de la première phrase du second alinéa des motifs de 2021, selon laquelle le requérant « est en outre associé à son frère Samer Foz, qui a été désigné par le Conseil depuis janvier 2019 en tant qu’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et soutenant le régime ou en tirant avantage », elle se rapporte au critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives.

93      Quant à la deuxième et à la troisième phrase du second alinéa des motifs de 2021, elles mentionnent, respectivement, que, « avec son frère, il met en œuvre un certain nombre de projets commerciaux », qui « comprennent une usine fabriquant des câbles et des accessoires de câbles ainsi qu’un projet de production d’électricité à l’aide de l’énergie solaire ». Elles visent, dès lors, à étayer tant le critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie que celui du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives.

94      Enfin, la quatrième phrase du second alinéa des motifs de 2021, indiquant, en substance, que le requérant et Samer Foz « ont également mené diverses activités avec l’[EIIL] au nom du régime [de Bashar Al‑Assad] », se rapporte au critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives et à celui de l’association avec le régime syrien, en ce que le requérant serait un intermédiaire pour le régime syrien.

95      Ces clarifications ayant été apportées, il convient de faire état des éléments de preuve soumis par le Conseil, puis d’examiner les arguments du requérant qui visent à remettre en cause leur pertinence et leur fiabilité, avant d’examiner le critère relatif au lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives.

 Sur les éléments de preuve soumis par le Conseil

96      Tout d’abord, pour justifier l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a fourni le document WK 1751/2020 INIT, comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

–        d’une page du profil personnel du requérant sur le réseau social Twitter, consultée le 29 juillet 2019, où il s’y est décrit comme un homme d’affaires établi à Dubaï ;

–        du site Internet « about.me », consulté le 29 juillet 2019, qui contient le curriculum vitae du requérant, lequel mentionne, notamment, qu’il est directeur général d’ASM International General Trading ;

–        du site Internet Resumonk, contenant une capture d’écran d’une page personnelle du requérant, consultée le 31 juillet 2019, contenant son curriculum vitae, qui atteste de ses liens professionnels avec Aman Holding, dirigée par sa famille ; le requérant est directeur général d’ASM International General Trading depuis 2012 et directeur général adjoint au sein du groupe Aman Holding de 2009 à 2011 ;

–        du site Internet du réseau social professionnel en ligne LinkedIn, contenant une capture d’écran de la page personnelle du requérant, consultée le 8 août 2019, sur laquelle il s’est décrit comme directeur général d’ASM International General Trading et a écrit qu’il a travaillé pendant 15 ans au sein d’Emmar Industries, avant de s’établir à Dubaï ;

–        du site Internet Aliqtisadi, consulté le 8 août 2019, qui comprend une page sur laquelle figure le curriculum vitae du requérant mentionnant qu’il a été directeur général d’ASM International General Trading, qu’il est un associé d’Aman Holding et qu’il a occupé différents postes à responsabilités, notamment celui de directeur exécutif et directeur général adjoint d’Aman Holding entre 2009 et 2011 et celui de directeur général adjoint d’Emmar Industries ; cette page mentionne également qu’il est impliqué dans diverses autres sociétés (Syrian Modern Cables JSC, District 6 Company et Easy Life) ;

–        du site Internet Shaam Times, du 9 mai 2019, selon lequel la société District 6 a été établie par le requérant, qui détient la majorité de son capital ;

–        du site Internet Emmar Syria, dont l’article du 7 avril 2019, intitulé « Aman Holding launches a new company in the field of investment complexes and hotels » (Aman Holding lance une nouvelle société dans le secteur des complexes d’investissement et de l’hôtellerie), indique qu’Aman Holding a acheté 1,5 million d’actions de la banque Syria International Islamic Bank, pour une valeur de 1,28 milliard de livres syriennes (SYP) (environ 2,58 millions d’euros), puis 8 949 842 et 592 250 actions de la banque Al Baraka Bank Syria, valant respectivement 8,3 milliards de SYP (environ 16,77 millions d’euros) et 841 millions de SYP (environ 1,2 million d’euros) ; il est également mentionné qu’Aman Holding est détenue par le requérant, le frère du requérant, Samer Foz, et leur père ; selon cet article, elle est active dans des projets industriels, agricoles, de services, commerciaux, touristiques et immobiliers ainsi que dans la création de sociétés par actions ou à responsabilité limitée avec d’autres parties ;

–        du site Internet Al Arabiya, dont l’article intitulé « US sanctions Syrian oligarch and his luxury reconstruction business empire » (Les États-Unis sanctionnent un oligarque syrien et son empire commercial de reconstruction de luxe), mis à jour, en dernier lieu, le 12 juin 2019, fait une description générale de l’empire commercial de la famille Foz et des liens entre le requérant et Samer Foz ; il y est également indiqué qu’Aman Holding est une entreprise familiale, dont Samer Foz est le président et directeur général, et qu’elle détient et contrôle une douzaine d’entreprises, qui bénéficient toutes personnellement à ce dernier et lui permettent d’investir davantage dans les luxueux projets de reconstruction du régime syrien ; selon cet article, ASM International General Trading est impliquée dans le commerce de céréales et de sucre et dans l’exploitation de champs pétrolifères ;

–        du site Internet de l’United States Department of the Treasury (département du Trésor des États-Unis d’Amérique), qui a publié, le 11 juin 2019, un communiqué de presse de l’« Office of Foreign Assets Control » (bureau de contrôle des avoirs étrangers) annonçant l’adoption de sanctions par les États-Unis d’Amérique à l’égard du requérant, de Samer Foz et de leur empire commercial ; le requérant y est décrit comme le directeur général d’ASM International General Trading et Samer Foz comme le président et directeur exécutif d’Aman Holding ; il y est indiqué qu’Aman Holding détient et contrôle une douzaine de sociétés en Syrie, qui permettent à Samer Foz de retirer des profits à titre personnel et de réinvestir dans le projet de reconstruction de luxe de Bashar Al-Assad, et qu’elle sert de société faîtière pour une douzaine de coentreprises et filiales dont, pour certaines d’entre elles, Samer Foz partage les parts et les obligations avec, notamment, le requérant, l’une d’entre elles étant ASM International General Trading, qui est impliquée dans le commerce de céréales et de sucre et dans l’exploitation de champs pétrolifères ; enfin, il y est mentionné que Samer Foz a récemment investi dans le secteur financier en acquérant des parts dans les banques Syria International Islamic Bank et Al Baraka Bank Syria et qu’il détient également le Four Seasons à Damas et le restaurant l’Orient club ;

–        du site Internet The Syria Report, lequel contient un article, publié le 19 avril 2018, intitulé « Factsheet: Samer Foz, Syria’s Most Powerful Businessman » (Résumé : Samer Foz, l’homme d’affaires le plus puissant de Syrie), qui mentionne que Samer Foz, le frère du requérant, est devenu un des plus puissants acteurs de l’économie syrienne, qu’il est soupçonné d’avoir des liens étroits avec Bashar Al-Assad et qu’il est chargé de la gestion quotidienne d’Aman Holding, qui a été fondée en 1988 par leur père, et des filiales d’Aman Holding (Foz for Trading et Al-Mohaimen for Transporting & Contracting) ; selon cet article, Samer Foz détient la majorité des parts de la coentreprise Emmar Industries et il en est le président ; l’article mentionne aussi qu’Aman Holding a créé Aman Dimashq, dotée d’un capital de 18,9 millions de dollars des États-Unis (USD) (environ 17,4 millions d’euros), et que cette coentreprise a été chargée de développer des projets de construction, dont le projet Marota City (Basateen Al-Razi, dans le district de Mazeeh, Damas), sur des terrains expropriés, sur lesquels vivaient des personnes qui étaient en faveur de l’opposition au régime syrien ; en particulier, il a été accordé à Aman Dimashq le droit de construire trois gratte-ciel devant compter jusqu’à 70 étages et cinq bâtiments résidentiels, d’une valeur de 312 millions d’USD (environ 287,8 millions d’euros) ; il est également signalé que Samer Foz a investi directement ou par le biais d’Aman Holding, dans de nombreux domaines et sociétés (notamment dans la pharmaceutique, dans la création d’une société afin de construire une raffinerie de sucre, dans l’hôtel Four Seasons et dans le restaurant l’Orient club) ; cet article indique, par ailleurs, que le transport de blé, notamment, dans les régions contrôlées par l’EIIL est opéré par la filiale d’Aman Holding, ce qui constitue un autre facteur révélateur de l’importance de Samer Foz aux yeux du régime syrien ; enfin, il est affirmé que, en raison de son réseau international, Samer Foz pourrait être plus influent que M. Rami Makhlouf ;

–        du site Internet The Syria Report, avec deux autres articles, l’un du 16 janvier 2018, intitulé « Syrian Investor Signs Deal Over [Basateen] Al-Razi Project » (Un investisseur syrien conclut un marché concernant le projet de [Basateen] Al-Razi), et l’autre du 1er juin 2018, intitulé « Factsheet: Marota City, Syria’s Most Controversial Investment Project » (Résumé : Marota City, le projet d’investissement le plus controversé de Syrie), dans lesquels il est mentionné que le projet de construction de la cité de luxe dénommée « Marota City » est soutenu par le régime syrien dans le cadre du décret no 66/2012, représente une superficie de 2,15 millions de mètres carrés et concerne une zone proche du centre-ville, des ambassades et des services de sécurité, ce qui le rend attractif aux yeux des promoteurs immobiliers ; en outre, selon ces articles, le frère du requérant, Samer Foz, est devenu l’un des acteurs économiques les plus puissants et son influence dans les plus hautes sphères de l’élite syrienne résulte de ses liens étroits avec Bashar Al-Assad ; enfin, la capture d’écran d’une liste de coentreprises, issue du même site Internet, publiée le 17 avril 2018, et les deux articles susvisés indiquent également qu’Aman Holding, gérée par Samer Foz, a créé la coentreprise Aman Dimashq ; en outre, il est indiqué qu’Aman Dimashq s’est vu accorder le droit de construire trois gratte-ciel devant compter jusqu’à 70 étages et cinq bâtiments résidentiels, d’une valeur de 312 millions d’USD (environ 278,1 millions d’euros) ;

–        du site Internet Factiva, qui décrit, sur une page consultée le 14 juin 2018, Aman Holding, créée en 1988 et comptant 50 employés, comme une entité ayant ses intérêts, à titre principal, dans le domaine des ponts et chaussées ainsi que, accessoirement, dans les secteurs des services, du conseil et de la gestion ;

–        du site Internet Arab News, dont l’article intitulé « US sanctions Syrian Businessman Samer Foz, entities for links to Assad » (Les États-Unis sanctionnent l’homme d’affaires syrien Samer Foz et ses entités en raison de ses liens avec Assad), mis à jour le 12 juin 2019, signale que des sanctions américaines ont été adoptées à l’égard du requérant et de son frère, Samer Foz, eu égard au fait qu’ils ont gagné des millions de livres syriennes en construisant des propriétés sur des terrains expropriés appartenant à des personnes ayant fui la guerre en Syrie ; il est indiqué que ces sanctions ont été imposées à l’égard d’Aman Holding et d’ASM International General Trading ainsi que de ses succursales dans tout le Moyen-Orient ; il est enfin mentionné qu’ASM International General Trading est impliquée dans le commerce de céréales et de sucre et l’exploitation de champs pétrolifères ;

–        du site Internet Reuters, qui indique, dans un article intitulé « Exclusive – [Bashar Al-]Assad allies profit from Syria’s lucrative food trade » (À la une – Les alliés de Bashar Al‑Assad bénéficient du commerce lucratif de denrées alimentaires syrien), publié le 14 novembre 2013, qu’Aman Holding agit pour le compte du régime syrien dans le commerce de grains ; en particulier, selon cet article, ledit groupe, dirigé par la famille Foz, mène une activité de courtage aux fins du commerce de céréales avec Hoboob, société détenue par l’État syrien ; il y est également mentionné que le site Internet d’Aman Holding confirme que ce groupe a importé du blé en Syrie en 2013, après quelques mois de perturbations dans l’acheminement de denrées alimentaires ;

–        du site Internet The Times, qui a publié, en juin 2019, un article intitulé « Samer Foz, tycoon who helps [Bashar Al-]Assad, uses [United Kingdom] firm for dealings » (Samer Foz, un magnat qui aide Bashar Al-Assad et recourt à des entreprises britanniques pour conclure des affaires), qui traite des sanctions américaines imposées à l’égard de Samer Foz et du requérant, en vue de supprimer les approvisionnements essentiels et les ressources financières du régime syrien ; selon l’article, les entreprises de Samer Foz continuent de fonctionner en dépit des sanctions européennes de gels de fonds qui lui ont été imposées en janvier 2019 ; enfin, l’article indique que la principale entreprise de Samer Foz, ASM International General Trading, est établie à Dubaï ;

–        du site Internet Visualize Me, qui contient une page dédiée au frère du requérant, Samer Foz, consultée le 8 août 2019, exposant son curriculum vitae, sur lequel il se désigne comme ayant été directeur général d’Aman Holding, avant de rejoindre, en 2012, ASM International General Trading, en qualité de président du comité exécutif ;

–        du site Internet Syrian Law Journal, qui, sur une page du 14 mai 2018, révèle que le décret no 66/2012 a établi les conditions de délimitation des zones de Damas qui seraient dédiées au projet Marota City ;

–        du site Internet du gouvernement syrien « 66.damascus.gov.sy », qui, sur une page datée du 18 septembre 2012, reproduit la partie du décret no 66/2012 identifiant les deux zones de Damas où sera réalisé un projet de développement résidentiel et commercial ;

–        du site Internet The Foundation for Strategic Research, qui, dans un article publié en avril 2018, expose les circonstances ayant guidé l’adoption du décret no 66/2012 ;

–        du site Internet The Syrian Observer, qui, dans un article publié le 6 avril 2018, intitulé « Alliance of Companies Monopolizes New Damascus Development Organizations » (L’alliance de sociétés monopolise les nouvelles organisations de développement de Damas), indique que des hommes et femmes d’affaires proches du régime syrien investissent dans les nouveaux projets de reconstruction impulsés par ce dernier à Damas ainsi que dans la banlieue de Damas ; selon cette source, ces hommes et femmes d’affaires seraient choisis par le régime en fonction de leur soumission, de leur loyauté et de leurs liens avec des marchés étrangers ;

–        du site Internet de la Brookings Institution, qui a publié un rapport daté du mois de juin 2018, intitulé « Beyond Fragility: Syria and the Challenges of Reconstruction in Fierce States » (Au-delà de la fragilité : la Syrie et les défis de la reconstruction dans les États violents), qui mentionne, notamment, le décret no 66/2012 adopté par le régime syrien et en précise la finalité ; en outre, il y est indiqué que Samer Foz, le frère du requérant, est le président-directeur général (P-DG) ou directeur général d’Aman Holding et qu’il est devenu durant la guerre un des hommes d’affaires les plus influents et puissants en Syrie, à tel point qu’il est appelé le « nouveau Rami Makhlouf » ;

–        du site Internet de l’Atlantic Council, qui, dans un article publié le 7 mars 2018 et signé par Joseph Daher, intitulé « Decree [66/2012] and the Impact of its National Expansion » (Le décret no 66/2012 et ses effets sur l’expansion nationale), décrit le frère du requérant, Samer Foz, comme un homme d’affaires proche du régime syrien, impliqué dans le projet Marota City et devenu l’un des plus puissants hommes d’affaires de Syrie pendant les années de guerre ;

–        du site Internet Eqtsad News, qui, dans un article publié le 14 janvier 2018 et intitulé « You know them… Big businessmen are sharing a project behind Al-Razi » (Vous les connaissez, ces hommes d’affaires partagent un projet situé derrière Al-Razi), décrit le projet Marota City comme un projet appuyé par le régime syrien au moyen duquel ce dernier soutient les hommes et femmes d’affaires qui lui sont loyaux ; l’un d’entre eux, Samer Foz, le frère du requérant, a signé un contrat impliquant un investissement d’un montant de 150 milliards de SYP dans la construction de plusieurs immeubles ;

–        du site Internet News Deeply, qui indique, dans un article publié le 5 juin 2017 et intitulé « Long Read: Elites, War profiteers Take Aim at Syria’s Economic Future » (Analyse approfondie : Les profiteurs de guerre s’en prennent à l’avenir de la Syrie), que seules les élites profitent de la situation économique actuelle ; en particulier, Aman Holding, dirigée par Samer Foz, a annoncé avoir créé Aman Dimashq afin de construire plusieurs immeubles sur des terrains expropriés dans le quartier de Mazeeh à Damas ;

–        du site Internet Open Democracy, qui, dans un article publié le 5 septembre 2017 et intitulé « Militias and crony capitalism to hamper Syria reconstruction » (Les milices et l’affairisme entravent la reconstruction de la Syrie), mentionne qu’Aman Holding, possédée et dirigée par Samer Foz, a bénéficié de l’application du décret no 66/2012 et annoncé sa participation à la reconstruction de Basateen Al-Razi, dans le quartier de Mazeeh à Damas, et qu’Aman Dimashq a été établie par Aman Holding afin de mener à bien ce projet.

97      Ensuite, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes figurant aux annexes des actes de maintien de 2021, le Conseil a fourni, en plus du document WK 1751/2020 INIT, le document WK 4361/2021 INIT, comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des captures d’écran du site Internet Pro-justice, contenant un rapport intitulé « Funding War Crimes, Syrian Businessmen who kept Assad going » (Le Financement de crimes de guerre, les hommes d’affaires syriens qui ont permis à Assad de poursuivre son œuvre). Il s’agit de l’édition de 2020, consultée le 26 mars 2021. En substance, ce rapport mentionne que le requérant a mis en œuvre un certain nombre de projets commerciaux, notamment dans la zone Adra al-Ummaliyya (dans la banlieue de Damas). Ces projets incluent une usine fabriquant des câbles et des accessoires de câbles ainsi qu’un projet de production d’électricité à l’aide de l’énergie solaire. Par ailleurs, ledit rapport indique que le requérant et son frère ont également mené diverses activités avec l’EIIL au nom du régime syrien, y compris la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile, ce qu’un dirigeant de l’EIIL a confirmé, activités qui ont eu lieu lorsque l’EIIL contrôlait tout l’est de la Syrie. Par la suite, le requérant est devenu le directeur général d’ASM International General Trading et du groupe Aman Holding (contrôlé par son frère, Samer Foz). En outre, il est un actionnaire fondateur de plusieurs sociétés, dont al Buna al-Ra’ida (active dans la construction de câbles et de granulés de plastiques, dont il détient 70 % des parts), et est l’un des membres du conseil d’administration et actionnaire fondateur de Syrian Cable Company. De plus, des sources indiquent que le requérant bénéficie d’un tiers de la valeur des contrats mis en œuvre par son frère pour le compte du régime syrien en raison du fait qu’il détient des parts d’Aman Holding, ayant mis en œuvre un certain nombre de projets colossaux par le passé. Enfin, le même rapport indique que la famille Foz possède des intérêts dans de multiples secteurs de l’économie syrienne et à l’extérieur de la Syrie, énumérés dans le rapport. Par ailleurs, le Conseil a fourni, dans le document WK 4361/2021 INIT, des copies du passeport du requérant et de son attestation de résidence aux Émirats arabes unis.

 Sur la pertinence des éléments de preuve soumis par le Conseil

98      Le requérant conteste la pertinence de l’article du site Internet The Syria Report intitulé « Factsheet: Samer Foz, Syria’s Most Powerful Businessman », de l’article du site Internet Reuters et de la page du site Internet Visualize Me en ce que les informations qui y sont contenues ne mentionnent pas son nom, mais celui de Samer Foz.

99      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

100    Il importe de relever que 10 éléments de preuve sur 24, issus des sites Internet The Syria Report, Syrian Law Journal, « 66.damascus.gov.sy », The Foundation for Strategic Research, Eqtsad News, News Deeply et Open Democracy et des sites Internet de la Brookings Institution et de l’Atlantic Council ne mentionnent pas le nom du requérant.

101    Cependant, ainsi qu’il ressort du point 46 ci-dessus, le requérant a vu son nom être inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, notamment, de son lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives, à savoir son frère, Samer Foz. Or, comme le soutient le Conseil, les sites Internet The Syria Report, Reuters et Visualize Me notamment fournissent le contexte dans lequel la désignation de l’intéressé est intervenue, en particulier eu égard au rôle que lui et sa famille jouent dans l’économie syrienne. De plus, certains des sites Internet mentionnés au point 100 ci-dessus contiennent des informations relatives au projet Marota City. Or, la participation du requérant à ce projet, par l’intermédiaire d’Aman Holding, est également mentionnée dans les motifs de 2020. Ainsi, conformément à la jurisprudence rappelée au point 76 ci-dessus, et bien que ces éléments de preuve, pris séparément, ne puissent permettre de justifier à eux seuls le bien-fondé de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur lesdites listes, cette circonstance n’est pas de nature à leur retirer toute pertinence dans l’examen de la légalité des actes susvisés, dans la mesure où ils sont susceptibles de donner des informations contextuelles de nature à compléter et à renforcer les autres éléments de preuve mentionnant plus spécifiquement le requérant.

102    Il ressort de ce qui précède que tous les éléments de preuve contenus dans le document WK 1751/2020 INIT sont pertinents pour apprécier la légalité des actes attaqués.

 Sur la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil

103    Premièrement, le requérant soutient que, à la lecture du document WK 1751/2020 INIT, il apparaît que le Conseil s’est fondé sur de nombreuses informations non vérifiées, fausses ou obsolètes, s’agissant notamment d’Aman Holding et d’ASM International General Trading. Deuxièmement, il fait valoir que le site Internet Aliqtisadi est une « plateforme média » informelle fournissant des informations en continu relatives aux entreprises établies, notamment, aux Émirats arabes unis et en Syrie. Ce site Internet ne serait pas équivalent à un registre de commerce. À ce titre, les informations qu’il contient devraient être traitées avec beaucoup de prudence. Elles seraient d’ailleurs erronées, dépassées et peu fiables. Troisièmement, s’agissant du site Internet « about.me », le requérant soutient qu’aucune règle ne l’oblige à mettre à jour les informations de ses profils qui sont publiées sur les réseaux sociaux et qui ont été utilisées par le Conseil. Quatrièmement, il conteste la fiabilité des informations contenues sur le site Internet Pro-justice, au motif que celles relatives à ASM International General Trading et Aman Holding sont obsolètes, ainsi que le Conseil l’aurait admis, au moins de manière implicite, dans ses écritures, en reconnaissant qu’il avait cédé ses actions dans l’une des sociétés et liquidé l’autre.

104    Le Conseil conteste les arguments du requérant. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal, il fait remarquer que certaines sources ont été précédemment invoquées devant le Tribunal. Par ailleurs, il reproduit des informations générales, publiquement accessibles, concernant le réseau social Twitter, les sites Internet « about.me », Resumonk, LinkedIn, Aliqtisadi, Shaam Times, Emmar Syria, Al Arabiya, The Syria Report, Factiva, Arab News, Reuters, The Times, Syrian Law Journal, The Foundation for Strategic Research, The Syrian Observer, Eqtsad News, News Deeply, Open Democracy et Pro-justice et les sites Internet de la Brookings Institution et de l’Atlantic Council ainsi que concernant le site Internet de l’United States Department of the Treasury.

105    Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 161 et jurisprudence citée).

106    En outre, il y a lieu de rappeler que la situation de guerre en Syrie rend en pratique difficile, voire impossible, le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées. Les difficultés d’investigation qui s’ensuivent et le danger auquel s’exposent ceux qui livrent des renseignements font obstacle à ce que des sources précises faisant état de comportements personnels de soutien au régime soient apportées (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46, et conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires Anbouba/Conseil, C‑605/13 P et C‑630/13 P, EU:C:2015:2, point 204).

107    Premièrement, il convient d’examiner l’argument du requérant selon lequel le Conseil s’est fondé sur de nombreuses informations non vérifiées, fausses ou obsolètes, notamment celles concernant la cession des parts du requérant dans Aman Holding et celles relatives à la liquidation et à la dissolution d’ASM International General Trading contenues dans le document WK 1751/2020 INIT. Les informations relatives à ces deux événements ressortent des sites Internet « about.me », Resumonk, LinkedIn, Aliqtisadi, Emmar Syria, The Times, News Deeply, Open Democracy et de celui de l’United States Department of the Treasury. Ainsi qu’il ressort de la description des éléments de preuve soumis par le Conseil (voir point 96 ci-dessus), ces sites Internet ont été consultés (ou l’information qui y est contenue publiée) entre le 7 avril 2019 et le 8 août 2019, ce qui n’est pas contesté par le requérant. Or, il reste en défaut d’expliquer en quoi l’absence de mise à jour des articles dont il essaie de se prévaloir pour étayer son argument les priverait de tout caractère sensé et fiable. En tout état de cause, il ne saurait être reproché à des articles de presse, dont la fonction est d’informer de l’existence d’une situation à un instant déterminé, de ne pas être mis à jour. En effet, si la situation évolue, elle peut faire l’objet d’un nouvel article de presse. Par conséquent, en l’absence d’explications plus détaillées de la part du requérant, l’absence de mise à jour de telles sources n’est pas un critère pertinent pour en apprécier le caractère sensé et fiable. Par ailleurs, ces faits sont rapportés sur de nombreux sites Internet, de sorte que les informations qui y sont relatives se corroborent.

108    Par ailleurs, le requérant se prévaut de l’absence d’obligation de mise à jour des informations contenues sur le site Internet « about.me » pour démontrer le caractère obsolète des informations qui y sont contenues. À cet égard, il convient de constater que ledit site Internet est décrit par le Conseil comme étant une simple page Internet permettant à ses utilisateurs, comme le requérant, d’insérer des liens vers des sites externes, dont ceux relatifs aux sites Internet de réseaux sociaux tels que LinkedIn. Or, au préalable, le requérant ne soutient pas ne pas être l’utilisateur de cette page Internet. Certes, il convient de reconnaître qu’aucune obligation ne pèse sur l’utilisateur, et donc sur le requérant, de mettre à jour les informations le concernant. Toutefois, le requérant ne peut pas en tirer argument pour reprocher au Conseil de s’être fondé sur de telles informations. En tout état de cause, les informations contenues sur ce site Internet sont corroborées par celles issues, d’une part, des sites Internet Aliqtisadi ainsi que de l’United States Department of the Treasury et, d’autre part, des sites Internet relatifs à des pages personnelles de réseaux sociaux, tels que Resumonk et LinkedIn, qui contiennent le curriculum vitae et une photographie du requérant. Or, les informations issues de ces sites Internet n’ont pas été précisément contestées par le requérant.

109    Dès lors, ces sites Internet peuvent être considérés comme sensés et fiables au sens de la jurisprudence mentionnée au point 105 ci-dessus.

110    Deuxièmement, s’agissant de l’argument du requérant relatif au site Internet Aliqtisadi, il convient de constater qu’il se contente de remettre en cause la fiabilité de la capture d’écran par des affirmations générales et non étayées en faisant valoir que les informations sont erronées, dépassées et peu fiables. En tout état de cause, il convient de constater que ce site Internet est décrit par les parties comme étant « un portail d’information économique qui couvre plusieurs pays », publié par Haykal Media, établi à Abu Dhabi (Émirats arabes unis). À cet égard, il n’est pas décrit par le Conseil comme étant équivalent à un registre de commerce, de sorte qu’il convient de croiser l’information qu’il contient avec d’autres informations. Or, les informations qui figurent sur ledit site Internet sont corroborées par d’autres éléments de preuve. Il y a lieu, dès lors, de reconnaître à ce document un caractère sensé et fiable au sens de la jurisprudence citée au point 105 ci-dessus.

111    Troisièmement, s’agissant des informations contenues sur le site Internet Pro-justice, le requérant ne conteste pas que le rapport en cause a été édité en 2020. Or, en ce qui concerne, d’une part, l’information relative à Aman Holding, l’année 2020 correspond à l’année au cours de laquelle le requérant soutient avoir cédé ses parts dans Aman Holding (2 avril 2020). Ainsi, la date de la cession des parts et l’année d’édition du rapport coïncident, ce qui peut signifier que soit ledit rapport n’a pas pu être mis à jour pour tenir compte de cet événement, soit la cession n’avait pas encore eu lieu au moment où ce rapport a été publié. En ce qui concerne, d’autre part, l’information relative à ASM International General Trading, il convient de tirer une conclusion analogue, en ce que la date de liquidation et de dissolution de la société coïncide avec la date d’édition du rapport en question (voir point 149 ci-après). Il convient de reconnaître que les informations relatives à ASM International General Trading et à Aman Holding ne sont plus à jour. Toutefois, le requérant n’a pas démontré le caractère obsolète des autres informations contenues dans ce rapport. Or, l’ensemble de ces informations a été corroboré par d’autres articles, issus, notamment, du site Internet Emmar Syria. Dès lors, il convient de reconnaître au rapport concerné un caractère sensé et fiable au sens de la jurisprudence rappelée au point 105 ci-dessus.

112    Au vu de ce qui précède, en l’absence d’élément dans le dossier susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, il convient de reconnaître aux documents en cause un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 105 ci-dessus.

 Sur le lien du requérant avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives

–       Sur la portée du critère d’inscription

113    Il ressort, en substance, des motifs de 2020 et de 2021, rappelés aux points 14 et 25 ci-dessus, que le nom du requérant a été inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, notamment, de ses intérêts commerciaux familiaux et de son association avec son frère, Samer Foz, qui figure sur lesdites listes depuis janvier 2019.

114    En premier lieu, selon le requérant, son frère, Samer Foz, contesterait l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause dans le cadre du recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑258/19. En outre, Samer Foz aurait introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑481/21, visant l’annulation des actes de maintien de 2021 en ce qui le concerne.

115    À cet égard, il importe de rappeler que le contrôle exercé par le Tribunal dans la présente affaire ne peut porter que sur le bien-fondé de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et ne saurait donc remettre en cause la légalité des décisions par lesquelles le Conseil a inscrit le nom de son frère, Samer Foz, sur lesdites listes (voir, en ce sens, arrêt du 11 mai 2017, Barqawi/Conseil, T‑303/15, non publié, EU:T:2017:328, point 42). En l’occurrence, ce dernier a vu son nom être inscrit et maintenu sur ces listes par la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2019, L 18 l, p. 13), la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255 (JO 2019, L 132, p. 36), et les décisions 2020/719 et 2021/855 ainsi que par le règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 18 1, p. 4), le règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 132, p. 1), et les règlements d’exécution 2020/716 et 2021/848. En particulier, il a été inscrit en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et de son association avec le régime syrien.

116    En tout état de cause, d’une part, il ressort de l’arrêt du 24 novembre 2021, Foz/Conseil (T‑258/19, non publié, EU:T:2021:820, point 154), que, s’agissant de la décision d’exécution 2019/87, des décisions 2019/806 et 2020/719 et des règlements d’exécution 2019/85, 2019/798 et 2020/716, Samer Foz n’a pas établi devant le Tribunal que ces actes, inscrivant et maintenant son nom sur les listes en cause, devaient être annulés. D’autre part, s’agissant des actes de maintien de 2021, selon une jurisprudence constante, la présomption de légalité des actes des institutions de l’Union implique que ceux-ci produisent des effets juridiques aussi longtemps qu’ils n’ont pas été retirés, annulés dans le cadre d’un recours en annulation ou déclarés invalides à la suite d’un renvoi préjudiciel ou d’une exception d’illégalité (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 74 et jurisprudence citée). Par ailleurs, les effets des actes de maintien de 2021 à l’égard de Samer Foz n’ont pas été suspendus à la suite d’une demande de mesures provisoires. Dès lors, l’ensemble des actes par lesquels le nom de Samer Foz a été inscrit et maintenu sur lesdites listes continuent de produire des effets juridiques.

117    En second lieu, en réponse à une mesure d’organisation de la procédure adoptée par le Tribunal, le requérant soutient que, pour établir son association avec Samer Foz au sens du critère du lien avec une personne visée par les mesures restrictives, seule une association commerciale devrait être retenue, à l’exclusion de liens de fraternité. En outre, il indique que l’association avec Samer Foz ne constitue pas un des critères d’inscription prévus à l’article 28, paragraphe 2, sous a) à g), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, étant donné que le nom de Samer Foz ou de tout autre membre de la famille Foz n’y figurerait pas. Le Conseil soutient qu’il ressort de son dossier que le requérant et Samer Foz sont étroitement liés sur le plan professionnel.

118    À cet égard, les motifs d’inscription de 2020  et de 2021 par lesquels le Conseil a estimé qu’il existait un lien entre le requérant et son frère, Samer Foz, ne se limitent pas exclusivement à leurs liens familiaux, mais portent également sur leurs liens d’affaires. D’ailleurs, le Conseil ne soutient pas que l’appartenance à la famille Foz soit un critère d’inscription autonome, à la différence de l’appartenance aux familles Al-Assad ou Makhlouf, qui constitue un critère autonome, prévu en tant que tel par l’article 27, paragraphe 2, sous b), et l’article 28, paragraphe 2, sous b), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel de fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous b), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828. Dès lors, dans le cadre de l’examen du critère du lien avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives, l’existence de ce lien fraternel doit être examinée comme un élément factuel.

119    Cela étant précisé, il importe désormais de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve produits par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 73 ci-dessus, et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

120    À cet égard, il ressort des motifs de 2020 et de 2021 que le Conseil a considéré que le requérant était lié à son frère, Samer Foz, en raison de leurs activités au sein d’Aman Holding et d’ASM International General Trading. En outre, concernant les motifs de 2021, le nom du requérant a été également maintenu sur les listes en cause en raison de l’existence de liens d’affaires dans un certain nombre de projets commerciaux et dans diverses activités avec l’EIIL menées au nom du régime syrien. Il convient, dès lors, d’examiner chacun de ces éléments séparément.

–       Sur les intérêts commerciaux familiaux du requérant au sein d’Aman Holding

121    En premier lieu, le requérant et son frère, Samer Foz, sont impliqués au sein d’Aman Holding, entreprise familiale créée en 1988 par leur père. À cet égard, il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant des sites Internet Aliqtisadi, Emmar Syria ainsi que The Syria Report et, s’agissant des actes de maintien de 2021, du site Internet Pro-justice, que le requérant et son frère sont actionnaires fondateurs d’Aman Holding, ce qui est confirmé par l’article 6 des statuts de la société produits par le requérant. Selon le site Internet Emmar Syria, le requérant et son frère détiennent chacun 33,3 % de ses actions, ce qui est confirmé par l’article 8 desdits statuts. Le père du requérant est aussi un actionnaire fondateur de la société. Enfin, le requérant confirme entretenir un lien commercial qu’il qualifie de « distant » avec Aman Holding.

122    Par ailleurs, il ressort des documents WK 1751/2020 INIT et WK 4361/2021 INIT que le requérant et son frère, Samer Foz, occupent ou ont occupé des postes à responsabilités au sein d’Aman Holding. Selon les sites Internet Resumonk et Aliqtisadi, le requérant a occupé un poste de directeur général adjoint de janvier 2009 à décembre 2011, ce qu’il confirme dans ses écritures. Par ailleurs, Samer Foz dirige Aman Holding, ainsi que le démontrent les sites Internet Al Arabiya, Visualize Me, The Syria Report et ceux de la Brookings Institution et de l’United States Department of the Treasury. Cet élément est confirmé, en substance, par le requérant.

123    En deuxième lieu, Aman Holding possède un poids non négligeable dans l’économie syrienne, comme le démontrent les sites Internet Al Arabiya et de l’United States Department of the Treasury qui qualifient Aman Holding d’« empire commercial ».

124    Premièrement, il s’agit d’une entreprise familiale développant des activités dans de nombreux secteurs. Plus précisément, les sites Internet Emmar Syria, Al Arabiya, The Syria Report, Factiva, Arab News, Reuters, News Deeply et de l’United States Department of the Treasury mentionnent que les entreprises faisant partie d’Aman Holding développent des activités dans les domaines de la construction, en participant au projet Marota City par l’intermédiaire de la coentreprise Aman Dimashq, des denrées alimentaires, grâce, notamment, à sa participation au marché du blé et à la création d’une société pour la construction d’une raffinerie de sucre qui aurait une licence exclusive pour la production de ce produit, du tourisme, avec la détention de 55 % des parts de l’hôtel Four Seasons à Damas, de l’assemblage automobile, grâce à la signature de contrats avec plusieurs fabricants d’automobiles réputés, et des produits pharmaceutiques. Cet élément est, en substance, confirmé par le requérant.

125    Deuxièmement, selon les sites Internet de l’United States Department of the Treasury, Al Arabiya et The Syria Report, Aman Holding possède un certain nombre de participations dans plusieurs autres sociétés, dont une « douzaine » en Syrie, telles que les sociétés MENA et Al-Mohaimen, une usine pharmaceutique, la coentreprise Emmar Industries, l’hôtel Four Seasons à Damas et le restaurant-salle de danse l’Orient club.

126    En troisième lieu, Aman Holding mène plusieurs projets commerciaux importants. Premièrement, les sites Internet Emmar Syria et de l’United States Department of the Treasury indiquent qu’Aman Holding a investi dans le secteur financier en acquérant, d’une part, 1,5 million d’actions de la banque Syria International Islamic Bank (pour une valeur de 1,28 milliard de SYP) et, d’autre part, 8 949 842 actions, puis 592 250 actions de la banque Al Baraka Bank Syria (pour une valeur de 8,3 milliards et 841 millions de SYP).

127    Deuxièmement, Aman Holding est également impliquée dans le projet Marota City. Il peut être conclu, à la lecture des articles provenant des sites Internet The Syria Report, Syrian Law Journal, News Deeply et Open Democracy, tout d’abord, qu’Aman Holding a créé la coentreprise Aman Dimashq, ce qui est d’ailleurs confirmé par le requérant, et, ensuite, qu’Aman Dimashq est dotée d’un capital de 18,9 millions d’USD et a été créée afin de construire plusieurs immeubles dans le cadre du projet Marota City. En particulier, selon le site Internet The Syria Report, Aman Dimashq s’est vu accorder le droit de construire trois gratte-ciel de 70 étages et cinq bâtiments résidentiels. Enfin, le montant de l’investissement d’Aman Dimashq s’élève à 312 millions d’USD. Par ailleurs, il ressort des sites Internet The Syria Report, Syrian Law Journal, The Foundation for Strategic Research, The Syrian Observer, de la Brookings Institution, de l’Atlantic Council, Eqtsad News, News Deeply et Open Democracy qu’il s’agit d’un projet immobilier de grande ampleur soutenu par le régime syrien et mené sur des terrains expropriés dans Basateen Al-Razi, dans le district de Mazeeh, à Damas. Cette zone s’étend sur une superficie de 2,15 millions de mètres carrés et est située près du centre de la ville de Damas, des ambassades et des services de sécurité, ce qui la rend attractive aux yeux des promoteurs immobiliers. Ledit projet comprend la construction de gratte-ciel, de 12 000 unités résidentielles avec une capacité de logement pour 60 000 personnes et d’établissements commerciaux et de loisirs. Il y a lieu de constater que ces éléments sont, en substance, confirmés par les éléments de preuve produits par le requérant, en particulier par la « brochure illustrée sur [ce projet] et sur le quartier Basateen Al-Razi ».

128    En quatrième lieu, il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant des sites Internet LinkedIn, Aliqtisadi et The Syria Report, que le requérant a travaillé au sein d’Emaar Industries pendant 15 ans avant de s’établir à Dubaï et que son frère y occupe le poste de président. Emaar Industries est une coentreprise d’Aman Holding, ainsi qu’il ressort du site Internet The Syria Report. Le requérant n’a pas contesté ces éléments.

129    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le requérant est lié à son frère, Samer Foz, en raison de son statut d’actionnaire fondateur d’Aman Holding, société ayant de nombreuses activités dans différents secteurs de l’économie syrienne.

130    Le requérant avance plusieurs arguments afin de remettre en cause cette conclusion.

131    En premier lieu, le requérant conteste être un actionnaire d’Aman Holding en ce qu’il aurait cédé ses parts de manière définitive et irrévocable. Dans la réplique, il produit, à cet égard, un contrat de vente du 2 avril 2020 par lequel il aurait cédé les actions qu’il détenait dans Aman Holding à A (ci-après le « contrat de vente du 2 avril 2020 »), une lettre du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien du 22 novembre 2020 attestant de la nouvelle composition de l’actionnariat d’Aman Holding (ci-après la « lettre du 22 novembre 2020 ») ainsi que le certificat d’enregistrement d’Aman Holding daté du 3 décembre 2020 (ci-après le « certificat d’enregistrement »).

132    Au préalable, il convient de relever que, ainsi que le soutient le Conseil dans la duplique, le contrat de vente du 2 avril 2020 constitue un élément de preuve irrecevable à l’appui de la contestation des actes initiaux et des actes de maintien de 2020, en ce que ce contrat porte une date antérieure à la date d’introduction de la requête et du premier mémoire en adaptation. Or, conformément à l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure du Tribunal, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires, mais les parties peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Lors de l’audience, le requérant n’a avancé aucun argument permettant de justifier la présentation tardive de cet élément de preuve. Dès lors, ledit contrat constitue un élément de preuve irrecevable au soutien de la critique des actes initiaux et des actes de maintien de 2020.

133    S’agissant des actes initiaux et des actes de maintien de 2020, la lettre du 22 novembre 2020 et le certificat d’enregistrement, attestant de la nouvelle répartition de l’actionnariat d’Aman Holding au bénéfice de A, portent une date postérieure à la date d’adoption de ces actes, soit, respectivement, le 17 février et le 28 mai 2020. Par ailleurs, le requérant reconnaît que les formalités relatives à la déclaration officielle de la cession des actions achevant la procédure légale ont été finalisées le 7 octobre 2020, c’est-à-dire postérieurement à l’adoption desdits actes.

134    Or, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée).

135    Par conséquent, s’agissant des actes initiaux et des actes de maintien de 2020, la cession des parts d’Aman Holding détenues par le requérant étant postérieure à l’adoption de ces actes, elle ne saurait remettre en cause leur légalité.

136    En revanche, s’agissant des actes de maintien de 2021, les trois éléments de preuve présentés par le requérant et rappelés aux points 131 et 132 ci-dessus sont antérieurs à la date d’adoption desdits actes, soit le 27 mai 2021.

137    Ainsi, concernant les actes de maintien de 2021, le requérant a valablement démontré qu’il avait cédé ses parts dans Aman Holding à A antérieurement à la date d’adoption de ces actes. Il ressort également de la lettre du 22 novembre 2020 que le requérant n’occupe pas, à la suite de la cession de ses parts, de poste à responsabilités au sein d’Aman Holding. Il en résulte que, pour les actes de maintien de 2021, le Conseil ne pouvait se prévaloir de la participation du requérant dans Aman Holding pour établir un lien entre lui et Samer Foz.

138    En deuxième lieu, le requérant conteste être impliqué activement dans Aman Holding, en faisant valoir qu’il est uniquement actionnaire fondateur « sur [le] papier » pour assurer une protection juridique de la propriété des avoirs familiaux en cas de décès d’un des actionnaires fondateurs. Il allègue qu’il ne s’est pas comporté comme un actionnaire et n’a jamais exercé les prérogatives théoriques qui y sont liées étant donné, tout d’abord, qu’il n’était plus présent en Syrie, ensuite, qu’il ne gérait et ne suivait pas les activités de la société dirigée par son frère et ne s’y intéressait pas, en outre, qu’il a été « convenu » qu’il ne percevrait pas de dividendes ou de bénéfices d’Aman Holding et, enfin, qu’il céderait ultérieurement les parts qu’il possédait.

139    Il convient de constater que, ce faisant, le requérant ne conteste pas, en substance, être un actionnaire fondateur d’Aman Holding, mais seulement jouir des prérogatives qui seraient liées à ce statut. Or, le requérant n’apporte aucun élément concret permettant d’étayer son allégation. Au contraire, il convient de constater que l’article 6 des statuts d’Aman Holding, produits par le requérant, n’établit pas de catégories d’actionnaires fondateurs différentes. De plus, comme le relève le Conseil, le requérant ne se fonde sur aucune autre disposition desdits statuts afin d’étayer son propos. En outre, concernant l’allégation du requérant selon laquelle il a accepté de ne pas percevoir de dividendes ou de bénéfices de la société, d’une part, il n’a produit aucune preuve susceptible de le démontrer et, d’autre part, l’article 59 des statuts, intitulé « Net profit distribution » (distribution des bénéfices), ne transcrit pas qu’une telle décision ait été effectivement prise. En revanche, il ressort du site Internet Pro-justice, en substance, que le requérant bénéficie d’un tiers de la valeur des contrats mis en œuvre par Samer Foz pour le compte du régime syrien en raison du fait qu’il détient des parts d’Aman Holding, laquelle a mené un certain nombre de projets colossaux. Par conséquent, en ce qui concerne les actes initiaux et de maintien de 2020, le requérant n’est pas parvenu à remettre en cause le constat qu’il est impliqué dans Aman Holding et qu’il est susceptible de tirer profit des activités de cette société.

140    En troisième lieu, le requérant soutient que l’importance économique, industrielle et commerciale d’Aman Holding a diminué, en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 et des sanctions imposées par les États-Unis d’Amérique et par l’Union à l’égard de Samer Foz. Selon lui, de nombreux projets et activités ont été complètement arrêtés ou fonctionnent à une capacité minimale. Il ajoute qu’Aman Holding a suspendu tout nouvel investissement et que de nombreux emplois sont menacés. Toutefois, il n’a produit aucun élément de preuve visant à étayer ces allégations ni précisé quelles activités des entreprises d’Aman Holding, en particulier, auraient diminué ou se seraient arrêtées. Dès lors, il convient d’écarter cet argument.

141    En quatrième lieu, le requérant conteste qu’Aman Holding contrôle les banques Syria International Islamic Bank et Al Baraka Bank Syria en ce que les « chiffres » relatifs au nombre et à la valeur de la participation dans ces deux banques seraient erronés. Il soutient que les « très modestes participations » acquises dans ces banques ne l’ont été qu’à des fins de négociations dans le but de réaliser des plus-values à court ou moyen terme, mais jamais dans le but de contrôler lesdites institutions en tant qu’actionnaire minoritaire. En outre, ces banques ne seraient pas des filiales d’Aman Holding.

142    À cet égard, il importe de constater, premièrement, que le requérant ne conteste pas l’existence de participations, mais plutôt leurs objectifs, deuxièmement, qu’il n’étaye pas, en ce sens, ses allégations et, troisièmement, que ces participations, s’élevant à 1,28 milliard, 8,3 milliards et 841 millions de SYP, ne peuvent pas être qualifiées de « modestes ». Dès lors, il convient de rejeter son argument.

143    En cinquième lieu, pour le surplus, le requérant conteste être directement ou indirectement impliqué dans le projet Marota City. Or, il y a lieu de relever que, selon les motifs de 2020, l’adoption des actes initiaux et des actes de maintien de 2020 se fonde, notamment, sur les « intérêts commerciaux personnels et familiaux [du requérant] et [sur le fait qu’il exerce] ses activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, notamment au travers d’Aman Holding par l’intermédiaire de laquelle [il] participe à la construction de Marota City ». En d’autres termes, il n’est pas affirmé, dans les motifs de 2020, qu’il a une implication directe dans ce projet. Par ailleurs, il ressort des points 127  et 139 ci-dessus qu’Aman Holding est impliquée dans la coentreprise Aman Dimashq, qui met en œuvre ledit projet. Par conséquent, le requérant, en tant qu’actionnaire fondateur, est bien impliqué dans le projet en question. Partant, cet argument doit être rejeté.

144    Dès lors, il y a lieu de conclure que, concernant les actes initiaux et les actes de maintien de 2020, le Conseil a suffisamment étayé le lien entre le requérant et Samer Foz, en raison de leurs liens d’affaires au sein d’Aman Holding. En revanche, leurs liens d’affaires au sein de cette société ne sont pas suffisamment étayés s’agissant des actes de maintien de 2021.

–       Sur ses intérêts commerciaux familiaux au sein d’ASM International General Trading

145    Il ressort des indications figurant sur les sites Internet de l’United States Department of the Treasury, « about.me », Resumonk, LinkedIn et Aliqtisadi que le requérant est directeur général d’ASM International General Trading depuis 2012, établie à Dubaï. Ce dernier ne le conteste pas.

146    De plus, selon les sites Internet de l’United States Department of the Treasury et Arab News, ASM International General Trading est une coentreprise d’Aman Holding. Le site Internet The Times  indique qu’ASM International General Trading représente l’activité principale du frère du requérant, Samer Foz, alors que les sites Internet de l’United States Department of the Treasury et Visualize Me précisent que Samer Foz y occupe un poste à responsabilités. Enfin, l’implication de Samer Foz est confirmée par les éléments de preuve produits par le requérant.

147    À cet égard, le requérant soutient que le fait que lui et son frère soient associés en tant qu’actionnaires dans ASM International General Trading est une « allégation absurde », puisque cette société a été liquidée et dissoute le 26 mars 2019. Au soutien de son propos, il produit un ensemble de pièces relatives à ladite société. En particulier, il s’agit, premièrement, d’un procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 26 mars 2019, deuxièmement, d’un certificat de liquidation du 21 juillet 2019, troisièmement, de quatre « avis », datés du 22 juillet 2019, et, quatrièmement, d’un certificat du 25 février 2020 annulant la licence commerciale. En substance, il conteste la pertinence de la date retenue par le Conseil, à savoir le 25 février 2020, qui est indiquée dans ce dernier certificat, lequel constituerait une autre formalité administrative qui, chronologiquement, ferait suite à la liquidation et à la dissolution d’une société en tant que personne morale.

148    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 134 ci-dessus, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté.

149    Il y a lieu, dès lors, de déterminer la date à laquelle ASM International General Trading a été dissoute et liquidée. À cet égard, contrairement à ce que soutient le requérant, il convient de retenir la date du 25 février 2020. En effet, tout d’abord, rien n’indique que la formalité administrative relative à l’annulation de la licence commerciale ne soit pas une formalité supplémentaire requise dans le cadre de la procédure de liquidation et de dissolution de cette société. À cet égard, le requérant a produit, à l’appui de son propos, le certificat du 25 février 2020 annulant la licence commerciale avec l’ensemble des pièces mentionné au point 147 ci-dessus sans préciser qu’il s’agissait d’une procédure administrative distincte de celle devant aboutir à la dissolution et à la liquidation de la société, ni présenter le déroulement chronologique des formalités administratives nécessaires à la dissolution et à la liquidation d’une société aux Émirats arabes unis. Ensuite, il ressort, en substance, de l’analyse de cet ensemble de pièces que l’assemblée générale d’ASM International General Trading a pris la décision de liquider la société en mars 2019. Néanmoins, il apparaît que la procédure de liquidation et de dissolution a été pendante après cette date, ainsi que le démontrent, d’une part, les quatre avis, datés du 22 juillet 2019, indiquant l’entrée en vigueur d’un délai de grâce de 45 jours à compter de leur date d’émission et, d’autre part, le contenu du certificat de liquidation d’ASM International General Trading, du 21 juillet 2019. Ce dernier certificat atteste que le département du développement économique émirati a entamé la procédure de dissolution de la société en enregistrant dans le registre du commerce émirati la désignation d’un liquidateur. Enfin, le contenu du certificat du 25 février 2020 annulant la licence commerciale indique la radiation de cette société dudit registre du commerce. Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur que le Conseil a retenu la date du 25 février 2020 comme date de dissolution et de liquidation d’ASM International General Trading.

150    Or, s’agissant des actes initiaux, datant du 17 février 2020, force est de constater qu’ASM International General Trading n’était pas encore dissoute et liquidée à la date de leur adoption. Par conséquent, conformément à la jurisprudence citée au point 134 ci-dessus, ce fait ne saurait remettre en cause leur légalité.

151    En revanche, s’agissant des actes de maintien de 2020 et de 2021, le requérant, en produisant les éléments de preuve mentionnés au point 147 ci-dessus, a démontré, sans être contredit par le Conseil, que la date de liquidation et de dissolution d’ASM International General Trading était antérieure à la date d’adoption de ces actes (le 28 mai 2020 et le 27 mai 2021, respectivement). Par conséquent, cette société n’existait plus à la date de leur adoption et, de ce fait, le requérant et Samer Foz ne pouvaient plus y être associés.

152    Eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de conclure que le requérant et son frère, Samer Foz, entretenaient, au moment de l’adoption des actes initiaux, des liens d’affaires en raison de leur implication au sein d’ASM International General Trading. En revanche, s’agissant des actes de maintien de 2020 et de 2021, le requérant et Samer Foz n’entretenaient plus de tels liens à ce titre.

153    Cette conclusion n’est pas infirmée par l’argument du Conseil selon lequel la dissolution et la liquidation d’ASM International General Trading n’étaient des éléments pertinents qu’aux fins de l’appréciation des actes de maintien de 2021. Il en va de même pour l’argument du Conseil selon lequel le requérant n’a pas précisé cette information dans la lettre du 10 avril 2020 et aucune information dans le dossier n’indique que ladite société a été liquidée avant l’adoption des actes de maintien de 2020.

154    À cet égard, il importe de rappeler que, dans le cadre de son contrôle de la légalité de l’inscription et du maintien du nom d’une personne ou d’une entité sur des listes établies par le Conseil, il incombe au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard des informations ou éléments fournis par l’autorité compétente de l’Union et d’apprécier la force probante de ces derniers à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet, ainsi qu’il est rappelé au point 75 ci-dessus. Ainsi, le juge de l’Union peut se fonder sur l’ensemble des éléments qui lui ont été communiqués tant à charge qu’à décharge par les parties au cours de la procédure judiciaire. À cet égard, il ressort de l’article 27, paragraphe 4, et de l’article 28, paragraphe 4, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et du considérant 15 de la décision 2015/1836 que « [t]outes les décisions d’inscription sur la liste devraient être prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure ». Aussi, l’appréciation de la légalité de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur les listes en cause ne peut pas être restreinte au motif qu’il n’a pas évoqué cette information au cours de la procédure de réexamen ayant eu lieu préalablement à l’adoption des actes de maintien de 2020 (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, EU:T:2012:579, points 21 à 24).

155    Partant, il y a lieu de conclure que, concernant les actes initiaux, le Conseil a suffisamment étayé le lien entre le requérant et Samer Foz, en raison de leurs liens d’affaires au sein d’ASM International General Trading. En revanche, leurs liens d’affaires au sein de cette société ne sont pas suffisamment étayés concernant les actes de maintien de 2020 et de 2021.

–       Sur la mise en œuvre d’un certain nombre de projets commerciaux dans la région d’Adra al-Ummaliyya (banlieue de Damas)

156    Les motifs de 2021 indiquent que le requérant met en œuvre un certain nombre de projets commerciaux, notamment dans la région d’Adra al-Ummaliyya (banlieue de Damas). Ces projets comprennent une usine fabriquant des câbles et des accessoires de câbles ainsi qu’un projet de production d’électricité à l’aide de l’énergie solaire. Ces éléments sont repris sur le site Internet Pro-justice.

157    Selon le Conseil, les éléments de preuve figurant dans le document WK 4361/2021 INIT démontrent que des sociétés liées au requérant et à son frère sont impliquées dans un certain nombre de projets dans la région d’Adra al-Ummaliyya.

158    Il convient de rappeler que la charge de la preuve repose sur le Conseil, conformément à la jurisprudence rappelée au point 73 ci-dessus. En outre, compte tenu de la situation en Syrie, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime combattu (arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 53, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 53).

159    En l’espèce, d’une part, il n’est pas possible d’établir de manière suffisamment certaine que la société dont le requérant est cofondateur et qui fabrique des câbles en plastique et des granulés, mentionnée sur le site Internet Aliqtisadi, se réfère à « l’usine fabriquant des câbles » indiquée dans les motifs de 2021. D’autre part, les informations contenues sur le site Internet Pro-justice ne sont pas corroborées par d’autres éléments de preuve issus des documents WK 1751/2020 INIT et WK 4361/2021 INIT. Interrogé à cet égard lors de l’audience, le Conseil n’a pas apporté davantage de précisions.

160    Par conséquent, le Conseil n’a pas présenté un faisceau d’indices suffisamment précis et concordants pour établir que le requérant a mis en œuvre un certain nombre de projets commerciaux dans la région d’Adra al-Ummaliyya et, partant, l’existence de liens d’affaires entre le requérant et Samer Foz dans ce cadre.

–       Sur les diverses activités avec l’EIIL menées par le requérant et son frère, Samer Foz, au nom du régime syrien

161    Selon le libellé des motifs de 2021, les diverses activités avec l’EIIL menées au nom du régime syrien comprennent, notamment, « la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile ».

162    Il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant du site Internet Pro-justice, que le requérant et son frère ont mené des activités au nom du régime syrien, comprenant la fourniture d’armes et de munitions en échange de blé et d’huile. Selon ledit site Internet, ces échanges commerciaux ont eu lieu lorsque l’EIIL contrôlait tout l’est de la Syrie, ce qu’un dirigeant de l’EIIL a d’ailleurs confirmé. Le site Internet The Syria Report mentionne que le transport de blé, notamment, dans les régions contrôlées par l’EIIL est opéré par la filiale d’Aman Holding, ce qui constitue un autre facteur révélateur de l’importance de Samer Foz aux yeux du régime syrien. Aman Holding, dirigée par la famille Foz, agit pour le compte du régime syrien dans le commerce de grains, selon le site Internet Reuters. Il est indiqué sur ce dernier site Internet qu’Aman Holding mène une activité de courtage, aux fins du commerce de céréales, avec Hoboob, une société détenue par l’État syrien. Aman Holding confirme avoir importé du blé en Syrie en 2013. Enfin, ASM International General Trading, établie aux Émirats arabes unis, opérait également dans le commerce du blé, ainsi qu’il ressort des sites Internet Arab News et Al Arabiya.

163    Dès lors, ainsi qu’il ressort du point 162 ci-dessus, le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants au sens de la jurisprudence. Aussi, cette partie de l’exposé des motifs de 2021 est suffisamment étayée. Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant, non étayé, selon lequel ces accusations résulteraient d’affirmations péremptoires et, par conséquent, infondées.

164    Partant, il y a lieu de conclure que, s’agissant de cette partie des motifs de 2021, le Conseil a suffisamment étayé le lien entre le requérant et Samer Foz en raison de leurs diverses activités menées au nom du régime syrien avec l’EIIL.

–       Conclusions sur le lien avec une personne visée par les mesures restrictives

165    En premier lieu, il ressort de ce qui précède que le requérant et son frère, Samer Foz, entretiennent des liens dans le cadre de relations d’affaires. Tout d’abord, à la date d’adoption des actes initiaux, le Conseil a démontré que le requérant et Samer Foz entretenaient des liens d’affaires par l’intermédiaire de l’entreprise familiale Aman Holding et d’ASM International General Trading. Ensuite, concernant les actes de maintien de 2020, le Conseil a démontré que les deux frères entretenaient des liens d’affaires par l’intermédiaire de ladite entreprise familiale. Enfin, s’agissant des actes de maintien de 2021, le Conseil a démontré que le requérant et son frère entretenaient des liens d’affaires, étant donné qu’ils menaient des activités avec l’EIIL au nom du régime syrien.

166    L’existence de liens d’affaires entre le requérant et son frère, Samer Foz, se concrétise également par une forme de concertation dans la gestion de leurs portefeuilles d’actions. En effet, premièrement, il ressort de la lettre du 22 novembre 2020 et du certificat d’enregistrement, attestant de la nouvelle répartition de l’actionnariat d’Aman Holding, produits par le requérant, que lui et Samer Foz ont tous les deux cédé leurs parts dans Aman Holding au cours d’une même période (à savoir entre le 22 novembre 2020 et le 3 décembre 2020). À cet égard, l’argument du requérant selon lequel la cession de ses actions avant une période de 3 ans aurait été illégale conformément à l’article 96, paragraphe 1, de la loi syrienne de « prévention de la vente des actions » n’est pas suffisamment étayé par des éléments de preuve. Cet argument est également non fondé, puisque, malgré la volonté alléguée du requérant de se séparer rapidement de ses actions, il ne démontre avoir signé le contrat de vente du 2 avril 2020 que plus d’un mois et trois semaines après la fin du délai prescrit par l’article 96, paragraphe 1, de ladite loi. En tout état de cause, cette circonstance ne diminue en rien le fait que la cession des actions détenues par le requérant et Samer Foz est intervenue à un intervalle de temps très bref. Deuxièmement, la décision de liquider ASM International General Trading témoignerait de l’existence d’une certaine forme de concertation, ainsi que le soutient le Conseil. À cet égard, il ressort des preuves produites par le requérant que la décision a été prise le 26 mars 2019 par les actionnaires composant l’assemblée extraordinaire de cette société, dont Samer Foz et le requérant, en réaction à l’inscription du nom de Samer Foz sur les listes en cause, en janvier 2019.

167    Enfin, dans ses écritures, le requérant ne soutient pas avoir rompu ses relations avec Samer Foz ou s’en être distancié. Par conséquent, des liens entre le requérant et son frère persistent.

168    En second lieu, le requérant soutient que les éléments de preuve annexés à la requête font apparaître qu’il n’est pas lié au régime, ou qu’il n’exerce aucune influence sur celui-ci, et qu’il n’est pas associé à un risque de contournement.

169    Il y a lieu de rappeler que le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal implique que ce dernier respecte le principe énoncé par la jurisprudence constante mentionnée au point 73 ci-dessus et rappelé par la Cour, en dernier lieu, dans l’arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 48 à 50), selon lequel, en substance, la charge de la preuve incombe à l’institution en cas de contestation du bien-fondé des motifs d’inscription. La Cour a ainsi jugé que la charge de la preuve de l’existence d’informations suffisantes, au sens de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, indiquant que la partie requérante n’était pas, ou n’était plus, liée au régime syrien, qu’elle n’exerçait aucune influence sur celui-ci et qu’elle n’était pas associée à un risque réel de contournement des mesures restrictives adoptées à l’égard de ce régime n’incombait pas à cette partie (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 86, et du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 50 et 51).

170    Par conséquent, la partie requérante peut faire valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou produire devant le juge de l’Union un faisceau d’indices de l’inexistence ou de la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l’absence d’influence sur ledit régime, ou de l’absence d’association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 71).

171    Premièrement, le requérant fait valoir qu’il existe de profondes dissensions entre [confidentiel] (2) et la famille Al-Assad. Ces dissensions trouvent leur origine, selon le requérant, dans l’incarcération, en tant que prisonnier politique, [confidentiel] par M. Hafez Al-Assad lors de la prise de pouvoir de ce dernier en 1970. Au soutien de cette affirmation, il a produit deux lettres adressées au Tribunal signées par [confidentiel], certifiant, en substance, l’aversion que [confidentiel] éprouve pour le régime. Force est de constater, tout d’abord, qu’un demi-siècle s’est écoulé depuis l’incarcération de [confidentiel] par M. Hafez Al-Assad. Le requérant n’a pourtant pas expliqué en quoi, concrètement, cet événement continuerait de nos jours à constituer une source d’affrontement entre [confidentiel] ni avancé d’éléments de preuve au soutien de cette allégation. À cet égard, concernant les lettres apportées par le requérant, il y a lieu de relever que ces témoignages, émanant des membres [confidentiel], ne disposent que d’une faible valeur probante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 116).

172    Deuxièmement, l’affirmation selon laquelle le requérant ne fait pas partie de la famille de M. Bashar Al-Assad, n’a pas de lien avec les services de sécurité ou encore ne fait pas partie de la communauté alaouite repose sur une lecture tronquée de l’article publié sur le site Internet The Syria Report. En effet, cet article indique que « le lien étroit de la famille Foz avec [le] cousin germain de [M.] Bashar [Al-Assad,] [qui est] la personne responsable de la sécurité personnelle des deux derniers présidents [M.] Hafez Al-Assad, et [son successeur], [M.] Bashar [Al-Assad], est considéré par plusieurs sources à Damas comme un facteur primordial expliquant l’ascendant de la famille [Foz] » et que, « [à] présent, il est considéré que la famille [Foz] est liée directement à [M.] Bashar Al-Assad en personne ».

173    Par ailleurs, il convient de rappeler que, selon l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, les personnes, entités ou organismes relevant de l’une des catégories visées à l’article 27, paragraphe 2, et à l’article 28, paragraphe 2, de ladite décision ne sont pas inscrits ou maintenus sur les listes des personnes et entités qui figurent à l’annexe I de la décision 2013/255 s’il existe des informations suffisantes indiquant, notamment, qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement. Cette condition a été reprise, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828.

174    À cet égard, s’agissant des personnes associées aux personnes qui apportent un soutien au gouvernement en cause, il convient d’observer que, lorsque les fonds de ces dernières sont gelés, il existe un risque non négligeable qu’elles exercent des pressions sur les personnes qui leur sont associées pour contourner l’effet des mesures qui les visent (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2021, Sharif/Conseil, T‑540/19, non publié, EU:T:2021:220, point 159, et, par analogie, arrêt du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 139).

175    En l’espèce, le frère du requérant, Samer Foz, qui est inscrit sur les listes en cause, occupe une position privilégiée dans l’économie syrienne. En ce sens, les informations issues des sites Internet de l’Atlantic Council et The Syria Report indiquent qu’il est un des hommes d’affaires les plus puissants de Syrie. Il est décrit comme « le nouveau Rami Makhlouf » par les sites Internet de la Brookings Institution et The Syria Report. Par ailleurs, l’article issu du site Internet The Times  ajoute que les entreprises de Samer Foz continuent de fonctionner en dépit des sanctions européennes de gels de fonds qui lui ont été imposées en janvier 2019.

176    Compte tenu de la position privilégiée de Samer Foz dans l’économie syrienne et de son influence, des liens d’affaires présents ou passés existant entre le requérant et Samer Foz, du fait qu’ils sont frères, de l’importance de l’entreprise familiale dans laquelle ils détenaient des parts et ont occupé des postes à responsabilités ainsi que de l’impossibilité d’écarter une possible concertation entre le requérant et Samer Foz pour céder leurs parts dans Aman Holding et dissoudre et liquider ASM International General Trading, il est raisonnable de penser que le requérant est associé à un risque réel de contournement des mesures restrictives.

177    Par conséquent, au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause en raison de son lien avec une personne visée par les mesures restrictives est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, l’inscription de son nom sur les listes en cause est bien fondée.

178    Or, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

179    Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant et visant à remettre en cause les autres critères d’inscription, de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

180    Le requérant fait valoir que le Conseil a adopté les actes attaqués pour cibler non le régime syrien, mais lui-même, alors qu’il a toujours, d’une part, respecté les sanctions décrétées par l’Union et la communauté internationale et, d’autre part, conservé son indépendance eu égard au régime syrien. Le requérant serait exclu du marché afin de favoriser d’autres acteurs commerciaux.

181    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

182    Il y a lieu de rappeler qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 30 et jurisprudence citée).

183    En l’espèce, le requérant se borne à émettre des soupçons quant à l’existence d’un détournement de pouvoir et n’explique pas en quoi le Conseil aurait poursuivi un autre objectif que celui qui ressort de la décision 2015/1836, à savoir exercer une pression sur le régime syrien afin qu’il modifie sa politique de répression. En effet, il n’a aucunement étayé ladite allégation ni apporté le moindre indice ou argument au soutien de celle-ci. Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur les deuxième et troisième moyens, pris ensemble, tirés d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique

184    Premièrement, le requérant fait valoir que les mesures restrictives adoptées à son égard sont disproportionnées. Selon lui, compte tenu du fait qu’il a été privé de tout contact commercial international et a de ce fait été exclu de son environnement professionnel, il s’est retrouvé au chômage forcé. Il estime que, en pratique, les mesures restrictives adoptées à son égard l’empêchent d’exercer toute activité professionnelle et d’effectuer toute opération économique dans sa vie professionnelle et privée. Il ajoute que ni lui ni les sociétés dans lesquelles il détient, directement ou indirectement, des parts ne soutiennent le régime syrien, de sorte que les mesures restrictives adoptées à son égard ne sont pas adéquates au regard des objectifs que les actes attaqués poursuivent.

185    Deuxièmement, le requérant estime, en substance, que les actes attaqués violent son droit de propriété ainsi que sa liberté d’exercer une activité économique, ce qui constituerait également une violation du premier protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950.

186    Troisièmement, le requérant fait valoir, dans le premier et le second mémoire en adaptation, que la prorogation des mesures restrictives adoptées à son égard en vertu, respectivement, des actes de maintien de 2020 et de 2021 aggrave les conséquences disproportionnées desdites mesures à son égard.

187    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

188    Il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les droits fondamentaux invoqués par le requérant, à savoir le droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte, et la liberté d’exercer une activité économique, consacrée aux articles 15 et 16 de la Charte, ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles de la personne ou de l’entité qu’elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

189    De plus, si le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

190    En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre que soient atteints les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs [voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122 ; du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60 (non publié), et du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, point 149].

191    En ce qui concerne le droit de propriété et la liberté d’exercer une activité économique du requérant, il convient, certes, de relever que ces droits sont restreints du fait des mesures restrictives prises à son égard, dès lors qu’il ne peut notamment pas disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union, ni les transférer vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières.

192    Cependant, en l’occurrence, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrer sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien au régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

193    Quant au caractère prétendument disproportionné de l’inscription et du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, il convient de rappeler que l’article 28, paragraphe 6, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi que l’article 16 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 364, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127).

194    Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie, les restrictions aux droits du requérant éventuellement causées par les actes attaqués sont justifiées par un objectif d’intérêt général et ne sont pas disproportionnées au regard des buts visés.

195    Enfin, concernant la prolongation de l’application dans le temps des mesures restrictives adoptées à l’égard du requérant en vertu des actes de maintien de 2020 et de 2021, qui aggraverait les conséquences disproportionnées desdites mesures pour ce dernier, il y a lieu de constater que, dans le cadre de l’adoption de telles mesures restrictives, le Conseil est appelé à procéder à un réexamen périodique, conformément à l’article 34, deuxième et troisième phrases, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, qui comporte à chaque fois la possibilité pour la personne ou l’entité concernée d’opposer ses arguments et de soumettre des éléments factuels corroborant ses allégations (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 106 et 107).

196    Dès lors, c’est à bon droit, sur la base des réexamens du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, que le Conseil a décidé de proroger ces mesures restrictives jusqu’au 1er juin 2021, puis jusqu’au 1er juin 2022.

197    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième moyens pris ensemble et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

198    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

199    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Amer Foz est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2022.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

Conclusions des parties

En droit

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

Considérations liminaires

Sur la détermination des éléments des motifs d’inscription se rattachant à chacun des critères d’inscription

Sur les éléments de preuve soumis par le Conseil

Sur la pertinence des éléments de preuve soumis par le Conseil

Sur la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil

Sur le lien du requérant avec une personne ou une entité visées par les mesures restrictives

– Sur la portée du critère d’inscription

– Sur les intérêts commerciaux familiaux du requérant au sein d’Aman Holding

– Sur ses intérêts commerciaux familiaux au sein d’ASM International General Trading

– Sur la mise en œuvre d’un certain nombre de projets commerciaux dans la région d’Adra al-Ummaliyya (banlieue de Damas)

– Sur les diverses activités avec l’EIIL menées par le requérant et son frère, Samer Foz, au nom du régime syrien

– Conclusions sur le lien avec une personne visée par les mesures restrictives

Sur le quatrième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir

Sur les deuxième et troisième moyens, pris ensemble, tirés d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique

Sur les dépens



*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      Données confidentielles occultées.