Language of document : ECLI:EU:T:2022:302

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

18 mai 2022 (*)

« Aides d’État – Transport maritime – Service d’intérêt économique général – Aide accordée à Adriatica pour la période comprise entre janvier 1992 et juillet 1994 concernant la liaison Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras – Décision déclarant l’aide illégale – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Intérêts échus – Délai de prescription – Aide nouvelle – Incompatibilité avec le marché intérieur – Effets d’une entente sur le marché – Durée excessive de la procédure – Confiance légitime – Sécurité juridique – Principe de bonne administration »

Dans l’affaire T‑601/20,

Tirrenia di navigazione SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes B. Nascimbene et F. Rossi Dal Pozzo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Braga da Cruz et Mme D. Recchia, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, Tirrenia di navigazione SpA (ci-après la « requérante » ou « Tirrenia ») demande l’annulation de la décision (UE) 2020/1411 de la Commission, du 2 mars 2020, concernant l’aide d’État C 64/99 (ex NN 68/99) mise à exécution par l’Italie en faveur des compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (groupe Tirrenia) (JO 2020, L 332, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), en ce qui la concerne.

 Antécédents du litige

 Décision 2005/163

2        À la suite de nombreuses plaintes qu’elle avait reçues, la Commission des Communautés européennes a décidé, en 1999, d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard des aides versées à six sociétés de l’ancien groupe Tirrenia SpA, à savoir Tirrenia, Adriatica di Navigazione SpA (ci-après « Adriatica »), Caremar – Campania Regionale Marittima SpA (ci-après « Caremar »), Saremar – Sardegna Regionale Marittima SpA (ci-après « Saremar »), Siremar – Sicilia Regionale Marittima SpA (ci-après « Siremar ») et Toremar – Toscana Regionale Marittima SpA (ci-après « Toremar »). À cette époque, Fintecna – Finanziaria per i Settori Industriale e dei Servizi SpA détenait l’intégralité du capital social de Tirrenia, laquelle était, à son tour, propriétaire des sociétés régionales Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar.

3        Les aides étaient octroyées sous forme de subventions versées directement à chaque société du groupe afin de soutenir les services de transport maritime assurés par lesdites sociétés dans le cadre de six conventions de service public conclues en 1991 avec la République italienne (ci-après les « conventions initiales »). L’objectif de ces conventions était de garantir la prestation de services de transport maritime, portant essentiellement sur des liaisons entre l’Italie continentale et des îles italiennes, notamment la Sicile et la Sardaigne.

4        Par lettre du 6 août 1999, la Commission a informé les autorités italiennes de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ces dernières ont fait part de leurs observations par lettre du 28 septembre 1999.

5        À la suite de la publication de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, plusieurs opérateurs privés ont présenté leurs observations, qui ont été transmises aux autorités italiennes afin qu’elles prennent position.

6        Le 18 octobre 1999, la République italienne a introduit un recours devant la Cour tendant à obtenir l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen en tant qu’elle statuait sur la suspension des aides. Par l’arrêt du 10 mai 2005, Italie/Commission (C‑400/99, EU:C:2005:275), la Cour a annulé la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen « en tant qu’elle a[vait] impliqué la suspension du régime fiscal appliqué au groupe Tirrenia pour l’approvisionnement en carburant et en huile de graissage de ses navires » jusqu’à la notification aux autorités italiennes de la décision de clôture de la procédure relative à l’entreprise concernée. Le recours a été rejeté pour le surplus.

7        Par ailleurs, le 19 octobre 1999, Tirrenia, Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar ont introduit un recours devant le Tribunal en vue d’obtenir l’annulation de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen dans son ensemble. Ce recours a été rejeté par l’arrêt du 20 juin 2007, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑246/99, non publié, EU:T:2007:186).

8        Au cours de l’instruction, les autorités italiennes ont demandé que l’examen du dossier concernant le groupe Tirrenia soit scindé afin de parvenir, en priorité, à une décision finale concernant Tirrenia. La demande était justifiée par la volonté des autorités italiennes de procéder à la privatisation du groupe en commençant par Tirrenia et par leur intention d’accélérer le processus dans le cas de cette société.

9        Eu égard à cette demande, la Commission a constaté que, si Tirrenia assumait un rôle de leader en ce qui concernait la stratégie financière et commerciale du groupe, les six sociétés qui faisaient alors partie du groupe, juridiquement indépendantes, opéraient sur des segments de marchés géographiquement distincts, soumis à des degrés de concurrence variables, tant de la part d’opérateurs privés italiens que d’opérateurs d’autres États membres. Elle a également constaté que les subventions versées par les autorités italiennes, dans le cadre des conventions initiales, étaient calculées de façon à couvrir le déficit net d’exploitation des lignes desservies par chacune desdites sociétés et octroyées directement à celle-ci, sans transiter par Tirrenia. Enfin, les autres mesures d’aide visées par la procédure appelant également une analyse séparée pour chaque société du groupe, la Commission a estimé qu’il était possible d’accéder à la demande des autorités italiennes et, par la décision 2001/851/CE, du 21 juin 2001, concernant les aides d’État versées par l’Italie à la compagnie maritime Tirrenia di Navigazione (JO 2001, L 318, p. 9), a clos la procédure à l’égard des aides versées à Tirrenia.

10      La procédure est restée ouverte en ce qui concernait les aides octroyées à Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar. Lors de réunions qui se sont tenues entre la Commission et les autorités italiennes, ces dernières ont fourni, pour chacune des lignes desservies par ces sociétés, des informations relatives aux spécificités des marchés en cause, à l’évolution du trafic, à la présence éventuelle d’entreprises concurrentes et à l’évolution du niveau des financements publics accordés à chaque société.

11      En outre, en janvier, en février et en septembre 2003, des plaignants, notamment des opérateurs privés opérant dans la baie de Naples (Italie) en concurrence avec Caremar, ont transmis à la Commission des informations complémentaires faisant état d’éléments nouveaux qui devaient être pris en considération dans le cadre de la procédure formelle d’examen. Les autorités italiennes ont été invitées à présenter leurs observations à cet égard. Une réunion bilatérale a eu lieu le 20 octobre 2003, à l’issue de laquelle des engagements ont été souscrits par les autorités italiennes en ce qui concernait certaines liaisons rapides exploitées par Caremar dans la baie de Naples. Ces engagements ont été formalisés par lettre du 29 octobre 2003 et confirmés par lettre du 17 février 2004. En ce qui concernait Adriatica, les autorités italiennes ont transmis à la Commission d’autres informations par télécopie du 23 février 2004.

12      Enfin, par la décision 2005/163/CE, du 16 mars 2004, concernant les aides d’État versées par l’Italie aux compagnies maritimes Adriatica, Caremar, Siremar, Saremar et Toremar (Gruppo Tirrenia) (JO 2005, L 53, p. 29), la Commission a établi que les compensations octroyées par la République italienne aux compagnies régionales étaient partiellement compatibles avec le marché intérieur, à condition qu’elles respectent certains engagements, et partiellement incompatibles. La Commission a ordonné la récupération de la partie des aides déclarée incompatible avec le marché intérieur.

13      S’agissant d’Adriatica, il ressortait de l’article 1er de la décision 2005/163 que les aides concernant la liaison Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras qui lui avaient été octroyées pour la période allant de janvier 1992 à juillet 1994 étaient incompatibles avec le marché intérieur. La République italienne devait prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer auprès d’Adriatica les aides visées et illégalement mises à disposition. L’article 1er, paragraphe 3, second alinéa, de ladite décision précisait que la récupération devait avoir lieu sans délai, conformément aux procédures nationales, pour autant qu’elles permettent l’exécution immédiate et effective de cette décision. Enfin, l’article 1er, paragraphe 4, de ladite décision précisait, notamment, que les aides à récupérer incluaient des intérêts à partir de la date à laquelle elles avaient été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à la date de leur récupération. Les articles 2 à 4 de la décision 2005/163 concernaient les autres sociétés du groupe Tirrenia.

14      Trois recours en annulation ont été introduits contre la décision 2005/163, respectivement par Tirrenia, qui avait acquis les activités courantes d’Adriatica en 2004 (affaire T‑265/04), par Caremar, Saremar, Siremar et Toremar (affaire T‑292/04) et par Navigazione Libera del Golfo SpA (affaire T‑504/04).

 Arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T265/04, T292/04 et T504/04)

15      Par l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), le Tribunal a annulé la décision 2005/163.

16      En particulier, le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas fourni suffisamment d’explications sur les raisons pour lesquelles, ainsi que l’affirmaient les parties requérantes, l’aide consistant en des subventions publiques de certaines liaisons maritimes avait été considérée comme nouvelle et non comme existante. Plus précisément, il a estimé que la Commission n’avait pas suffisamment motivé les raisons pour lesquelles elle avait considéré que ladite aide n’était pas antérieure à l’entrée en vigueur du traité CE en Italie, alors que les autorités italiennes avaient soutenu, lors de la procédure administrative, que l’aide en question reposait sur les dispositions des décrets-lois royaux nos 2081 et 2082, adoptés le 7 décembre 1936 (ci-après les « décrets-lois de 1936 »). En outre, le Tribunal a estimé que la Commission n’avait pas suffisamment tenu compte des déclarations formulées par les autorités italiennes au cours de la procédure formelle d’examen, à savoir que les modifications ultérieures apportées au cadre juridique applicable avaient uniquement eu pour effet de réduire le montant global des aides (arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, points 97 à 134).

17      Par ailleurs, le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas appliqué l’article 4, paragraphe 3, du règlement (CEE) no 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l’application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l’intérieur des États membres (cabotage maritime) (JO 1992, L 364, p. 7), qui permet aux contrats de service public existants de rester en vigueur jusqu’à leur date d’expiration respective. Le Tribunal a estimé que les compensations versées aux compagnies régionales du groupe Tirrenia en vertu des conventions initiales pour l’exploitation des lignes de cabotage constituaient une aide existante, dans la mesure où la Commission avait déjà conclu que ces compensations ne dépassaient pas ce qui était nécessaire pour assurer les obligations de service public (arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, points 140 à 148).

 Suites de l’annulation de la décision 2005/163

18      À la suite de l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), la Commission a, par lettre du 7 avril 2010, invité les autorités italiennes à présenter leurs observations sur l’annulation de la décision 2005/163 et à fournir tous les renseignements demandés en vue d’apprécier les mesures en question de manière exhaustive. En particulier, elle a demandé aux autorités italiennes de lui fournir, dans un premier temps, des précisions concernant les liaisons internationales exploitées par Adriatica et Saremar, notamment la période d’exploitation, l’acte juridique fixant les obligations de service public et les caractéristiques du service (régularité, capacité, fréquence, type de navires), ainsi que toute modification ultérieure éventuelle des obligations de service public, et, dans un second temps, une description du mécanisme de compensation et de toute modification ultérieure de la méthode de calcul de la compensation et de la rémunération des capitaux investis, ainsi que de leurs effets sur le niveau de la compensation.

19      À la même date, la Commission a également demandé aux parties concernées par la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision 2005/163 de formuler des observations à cet égard. La Commission n’a reçu que les observations des bénéficiaires des mesures faisant l’objet de la décision 2005/163 et elle les a transmises aux autorités italiennes.

20      N’ayant pas reçu de réponse à sa lettre du 7 avril 2010, la Commission a rappelé aux autorités italiennes, par lettre du 22 juin 2010, de lui fournir les renseignements demandés.

21      Par lettre du 27 juillet 2010, les autorités italiennes ont fourni certains éclaircissements concernant la législation applicable aux régimes de service public dans le secteur maritime en Italie.

22      Par lettre du 22 décembre 2010, la Commission a demandé aux autorités italiennes de lui fournir des renseignements supplémentaires.

23      Par lettre du 29 juin 2011, la Commission a de nouveau invité les autorités italiennes à lui fournir les renseignements demandés. Elle a explicitement informé les autorités italiennes que, si ces renseignements ne lui étaient pas communiqués dans le délai imparti, elle délivrerait une injonction de fournir des informations.

24      Par lettre du 19 juillet 2011, les autorités italiennes ont fourni certains éclaircissements concernant certains points de la demande de la Commission du 22 décembre 2010. Elles lui ont notamment communiqué les compensations annuelles octroyées à Adriatica au cours de la période 2001-2004 et à Saremar, Toremar, Siremar et Caremar au cours de la période 2001-2008, lui ont confirmé que les conditions imposées par la décision de 2005/163 avaient été respectées et lui ont expliqué que, au lieu d’adopter des plans quinquennaux pour les périodes 2000-2004 et 2005-2008, des mesures de rationalisation ad hoc avaient été prises pour mieux adapter les services aux besoins des populations locales, sans pour autant modifier le système du service public de manière significative. En ce qui concernait le niveau des bénéfices, les autorités italiennes ont expliqué que, compte tenu du temps considérable qui s’était écoulé depuis l’adoption de la décision 2005/163, et, en particulier, du calendrier imposé et de la complexité des renseignements demandés, il aurait été impossible de retrouver rapidement ces derniers dans les archives du ministère. Aucune réponse complète n’a donc été apportée à la lettre de la Commission du 22 décembre 2010.

25      Dans le courant du mois de juin 2012, une réunion a été organisée avec les autorités italiennes afin de compléter le dossier et de permettre à la Commission de conclure sur l’appréciation des mesures en question. Lors de cette réunion, la Commission a demandé des renseignements détaillés, notamment pour s’assurer que les sociétés concernées n’avaient reçu aucune surcompensation.

26      Dès lors que les renseignements fournis par les autorités italiennes à la suite de ladite réunion étaient insuffisants pour permettre à la Commission de clore l’appréciation des mesures en cause, une nouvelle demande de renseignements leur a été envoyée le 7 novembre 2012, dont une demande concernant la liste des lignes internationales exploitées par Adriatica.

27      Par lettre du 7 décembre 2012, les autorités italiennes ont fourni des réponses incomplètes aux questions posées par la Commission.

28      Le 28 janvier 2013, un nouveau rappel a été envoyé aux autorités italiennes, les invitant à communiquer sans délai tous les renseignements demandés précédemment. La Commission a de nouveau explicitement informé les autorités italiennes qu’elle délivrerait une injonction de fournir des informations en cas de non-communication de tous les renseignements demandés dans les délais impartis.

29      Le 11 mars 2013, la Commission a enjoint à la République italienne de lui fournir les renseignements sollicités dans les lettres des 22 décembre 2010 et 7 novembre 2012.

30      Le 10 avril 2013, la République italienne a répondu à l’injonction de fournir des informations et a communiqué les coûts et les recettes d’exploitation ainsi que le montant de la subvention annuelle (calculée comme étant la différence entre les coûts et les recettes, sans marge pour l’opérateur) pour toutes les sociétés après 2004. Elle n’a toutefois pas donné suite aux autres demandes contenues dans l’injonction de la Commission.

31      Le 16 octobre 2015, la Commission a demandé à la République italienne de lui fournir des renseignements supplémentaires sur la concentration entre Adriatica et Tirrenia, notamment concernant la vente des actifs d’Adriatica et les conditions de la concentration. Par lettre du 22 octobre 2015, les autorités italiennes ont répondu que, par décision du 18 mars 2004, Tirrenia avait acquis les activités courantes de sa propre filiale, que cette concentration n’avait pas eu d’incidence sur les activités exercées par Adriatica en vertu des conventions initiales et qu’elle n’avait pas non plus entraîné de modification des compensations prévues par ces dernières.

32      Le 18 octobre 2018, la Commission a invité la République italienne à lui fournir des éclaircissements concernant la compensation octroyée pour la ligne Bari/Durazzo ainsi que le montant exact de l’aide (capital et intérêts) récupérée par les autorités italiennes pour l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras au cours de la période 1992-1994. La République italienne a répondu le 21 décembre 2018, précisant qu’aucune compensation n’avait été octroyée pour les services fournis sur la ligne Bari/Durazzo au cours de la période 2002-2008 et confirmant que la récupération de la somme de 8 651 600 euros d’aides incompatibles avec le marché intérieur octroyées à Adriatica entre janvier 1992 et juillet 1994 pour l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras ne comprenait pas les intérêts relatifs à la période comprise entre le 1er janvier et le 26 mars 2007.

 Décision attaquée

33      Le 2 mars 2020, la Commission a adopté la décision attaquée.

34      La décision attaquée ne concerne que les subventions reçues par Adriatica, Caremar, Saremar, Siremar et Toremar au cours de la période 1992-2008. La présente affaire concerne, quant à elle, uniquement Adriatica, et plus précisément l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras entre janvier 1992 et juillet 1994.

35      À cet égard, la Commission a considéré que les liaisons internationales exploitées par Adriatica constituaient des aides nouvelles, dès lors que, en substance, d’abord, l’activation de la plupart des lignes internationales n’était pas antérieure à la date d’entrée en vigueur du traité CE, ensuite, la base juridique sur laquelle reposait l’octroi de la compensation avait été abrogée après l’entrée en vigueur dudit traité et, enfin, des modifications substantielles avaient été apportées au régime initial (voir considérants 210 à 218 de la décision attaquée).

36      Après avoir conclu que les aides octroyées par la République italienne à la requérante étaient nouvelles, la Commission a apprécié leur compatibilité au regard de sa communication relative à l’encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement »).

37      S’agissant, en particulier, de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, il ressort, en substance, des considérants 237 à 242 de la décision attaquée que cette ligne avait été inscrite, à la demande des autorités italiennes et grecques, sur la liste des lignes ferroviaires et des services automobiles et de navigation auxquels s’appliquait la convention internationale du 7 février 1970 concernant le transport des voyageurs et des bagages par chemins de fer. Les informations fournies par les autorités italiennes ont montré, lors de la réunion du 26 octobre 2001, qu’Adriatica avait exploité cette ligne de 1992 à 1999, en particulier entre 1996 et 1999, lorsque les opérateurs concurrents d’Adriatica n’assuraient pas un service comportant les mêmes garanties en termes de qualité des moyens utilisés et, accessoirement, de régularité et de fréquence des services. La Commission a donc conclu que l’exploitation des liaisons maritimes entre l’Italie et la Grèce par Adriatica constituait un véritable service d’intérêt économique général (ci-après « SIEG »).

38      Aux considérants 262 à 275 de la décision attaquée, la Commission a vérifié qu’Adriatica avait été expressément chargée de la fourniture des services en question et que la compensation qu’elle percevait était proportionnée à l’encadrement.

39      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du considérant 278 de la décision attaquée, la Commission a noté que, entre le 30 octobre 1990 et le mois de juillet 1994, Adriatica avait participé à une entente ayant pour objet la fixation des prix à appliquer aux véhicules commerciaux sur la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, en violation de l’article 101 TFUE, alors qu’elle bénéficiait d’aides pour l’exploitation de cette même ligne. La Commission a déduit de la participation à cette entente que l’aide octroyée à Adriatica sous forme de compensations des obligations de service public pour l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras entre janvier 1992 et juillet 1994 était incompatible avec le marché intérieur.

40      La Commission a donc estimé, au considérant 290 de la décision attaquée, que la compensation des obligations de service public, notamment à Adriatica, pour l’exploitation des lignes internationales jusqu’à la fin de l’année 2008 constituait une aide nouvelle qui était compatible avec le marché intérieur, à l’exception de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, dès lors qu’elle était étroitement liée à une entente interdite par l’article 101 TFUE.

41      C’est dans ces conditions que la Commission a adopté la décision attaquée, laquelle dispose, en son article 1er, paragraphes 1 à 3, ce qui suit :

« 1.      Les aides octroyées à Adriatica, à Caremar, à Siremar, à Saremar et à Toremar entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2008 à titre de compensation pour l’exploitation des lignes nationales constituent des aides existantes.

2.      Sous réserve du paragraphe 3, les aides octroyées par l’Italie à Adriatica et à Saremar entre le 1er janvier 1992 et le 31 décembre 2008 à titre de compensation pour l’exploitation des lignes internationales sont compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 106, paragraphe 2, TFUE.

3.      Les aides octroyées à Adriatica pour la période comprise entre janvier 1992 et juillet 1994 en lien avec la liaison Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, illégalement mise à exécution en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE], sont incompatibles avec le marché intérieur. »

42      L’article 2 de la décision attaquée est rédigé ainsi :

« 1.      L’Italie est tenue de procéder à la récupération, auprès du bénéficiaire, des aides visées à l’article 1er, paragraphe 3.

2.      Les sommes à récupérer produisent des intérêts, qui courent à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu’à leur récupération effective.

3.      Les intérêts sont calculés sur une base composée, conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 et au règlement (CE) no 271/2008 modifiant le règlement (CE) no 794/2004.

4.      Sur la base des informations dont elle dispose, la Commission reconnaît que l’Italie a déjà récupéré le montant du capital de l’aide ainsi qu’une partie des intérêts dus auprès du bénéficiaire. »

43      L’article 3 de la décision attaquée précise ce qui suit :

« 1.      La récupération des aides visées à l’article 2 est immédiate et effective.

2.      L’Italie veille à ce que la présente décision soit exécutée dans les quatre mois suivant la date de sa notification. »

44      L’article 4 de la décision attaquée dispose ce qui suit :

« 1.      Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Italie communique les informations suivantes :

a)      le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès du bénéficiaire ;

b)      une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision ;

c)      les documents démontrant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser l’aide.

2.      L’Italie tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète des aides visées à l’article 1er, paragraphe 3. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit également des informations détaillées concernant les montants de l’aide et des intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires. »

 Conclusions des parties

45      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qui la concerne, et plus précisément l’article 1er, paragraphe 3, de celle-ci ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 2 de la décision attaquée ordonnant la récupération des aides supposées et que ladite récupération soit immédiate et effective ;

–        condamner la Commission aux dépens.

46      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

47      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré de la violation des règles de procédure en ce qui concerne le délai de prescription pour la récupération des intérêts des aides considérées comme illégales et incompatibles. Le deuxième moyen est tiré de l’application erronée des dispositions en matière d’aides d’État, de la qualification erronée d’aide nouvelle, de l’illégalité de la décision déclarant l’aide d’État nouvelle et incompatible ainsi que de la violation de l’obligation de motivation et du principe de proportionnalité. Le troisième moyen est tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration en ce qui concerne la durée de la procédure ainsi que du principe de protection de la confiance légitime.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des règles de procédure en ce qui concerne le délai de prescription pour la récupération des intérêts des aides considérées comme illégales et incompatibles

48      La requérante fait valoir que, ainsi que le reconnaît d’ailleurs la Commission, la République italienne a, à la suite de la décision 2005/163, récupéré les aides déclarées incompatibles et qui ont été octroyées à Adriatica entre les mois de janvier 1992 et juillet 1994 pour un montant de 8 651 600 euros (3 207 810 euros au titre du capital et 5 443 790 euros au titre des intérêts calculés à compter du 1er janvier 1992).

49      Par la décision attaquée, la Commission a ordonné à la République italienne de récupérer les intérêts sur le montant du capital de l’aide s’élevant à la somme de 3 207 810 euros, après déduction de ce qui avait déjà été versé. Or, selon la requérante, s’agissant des intérêts non récupérés pour la période comprise entre le 1er janvier et le 26 mars 2007, il n’y aurait pas eu de contestation de la part de la Commission qui eût été susceptible d’interrompre la prescription, en sorte que la prescription de dix ans serait acquise et que la demande de la Commission visée à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée serait prescrite. En effet, le délai de prescription commencerait à courir le jour où l’aide illégale a été accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Étant donné que, s’agissant des griefs mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision attaquée, il se serait écoulé une période supérieure à dix ans depuis le dernier événement interrompant la prescription, à savoir l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), les règles relatives à la prescription s’opposeraient à la récupération desdites aides considérées comme illégales et incompatibles.

50      La requérante ajoute que, en ce qui concerne la question des intérêts pour la période comprise entre le 1er janvier et le 26 mars 2007, la Commission n’aurait développé aucun grief spécifique, alors qu’elle aurait dû faire grief à la République italienne d’avoir procédé à une récupération partielle des intérêts échus.

51      La Commission conteste les arguments de la requérante.

52      À titre liminaire, il convient de rappeler que les articles 16 et 17 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9), disposent ce qui suit :

« Article 16

Récupération de l’aide

1.      En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire […] La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

2.      L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3.      Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice de l’Union européenne prise en application de l’article 278 [TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin, et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit de l’Union.

Article 17

Prescription en matière de récupération de l’aide

1.      Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans.

2.      Le délai de prescription commence le jour où l’aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d’aide individuelle ou dans le cadre d’un régime d’aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membre, agissant à la demande de la Commission, à l’égard de l’aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l’objet d’une procédure devant la Cour de justice de l’Union européenne.

[…] »

53      Il y a lieu de souligner que le principal objectif visé par le remboursement d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale. Le rétablissement de la situation antérieure au versement d’une aide illégale ou incompatible avec le marché intérieur constitue une exigence nécessaire à la préservation de l’effet utile des dispositions des traités relatives aux aides d’État (voir arrêt du 30 avril 2020, Nelson Antunes da Cunha, C‑627/18, EU:C:2020:321, point 42 et jurisprudence citée).

54      L’obligation de récupération n’est remplie que lorsque l’État membre concerné a effectivement récupéré le montant de l’aide incompatible, y compris les intérêts (voir arrêt du 30 avril 2020, Nelson Antunes da Cunha, C‑627/18, EU:C:2020:321, point 43 et jurisprudence citée).

55      Il convient également de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les délais de prescription remplissent, de façon générale, la fonction d’assurer la sécurité juridique (voir arrêt du 30 avril 2020, Nelson Antunes da Cunha, C‑627/18, EU:C:2020:321, point 44 et jurisprudence citée).

56      En l’espèce, il convient de rappeler que, à la suite de l’adoption de la décision 2005/163, la République italienne a confirmé que, le 26 mars 2007, la requérante avait remboursé les aides qui avaient été déclarées incompatibles, à savoir les subventions octroyées à Adriatica entre le mois de janvier 1992 et le mois de juillet 1994, et qu’elle avait payé les intérêts relatifs à ces subventions, pour la somme totale de 8 651 600 euros au 31 décembre 2006. Cette somme n’incluait donc pas les intérêts échus postérieurement au 31 décembre 2006 et jusqu’à la date du paiement effectif des montants devant être remboursés, à savoir les intérêts relatifs à la période du 1er janvier au 26 mars 2007. Ce sont ces intérêts qui font l’objet de la contestation dans le cadre du présent premier moyen.

57      À cet égard, il convient de rappeler que la décision 2005/163 a été annulée par l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), en sorte qu’elle ne faisait plus partie de l’ordre juridique de l’Union européenne.

58      Cependant, à la suite de l’annulation de la décision 2005/163, la Commission a repris la procédure administrative et, à l’issue de cette procédure, a, de nouveau, constaté que les aides octroyées à Adriatica pour la période comprise entre janvier 1992 et juillet 1994 en ce qui concernait la liaison Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras constituaient des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur.

59      Partant, conformément à l’article 16, paragraphes 1 et 2, du règlement 2015/1589, la Commission pouvait ordonner la récupération desdites aides et des intérêts relatifs à ces aides, lesquels couraient à compter de la date à laquelle l’aide illégale avait été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération. Compte tenu, comme cela est rappelé au point 56 ci-dessus, des montants déjà remboursés par la requérante le 26 mars 2007, qui constitue la date de récupération des aides au sens de l’article 16, paragraphe 2, de ce règlement, la récupération est limitée aux intérêts relatifs à la période s’étalant du 1er janvier au 26 mars 2007.

60      Il résulte de ce qui précède que, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, elle n’avait aucune obligation, dans la décision attaquée, de procéder à une constatation spécifique concernant les intérêts, dans la mesure où la récupération des aides incompatibles, y compris des intérêts qui y sont attachés, résulte directement et nécessairement de l’article 16 du règlement 2015/1589 et de la constatation, dans la décision attaquée, de l’illégalité et de l’incompatibilité des aides octroyées. De plus, la Commission a expressément constaté, à l’article 2, paragraphe 4, de cette décision, que « [s]ur la base des informations dont elle dispos[ait], [elle] reconna[issait] que l’Italie a[vait] déjà récupéré le montant du capital de l’aide ainsi qu’une partie des intérêts dus auprès du bénéficiaire ».

61      S’agissant de la prétendue prescription empêchant la Commission d’ordonner la récupération des intérêts encore dus, il suffit de constater que le dernier événement n’est pas, contrairement à ce que soutient la requérante, l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48). En effet, à la suite du prononcé de cet arrêt, la procédure a repris et, ainsi qu’il ressort des points 18 à 32 ci‑dessus, la Commission a adopté de nombreuses mesures au sens de l’article 17, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, qui ont interrompu le délai de prescription, dont la lettre envoyée à la République italienne le 18 octobre 2018 et invitant cet État membre à fournir, notamment, le montant exact de l’aide récupérée par les autorités italiennes pour l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras au cours de la période 1992-1994.

62      Il s’ensuit que, à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée, à savoir le 2 mars 2020, les pouvoirs de la Commission d’ordonner la récupération des aides octroyées, y compris des intérêts qui y sont nécessairement attachés, n’étaient nullement prescrits.

63      Dans le cadre de la réplique, la requérante ajoute que, en ne permettant pas à la République italienne de prendre position sur le grief spécifique concernant la question de la récupération des intérêts, la Commission a violé les droits de la défense.

64      À cet égard, il suffit de rappeler que la violation des droits de la défense constitue une illégalité subjective par sa nature (voir arrêt du 8 juillet 2004, JFE Engineering/Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, EU:T:2004:221, point 425 et jurisprudence citée), laquelle doit donc être invoquée par l’État membre concerné lui-même (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, T‑198/01, EU:T:2004:222, point 203).

65      Dès lors, la requérante n’est pas, en l’espèce, et en tout état de cause, recevable à invoquer le grief tiré de la violation des droits de la défense de l’État membre concerné, en l’occurrence la République italienne.

66      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’application erronée des dispositions en matière d’aides d’État, de la qualification erronée d’aide nouvelle, de l’illégalité de la décision déclarant l’aide d’État nouvelle et incompatible ainsi que de la violation de l’obligation de motivation et du principe de proportionnalité

67      La requérante conteste la qualification de l’aide dans la décision attaquée d’aide nouvelle en ce qui concerne la mesure relative aux liaisons internationales exploitées, notamment, par Adriatica, et prétend, au contraire, qu’il s’agit d’une aide existante.

68      En particulier, la requérante conteste la constatation de la Commission selon laquelle les modifications du régime d’aide existant ayant porté sur des éléments essentiels, lesdites modifications auraient altéré la nature même de ce régime, le transformant en un régime d’aide totalement nouveau.

69      En premier lieu, le fait que le régime d’aide initial n’ait pas spécifié les lignes qu’il concernait et qu’aucune pièce justificative n’établirait l’existence de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras n’affecterait pas la nature du régime, dès lors qu’étaient concernées par le régime d’aide initial les liaisons entre l’Italie et la Grèce. La thèse de la Commission selon laquelle, après l’entrée en vigueur du traité CE, de nouvelles liaisons auraient été ajoutées aux liaisons initialement desservies ne serait nullement pertinente.

70      En deuxième lieu, il serait sans importance que le mécanisme de calcul du montant de la compensation pour l’exploitation des lignes soumises à un régime de service public ait été modifié au cours du temps, et ce d’autant plus que les modifications apportées au régime d’aide initial ont diminué le montant de la participation publique.

71      En troisième lieu, les autres modifications ne seraient pas propres à qualifier l’aide de nouvelle, dès lors qu’il n’y aurait aucune modification substantielle du régime d’aide initial.

72      Par ailleurs, selon la requérante, l’affirmation de la Commission selon laquelle la subvention accordée pour l’exploitation des lignes nouvelles constitue une aide nouvelle ne serait pas étayée par des arguments juridiques suffisants, en sorte qu’elle ne serait pas suffisamment motivée. Selon la requérante, tout comme la décision 2005/163, annulée par le Tribunal dans l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), la décision attaquée ne serait pas motivée.

73      Il résulte de ce qui précède que, selon la requérante, l’une des conditions pour qu’il soit imposé à l’État membre de récupérer l’aide au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, à savoir l’obligation de notification, n’était pas applicable en l’espèce en l’absence de nouveauté de l’aide.

74      En outre, une autre condition nécessaire en vue de l’obligation de récupération de l’aide ferait défaut, à savoir le fait que la mesure ne soit pas déclarée compatible. Or, au considérant 290 de la décision attaquée, la Commission a considéré que l’aide était compatible avec le marché intérieur, à l’exception de l’aide octroyée à Adriatica pour la période comprise entre janvier 1992 et juillet 1994 pour l’exploitation de la liaison Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, qui était incompatible avec le marché intérieur, car elle était étroitement liée à une entente interdite par l’article 101 TFUE. La Commission aurait donc affirmé que la présence d’un comportement anticoncurrentiel qu’elle considérait comme « étroitement lié » à la mesure d’aide d’État en cause, sans toutefois en expliquer les motifs, impliquerait de plein droit l’impossibilité de considérer cette mesure d’aide comme compatible avec le marché intérieur.

75      Or, selon la requérante, il ressortirait, notamment, des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Geurts et Vogten (C‑464/05, EU:C:2007:108) et de l’avocat général Mazák dans l’affaire Nuova Agricast (C‑390/06, EU:C:2007:712), qu’une mesure qualifiée d’aide d’État devrait être déclarée incompatible avec le droit de l’Union uniquement lorsqu’elle viole d’autres dispositions des traités, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. En effet, en l’occurrence, la Commission aurait elle-même constaté que la mesure en cause était pleinement compatible avec le marché intérieur et son application concrète ne serait nullement contraire à d’autres dispositions des traités.

76      La requérante, se fondant sur les conclusions mentionnées au point 75 ci-dessus, fait valoir qu’une mesure qui serait qualifiée d’aide d’État devrait être déclarée incompatible avec le droit de l’Union uniquement si elle devait violer d’autres dispositions des traités, ce qui ferait défaut en l’occurrence, puisque l’aide en tant que telle serait considérée par la Commission elle-même comme ne violant pas le droit de l’Union.

77      La requérante relève que l’argumentation de la Commission, outre le fait qu’elle n’est pas convaincante, est insuffisamment motivée, en sorte que, au regard d’une jurisprudence constante, la seule absence de motivation devrait entraîner l’annulation de la décision attaquée.

78      Enfin, la requérante invoque une violation du principe de proportionnalité, au motif que, outre l’amende au titre de laquelle elle a été condamnée en raison de sa participation à une entente, elle serait également condamnée à devoir restituer les subventions versées par la République italienne.

79      La Commission conteste les arguments de la requérante.

80      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans le cadre de ce moyen, la requérante avance, en substance, cinq griefs à l’encontre de la décision attaquée. En premier lieu, le régime d’aide mis en place par la République italienne aurait dû être considéré comme étant un régime existant et non comme un régime nouveau. En deuxième lieu, cette qualification serait, en tout état de cause, dépourvue de toute motivation. En troisième lieu, l’existence d’une entente n’aurait pas pu entraîner l’incompatibilité du régime d’aide. En quatrième lieu, l’examen de la coexistence d’une entente et d’un régime d’aide serait dépourvu de toute motivation. En cinquième lieu, en infligeant une amende, d’une part, au titre de l’entente et, d’autre part, au titre de la récupération de l’aide, en raison de l’incompatibilité du régime d’aide au regard de l’existence d’une entente, la Commission aurait violé le principe de proportionnalité.

–       Sur le caractère existant ou nouveau du régime d’aide

81      Par son premier grief, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle le régime d’aide mis en place serait une aide nouvelle et considère, au contraire, qu’il s’agit d’un régime d’aide existant.

82      À titre liminaire, il convient de souligner que, dans l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), le Tribunal annule la décision 2005/163, au motif que, si la Commission n’est tenue d’exposer que les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de sa décision, elle ne saurait se contenter d’affirmer que les aides en cause ne sont pas antérieures à l’entrée en vigueur du traité parce que ce n’est qu’à partir des décrets-lois nos 684/74 et 169/75 qu’a été organisé, sous sa forme actuelle, le régime de subvention annuelle d’équilibre, alors que l’État membre en question a soutenu lors de la procédure d’enquête que des aides trouvaient leur origine dans une législation nationale spécifique entrée en vigueur en 1936, soit avant l’entrée en vigueur du traité CE dans ledit État membre (arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, point 117).

83      C’est dans ces conditions que le Tribunal, sans prendre position sur la question de savoir si les aides octroyées à Adriatica avaient effectivement été créées à cette date, a annulé la décision 2005/163, au motif que cette dernière était entachée d’une insuffisance de motivation de nature à l’empêcher d’exercer son contrôle de légalité, dans la mesure où la Commission n’avait pas examiné cette question (arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission, T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48, point 118).

84      C’est dans ces conditions que la Commission a indiqué, au considérant 56 de la décision attaquée, que, aux fins de se conformer à l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), il lui incombait d’exposer en détail le cadre juridique pertinent au niveau national, ce qu’elle a donc fait en exposant, aux considérants 57 à 93 de cette décision, le cadre législatif relatif aux aides d’État dans le secteur maritime.

85      Plusieurs dispositions législatives italiennes, en particulier les décrets-lois de 1936, la loi no 34, du 5 janvier 1953, la loi no 178, du 26 mars 1959, ainsi que la loi no 600, du 2 juin 1962, y sont décrites et n’avaient pas été prises en considération dans la décision 2005/163 (considérants 57 à 70 de la décision attaquée).

86      C’est donc au regard de ce cadre juridique, tel qu’établi par la Commission afin de remédier à l’annulation de la décision 2005/163, qu’il y a lieu d’examiner la légalité de la décision attaquée.

87      Aux termes de l’article 1er, sous b), i), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), constitue une aide existante « toute aide existante avant l’entrée en vigueur du traité dans l’État membre concerné ».

88      Ensuite, en vertu de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, toute aide, c’est-à-dire tout régime d’aide ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante, doit être considérée comme une aide nouvelle.

89      En substance, les mesures tendant à instituer des aides ou à modifier des aides existantes constituent des aides nouvelles. En particulier, lorsque la modification affecte le régime initial dans sa substance même, ce régime se trouve transformé en un régime d’aide nouveau. Toutefois, il ne saurait être question d’une telle modification substantielle lorsque l’élément nouveau est clairement détachable du régime initial (arrêt du 11 juin 2009, Italie/Commission, T‑222/04, EU:T:2009:194, point 94 ; voir également, en ce sens, arrêt du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, points 109 à 111).

90      Les considérants 187 et 188 de la décision attaquée sont libellés ainsi :

« 187            La liaison Trieste/Durazzo a été introduite en 1983 afin de développer les relations commerciales entre l’Albanie et les pays d’Europe occidentale. Les lignes reliant Trieste à l’Albanie ne figuraient pas sur les listes des lignes adoptées sur la base des décrets[-lois] de 1936.

188            Il en va de même pour la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras. Les autorités italiennes n’ont pas été en mesure de fournir à la Commission des pièces justificatives établissant clairement à quel moment la liaison Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras a été établie. L’Italie fait valoir que la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras entre dans le champ d’application des décrets[-lois] de 1936, étant donné qu’une liaison spécifique avec la Grèce figurait, à cette époque, parmi les lignes d’intérêt national du secteur IV identifiées dans le décret no 2081/1936 (pour les liaisons avec la Grèce, l’Albanie et les îles Tremiti). La Commission ne peut accepter l’argument des autorités italiennes, étant donné que les listes adoptées sur la base des décrets[-lois] de 1936 ne prévoyaient pas de lignes spécifiques à partir de Brindisi. D’après une lettre des autorités italiennes du 29 octobre 2002, la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras n’a été introduite par Adriatica qu’en 1978. Dans cette même lettre, les autorités italiennes précisaient qu’Adriatica n’avait jamais exploité la ligne entre Bari et la Grèce dans le cadre du régime de service public, mais bien la liaison entre Brindisi et la Grèce. Les autorités italiennes elles-mêmes considéraient donc les deux lignes comme deux marchés en cause distincts. »

91      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel dès lors que les liaisons entre l’Italie et la Grèce étaient déjà prévues par les décrets-lois de 1936, elles comprenaient nécessairement la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, il convient d’ores et déjà de relever que les autorités italiennes ont été en défaut d’établir la date à laquelle la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras a été introduite et que, au contraire, il ressort d’une lettre des autorités italiennes du 29 octobre 2002, mentionnée au considérant 188 de la décision attaquée et qui n’a pas été contestée par la requérante, que ladite ligne n’a été introduite par Adriatica qu’en 1978.

92      Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’une obligation de service public qui serait aussi générale et indifférenciée et porterait sur l’ensemble des lignes entre l’Italie et la Grèce sans spécifier les lignes spécifiquement concernées par un régime d’aide serait incompatible avec l’encadrement qui implique, aux fins de la détermination du montant des aides nécessaires et de leur proportionnalité au regard des obligations de service public ainsi que de leur compatibilité avec les règles du traité, que les lignes faisant l’objet d’un financement public soient précisément identifiées ou que leur existence avant l’entrée en vigueur du traité CE soit démontrée afin de pouvoir s’assurer, notamment, du respect de la condition selon laquelle le montant des aides octroyées ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir les obligations de service public imposées.

93      Même s’il peut être admis que, en 1936, l’existence de régimes d’aide ne saurait être regardée à l’aune des conditions prévalant à la suite de l’entrée en vigueur du traité CE, il n’empêche que la Commission devait s’assurer, afin de déterminer la qualification de « régime d’aide existant », d’une part, que la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras existait au moment de l’entrée en vigueur du traité CE et, d’autre part, qu’elle bénéficiait d’un financement public en compensation d’obligations de service public. En l’absence de toute précision sur ce point, il ne saurait être considéré que les décrets-lois de 1936 permettaient, y compris après l’entrée en vigueur du traité CE, de qualifier d’aides existantes des aides pour des lignes qui n’en bénéficiaient pas auparavant.

94      En deuxième lieu, et en tout état de cause, en ce que la requérante prétend que les modifications quant au mécanisme de calcul du montant de la compensation survenues après l’entrée en vigueur des décrets-lois de 1936 ne seraient pas substantielles, au motif que l’abrogation desdits décrets-lois serait purement formelle, il convient d’ores et déjà de constater que la requérante ne conteste nullement leur abrogation.

95      À cet égard, il ressort du considérant 211 de la décision attaquée que « la base juridique sur laquelle repose l’octroi de la compensation pour l’exploitation de lignes internationales a été abrogée après l’entrée en vigueur du traité CE ».

96      Or, il ne saurait être contesté que l’abrogation, par la loi no 684, du 20 décembre 1974, des décrets-lois de 1936, qui sont la base juridique sur laquelle est fondée l’octroi de la compensation, est de nature substantielle et non formelle, dans la mesure où une telle abrogation entraîne leur disparition de l’ordre juridique interne, laquelle emporte des conséquences telles que la disparition du régime d’aide mis en place par lesdits décrets-lois.

97      En effet, il convient de rappeler que, certes, par opposition à la situation dans laquelle un acte est retiré ou remplacé, ce qui a pour conséquence qu’il disparaît complètement – et avec effet ex tunc – de l’ordre juridique de l’Union, l’effet juridique d’un acte abrogé expire, sauf disposition contraire, à la date de son abrogation (voir, en ce sens, ordonnance du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, EU:T:2011:4, point 16 et jurisprudence citée).

98      Or, si la base juridique sur laquelle le régime de compensation est fondé est abrogée, ledit régime disparaît nécessairement de l’ordre juridique, dès lors qu’il est intrinsèquement lié à la base juridique qui fonde sa légalité.

99      Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des considérants 192 et 193 de la décision attaquée, au-delà de la période de 20 ans prévue par les décrets-lois de 1936, les contrats de service public ainsi que la compensation versée aux opérateurs pour la prestation desdits services ont expiré le 31 décembre 1956 et ont été prorogés à plusieurs reprises jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi no 600/1962. Cette dernière a prévu la conclusion de nouveaux contrats de service public d’une durée de 20 ans, en définissant les lignes d’intérêt national à exploiter ainsi que les compensations à verser à chaque société pour la gestion de ces lignes.

100    Il résulte de tout ce qui précède que le régime d’aide qui s’est substitué au régime mis en place par les décrets-lois de 1936 doit, en tout état de cause, être considéré comme étant un régime d’aide nouveau au sens de l’article 1er, sous c), du règlement no 659/1999, dès lors qu’il est postérieur à l’entrée en vigueur du traité CE.

101    En troisième lieu, et en tout état de cause, la requérante soutient que les autres modifications apportées au régime d’aide initial ne seraient pas substantielles, en sorte que le régime initial serait resté inchangé depuis la promulgation des décrets-lois de 1936.

102    Les modifications du régime d’aide, qui sont décrites aux considérants 212 à 216 de la décision attaquée, portaient, d’abord, sur le mécanisme de compensation permettant de calculer le montant de la compensation pour l’exploitation de lignes soumises à un régime de service public, y compris la marge bénéficiaire, ensuite, sur la période au cours de laquelle la compensation pouvait être versée et, enfin, sur les ressources budgétaires affectées au financement des liaisons de service public.

103    Or, de telles modifications constituent des modifications de nature substantielle, dès lors que c’est la nature même du régime qui est affectée et qu’elles ne portent pas seulement, ainsi que le prétend la requérante, sur la limitation de la participation financière des autorités italiennes.

104    Le renvoi par la requérante aux points 116 à 118 de l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), au soutien de son argumentation selon laquelle les modifications ne seraient pas substantielles, n’est pas pertinent, dans la mesure où le Tribunal n’y a pas examiné le caractère substantiel des modifications, puisqu’il s’est limité à constater une absence de motivation de la décision 2005/163 sur ce point.

105    En quatrième lieu, et en tout état de cause, la requérante invoque, en se fondant sur l’arrêt du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission (T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111), le caractère détachable des modifications du régime initial.

106    À cet égard, il convient de rappeler que c’est seulement dans l’hypothèse où la modification affecte le régime initial dans sa substance même que ce régime se trouve transformé en un régime d’aide nouveau et qu’il ne saurait être question d’une telle modification substantielle lorsque l’élément nouveau est clairement détachable du régime initial. Ainsi, de simples ajouts au régime initial ne sauraient être considérés comme une modification substantielle dudit régime (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, points 111 à 113).

107    Force est de constater que, ainsi qu’il ressort des considérants 212 à 216 de la décision attaquée, résumés au point 102 ci-dessus, les modifications, qui concernent le mécanisme de compensation, la période de versement des compensations et les ressources budgétaires affectées, ne sauraient être considérées comme de simples ajouts au régime initial, puisqu’elles portent sur des éléments essentiels d’un régime d’aide, dès lors qu’elles sont susceptibles d’affecter la compatibilité de la compensation avec le marché intérieur.

108    Il s’ensuit que le premier grief doit être rejeté.

–       Sur l’absence de motivation de la qualification du régime d’aide

109    Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que, tout comme dans la décision 2005/163, la Commission aurait, en ayant considéré que le régime d’aide était un régime nouveau et non un régime existant, manqué à son obligation de motivation.

110    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et de défendre leurs droits et au juge d’exercer son contrôle. Il ne saurait toutefois être exigé que la motivation spécifie tous les différents éléments de fait et de droit pertinents. En effet, la question de savoir si la motivation d’une décision satisfait à ces exigences doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 56 ; du 30 avril 1998, Vlaamse Gewest/Commission, T‑214/95, EU:T:1998:77, points 62 et 63, et du 19 mai 2015, Diputación Foral de Bizkaia/Commission, T‑397/12, non publié, EU:T:2015:291, point 68).

111    Il s’ensuit que le défaut ou l’insuffisance de motivation constitue un moyen tiré de la violation des formes substantielles, distinct, en tant que tel, du moyen pris de l’inexactitude des motifs de la décision, dont le contrôle relève de l’examen du bien-fondé de cette décision (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67 ; du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 26, et du 19 mai 2015, Diputación Foral de Bizkaia/Commission, T‑397/12, non publié, EU:T:2015:291, point 69).

112    Or, il ressort des considérants 187 et 188 de la décision attaquée, lus à la lumière des considérants 57 à 93 de cette dernière, que la Commission a indiqué les raisons pour lesquelles le régime initial mis en place par les décrets-lois de 1936, d’une part, ne portait pas sur la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, en sorte qu’il ne pouvait pas être considéré comme un régime d’aide existant, et, d’autre part, n’était plus en vigueur à la suite de son abrogation et de son remplacement par une nouvelle réglementation.

113    Il s’ensuit que la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, les raisons pour lesquelles le régime d’aide mis en place par les autorités italiennes devait être considéré comme étant nouveau, raisons qui ont permis à la requérante de prendre connaissance de la justification de cette qualification ainsi qu’au Tribunal de contrôler la légalité de la décision attaquée.

114    À cet égard, il doit être ajouté que la requérante semble davantage mettre en cause la justification de la Commission au soutien de sa constatation selon laquelle le régime d’aide relatif à la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras était un régime nouveau que l’absence de motivation de la décision attaquée.

115    Il y a donc lieu de rejeter le deuxième grief.

–       Sur l’absence de compatibilité du régime d’aide en raison de l’existence d’une entente

116    Par son troisième grief, la requérante soutient que la Commission a considéré à tort que la présence d’un comportement anticoncurrentiel qui serait « étroitement lié » à la mesure d’aide en cause impliquerait de plein droit l’impossibilité de considérer cette mesure d’aide comme étant compatible avec le marché intérieur.

117    Les considérants 276 à 283 de la décision attaquée sont libellés en ces termes :

« 276            La procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit pas aboutir à un résultat qui serait contraire à des règles spécifiques du traité. Dès lors, une aide d’État qui, par certaines de ses modalités, viole d’autres dispositions du traité ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur par la Commission. L’obligation de la Commission de respecter la cohérence entre les articles 107 et 108 TFUE et d’autres dispositions du traité s’impose tout particulièrement, dans l’hypothèse où ces autres dispositions visent également, comme en l’espèce, l’objectif d’une concurrence non faussée dans le marché commun.

277            Le respect des conditions fixées par l’encadrement SIEG de 2012, ainsi qu’il a été établi ci-dessus, suffit normalement à garantir que l’aide ne fausse pas la concurrence dans une mesure contraire aux intérêts de l’Union (voir le point 51 de l’encadrement SIEG de 2012).

278            En ce qui concerne Adriatica, la Commission note toutefois que, entre le 30 octobre 1990 et le mois de juillet 1994, Adriatica a participé à une entente ayant pour objet la fixation des prix à appliquer aux véhicules commerciaux sur la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, en violation de l’article 101 TFUE, alors qu’Adriatica bénéficiait d’aides pour l’exploitation de cette liaison. À la suite de l’adoption de la décision [2005/163], la Cour a confirmé cette appréciation.

279            La compensation des obligations de service public versée pour l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras entre janvier 1992 et juillet 1994, lorsque le bénéficiaire participait à l’entente sur la fixation des prix interdite par l’article 101 TFUE, ne peut être considérée comme compatible avec le marché intérieur. Bien que l’objectif de la compensation des obligations de service public soit précisément de faciliter le transport de marchandises et de passagers sur la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, le bénéficiaire de l’aide participait à une entente sur la fixation des prix qui entravait le transport de marchandises sur cette même ligne. La participation d’Adriatica à cette entente était donc en contradiction directe avec l’objectif de l’aide relative au SIEG octroyée à Adriatica en vue de faciliter le transport maritime sur cette ligne.

280            Il s’ensuit que la constatation de l’incompatibilité de l’aide et l’ordre de récupération de cette dernière qui en découle n’équivaudraient pas à une nouvelle sanction, comme l’affirme l’Italie. Cette incompatibilité résulte simplement de la participation du bénéficiaire de l’aide à une entente concernant les services que le bénéficiaire aurait dû rendre plus accessibles aux consommateurs au lieu d’en faire l’objet d’une entente au détriment des consommateurs. Compte tenu du type de services rendus en contrepartie de la compensation publique, qui concernaient à la fois des véhicules utilitaires, des passagers et des marchandises, la participation du bénéficiaire à une entente visant à établir les prix à appliquer au transport de véhicules utilitaires permet de tirer des conclusions pour l’ensemble de la liaison. L’entente visait précisément le trafic de véhicules utilitaires que les autorités italiennes entendaient faciliter grâce à la subvention.

281            En outre, l’entente faussait de manière significative la concurrence sur le marché concerné, à savoir la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, alors que l’aide relative au SIEG sur cette même ligne aurait dû être octroyée de manière à minimiser les distorsions de la concurrence. La participation du bénéficiaire à une entente sur la fixation des prix sur cette ligne a renforcé les effets de distorsion causés par l’aide, qui a donc eu des effets négatifs importants sur d’autres États membres et sur le fonctionnement du marché intérieur. En outre, il est plausible que, en l’absence de subventions publiques, Adriatica n’aurait pas eu la puissance économique nécessaire pour participer à cette entente.

282            Enfin, à cette époque, Adriatica était détenue à 100 % par une société publique. Une partie des autorités italiennes avait donc connaissance de l’entente et de ses effets préjudiciables pour les consommateurs, tandis qu’une autre partie des autorités italiennes continuait à octroyer l’aide relative au SIEG qui aurait dû protéger les consommateurs sur cette même ligne, avec une distorsion de la concurrence la plus limitée possible.

283            Compte tenu de ce qui précède, la Commission conclut que l’aide octroyée à Adriatica sous forme de compensations des obligations de service public pour l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras entre janvier 1992 et juillet 1994 est incompatible avec le marché intérieur. »

118    À cet égard, il est vrai, comme le soutient la requérante, que la mesure d’aide en cause ne viole pas, en tant que telle et par certaines de ses modalités, d’autres dispositions du traité, en sorte que cette mesure ne saurait être considérée comme étant incompatible avec le marché intérieur pour ce motif (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 50 et jurisprudence citée).

119    Toutefois, force est de constater que la Commission n’a pas, aux considérant 276 à 283 de la décision attaquée, conclu à l’incompatibilité de la mesure en cause pour le seul motif que les modalités de cette mesure seraient, en tant que telles, contraires à d’autres dispositions du traité. Au contraire, la Commission a souligné l’impact, sur la compensation accordée à Adriatica pour l’exécution du SIEG relatif à l’exploitation de la ligne Brindisi/Corfou/Igoumenítsa/Patras, de la participation de cette entreprise à une entente sur une fixation de prix en lien avec les services concernés par ce SIEG.

120    Ainsi que l’a relevé à juste titre la Commission, ce n’est pas la simple existence de l’infraction aux règles de concurrence qui est à l’origine de la déclaration d’incompatibilité, mais le fait qu’il existe une contradiction évidente entre l’objectif poursuivi par l’entente, qui est, notamment, d’augmenter les prix appliqués aux consommateurs par rapport au prix du marché, et l’objectif poursuivi par les obligations de service public conférées à la requérante, qui sont, au contraire, de maintenir des prix accessibles aux utilisateurs du service public concerné.

121    Ainsi, l’aide d’État accordée à la requérante aboutit à un résultat manifestement contraire à l’objectif qu’elle poursuit, qui est de garantir des services publics accessibles et réguliers à ses usagers, alors même que l’objectif de l’entente est, au contraire, de garantir une rémunération la plus élevée possible qui soit à ses participants, en entravant l’accès à une concurrence libre et non faussée sur le marché.

122    Dans ces circonstances, la Commission, dans le cadre de son examen postérieur à la mise œuvre de la mesure en cause, pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, conclure que la participation d’Adriatica à une entente sur les prix, en violation de l’article 101 TFUE, impliquait l’incompatibilité de ladite mesure avec le marché intérieur, étant donné que cette entente pouvait affecter le montant de la compensation.

123    Il s’ensuit que le troisième grief doit être écarté.

–       Sur l’absence de motivation de l’incompatibilité du régime d’aide en raison de l’existence d’une entente

124    S’agissant du quatrième grief selon lequel la motivation de la décision attaquée en ce qui concerne l’incompatibilité du régime d’aide en raison de l’existence d’une entente serait déficiente au point qu’elle devrait être annulée, il convient de relever que, eu égard à la jurisprudence mentionnée aux points 110 et 111 ci-dessus, les considérants 276 à 283 de la décision attaquée, cités intégralement au point 117 ci-dessus, indiquent les raisons pour lesquelles la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne saurait aboutir à un résultat qui serait contraire à des règles spécifiques du traité.

125    La Commission poursuit en relevant qu’une aide d’État ne saurait être déclarée compatible avec les règles du traité si elle devait violer d’autres dispositions, dans la mesure où il doit exister une cohérence entre les règles relatives aux aides d’État et celles relatives au respect d’une concurrence non faussée au sein de l’Union.

126    En premier lieu, le grief tiré de l’absence de motivation, en ce qu’il est fondé sur la décision 2005/163, doit être considéré comme étant dépourvu de pertinence, dans la mesure où cette décision a précisément été annulée par l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), pour violation de l’obligation de motivation.

127    En deuxième lieu, l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal, dans l’arrêt du 4 mars 2009, Tirrenia di Navigazione e.a./Commission (T‑265/04, T‑292/04 et T‑504/04, non publié, EU:T:2009:48), n’aurait pas jugé que « l’analyse de la Commission concernant le caractère conditionnel de la mesure d’aide quant au fond, par rapport à une violation autonome et distincte du droit de la concurrence, était dénuée de pertinence » ne saurait prospérer, dans la mesure où le Tribunal, en annulant la décision 2005/163 pour absence de motivation, ne s’est précisément pas prononcé sur l’analyse de la compatibilité des aides perçues par la requérante.

128    En troisième lieu, il convient de relever que, ainsi que l’indique à juste titre la Commission, au regard tant de son libellé que du contexte dans lequel elle a été adoptée, la décision attaquée contient, à ses considérants 276 à 283, une motivation suffisante et particulièrement détaillée, qui satisfait aux obligations énoncées à l’article 296 TFUE. D’ailleurs, force est de constater que la requérante semble davantage contester l’analyse juridique du lien établi entre l’incompatibilité des aides et l’existence d’une entente que l’absence de motivation de la décision attaquée, qui est, en tout état de cause, ainsi qu’il résulte de l’analyse précédente, suffisamment motivée.

129    En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a motivé le lien de cause à effet entre la participation à une entente et le régime d’aide mis en place, en précisant, aux considérants 279 à 281 de la décision attaquée, que la participation de la requérante à une entente était en contradiction directe avec l’objectif de l’aide, puisque la participation à cette entente avait renforcé les effets de la distorsion causée par ledit régime d’aide et avait eu des effets négatifs importants sur d’autres États membres ainsi que sur le fonctionnement du marché intérieur, ajoutant que, en l’absence de ce régime d’aide, la requérante n’aurait pas eu la puissance économique nécessaire pour participer à ladite entente.

130    Il résulte de ce qui précède que le quatrième grief doit être rejeté.

–       Sur la violation du principe de proportionnalité

131    Par son cinquième grief, la requérante fait valoir, en substance, que, en lui infligeant une amende, d’une part, au titre de l’entente et, d’autre part, au titre de la récupération des aides, en raison de l’incompatibilité du régime d’aide liée à l’existence d’une entente, la Commission a violé le principe de proportionnalité.

132    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige, selon une jurisprudence constante, que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt du 9 septembre 2004, Espagne et Finlande/Parlement et Conseil, C‑184/02 et C‑223/02, EU:C:2004:497, point 57 ; voir également, en ce sens, arrêts du 11 juillet 2002, Käserei Champignon Hofmeister, C‑210/00, EU:C:2002:440, point 59, et du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a., C‑558/07, EU:C:2009:430, point 41).

133    Force est de constater que, contrairement à ce qu’elle prétend, la requérante n’a pas été pénalisée deux fois, puisque la récupération des aides perçues résulte de la simple incompatibilité desdites aides avec les règles du traité et qu’aucune amende ne lui a été infligée à ce titre, alors que sa condamnation pour la participation à une entente constitue une infraction distincte, laquelle a été sanctionnée par la Commission, dont la décision a été confirmée par le Tribunal dans l’arrêt du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission (T‑61/99, EU:T:2003:335), tout en diminuant le montant de l’amende infligée. Cet arrêt a par ailleurs été confirmé par la Cour dans l’ordonnance du 16 février 2006, Adriatica di Navigazione/Commission (C‑111/04 P, non publiée, EU:C:2006:105).

134    Il ne saurait donc y avoir violation du principe de proportionnalité dans la mesure où la récupération des aides est la seule conséquence de leur illégalité et de leur incompatibilité avec les règles du traité.

135    Il s’ensuit que le cinquième grief doit être rejeté ainsi que le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration en ce qui concerne la durée de la procédure ainsi que du principe de protection de la confiance légitime

136    La requérante fait valoir que la procédure d’enquête a eu une durée excessive, en violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, et rappelle que le respect d’un délai raisonnable dans le déroulement d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union. Ce principe est d’ailleurs qualifié de droit par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

137    Nonobstant le fait qu’aucun délai n’est prévu pour la clôture de la procédure, la requérante considère que cette absence de délai ne fait pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie si la Commission n’a pas observé un délai raisonnable ou a agi de manière excessivement tardive. Une phase d’examen préliminaire ayant duré quatre années aurait, notamment, été considérée comme excessive.

138    Ainsi, la procédure aurait eu une durée excessive qui, en plus de faire naître à l’égard de la requérante une confiance légitime dans la compatibilité des mesures qui la visaient, serait contraire aux principes de sécurité juridique et de bonne administration.

139    Une telle violation causerait, à la requérante, un préjudice économique illicite extrêmement grave et circonstancié, dans la mesure où, du fait de cette durée injustifiée de la procédure, le montant des sommes à récupérer aurait pratiquement doublé en raison de l’application des intérêts sur le montant de l’aide accordée illégalement pour une période décennale correspondant à la durée anormale de la procédure.

140    En outre, la durée déraisonnable de la procédure aurait fait naître, à l’égard de la requérante, une confiance légitime qui impliquerait, à supposer même que la décision attaquée ne soit pas annulée, la disparition de l’obligation de récupération de l’aide déclarée illégale et incompatible. La Commission aurait même dû d’office, conformément à la jurisprudence, ne pas exiger la récupération de l’aide pour ne pas violer le principe de protection de la confiance légitime.

141    La Commission conteste les arguments de la requérante.

142    À titre liminaire, en ce que la requérante ajoute, dans la réplique, que la Commission a commis une violation du principe de proportionnalité, il suffit de constater que ce moyen ne figure nullement dans la requête et qu’aucun argument n’est, au demeurant, développé quant à l’éventuelle violation du principe de proportionnalité.

143    Le simple fait que la requérante a mentionné, dans la requête, que « la récupération ne [pouvait] donner lieu à une mesure disproportionnée » ou que les « conséquences [de la récupération étaient] tout à fait disproportionnées », extraits qui figurent, au demeurant, dans des citations jurisprudentielles, ne saurait être considéré comme l’invocation, par la requérante, de la violation du principe de proportionnalité.

144    Or, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, premier alinéa, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués et cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il doit en aller de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé (arrêt du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, EU:T:1994:79, point 183 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Frieberger et Vallin, T‑232/16 P, non publié, EU:T:2017:15, point 34).

145    Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du 29 novembre 1993, Koelman/Commission, T‑56/92, EU:T:1993:105, point 21, et arrêt du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, EU:T:1996:120, point 106).

146    Or, force est de constater que, dans la présente affaire, la requête ne satisfait pas aux conditions de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 76, premier alinéa, sous d), du règlement de procédure, la requérante n’ayant, dans le cadre de la requête, invoqué, ainsi que l’a à juste titre souligné la Commission, aucun grief relatif à une prétendue violation du principe de proportionnalité.

147    S’agissant du moyen tel qu’invoqué par la requérante, tout d’abord, il convient de rappeler que le principe de protection de la confiance légitime, principe fondamental du droit de l’Union, permet à tout opérateur économique à l’égard duquel une institution a fait naître des espérances fondées de s’en prévaloir. Toutefois, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption par les institutions d’un acte de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice de ce principe, lorsque cette mesure est adoptée. Le droit de se prévaloir de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 178 et jurisprudence citée).

148    Ensuite, il convient de rappeler, s’agissant plus particulièrement de l’applicabilité du principe de protection de la confiance légitime en matière d’aides d’État, qu’un État membre, dont les autorités ont accordé une aide en violation des règles de procédure prévues à l’article 108 TFUE, peut invoquer la confiance légitime de l’entreprise bénéficiaire pour contester devant le juge de l’Union la validité d’une décision de la Commission lui ordonnant de récupérer l’aide, mais non pour se soustraire à l’obligation de prendre les mesures nécessaires en vue de son exécution. Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission, en sorte qu’elle est illégale conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf existence de circonstances exceptionnelles (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 179 et jurisprudence citée).

149    Par ailleurs, ainsi qu’il ressort de l’article 16, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2015/1589, « [l]a Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit de l’Union », tel que le principe de protection de la confiance légitime.

150    Il convient encore de rappeler que l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite d’une procédure administrative constitue un principe général du droit de l’Union. En outre, l’exigence fondamentale de sécurité juridique, qui s’oppose à ce que la Commission puisse retarder indéfiniment l’exercice de ses pouvoirs, conduit le juge à examiner si le déroulement de la procédure administrative révèle l’existence d’une action excessivement tardive de la part de cette institution (voir arrêts du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 53 et jurisprudence citée, et du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 180 et jurisprudence citée).

151    Il y a lieu d’ajouter que le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire, telles que la complexité de celle-ci et le comportement des parties (voir arrêts du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, EU:C:2007:52, point 116 et jurisprudence citée, et du 13 juin 2013, HGA e.a./Commission, C‑630/11 P à C‑633/11 P, EU:C:2013:387, point 82 et jurisprudence citée).

152    Le retard pris par la Commission pour décider qu’une aide est illégale et qu’elle doit être supprimée et récupérée par un État membre peut, dans certaines circonstances, fonder chez les bénéficiaires de ladite aide une confiance légitime de nature à empêcher la Commission d’enjoindre audit État membre d’ordonner la restitution de cette aide. En présence d’aides d’État non notifiées, un tel retard ne peut, toutefois, être imputé à la Commission qu’à partir du moment où elle a pris connaissance de l’existence des aides incompatibles avec le marché intérieur (voir arrêt du 22 avril 2016, Italie et Eurallumina/Commission, T‑60/06 RENV II et T‑62/06 RENV II, EU:T:2016:233, point 181 et jurisprudence citée).

153    Enfin, conformément à l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 659/1999, dans le cas d’une éventuelle aide illégale, la Commission n’est pas liée par les délais applicables en matière d’aides notifiées.

154    C’est à la lumière des règles rappelées aux points 147 à 153 ci-dessus qu’il y a lieu d’apprécier les arguments de la requérante.

155    En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, il convient de faire les constatations suivantes.

156    Il est, certes, exact que la procédure administrative a duré dix ans (d’avril 2010 à mars 2020), ce qui pourrait paraître a priori excessif.

157    Toutefois, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 151 ci-dessus, le caractère raisonnable du délai de la procédure doit être apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire.

158    À titre liminaire, il convient de relever que le fait de prétendre, ainsi que le fait la requérante, qu’« il n’existe aucune circonstance qui, dans la présente espèce, puisse justifier l’écoulement d’un délai de presque plus de vingt ans pour l’adoption de la décision attaquée » et que « la durée excessive de la procédure est uniquement le fruit de défaillances de la Commission dans la gestion de la procédure et d’une violation manifeste du devoir de vigilance » n’est qu’une affirmation si elle n’est pas corroborée par des éléments factuels qu’il appartient à la requérante de porter à la connaissance du Tribunal.

159    Ainsi, et bien que la requérante ne précise nullement et concrètement les circonstances qui, selon elle, révéleraient, dans la présente affaire, une violation des principes de sécurité juridique et de bonne administration, à l’exception de son affirmation selon laquelle la procédure a été trop longue, il y a lieu d’ores et déjà de relever que les aides en cause se caractérisent par un contexte particulier, dans la mesure où l’octroi de ces dernières au groupe Tirrenia a fait l’objet de plusieurs décisions de la Commission, en particulier de la décision (UE) 2020/1412, du 2 mars 2020, concernant les mesures d’aide SA.32014, SA.32015, SA.32016 (11/C) (ex 11/NN) mises à exécution par l’Italie en faveur de Tirrenia di Navigazione et de son acquéreur Compagnia Italiana di Navigazione (JO 2020, L 332, p. 45).

160    La décision attaquée ainsi que la décision 2020/1412 comportent de nombreux considérants concernant un grand nombre de mesures mises en œuvre par les autorités italiennes. La longueur de ces décisions et la diversité des mesures mettent en exergue la complexité factuelle et juridique des aides accordées au groupe Tirrenia par la République italienne, complexité qui est soulignée par les autorités italiennes elles-mêmes (voir considérant 24 de la décision attaquée).

161    Même si, effectivement, la Commission a tardé à instruire l’affaire entre le 10 avril 2013 et le 18 octobre 2018 (voir considérants 29 à 32 de la décision attaquée), ce retard est largement imputable aux autorités italiennes, qui n’ont pas daigné transmettre l’ensemble des informations à la suite de l’injonction de la Commission, rendant l’instruction de cette affaire par cette dernière plus complexe en raison de l’absence de certaines informations, qui auraient dû être immédiatement transmises par les autorités italiennes.

162    Il résulte en effet des points 19 à 32 ci-dessus que la Commission a eu les plus grandes difficultés pour obtenir des autorités italiennes les réponses aux questions qu’elle leur avait posées et qu’elle a, notamment, dû rappeler à ces dernières leur obligation de lui répondre. La Commission a même été contrainte d’enjoindre à la République italienne de lui fournir certains renseignements qu’elle n’arrivait pas à obtenir.

163    Ainsi, la Commission ne saurait être considérée comme étant à l’origine de la longueur de la procédure et, sans la carence des autorités italiennes, le délai pour instruire la présente affaire aurait pu être notablement raccourci.

164    Par ailleurs, il convient de rappeler que la décision attaquée concernait non seulement la mesure en cause dont la Commission a ordonné la récupération, mais qu’elle a également clos l’enquête formelle de la Commission sur l’ensemble des subventions reçues par les sociétés du groupe Tirrenia pendant la période s’écoulant de 1992 à 2008.

165    Compte tenu de ces échanges de documents, du contexte dans lequel cette affaire s’inscrit parmi d’autres affaires similaires ainsi que de la complexité de l’affaire en cause, il ne saurait être conclu que la clôture de la procédure par l’adoption de la décision attaquée puisse être considérée comme étant excessivement tardive, en sorte qu’il y a lieu de conclure que la Commission n’a nullement porté atteinte aux principes de bonne administration et de sécurité juridique.

166    En second lieu, s’agissant de la prétendue violation du principe de protection de la confiance légitime, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 148 ci-dessus, lorsqu’une aide a été mise à exécution sans notification préalable, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, à ce moment, une confiance légitime dans la régularité de l’octroi de celle-ci, sauf circonstances exceptionnelles.

167    En l’espèce, ainsi d’ailleurs que le reconnaît elle-même la requérante, les mesures en cause n’ont pas été notifiées à la Commission, en sorte que l’aide a été octroyée en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, ce qui suffit en soi pour exclure l’existence d’une quelconque confiance légitime de la part de la requérante dans la régularité des aides en cause. Toutefois, il convient de constater que la jurisprudence mentionnée au point 148 ci-dessus n’exclut pas la possibilité pour les bénéficiaires d’une aide illégale, car non notifiée, d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder leur confiance dans le caractère régulier de cette aide, pour s’opposer à son remboursement.

168    En l’occurrence, il ne saurait, toutefois, être considéré que le simple rappel de la jurisprudence puisse être interprété comme étant l’invocation par la requérante de circonstances exceptionnelles propres à l’affaire soumise en l’espèce au Tribunal. À cet égard, il convient de relever qu’une partie de cette jurisprudence n’est pas pertinente, dès lors qu’elle se rapporte soit à des procédures d’examen préliminaire qui n’ont pas été suivies d’une procédure formelle d’examen, soit à des aides notifiées.

169    En effet, il ne saurait appartenir au Tribunal de rechercher, parmi les éléments factuels de l’affaire qui lui est soumise, les circonstances exceptionnelles permettant de conclure à l’existence d’une confiance légitime de la part de la requérante lui ouvrant la possibilité d’obtenir une sanction de la violation du principe du délai raisonnable. En effet, la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être corrélée à des arguments qu’il appartient à la requérante de soulever et au Tribunal d’examiner afin de déterminer l’éventuelle violation de ce principe (voir, en ce sens, arrêt du 15 juin 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑171/02, EU:T:2005:219, point 66).

170    À cet égard, il convient, toutefois, de relever que la requérante se réfère, à titre de « circonstance exceptionnelle », à la décision (UE) 2019/422 de la Commission, du 20 septembre 2018, concernant l’aide d’État SA 36112 (2016/C) (ex 2015/NN) mise à exécution par l’Italie en faveur de l’autorité portuaire de Naples et de Cantieri del Mediterraneo SpA (JO 2019, L 78, p. 63), dans laquelle la Commission avait renoncé à la récupération des aides en raison d’une procédure anormalement longue.

171    Toutefois, force est de constater que, dans cette dernière décision, la Commission elle-même avait reconnu qu’elle ne pouvait réclamer la restitution de l’aide octroyée, en raison de la durée de la procédure trop longue, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas.

172    Or, en l’occurrence, la Commission conteste, de manière circonstanciée, que la procédure ait été trop longue, dans la mesure où la situation de la présente affaire se distingue de celle qui a été à l’origine de la décision 2019/422. La Commission conteste, dès lors, que la restitution de l’aide ne s’impose pas en l’espèce.

173    Enfin, s’agissant de l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), dont se prévaut la requérante, il est certes exact que la Cour a estimé que le délai de 26 mois pris par la Commission pour adopter sa décision avait pu faire naître, dans l’esprit de la partie requérante, bénéficiaire de l’aide, une confiance légitime de nature à empêcher l’institution d’enjoindre aux autorités nationales concernées d’ordonner la restitution de cette aide.

174    Toutefois, les circonstances de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), ont joué un rôle décisif dans l’orientation suivie par la Cour dans cet arrêt, en sorte que celle-ci ne saurait nécessairement être transposée au cas d’espèce. En particulier, l’aide à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), avait fait l’objet, quoiqu’après son versement, d’une notification formelle à la Commission. Par ailleurs, elle se rattachait à des coûts supplémentaires liés à des aides autorisées par la Commission et concernait un secteur qui, depuis 1977, avait bénéficié d’aides autorisées par la Commission. Enfin, l’examen de la compatibilité de l’aide n’exigeait pas une recherche approfondie [voir arrêt du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, EU:T:2018:940, point 158 (non publié) et jurisprudence citée].

175    Or, ces circonstances se distinguent clairement des circonstances à l’origine de la présente affaire, même si les aides s’inscrivent dans un secteur qui avait bénéficié, dans le passé, d’aides examinées par la Commission. En particulier, dans la présente affaire, les aides litigieuses n’ont jamais été notifiées à la Commission. Par suite, au vu des différences fondamentales entre le cas d’espèce dans l’arrêt du 24 novembre 1987, RSV/Commission (223/85, EU:C:1987:502), et celui faisant l’objet du présent recours, la requérante ne peut utilement se prévaloir de cet arrêt [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Comune di Milano/Commission, T‑167/13, EU:T:2018:940, point 159 (non publié)].

176    Par ailleurs, la requérante ne soutient pas non plus que la Commission lui a fourni des assurances précises de nature à lui donner des espérances fondées quant à la régularité de l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 31 mars 1998, Preussag Stahl/Commission, T‑129/96, EU:T:1998:69, point 78 ; du 5 juin 2001, ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi/Commission, T‑6/99, EU:T:2001:145, point 185, et du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, EU:T:2004:4, point 142).

177    Au contraire, eu égard à l’annulation par le Tribunal de la décision 2005/163 en raison d’une absence de motivation de cette dernière et non d’une erreur de droit, il était fortement prévisible pour la requérante, d’une part, que la Commission ne considérait toujours pas l’aide comme légale et, d’autre part, qu’elle aurait l’intention de reprendre la procédure administrative à partir du vice constaté par Tribunal, ce qui a précisément été effectué par la Commission.

178    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

179    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Tirrenia di navigazione SpA est condamnée aux dépens.

Svenningsen

Barents

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mai 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.