Language of document : ECLI:EU:T:2006:258

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

19 septembre 2006 (*)

« CECA – Aides d’État – Aides à l’environnement – Aide de l’Italie en faveur de l’entreprise sidérurgique Lucchini – Refus d’autorisation de l’aide envisagée ? Cadre juridique applicable ? Éligibilité des investissements notifiés aux aides à la protection de l’environnement ? Conditions de compatibilité des aides avec le marché commun ? Motivation »

Dans l’affaire T‑166/01,

Lucchini SpA, établie à Brescia (Italie), représentée par Mes G. Vezzoli et G. Belotti, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et V. Di Bucci, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation de l’article 1er de la décision 2001/466/CECA de la Commission, du 21 décembre 2000, en tant qu’il déclare incompatible avec le marché commun l’aide d’État d’un montant de 13,5 milliards d’ITL (6,98 millions d’euros) que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur de l’entreprise sidérurgique Lucchini SpA (JO 2001, L 163, p. 24),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre élargie),

composé de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas et J. D. Cooke, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 mars 2004,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 4 CA :

« Sont reconnus incompatibles avec le marché commun du charbon et de l’acier et, en conséquence, sont abolis et interdits dans les conditions prévues au présent traité, à l’intérieur de la Communauté :

[...]

c)      les subventions ou aides accordées par les États ou les charges spéciales imposées par eux, sous quelque forme que ce soit ;

[...] »

A –  Code des aides à la sidérurgie

2        Afin de répondre aux exigences de la restructuration du secteur de la sidérurgie, la Commission s’est fondée sur les dispositions de l’article 95 du traité CECA pour mettre en place, à partir du début des années 80, un régime communautaire autorisant l’octroi d’aides d’État à la sidérurgie dans certains cas limitativement énumérés. Ce régime a fait l’objet d’adaptations successives, en vue de faire face aux difficultés conjoncturelles de l’industrie sidérurgique. Les décisions successivement adoptées à cet égard sont communément appelées « codes des aides à la sidérurgie ».

3        La décision n° 2496/96/CECA de la Commission, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 338, p. 42, ci-après le « code »), constitue le sixième code des aides à la sidérurgie, applicable du 1er janvier 1997 jusqu’au 22 juillet 2002. Le code définit les conditions dans lesquelles les aides à la sidérurgie financées par un État membre, par des collectivités territoriales ou au moyen de ressources d’État, peuvent être considérées comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun.

4        Aux termes de l’article 1er du code :

« 1. Les aides à la sidérurgie financées par un État membre […] ne peuvent être considérées comme des aides communautaires et, partant, comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun que si elles satisfont aux dispositions des articles 2 à 5.

[…]

3. Les aides visées par la présente décision ne peuvent être accordées qu’à l’issue des procédures prévues à l’article 6 […] »

5        Selon l’article 3, intitulé « Aides en faveur de la protection de l’environnement » :

« Les aides en faveur de la protection de l’environnement peuvent être jugées compatibles avec le marché commun à condition qu’elles respectent les règles établies dans l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement telles qu’elles sont exposées au Journal officiel des Communautés européennes C 72 du 10 mars 1994, en conformité avec les critères d’application au secteur sidérurgique CECA, définis à l’annexe de la présente décision. »

6        L’article 6, intitulé « Procédure », expose aux paragraphes 1 et 2, que tout projet d’aide et tout projet de transfert de ressources publiques au bénéfice d’entreprises sidérurgiques doit être notifié à la Commission, qui apprécie sa compatibilité avec le marché commun. En vertu du paragraphe 4 de cette disposition, les mesures projetées ne peuvent être mises en oeuvre qu’avec l’approbation de la Commission et conformément aux conditions fixées par elle.

7        Aux termes de l’article 6, paragraphe 5, du code :

« Si la Commission considère qu’une intervention financière donnée peut constituer une aide d’État au sens de l’article 1er ou si elle doute qu’une aide donnée soit compatible avec les dispositions de la présente décision, elle en informe l’État membre concerné et invite les parties intéressées et les autres États membres à lui soumettre leurs observations. Si, après avoir reçu ces observations et donné à l’État membre concerné l’occasion d’y répondre, la Commission constate que la mesure en question constitue une aide non compatible avec les dispositions de la présente décision, elle prend une décision au plus tard trois mois après réception des informations nécessaires pour lui permettre d’apprécier l’aide en cause. Les dispositions de l’article 88 du traité s’appliquent dans le cas où un État membre ne se conforme pas à ladite décision. »

B –  Encadrement des aides à l’environnement

8        L’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement (JO 1994, C 72, p. 3, ci-après l’« encadrement »), qui est applicable au traité CE, précise, en son point 3, les conditions qui doivent remplir les interventions financières publiques en faveur de certaines entreprises en raison de la protection de l’environnement pour pouvoir être autorisées.

9        Le point 3.2 de l’encadrement concerne les aides aux investissements. Le point 3.2.1 indique :

« Les aides aux investissements en […] installations et équipements, destinées à réduire ou à éliminer les pollutions et les nuisances, ou à adapter les méthodes de production en vue de protéger l’environnement, peuvent être autorisées dans les limites établies par le présent encadrement. Les coûts admissibles doivent être strictement limités aux coûts d’investissement supplémentaires nécessaires pour atteindre les objectifs de protection de l’environnement. Les coûts d’investissements généraux ne relevant pas de la protection de l’environnement doivent être exclus. Ainsi, dans le cas d’investissements nouveaux ou de remplacement, le coût des investissements de base simplement destinés à créer ou à remplacer des capacités de production, sans améliorer la situation du point de vue de l’environnement, ne peut pas être pris en considération. De même, lorsqu’un investissement effectué dans une installation existante en vue d’améliorer la protection de l’environnement s’accompagne d’une augmentation de la capacité de ladite installation, les coûts admissibles doivent être proportionnels à la capacité initiale de cette dernière. En tout état de cause, les aides apparemment assignées à des mesures de protection de l’environnement, mais qui, en réalité, sont destinées à un investissement général, ne sont pas couvertes par le présent encadrement [...] »

10      Le point 3.2.3 de l’encadrement précise ensuite que les aides aux investissements à des fins de protection de l’environnement peuvent être autorisées si elles ne dépassent pas certains niveaux. Il distingue, premièrement (point 3.2.3.A), les aides destinées à aider les entreprises à s’adapter aux nouvelles normes obligatoires, deuxièmement (point 3.2.3.B), les aides destinées à inciter les entreprises à aller au-delà de ce que leur imposent les normes obligatoires, et troisièmement (point 3.2.3.C), les aides en absence de normes obligatoires.

11      Dans le premier cas (cas A), les aides aux investissements destinés à satisfaire aux nouvelles normes obligatoires ou à d’autres obligations juridiques nouvelles impliquant l’adaptation d’installations et d’équipements à ces nouvelles exigences, peuvent être autorisées à concurrence d’un niveau maximal de 15 % brut des coûts éligibles. Ces aides peuvent être accordées uniquement pour des installations fonctionnant depuis deux ans au moins au moment de l’entrée en vigueur des normes ou des obligations nouvelles. En outre, il est indiqué que les entreprises qui, plutôt que d’adapter simplement des installations existantes de plus de deux ans, optent pour les remplacer par de nouvelles installations répondant aux nouvelles normes, peuvent bénéficier d’une aide pour la fraction des coûts d’investissement qui ne dépassent pas ceux qui auraient résulté de l’adaptation des anciennes installations.

12      Dans le deuxième cas (cas B), les aides aux investissements permettant d’atteindre des niveaux de protection de l’environnement très nettement supérieurs à ceux imposés par les normes obligatoires, peuvent être autorisées à concurrence d’un niveau maximal de 30 % brut des coûts d’investissement éligibles. Il est précisé que « le niveau de l’aide accordée pour le dépassement de ces normes doit être proportionné à l’amélioration de l’environnement ainsi réalisée et à l’investissement nécessaire pour parvenir à cette amélioration » et que, « lorsqu’un projet prévoit, tout à la fois, une adaptation aux normes et un dépassement de celles-ci, les coûts éligibles correspondant à chacune de ces catégories doivent être disjoints et la limite appropriée appliquée ».

13      Dans le troisième cas (cas C) les investissements peuvent bénéficier d’aides aux mêmes niveaux et sous réserve des mêmes conditions que ceux prévus dans le deuxième cas.

C –  Annexe du code

14      L’annexe du code, intitulé « Critères d’application de l’encadrement […] à la sidérurgie » précise, dans son introduction, que la Commission imposera à l’octroi de toute aide d’État en faveur de la protection de l’environnement toutes les conditions et garanties nécessaires afin d’éviter que de nouvelles installations et de nouveaux équipements ne bénéficient d’investissements à caractère général sous couvert de la protection de l’environnement.

15      Cette annexe est divisée en deux parties. La première partie, intitulée « Aides visant à permettre aux entreprises de mieux adapter les installations existantes aux nouvelles normes obligatoires » dispose, sous b) :

« Les entreprises qui, plutôt que d’adapter leurs installations ou leurs équipements datant de plus de deux ans, choisissent de les remplacer par de nouvelles installations conformes aux nouvelles normes, devront respecter les conditions suivantes.

[...]

ii)      La Commission analysera le contexte économique et écologique dans lequel la décision a été prise de remplacer les installations ou les équipements. En principe, la décision de procéder à de nouveaux investissements qui auraient de toute manière été nécessaires pour des raisons économiques ou du fait de l’ancienneté des installations ou des équipements ne pourra pas bénéficier de l’aide. Pour pouvoir bénéficier de l’aide, la durée de vie des installations existantes devra encore être suffisamment longue (25 % au moins). »

16      La seconde partie, intitulée « Aides visant à encourager les entreprises à fournir une contribution importante à la protection de l’environnement », prévoit :

« a)  En ce qui concerne les entreprises qui décideraient d’adopter des normes encore plus rigoureuses que les normes obligatoires, l’investisseur sera tenu non seulement de respecter les dispositions [figurant sous] b), ii), mais aussi de démontrer qu’il a clairement décidé de choisir des normes plus rigoureuses nécessitant des investissements supplémentaires, c’est-à-dire, qu’une solution moins coûteuse existait, qui aurait satisfait aux nouvelles normes écologiques. Quoi qu’il en soit, le montant plus élevé de l’aide ne devra porter que sur l’amélioration de la protection de l’environnement. Tout avantage lié à un abaissement des coûts de production qu’entraîneraient des niveaux notablement plus élevés de protection de l’environnement devra être déduit.

b)      En ce qui concerne les entreprises qui contribuent notablement à améliorer la protection de l’environnement, non seulement le critère figurant [dans la première partie sous] b), ii), devra être respecté, mais tout avantage lié à un abaissement des coûts de production qu’entraînerait cette amélioration notable devra être déduit.

c)       Outre les critères mentionnés ci-dessus, les investissements qui visent uniquement à protéger l’environnement seront examinés en vue de déterminer s’ils respectent les critères énoncés dans l’encadrement [...] »

 Faits à l’origine du recours

17      La requérante, Lucchini SpA, est une entreprise sidérurgique qui fabrique des produits visés à l’annexe I du traité CECA.

A –  Déclarations relatives à des investissements productifs

18      Le 10 décembre 1997, conformément à la décision n° 3010/91/CECA de la Commission, du 15 octobre 1991, relative aux informations que les entreprises de l’industrie de l’acier sont tenues de fournir au sujet de leurs investissements (JO L 286, p. 20), les autorités italiennes ont présenté à la Commission deux déclarations relatives à des projets d’investissements pour la production réalisés dans l’usine de Piombino de Lucchini. Selon la lettre des autorités italiennes du 18 juillet 2000, ces déclarations concernaient le remplacement du haut-fourneau par un autre dans les installations de production de fonte (considérant 10 de la décision attaquée), d’une part, et le remplacement des convertisseurs existants par de nouveaux convertisseurs dans l’aciérie, d’autre part.

B –  Notifications relatives à des projets d’investissements environnementaux

19      Par lettre du 16 mars 1999, les autorités italiennes ont notifié à la Commission, en vertu de l’article 3 du code, un premier projet d’aides en faveur de la protection de l’environnement devant être octroyées à Lucchini pour des investissements dans l’usine de Piombino (ci-après le « premier projet d’aides »). Les investissements notifiés concernaient des actions environnementales consistant à remplacer ou à compléter les équipements environnementaux de la cokerie, du haut-fourneau, et de l’aciérie, s’agissant notamment du dispositif d’aspiration des fumées des convertisseurs de l’aciérie.

20      Par lettre du 19 avril 1999, la Commission a demandé des informations complémentaires sur ce projet. Cette lettre rappelait, tout d’abord, le contenu des dispositions figurant dans la première partie de l’annexe du code, sous b), ii), aux termes desquelles les investissements environnementaux réalisés dans le secteur sidérurgique pour des raisons économiques ou du fait de l’ancienneté ou de la vétusté des installations existantes – lorsque la durée de vie résiduelle de l’installation est inférieure à 25 % – ne peuvent pas bénéficier d’une aide. À cet égard, la lettre demandait aux autorités italiennes de produire une expertise indépendante relative à la durée de vie résiduelle des équipements environnementaux à remplacer afin d’établir si les investissements notifiés remplissaient la condition précitée. Cette lettre demandait également aux autorités italiennes de fournir des informations sur les niveaux de contamination environnementale atteints par les installations actuelles et envisagés à l’issue des interventions notifiées, ainsi que les niveaux de contamination qui devaient être atteints conformément aux normes en vigueur.

21      Par lettre du 29 novembre 1999, les autorités italiennes ont répondu aux demandes d’information de la Commission. D’une part, elles ont transmis un rapport d’expert, en date du 30 septembre 1999 (ci-après le « rapport d’expert »), duquel il ressort que la durée de vie résiduelle des installations à remplacer était d’au moins 25 %. D’autre part, les autorités italiennes ont représenté le premier projet d’aides dans une version légèrement modifiée, qui incorporait notamment en annexe des tableaux comparatifs contenant les données relatives aux niveaux de contamination demandés par la Commission (soit les niveaux atteints avant et après les interventions, et les niveaux prescrits par les normes obligatoires) pour chaque type d’investissement dans la cokerie, le haut-fourneau et l’aciérie.

22      Par lettre distincte du 29 novembre 1999, les autorités italiennes ont notifié à la Commission, en vertu de l’article 3 du code, un second projet d’aides en faveur de la protection de l’environnement octroyées en faveur de Lucchini pour des investissements dans l’usine de Piombino (ci-après le « second projet d’aides »). Les investissements notifiés concernaient des actions environnementales additionnelles dans la cokerie ainsi que dans le système d’approvisionnement et d’évacuation d’eau, en vue de réduire davantage les émissions contaminantes.

23      Par deux lettres du 17 janvier 2000, la Commission a demandé des informations complémentaires sur les investissements visés dans les deux projets d’aides notifiées. Pour ce qui est du premier projet d’aides, la Commission a demandé aux autorités italiennes d’expliquer la relation existant entre les investissements environnementaux notifiés dans ce projet et les investissements productifs relatifs au haut-fourneau et à l’aciérie qui avaient fait l’objet des déclarations présentés en décembre 1997. En outre, la Commission a demandé que soit précisée l’évaluation des économies d’énergie relatives à une intervention dans l’aciérie. Pour ce qui est du second projet d’aides, la Commission a demandé aux autorités italiennes des précisions sur les investissements relatifs à la cokerie et au système d’approvisionnement et d’évacuation d’eau, en ce qui concerne les niveaux de contamination environnementale précédents et les niveaux de contamination résultant des interventions projetées par rapport aux prescriptions légales.

24      Par deux lettres du 15 février 2000, les autorités italiennes ont répondu aux demandes de la Commission concernant les deux projets d’aides notifiés, en transmettant les informations requises ainsi que des tableaux contenant les données relatives aux différents niveaux de contamination environnementale demandées.

C –  Décision d’ouvrir la procédure d’examen prévue à l’article 6, paragraphe 5, du code et observations des autorités italiennes

25      Par lettre du 26 avril 2000, la Commission a informé les autorités italiennes de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 6, paragraphe 5, du code, au sujet des deux projets d’aides notifiés en faveur de Lucchini pour un montant total de 13,5 milliards de lires italiennes (ITL) (10,7 milliards d’ITL au titre du premier projet d’aides et 2,8 milliards d’ITL au titre du second projet d’aides), pour des investissements dans l’usine de Piombino d’un coût total de 190,9 milliards d’ITL (152,5 milliards d’ITL au titre du premier projet d’aides et 38,4 milliards d’ITL au titre du second projet d’aides). La décision d’ouverture de la procédure d’examen a été publiée le 1er juillet 2000 (JO C 184, p. 2, ci-après la « décision d’ouverture »).

26      Cette décision relevait, en particulier, qu’un premier examen des informations présentées amenait à conclure que les investissements avaient été effectués, avant tout, pour des raisons économiques, que, même si les investissements notifiés n’étaient pas directement liés à un nouvel équipement de production, ils auraient été nécessaires pour assurer la modernisation et l’extension des installations de production ou pour permettre de répondre à la nouvelle capacité de production installée et que les autorités italiennes n’avaient pas apporté la preuve que les investissements avaient été effectués pour des raisons environnementales et non pour des raisons économiques. La décision d’ouverture soulignait également que les autorités italiennes n’avaient pas apporté la preuve que, lors du remplacement des équipements ou des installations, l’investisseur avait pris clairement la décision d’opter pour des normes plus élevées nécessitant des investissements supplémentaires, ce qui impliquait, d’ailleurs, qu’il existe une solution moins coûteuse qui aurait satisfait aux normes légales.

27      Par ailleurs, la décision d’ouverture relevait qu’il n’était pas certain que tous les investissements notifiés n’aient pas d’effet sur la production.

28      Par lettre du 18 juillet 2000, les autorités italiennes ont répondu aux réserves exprimées par la Commission dans la décision d’ouverture, en réaffirmant la finalité exclusivement environnementale, et non économique ou productive, des investissements notifiés.

D –  Décision attaquée

29      Le 21 décembre 2000, la Commission a adopté la décision 2001/466/CECA concernant l’aide d’État que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur des entreprises sidérurgiques Lucchini et Siderpotenza SpA (JO 2001, L 163, p. 24, ci-après la « décision attaquée »).

30      En conclusion de son appréciation des aides au regard de l’article 3 du code et des dispositions auxquelles renvoie cet article, à savoir l’annexe du code et l’encadrement (voir considérants 22 à 24 de la décision attaquée), la Commission considère, d’une part, que « l’aide notifiée en faveur de Lucchini [...] pour la cokerie, l’aciérie et le haut-fourneau pour un total de 13,5 milliards d’ITL, n’est pas éligible aux aides à l’environnement, car les autorités italiennes n’ont pas démontré que les investissements n’ont pas été réalisés pour des raisons économiques ». Elle estime, d’autre part, que, « en tout état de cause, sur la base de l’examen effectué à la lumière des critères détaillés, les aides notifiées ne remplissent pas les différentes conditions imposées. » En particulier, « les coûts notifiés ne concernent pas seulement les coûts supplémentaires nécessaires à l’amélioration de la protection de l’environnement, les avantages en termes de coûts n’ont pas tous été déduits et, dans certains cas, la réduction des niveaux de pollution ne permet pas de considérer l’amélioration comme ‘significative’ » (considérant 39 de la décision attaquée).

31      En conséquence, l’article 1er de la décision attaquée énonce :

« L’aide d’État que l’Italie envisage d’exécuter en faveur de Lucchini [...] pour un montant de 13,5 milliards d’ITL (6,98 millions d’euros) […] est incompatible avec le marché commun.

Par conséquent, l’exécution de cette aide n’est pas autorisée. »

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 juillet 2001, la requérante a introduit le présent recours.

33      La requérante a demandé au Tribunal, au titre de mesures d’instruction, d’ordonner, en application de l’article 23 du statut CECA de la Cour de justice, la production du dossier administratif de la Commission et, en particulier, des documents et des éléments techniques y figurant en vertu desquels la Commission avait exclu la nature environnementale des investissements notifiés. La Commission a transmis le dossier au Tribunal, en demandant qu’il ne soit pas versé au dossier judiciaire et qu’il ne soit donc pas transmis à la requérante, et a présenté une demande de traitement confidentiel à cet égard.

34      À la suite d’un échange de courriers entre la Commission et le Tribunal, par lettre du 14 novembre 2002, la Commission a informé le Tribunal que le dossier administratif ne contenait aucun élément ou rapport technique autre que ceux transmis par les autorités italiennes et déjà produits par la requérante à l’annexe de sa requête.

35      Par lettre du 7 février 2003, la requérante a renoncé à sa demande d’accès au dossier administratif.

36      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

37      Lors de l’audience, qui s’est déroulée le 18 mars 2004, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal, cinquième chambre élargie, composée de Mme P. Lindh, président, MM. R. García-Valdecasas, J. D. Cooke, P. Mengozzi et Mme M. E. Martins Ribeiro, juges.

38      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée ;

–        ordonner l’éventuelle mise en œuvre d’une expertise sur la catégorie des investissements notifiés à la Commission, destinée à démontrer que les installations précédentes de protection de l’environnement étaient à même de fonctionner parallèlement aux nouvelles installations de production ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

40      La procédure orale a été close à l’issue de l’audience du 18 mars 2004. Conformément à l’article 32 du règlement de procédure du Tribunal, un membre de la chambre étant empêché d’assister au délibéré après l’expiration de son mandat le 3 mai 2006, le juge le moins ancien au sens de l’article 6 du règlement de procédure du Tribunal s’est en conséquence abstenu de participer au délibéré et les délibérations du Tribunal ont été poursuivies par les trois juges dont le présent arrêt porte la signature.

 En droit

41      En substance, la requérante avance trois moyens à l’appui de sa demande d’annulation de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré d’une erreur sur les règles applicables en l’espèce et de la violation du principe de bonne administration. Le deuxième moyen est pris du caractère erroné de l’appréciation de la Commission relative à la non-éligibilité des aides notifiées, de la violation du principe de non-discrimination, d’un renversement de la charge de la preuve et d’un défaut de motivation. Le troisième moyen est tiré du caractère erroné de l’appréciation de la Commission relative au non-respect des conditions de compatibilité des aides établies par le cadre juridique applicable, d’une violation du principe de non-discrimination, d’un renversement de la charge de la preuve, d’un défaut de motivation et d’une contradiction interne dans le raisonnement exposé dans la décision attaquée.

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une erreur sur les règles applicables en l’espèce et de la violation du principe de bonne administration

1.     Arguments des parties

42      La requérante prétend que la décision attaquée a été adoptée sur une base juridique erronée. Elle rappelle que, par exception au principe général d’interdiction des subventions ou aides accordées par les États membres consacré par l’article 4, sous c), CA, l’article 3 du code dispose que les aides destinées à la protection de l’environnement peuvent être autorisées, sous certaines conditions, conformément aux dispositions de l’annexe du code et de l’encadrement. À cet égard, la requérante distingue trois types d’investissements susceptibles d’être notifiés à la Commission par les États membres : premièrement, les investissements généraux et les investissements destinés à accroître les capacités de production, qui ne seraient pas éligibles au titre d’une aide dans la mesure où ils sont incompatibles avec le marché commun, et pour lesquels les dispositions applicables seraient l’annexe du code ainsi que le point 3.2.1, troisième phrase et suivantes, et le point 3.2.3 de l’encadrement ; deuxièmement, les investissements mixtes destinés à la fois à accroître les capacités de production et à protéger l’environnement, pour lesquels les autorités nationales auraient l’obligation de distinguer entre les coûts liés à l’augmentation des capacités de production et ceux correspondant à la protection de l’environnement, puisque seuls les investissements à visée environnementale pourraient bénéficier de l’aide, le cadre juridique pertinent étant en ce cas l’annexe du code ; troisièmement, les investissements purement environnementaux, qui seraient éligibles à une aide s’ils respectent les conditions prévues au point 3.2.1, première et deuxième phrases de l’encadrement, à l’exclusion des autres dispositions de l’encadrement et de l’annexe du code.

43      La requérante précise que cette classification ne signifie pas que les investissements purement environnementaux notifiés par les autorités italiennes échappent au domaine d’application du code. Selon elle, l’article 3 du code effectue un double renvoi, à l’annexe du code, d’une part, et à l’encadrement, d’autre part, et ce renvoi n’est pas cumulatif mais alternatif. Dès lors, il serait logique de considérer que l’annexe du code s’applique aux investissements généraux et aux investissements mixtes, alors que les investissements purement environnementaux seraient uniquement visés par l’encadrement à l’exclusion de l’annexe du code. Pour étayer son argumentation, la requérante fait valoir  que le paragraphe introductif de l’annexe du code indique que ses dispositions trouvent uniquement à s’appliquer dans les cas où il y a un chevauchement entre des aides environnementales et des aides destinées à des investissements à caractère général et que le point c) de la seconde partie de l’annexe du code indique que l’analyse de ces investissements doit être uniquement effectuée à la lumière des critères supplémentaires établis dans l’encadrement.

44      Pour établir la non-application du point 3.2.3 de l’encadrement aux investissements purement environnementaux, la requérante fait valoir que la distinction opérée par cette disposition entre les aides destinées à aider les entreprises à s’adapter aux nouvelles normes obligatoires, les aides destinées à inciter les entreprises à aller au-delà de ce que leur imposent les normes obligatoires et les aides en l’absence de normes obligatoires se base exclusivement sur le seuil d’intervention autorisé et n’est pertinente que dans les seuls cas où une demande d’autorisation d’aide est effectuée pour un seuil d’intervention compris entre 16 % et 30 %. Ainsi, quand le seuil d’intervention est sensiblement inférieur au seuil ordinaire de 15 % – en l’espèce, il était de 7 % –, la distinction effectuée au point 3.2.3 perdrait tout effet utile et il n’y aurait pas lieu de mettre en œuvre l’analyse supplémentaire qui y est prévue. Dès lors, en appliquant le point 3.2.3 de l’encadrement aux aides environnementales notifiées en l’espèce, la Commission aurait confondu les règles relatives à la compatibilité de l’aide, qui seraient uniquement celles reprises au point 3.2.1 de l’encadrement, avec celles concernant l’intensité de celle-ci.

45      En conséquence, la requérante soutient que, puisque les investissements notifiés avaient une finalité exclusivement environnementale, les dispositions sur lesquelles la Commission aurait dû baser la décision attaquée étaient strictement limitées au point 3.2.1, première et deuxième phrases, de l’encadrement. La décision attaquée ne pouvait donc pas prendre en considération les dispositions de l’annexe du code ainsi que les points 3.2.1, troisième phrase et suivantes, et 3.2.3 de l’encadrement.

46      Enfin, la requérante soutient que la décision de la Commission de ne pas appliquer les dispositions pertinentes de l’encadrement et d’appliquer, en outre, l’annexe du code, constitue une violation du principe de bonne administration.

47      La Commission fait valoir que ce moyen est dénué de tout fondement. En effet, la requérante déformerait le cadre juridique applicable en citant de manière partielle et erronée les dispositions pertinentes en la matière, et notamment l’annexe du code. De plus, la décision attaquée serait fondée sur le cadre juridique pertinent et, dès lors, aucune violation du principe de bonne administration n’aurait été commise.

2.     Appréciation du Tribunal

48      En l’espèce, la décision attaquée a été adoptée sur la base de l’article 4, sous c), CA et en considération des règles du code. En effet, après avoir apprécié les aides notifiées au regard de l’article 3 du code et des dispositions auxquelles cet article renvoie, à savoir l’annexe du code et l’encadrement (voir décision attaquée, considérants 22 à 24), la Commission est arrivée à la conclusion que ces aides ne satisfaisaient pas aux conditions énoncées par ces dispositions pour autoriser une aide à l’environnement dans le cadre du traité CECA. Par conséquent, ces aides seraient incompatibles avec le marché commun et elles ne pouvaient pas être mises à exécution (voir décision attaquée, considérant 39 et article 1er).

49      Tout d’abord, il convient de relever que, par dérogation au principe d’interdiction consacré par l’article 4, sous c), CA, aux termes duquel les subventions ou aides en faveur d’entreprises sidérurgiques, sous quelque forme que ce soit, sont interdites, et en application de l’article 95 CA, le code définit les conditions dans lesquelles les aides à la sidérurgie financées au moyen de ressources d’État peuvent être considérées comme compatibles avec le bon fonctionnement du marché commun.

50      Les aides ne relevant pas du code demeurent donc soumises à l’article 4, sous c), CA (arrêts du Tribunal du 24 octobre 1997, EISA/Commission, T‑239/94, Rec. p. II‑1839, point 72, et du 16 décembre 1999, Acciaierie di Bolzano/Commission, T‑158/96, Rec. p. II‑3927, point 60). De même, le code doit être interprété de façon stricte, puisqu’il constitue une dérogation à un principe d’interdiction (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 juin 2001, Moccia Irme e.a./Commission, C‑280/99 P à C‑282/99 P, Rec. p. I‑4717, point 40, et arrêt du Tribunal du 25 septembre 1997, UK Steel Association/Commission, T‑150/95, Rec. p. II‑1433, point 114).

51      Ensuite, il y a lieu de souligner que l’article 3 du code dispose que les aides à la protection de l’environnement accordées dans le secteur sidérurgique peuvent être jugées compatibles avec le marché commun « à condition qu’elles respectent les règles établies dans [l’encadrement] en conformité avec les critères d’application au secteur sidérurgique CECA, définis à l’annexe [du code] ».

52      Cela signifie que les dispositions prévues dans l’encadrement, qui sont applicables dans le cadre du traité CE, sont transposables au secteur sidérurgique qui relève du traité CECA quand elles satisfont les critères d’application énoncés à l’annexe du code. L’intitulé de cette annexe précise ainsi, de manière particulièrement significative, qu’elle détermine les « critères d’application de l’encadrement communautaire des aides d’État pour la protection de l’environnement à la sidérurgie ». Le code ne prévoit donc pas l’application automatique des dispositions de l’encadrement au domaine sidérurgique (arrêt UK Steel Association/Commission, précité, point 100), mais détermine dans son annexe les conditions d’une telle application.

53      En conséquence, en application de l’article 3 du code, les dispositions applicables à la présente affaire sont celles qui sont envisagées à l’annexe du code et celles qui sont exposées dans l’encadrement, à condition qu’elles se conforment aux critères d’application au secteur sidérurgique CECA définis par l’annexe du code.

54      L’annexe du code comprend deux parties. La première se réfère aux aides destinées à permettre aux entreprises de mieux adapter les installations existantes aux nouvelles normes obligatoires. La seconde partie vise les aides visant à encourager les entreprises à fournir une contribution importante à la protection de l’environnement. À cet égard, il ressort des notifications des projets d’aides présentées par les autorités italiennes, des lettres des autorités italiennes du 15 février 2000, ainsi que des observations des autorités italiennes du 18 juillet 2000 sur la décision d’ouverture, que les investissements notifiés étaient envisagés afin d’encourager la requérante à fournir une contribution importante à la protection de l’environnement et de l’inciter à aller au-delà de ce que lui imposaient les normes obligatoires.

55      Ainsi, les observations des autorités italiennes sur la décision d’ouverture indiquaient que les aides notifiées en faveur de la requérante concernaient des investissements réalisés par cette société « dans le but d’améliorer la protection de l’environnement par rapport aux résultats atteints dans la situation antérieure, lesquels étaient au demeurant conformes à la législation en vigueur ».

56      De même, ces observations soulignaient que le remplacement des équipements environnementaux relatifs au haut-fourneau et à l’aciérie « a[vait] été effectué, indépendamment de celui des moyens de production (haut-fourneau et convertisseurs de l’aciérie), dans le seul but de réduire les émissions de manière significative par rapport à la législation en vigueur, laquelle était déjà respectée dans la situation antérieure ».

57      En outre, ces observations faisaient également valoir que « la société Lucchini a[vait] décidé d’opter pour des niveaux de protection environnementale significativement plus élevés, indépendamment des investissements productifs qui n’auraient requis aucun investissement sous forme de système de protection environnementale pour le respect des normes en vigueur sur les émissions et [que], partant, tous les investissements notifiés [devaient] être considérés comme supplémentaires ».

58      Par conséquent, la requérante ne pouvait pas bénéficier d’une aide accordée au titre de la première partie de l’annexe du code, qui envisage les « aides visant à permettre aux entreprises de mieux adapter les installations existantes aux nouvelles normes en vigueur ». De même, et comme l’affirme à juste titre la Commission, étant donné qu’il s’agit d’aides visant à encourager la requérante à fournir une contribution importante à la protection de l’environnement et à aller au-delà de ce que lui imposent les normes obligatoires, les dispositions pertinentes dans la présente affaire sont celles énoncées aux points 3.2.1 et 3.2.3.B de l’encadrement, telles que précisées et adaptées au secteur sidérurgique CECA par la seconde partie de l’annexe du code.

59      Partant, c’est à bon droit que la Commission a adopté la décision attaquée sur la base de l’article 4, sous c), CA en considération de l’article 3 du code et des dispositions auxquelles cet article renvoie, à savoir l’annexe du code et l’encadrement.

60      Ce contexte étant précisé, aucun des arguments invoqués par la requérante ne saurait être retenu.

61      Premièrement, la thèse de la requérante, selon laquelle les dispositions applicables varieraient en considération des trois catégories d’investissements qui pourraient être notifiées au titre des aides d’État, n’est pas pertinente. En effet, cette thèse contredit le libellé de l’article 3 du code, qui consacre l’application cumulative de l’annexe du code et de l’encadrement selon les modalités exposées ci-dessus, sans distinguer à ce stade entre différents types d’investissements. Il n’est donc pas possible de considérer que le renvoi fait par l’article 3 du code à l’annexe du code et à l’encadrement n’est pas cumulatif mais alternatif.

62      Deuxièmement, l’affirmation de la requérante, selon laquelle l’annexe du code ne s’applique pas à des investissements qui seraient purement environnementaux, est dépourvue de tout fondement en droit. En effet, comme cela a été exposé ci-dessus, l’article 3 du code prévoit que les aides à l’environnement dans le secteur sidérurgique CECA doivent respecter tant l’annexe du code que l’encadrement. De même, l’introduction de l’annexe du code, aux termes de laquelle « la Commission imposera à l’octroi de toute aide d’État en faveur de la protection de l’environnement les conditions et garanties nécessaires afin d’éviter que de nouvelles installations et de nouveaux équipements ne bénéficient d’investissement à caractère général sous couvert de la protection de l’environnement », ne peut être citée par la requérante pour étayer son affirmation selon laquelle l’annexe du code ne s’applique pas à des aides purement environnementales. Le texte précité ne fait, en effet, que consacrer la nécessité pour la Commission de vérifier, le cas échéant, si un investissement notifié comme étant purement environnemental ne permet pas en réalité d’atteindre d’autres objectifs prohibés par les dispositions applicables. Par conséquent, les aides notifiées, qui relèvent bien du traité CECA, sont pleinement soumises tant aux critères de l’encadrement qu’aux critères prévus à l’annexe du code.

63      Troisièmement, l’affirmation de la requérante, selon laquelle le point 3.2.3 de l’encadrement ne s’applique pas à des investissements qui seraient purement environnementaux, est également dépourvue de tout fondement en droit. Cette disposition établit des critères de compatibilité des aides et fixe un niveau maximal d’intensité en considération de l’objectif visé par les investissements, à savoir l’adaptation à de nouvelles normes obligatoires (cas A), l’incitation à aller au-delà desdites normes obligatoires (cas B), ou la protection de l’environnement en l’absence de normes obligatoires (cas C). Ainsi, le fait invoqué par la requérante que l’intensité des aides notifiées est inférieure au seuil d’intensité de 15 % visé dans le cas A ne permet pas pour autant de déduire que le cas B qui envisage un seuil d’intensité de 30 % n’est pas applicable. Les aides notifiées restent, en effet, des aides destinées à inciter la requérante à aller au-delà des normes obligatoires et doivent donc être examinées dans le cadre des dispositions envisagées par le point 3.2.3.B de l’encadrement.

64      Il découle de ce qui précède que, conformément à ce qui est énoncé dans la décision attaquée, le cadre juridique pertinent pour apprécier les aides ici en cause comprend l’article 3 du code et les dispositions auxquels cet article renvoie, à savoir l’annexe du code et l’encadrement.

65      Dès lors, le grief tiré de l’application d’un cadre juridique erroné et le grief tiré de la violation du principe de bonne administration ne sont pas fondés et le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré du caractère erroné de l’appréciation de la Commission relative à la non-éligibilité des aides notifiées, de la violation du principe de non-discrimination, d’un renversement de la charge de la preuve et d’un défaut de motivation

1.     Arguments des parties

66      Par ce moyen, la requérante conteste les appréciations de la décision attaquée contenues dans les considérants 25 à 29, 35 et 39, relatives à la non-éligibilité des aides notifiées.

67      La requérante relève, tout d’abord, que la Commission s’est trompée en affirmant que les autorités italiennes n’ont pas démontré que les investissements notifiés visaient à améliorer la protection de l’environnement. La Commission aurait erronément fait peser la charge de la preuve sur les autorités italiennes, car de tels éléments de preuve, dont l’absence serait déterminante pour la décision attaquée, n’auraient jamais été demandés aux autorités italiennes. En effet, à la différence du rapport d’expert produit par les autorités italiennes à la suite d’une demande de la Commission, celle-ci n’aurait jamais formellement demandé aux autorités italiennes la preuve que les investissements notifiés visaient à améliorer l’environnement, et ce même après que les autorités italiennes eurent soutenu à plusieurs reprises que ces aides présentaient un caractère environnemental. Or, ce ne serait que dans le cas où une demande précise de clarifications et d’informations supplémentaires a été faite et que les autorités nationales n’y ont pas donnée suite que la Commission pourrait conclure que ces autorités n’ont pas étayé leurs affirmations et n’ont pas fourni les éléments nécessaires pour permettre à la Commission d’apprécier le cas de l’espèce (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1996, France/Commission, C‑241/94, Rec. p. I‑4551, points 36 et 37).

68      La Commission rétorque que la requérante ne prend pas en compte l’obligation visée dans la seconde partie de l’annexe du code, sous a), laquelle impose à l’investisseur de démontrer qu’il a clairement décidé de choisir des normes plus rigoureuses nécessitant des investissements supplémentaires. Cette obligation s’expliquerait par le contexte particulièrement strict de la discipline des aides en faveur de l’environnement dans le secteur CECA. De même, même si la requérante se réfère correctement au point 3.2.1 de l’encadrement, elle omettrait par la suite de fournir la moindre indication à même d’établir qu’elle devait supporter des coûts supplémentaires strictement nécessaires pour atteindre des objectifs environnementaux plus ambitieux. En conséquence, la Commission prétend qu’il appartenait à la requérante et aux autorités italiennes de prouver que l’entreprise bénéficiaire de l’aide avait décidé de choisir des normes environnementales plus rigoureuses impliquant des investissements supplémentaires, que les investissements notifiés n’avaient pas des fins de production, qu’il était techniquement possible de maintenir en usage les anciens équipements environnementaux en les adaptant aux nouvelles installations productives et, en définitive, que les conditions d’autorisation étaient satisfaites. Or, dans la décision d’ouverture, la Commission aurait fait état de tous ces doutes, permettant donc tant à l’État membre qu’à la requérante de déterminer tous les éléments de preuve à fournir et sans qu’il soit nécessaire de demander expressément la production d’un rapport d’expert spécifique.

69      La requérante soutient, ensuite, que la Commission a estimé erronément que les investissements notifiés étaient nécessaires en raison de l’ancienneté des installations environnementales existantes et de la non-adaptabilité de ces installations au nouvel équipement productif. La Commission aurait conclu à l’ancienneté des installations sans se baser sur des éléments objectifs et sans tenir compte du principe prévu à l’annexe du code pour évaluer la vétusté des équipements concernant la durée de vie résiduelle de l’installation. De même, la Commission n’aurait pas tenu compte du rapport d’expert du 30 septembre 1999, communiqué par les autorités italiennes à sa demande, qui démontrerait que les installations environnementales avaient une durée de vie résiduelle égale ou supérieure à 25 %. En outre, il serait clair que les vieilles installations environnementales étaient tout à fait capables de supporter, d’un point de vue technique, la charge de pollution du nouvel équipement productif.

70      Sur ce point, la requérante sollicite du Tribunal, au titre de mesures d’instruction et en application des articles 65 et 66 du règlement de procédure et de l’article 25 du statut CECA de la Cour, d’ordonner la mise en œuvre d’une expertise destinée à démontrer que les anciennes installations environnementales étaient à même de fonctionner parallèlement aux nouvelles installations de production, et ce afin de vérifier la légalité de la décision attaquée.

71      La Commission répond à cet argument que la requérante confond la condition visée à la première partie de l’annexe du code, sous b), ii), relative à l’exigence d’une durée de vie résiduelle de 25 % au moins des installations existantes, avec l’obsolescence des installations qui peut inciter les entreprises à les remplacer indépendamment de leur durée de vie résiduelle. En l’espèce, la Commission aurait bien tenu compte du rapport d’expert du 30 septembre 1999 et elle ne mettrait pas en doute les constatations selon lesquelles la vie résiduelle des installations était d’au moins 25 %. Cependant, la décision attaquée ne se fonderait pas sur le non-respect de cette condition, mais sur le fait que ces installations étaient obsolètes et qu’elles auraient été remplacées de toute manière, dans le cadre de la rénovation des installations productives réalisée. En effet, la décision attaquée ne jugerait pas crédible le fait que l’entreprise puisse renouveler toutes ses installations productives en maintenant en fonction les anciens équipements environnementaux en l’absence de tout élément de nature à prouver que cette option était techniquement possible.

72      À cet égard, la Commission relève que la lettre des autorités italiennes du 15 février 2000 indique que les investissements productifs avaient été décidés pour des raisons non de vétusté des installations mais d’obsolescence, car ces installations ne satisfaisaient plus aux exigences de production. En outre, il ressortirait du rapport d’expert du 30 septembre 1999 que les investissements environnementaux consistaient à remplacer, à compléter ou à modifier une partie des installations de production. Or, à aucun moment de la procédure administrative comme de la procédure judiciaire, la requérante n’aurait été en mesure d’expliquer la logique économique et productive qui aurait conduit à réutiliser les anciens dispositifs environnementaux alors que les installations productives auxquels ils s’intégraient étaient remplacées.

73      Concernant la demande de mesures d’instruction de la requérante, la Commission estime qu’elle est inutile pour régler le litige, étant donné que le Tribunal ne peut pas se substituer à elle, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont elle dispose, et modifier sa position (ordonnance du président de la quatrième chambre élargie du Tribunal du 2 avril 1998, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag Lloyd/Commission, T‑86/96 R, Rec. p. II‑641, point 74).

74      La requérante fait valoir, enfin, que l’appréciation de la Commission contenue au considérant 28 de la décision attaquée, selon laquelle les investissements n’étaient pas éligibles aux aides, car l’entreprise aurait dû procéder aux nouveaux investissements environnementaux du fait de la localisation de l’établissement dans une zone à forte densité de population et, car, dès lors, de tels investissements étaient indispensables du point de vue économique pour permettre la poursuite des activités de la requérante, serait également entachée de graves erreurs et s’avérait discriminatoire.

75      Selon la requérante, cette appréciation ne serait pas fondée, car elle n’était pas tenue juridiquement de cesser son activité à défaut de réalisation des travaux environnementaux, étant donné qu’elle respectait déjà les normes environnementales en vigueur. De plus, la lettre des autorités italiennes du 15 février 2000, dans laquelle figurait l’information évoquée par la Commission, aurait été interprétée erronément, car il ne résulterait pas de cette lettre que, en l’absence des investissements notifiés, la coexistence de l’entreprise avec le centre de Piombino n’était plus possible, mais seulement que la réalisation des investissements environnementaux aurait pu faciliter ultérieurement une telle coexistence.

76      En outre, la requérante se demande s’il existe d’autres cas dans lesquels le principe évoqué par la Commission au considérant 28 de la décision attaquée aurait été utilisé. Selon la requérante, la décision 2000/66/CECA de la Commission, du 28 octobre 1998, relative aux aides que l’Italie a l’intention d’accorder à l’entreprise sidérurgique Acciaierie di Bolzano SpA (JO 2000, L 23, p. 65), serait le seul précédent. Or, ce cas aurait été tranché dans le sens opposé à celui adopté par la Commission dans la décision attaquée. En conséquence, la décision attaquée serait entachée d’une disparité grave de traitement par rapport à d’autres cas similaires.

77      La Commission rétorque que la requérante confond les principes applicables aux aides destinées à adapter les installations existantes à des normes obligatoires et ceux applicables aux aides visant à encourager les entreprises à aller au-delà de ces normes. En l’espèce, il n’existerait aucune nouvelle norme obligatoire et, dès lors, l’élément déterminant à prendre en considération serait le fait que l’entreprise subissait une très forte pression sociale de nature à l’obliger à procéder aux investissements en cause pour pouvoir continuer à produire à Piombino. En outre, la décision relative à l’Acciaierie di Bolzano ne serait pas comparable au cas d’espèce, car, dans cette affaire, l’entreprise avait fourni la preuve qu’elle avait entrepris des « investissements très nettement supérieurs » à ceux exigibles par les normes en vigueur en matière environnementale.

78      Par ailleurs, la requérante prétend que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, car la Commission n’a pas exposé les motifs ni les éléments objectifs qui l’ont amenée à considérer que les investissements notifiés étaient liés à la production et ne relevaient pas de la protection de l’environnement. Ainsi, la décision attaquée se limiterait à contester la finalité environnementale des investissements notifiés, retenue par les autorités italiennes, en s’abstenant de motiver son désaccord et de fournir d’autres éléments techniques de nature à contester le rapport d’expertise produit par ces autorités, lequel mettait en évidence le caractère environnemental des interventions notifiées. De même, la décision attaquée n’exposerait pas les raisons pour lesquelles les vieilles installations à caractère environnemental auraient dû, en tout cas, être remplacées et les raisons pour lesquelles ces installations ne seraient pas techniquement compatibles avec le nouvel équipement productif. Enfin, la décision attaquée n’indiquerait pas en quoi les réponses des autorités italiennes étaient insuffisantes. Or, dans la mesure où des documents lui avaient été soumis, la Commission ne pouvait pas s’abstenir d’en tenir compte et devait se prononcer sur ces documents soit en acceptant les conclusions présentées par les autorités italiennes, soit en les rejetant techniquement, conformément à son obligation de prendre position sur les objections et observations formulées par un État membre (arrêt du Tribunal du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission, T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, Rec. p. II‑2319, point 105).

79      La Commission fait valoir que l’obligation de motivation n’est pas absolue et qu’elle n’est pas tenue de répondre à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés, mais uniquement de tenir compte de tous les éléments pertinents au cas d’espèce. De plus, une imperfection dans la motivation ne conduirait pas toujours à l’annulation, dès lors que le reste de la motivation fournirait une base suffisante pour l’adoption de l’acte (arrêt de la Cour du 20 octobre 1987, Espagne/Conseil et Commission, 119/86, Rec. p. 4121). À cet égard, la Commission soutient qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir donné, en l’espèce, les justifications nécessaires concernant des paramètres qui ne relèvent pas du cadre normatif ainsi que des faits qu’il n’incombe pas à la Commission mais à l’État membre et à l’entreprise bénéficiaire de prouver. En tout cas, dans la décision d’ouverture, la Commission aurait exposé de manière complète et détaillée ses réserves et aurait indiqué les points sur lesquels les autorités italiennes et la requérante devaient fournir les preuves nécessaires, ce dont elles se seraient abstenues.

2.     Appréciation du Tribunal

a)     Observations liminaires

80      Dans le cadre d’un recours en annulation formé à l’encontre d’une décision de la Commission adoptée sur la base du traité CECA, l’article 33, seconde phrase, CA dispose que l’examen du Tribunal « ne peut porter sur l’appréciation de la situation découlant des faits ou circonstances économiques au vu de laquelle [la décision est intervenue], sauf s’il est fait grief à la Commission d’avoir commis un détournement de pouvoir ou d’avoir méconnu d’une manière patente les dispositions du traité [CECA] ou toute règle de droit relative à son application ».

81      La Commission a considéré, au considérant 24 de la décision attaquée, que l’appréciation du cas d’espèce devait se faire à l’aune des critères exposés dans la seconde partie de l’annexe du code, sous a), qui renvoie également aux critères exposés dans la première partie de l’annexe du code, sous b), ii). À cet égard, il convient de rappeler que les critères consacrés par ces dispositions sont les suivants. Premièrement, lorsque les entreprises choisissent de remplacer leurs installations, les investissements en cause ne peuvent, en principe, bénéficier d’une aide à l’environnement s’ils sont rendus nécessaires pour des raisons économiques ou du fait de l’ancienneté des installations. La durée de vie résiduelle des installations existantes doit être de 25 % au moins de leur durée de vie totale. Deuxièmement, les aides en cause doivent encourager l’entreprise à fournir une « contribution importante » à la protection de l’environnement. Cette contribution importante peut se concrétiser par la démonstration par l’investisseur qu’il a clairement décidé de choisir des normes plus rigoureuses nécessitant des investissements supplémentaires, c’est-à-dire qu’il existait une solution moins coûteuse qui satisfaisait aux nouvelles normes écologiques.

82      En outre, le point 3.2.1 de l’encadrement énonce le principe selon lequel « les aides apparemment assignées à des mesures de protection de l’environnement, mais qui, en réalité, sont destinées à un investissement général » ne peuvent pas bénéficier de l’encadrement. Ce point s’inscrit ainsi dans la même logique que celle consacrée par le premier critère énoncé ci‑dessus par l’annexe du code.

83      Il y a également lieu de rappeler que, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, il revient à l’État membre et au bénéficiaire potentiel de faire valoir leurs arguments tendant à démontrer que le projet d’aide correspond aux exceptions prévues en application du traité, l’objet de cette procédure étant précisément d’éclairer la Commission sur l’ensemble des données de l’affaire (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p.1451, point 13).

84      Si la Commission est tenue de formuler clairement ses doutes sur la compatibilité de l’aide lorsqu’elle ouvre une procédure formelle afin de permettre à l’État membre et aux intéressés d’y répondre au mieux, il n’en demeure pas moins que c’est au pourvoyeur de l’aide et, le cas échéant, à son bénéficiaire de dissiper ces doutes et d’établir que son investissement satisfait la condition d’octroi (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, Rec. p. I‑2481, points 41 et 45 à 49). Il incombait donc aux autorités italiennes et à la requérante d’établir que les investissements en cause étaient éligibles à une aide pour la protection de l’environnement et, en particulier, qu’ils avaient la finalité environnementale requise par l’encadrement et l’annexe du code (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103, point 49, et du 19 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑113/00, Rec. p. I‑7601, point 70).

85      Dans la décision attaquée, la Commission considère que les investissements dans la protection de l’environnement réalisés par Lucchini dans la cokerie, l’aciérie et les hauts-fourneaux étaient inéligibles aux aides à la protection de l’environnement parce qu’ils avaient été réalisés comme condition ou conséquence d’investissements nécessaires à la production et parce que les autorités italiennes n’avaient pas démontré que les investissements étaient le résultat de la décision délibérée de l’entreprise d’améliorer la protection de l’environnement (considérant 29). À cette fin, la Commission s’appuie sur les éléments suivants : la réalisation de ces investissements découlait de la nécessité d’assurer la poursuite de l’activité dans une zone à forte densité de population (considérant 28) et, le remplacement de l’installation de production étant dû à son obsolescence technique, il était difficile d’admettre que les anciens équipements environnementaux pouvaient être maintenus en l’état et demeuraient compatibles avec la nouvelle installation de production (considérants 26 et 29).

b)     Sur la question de savoir si les investissements environnementaux notifiés avaient pour objet de permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise en raison de son implantation dans une zone à forte densité de population

86      La décision attaquée relève que les autorités italiennes ont indiqué que l’amélioration de la protection de l’environnement s’était avérée nécessaire, avant même le plan d’investissement pour la modernisation et la rationalisation des installations de production, en raison de l’implantation de l’usine dans une zone à forte densité de population. Dès lors, selon la décision attaquée, la Commission ne pouvait que conclure que « les investissements environnementaux étaient nécessaires pour permettre à l’entreprise de continuer à exercer son activité économique, et que, par conséquent, la raison déterminante des investissements était de nature économique » (considérant 28).

87      Cependant, le fait que l’établissement de la requérante soit implanté dans une zone à forte densité de population ne l’obligeait nullement, « pour des raisons économiques », à procéder aux nouveaux investissements, étant donné que la seule obligation de la requérante était de se conformer aux normes obligatoires en vigueur. C’est dans ce contexte qu’il convient de comprendre l’affirmation des autorités italiennes qui indiquaient à la Commission dans le cadre de la procédure administrative que la requérante souhaitait aller au-delà des normes obligatoires pour permettre « la coexistence de la réalité sidérurgique et, donc, de l’emploi s’y rapportant avec la réalité sociale l’accompagnant » (première notification du premier projet d’aide, point 9, premier alinéa). À cet égard, il est constant que les installations existantes dans l’usine de Piombino respectaient les normes obligatoires en vigueur.

88      Dès lors, la Commission ne peut pas déduire de la volonté de la requérante d’aller au-delà des normes obligatoires en vigueur en fournissant une contribution importante à la protection de l’environnement, et ce afin de pouvoir répondre aux préoccupations de la population vivant à proximité de son établissement, que ces « investissements auraient de toute manière été nécessaires pour des raisons économiques » au sens des dispositions de la première partie de l’annexe du code, sous b), ii).

89      En conséquence, et sans qu’il soit nécessaire de statuer sur la prétendue violation du principe de non-discrimination par rapport à l’affaire de l’Acciaierie di Bolzano, il y a lieu de conclure que, en affirmant au considérant 28 de la décision attaquée que, en raison de l’implantation de l’usine dans une zone à forte densité de population, les investissements environnementaux étaient nécessaires pour permettre à la requérante de continuer à exercer son activité économique et que, par conséquent, la raison déterminante des investissements était de nature économique, la Commission s’est appuyée, à tort, sur un critère qui ne figure pas parmi les critères applicables à cette fin. Ledit considérant est, dès lors, entâché d’une erreur de droit.

c)     Sur la question de savoir si les investissements dans la protection de l’environnement ont été réalisés comme condition ou conséquence d’investissements nécessaires à la production, sur les preuves fournies par les autorités italiennes et sur la possibilité d’une solution moins coûteuse

 i) Sur les investissements dans la cokerie

–       Sur la question de savoir si les investissements dans la cokerie étaient réalisés comme condition ou conséquence d’investissements nécessaires à la production

90      Tout, d’abord, il y a lieu de rappeler que le programme d’investissements pour la modernisation et la rationalisation des installations de production effectué à l’usine de Piombino en 1997 concernait, comme il est indiqué au point 18 ci-dessus, d’une part, le remplacement du haut-fourneau par un autre dans les installations de production de fonte (considérant 10) et, d’autre part, le remplacement des convertisseurs existants par des nouveaux convertisseurs dans l’aciérie (considérant 11). La cokerie n’était pas concernée par les actions productives portées à la connaissance de la Commission par lettre du 10 décembre 1997 dans le cadre des deux déclarations des autorités italiennes relatives à des projets d’investissements pour la production réalisés dans cette usine.

91      Dans la décision d’ouverture, la Commission a considéré qu’il était douteux que les investissements notifiés en ce qui concerne la cokerie – à savoir, le nouveau système de transport de charbon à ruban écologique, les systèmes de chargement des fours, le scellage de four au moyen d’une soudure céramique spéciale, les nouvelles portes pour les chambres à coke, la cabine électrique supplémentaire et les adaptations du plan de chargement de la batterie de 27 fours de la cokerie, entre autres – constituaient des investissements visant uniquement à la protection de l’environnement et n’avaient pas d’effets sur le processus de production (voir décision d’ouverture, p. 9, colonne de gauche, troisième alinéa, deuxième phrase). Ce faisant, la Commission ne prétendait pas que ces investissements visaient à remplacer des installations de production de la cokerie, mais doutait néanmoins de leur finalité uniquement environnementale et de leur absence d’incidences sur le processus de production.

92      Le Tribunal considère, toutefois, qu’un tel raisonnement n’est pas pertinent au regard du cadre juridique applicable étant donné que, si l’annexe du code interdit les aides aux investissements qui auraient de toute manière été nécessaires pour des raisons économiques ou du fait de l’ancienneté des installations, cette annexe n’interdit pas les aides aux investissements qui sont susceptibles d’avoir un effet sur le processus de production. Dans ce cas, l’annexe du code exige seulement, en effet, que tout avantage lié à un abaissement des coûts de production soit déduit. Ainsi, pour être éligibles à des aides à l’environnement, il n’est pas nécessaire que les investissements notifiés servent exclusivement à la protection de l’environnement à l’exclusion de tout autre objectif ni qu’ils n’entraînent aucune conséquence sur la capacité de production. Un investissement poursuivant une finalité environnementale ne peut être déclaré inéligible du seul fait qu’il peut avoir un impact sur la production.

93      En tout état de cause, il convient de relever que la décision attaquée n’a pas repris ce raisonnement, puisqu’elle se limite à considérer que les investissements dans la cokerie – au même titre d’ailleurs que les autres investissements notifiés par les autorités italiennes en ce qui concerne la requérante – ont été réalisés comme condition ou comme conséquence d’investissements nécessaires à la production. Cette motivation peut être précisée avec le contenu de la décision d’ouverture qui déclarait que même si les investissements notifiés n’étaient pas directement liés à un nouvel équipement de production, ils auraient été nécessaires pour assurer la pérennité des investissements visant à la modernisation et à l’extension des installations de production ou pour permettre de répondre à la nouvelle capacité de production installée (voir décision d’ouverture, p. 3, colonne de gauche, avant-dernier alinéa, seconde phrase).

94      Pour autant, le Tribunal estime que c’est à tort que la décision attaquée considère que les investissements dans la cokerie ont été réalisés comme condition ou conséquence d’investissements nécessaires à la production. En effet, il ressort du contenu des déclarations des autorités italiennes relatives à des projets d’investissements pour la production réalisés dans l’usine de Piombino, précitées, que la cokerie n’était pas concernée par ces investissements productifs, à la différence du haut-fourneau et de l’aciérie. Ce faisant, la décision attaquée est erronée sur ce point, dès lors que la cokerie n’a pas fait l’objet d’investissements productifs.

95      Par ailleurs, il y a lieu de relever que si la décision attaquée et la décision d’ouverture devaient être interprétées en ce sens que les investissements dans la cokerie étaient la condition ou la conséquence nécessaire de la rénovation d’installations de production dans le haut-fourneau et dans l’aciérie, force est de constater qu’il n’y a aucune explication dans la décision attaquée ou dans la décision d’ouverture qui pourrait justifier une telle appréciation et que, par conséquent, la décision attaquée serait alors entachée d’un défaut de motivation.

96      Enfin, si la décision attaquée et la décision d’ouverture devaient être interprétées en ce sens que les investissements dans la cokerie étaient la condition ou la conséquence nécessaire de la rénovation d’installations de production en général, il convient de relever que, tout au long de la procédure administrative, la Commission a reçu de la part des autorités italiennes des explications détaillées sur le caractère environnemental des différents investissements concernant la cokerie, notamment en ce qui concerne la manière dont ces investissements allaient réduire les émissions de gaz et de poussières, et que, face à ces explications, la Commission ne pouvait se limiter à affirmer sans aucune motivation que les investissements dans la cokerie avaient été réalisés comme condition ou comme conséquence d’investissements nécessaires à la production. À cet égard, il convient de rappeler que l’annexe du code prévoit que la Commission fasse appel à des experts indépendants pour l’examen des aides d’État en faveur de la protection de l’environnement, ce qui aurait pu permettre à la Commission de préciser son argumentation sur ce point.

–       Sur la question des preuves fournies par les autorités italiennes

97      Le Tribunal considère également que c’est à tort que la décision attaquée affirme que les autorités italiennes n’ont fourni aucune preuve pour démontrer que les investissements environnementaux dans la cokerie répondaient à la décision délibérée de l’entreprise d’améliorer la protection de l’environnement. En effet, il ressort de plusieurs documents communiqués par les autorités italiennes dans le cadre de la procédure administrative que ces autorités ont à plusieurs reprises fourni à la Commission des éléments permettant de caractériser la volonté de la requérante d’adopter dans la cokerie des normes écologiques plus rigoureuses que les normes obligatoires, et ce afin de fournir une contribution importante à la protection de l’environnement.

98      Ainsi, les notifications du premier et du second projet d’aides effectuées par les autorités italiennes les 16 mars et 29 novembre 1999 comportaient une description des investissements envisagés dans la cokerie (voir lettres des 16 mars et 29 novembre 1999, point 9) ainsi qu’un exposé des avantages environnementaux susceptibles d’être atteints à la suite de ces investissements (voir lettre du 16 mars 1999, point 10, et lettre du 29 novembre 1999, point 10).

99      De même, en réponse à la demande expresse formulée par la Commission le 19 avril 1999, visant à ce qu’il lui soit communiqué les niveaux de contamination environnementale atteints par les installations existantes ainsi que les niveaux de contamination qui résulteraient des interventions projetées par rapport aux normes obligatoires en vigueur, les autorités italiennes ont communiqué les informations requises à l’annexe de leur lettre du 29 novembre 1999. Cette annexe comportait un tableau détaillant pour la cokerie et pour chaque investissement prévu pour cette installation, premièrement, le niveau d’émissions contaminantes à satisfaire au titre des normes obligatoires, deuxièmement, le niveau d’émissions contaminantes atteint par les installations existantes et, troisièmement, le niveau d’émissions contaminantes qui devrait être atteint à la suite des investissements notifiés. Ces informations sont reprises dans la décision d’ouverture. Il ressort de ce tableau, d’une part, que les installations existantes dans la cokerie étaient conformes aux normes obligatoires en matière d’émissions polluantes et, d’autre part, que les niveaux atteints après les interventions envisagées étaient inférieurs aux niveaux atteints par les installations existantes, et donc également inférieurs aux niveaux prévus par les normes obligatoires.

100    En outre, en réponse à une autre demande formulée par la Commission le 19 avril 1999, visant à ce qu’une expertise indépendante soit effectuée pour établir que les aides notifiées ne correspondaient pas à des investissements qui auraient de toute manière été nécessaires du fait de l’ancienneté des installations et que la durée de vie de ces installations est encore suffisamment longue (25 % au moins, selon l’annexe du code), les autorités italiennes ont transmis le rapport d’expert. Celui-ci établit que la durée de vie des installations concernées par les aides notifiées est supérieure à 25 %. Ce rapport examine également tous les travaux envisagés afin de déterminer la situation antérieure à l’intervention et la situation postérieure. Dans le cadre de cet examen, il décrit avec clarté en quoi consiste chaque intervention et définit l’amélioration qui devrait être obtenue à la suite des investissements.

101    Enfin, en réponse à une demande postérieure formulée par la Commission le 17 janvier 2000, visant à ce que lui soient communiqués les niveaux de contamination environnementale qui résulteraient des interventions projetées dans la cokerie dans le second projet d’aides par rapport aux normes obligatoires et par rapport aux investissements effectués auparavant ainsi que le type d’adaptation effectuée dans chaque installation, les autorités italiennes ont communiqué les informations requises dans leur lettre du 15 février 2000. La décision d’ouverture (« Effets des investissements sur l’environnement », tableau 1) reproduit pour les différents investissements prévus dans la cokerie, premièrement, le niveau d’émissions contaminantes à satisfaire au titre des normes obligatoires ; deuxièmement, le niveau d’émissions contaminantes avant les investissements visés par le premier projet d’aides ; troisièmement, le niveau d’émissions contaminantes atteint en raison des investissements visés par le premier projet d’aides ; et quatrièmement, le niveau d’émissions contaminantes qui devrait être atteint à la suite des investissements notifiés dans le second projet d’aides. Il ressort dudit tableau que la réduction du niveau d’émissions contaminantes existant avant le premier projet et après le second projet se situait autour de 25 %.

102    Or, ni dans le cadre de la décision d’ouverture ni dans le cadre de la décision attaquée, la Commission n’a présenté d’arguments de nature à réfuter les éléments de preuve fournis par les autorités italiennes, qui exposaient de manière détaillée et quantifiable les différentes contributions environnementales qui résulteraient des investissements envisagés dans la cokerie.

103    En conséquence, la décision attaquée est insuffisamment motivée lorsqu’elle affirme, sans analyser les éléments précités, que les autorités italiennes n’ont fourni aucune preuve pour démontrer que les investissements environnementaux dans la cokerie répondaient à une décision délibérée d’améliorer la protection de l’environnement.

–       Sur l’existence d’une solution moins coûteuse

104    S’agissant de la question de savoir si une solution moins coûteuse existait ou si les anciens équipements environnementaux auraient pu être compatibles avec la « nouvelle installation de production », il suffit de relever que la cokerie n’était pas concernée par les investissements productifs déclarés par les autorités italiennes à la Commission le 10 décembre 1997, à la différence du haut-fourneau et de l’aciérie.

105    En l’absence de tels investissements productifs et compte tenu de la durée de vie résiduelle des anciens équipements environnementaux de la cokerie attestée par le rapport d’expert fourni à la demande de la Commission ainsi que des indications présentées par les autorités italiennes afin de comparer les niveaux de contamination environnementale avant et après les investissements notifiés, ces autorités pouvaient donc bien alléguer que les équipements environnementaux de la cokerie pouvaient encore fonctionner et qu’ils constituaient ainsi la solution la moins coûteuse pour satisfaire aux normes environnementales en vigueur. Dans ces conditions, il appartenait à la Commission de démontrer que les anciens équipements environnementaux n’étaient pas en mesure de fonctionner.

106    En conséquence, la décision attaquée est insuffisamment motivée lorsqu’elle affirme qu’« aucune preuve n’a été fournie que l’ancienne installation aurait effectivement pu être compatible avec la nouvelle installation de production » (décision attaquée, considérant 26) ou qu’« il est difficile d’admettre qu’après le remplacement de l’installation principale de production en raison de son obsolescence technique, les équipements de protection de l’environnement qui y étaient rattachés auraient pu continuer à fonctionner normalement » (considérant 27).

–       Sur la question de savoir si les investissements dans la cokerie permettaient une amélioration significative de la protection de l’environnement

107    La décision attaquée (considérant 35) relève que les améliorations environnementales résultant du second projet d’investissements notifié en novembre 1999 doivent être comparées à celles du premier projet notifié en mars 1999 et non avec les niveaux antérieurs au premier projet. À cet égard, la décision attaquée fait valoir que « les autorités italiennes n’ont pas notifié la seconde partie des investissements comme une annexe de la première notification » et que les autorités italiennes elles-mêmes « ont considéré comme niveaux de pollution initiaux ceux qui avaient été obtenus avec les investissements notifiés en mars [1999] ». Sur cette base, la décision considère que les améliorations obtenues à la suite du second projet d’aides ne sont pas significatives, ce qui conduit à conclure que les investissements notifiés dans le second projet d’aides ne sont pas éligibles aux aides à l’environnement.

108    Cette argumentation manque en fait. Il est inexact de dire que les autorités italiennes n’ont pas notifié la seconde partie des investissements comme une annexe de la première partie, étant donné que le premier projet d’aides a été notifié initialement le 16 mars et représenté le 29 novembre 1999, ensemble avec le second projet d’aides. Les deux projets sont intrinsèquement liés. En effet, tant le premier projet d’aides que le second projet d’aides ont pour finalité l’élimination du dégagement des poussières du charbon et du gaz. Or, pour parvenir à l’élimination des poussières, les deux projets prévoyaient l’installation de nouveaux équipements environnementaux au niveau de l’enfourneuse et de la trémie (action A.4 du premier projet d’aides et action A.1 du second projet d’aides). De même, pour obtenir l’élimination de l’émission de gaz, les deux projets prévoyaient l’installation de nouveaux équipements environnementaux par rapport aux portes des chambres à coke (actions A.6 à A.8 du premier projet d’aides et actions A.3 à A.6 du second projet d’aides).

109    De plus, en réponse aux questions formulées par la Commission le 17 janvier 2000 concernant les interventions projetées dans la cokerie dans le second projet d’aides, les autorités italiennes indiquaient précisément, dans leur lettre du 15 février 2000, que « l’action concernant la cokerie, dont la réalisation est envisagée dans le projet en question, s’inscrit dans le prolongement de l’action notifiée précédemment (nº 145/99) » et que même si cette action avait été décidée postérieurement et indépendamment, elle « a pour objet d’optimiser les résultats obtenus dans le cadre des actions précédentes, en réduisant encore les niveaux de pollution résultant des émissions non évacuables ». De même, dans leurs observations sur la décision d’ouverture, les autorités italiennes relevaient que, « même s’ils ont été notifiés en deux étapes, les investissements environnementaux dans la cokerie ont été réalisés ensuite dans le cadre d’un programme unique ; par conséquent, les résultats en termes de limites d’émission à comparer avec la situation antérieure sont ceux qui sont indiqués après la réalisation du dernier investissement » (lettre du 18 juillet 2000).

110    En outre, la décision attaquée ne peut pas affirmer que les autorités italiennes ont considéré comme niveaux de pollution initiaux ceux qui avaient été obtenus avec les investissements notifiés en mars 1999, sans tenir compte du fait que, ce faisant, les autorités italiennes se sont limitées à fournir à la Commission les données que celle-ci leur avait demandées. En effet, les autorités italiennes ont produit, par lettre du 15 février 2000, un tableau qui détaillait le niveau d’émissions contaminantes à satisfaire selon les normes obligatoires, le niveau après le premier projet et celui après le second projet, et ce afin de répondre aux demandes formulées par la Commission dans sa lettre du 17 janvier 2000.

111    En conséquence, la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation en ce qu’elle se limite à considérer que les résultats des investissements en ce qui concerne l’amélioration de l’environnement obtenus dans le second projet d’aides doivent être comparés aux résultats obtenus à l’issue du premier projet et à la situation existante avant le premier projet, sans indiquer les considérations qui ont amené la Commission à contredire les raisons exposées par les autorités italiennes dans le cadre de la procédure administrative.

–       Conclusion relative à la cokerie

112    Il ressort de ce qui précède que, pour ce qui est des investissements notifiés par les autorités italiennes relatifs à la cokerie, la décision attaquée est viciée pour les raisons suivantes.

113    En premier lieu, l’affirmation selon laquelle les investissements environnementaux ont été réalisés comme la condition ou la conséquence d’investissements nécessaires à la production est erronée en ce qui concerne la cokerie, du fait de l’absence d’investissements productifs déclarés par les autorités italiennes en ce qui concerne cette installation, et insuffisamment motivée au regard de l’article 15 CA, en ce sens que la décision attaquée ne permet pas de savoir à quel titre, compte tenu des explications données sur ce point par les autorités italiennes, les investissements concernant la cokerie ont pu être réalisés comme étant la condition ou la conséquence nécessaire de la rénovation d’installations de production dans le haut-fourneau et dans l’aciérie ou comme condition ou conséquence d’investissements nécessaires à la production en général.

114    En deuxième lieu, l’affirmation selon laquelle les autorités italiennes n’ont fourni aucune preuve pour démontrer que les investissements environnementaux dans la cokerie répondaient à une décision délibérée d’améliorer la protection de l’environnement est insuffisamment motivée au regard de l’article 15 CA, dans la mesure où la décision attaquée n’examine pas les éléments communiqués sur ce point par les autorités italiennes dans le cadre de la procédure administrative.

115    En troisième lieu, les affirmations selon lesquelles « aucune preuve n’a été fournie que l’ancienne installation aurait effectivement pu être compatible avec la nouvelle installation de production » et « il est difficile d’admettre qu’après le remplacement de l’installation principale de production en raison de son obsolescence technique, les équipements de protection de l’environnement qui y étaient rattachés auraient pu continuer à fonctionner normalement » sont insuffisamment motivées au regard de l’article 15 CA, dans la mesure où la décision attaquée n’indique pas les raisons pour lesquelles il convient d’écarter les éléments communiqués à ce propos par les autorités italiennes dans le cadre de la procédure administrative.

116    En quatrième lieu, enfin, l’affirmation selon laquelle le résultat des investissements en ce qui concerne l’amélioration de l’environnement obtenus avec le second projet d’aides relatif à la cokerie doit être comparé au résultat obtenu à l’issue du premier projet et à la situation existante avant le premier projet est erronée en ce que la Commission n’indique pas les raisons pour lesquelles elle a estimé devoir s’écarter des informations communiquées sur ce point par les autorités italiennes lors de la procédure administrative.

 ii) Sur les investissements dans le haut-fourneau et dans l’aciérie

117    S’agissant des investissements notifiés par les autorités italiennes en ce qui concerne le haut-fourneau et l’aciérie, la thèse de la requérante selon laquelle la Commission a erronément affirmé que les autorités italiennes n’ont pas fourni la preuve de ce que les investissements étaient le résultat de la décision délibérée de l’entreprise d’améliorer la protection de l’environnement ne peut pas être retenue.

118    En effet, à la différence des investissements relatifs à la cokerie pour lesquels il n’existait pas de nouvelles installations productives, la démonstration de l’absence de raisons économiques ayant motivé les investissements dans les équipements environnementaux du haut-fourneau et de l’aciérie s’avérait indispensable en raison des modifications intervenues dans les équipements productifs de ces mêmes installations.

119    Certes, il est vrai que les autorités italiennes ont fourni à la Commission, comme dans le cas de la cokerie, des éléments permettant de démontrer que les nouveaux équipements environnementaux dans le haut-fourneau et dans l’aciérie amélioraient la protection de l’environnement. Ainsi, la notification du premier projet d’aides effectuée par les autorités italiennes le 16 mars et le 29 novembre 1999 comportait également une description des investissements envisagés dans ces deux installations et un exposé des avantages susceptibles d’être atteints à la suite de ces investissements. De même, en réponse à la demande de la Commission du 19 avril 1999, relative aux niveaux de contamination environnementale atteints par les installations existantes et à ceux résultant des interventions projetées par rapport aux normes obligatoires en vigueur, les autorités italiennes ont produit dans leur lettre du 29 novembre 1999 deux tableaux détaillant respectivement, pour le haut-fourneau et pour l’aciérie, les informations requises. Il ressort de ces tableaux que les installations existantes dans ces deux installations étaient aussi conformes aux niveaux d’émissions contaminantes à satisfaire au titre des normes obligatoires et que les niveaux atteints après les interventions étaient inférieurs à ceux-ci. En outre, le rapport d’expert produit par les autorités italiennes a également examiné les investissements relatifs au haut‑fourneau et à l’aciérie, afin de déterminer la situation antérieure et postérieure à l’intervention, et a détaillé l’amélioration qui devrait être obtenue à la suite des investissements envisagés dans les équipements de ces deux installations.

120    Cependant, s’il est vrai que ces éléments montrent la volonté de la requérante d’adopter des normes écologiques plus rigoureuses et de fournir ainsi une contribution importante à la protection de l’environnement, les autorités italiennes n’ont pas démontré que les investissements notifiés relatifs au haut-fourneau et à l’aciérie étaient le résultat de la décision délibérée de l’entreprise d’améliorer la protection de l’environnement et ne répondaient pas à des raisons économiques.

121    Or, dans la décision d’ouverture, la Commission a clairement exposé ses doutes sur la motivation environnementale ou économique des investissements notifiés dans ces installations et sur l’absence de production de preuves à cet égard de la part des autorités italiennes.

122    Ainsi, cette décision relevait d’abord qu’il était capital de connaître la raison pour laquelle l’investisseur avait décidé d’effectuer ces investissements, étant donné que l’annexe du code des aides à la sidérurgie excluait les investissements effectués pour des raisons économiques. La décision exposait ensuite qu’un premier examen des informations présentées amenait à conclure que les investissements avaient été effectués, avant tout, pour des raisons économiques.

123    La décision d’ouverture soulignait également que les autorités italiennes n’avaient pas apporté la preuve que les investissements avaient été effectués pour des raisons environnementales et non pour des raisons économiques. Cette décision exposait, de plus, que les autorités italiennes n’avaient pas apporté la preuve que, lorsqu’il y a eu remplacement des équipements ou des installations, l’investisseur avait pris clairement la décision d’opter pour des normes plus élevées nécessitant des investissements supplémentaires, ce qui signifie qu’il existait une solution moins coûteuse qui aurait satisfait aux normes légales.

124    Les autorités italiennes ont répondu aux réserves exprimées dans la décision d’ouverture par la lettre du 18 juillet 2000, dans laquelle elles se sont limitées à réaffirmer la finalité environnementale et non économique des investissements notifiés dans les installations du haut-fourneau et de l’aciérie, sans fournir d’explications complémentaires ni produire d’éléments de preuve à l’appui de cette affirmation.

125    Ainsi, les autorités italiennes ont soutenu « qu’il ressort clairement de ce qui a été précisé plus haut que le plan d’investissements environnementaux notifié a été réalisé dans le but d’obtenir une amélioration significative de la protection environnementale, indépendamment des investissements de caractère productif […] » et « qu’il résulte clairement de ce qui a été précisé plus haut que la société Lucchini a décidé d’opter pour des niveaux de protection environnementale significativement plus élevés, indépendamment des investissements productifs qui n’auraient requis aucun investissement sous forme de systèmes de protection environnementale pour le respect des normes en vigueur sur les émissions et que, partant, tous les investissements notifiés doivent être considérés comme additionnels ».

126    Ces réponses n’ont pas été accompagnées de données complémentaires tendant à justifier qu’une solution moins coûteuse existait et que, partant, l’entreprise avait clairement opté pour l’application de normes plus rigoureuses nécessitant des investissements supplémentaires. Dans ces conditions, de telles allégations ne sont pas de nature à réfuter les doutes exposés par la Commission dans la décision d’ouverture quant à la motivation environnementale et non économique des investissements notifiés dans les deux installations en cause.

127    En outre, s’agissant de la question de savoir si les équipements environnementaux existants auraient été ou non compatibles avec les nouvelles installations de production, la décision attaquée relève que les autorités italiennes n’ont fourni aucune preuve au soutien de l’affirmation selon laquelle les anciens équipements environnementaux auraient effectivement pu être compatibles avec les nouvelles installations de production, aux motifs que ces équipements n’étaient pas obsolètes et qu’ils auraient pu continuer à être utilisés avec les nouvelles installations de production dans le respect des normes écologiques (considérants 25 et 26).

128    Dans le même ordre d’idées, la décision attaquée relève, premièrement, que cette affirmation des autorités italiennes est d’autant moins crédible que, compte tenu de l’ancienneté des installations – lesquelles datent de 1971 et de 1978 –, il est difficile d’admettre que les équipements environnementaux aient pu être maintenus en service parallèlement aux nouvelles installations de production, deuxièmement, que le rapport d’expertise affirme que les équipements environnementaux ont une durée de vie qui correspond à la durée de vie de l’usine, dont ils constituent un élément et, troisièmement, que, compte tenu de la nécessité de remplacer les installations de production en raison de leur obsolescence, il est difficile d’admettre que les équipements environnementaux qui y étaient rattachés auraient pu continuer à fonctionner normalement (considérant 27).

129    Or, si les anciens équipements environnementaux du haut-fourneau et de l’aciérie avaient été compatibles avec les nouvelles installations de production et s’ils pouvaient ainsi permettre de satisfaire aux normes obligatoires en vigueur, alors les investissements notifiés seraient le résultat de la décision délibérée de l’entreprise d’améliorer la protection de l’environnement, puisqu’il s’agirait nécessairement d’investissements supplémentaires qui permettent d’adopter des normes encore plus rigoureuses que les normes obligatoires en vigueur, auxquelles satisfaisaient déjà les anciens équipements, force est toutefois de constater que les autorités italiennes n’ont produit aucune preuve de la prétendue compatibilité des anciens équipements environnementaux du haut-fourneau et de l’aciérie avec les nouveaux équipements de production de ces installations. Dans ces conditions, la Commission n’était pas tenue de fournir sur ce point une motivation supplémentaire.

130    Enfin, s’agissant du grief avancé par la requérante tiré du défaut de motivation de l’appréciation de la Commission relative à la non-éligibilité des investissements notifiés relatifs au haut-fourneau et à l’aciérie, selon la jurisprudence relative à l’article 253 CE et transposable à l’article 15 CA, la motivation exigée par cette dernière disposition doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la Cour d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 15 CA doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, point 72).

131    Or, il ressort du contenu précité de la décision d’ouverture que la Commission avait exposé de manière détaillée ses doutes quant aux investissements effectués dans le haut-fourneau et dans l’aciérie. Face au manque d’explications de la part des autorités italiennes, c’est donc à bon droit que la décision attaquée a conclu que les autorités italiennes n’avaient pas prouvé que les investissements dans le haut-fourneau et dans l’aciérie avaient été réalisés pour des raisons de protection de l’environnement. Compte tenu du fait que la charge de la preuve incombait à l’Italie, la décision attaquée pouvait se limiter à constater ce manque d’explications.

132    Dès lors, le grief tiré du défaut de motivation de la décision attaquée pour ce qui est de l’appréciation de la Commission relative à la non-éligibilité des investissements notifiés relatifs au haut-fourneau et à l’aciérie n’est pas fondé.

133    En conséquence, la décision attaquée n’est pas viciée lorsqu’elle relève que les autorités italiennes n’ont pas fourni de preuve au soutien de l’affirmation selon laquelle les investissements effectués dans les équipements environnementaux du haut-fourneau et de l’aciérie étaient la conséquence de la décision délibérée de la requérante d’améliorer la protection de l’environnement et qu’elle en déduit que les aides notifiées ne sont pas éligibles de ce fait.

d)     Conclusion sur le deuxième moyen

134    Il découle de ce qui précède que, s’agissant des investissements environnementaux dans le haut-fourneau et dans l’aciérie, et en dépit du fait que la décision attaquée est erronée lorsqu’elle indique que ces investissements étaient nécessaires en raison de l’implantation de l’usine dans une zone à forte densité de population, l’absence de preuve des autorités italiennes de l’existence d’une décision délibérée de l’entreprise bénéficiaire des aides d’améliorer l’environnement est de nature à justifier la conclusion de la décision attaquée selon laquelle les investissements notifiés relatifs à ces deux installations n’étaient pas éligibles aux aides à la protection de l’environnement.

135    En revanche, pour ce qui est des investissements environnementaux relatifs à la cokerie, la décision attaquée est insuffisamment motivée et parfois erronée.

136    Il en résulte que le deuxième moyen est fondé en ce qui concerne la cokerie et qu’il convient de le rejeter en ce qui concerne le haut‑fourneau et l’aciérie.

C –  Sur le troisième moyen, tiré du caractère erroné de l’appréciation de la Commission relative au non-respect des conditions de compatibilité des aides établies par le cadre juridique applicable, d’une violation du principe de non-discrimination, d’un renversement de la charge de la preuve, d’un défaut de motivation et d’une contradiction interne dans le raisonnement exposé dans la décision attaquée

137    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante conteste le bien-fondé et la motivation des appréciations exposées aux considérants 30 à 32 de la décision attaquée et reprises à la troisième phrase du considérant 39 en soutenant qu’elles sont entachées d’une erreur d’appréciation des faits, d’une imputation erronée de la charge de la preuve, d’une violation du principe de non-discrimination, d’un défaut de motivation et d’une contradiction interne dans le raisonnement.

138    À cet égard, le Tribunal relève que la décision attaquée conclut, au considérant 39, que les aides notifiées par les autorités italiennes ne remplissent pas les différentes conditions imposées par le cadre juridique en raison du fait, d’une part, que « les coûts notifiés ne concernent pas seulement les coûts supplémentaires nécessaires à l’amélioration de l’environnement » et, d’autre part, que « les avantages en termes de coûts n’ont pas tous été déduits ». De même, au considérant 32, la Commission indique que « les coûts d’investissements notifiés par les autorités italiennes ne représentent pas seulement des coûts liés exclusivement à la protection de l’environnement » et que « le coût des équipements qui peuvent être utilisés pour la production n’a pas été déduit proportionnellement ». Cette appréciation renvoie aux considérants 30 et 31 de la décision attaquée, dans lesquels la Commission répond aux arguments avancés par les autorités italiennes dans le cadre de leurs observations sur la décision d’ouverture.

139    Dès lors, dans la mesure où le Tribunal rejette les arguments de la requérante visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée en ce qui concerne les aides relatives au haut-fourneau et à l’aciérie, les griefs de la requérante concernant ces deux installations présentés dans le cadre du troisième moyen sont inopérants. En effet, le bien-fondé de la conclusion de la Commission sur la non-éligibilité aux aides à la protection de l’environnement des investissements concernant l’aciérie et le haut-fourneau, exposée aux considérants 25 à 29 de la décision attaquée, suffit pour conclure au caractère non fondé du recours en ce qui concerne ces deux installations, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des arguments présentés dans le cadre du troisième moyen.

140    En revanche, en ce qui concerne les aides relatives à la cokerie, le Tribunal a jugé que le deuxième moyen était fondé, dans la mesure où la décision attaquée était erronée sur certains points et insuffisamment motivée sur d’autres. Dans ces circonstances, le Tribunal arrive à la conclusion que la Commission ne peut pas valablement considérer, pour les raisons exposées dans la décision attaquée et analysées dans le cadre du deuxième moyen, que les investissements environnementaux notifiés par les autorités italiennes en qui concerne la cokerie n’étaient pas éligibles aux aides à l’environnement.

141    Dans ces conditions, le Tribunal ne peut examiner le contenu du troisième moyen et la question de savoir si la distinction des coûts liés à des investissements productifs et de ceux liés à des investissements environnementaux a été correctement faite par les autorités italiennes. Cette distinction ne pourra, en effet, être opérée, qu’après que la Commission aura analysé l’éligibilité des aides relatives à la cokerie en tenant compte des constatations effectuées par le Tribunal dans le présent arrêt et qu’elle aura déterminé, à la lumière de ce qui est exposé aux points 107 et suivants ci-dessus, si ces aides permettent ou non d’améliorer significativement la protection de l’environnement.

142    En conséquence, afin de permettre aux parties de tirer les conséquences de l’annulation prononcée dans le cadre du deuxième moyen, et donc de reprendre la procédure au stade où elle a été viciée, c’est-à-dire au stade de l’analyse des investissements environnementaux relatifs à la cokerie, le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu d’examiner les arguments des parties présentés dans le cadre du troisième moyen en ce qui concerne la distinction des coûts productifs et environnementaux, laquelle présuppose que les aides en cause aient effectivement une finalité environnementale au sens défini par l’annexe du code et par l’encadrement. Ainsi, la Commission pourra clarifier les questions relatives à l’éligibilité des aides concernant la cokerie et demander, le cas échéant, aux autorités italiennes de déduire les coûts relatifs à l’incidence sur la production.

143    Il ressort de ce qui précède que les arguments présentés dans le cadre du troisième moyen sont inopérants en ce qui concerne le haut-fourneau et l’aciérie, dans la mesure où le bien-fondé des appréciations de la Commission sur la non-éligibilité des aides relatives à ces installations exposée aux considérants 25 à 29 de la décision attaquée suffit à établir la légalité de la décision attaquée sur ce point et qu’il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen en ce qui concerne la cokerie, compte tenu de l’incidence de l’annulation prononcée par le Tribunal dans le cadre du deuxième moyen sur la procédure d’examen des aides relatives à cette installation.

D –   Sur la motivation de la décision attaquée par rapport au montant de l’aide déclarée incompatible avec le marché commun

144    Il convient de relever que le défaut ou l’insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles au sens de l’article 33 CA et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge communautaire (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑983, point 24, et Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 67 ; arrêts du Tribunal du 21 mars 2001, Métropole télévision/Commission, T‑206/99, Rec. p. II‑1057, point 43, et du 22 juin 2005, CIS/Commission, T‑102/03, non encore publié au Recueil, point 46).

145    Il y a également lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que la motivation d’une décision individuelle faisant grief doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, par analogie, arrêt Commission/Sytraval et Brink’s France, précité, point 63 ; arrêt Métropole télévision/Commission, précité, point 44, et arrêt CIS/Commission, précité, point 47).

146    La décision attaquée conclut, au considérant 39, que « l’aide notifiée en faveur de Lucchini [...] pour la cokerie, l’aciérie et le haut-fourneau, pour un total de 13,5 milliards d’ITL, n’est pas éligible aux aides à l’environnement, car les autorités italiennes n’ont pas démontré que les investissements n’ont pas été réalisés pour des raisons économiques ». Cette conclusion fait suite au considérant 29 de la décision attaquée dans lequel la Commission expose que, « en ce qui concerne les raisons principales des investissements réalisés [...] dans la cokerie, l’aciérie et le haut-fourneau, [elle] considère que les autorités italiennes n’ont pas démontré, comme l’exige l’annexe du [code], que l’entreprise a clairement décidé de réaliser les investissements pour des raisons de protection de l’environnement ».

147    Cependant, il ressort de la décision d’ouverture (point intitulé « Description de l’aide »), ainsi que du considérant 6 de la décision attaquée, que les investissements réalisés par la requérante et notifiés comme éligibles au titre d’aides à l’environnement, d’un montant total de 190,9 milliards d’ITL, pour lesquels une aide d’un montant de 13,5 milliards d’ITL était demandée (soit une intensité d’aide de 7 %), concernent les quatre installations suivantes : la cokerie, l’aciérie, le haut-fourneau et le réseau d’eau et d’égouts.

148    Dès lors, pour autant que les considérants 29 et 39 de la décision attaquée ne se réfèrent pas à l’installation du réseau d’eau et d’égouts et qu’aucun élément de la décision attaquée ne permet de comprendre en quoi l’aide d’État destinée à cette installation est incompatible avec le marché commun, il y a lieu de conclure à l’existence d’un défaut de motivation de la décision attaquée au regard de l’article 15 CA par rapport au montant de l’aide déclarée incompatible avec le marché commun dans l’article 1er de la décision attaquée.

149    Il ressort de la décision d’ouverture (point intitulé « Description de l’aide ») que le montant des investissements correspondants au réseau d’eau et d’égouts était de 19,7 milliards d’ITL et que, en conséquence, l’aide demandée pour cette installation était de 1,38 milliard d’ITL.

150    En conséquence, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il inclut, dans la déclaration d’incompatibilité de l’aide d’État du montant en faveur de la requérante, le montant de 1,38 milliard d’ITL correspondant aux investissements notifiés concernant le réseau d’eau et d’égouts.

E –   Conclusion générale

151    Il découle de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter le recours pour ce qui est des investissements environnementaux dans le haut-fourneau et dans l’aciérie.

152    En ce qui concerne les aides relatives à la cokerie, le Tribunal a accueilli le deuxième moyen et, partant, la décision attaquée doit être annulée en ce qui concerne les investissements environnementaux dans la cokerie.

153    De même, il y a également lieu d’annuler la décision attaquée pour ce qui est des investissements environnementaux concernant le réseau d’eau et d’égouts, dès lors qu’aucun élément de la décision ne permet de comprendre en quoi l’aide d’État destinée à cette installation est incompatible avec le marché commun.

154    En conséquence, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé dans la mesure où il inclut, dans la déclaration d’incompatibilité de l’aide d’État du montant en faveur de la requérante, le montant de 2,7 milliards d’ITL correspondant aux investissements environnementaux notifiés concernant la cokerie et le montant de 1,38 milliard d’ITL correspondant aux investissements environnementaux notifiés concernant le réseau d’eau et d’égouts.

 Sur les dépens

155    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Cependant, aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du même règlement, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs.

156    En l’espèce, le recours a été partiellement accueilli. Le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supportera la moitié des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      L’article 1er de la décision 2001/466/CECA de la Commission, du 21 décembre 2000, concernant l’aide d’État que l’Italie envisage de mettre à exécution en faveur des entreprises sidérurgiques Lucchini SpA et Siderpotenza SpA, est annulé dans la mesure où il inclut, dans le montant de l’aide d’État accordée en faveur de Lucchini SpA et déclarée incompatible avec le marché commun, les montants de 2,7 milliards d’ITL (1,396 million d’euros) et de 1,38 milliard d’ITL (713 550 euros), correspondant respectivement aux investissements environnementaux notifiés par les autorités italiennes dans la cokerie et dans le réseau d’eau et d’égouts.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera la moitié des dépens.


Lindh

García-Valdecasas

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       P. Lindh


Table des matières


Cadre juridique

A –  Code des aides à la sidérurgie

B –  Encadrement des aides à l’environnement

C –  Annexe du code

Faits à l’origine du recours

A –  Déclarations relatives à des investissements productifs

B –  Notifications relatives à des projets d’investissements environnementaux

C –  Décision d’ouvrir la procédure d’examen prévue à l’article 6, paragraphe 5, du code et observations des autorités italiennes

D –  Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une erreur sur les règles applicables en l’espèce et de la violation du principe de bonne administration

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le deuxième moyen, tiré du caractère erroné de l’appréciation de la Commission relative à la non-éligibilité des aides notifiées, de la violation du principe de non-discrimination, d’un renversement de la charge de la preuve et d’un défaut de motivation

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

a)  Observations liminaires

b)  Sur la question de savoir si les investissements environnementaux notifiés avaient pour objet de permettre la poursuite de l’activité de l’entreprise en raison de son implantation dans une zone à forte densité de population

c)  Sur la question de savoir si les investissements dans la protection de l’environnement ont été réalisés comme condition ou conséquence d’investissements nécessaires à la production, sur les preuves fournies par les autorités italiennes et sur la possibilité d’une solution moins coûteuse

i) Sur les investissements dans la cokerie

–  Sur la question de savoir si les investissements dans la cokerie étaient réalisés comme condition ou conséquence d’investissements nécessaires à la production

–  Sur la question des preuves fournies par les autorités italiennes

–  Sur l’existence d’une solution moins coûteuse

–  Sur la question de savoir si les investissements dans la cokerie permettaient une amélioration significative de la protection de l’environnement

–  Conclusion relative à la cokerie

ii) Sur les investissements dans le haut-fourneau et dans l’aciérie

d)  Conclusion sur le deuxième moyen

C –  Sur le troisième moyen, tiré du caractère erroné de l’appréciation de la Commission relative au non-respect des conditions de compatibilité des aides établies par le cadre juridique applicable, d’une violation du principe de non-discrimination, d’un renversement de la charge de la preuve, d’un défaut de motivation et d’une contradiction interne dans le raisonnement exposé dans la décision attaquée

D –  Sur la motivation de la décision attaquée par rapport au montant de l’aide déclarée incompatible avec le marché commun

E –  Conclusion générale

Sur les dépens



* Langue de procédure : l’italien.