Language of document : ECLI:EU:T:2011:221

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 mai 2011 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale υγεία – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif et caractère descriptif – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et article 7, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑7/10,

Diagnostiko kai Therapeftiko Kentro Athinon « Ygeia » AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes K. Alexiou et S. Foteas, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Geroulakos, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 4 novembre 2009 (affaire R 190/2009‑2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal υγεία comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 janvier 2010,

vu le mémoire en réponse de l’ΟΗΜΙ déposé au greffe du Tribunal le 7 avril 2010,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 1er juin 2010,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 28 juillet 2010,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 juillet 2008, la requérante, Diagnostiko kai Therapeftiko Kentro Athinon « Ygeia » AE, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal υγεία.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Services médicaux ».

4        Par ailleurs, en vertu de l’article 34 du règlement n° 40/94 (devenu article 34 du règlement n° 207/2009), la requérante a revendiqué l’ancienneté de sa marque hellénique υγεία, déposée le 13 juin 1996 et dont l’enregistrement, sous le numéro 131185, a été renouvelé le 13 juin 2006.

5        Par télécopie du 23 septembre 2008, l’examinatrice a informé la requérante, en vertu de l’article 38, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 37, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009), que sa demande d’enregistrement n’était pas conforme aux dispositions combinées de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 [devenus, respectivement, article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009]. Elle a, par cette même télécopie, demandé à la requérante de présenter ses observations.

6        Le 21 novembre 2008, la requérante a présenté des observations et a produit des documents complémentaires.

7        Par décision du 8 décembre 2008, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement présentée par la requérante.

8        Le 30 janvier 2009, la requérante a formé auprès de l’OHMI un recours contre la décision de l’examinatrice, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009).

9        Par décision du 4 novembre 2009 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et qu’elle était descriptive des services visés par la demande d’enregistrement, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement, pour les consommateurs hellénophones de l’Union européenne. Elle a aussi considéré qu’il n’avait pas été établi que les conditions d’application de l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, étaient remplies.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enregistrer la marque demandée en tant que marque communautaire ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

12      L’OHMI soutient que le deuxième chef de conclusions de la requérante est irrecevable, dès lors qu’il tendrait à ce que le Tribunal lui adresse une injonction, ce qui ne relèverait pas de sa compétence.

13      Ainsi que le précise la requérante dans le mémoire en réplique, ce chef des conclusions tend à ce que le Tribunal ordonne à l’OHMI d’effectuer l’enregistrement de la marque demandée. Or, selon une jurisprudence constante, l’OHMI étant tenu, conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement n° 207/2009, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union, il n’appartient pas au Tribunal de lui adresser une injonction. Il incombe, en effet, à l’OHMI de tirer les conséquences du dispositif et des motifs de l’arrêt du Tribunal [voir arrêt du Tribunal du 9 mars 2010, Euro‑Information/OHMI (EURO AUTOMATIC CASH), T‑15/09, non publié au Recueil, point 13, et la jurisprudence citée].

14      Partant, il y a lieu de rejeter comme irrecevable le deuxième chef de conclusions de la requérante.

 Sur le fond

15      À l’appui du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés de la violation, respectivement, de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009

16      Ce moyen s’articule en deux branches tirées de la violation de l’article 7, paragraphe 1, respectivement, sous b) et c), du règlement n° 207/2009. Il convient de commencer par l’examen de la seconde branche.

17      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

18      L’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que ces signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir arrêt de la Cour du 19 avril 2007, OHMI/Celltech, C‑273/05 P, Rec. p. I‑2883, point 75, et la jurisprudence citée).

19      Les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public pertinent, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [voir arrêt du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 24, et la jurisprudence citée].

20      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt PAPERLAB, point 19 supra, point 25, et la jurisprudence citée).

21      Par conséquent, le caractère descriptif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception du public pertinent, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services [voir arrêt du Tribunal du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, Rec. p. II‑1951, point 26, et la jurisprudence citée].

22      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 9 et 10 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré, à juste titre, que, dès lors que la marque demandée consistait en un mot de la langue grecque, le public pertinent se composait de l’ensemble des consommateurs hellénophones de l’Union, à savoir les consommateurs grecs et chypriotes.

23      La chambre de recours a considéré que le terme « υγεία » (« santé » en grec) permettait au public hellénophone, au sens large, de percevoir immédiatement et sans besoin de réflexion que le but des services en question était d’assurer le bien-être corporel du consommateur, et qu’il décrivait donc clairement et directement l’espèce et le but des « services médicaux » visés par la demande d’enregistrement. En outre, elle a précisé que, étant donné que la marque en question avait un sens clairement descriptif en ce qui concernait lesdits services, le public concerné la percevrait en principe comme une indication descriptive, éliminant ainsi toute impression selon laquelle la marque pourrait éventuellement évoquer l’origine commerciale desdits services.

24      La requérante fait valoir que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a, à tort, attribué un caractère purement descriptif à la marque demandée, alors que celle-ci a « une fonction distinctive in abstracto ».

25      Premièrement, la chambre de recours aurait ignoré la fonction distinctive de ladite marque, laquelle individualiserait de manière efficace le lien existant entre les services visés par elle et la requérante, en tant qu’entreprise orientée vers la protection de la santé.

26      Deuxièmement, l’utilisation du signe verbal υγεία renverrait à l’objectif des prestations médicales, c’est‑à‑dire à un état qui est celui du bon fonctionnement corporel et psychique, constitutif de la notion de santé humaine. Toutefois, le terme « υγεία » ne constituerait pas l’indication pertinente pour qualifier la nature des prestations fournies. Le terme qui décrirait cette nature serait celui de « soins médicaux », expression qui se réfèrerait au moyen d’atteindre la santé et qui, sur un plan conceptuel, s’opposerait à cette dernière.

27      Troisièmement, ainsi que la requérante l’aurait démontré au cours de la procédure devant l’OHMI, la marque demandée aurait été enregistrée en tant que marque nationale en Grèce, sans que son caractère distinctif pour les services visés par elle n’ait été remis en cause. Tout en admettant que l’appréciation de l’autorité compétente hellénique ne lie pas l’OHMI, la requérante soutient que cette appréciation lui serait utile afin de déterminer le sens du terme litigieux en langue grecque.

28      Il convient de constater que la requérante ne conteste pas la signification du terme grec « υγεία » retenue par la chambre de recours, selon laquelle ce terme décrit l’état normal de l’organisme, le bon fonctionnement des parties du corps, le bien-être corporel. Elle allègue toutefois que la marque demandée renvoie à l’objectif des prestations médicales et non auxdites prestations en elles-mêmes.

29      Or, il convient de considérer que l’objectif poursuivi par l’utilisation des produits ou des services couverts par une marque, quand bien même il ne serait pas expressément mentionné parmi les exemples d’indications descriptives énumérées à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, relève de la destination desdits produits ou services, laquelle figure parmi ces indications. Il s’ensuit qu’une marque consistant en un terme décrivant directement et immédiatement l’objectif poursuivi par l’utilisation des produits ou des services visés par elle, présente un caractère descriptif, au sens de la disposition susvisée, de ces produits ou de ces services [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 juin 2010, Hoelzer/OHMI (SAFELOAD), T‑315/09, non publié au Recueil, point 25, et du 8 septembre 2010, Micro Shaping/OHMI (packaging), T‑64/09, non publié au Recueil, points 38 et 44].

30      S’agissant des « services médicaux » visés par la marque demandée, le mot « υγεία » ne fait que décrire directement et immédiatement, pour le public hellénophone, leur destination, à savoir le rétablissement de la santé. Par conséquent, la marque demandée renvoie, dans l’esprit du public pertinent, à la destination des services visés par elle et présente donc un caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, desdits services, ainsi que l’a constaté à juste titre la chambre de recours au point 10 de la décision attaquée.

31      L’affirmation de la requérante, selon laquelle elle a obtenu l’enregistrement du même signe verbal comme marque nationale en Grèce, ne saurait conduire à une conclusion différente.

32      Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, le régime des marques communautaires est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national (arrêt de la Cour du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, Rec. p. I‑9375, point 65). Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement des règles pertinentes du droit de l’Union. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union, ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale. Tel est le cas même si une telle décision a été prise en application d’une législation nationale harmonisée avec la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1) [abrogée par la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO L 299, p. 25)], ou encore dans un pays appartenant à la zone linguistique dans laquelle le signe verbal en cause trouve son origine [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47].

33      Sans être déterminants, ces enregistrements nationaux peuvent être pris en considération lors de l’examen des motifs absolus de refus. À cet égard, l’incidence qu’ils peuvent avoir sur l’appréciation du caractère enregistrable d’une marque demandée, en ce qui concerne les motifs visés par l’article 7 du règlement n° 207/2009, dépend des circonstances concrètes de l’espèce [arrêts du Tribunal du 5 juin 2002, Hershey Foods/OHMI (Kiss Device with plume), T‑198/00, Rec. p. II‑2567, points 32 et 33, et SAFELOAD, point 29 supra, point 33].

34      Or, le seul fait que le signe υγεία a été enregistré comme marque en Grèce, en l’absence de toute précision quant au fondement de la décision pertinente de l’autorité compétente hellénique, ne suffit pas à remettre en cause la conclusion énoncée au point 30 ci-dessus selon laquelle cette marque présente un caractère descriptif.

35      Il ressort des considérations qui précèdent que la seconde branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, doit être rejetée.

36      Par voie de conséquence, il convient de rejeter la première branche du premier moyen, tirée de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. En effet, un signe ayant un caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 207/2009, est, sous réserve de l’application du paragraphe 3 de cet article, nécessairement dépourvu de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) du même règlement [voir arrêt du Tribunal du 11 février 2010, Deutsche BKK/OHMI (Deutsche BKK), T‑289/08, non publié au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée ; voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 86, et Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 19].

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009

37      La requérante fait valoir que la chambre de recours a, à tort, conclu que la marque demandée n’avait pas acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

38      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement nº 207/2009, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

39      Il y a lieu également de rappeler que l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 ne prévoit pas un droit autonome à l’enregistrement d’une marque. Il comporte une exception aux motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce règlement. Sa portée doit dès lors être interprétée en fonction de ces motifs de refus [arrêt du Tribunal du 14 septembre 2009, Lange Uhren/OHMI (Champs géométriques sur le cadran d’une montre), T‑152/07, non publié au Recueil, point 121].

40      Il convient, en outre, de rappeler que, conformément à l’article 1er, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, la marque communautaire a un « caractère unitaire », ce qui implique qu’elle « produit les mêmes effets dans l’ensemble de la Communauté ». Il résulte du caractère unitaire de la marque communautaire que, pour être admis à l’enregistrement, un signe doit posséder un caractère distinctif dans l’ensemble de l’Union. C’est ainsi que, selon l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, une marque devra être refusée à l’enregistrement si elle est dépourvue de caractère distinctif dans une partie de l’Union [arrêt du Tribunal du 30 mars 2000, Ford Motor/OHMI (OPTIONS), T‑91/99, Rec. p. II‑1925, points 23 à 25]. La partie de l’Union visée au paragraphe 2 dudit article peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre (arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, Rec. p. I‑5719, point 83).

41      L’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009, qui permet l’enregistrement des signes qui ont acquis un caractère distinctif par l’usage, doit être lu à la lumière de ces exigences. Par conséquent, il est nécessaire d’établir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage sur tout le territoire sur lequel la marque serait dépourvue ab initio d’un tel caractère [voir arrêt Storck/OHMI, point 40 supra, point 83 ; arrêts du Tribunal du 19 mai 2009, Euro-Information/OHMI (CYBERCREDIT, CYBERGESTION, CYBERGUICHET, CYBERBOURSE ET CYBERHOME), T‑211/06, T‑213/06, T‑245/06, T‑155/07 et T‑178/07, non publié au Recueil, points 54 à 57, et du 29 septembre 2010, CNH Global/OHMI (Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur), T‑378/07, non encore publié au Recueil, point 30, et la jurisprudence citée].

42      Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 61, et la jurisprudence citée].

43      Pour déterminer si une marque a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, l’autorité compétente doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit ou le service concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises [arrêts du Tribunal du 6 mars 2007, Golf USA/OHMI (GOLF USA), T‑230/05, non publié au Recueil, point 79, et du 15 octobre 2008, Powerserv Personalservice/OHMI – Manpower (MANPOWER), T‑405/05, Rec. p. II‑2883, point 130 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, C‑108/97 et C‑109/97, Rec. p. I‑2779, point 49].

44      À cet égard, il convient de prendre en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que les sondages d’opinion (voir arrêt Forme d’un briquet à pierre, point 42 supra, point 64, et la jurisprudence citée).

45      Si, sur la base de tels éléments, l’autorité compétente estime que les milieux intéressés ou à tout le moins une fraction significative de ceux-ci identifient grâce à la marque le produit ou le service comme provenant d’une entreprise déterminée, elle doit en tout état de cause en conclure que la condition exigée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 pour l’enregistrement de la marque est remplie. Toutefois, s’agissant des circonstances dans lesquelles une telle condition peut être regardée comme satisfaite, elles ne sauraient être établies seulement sur la base de données générales et abstraites (voir, par analogie, arrêt Windsurfing Chiemsee, point 43 supra, point 52).

46      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’analyser, tout d’abord, l’argumentation de la requérante, selon laquelle la chambre de recours, lors de son examen de l’acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait, aurait dû prendre en considération l’espace géographique hellénophone dans sa globalité, sans examiner de manière individuelle les différents États membres qui le composent.

47      La requérante soutient, à cet égard, que l’approche de la chambre de recours dans la décision attaquée, consistant à soumettre l’usage du signe en cause à un contrôle différent dans chaque État membre ayant pour langue officielle le grec, n’est fondée ni sur le libellé ni sur l’objectif du droit primaire ou dérivé de l’Union. Aucune disposition du droit applicable n’exigerait que les éléments distinctifs résultant de l’usage se développent dans un espace géographique donné. L’essentiel serait qu’ils se développent par rapport à un public donné. Ce public devrait être examiné dans son ensemble, et non séparément dans chacun des États membres dont la langue officielle est celle dans laquelle le signe en cause présente un caractère descriptif.

48      S’agissant, plus particulièrement, du cas de l’espèce, la requérante relève que la population hellénophone de l’Union réside, dans son immense majorité, sur le territoire de la République hellénique. Le rapport entre la population de la République hellénique et la population de la République de Chypre serait bien supérieur à 10 pour 1, selon les informations officielles des services statistiques de ces deux États membres. Sur le marché pertinent, le public hellénophone de la République de Chypre représenterait bien moins que 10 %.

49      Ainsi qu’il a déjà été relevé dans le cadre de l’examen du premier moyen, il convient de considérer que la marque demandée est descriptive des services qu’elle vise pour le public hellénophone de l’Union, à savoir les consommateurs grecs et chypriotes, la République hellénique et la République de Chypre étant les seuls États membres à avoir comme langue officielle le grec.

50      Il s’ensuit, en application de la jurisprudence citée aux points 41 et 42 ci-dessus, que, pour faire accepter l’enregistrement de la marque demandée, en tant que marque communautaire, la requérante devait démontrer devant la chambre de recours qu’au moins une fraction significative du public pertinent de chacun de ces deux pays identifiait grâce à la marque les services concernés comme provenant de la requérante (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 12 septembre 2007, ColArt/Americas/OHMI (BASICS), T‑164/06, non publié au Recueil, point 48, et CYBERCREDIT, CYBERGESTION, CYBERGUICHET, CYBERBOURSE ET CYBERHOME, point 41 supra, points 56 et 57).

51      La thèse contraire, selon laquelle il suffit de démontrer qu’une fraction significative du public hellénophone de l’Union, pris dans sa globalité, identifie grâce à la marque demandée les services visés par la demande d’enregistrement comme provenant de la requérante, ne saurait être accueillie. Il convient de relever que, aux termes de l’article 1, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, la marque communautaire a un caractère unitaire et produit les mêmes effets dans l’ensemble de l’Union. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 3 et 4 de ce règlement, celui‑ci vise à conférer aux entreprises le droit d’acquérir, selon une procédure unique, des marques communautaires qui jouissent d’une protection uniforme, dès lors que des marques régies par un droit unique, directement applicable dans tous les États membres, sont nécessaires afin de permettre aux entreprises d’exercer sans entraves une activité économique dans l’ensemble du marché intérieur. Il résulte de ces considérations  que, afin d’être enregistré comme marque communautaire, un signe ne doit présenter un caractère descriptif dans aucun État membre.

52      En effet, il serait paradoxal d’admettre, d’une part, en application de l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2008/95, qu’un État membre soit tenu de refuser l’enregistrement comme marque nationale d’un signe présentant un caractère descriptif sur son territoire, et, d’autre part, que ce même État soit tenu de respecter une marque communautaire relative à ce même signe pour la seule raison que celui-ci aurait acquis un caractère distinctif sur le territoire d’un autre État membre ayant la même langue officielle.

53      Il en résulte qu’est non fondée l’argumentation de la requérante, selon laquelle la situation sur le territoire de la République de Chypre  ne doit jouer aucun rôle s’agissant de la question de savoir si, en raison de l’usage qui en a été fait, la marque en cause a acquis un caractère distinctif pour l’ensemble de la population hellénophone de l’Union.

54      Par conséquent, il incombait à la requérante de prouver, devant la chambre de recours, que le signe υγεία avait acquis avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement, intervenue le 21 juillet 2008, un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait, dans les parties de l’Union où la marque avait été considérée comme descriptive, à savoir sur les territoires de la République hellénique et de la République de Chypre.

55      S’agissant du territoire de la République hellénique, tant devant l’examinatrice que devant la chambre de recours, la requérante a invoqué différents éléments de preuve relatifs aux investissements qu’elle avait réalisés ou qu’elle envisageait de réaliser, aux performances scientifiques du personnel médical de son hôpital, à ses chiffres d’affaires, à ses bénéfices et à la circonstance que son hôpital dénommé « Yγεία » constituerait un point de référence du quartier d’Athènes dans lequel il est situé.

56      Or, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les éléments présentés par la requérante ne démontraient pas la part de marché détenue par la marque en cause, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par la requérante pour la promouvoir, et la proportion des milieux intéressés qui identifiaient, grâce à la marque υγεία, les services médicaux comme provenant de la requérante.

57      Dans la requête, la requérante ne conteste pas spécifiquement ces constatations de la chambre de recours. Elle insiste néanmoins sur le fait que, dans le cadre de l’examen de la question relative à l’usage de la marque demandée, l’OHMI devait également prendre en considération son enregistrement comme marque nationale en Grèce et invoque de nouvelles données statistiques concernant le nombre des interventions chirurgicales effectuées dans son hôpital, le nombre des personnes y ayant été admises pour des soins médicaux et le nombre des jours d’hospitalisation de 2006 à 2008.

58      En outre, dans le mémoire en réplique, elle fait valoir que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation. En effet, dans cette décision, la chambre de recours se bornerait à indiquer qu’il n’est pas démontré que la marque a acquis un caractère distinctif sur le territoire de la République hellénique par l’usage qui en a été fait. La décision attaquée ne comporterait pas, dès lors, l’énoncé des motifs qui en constituent le fondement.

59      S’agissant de la motivation de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante, que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Italie/Commission, T‑239/04 et T‑323/04, Rec. p. II‑3265, point 117, et la jurisprudence citée). En effet, le caractère éventuellement erroné d’une motivation n’en fait pas une motivation inexistante (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2010, Sevenier/Commission, T‑368/09 P, non encore publié au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).

60      En l’espèce, au point 17 de la décision attaquée, la chambre de recours a, en substance, constaté que les éléments de preuve de l’acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait ne suffisaient pas pour démontrer un tel usage, compte tenu de la jurisprudence constante, rappelée au point précédent (16) de la même décision (voir également le point 44 ci‑dessus). Cette constatation se réfère aussi bien au territoire de la République hellénique qu’à celui de la République de Chypre, la chambre de recours n’ayant fait aucune distinction et, sans préjudice de l’examen de son bien fondé qui sera effectué ci‑après, constitue une motivation suffisante, de sorte que le grief de la requérante, tiré d’un défaut de motivation, doit être rejeté.

61      Concernant le bien fondé de ces motifs, il ressort du dossier de la procédure devant l’OHMI, communiqué au Tribunal en application de l’article 133, paragraphe 3, de son règlement de procédure, que les éléments de preuve soumis par la requérante aux instances de l’OHMI comprenaient : ses statuts, dans leur forme originale et dans leur rédaction résultant de leur modification survenue en 1973 ; des copies de deux numéros de la revue Nouvelles du Ygeia (du mois de mai 1989 et du mois de juin 1997) ; des coupures de journaux ; et des impressions de pages issues de sites Internet. Eu égard à leur caractère et à leur contenu, aucun de ces éléments n’est de nature à démontrer que la conclusion de la chambre de recours, mentionnée au point 56 ci-dessus, qui n’est d’ailleurs pas spécifiquement contestée par la requérante, est entachée d’erreur. En effet, il n'est, en tout état de cause, pas établi que la revue susmentionnée, qui est éditée par la requérante et couvre ses activités, soit diffusée auprès du grand public. En outre, les coupures de journaux produites par la requérante, dans lesquelles sont évoqués son chiffre d’affaires et ses résultats au premier semestre 2008, ses investissements hors de Grèce ainsi que les méthodes thérapeutiques employées dans ses établissements, ne couvrent, en tout état de cause, qu’une courte période, correspondant aux deux années précédant le dépôt de la demande d’enregistrement. Enfin, à supposer même que les pages de sites Internet présentées devant l’OHMI démontrent l’utilisation du terme « υγεία » comme point de référence du quartier d’Athènes dans lequel est situé l’hôpital de la requérante, une telle circonstance n’est, en tout état de cause, pas de nature à prouver que, sur l’ensemble du territoire de la République hellénique, ledit terme évoque, auprès du public pertinent, les services délivrés par la requérante.

62      Cette conclusion n’est remise en cause ni par l’utilisation du mot « υγεία » comme partie de la raison sociale de la requérante depuis 1973, ni par l’enregistrement du signe verbal « υγεία » en tant que marque nationale hellénique. En effet, aucun de ces deux éléments ne suffit à démontrer qu’une fraction significative du public hellénique perçoit un lien entre les services médicaux délivrés sous le signe υγεία et une entreprise déterminée.

63      Par ailleurs, il ressort du dossier de la procédure devant l’OHMI que les données statistiques mises en avant dans la requête n’ont pas été évoquées dans le cadre de ladite procédure. La requérante s’en prévaut donc pour la première fois devant le Tribunal.

64      Or, il y a lieu de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009. En outre, l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Il résulte de ces dispositions que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’OHMI ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal. Celui-ci est en effet appelé à apprécier la légalité de la décision de la chambre de recours en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celle‑ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057, point 50), mais il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui (arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 54). Par conséquent, les données statistiques invoquées par la requérante ne peuvent pas être prises en considération par le Tribunal lors de l’examen de la question de l’acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif sur le territoire de la République hellénique en raison de l’usage qui en a été fait.

65      Dans ces conditions, il convient de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a décidé qu’il n’a pas été prouvé que ladite marque avait acquis un caractère distinctif sur le territoire de la République hellénique en raison de l’usage qui en avait été fait.

66      La requérante fait néanmoins valoir que la décision attaquée doit être comprise en ce sens que la chambre de recours a considéré qu’elle avait apporté la preuve de l’acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif en raison de l’usage qui en avait été fait sur le territoire de la République hellénique. Elle fait, à cet égard, référence spécifiquement au point 18 de la décision attaquée, qui est ainsi libellé : « Même à supposer que le signe υγεία ait acquis un caractère distinctif sur le territoire grec, en raison de l’usage de longue date de la dénomination sociale Diagnostiko kai Therapeftiko Kentro Athinon – YGEIA A.E. et de l’existence du centre hospitalier et thérapeutique du même nom ‘Υγεία’ à Athènes (un fait qui pourrait éventuellement justifier son enregistrement en tant que marque nationale en Grèce), il y a lieu de souligner à cet égard que les motifs absolus de refus de l’article 7, paragraphe 1, du [règlement n° 207/2009], doivent également être appréciés par rapport au public hellénophone concerné à Chypre ».

67      Force est de constater que cette lecture de la décision attaquée par la requérante est erronée. Compte tenu du point 17 de la décision attaquée (voir point 56 ci-dessus), le point 18 de celle-ci ne possède pas le sens que lui attribue la requérante. Il est manifeste que, par ce point, la chambre de recours a indiqué son intention d’examiner, à titre surabondant, la question de l’acquisition, par ladite marque, d’un caractère distinctif en raison de l’usage qui en avait été fait, dans l’autre État membre où le grec est reconnu comme langue officielle, à savoir sur le territoire de la République de Chypre.

68      Dès lors que la requérante n’a pas démontré, devant la chambre de recours, que la marque demandée a acquis un caractère distinctif sur le territoire de la République hellénique en raison de l’usage qui en a été fait, le reste de l’argumentation avancée par elle dans le cadre du présent moyen et ayant trait à l’usage de ladite marque à Chypre, est inopérant, car dirigé contre un motif surabondant de la décision attaquée.

69      En tout état de cause, cette argumentation de la requérante ne saurait prospérer.

70      À l’appui de son affirmation, selon laquelle la marque demandée a acquis, sur le territoire chypriote, un caractère distinctif pour les services qu’elle vise, en raison de l’usage qui en avait été fait, la requérante invoque le fait qu’elle a acquis, d’une part, en 2008, 100 % du capital social d’une société détenant 60 % du capital d’une clinique de Pafos et, d’autre part, en 2007, 56,7 % du capital social d’une société contrôlant une clinique située à Limassol. Ces acquisitions auraient fait l’objet d’une large publicité dans la presse écrite et électronique, tant hellénique que chypriote. En outre, lesdites acquisitions démontreraient la diffusion de cette marque sur le territoire chypriote, représenteraient un volume d’investissements suffisant pour la promouvoir, et représenteraient une part significative du marché chypriote des prestations médicales.

71      De plus, la requérante évoque les liens culturels, sociopolitiques et économiques existant entre la République hellénique et la République de Chypre. Elle ajoute que les références à ses activités dans la presse écrite et sur les sites Internet grecs, permettaient au public chypriote de prendre connaissance de ses activités.

72      À l’appui de cette argumentation, la requérante a produit devant le Tribunal de nouveaux éléments de preuve relatifs à l’acquisition des participations susmentionnées au point 70. La requérante fait valoir que la production de nouveaux éléments de preuve sur cette question doit être admise, puisque ceux‑ci sont nécessaires pour contester des faits qui, ayant été évoqués pour la première fois dans la décision de la chambre de recours, ne devaient pas faire l’objet d’une preuve à un stade antérieur.

73      Ainsi qu’il a déjà été relevé (point 64 ci‑dessus), lors du contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI, le Tribunal ne doit pas prendre en considération les éléments de fait nouvellement produits devant lui. Il s’ensuit que les éléments de preuve produits par la requérante pour la première fois devant le Tribunal ne peuvent pas être pris en considération pour l’appréciation de la question de l’éventuelle acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif sur le territoire de la République de Chypre en raison de l’usage qui en a été fait [arrêts du Tribunal du 2 décembre 2008, Ford Motor/OHMI (FUN), T‑67/07, Rec. p. II‑3411, point 42, et du 25 juin 2010, MIP Metro/OHMI – CBT Comunicación Multimedia (Metromeet), T‑407/08, non encore publié au Recueil, point 16].

74      L’argumentation de la requérante selon laquelle la production de nouvelles preuves ne peut être interdite lorsque la nécessité de leur production n’est apparue, comme, selon elle, c’est le cas en l’espèce, qu’à la suite de la décision de la chambre de recours, ne saurait conduire à une conclusion différente.

75      En effet, il y a lieu de souligner que l’examinatrice a informé la requérante, par télécopie du 23 septembre 2008 (voir point 5 ci-dessus), que le public concerné était composé du public hellénophone de l’Union. Par la décision du 8 décembre 2008, l’examinatrice a constaté que le motif absolu de refus devait être apprécié par rapport au public concerné, lequel comprenait les consommateurs hellénophones de l’Union, à savoir les consommateurs grecs et chypriotes. Elle a ajouté que ni les observations de la requérante ni les preuves présentées ne contenaient des références aux consommateurs chypriotes. Dans ces circonstances, la requérante pouvait, en tout état de cause, s’attendre à ce que la chambre de recours considère que, pour obtenir l’enregistrement de la marque demandée, elle devait prouver l’acquisition, par celle-ci, d’un caractère distinctif en raison de l’usage qui en a été fait, en tenant compte tant des consommateurs grecs que des consommateurs chypriotes.

76      Par ailleurs, si la requérante estime que la chambre de recours l’a privée, en violation de l’article 75, seconde phrase, du règlement n° 207/2009, de la possibilité de présenter en temps utile les preuves en cause dans le cadre de la procédure administrative, elle aurait dû invoquer un tel moyen au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée. L’éventuelle violation, par la chambre de recours, du droit de la requérante à être entendue ne saurait, en revanche, aboutir à ce que le Tribunal procède à l’appréciation de faits et de preuves qui n’ont pas été présentés auparavant devant les instances de l’OHMI, à tout le moins dans la mesure où celui-ci ne devait pas les prendre en compte d’office [arrêt du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI − Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 26].

77      En outre, il convient de relever que, s’agissant des éléments de preuve produits par la requérante à cet égard devant la chambre de recours, ceux-ci consistaient uniquement en des coupures de presse mentionnant notamment l’acquisition, en 2007 et 2008, des participations susmentionnées.

78      La chambre de recours a indiqué à cet égard, au point 19 de la décision attaquée, qu’il ne résultait aucunement de ces éléments de preuve que le public chypriote était entré en contact avec la marque υγεία. Elle a précisé qu’aucun des documents présentés ne faisait spécifiquement référence à l’usage de cette marque sur le territoire de la République de Chypre. Cette appréciation doit être approuvée. En effet, la seule participation de la requérante au capital social de sociétés auxquelles appartenaient des hôpitaux établis sur le territoire de la République de Chypre ne suffit pas à démontrer, que, pour une fraction significative du public chypriote, la marque υγεία a acquis un caractère distinctif en raison de l’usage qui en a été fait. Par ailleurs, la requérante n’établit pas que les hôpitaux concernés fournissent des services médicaux sous ladite marque.

79      La conclusion susmentionnée de la chambre de recours n’est pas remise en cause par la référence générale et abstraite de la requérante aux liens culturels, sociopolitiques et économiques entre la République hellénique et la République de Chypre. Ces liens ne sauraient à eux seuls impliquer que toute marque, qui aurait acquis un caractère distinctif sur le territoire de la République hellénique par l’usage qui en a été fait, bénéficierait automatiquement d’un tel caractère sur le territoire de la République de Chypre.

80      Il s’ensuit que le second moyen doit être rejeté comme étant non fondé, ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

81      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Diagnostiko kai Therapeftiko Kentro Athinon « Ygeia » AE est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mai 2011.

Signatures


* Langue de procédure : le grec.