Language of document : ECLI:EU:F:2015:36

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (juge unique)

29 avril 2015 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Attribution des points de mérite – Avis du comité des rapports – Large pouvoir d’appréciation de l’administration – Égalité de traitement »

Dans l’affaire F‑17/14,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Carlos Ibáñez Martínez, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Leeuw‑Saint‑Pierre (Belgique), représenté par Me M. Casado García‑Hirschfeld, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes V. Montebello‑Demogeot et N. Chemaï, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique),

juge : M. K. Bradley,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 12 janvier 2015,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 4 mars 2014, M. Ibáñez Martínez demande l’annulation de la décision du Parlement européen de lui attribuer deux points de mérite au titre de l’exercice de promotion 2012 en tant que cette décision ne lui en attribue pas un troisième.

 Cadre juridique

2        Le cadre juridique de la présente affaire est constitué des articles 43 et 45 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci‑après le « statut »), concernant la notation et la promotion des fonctionnaires.

3        Le 6 juillet 2005, le bureau du Parlement a adopté une décision portant politique de promotion et de programmation des carrières, modifiée en dernier lieu par décision du bureau du 21 avril 2008 (ci‑après la « décision du bureau »), assortie d’une annexe. Le point I.3.1 de ladite décision prévoit :

« Le mérite du fonctionnaire/agent est évalué chaque année. Le rapport de notation constituant l’élément fondamental d’appréciation du mérite, il est impératif que le niveau annuel des points de mérite du noté soit en cohérence avec la notation obtenue pendant l’année de référence […].

[…]

Tout fonctionnaire/agent […] qui est jugé méritant reçoit des points de mérite dans une fourchette de [un] à [trois] points, étant entendu que le fonctionnaire non méritant ne reçoit pas de points. »

4        Selon le point 1.9 de l’annexe de la décision du bureau, le comité des rapports émet un avis sur les réclamations introduites en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par les fonctionnaires s’estimant lésés par la manière selon laquelle les points de mérite ont été attribués.

5        Le 6 mai 2008, le secrétaire général du Parlement a adopté des mesures d’application relatives à l’attribution des points de mérite et à la promotion (ci‑après les « mesures d’application »), lesquelles prévoient que le comité des rapports est appelé à rendre un avis sur saisine obligatoire du secrétaire général sur « les réclamations introduites conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut ».

 Faits à l’origine du litige

6        Le 1er avril 2005, le requérant est entré au service du Parlement en tant que fonctionnaire. Depuis le 18 novembre 2009, il est affecté à la direction générale (DG) « Communication », où il travaille à l’unité « Personnel » de la direction « Ressources ». Le 1er janvier 2011, le requérant a été promu au grade AST 10.

7        Le 4 juillet 2013, le requérant a reçu par courrier interne avec accusé de réception la décision du 3 juillet 2013 du directeur général de la DG « Communication » de lui attribuer deux points de mérite pour l’exercice de promotion 2012.

8        Il ressort du dossier que Mmes A et B, fonctionnaires du même groupe de fonctions que celui du requérant, ayant le même grade et affectées à la même direction générale, ont chacune obtenu trois points de mérite au titre de l’exercice 2012.

9        Le 14 août 2013, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision du 3 juillet 2013 en tant que cette décision ne lui attribue pas un troisième point de mérite pour l’exercice de promotion 2012 (ci‑après la « décision litigieuse »).

10      L’autorité investie du pouvoir de nomination (ci‑après l’« AIPN ») a transmis la réclamation au comité des rapports qui a rendu un avis le 18 septembre 2013 (ci‑après l’« avis du comité des rapports »), selon lequel le rapport de notation du requérant était équivalent à celui de Mme A et légèrement inférieur à celui de Mme B. Le comité des rapports concluait qu’il y avait eu « inégalité de traitement ».

11      Le secrétaire général du Parlement, agissant en sa qualité d’AIPN, a rejeté la réclamation par décision du 6 décembre 2013, en précisant qu’il ne partageait pas l’avis du comité des rapports (ci‑après la « décision portant rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties et procédure

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la requête recevable ;

–        annuler la décision litigieuse ;

–        annuler, pour autant que de besoin, la décision portant rejet de la réclamation ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

13      Le Parlement demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant à supporter l’ensemble des dépens.

14      Par décision du 18 décembre 2014, les parties entendues, la deuxième chambre du Tribunal, à laquelle l’affaire avait été attribuée, a décidé à l’unanimité, en application de l’article 15, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, que l’affaire serait jugée par le juge rapporteur statuant en tant que juge unique.

 En droit

 Sur l’objet du recours

15      Outre l’annulation de la décision litigieuse, le requérant demande l’annulation, en tant que de besoin, de la décision portant rejet de la réclamation.

16      Selon la jurisprudence, les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le juge de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (arrêt Balionyte‑Merle/Commission, F‑113/12, EU:F:2013:191, point 24, et la jurisprudence citée).

17      En l’espèce, la décision portant rejet de la réclamation confirme la décision litigieuse en apportant des précisions sur la motivation de celle‑ci. En pareille hypothèse, c’est bien la légalité de l’acte initial faisant grief qui doit être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision portant rejet de la réclamation, ladite motivation étant censée coïncider avec cet acte (voir, en ce sens, arrêt Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59, et la jurisprudence citée).

18      Par conséquent, les conclusions en annulation dirigées contre la décision portant rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et le recours doit être regardé comme étant dirigé contre la décision litigieuse, dont la motivation est précisée par la décision portant rejet de la réclamation (arrêts Eveillard/Commission, T‑258/01, EU:T:2004:177, points 31 et 32, et Buxton/Parlement, F‑50/11, EU:F:2012:51, point 21).

 Sur les conclusions en annulation de la décision litigieuse

19      Le requérant soulève deux moyens, tirés, le premier, de la violation du principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination et, le second, de la violation de l’article 45 du statut et de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination

–       Arguments des parties

20      Le requérant considère d’abord que le rapport de notation pour l’exercice 2012 (ci‑après le « rapport de notation ») lui reconnaissait « une performance extraordinaire et particulièrement de haute qualité ». À cet égard, le requérant fait état de ce que, dans les commentaires factuels dudit rapport, figurent six mentions « excellent » et deux mentions « remarquable », ainsi que des mentions « très bien » pour tous les autres critères d’appréciation. En outre, les commentaires factuels du premier notateur seraient « particulièrement élogieux » et le rapport de notation aurait été validé dans son intégralité par le notateur final.

21      Ensuite, le requérant rappelle que l’avis du comité des rapports indiquait que ses mérites étaient d’« un niveau équivalent » à ceux des deux autres fonctionnaires ayant reçu trois points de mérite au titre de l’exercice 2012.

22      Toutefois, la décision litigieuse n’aurait pas tenu compte de l’avis du comité des rapports. Ce faisant, l’AIPN aurait violé le principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination, puisqu’elle aurait traité le requérant différemment des autres fonctionnaires qui se trouvaient dans une situation comparable.

23      En outre, le requérant observe que la décision portant rejet de la réclamation indique que ses deux collègues ayant obtenu trois points de mérite avaient des « appréciations sensiblement plus élogieuses sous les rubriques ‘Compétence’ et ‘Rendement’ ». L’AIPN n’aurait donc pas tenu compte de la rubrique « Conduite », alors que celle‑ci reflète un des trois critères faisant l’objet d’un rapport de notation aux termes de l’article 43 du statut. L’AIPN n’aurait pas davantage tenu compte de sa charge de travail ni, enfin, du niveau de ses responsabilités, et notamment de son rôle de coordinateur des gestionnaires du personnel. En exigeant qu’il démontre des mérites supérieurs à ceux des fonctionnaires auxquels il a été comparé, l’AIPN aurait violé le principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination.

24      Le Parlement conclut au rejet de ce moyen.

–       Appréciation du Tribunal

25      Dans le cadre du présent moyen, il y a lieu d’examiner si la décision litigieuse, telle que complétée par la décision portant rejet de la réclamation, est entachée d’une illégalité du fait que l’AIPN n’aurait pas pris en considération l’avis du comité des rapports, la rubrique « Conduite » du rapport de notation, la charge de travail du requérant ou encore le niveau de ses responsabilités. Les arguments développés par le requérant qui, bien que figurant dans la présentation de ce moyen, se rattachent à l’existence d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation de l’AIPN seront, en revanche, examinés dans le cadre du second moyen.

26      Le Tribunal constate d’emblée qu’une simple lecture de la décision portant rejet de la réclamation est suffisante pour établir que l’avis du comité des rapports a été rendu préalablement à l’adoption de ladite décision et que l’AIPN l’a bien examiné, avant de décider de s’en écarter. En effet, le secrétaire général du Parlement indique clairement qu’il estime que Mmes A et B « ont démontré de meilleures performances » que le requérant et que, pour cette raison, il ne partage pas l’avis du comité des rapports.

27      Certes, ainsi qu’il ressort de l’article 1.9 de l’annexe de la décision du bureau, ainsi que des mesures d’application, l’AIPN ne peut statuer sur une réclamation dirigée contre une décision d’attribution de points de mérite sans avoir préalablement obtenu l’avis du comité des rapports. Toutefois, ni la décision du bureau, ni les mesures d’application n’établissent que l’AIPN ne peut s’écarter dudit avis (voir, en ce sens et par analogie, concernant le comité consultatif de promotion, arrêt Praskevicius/Parlement, F‑81/10, EU:F:2011:120, point 56).

28      Il s’ensuit que le grief tiré du fait que l’AIPN n’aurait pas tenu compte de l’avis du comité des rapports doit être écarté.

29      Pour ce qui est du grief tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas pris en compte la rubrique « Conduite » du rapport de notation du requérant, sa charge de travail et/ou le niveau de ses responsabilités, le Tribunal constate que rien n’indique, dans le texte de la décision litigieuse ou de la décision portant rejet de la réclamation, que l’AIPN aurait omis de prendre en considération ces éléments ou l’un d’entre eux. En effet, dans la décision portant rejet de la réclamation, le secrétaire général du Parlement s’est limité à affirmer que, tout en relevant le niveau élevé des prestations du requérant, Mmes A et B avaient « démontré de meilleures performances » et que cela se reflétait « notamment » dans les appréciations figurant dans les rubriques « Compétence » et « Rendement ». Il apparaît donc que ladite décision ne fait que souligner les aspects des prestations de Mmes A et B qui ont été jugés par l’AIPN meilleurs que ceux du requérant, sans qu’il soit possible de déduire que les autres aspects n’ont pas été pris en compte.

30      Il y a donc lieu d’écarter ce grief et, par voie de conséquence, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 45 du statut et de l’erreur manifeste d’appréciation

–       Arguments des parties

31      Par son second moyen, le requérant soutient, en substance, que la décision litigieuse serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’il s’est vu accorder seulement deux points de mérite pour l’exercice de promotion 2012 nonobstant les commentaires particulièrement élogieux figurant dans son rapport de notation.

32      En premier lieu, selon le requérant, l’AIPN n’aurait pas tenu compte de sa conduite et du niveau de ses responsabilités.

33      À cet égard, il fait valoir que, selon les commentaires factuels figurant à la rubrique « Conduite » de son rapport de notation, il aurait eu, tout au long de la période de référence, une conduite « remarquable ». En outre, il souligne avoir exercé les fonctions de coordinateur des gestionnaires du personnel et, partant, de responsable de la gestion du personnel de la DG « Communication ». Lors de l’audience, il a complété son argumentation en soutenant, en substance, que le niveau des responsabilités exercées par Mmes A et B était inférieur au niveau de ses responsabilités.

34      Le requérant considère que le premier notateur, à savoir son chef d’unité, a confirmé ses mérites, en l’informant, dans un courrier électronique du 2 septembre 2013, avoir demandé à sa hiérarchie de lui accorder un troisième point de mérite et n’avoir entrepris une telle démarche que pour lui seul au sein de l’unité.

35      Toujours à propos de l’appréciation de ses mérites, lors de l’audience, le requérant a pris position sur le tableau comparatif chiffré des mérites de Mmes A et B et des siens annexé par le Parlement à son mémoire en défense (ci‑après le « tableau comparatif »). À cet égard, le requérant a soutenu que ledit tableau était incomplet, car il ne tenait pas compte des responsabilités exercées ni de l’hétérogénéité des styles des différents notateurs dans la rédaction des appréciations. En outre, le requérant a considéré que le Parlement avait omis de prendre en considération dans ledit tableau sa charge de travail qui aurait été « anormalement lourde ». Enfin, le requérant a soutenu que le Parlement avait chiffré incorrectement les langues utilisées, car il avait également tenu compte des langues dont les fonctionnaires concernés justifiaient une connaissance approfondie au sens de l’article 45 du statut.

36      En deuxième lieu, selon le requérant, l’AIPN ne pouvait pas justifier le refus de lui attribuer un troisième point de mérite en se fondant sur la circonstance que le nombre de points disponibles était limité. En précisant son argument lors de l’audience, le requérant a reproché à l’AIPN de ne pas avoir examiné si elle pouvait lui attribuer un troisième point de mérite en utilisant la réserve de points dont elle disposait.

37      Enfin, le requérant considère qu’il incombe au Tribunal de vérifier que les éléments pris en compte par le comité des rapports ont été traités avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement, et propose que le Tribunal demande la preuve que la décision litigieuse est conforme aux dispositions en vigueur.

38      Le Parlement conclut au rejet du second moyen.

–       Appréciation du Tribunal

39      Le Tribunal constate d’emblée qu’il n’y a pas lieu de distinguer dans l’analyse du second moyen le grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation de celui tiré de la violation de l’article 45 du statut, l’argumentation développée à l’appui de ces griefs étant commune (voir, en ce sens, arrêt Buxton/Parlement, EU:F:2012:51, point 36).

40      En outre, il y a lieu de juger que le requérant ne saurait se prévaloir d’éventuelles erreurs figurant dans le tableau comparatif. En effet, comme le Parlement l’a soutenu dans son mémoire en défense, puis précisé lors de l’audience, le tableau comparatif a été préparé afin de faciliter le traitement de la réclamation du requérant et n’est rien d’autre qu’un instrument mis à la disposition de l’AIPN par le service compétent pour que cette dernière puisse vérifier l’éventuelle existence d’une erreur d’appréciation entachant la décision litigieuse. Par la suite, le tableau comparatif a été annexé au mémoire en défense pour faciliter l’examen du Tribunal.

41      Il résulte de ce qui précède que l’examen comparatif des mérites du requérant et de Mmes A et B lors de l’adoption de la décision litigieuse a été effectué par l’AIPN avant l’établissement du tableau comparatif et qu’il y a donc lieu de prendre en considération les mérites des fonctionnaires concernés tels qu’ils ressortent de leur rapport de notation pour l’exercice 2012.

42      Il convient de rappeler que l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut et qu’il en va de même, par voie de conséquence, dans le cadre d’une décision d’attribution de points de mérite (voir, en ce sens, arrêt Collee/Parlement, F‑148/06, EU:F:2008:169, points 39 et 40). Aussi le contrôle du juge doit‑il se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle‑ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (arrêt Buxton/Parlement, EU:F:2012:51, point 37).

43      Or, établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation d’une décision suppose que les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, soient suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’autorité compétente. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par le requérant, l’appréciation mise en cause peut toujours être admise comme vraie ou valable. En matière de promotion, une erreur doit donc être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels le législateur a entendu subordonner les décisions en la matière (arrêts Canga Fano/Conseil, F‑104/09, EU:F:2011:29, point 35, et Buxton/Parlement, EU:F:2012:51, point 38).

44      À cet égard, le Tribunal rappelle que l’administration jouit d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’importance respective qu’elle accorde à chacun des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, les dispositions de celui‑ci n’excluant pas la possibilité d’une pondération entre eux (arrêts Canga Fano/Conseil, T‑281/11 P, EU:T:2013:252, point 123, et Bouillez/Conseil, F‑75/11, EU:F:2012:152, point 58).

45      En l’espèce, pour ce qui est de la comparaison des mérites du requérant et de ceux de Mmes A et B, le Tribunal rappelle que, dans la décision portant rejet de la réclamation, le secrétaire général du Parlement a constaté que celles‑ci avaient démontré de meilleures performances que celles du requérant, ce qui ressortait des appréciations plus élogieuses sous les rubriques « Compétences » et « Rendement ». En revanche, le secrétaire général du Parlement n’a mentionné, comme éléments distinguant les mérites du requérant de ceux de Mmes A et B, ni la conduite dans le service, ni le niveau des responsabilités exercées, ce qui implique que, à son avis, ces deux paramètres ne pouvaient, quels qu’aient pu être les mérites du requérant évalués à l’aune desdits paramètres, remettre en cause l’appréciation globale opérée après examen comparatif des mérites respectifs des fonctionnaires en cause et, en particulier, la supériorité des mérites de Mmes A et B eu égard à leurs performances notées dans les rubriques « Compétence » et « Rendement ».

46      À cet égard, même si le secrétaire général du Parlement a considéré que les commentaires factuels figurant sous la rubrique « Conduite » du rapport de notation du requérant indiquent que celui‑ci est un fonctionnaire méritant, les commentaires factuels figurant dans la même rubrique des rapports de notation de Mmes A et B contiennent également des expressions particulièrement élogieuses. À titre d’exemple, Mme A est décrite comme « [e]xtrêmement engagée dans son travail et pour le [Parlement] », « [e]ntièrement consacrée au travail d’équipe » et « particulièrement consciencieuse », notamment car elle « [p]résente pour signature des dossiers parfaitement préparés ». Pour ce qui est de Mme B, la mention « excellent » figure trois fois dans les commentaires factuels dans la rubrique « Conduite ».

47      Il y a donc lieu de juger que le requérant n’a fourni au Tribunal aucun élément pour démontrer que le Parlement aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation de sa conduite dans le service comparée à celle des deux autres fonctionnaires en cause et, partant, une erreur manifeste, pour un tel motif, dans l’examen des mérites respectifs de ces fonctionnaires.

48      Quant au niveau des responsabilités exercées, le requérant soutient, en substance, que l’AIPN n’aurait pas tenu compte de son rôle de coordinateur de l’équipe des gestionnaires de son unité. Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, le niveau des responsabilités exercées n’est pas directement déterminé par l’importance des tâches de management exercées. En effet, un fonctionnaire peut assumer des responsabilités élevées sans encadrer de nombreux subordonnés et, inversement, un fonctionnaire peut encadrer de nombreux subordonnés sans exercer de responsabilités particulièrement élevées. Par conséquent, la circonstance que le requérant avait le rôle de coordinateur de l’équipe des gestionnaires, alors qu’il ne ressort pas des rapports de notation de Mmes A et B qu’elles exerçaient un rôle de coordination, ne suffit pas à établir que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation de leurs mérites respectifs à l’aune de ce critère (voir, en ce sens, arrêt Conseil/Stols, T‑175/09 P, EU:T:2010:534, point 48).

49      En outre, il ressort des rapports de notation de Mmes A et B que celles‑ci ont assumé, durant l’exercice 2012, un certain nombre de tâches qui comportaient des responsabilités particulières et diversifiées. En effet, il leur incombait notamment d’accomplir des tâches financières, budgétaires et administratives qui impliquaient des responsabilités importantes, ainsi qu’une mission de conseil auprès de leur hiérarchie.

50      Il y a donc lieu de juger que le requérant n’a pas avancé d’éléments susceptibles de prouver que le Parlement aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en ne considérant pas que le niveau des responsabilités qu’il exerçait était supérieur à celui des responsabilités exercées par Mmes A et B.

51      En revanche, il apparaît que les commentaires factuels relatifs aux rubriques « Compétence » et « Rendement » dans les rapports de notation de Mmes A et B sont plus élogieux que ceux figurant dans les mêmes rubriques du rapport de notation du requérant.

52      En effet, pour ce qui est de la rubrique « Compétence », dans les commentaires factuels concernant le requérant figurent deux mentions « excellent » et quatre mentions « très bien », alors que dans ceux concernant Mme B la mention « excellent » apparaît cinq fois et la mention « très bien » une fois. En outre, bien que le notateur de Mme A n’ait pas utilisé les termes « excellent » et « très bien », les commentaires factuels relatifs à cinq des six critères d’appréciation doivent être considérés comme équivalents à la mention « excellent », le commentaire factuel relatif au sixième critère, à savoir « Capacités de communication », étant équivalent à une mention « bien » ou « très bien ».

53      Pour ce qui est de la rubrique « Rendement », le requérant a obtenu deux mentions « excellent » et quatre mentions « très bien ». S’agissant de Mme A, les commentaires factuels relatifs à quatre des six critères d’appréciation doivent être considérés comme équivalents à la mention « excellent », les deux autres commentaires étant comparables à la mention « bien » ou « très bien ». Enfin, pour ce qui est de Mme B, le notateur a utilisé la mention « excellent » pour qualifier, dans ses commentaires factuels, quatre des six critères d’appréciation ; pour le critère « Qualité du travail », le notateur de Mme B a indiqué qu’« [elle avait] exercé ses tâches à un très haut niveau » et qu’elle était « considérée comme une autorité pour les questions budgétaires au Parlement ». Enfin, il a fait un commentaire équivalent à une mention « bien » pour le critère « Organisation des méthodes de travail et utilisation des ressources dans un souci d’économie ».

54      Enfin, pour ce qui est de l’utilisation des langues autres que la langue principale, au sens de l’article 45, paragraphe 1, du statut, il ressort des rapports de notation pris en considération que Mmes A et B disposent toutes les deux d’un éventail linguistique plus large que celui du requérant et peuvent utiliser, outre leur langue principale, respectivement quatre et cinq langues, alors que le requérant ne démontre pouvoir utiliser, outre sa langue principale, que trois autres langues. À cet égard, il y a lieu d’écarter l’argument que le requérant a présenté à l’audience selon lequel il y aurait eu une erreur dans l’appréciation des langues dans la mesure où l’administration aurait tenu compte des langues principales des trois fonctionnaires. En effet, comme l’a soutenu le Parlement à l’audience, sans que le requérant ait contesté une telle affirmation, il apparaît que, suite à une erreur matérielle dans le rapport de notation du requérant, sa langue maternelle a été mentionnée parmi les langues à prendre en considération. Or, une telle erreur n’a pas été commise dans les rapports de notation de Mmes A et B, lesquelles ont, comme langues principales, respectivement, le néerlandais et le danois, langues qui ne figurent pas parmi celles prises en considération dans leurs rapports de notation.

55      Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’a avancé aucun argument susceptible d’établir que l’AIPN aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans la comparaison des mérites du requérant et de Mmes A et B et, en conséquence, dans l’attribution des points de mérite au requérant.

56      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument tiré de la prétendue recommandation du premier notateur du requérant, puisque, comme le relève le Parlement à juste titre, le premier notateur n’a qu’une compétence de recommandation pour ce qui est de l’attribution des points de mérite, la compétence décisionnelle revenant au directeur général.

57      En outre, il échet d’écarter l’argument du requérant, présenté pour la première fois lors de l’audience, selon lequel le Parlement n’aurait pas tenu compte de l’hétérogénéité des styles des différents notateurs dans la rédaction des appréciations, un tel argument ne constituant qu’une simple spéculation qui ne tient pas compte du rôle de coordination que l’article 1.3, sous b), des mesures d’application confie au collège des notateurs dans l’attribution des points de mérite.

58      Pour ce qui est enfin de l’argument du requérant selon lequel le Parlement n’aurait pas examiné la possibilité de lui attribuer un point de mérite supplémentaire prélevé sur la réserve dont dispose le secrétaire général, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence constante, la règle de concordance entre la requête et la réclamation vise à éviter que le fonctionnaire ou l’agent ne fasse valoir certains griefs, voire l’ensemble de ceux‑ci, que lors de la phase contentieuse, avec pour conséquence que toute possibilité de règlement extra‑judiciaire du litige se trouve significativement réduite (arrêt Mocová/Commission, T‑347/12 P, EU:T:2014:268, point 39).

59      Or, il y a lieu d’observer que ce grief ne figurait pas dans la réclamation et ne se rattache à aucun des chefs de contestation figurant dans la réclamation par laquelle le requérant soutenait, en substance, que la décision litigieuse ne reflétait pas à suffisance ses mérites.

60      Il y a donc lieu de rejeter ce grief comme irrecevable et, par voie de conséquence, de rejeter le second moyen dans son ensemble.

61      Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 1, du même règlement, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe supporte ses propres dépens, mais n’est condamnée que partiellement aux dépens exposés par l’autre partie, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

63      Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que le requérant a succombé en son recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé que le requérant soit condamné aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure, le requérant doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(juge unique)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Ibáñez Martínez doit supporter ses propres dépens et est condamné à supporter les dépens exposés par le Parlement européen.

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2015.

Le greffier

 

       Le juge

W. Hakenberg

 

       K. Bradley


* Langue de procédure : le français.