Language of document : ECLI:EU:T:2022:46

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

19 février 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑651/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 novembre 2023,

Okan Balaban, demeurant à Bornheim (Allemagne), représenté par Me T. Schaaf, Rechtsanwalt,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Shenzhen Stahlwerk Welding Technology Co. Ltd, établie à Shenzhen (Chine),

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, M. F. Biltgen et Mme M. L. Arastey Sahún (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocat général, M. J. Richard de la Tour, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Okan Balaban demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 23 août 2023, Balaban/EUIPO – Shenzhen Stahlwerk Welding Technology (STAHLWERK) (T‑13/23, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2023:479), par laquelle celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 31 octobre 2022 (affaire R 2060/2021-5), relative à une procédure de nullité entre M.  Balaban et Shenzhen Stahlwerk Welding Technology Co. Ltd.

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, le requérant fait valoir que les deux moyens de son pourvoi soulèvent des questions importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        D’une part, par son premier moyen, tiré d’une violation de l’article 95, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), le requérant reproche au Tribunal de s’être limité à reprendre, au point 24 de l’ordonnance attaquée, les constatations concernant la question de savoir si les outils de soudure sont utilisés dans les aciéries et figurant dans son arrêt du 14 septembre 2022, Balaban/EUIPO (Stahlwerk) (T‑705/21, EU:T:2022:546), rendu au regard d’une demande d’enregistrement d’un signe identique à celui en cause dans la présente affaire. Ainsi, le Tribunal aurait omis d’examiner lui-même cette question et d’effectuer ses propres constatations à cet égard. Ce faisant, il serait erronément parti de la prémisse selon laquelle l’utilisation courante d’outils de soudure dans les aciéries constitue un fait notoire.

8        Le premier moyen du pourvoi soulèverait ainsi la question de savoir si, dans le cadre d’une procédure de nullité d’une marque de l’Union européenne, peut être invoqué comme étant un « fait notoire », au sens de la jurisprudence relative à l’article 95, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement 2017/1001, un fait constaté par le Tribunal dans le cadre d’un recours concernant une demande d’enregistrement d’un signe identique à celui dont la nullité est demandée et désignant des produits similaires à ceux couverts par ce dernier signe.

9        Selon le requérant, cette question est importante pour le développement du droit de l’Union, car ladite disposition n’est entrée en vigueur que le 1er octobre 2017, de sorte qu’il demeure incertain dans quelle mesure l’EUIPO est lié par les éléments fournis par les parties dans le cadre des procédures de nullité et dans quelle mesure ce dernier peut lui-même procéder à l’instruction des faits. Par ailleurs, s’il serait loisible à l’EUIPO de prendre en considération des faits notoires, les exigences liées à la notion juridique de « fait notoire » ne feraient toutefois pas l’objet d’une jurisprudence établie.

10      D’autre part, par son second moyen, tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, le requérant reproche, en substance, au Tribunal, d’avoir rejeté, aux points 39 à 41 de l’ordonnance attaquée, son argumentation selon laquelle le signe STAHLWERK n’est pas descriptif de la destination des produits en cause, dès lors que les outils de soudure électrique ne sont pas intrinsèquement destinés à être utilisés dans une aciérie, leur utilisation dans une aciérie étant simplement possible. Ce faisant, le Tribunal aurait méconnu l’arrêt du 14 septembre 2022, Balaban/EUIPO (Stahlwerk) (T‑705/21, EU:T:2022:546), car le fait qu’une utilisation soit simplement possible ne reflèterait pas nécessairement la réalité objective ni une utilisation future prévisible.

11      Le second moyen du pourvoi soulèverait ainsi la question de savoir, en substance, si la destination d’un produit, en tant que caractéristique de celui-ci, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, doit être objective et inhérente à la nature dudit produit, de sorte qu’il ne suffit pas qu’il s’agisse d’une destination possible du même produit.

12      Selon le requérant, cette question est importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, car la réponse qui y sera apportée permettra d’éviter des décisions divergentes de l’EUIPO, du Tribunal et de la Cour sur ladite question, ce qui serait dans l’intérêt d’une application uniforme de ce droit ainsi que de l’égalité de traitement des demandeurs de marques. Dans ce contexte, ladite question serait également importante pour le développement du droit de l’Union.

13      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C-93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 9 janvier 2024, Yayla Türk/EUIPO C-611/23 P, EU:2024:3, point 13).

17      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation concernant le premier moyen du pourvoi, si le requérant identifie tant l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal que la question de droit que ce moyen soulève et indique que cette question est importante pour le développement du droit de l’Union, les arguments avancés à cet égard et énoncés au point 9 de la présente ordonnance, sont toutefois trop généraux pour être de nature à démontrer, d’une manière respectant l’ensemble des exigences mentionnées au point 16 de cette ordonnance, une telle importance et pour justifier ainsi l’admission du pourvoi en ce qui concerne ledit moyen.

18      Tel est le cas tant de l’argument tiré de ce que l’article 95, paragraphe 1, troisième phrase, du règlement 2017/1001 n’est entré en vigueur que le 1er octobre 2017, de sorte qu’il demeure incertain dans quelle mesure l’EUIPO est lié par les éléments fournis par les parties dans le cadre des procédures de nullité et dans quelle mesure ce dernier peut lui-même procéder à l’instruction des faits, que de l’allégation tirée de l’absence d’une jurisprudence établie au regard des exigences liées à la notion juridique de « fait notoire ».

19      À ce dernier égard, il importe de rappeler que le fait qu’une question de droit n’a pas fait l’objet d’un examen par le Tribunal ou par la Cour ne signifie pas pour autant que cette question revêt nécessairement une importance pour le développement du droit de l’Union, l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi étant toujours tenu de démontrer une telle importance en fournissant des indications précises non seulement sur le caractère de nouveauté de cette question, mais également sur les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard d’un tel développement (ordonnance du 24 février 2022, Sony Interactive Entertainment Europe/EUIPO, C‑678/21 P, EU:C:2022:141, point 23 et jurisprudence citée).

20      En second lieu, en ce qui concerne l’argumentation relative au second moyen du pourvoi, le requérant identifie tant l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, tirée, en substance, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, résultant d’une méconnaissance par cette juridiction de la jurisprudence issue de l’arrêt du 14 septembre 2022, Balaban/EUIPO (Stahlwerk) (T‑705/21, EU:T:2022:546), que la question de droit que ce moyen soulève et indique que cette question est importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

21      À cet égard, il échet de rappeler que l’argumentation fondée sur la méconnaissance par le Tribunal de sa propre jurisprudence et de celle de la Cour n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 16 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 27 octobre 2023, Brooks England/EUIPO, C‑504/23 P, EU:C:2023:823, point 19 et jurisprudence citée).

22      Or, tout d’abord, le requérant n’expose pas, avec la clarté et la précision requises, les éléments permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée. Ensuite, afin d’établir que la question de droit que le second moyen soulèverait est importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union, le requérant se borne à affirmer, de manière générique, que la réponse que la Cour apportera à cette question permettra d’éviter des divergences entre les décisions de l’EUIPO, du Tribunal et de la Cour. Enfin, s’agissant de la prétendue importance que ladite question revêtirait au regard du développement du droit de l’Union, le requérant n’indique aucune raison spécifique afin de démontrer une telle importance.

23      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par le requérant n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

24      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

25      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

26      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles‑ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.


Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      M. Okan Balaban supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.