Language of document : ECLI:EU:T:2012:194

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

24 avril 2012 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Prestation de services de conseils en affaires, en techniques et en projets pour des applications informatiques de l’Union européenne dans le domaine des douanes, des accises et de la fiscalité – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Attribution du marché à un autre soumissionnaire – Recours en annulation – Irrecevabilité – Recours en indemnité – Critères de sélection et d’attribution – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑554/08,

Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce), représentée par Mes N. Korogiannakis, P. Katsimani et M. Dermitzakis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Bambara et E. Manhaeve, puis par M. Manhaeve, en qualité d’agents, assistés de Me C. Erkelens, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 26 septembre 2008 de ne pas retenir l’offre soumise par le consortium formé par la requérante et d’autres sociétés dans le cadre de la procédure d’appel d’offres « TAXUD/2007/AO‑005 » portant sur la prestation de services de conseils en affaires, en techniques et en projets pour des applications informatiques communautaires dans le domaine des douanes, des accises et de la fiscalité (TIMEA) et de toutes les décisions subséquentes, y compris celle d’attribuer le contrat au soumissionnaire retenu, introduite sur le fondement des articles 225 CE et 230 CE, et, d’autre part, une demande en indemnité, introduite sur le fondement des articles 225 CE, 235 CE et 288 CE,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso (rapporteur), juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 janvier 2012,

rend le présent

Arrêt

 Faits

1        La requérante, Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, est une société de droit grec, active dans le domaine de la technologie de l’information et des communications.

2        Par un avis de marché du 3 janvier 2008, publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 1), la direction générale (DG) « Fiscalité et Union douanière » de la Commission (ci-après la DG « TAXUD ») a lancé un appel d’offres ouvert pour l’attribution d’un contrat-cadre pour des « services de conseils en affaires, en techniques et en projets pour des applications informatiques communautaires dans le domaine des douanes, des accises et de la fiscalité – TAXUD/2007/AO-005 (TIMEA) » (ci-après l’« appel d’offres TIMEA »). Le marché devait être attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse, c’est-à-dire présentant le meilleur rapport qualité-prix. La date limite de réception des offres était fixée au 7 mars 2008.

3        Les 8 et 26 février et 3 mars 2008, la requérante a présenté auprès de la DG TAXUD des demandes d’éclaircissements concernant l’appel d’offres TIMEA. Les réponses aux questions posées par les parties intéressées ont été publiées sur le site Internet de la DG TAXUD le 3 mars 2008.

4        Le 7 mars 2008, le consortium ED-ABG Spin-ZZI, formé par la requérante et deux autres sociétés, a répondu à l’appel d’offres TIMEA.

5        L’ouverture des offres a eu lieu le 14 mars 2008. Six offres ont été reçues et toutes ont été déclarées valables et ont passé le stade d’exclusion.

6        Par télécopie du 7 avril 2008, la DG TAXUD a adressé à la requérante une demande d’éclaircissements concernant ses partenaires, à laquelle celle-ci a répondu par lettre et télécopie du 14 avril 2008.

7        Au stade de la sélection, quatre offres, dont celle de la requérante, ont été rejetées par le comité d’évaluation, au motif qu’elles ne remplissaient pas les critères de sélection relatifs aux capacités technique et financière. Seules deux offres ont été soumises à l’épreuve finale du rapport qualité-prix.

8        Le comité d’évaluation a proposé d’attribuer le marché au consortium Guess, dont l’offre présentait selon lui le meilleur rapport qualité-prix.

9        Le résultat de la procédure d’appel d’offres TIMEA a été communiqué à la requérante par lettre du 27 septembre 2008, envoyée par courrier express le 30 septembre 2008, l’informant que son offre n’avait pas été sélectionnée, parce qu’elle n’atteignait pas le niveau de qualité technique exigé (ci-après la « décision attaquée »).

10      Par lettre recommandée et télécopie du 2 octobre 2008, la requérante a demandé à la DG TAXUD de lui communiquer le nom du soumissionnaire de l’offre retenue et, le cas échéant, celui de son/ses partenaire(s), les notes attribuées à son offre technique et à l’offre retenue concernant chacun des critères d’attribution ainsi que des explications sur la comparaison entre son offre et l’offre retenue et sur les services additionnels ou de meilleure qualité qu’avait offerts le soumissionnaire retenu et qui pourraient justifier l’écart dans l’évaluation, une copie détaillée du rapport du comité d’évaluation et, enfin, l’offre financière du soumissionnaire retenu et ses avantages par rapport à son offre.

11      Par lettre du 3 octobre 2008, la Commission a communiqué à la requérante un extrait du rapport du comité d’évaluation. Concernant l’offre du consortium ED-ABG Spin-ZZI, l’extrait susmentionné contenait, notamment, le tableau suivant :


Exigence

Soumis

Réussite/Échec

4 CV pour chacun des 7 profils (28 au total) démontrant une expertise dans les technologies spécifiées

28 CV, parmis lesquels les nos 18 et 19 n’ont pas l’expérience requise

Échec

6 références de projets (PRF) portant sur des projets « Time and means » [Temps et moyens], chacun pour un minimum de 220 jours, au cours de la période 2005-2006, et démontrant l’utilisation des technologies spécifiées (Oracle dans 3 PRF, BEA dans 1 PRF, XML dans 1 PRF, et Business Objects dans 1 PRF)

6 PRF, parmi lesquels les PRF nos 1 et 6 ne sont pas acceptables.

L’utilisation de la technologie Business Objects n’est pas démontrée.

Échec


12      Par lettre du 9 octobre 2008, la requérante a fait part à la DG TAXUD de ses observations quant à l’évaluation de son offre et l’a invitée à suspendre la procédure d’attribution du marché ainsi qu’à constituer un nouveau comité d’évaluation pour procéder à la réévaluation de son offre et de celle du soumissionnaire retenu.

13      Le 18 octobre 2008 a été publié au Supplément au Journal officiel l’avis d’attribution du marché au consortium Guess, qui indiquait comme date d’attribution du marché le 26 septembre 2008 (JO S 203).

14      Par lettre du 20 octobre 2008, la requérante a adressé à la Commission des objections concernant cette publication et lui a demandé des informations concernant la date de la signature du contrat, afin de vérifier qu’elle n’avait pas eu lieu avant l’écoulement du délai de gel de quatorze jours.

15      Par lettre du 22 octobre 2008, la Commission a informé la requérante que cette publication relevait d’une erreur administrative. Le jour même, la requérante a demandé la publication d’un rectificatif. Le 24 janvier 2009, la Commission a publié un rectificatif au Supplément au Journal officiel (JO S 16), par lequel elle corrigeait la date d’attribution du marché, la reportant du 27 septembre au 16 décembre 2008.

16      Le 22 octobre 2008, la requérante a également envoyé une lettre à l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) par laquelle elle indiquait que l’offre du soumissionnaire retenu « […] sui[vai]t d’une façon très étrange et surprenante la structure et le contenu des offres de notre entreprise pour des projets similaires […] » et qu’elle « […] suppos[ait] raisonnablement que le soumissionnaire retenu avait violé les droits de propriété intellectuelle de [son] entreprise […] » et demandait qu’une investigation soit menée sur cette affaire.

17      Le 25 novembre 2008, la requérante a fait part des mêmes observations à la DG TAXUD en lui demandant d’enquêter sur cette affaire.

18      Par lettre du 28 novembre 2008, la DG TAXUD a répondu aux observations de la requérante figurant dans ses lettres des 9, 20 et 22 octobre et 25 novembre 2008, en indiquant que les deux séries de vérifications effectuées avaient confirmé la décision d’attribution du marché. Elle a ajouté qu’il n’était pas opportun que la Commission commente les observations relatives aux violations de propriété intellectuelle.

19      Le contrat de passation du marché a été signé le 16 décembre 2008.

 Procédure et conclusions des parties

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 décembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

21      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

22      En vertu d’une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a été invitée, le 24 mai 2011, à produire la lettre du secrétaire général de la Commission du 19 décembre 2008 adressée à la requérante. La Commission a déféré à cette demande dans le délai fixé.

23      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 6 juillet 2011.

25      Un membre de la sixième chambre ayant été empêché de siéger, le président du Tribunal s’est désigné, en application de l’article 32, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, pour compléter la chambre.

26      Par ordonnance du 18 novembre 2011, le Tribunal (sixième chambre), dans sa nouvelle composition, a rouvert la procédure orale et les parties ont été informées qu’elles seraient entendues lors d’une nouvelle audience.

27      Les parties ont été entendues lors d’une nouvelle audience le 19 janvier 2012.

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que toutes les décisions subséquentes, y compris celle d’attribuer le contrat au soumissionnaire retenu ;

–        condamner la Commission à l’indemniser pour le dommage qu’elle estime avoir subi dans le cadre de la procédure d’appel d’offres TIMEA, et ce à hauteur d’un montant de 7 638 125 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens, même en cas de rejet du recours.

29      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours en annulation non fondé ;

–        déclarer la demande en indemnité irrecevable ou, subsidiairement, non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

1.     Sur la recevabilité

30      La Commission relève qu’il ne ressort pas de la requête si elle a été introduite par la requérante en son nom propre ou pour le compte du consortium dont elle faisait partie et demande à la requérante de clarifier ce point. La requérante avance qu’elle dispose d’un droit de recours individuel contre la décision attaquée adressée au consortium ED-ABG Spin-ZZI, dont elle était membre.

31      Aux termes de l’article 230, quatrième alinéa, CE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement ».

32      Selon la jurisprudence du Tribunal, un consortium constitue une structure ad hoc, transparente au regard de ses membres, les sociétés concernées devant toutes être considérées comme les destinataires de la décision attaquée. Il est donc loisible à un membre du consortium, en tant que destinataire de la décision attaquée, de contester cette dernière selon les conditions posées par l’article 230 CE.

33      En l’espèce, la décision attaquée a été adressée directement à la requérante, qui était à la tête du consortium ED-ABG Spin-ZZI. Ainsi qu’il ressort indirectement du mémoire en réplique, ledit consortium n’a jamais été doté de la personnalité juridique.

34      Il découle de ce qui précède que la requérante, en tant que destinataire direct de la décision attaquée, était en droit de contester cette dernière selon les conditions posées par l’article 230 CE. Le recours est donc recevable.

2.     Sur la demande en annulation

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des principes de bonne administration et de la protection de la confiance légitime, ainsi que de l’article 100 du règlement financier

35      Dans le cadre du présent moyen, la requérante invoque en substance deux griefs, afférents, le premier, au nombre fixe de curriculum vitae (CV) et de références de projets demandé et, le second, à la violation de la prétendue obligation de la Commission de demander des éclaircissements à leur propos.

 Sur le nombre de CV et de références de projets demandé

36      La requérante soutient que la procédure de sélection des offres était irrégulière, car un nombre exact de CV et de références de projets était exigé, empêchant ainsi les soumissionnaires d’en transmettre un plus grand nombre s’ils le souhaitaient. La Commission soutient qu’aucune règle n’empêche ses services d’exiger un nombre précis de CV.

37      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi qu’à l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, Rec. p. 2215, point 20 ; arrêts du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T‑145/98, Rec. p. II‑387, point 147 ; du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, Rec. p. II‑2627, point 47).

38      Ce large pouvoir d’appréciation est reconnu aux pouvoirs adjudicateurs tout au long de la procédure de passation du marché, y compris en ce qui concerne le choix et l’évaluation des critères de sélection (arrêt Agence européenne d’intérims/Commission, point 37 supra, point 20 ; arrêts du Tribunal ADT Projekt/Commission, point 37 supra, point 147 ; du 26 février 2002, Esedra/Commission, T‑169/00, Rec. p. II‑609, points 95 et 114, concernant les capacités technique et financière).

39      En l’espèce, il convient de déterminer si les institutions européennes, lorsqu’elles agissent en tant que pouvoirs adjudicateurs, sont tenues de choisir des critères de sélection minimaux ou si elles ont la possibilité de choisir librement des critères de sélection fixes, sans donner aux soumissionnaires la possibilité de fournir autant d’éléments qu’ils le souhaitent afin de prouver leurs capacités technique et professionnelle.

40      La passation des marchés publics de services par la Commission européenne est assujettie aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), ainsi qu’aux dispositions du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), dans leur version applicable aux faits de l’espèce.

41      L’article 97, paragraphe 1, du règlement financier impose aux pouvoirs adjudicateurs l’obligation de définir et de préciser préalablement dans les documents d’appel à la concurrence les critères de sélection et d’attribution. Aux termes de l’article 135, paragraphes 1 et 2, des modalités d’exécution, les pouvoirs adjudicateurs établissent des critères de sélection clairs et non discriminatoires et peuvent fixer des niveaux minimaux de capacité en deçà desquels les candidats ne peuvent être retenus. Aux termes du paragraphe 5 du même article, l’étendue des informations demandées et les niveaux minimaux de capacité exigés ne peuvent aller au-delà de l’objet du marché.

42      Il y a lieu de rappeler que ces dispositions visent à garantir le respect des principes d’égalité de traitement et de transparence, consacrés à l’article 89 du règlement financier, à tous les stades de la procédure d’attribution d’un marché public, notamment ceux de la sélection des soumissionnaires et des offres en vue de l’attribution du marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 20 septembre 1988, Beentjes, 31/87, Rec. p. 4635, points 21 et 22, et du 12 décembre 2002, Universale‑Bau e.a., C‑470/99, Rec. p. I‑11617, points 90 à 92).

43      Le but de ces dispositions n’est autre que de permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’interpréter tant les critères de sélection que les critères d’attribution de la même manière (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 18 octobre 2001, SIAC Construction, C‑19/00, Rec. p. I‑7725, point 42) et de disposer, par conséquent, des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs demandes de participation ou de leurs offres (voir, en ce sens, s’agissant du stade de la sélection des candidats, arrêt Universale‑Bau e.a., point 39 supra, point 42).

44      Il découle de ce qui précède que le pouvoir adjudicateur, lorsqu’il choisit les critères de sélection, jouit d’un large pouvoir d’appréciation, mais est tenu de respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement des soumissionnaires.

45      Certes, les modalités d’exécution prévoient la possibilité pour les pouvoirs adjudicateurs de fixer des niveaux minimaux de capacité en deçà desquels les candidats ne peuvent être retenus, lesquels ne peuvent aller au-delà de l’objet du marché, mais elles ne posent pas l’obligation d’agir ainsi. Il n’y figure aucune indication concernant la possibilité de fixer des niveaux de capacité maximaux ou des niveaux de capacité précis, qui correspondent à la fois au minimum et au maximum de capacité devant être établi par les soumissionnaires. Ni la législation ni la jurisprudence ne prévoient l’obligation pour la Commission de laisser une marge entre le seuil minimal et le seuil maximal d’éléments que les soumissionnaires doivent présenter afin de prouver leurs capacités.

46      En l’espèce, le point 4.2 du questionnaire annexé au cahier des charges (ci-après le « questionnaire ») prévoit clairement que la DG TAXUD devait évaluer la capacité des soumissionnaires à fournir les profils demandés sur la base d’une série de quatre CV pour chacun des sept profils demandés, ce qui correspondait à un nombre total de 28 CV. En ce qui concerne les références de projets demandées, il est précisé, au point 4.6.3 du questionnaire, que les soumissionnaires devaient présenter six références récentes de projets qu’ils avaient exécutés pour différents clients. Dès lors, la Commission a agi conformément aux modalités d’exécution en fixant, pour l’évaluation des capacités technique et professionnelle des soumissionnaires, un seuil de capacité minimal de 28 CV et de six références de projets, qui constituait également le maximum de capacité requis.

47      La Commission a précisé ces points douze fois en répondant à différentes questions posées par les soumissionnaires potentiels. Il s’agit des réponses aux questions 13, 24, 35, 51, 62, 66, 67, 116 et 118, concernant le nombre de CV à soumettre, et des réponses aux questions 44, 92 et 93, concernant celui des références de projets. Il a été précisé aux soumissionnaires potentiels que les nombres de 28 CV et de six références de projets étaient à la fois le minimum et le maximum à respecter. Il a, par ailleurs, été indiqué que seuls les soumissionnaires ayant fourni 28 CV et six références de projets recevables passeraient la phase de sélection.

48      Il découle de ce qui précède que les critères de sélection concernant le nombre de CV et de références de projets à soumettre étaient clairs, non discriminatoires et connus de tous les soumissionnaires de manière à leur donner les mêmes chances dans la formulation de leur offre. Par ailleurs, il n’a pas été relevé par la requérante et il ne ressort pas des pièces du dossier que ces critères allaient au-delà de l’objet du marché. La requérante ne conteste pas le caractère clair, proportionné et non discriminatoire de ces critères, mais se contente d’insister sur le fait que le fait d’y avoir eu recours était contraire à la pratique de la Commission, qu’elle n’avait pas eu la possibilité de soumettre autant de CV et de références de projets qu’elle le souhaitait et que, de toute façon, ces éléments étaient indicatifs. Or, aucun de ces arguments ne saurait remettre en cause le pouvoir de la Commission de choisir les critères de sélection qu’elle considère adaptés à l’objet du marché, si ces critères restent clairs, proportionnés à l’objet du marché et non discriminatoires.

49      Il résulte de ce qui précède que la Commission a agi dans les limites de la marge d’appréciation que lui confient le règlement financier et les modalités d’exécution en utilisant la possibilité de fixer un seuil minimal de capacité requise et de demander aux soumissionnaires de soumettre un nombre précis de CV et de références de projets. Aucun élément ne permet de conclure que la Commission avait l’obligation de permettre aux soumissionnaires de présenter autant de CV et de références de projets qu’ils le souhaitaient ou de fixer un minimum et un maximum distincts l’un de l’autre. Le principe de bonne administration invoqué par la requérante ne saurait transformer en obligation ce que le législateur n’a pas considéré comme en étant une (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 31 mars 1992, Burban/Parlement, C‑255/90 P, Rec. p. I‑2253, point 20, et arrêt du Tribunal du 26 octobre 2010, Allemagne/Commission, T‑236/07, non encore publié, point 67). Le présent grief doit, par conséquent, être rejeté.

 Sur l’obligation de la Commission de demander des éclaircissements concernant les CV et les références de projets soumis

50      La requérante soutient que le comité d’évaluation, en rejetant son offre sans demander des éclaircissements sur les CV et les références de projets soumis, s’est écarté de la pratique normale de la Commission et a violé les dispositions du cahier des charges prévoyant que le pouvoir adjudicateur contacte le soumissionnaire pour lui demander des éclaircissements. La Commission réfute le fait que sa pratique usuelle soit de contacter les soumissionnaires afin de demander des éclaircissements sur leurs offres.

51      À titre liminaire, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue l’un des principes fondamentaux du droit de l’Union européenne, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de ladite Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants et émanant de sources autorisées et fiables. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêts du Tribunal du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, points 104 et 107, et la jurisprudence citée ; du 18 janvier 2000, Mehibas Dordtselaan/Commission, T‑290/97, Rec. p. II‑15, point 59, et du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T‑273/01, Rec. p. II‑1093, point 26, et la jurisprudence citée).

52      L’article 146, paragraphe 3, des modalités d’exécution prévoit que les offres qui ne contiennent pas tous les éléments essentiels exigés ou qui ne correspondent pas aux exigences spécifiques qui y sont fixées sont éliminées. Toutefois, le comité d’évaluation peut inviter les soumissionnaires à compléter ou à expliciter les pièces justificatives présentées relatives aux critères d’exclusion et de sélection.

53      L’article 148, paragraphe 3, des modalités d’exécution prévoit que, après l’ouverture des offres, dans le cas où une offre donnerait lieu à des demandes d’éclaircissement ou s’il s’agit de corriger des erreurs matérielles manifestes dans la rédaction de l’offre, le pouvoir adjudicateur peut prendre l’initiative d’un contact avec le soumissionnaire, ce contact ne pouvant conduire à une modification des termes de l’offre.

54      Le guide à l’attention des soumissionnaires, annexé au cahier des charges de l’appel d’offres TIMEA, dispose au point 10 que, une fois que les offres ont été ouvertes, un contact peut être établi selon les modalités suivantes :

« Il est possible que nous vous contactions par écrit, afin d’obtenir des clarifications supplémentaires sur des points spécifiques de votre offre ou afin de corriger des erreurs de frappe évidentes. De tels contacts ne doivent pas amener une altération des conditions de l’offre. Plus particulièrement : – vous ne devez pas modifier l’offre ou y ajouter de nouveaux éléments (autres que de la documentation purement administrative). Votre réponse doit se référer clairement à l’information pertinente déjà présente dans le dossier. – […] Si vous n’observez pas ces conditions, votre réponse pourrait être ignorée ».

55      Ces précisions sont pleinement conformes au fait que les institutions disposent de la faculté de prendre contact avec des soumissionnaires dans des circonstances exceptionnelles (arrêts du Tribunal du 8 mai 1996, Adia interim/Commission, T‑19/95, Rec. p. II‑321, point 44, et du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, Rec. p. II‑781, point 64). Il s’ensuit que cette disposition ne saurait être interprétée comme imposant aux institutions une obligation de prendre contact avec lesdits soumissionnaires (arrêt Adia interim/Commission, précité, point 44).

56      Néanmoins, il est également établi par la jurisprudence que le pouvoir de demander des précisions a pour corollaire l’obligation d’exercer ce pouvoir dans des circonstances où il est à la fois clairement possible matériellement, mais également nécessaire, d’obtenir des précisions concernant une offre (arrêts du Tribunal du 22 février 2000, Rose/Commission, T‑22/99, RecFP p. I‑A‑27 et II‑115, point 37, et du 27 septembre 2002, Tideland Signal/Commission, T‑211/02, Rec. p. II‑3781, point 37). Le respect des principes généraux du droit peut, en particulier, engendrer l’obligation pour le pouvoir adjudicateur de prendre contact avec un soumissionnaire (arrêts du Tribunal Tideland Signal/Commission, précité, points 37 à 46 ; du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, Rec. p. II‑4439, et du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/OEDT, T‑63/06, non publié au Recueil, point 97).

57      En l’espèce, il convient donc de déterminer si les principes généraux du droit imposaient à la Commission de faire usage de son pouvoir de demander des éclaircissements à la requérante concernant l’expérience professionnelle indiquée dans les CV nos 18 et 19 et l’utilisation du programme Business Projects dans les références de projets nos 1 et 6.

58      Selon la jurisprudence en la matière, la faculté de demander des précisions aux soumissionnaires deviendrait une obligation dans le cas d’une erreur matérielle « particulièrement manifeste » relevée dans l’offre (arrêt Adia Interim SA/Commission, point 55 supra, point 46). Tel ne serait pas le cas d’une « erreur dans le calcul des tarifs de facturation au départ des salaires horaires bruts » (arrêt Adia Interim SA/Commission, précité, point 46) ou d’une « erreur d’addition » (arrêt Belfass/Conseil, point 55 supra, point 65). La Commission ne serait pas non plus tenue de demander des renseignements complémentaires en présence d’un problème de conflit d’intérêts (arrêt du Tribunal du 18 avril 2007, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05, Rec. p. II‑871, point 103) ou à une offre jugée ambiguë (arrêt Evropaïki Dynamiki/OEDT, point 56 supra, point 101).

59      En l’espèce, la requérante n’invoque aucune erreur matérielle manifeste dans la rédaction de son offre. Elle se réfère à la possibilité d’une « erreur d’interprétation » de la part du comité d’évaluation, mais n’avance pas qu’il ait existé une ambiguïté concernant certains aspects de son offre qui aurait pu être levée facilement et de manière simple. Au contraire, la requérante soutient que le pouvoir adjudicateur aurait dû lui demander « des éclaircissements et de la documentation supplémentaire, afin de s’assurer qu[’elle] n’était réellement pas qualifiée ». Ces éléments dépassent donc la notion d’erreur matérielle particulièrement manifeste ou d’ambiguïté pouvant être levée facilement et expliquée de manière simple.

60      Dans les circonstances de l’espèce, les principes généraux du droit n’imposaient pas, en conséquence, au pouvoir adjudicateur de faire usage du pouvoir de demander des éclaircissements et le comité d’évaluation n’a donc pas commis d’erreur manifeste sur ce point.

61      S’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement entre soumissionnaires, figurant à l’article 89, paragraphe 1, du règlement financier, il convient de relever que, en vertu de ce principe, le pouvoir de demander des précisions concernant les offres après leur ouverture, conformément à l’article 148, paragraphe 3, du règlement financier, peut être exercé par le pouvoir adjudicateur, étant entendu que celui-ci est tenu de traiter tous les soumissionnaires de la même manière lorsqu’il exerce ce pouvoir (voir, en ce sens, arrêt Tideland Signal/Commission, point 56 supra, point 38).

62      En l’espèce, la requérante indique que, dans le cadre de cette procédure de passation de marché, elle ne dispose pas d’informations quant à une éventuelle prise de contact du comité d’évaluation avec d’autres soumissionnaires se trouvant dans une situation comparable à la sienne pour demander des renseignements complémentaires concernant les CV ou les références de projets soumis. Or, bien qu’elle ne soulève pas de doutes particuliers quant à une violation du principe d’égalité de traitement en l’espèce, elle demande cependant au Tribunal de se faire transmettre et d’examiner toute la correspondance échangée entre la DG TAXUD et tous les soumissionnaires après le dépôt des offres et jusqu’à la date de l’avis d’adjudication.

63      Il ressort des pièces du dossier que, pendant la phase de sélection, la Commission a fait usage de son pouvoir de demander des éclaircissements à la requérante concernant des certificats relatifs à ses contributions sociales et fiscales. Elle a également demandé la confirmation d’informations relatives au chiffre d’affaires annuel d’un autre membre du consortium ED-ABG Spin-ZZI. En ce qui concerne le soumissionnaire retenu, la Commission lui a demandé de définir la nature exacte de ses relations avec un contractant de la DG TAXUD.

64      Le dossier ne contient pas d’informations concernant d’éventuelles demandes d’éclaircissements adressées aux autres candidats. Or, quatre des six candidats, dont la requérante, ont échoué à la phase de sélection. Plus particulièrement, il ressort dudit dossier qu’un candidat n’a pas démontré la capacité financière requise et que trois candidats, dont la requérante, n’ont pas démontré les capacités technique et professionnelle requises.

65      Concernant l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission savait, pour avoir souvent passé des contrats avec elle, qu’elle avait les capacités technique et professionnelle requises, force est de constater qu’elle ne peut que demeurer sans incidence sur l’issue du présent recours. Le fait que la requérante avait déjà travaillé avec la Commission ne créait, en effet, aucune obligation pour le comité d’évaluation de la contacter afin de lui demander de compléter son dossier. Une telle initiative aurait constitué, en effet, une discrimination à l’encontre des autres soumissionnaires qui, n’ayant pas fourni les CV ou les références de projets requis, auraient vu leur offre écartée au seul motif qu’ils n’étaient pas connus du comité d’évaluation (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Burban/Parlement, point 49 supra, point 15).

66      La requérante considère que la Commission n’est pas en mesure de se prévaloir du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires pour justifier son refus de la contacter afin de lui permettre de fournir des éclaircissements ainsi que des CV et des références de projets complémentaires. Accueillir cet argument signifierait que, concernant tous les appels d’offres dans le cadre desquels la Commission a demandé des explications ou de la documentation supplémentaires aux soumissionnaires, ledit principe a été violé. En tout état de cause, cet argument serait sans incidence sur l’issue du présent recours, de même que la demande d’examen de la correspondance entre la Commission et les soumissionnaires dans le cadre d’un autre appel d’offres (ESP - DESIS).

67      Concernant la protection de la confiance légitime, consacrée en tant que principe fondamental du droit de l’Union (voir point 48 ci-dessus), la requérante se borne à invoquer la position qui aurait été adoptée par la Commission dans d’autres procédures d’appel d’offres. À l’appui de ses affirmations concernant cette pratique de la Commission, la requérante a fourni au Tribunal une liste d’appels d’offres dans le cadre desquels elle avait reçu des demandes d’éclaircissements, citant dans sa requête l’exemple de l’appel d’offres CIRCA de la Commission et d’un appel d’offres lancé par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI). Or, de telles circonstances ne sont pas constitutives d’assurances précises données par l’institution et, partant, ne sauraient fonder une confiance légitime (arrêt Deloitte Business Advisory/Commission, point 58 supra, point 87).

68      L’argument avancé par la requérante, selon lequel la disposition du guide à l’attention des soumissionnaires, prévoyant qu’« il [étai]t possible qu[’elle fût] contact[ée] par écrit afin d’obtenir des clarifications supplémentaires sur des points spécifiques de [son] offre ou afin de corriger des erreurs de frappe évidentes », liait la Commission et a créé chez elle des attentes légitimes, ne saurait être accueilli. En effet, comme il a déjà été exposé, ni le guide à l’attention des soumissionnaires ni les modalités d’exécution ne créent d’obligation pour la Commission d’agir ainsi. Cette disposition évoquée par la requérante prévoit clairement une simple possibilité offerte à la Commission, ce qui fait, par définition, obstacle à ce que la teneur de ladite disposition puisse être qualifiée d’assurance précise susceptible de faire naître chez la requérante des espérances fondées.

69      Par ailleurs, la requérante se prévaut à tort de la jurisprudence selon laquelle « les effets de la législation communautaire devraient être clairs et prévisibles pour ceux qui y sont soumis » (arrêt du Tribunal du 9 septembre 2008, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑75/06, Rec. p. II‑2081, point 245). En effet, dans le cas d’espèce, il n’est pas question d’un texte législatif, mais d’une prétendue pratique administrative.

70      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que le principe de protection de la confiance légitime n’a pas été violé.

71      Quant à l’argument de la requérante selon lequel, même si le principe de protection de la confiance légitime n’avait pas été violé, un intérêt public supérieur empêchant la Commission de changer de pratique était en jeu, à savoir celui visant à éviter d’attribuer le marché au soumissionnaire le plus cher et à garantir une mise en concurrence réelle (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C‑152/88, Rec. p. I‑2477), il ne saurait être accueilli.

72      La jurisprudence invoquée par la requérante se lit comme suit :

« Aux termes de l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 2707/72, ‘les mesures [de sauvegarde dans le secteur des fruits et légumes] tiennent compte de la situation particulière des produits en cours d’acheminement vers la Communauté’. Cette disposition a pour effet de permettre à un importateur dont les marchandises se trouvent en cours d’acheminement de se prévaloir d’une confiance légitime excluant, sauf intérêt public péremptoire, l’application à son égard des mesures de suspension. » (arrêt Sofrimport/Commission, point 71 supra, point 16).

73      Or, le raisonnement proposé par la requérante est en réalité en contradiction avec la jurisprudence invoquée. En effet, dans l’arrêt Sofrimport/Commission, point 71 supra, la Cour a accepté qu’un importateur puisse se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime, sauf intérêt public péremptoire, tandis que la requérante fait valoir, à l’inverse, qu’au principe de protection de la confiance légitime peut se substituer un intérêt public supérieur.

74      Il découle de ce qui précède que cet argument de la requérante doit être rejeté et, dès lors, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir et d’erreurs manifestes d’appréciation

75      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante se fonde sur les prétendues erreurs manifestes d’appréciation qu’aurait commises la DG TAXUD au cours de la procédure de sélection dans le cadre de l’appel d’offres TIMEA, afin de soulever de surcroît, en réalité, un grief tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir. Il convient de répondre d’abord audit grief avant de se prononcer sur l’existence éventuelle d’erreurs manifestes d’appréciation.

76      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin (arrêts de la Cour du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, Rec. p. I‑4023, point 24, et du 10 mai 2005, Italie/Commission, C‑400/99, Rec. p. I‑3657, point 38). En cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle ne sacrifie pas le but essentiel (arrêt de la Cour du 21 décembre 1954, Italie/Haute Autorité, 2/54, Rec. p. 73, 103, et arrêt du Tribunal du 21 septembre 2005, EDP/Commission, T‑87/05, Rec. p. II‑3745, point 87).

77      Force est de constater que la requérante ne relève aucun élément susceptible de démontrer que la DG TAXUD aurait utilisé son pouvoir à d’autres fins que celle de déterminer si son offre devait passer le stade de la sélection. En outre, la requérante abandonne cette formulation dans le mémoire en réplique et concentre son argumentation sur l’erreur manifeste d’appréciation. Il y a donc lieu de rejeter comme étant dépourvu de fondement le grief tiré de l’existence d’un détournement de pouvoir.

78      Dans le cadre du présent moyen, la requérante invoque, en substance, trois autres griefs, le premier et le deuxième afférents aux erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission concernant le rejet, respectivement, des CV nos 18 et 19 et des références de projets nos 1 et 6 et, le troisième, à une erreur manifeste d’appréciation concernant l’évaluation de l’offre du soumissionnaire retenu.

 Sur la conformité des CV nos 18 et 19 au cahier des charges

79      La requérante affirme que les CV nos 18 et 19 de son offre satisfaisaient au critère relatif à l’expérience professionnelle d’un minimum de six ans, prévu au point 4 du cahier des charges. Le comité d’évaluation n’aurait pas examiné en détail les CV fournis par le consortium ED-ABG Spin-ZZI et aurait donc conduit la Commission à commettre des erreurs manifestes d’appréciation quant à l’évaluation de l’expérience des candidats. La Commission affirme que les CV nos 18 et 19 ne répondaient manifestement pas aux critères de l’appel d’offres TIMEA, la condition de six années d’expérience minimale dans les domaines prévus n’étant pas remplie par les deux personnes concernées.

80      À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission dispose, en la matière, d’un pouvoir d’appréciation important et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l’absence d’erreur manifeste de sa part dans l’exercice dudit pouvoir.

81      Selon l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier, les critères de sélection permettent d’évaluer les capacités des candidats ou des soumissionnaires.

82      Le point 9.2.2 du cahier des charges prévoit que certains critères (« Compétence, efficacité, expérience, fiabilité et circonstances similaires ») sont utilisés afin de vérifier les capacités technique et financière du soumissionnaire à exécuter le contrat.

83      Le point 4.1 des termes de référence, consacré aux profils exigés, précise qu’il est demandé aux soumissionnaires d’apporter la preuve d’une capacité technique suffisante dans les domaines de l’assistance commerciale, de l’assistance technique, de l’assistance aux projets et de l’assistance informatique.

84      Concernant le profil P 5, correspondant au poste de consultant confirmé avec plus de six ans d’expérience en informatique dans le type d’activités concerné en matière d’assistance aux projets, le point 4.1.3 prévoyait que « le bureau du projet [étai]t chargé du suivi du bon déroulement du (des) projet(s) sur le plan organisationnel, comme le respect des procédures ; le suivi du respect des délais, etc. ».

85      L’expérience et la capacité requises pour l’assistance aux projets concernant le profil P 5 étaient les suivantes : « un minimum de six à dix ans d’expérience en « Project Office », de préférence au sein d’un environnement informatique et/ou dans le domaine de la fiscalité, des douanes et des accises ; une expérience des outils Project Office ; une expérience en matière de procédures de coordination de projets, de préférence avec une méthodologie reconnue ; la conception, la mise en place et la maintenance de systèmes de suivi de projets au sein de grandes organisations, avec évaluation de la qualité des remises de projets ; de solides compétences organisationnelles ; de bonnes compétences en communication, un bon esprit d’initiative et une autonomie dans le travail sont obligatoires ; la capacité à participer à des réunions multilingues, la facilité de communication face à un public nombreux et une expérience dans un environnement international /multinational et au sein d’une administration publique constituent des atouts ; la capacité à rédiger des documents techniques tels que les accords de niveau de service, les conditions de collaboration, les calendriers prévisionnels, etc. ».

86      Le point 4.2 du questionnaire prévoyait clairement que les CV proposés devaient être en conformité avec les profils et les exigences de l’appel d’offres TIMEA.

87      Selon la réponse donnée par la DG TAXUD à la question n° 80 des soumissionnaires potentiels concernant le profil P 5, l’exigence d’expérience en matière de procédures de coordination de projets faisait référence à des méthodologies de « project management » (conduite de projet). Les termes « méthodologie reconnue » devaient être interprétés comme faisant référence à une méthodologie existante et connue par un large public. La Commission donne, à cet égard, l’exemple de la méthodologie dite « Prince2 ».

88      En l’espèce, il convient donc de déterminer si le comité d’évaluation, en estimant que les CV nos 18 et 19 ne pouvaient être acceptés, les personnes en cause « n’ayant pas assez d’expérience pertinente selon les exigences du profil de consultant décrit dans le cahier des charges (point 4) », aucune d’elles « n’[ayant] atteint le seuil minimal d’expérience en tant que Senior (minimum de 6 ans) », a conduit la Commission à entacher la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le CV n° 18

89      La Commission, dans ses écrits, explicite la motivation du comité d’évaluation et fait valoir, concernant le CV n° 18, que l’expérience antérieure à 1999 ne pouvait être acceptée, car elle n’était assortie d’aucune indication concernant l’expérience professionnelle de la personne concernée. De même, l’expérience acquise entre les mois de janvier 1999 et de décembre 2001, de mai 2002 et de février 2003, ainsi que, d’une part, depuis le mois de mai 2002 et, d’autre part, entre les mois de septembre 2004 et de mars 2006, ne pourrait être acceptée, car les fonctions décrites dans le CV pour ces périodes ne correspondraient pas aux compétences techniques et professionnelles essentielles exigées pour le poste en cause. Dès lors, le CV en question n’aurait pas satisfait au critère du seuil minimal de six ans d’expérience professionnelle requis pour le profil de responsable de projets confirmé.

90      La requérante conteste les allégations de la Commission et fait valoir que le CV n° 18 démontre une expérience professionnelle pertinente pendant toutes les périodes susmentionnées. Elle souligne que l’allégation de la Commission selon laquelle le CV en cause ne satisfaisait pas au critère du seuil minimal de six ans d’expérience professionnelle requis pour le profil de responsable de projets confirmé est contraire au cahier des charges, qui n’exigeait pas un profil de responsable de projets (Project Office), mais un profil d’assistance aux projets (Project Support).

91      Il ressort de la lecture du CV n° 18 que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en excluant certaines périodes au cours desquelles les fonctions exercées ne relevaient pas d’une expérience en tant que membre d’un « Project Office ». En effet, concernant les périodes comprises entre les mois de mai 2002 et de février 2003, ainsi que, d’une part, entre le mois de mai 2002 et l’offre de la requérante et, d’autre part, entre les mois de septembre 2004 et de mars 2006, le CV n° 18 démontre une expérience de « Senior Analyst/Technology Expert », et non pas de « Project Office » ainsi qu’il était clairement exigé par le profil P 5.

92      Concernant le grief de la requérante relatif à la remarque de la Commission selon laquelle le CV n° 18 n’était pas compatible avec le profil de responsable de projets, alors que le cahier des charges exigeait un profil d’assistance aux projets, il y a lieu de relever que cette remarque ne figure pas dans le rapport du comité d’évaluation, mais uniquement dans le mémoire en défense. En conséquence, elle n’est nullement susceptible d’entacher la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le CV n° 19

93      La Commission, dans ses écrits, explicite la motivation du comité d’évaluation et fait valoir, concernant le CV n° 19, que l’expérience professionnelle acquise entre les mois de décembre 1996 et de janvier 1998, entre le mois de juillet 1999 et la fin de l’année 2002, et entre les mois de mai 2004 et de mai 2005 ne pouvait être prise en considération, car aucune information relative au profil de responsable de projets n’avait été fournie.

94      La requérante admet que le comité d’évaluation n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte de l’expérience acquise pendant la période comprise entre les mois de décembre 1996 et de janvier 1998. Cependant, elle relève que l’allégation de la Commission, selon laquelle l’expérience professionnelle mentionnée dans le CV n° 19 n’avait pas atteint le seuil minimal de six ans requis pour le profil de responsable de projets confirmé, est contraire au cahier des charges, lequel n’exigeait pas un profil de responsable de projets, mais un profil d’assistance aux projets.

95      Force est de constater que, tout comme dans le cas du CV n° 18, cette observation de la Commission ne figure pas dans le rapport du comité d’évaluation, mais uniquement dans le mémoire en défense et qu’elle n’est, dès lors, nullement susceptible d’entacher la décision attaquée d’une erreur manifeste d’appréciation.

96      En tout état de cause, il ne ressort pas de la lecture du dossier que le comité d’évaluation ait conduit la Commission à commettre une erreur manifeste d’appréciation en rejetant les CV nos 18 et 19, sélectionnés par la requérante elle-même en vue de satisfaire aux exigences posées par le cahier des charges.

 Sur la conformité des références de projets nos 1 et 6 au cahier des charges

97      À titre liminaire, il convient de rappeler que la Commission dispose, en la matière, d’un pouvoir d’appréciation important et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à vérifier l’absence d’erreur manifeste de sa part dans l’exercice dudit pouvoir.

98      Selon l’article 97, paragraphe 1, du règlement financier, les critères de sélection permettent d’évaluer les capacités des candidats ou des soumissionnaires.

99      Le point 9.2.2 du cahier des charges prévoit que les critères utilisés pour vérifier les capacités technique et financière du soumissionnaire à exécuter le contrat sont la « compétence, l’efficacité, l’expérience, la fiabilité et les circonstances similaires ».

100    Le point 4.6.3.1 du questionnaire faisait état de la demande adressée aux soumissionnaires potentiels de soumettre « un formulaire complet de référence de projet pour chacun des six projets récents ‘time and means’ […] dans le domaine des services exigés, chacun réalisé pour un client différent ». Il y était indiqué que l’« utilisation des technologies suivantes constitu[ait] le minimum requis : – Oracle RDBMS pour trois références – Business Objects pour une référence ». Enfin, cette disposition précisait que « [l]es soumissionnaires qui n’attei[ndrai]ent pas ces seuils ser[aie]nt jugés comme n’ayant pas la capacité technique minimale pour assurer les services exigés ».

101    Selon la réponse donnée par la DG TAXUD à la question n° 25 des soumissionnaires potentiels concernant les références de projets, les soumissionnaires ne pouvaient soumettre de références « fixées librement » au lieu de références TIMEA, mais pouvaient, en revanche, soumettre des références composées à la fois de références « fixées librement » et de références TIMEA « à la condition qu’une division claire soit faite entre les deux composantes du projet et que le composant [TIMEA] réponde aux exigences minimales posées par le questionnaire ».

102    Il ressort également dudit questionnaire que devaient être soumises les références de « six projets récents […] de ‘time and means’ dans le domaine des services exigés ». Par ailleurs, cette exigence a été réitérée par la DG TAXUD dans le cadre de sa réponse à la question n° 25, mentionnée ci-dessus. En outre, la requérante se réfère à tort à la réponse à la question n° 5, qui concerne les références de clients (point 4.6.1 du questionnaire), et non les références de projets (point 4.6.3 du questionnaire).

103    Partant, l’argument de la requérante selon lequel, aucun des critères de sélection n’exigeant de références dans le domaine particulier de TIMEA, la Commission a commis une erreur en rejetant les références de projets nos 1 et 6 au motif que ces derniers ne relevaient pas du même domaine que le projet TIMEA, doit être rejeté.

–       Sur la référence de projet n° 1

104    La requérante rappelle que l’appel d’offres TIMEA mentionnait l’exigence de six références de projets récents dans le domaine des services demandés. Elle estime que le comité d’évaluation a rejeté à tort la référence de projet n° 1 au motif qu’elle n’entrait pas dans le domaine de TIMEA. La Commission affirme que la référence de projet n° 1, telle que soumise par la requérante, ne portait pas sur le domaine de TIMEA, alors qu’une explication détaillée des attentes avait été fournie, ne laissant aucun doute quant à cette exigence.

105    Concernant la référence de projet n° 1, le comité d’évaluation a fait état des remarques suivantes :

« [La référence de projet] n° 1 visait la prestation de services de systèmes informatiques fondés principalement sur le paradigme internet/intranet (application Web). Cela est hors du champ de TIMEA et, par conséquent, n’est pas pertinent dans le cadre [de l’appel d’offres TIMEA]. La majorité des profils fournis en tant que ‘time and means’ pour [cette référence de projet] sont des développeurs de création sur Internet et des administrateurs de site (activités hors du champ de l’appel d’offres TIMEA). Il doit aussi être mentionné que l’entrepreneur dans ce projet (ESP5 Association temporaire) était une association temporaire composée de cinq entreprises, dont [la société] European Dynamics. Il est impossible de déterminer la proportion exacte de profils fournis par European Dynamics et de les distinguer des quatre autres partenaires qui ne font pas partie du consortium soumissionnaire pour TIMEA. La référence Business Objects dans [la référence de projet] n° 1 ne peut être prise en compte, puisqu’elle n’entre pas dans l’objet de l’appel d’offres TIMEA. »

106    Il ressort ainsi de la lecture même du dossier que l’appréciation du comité d’évaluation n’est pas erronée et qu’elle n’a donc pu conduire la Commission à entacher d’erreur manifeste la décision attaquée. L’argument de la requérante selon lequel la Commission a rejeté la référence de projet n° 1 sans avoir examiné en détail les services ayant été offerts et sans avoir apprécié sa nature exacte ne saurait donc être accueilli.

–       Sur la référence de projet n° 6

107    La requérante soutient que le comité d’évaluation n’a pas examiné en détail ce projet et qu’il a conduit la Commission à commettre une erreur manifeste d’appréciation en considérant que sa relation avec la technologie Business Objects n’était pas prouvée. La Commission affirme que la référence de projet n° 6 ne satisfaisait pas à l’exigence relative à la démonstration de la maîtrise de la technologie Business Objects et a donc dû être rejetée dans son intégralité.

108    En l’espèce, il convient de déterminer si le comité d’évaluation, en estimant que la référence de projet no 6 ne pouvait être acceptée parce qu’elle ne démontrait pas l’utilisation de la technologie Business Objects, s’est prononcé de façon erronée et, par suite, s’il a conduit la Commission à entacher d’erreur manifeste d’appréciation la décision attaquée.

109    Concernant cette référence, le comité d’évaluation a indiqué que « [la référence de projet] n° 6 port[ait] principalement sur le développement (60 %) » et que, « malgré le fait que Business Objects soit mentionné dans la table des correspondances, il n’y a[vait] aucune démonstration claire de l’utilisation de cette technologie dans cette référence de projet (l’activité ‘time and means’ port[ant] sur la préétude et n’[étan]t pas liée au programme) ». Il en a donc conclu que cette référence de projet ne pouvait être prise en compte, l’exigence concernant la preuve de la maîtrise de Business Objects n’étant pas remplie.

110    Il ressort donc, ici encore, de la lecture des pièces du dossier que l’appréciation du comité d’évaluation n’est pas erronée et que, par suite, la Commission n’a pas entaché d’erreur manifeste la décision attaquée. L’argument de la requérante ne saurait, dès lors, être accueilli.

 Sur l’évaluation de l’offre du soumissionnaire retenu

111    La requérante estime que l’offre du soumissionnaire retenu est entachée de graves erreurs qui auraient dû conduire à son exclusion par le comité d’évaluation. La Commission soutient que cet argument est dépourvu de pertinence dans le cadre du présent moyen et rappelle qu’elle n’était pas tenue de fournir à la requérante l’évaluation de l’offre du soumissionnaire retenu.

112    Il convient de relever le caractère imprécis du grief tiré de l’erreur manifeste d’appréciation relative à l’évaluation de l’offre du soumissionnaire retenu. De plus, la structure de la requête tend à indiquer que cet argument de la requérante sert principalement à introduire le moyen concernant l’utilisation abusive des critères de sélection.

113    En l’espèce, il convient de déterminer si la requérante peut invoquer une erreur manifeste d’appréciation au regard de ladite évaluation pendant la phase d’attribution, sa propre offre ayant été rejetée au stade préalable de sélection. Dans l’affirmative, il conviendrait d’examiner l’éventuel bien-fondé de l’argument de la requérante.

114    Pour ce faire, il y a lieu de vérifier si, en l’espèce, une éventuelle reconnaissance de l’existence d’une telle erreur est susceptible de procurer un avantage à la requérante (voir, en ce sens, arrêt Antwerpse Bouwwerken/Commission, point 56 supra, points 33 à 37).

115    Dans le cas d’espèce, l’offre de la requérante ayant été rejetée au stade de la sélection, elle n’a pas été évaluée au regard des critères d’attribution et n’est pas entrée en concurrence avec l’offre du soumissionnaire retenu. Si l’offre du soumissionnaire retenu avait reçu des notes moins élevées, la situation de la requérante n’aurait pas été différente. Seule l’annulation, pour un autre motif, de la décision attaquée modifierait la situation de la requérante à cet égard, ce qu’il conviendra, le cas échéant, de vérifier au terme de l’examen des conclusions en annulation présentées par la requérante.

116    Il résulte de ce qui précède qu’il conviendra de statuer ultérieurement de façon définitive sur le bien-fondé de cet argument et, dès lors, sur celui du deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation des principes de transparence et d’égalité de traitement ainsi que de l’article 93, paragraphe 1, sous c), du règlement financier

117    La requérante considère que l’offre du soumissionnaire retenu présente de nombreuses similarités avec celles qu’elle a présentées dans le cadre du projet TIMEA et d’autres projets similaires. Elle rappelle que l’équipe du soumissionnaire retenu chargée d’élaborer les offres est formée de trois de ses anciens employés, qui l’ont quittée peu de temps avant la présentation de son offre dans le cadre de l’appel d’offres TIMEA, violant ainsi leur contrat avec elle. La Commission rétorque que les soumissionnaires sont directement responsables des déclarations ou de la documentation qu’ils soumettent et que toute action civile pour violation des droits de propriété intellectuelle doit être intentée directement à leur égard.

118    À titre liminaire, il convient de rejeter comme irrecevable l’argument soulevé par la requérante au stade de la réplique selon lequel les principes d’égalité de traitement et de transparence ont été violés du fait que la Commission a publié l’avis d’attribution du marché, alors que celui-ci comportait une erreur, et a ensuite omis de publier à temps un corrigendum.

119    En effet, selon l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure. À cet égard, un moyen qui constitue une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (arrêts du Tribunal du 10 avril 2003, Travelex Global and Financial Services et Interpayment Services/Commission, T‑195/00, Rec. p. II‑1677, points 33 et 34, et du 24 mai 2007, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01, Rec. p. II‑1607, point 71).

120    Si la requérante indique, dans la requête, que la Commission a publié l’avis d’attribution du marché au consortium Guess le 18 octobre 2008, au Supplément au Journal officiel, et qu’elle n’a rectifié cette « erreur administrative » que le 24 janvier 2009, elle ne soutient cependant pas que, de ces faits, découle une violation des principes d’égalité de traitement et de transparence. Elle ne fonde pas un grief sur ces faits et n’en tire pas de conséquences juridiques.

121    Le troisième moyen développé dans la requête, tiré de la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, est fondé sur des éléments de fait autres que l’argument en question, avancé par la requérante dans la réplique. Il ne semble donc pas qu’un lien quelconque existe entre les deux, si ce n’est l’intitulé du moyen.

122    En conséquence, il convient de rejeter cet argument comme irrecevable.

123    Par ailleurs, dans le cadre du troisième moyen, la requérante soutient, en substance, que le soumissionnaire retenu semble avoir copié sa propre offre et que, en refusant d’enquêter sur ce point et de rejeter l’offre dudit soumissionnaire, la Commission a violé l’article 93, paragraphe 1, sous c), du règlement financier et le point II.12.1, sous c) et e), du cahier des charges. Le principe d’égalité de traitement aurait été méconnu en raison du même comportement, car ce dernier aurait privilégié le soumissionnaire retenu.

124    Il y a lieu de rappeler que, selon l’article 93, paragraphe 1, sous c), du règlement financier, « sont exclus de la participation à un marché les candidats ou les soumissionnaires : […] qui, en matière professionnelle, ont commis une faute grave constatée par tout moyen que les pouvoirs adjudicateurs peuvent justifier ».

125    L’avis de marché prévoit, quant à lui, au point III.2.1.I.3, que sont exclus de la passation du marché les soumissionnaires qui ont commis une faute grave en matière professionnelle que le pouvoir adjudicateur peut justifier par tout moyen. Le guide à l’attention des soumissionnaires contient une disposition équivalente au point 9.1.

126    Il résulte des dispositions des articles 93 et 94 du règlement financier et de l’article 133 des modalités d’application que le pouvoir adjudicateur, s’il constate, par tout moyen qu’il peut justifier, l’existence d’une faute grave en matière professionnelle commise par un soumissionnaire, doit exclure ce dernier de la procédure de passation du marché.

127    En conséquence, le pouvoir adjudicateur a l’obligation, dès lors qu’il est informé, au cours de la procédure, d’une prétendue faute grave en matière professionnelle commise par un soumissionnaire, de vérifier cette information et, si cette faute grave est établie à suffisance de droit, d’exclure le soumissionnaire en question de la procédure. À défaut de précisions à cet égard dans les réglementations pertinentes, il y a lieu de constater que le pouvoir adjudicateur dispose d’une certaine marge d’appréciation en ce qui concerne l’appréciation de la gravité de la faute pouvant être retenue contre le soumissionnaire (arrêt du Tribunal du 4 juillet 2008, Entrance Services/Parlement, T‑333/07, non publié au Recueil, point 59).

128    En l’espèce, premièrement, la sélection et l’évaluation des offres ont eu lieu en plusieurs stades et ont duré du 18 mars jusqu’à la fin du mois de mai 2008, la dernière réunion ayant eu lieu le 4 septembre 2008. La première étape de la procédure était l’examen des critères d’exclusion et de sélection. Pour prouver leurs capacités technique et professionnelle et passer à la phase suivante, à savoir la phase d’attribution, les soumissionnaires devaient remplir le point 4 du questionnaire. C’est à ce stade que l’offre de la requérante a été rejetée. Ce n’est qu’après avoir examiné la conformité des offres au regard des critères d’exclusion et de sélection que le comité d’évaluation a procédé à l’analyse des critères d’attribution. En conséquence, à supposer même que les allégations de la requérante soient fondées, il était impossible au comité d’évaluation d’effectuer ce constat pendant l’examen des offres, car ces points de l’offre n’avaient pas encore été examinés, comme il ressort de la lecture du rapport du comité d’évaluation.

129    Deuxièmement, la requérante a reçu le rapport du comité d’évaluation par lettre du 3 octobre 2008 et a communiqué ses remarques à la DG TAXUD le 25 novembre suivant. Toutefois, elle avait adressé dans l’intervalle, le 22 octobre 2008, une lettre à l’OLAF, l’informant de la situation et lui demandant d’agir. Par ailleurs, le 1er décembre 2008, la requérante a adressé au président de la Commission une lettre intitulée « Violation sérieuse de la législation applicable aux marchés publics par la [DG] TAXUD ayant conduit à une perte de 9 millions d’euros infligée au contribuable ».

130    En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la Commission, dans deux lettres du 28 novembre 2008 ainsi que dans une lettre du 17 décembre 2008, a indiqué que les arguments de la requérante étaient totalement infondés. De plus, la lettre du 19 décembre 2008 du secrétariat général de la Commission a qualifié d’« exagéré et trompeur » le titre et le contenu de la lettre du 1er décembre 2008 susmentionnée, indiquant ainsi qu’elle ne considérait pas les allégations de la requérante comme étant crédibles.

131    Il convient de souligner que les circonstances de la présente affaire doivent être distinguées de celles ayant donné lieu à l’arrêt Entrance Services/Parlement, point 125 supra, sur un point important. Dans cette dernière affaire, la faute professionnelle évoquée par la requérante était prouvée par une décision de la Commission sanctionnant le soumissionnaire retenu pour des faits d’entente illicite, tandis que, dans la présente affaire, il s’agit de soupçons formulés par un soumissionnaire.

132    En tout état de cause, la Commission a une obligation de vérification des éventuels éléments de fraude dont elle prend connaissance. En effet, la Commission a l’obligation d’effectuer une appréciation prima facie et, dans le cas où elle constate que les éléments ne sont pas fondés, de les rejeter et d’en informer l’auteur des accusations, dans le respect des principes de transparence et de bonne administration ainsi que de l’esprit du règlement financier.

133    En l’espèce, la Commission, par les lettres des 28 novembre et 17 décembre 2008, a indiqué à la requérante que ses soupçons étaient infondés. Le refus de l’OLAF d’ouvrir une enquête confirme cette analyse, alors même que la requérante avait été exclue de la procédure de passation de marché dès la phase de sélection et non au stade de l’attribution du marché. Enfin, la requérante n’a pas engagé de recours juridictionnel à l’encontre du soumissionnaire retenu, qu’elle accuse de fraude, et n’a apporté aucun élément de preuve concret à l’appui de son affirmation qui, partant, reste à l’état de pure allégation.

134    Il ressort ainsi de l’examen des circonstances de l’espèce que le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

135    La requérante soulève, en substance, deux griefs au soutien du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation. D’une part, elle relève, dans le cadre du moyen tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation, que la Commission n’a pas suffisamment motivé la décision attaquée concernant le rejet des CV nos 18 et 19. D’autre part, elle considère que, en refusant de lui adresser une analyse adéquate concernant les vérifications qu’elle avait effectuées à la suite de ses commentaires sur le rapport du comité d’évaluation, la Commission a également violé l’obligation de motivation lui incombant. La Commission réfute les affirmations de la requérante et fait valoir qu’elle a agi en conformité avec la législation applicable, à savoir l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et l’article 149 des modalités d’exécution. De plus, par sa lettre du 3 octobre 2008, elle aurait apporté à la requérante les informations demandées relatives à la sélection et au processus d’évaluation.

136    Il résulte de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149 des modalités d’exécution, ainsi que de la jurisprudence du Tribunal, que la Commission satisfait à son obligation de motivation si elle se contente, tout d’abord, de communiquer immédiatement à tout soumissionnaire écarté les motifs du rejet de son offre et fournit, ensuite, aux soumissionnaires ayant présenté une offre recevable et qui en font la demande expresse, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours de calendrier à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal Adia interim/Commission, point 55 supra, points 31 ; Esedra/Commission, point 38 supra, points 188 et 189 ; du 25 février 2003, Strabag Benelux/Conseil, T‑183/00, Rec. p. II‑135, point 54, et du 10 septembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑465/04, non publié au Recueil, point 47).

137    Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, selon laquelle il convient de faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (voir arrêts du 10 septembre 2008, Evropaiki Dynamiki/Commission, point 136 supra, point 48, et la jurisprudence citée, et Evropaïki Dynamiki/OEDT, point 56 supra, point 112).

138    Il importe, en outre, de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I‑1719, point 63, et la jurisprudence citée, et arrêt du 10 septembre 2008, Evropaiki Dynamiki/Commission, point 136 supra, point 49).

139    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que, lorsque l’institution ou l’agence concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, mais après la date fixée par l’article 149, paragraphe 3, des modalités d’exécution, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. En effet, l’obligation de motivation doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (voir arrêt du Tribunal du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, Rec. p. II‑1403, point 73, et la jurisprudence citée). C’est à la lumière de ces considérations que doivent être examinés les arguments de la requérante.

140    Concernant le premier grief, afin de déterminer, concernant le rejet des CV nos 18 et 19, si la Commission a satisfait à son obligation de motivation prévue par le règlement financier ainsi que par les modalités d’exécution, il convient d’examiner la décision attaquée et les lettres des 3 octobre et 28 novembre 2008.

141    La décision attaquée informe la requérante que l’offre soumise par le consortium dont elle faisait partie n’a pas été sélectionnée pour le marché en question et précise que ladite offre n’a pas été retenue, parce qu’elle n’atteignait pas le niveau minimal de capacité technique exigé. Il y est également indiqué que la requérante pouvait obtenir des informations additionnelles sur les motifs du rejet de son offre et que, sur demande écrite, elle pouvait être informée des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que du nom du soumissionnaire retenu. La lettre indique enfin que certains détails de l’offre retenue ne seront pas communiqués si cette communication faisait obstacle à l’application des lois, était contraire à l’intérêt public, portait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pouvait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. Il s’ensuit que cette lettre, quoique revêtant à certains égards un caractère stéréotypé, est rédigée conformément aux dispositions de l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

142    La lettre du 3 octobre 2008, adressée par la Commission à la requérante, communique à cette dernière un extrait du rapport du comité d’évaluation. Cette lettre a été envoyée en réponse à une demande écrite de la requérante du 2 octobre 2008.

143    Cet extrait du rapport du comité d’évaluation mentionne le nom du soumissionnaire retenu, les raisons pour lesquelles l’offre du consortium ED-ABG Spin-ZZI a été rejetée lors de la phase de sélection et les caractéristiques et les avantages de l’offre retenue.

144    Il contient également les commentaires du comité d’évaluation sur l’offre du consortium ED-ABG Spin-ZZI concernant les CV nos 18 et 19, cités au point 85 ci-dessus.

145    Cette information doit être évaluée à la lumière du point 4.1.3 des termes de référence, auquel renvoie le rapport du comité d’évaluation et qui précise de façon détaillée l’expérience professionnelle requise, ainsi qu’il résulte de la citation exhaustive figurant aux points 84 et 85 ci-dessus. Les CV nos 18 et 19 ont été rejetés, parce qu’ils ne satisfaisaient pas aux critères mentionnés audit point 4.1.3.

146    Il convient de constater que, conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, la Commission, en l’espèce la DG TAXUD, a communiqué à la requérante les motifs du rejet de son offre, à savoir le fait que les personnes disposant des CV nos 18 et 19 n’atteignaient pas le seuil d’expérience professionnelle pertinente requis au point 4 des termes de référence.

147    Certes, cette explication est succincte, car ne sont indiqués ni les périodes d’expérience professionnelle n’ayant pas été acceptées ni, précisément, les critères, parmi ceux prévus au point 4.1.3 des termes de référence, n’ayant pas été satisfaits. Toutefois, est mentionnée la raison du rejet des CV, à savoir le fait de ne pas avoir atteint le seuil de six ans d’expérience professionnelle, et sont identifiés les CV ne satisfaisant pas à ce critère, à savoir les CV nos 18 et 19. La lecture des CV en cause et des termes de référence permet de comprendre quels points de l’expérience professionnelle pouvaient être considérés comme problématiques.

148    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la motivation avancée par la Commission permettait à la requérante de faire valoir ses droits devant le Tribunal et à ce dernier d’exercer son contrôle de légalité à l’égard de la décision attaquée.

149    Concernant le second grief de la requérante, selon lequel la Commission aurait violé l’obligation de motivation lui incombant en se bornant, dans la lettre du 28 novembre 2008, d’une part, à affirmer qu’elle avait considéré tous les points relevés par la requérante dans ses lettres des 9, 20 et 22 octobre 2008 et, d’autre part, à confirmer sa décision d’attribuer le marché au consortium du soumissionnaire retenu, il y a lieu de constater que le pouvoir adjudicateur n’a pas répondu de façon détaillée aux objections de la requérante.

150    Cependant, il ne saurait en être fait grief à la Commission, dès lors que, ayant motivé la décision attaquée conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, elle n’était pas tenue par une obligation de réponse (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑250/05, non publié au Recueil, point 78). En outre, cette circonstance ne saurait remettre en cause, à elle seule, la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du Tribunal du 4 mai 2005, Sena/AESA, T‑30/04, RecFP p. I‑A‑113 et II‑519, point 95 ; du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 78, et du 1er juillet 2008, AWWW/FEACVT, T‑211/07, non publié au Recueil, point 43).

151    Le quatrième moyen doit, dès lors, être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré de l’application abusive des critères de sélection

152    La requérante soutient que la DG TAXUD a utilisé abusivement les critères de sélection de l’appel d’offres TIMEA pour exclure son offre de la phase d’attribution du marché. La Commission estime devoir s’abstenir de réagir aux allégations sans fondement de la requérante selon lesquelles elle serait victime d’un plan orchestré pour l’exclure des marchés informatiques.

153    Il convient de relever, à titre liminaire, que la requérante invoque, notamment, la violation de l’article 32, paragraphe 2, de la directive 92/50/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services (JO L 209, p. 1). Or, en vertu de l’article 105 du règlement financier, à partir du 1er janvier 2003, date de l’entrée en application dudit règlement, les directives portant coordination des marchés publics de fournitures, de services et de travaux ne s’appliquent aux marchés publics passés par les institutions communautaires pour leur propre compte que pour les seules questions relatives aux seuils qui déterminent les modalités de publication, le choix des procédures et les délais correspondants.

154    Par ce moyen, la requérante semble invoquer, en substance, un détournement de pouvoir. La Commission aurait ainsi obligé les soumissionnaires à présenter un nombre précis de CV et de références de projets afin de créer un obstacle artificiel et d’exclure la requérante du marché.

155    Il convient ici de renvoyer à la jurisprudence citée au point 73 ci-dessus et de rappeler que, par ailleurs, pour être entachée de détournement de pouvoir, une décision doit avoir été prise dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant, d’atteindre des fins autres que celles alléguées par l’institution ou d’éluder une procédure spécifiquement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt de la Cour du 15 mai 2008, Espagne/Conseil, C‑442/04, Rec. p. I‑3517, point 49, et la jurisprudence citée ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T‑266/97, Rec. p. II‑2329, point 131 ; du 13 janvier 2004, Thermenhotel Stoiser Franz e.a./Commission, T‑158/99, Rec. p. II‑1, point 164, et du 22 avril 2009, CESD-Communautaire/Commission, T‑286/05, non publié au Recueil, point 84).

156    En l’espèce, en premier lieu, il convient de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission n’a pas violé l’article 135, paragraphe 2, et l’article 148, paragraphe 3, des modalités d’exécution.

157    En deuxième lieu, la requérante n’a pas présenté au Tribunal d’indices objectifs, pertinents et concordants, desquels il résulterait que la Commission avait décidé de demander un nombre précis de CV et de références de projets comme preuves de la capacité technique des soumissionnaires dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celle d’évaluer la capacité technique des soumissionnaires et de désigner ainsi ceux qui passeraient à la phase d’attribution du marché.

158    Concernant le prétendu abus dans la détermination des critères de sélection en cause, la requérante n’a pas réussi à démontrer que la Commission ait commis un quelconque abus.

159    En troisième lieu, s’agissant du contexte prétendument discriminatoire dont se prévaut la requérante, il y a lieu de relever qu’aucun élément ne permet de conclure que la Commission aurait usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés.

160    À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen. Il y a lieu de rejeter également, en l’absence d’illégalité de la décision attaquée, pour les raisons exposées aux points 112 et 113 ci-dessus, l’argument pris de l’erreur manifeste d’appréciation relative à l’évaluation de l’offre du soumissionnaire retenu et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble. Il s’ensuit que la demande en annulation doit être rejetée en totalité.

3.     Sur la demande en indemnité

 Sur la recevabilité

161    La Commission considère que la demande en indemnité est irrecevable, dès lors que les conditions permettant l’engagement de la responsabilité non contractuelle ne sont pas précisées conformément aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure. En l’espèce, la décision attaquée ne saurait être considérée comme la manifestation d’un comportement illégal. De plus, la requête manquerait de précision quant à la condition du dommage, car elle ne permettrait pas le calcul des dommages invoqués, et quant à l’existence d’un lien de causalité entre le préjudice allégué et le comportement prétendument illégal. La requérante affirme que les illégalités invoquées dans le cadre de sa demande en annulation suffisent à fonder sa demande en indemnité. Concernant la condition tenant au dommage, elle soutient avoir présenté une méthode de calcul spécifique, reposant sur des principes financiers incontestés. Ce serait en raison de la rétention d’informations par la Commission, à propos de la procédure d’évaluation, qu’elle n’aurait pas réussi à présenter davantage d’éléments à l’appui de sa demande en indemnité.

162    Il ressort des dispositions de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure que la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêts du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 106, et du 12 novembre 2008, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑406/06, non publié au Recueil, point 131).

163    Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la requérante reproche à cette institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue du préjudice (arrêts du Tribunal Asia Motor France e.a./Commission, point 161 supra, point 106, et du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 65).

164    Il ressort de la requête que le comportement illégal invoqué est la prétendue illégalité de la décision attaquée, telle qu’étayée par les moyens en annulation. Concernant la condition relative au dommage, il ressort de la requête que la requérante « demande à la DG TAXUD une compensation pécuniaire de 7 638 125 euros, somme qui correspond au bénéfice brut estimé que la requérante aurait tiré de la procédure de marché public en cause si elle avait obtenu l’attribution du marché ». Concernant la condition relative au lien de causalité, il ressort suffisamment de la requête qu’elle considère que son dommage résulte de l’adoption de la décision attaquée par la Commission et des prétendues violations, par cette décision, du droit de l’Union.

165    Dans ces circonstances, la demande en indemnité doit être jugée recevable.

 Sur le fond

166    La requérante demande au Tribunal, dans l’hypothèse où il serait conclu que la décision attaquée a été adoptée en violation du règlement financier et/ou des principes de transparence et d’égalité de traitement, compte tenu de ce qu’il serait probablement amené à statuer sur le présent litige après l’exécution complète du marché par le soumissionnaire retenu, de condamner la DG TAXUD, sur la base des articles 235 CE et 288 CE, à lui verser une indemnité d’un montant de 7 638 125 euros. La Commission soutient que la demande en indemnité n’est pas fondée. Premièrement, la requérante n’aurait pas apporté la preuve d’un comportement illégal de la part de la Commission. Deuxièmement, la méthode de calcul utilisée par la requérante pour évaluer son manque à gagner ne serait pas valide. Enfin, troisièmement, la requérante n’aurait pas apporté la preuve selon laquelle le marché lui aurait été attribué si son offre n’avait pas été rejetée.

167    Il résulte d’une jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté pour comportement illicite de ses organes, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, Rec. p. 3057, point 16 ; arrêts du Tribunal du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, Rec. p. II‑729, point 44 ; du 16 octobre 1996, Efisol/Commission, T‑336/94, Rec. p. II‑1343, point 30, et du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, Rec. p. II‑1239, point 20).

168    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, Rec. p. I‑4199, points 19 et 81, et arrêt du Tribunal du 20 février 2002, Förde-Reederei/Conseil et Commission, T‑170/00, Rec. p. II‑515, point 37).

169    En l’espèce, dans le cadre de la demande en annulation, il a été jugé que la décision attaquée n’était pas entachée d’illégalité.

170    Dès lors, la condition de l’illégalité n’étant pas remplie, il convient de rejeter la demande en indemnité comme étant non fondée et, dès lors, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

171    Selon la requérante, même si le Tribunal devait rejeter le recours, la Commission devrait être condamnée au paiement des dépens de l’instance, en vertu de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.

172    Il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement prévoit que le Tribunal peut répartir les dépens en présence de motifs exceptionnels.

173    En l’absence de motifs exceptionnels et la requérante ayant succombé, celle-ci supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Evropaïki Dynamiki – Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Jaeger

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.