Language of document : ECLI:EU:T:2015:189



DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

25 mars 2015 (*)

« Concurrence – Abus de position dominante – Marchés slovaques de services de courrier traditionnel et de courrier hybride – Décision constatant une infraction à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE – Droit exclusif de distribuer du courrier hybride – Principe de bonne administration – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Définition du marché – Extension d’un monopole – Article 86, paragraphe 2, CE – Sécurité juridique – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑556/08,

Slovenská pošta a.s., établie à Banská Bystrica (Slovaquie), représentée initialement par Mes O. Brouwer, C. Schillemans et M. Knapen, puis par Mes Brouwer et P. Schepens et enfin par Mes Brouwer et A. Pliego Selie, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République slovaque, représentée par Mme B. Ricziová, en qualité d’agent,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. R. Sauer, A. Tokár et Mme A. Antoniadis, puis par MM. Sauer, Tokár et C. Vollrath, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Cromwell a.s., établie à Bratislava (Slovaquie),

Slovak Mail Services a.s., établie à Bratislava,

Prvá Doručovacia a.s., établie à Bratislava,

représentées initialement par Mes M. Maier et P. Werner, puis par MWerner, avocats,

et par

ID Marketing Slovensko s.r.o., anciennement TNT Post Slovensko s.r.o., établie à Bratislava, représentée initialement par M. J. Ellison, solicitor, et Me T. Rybár, avocat, puis par Mes Rybár et I. Pecník, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 5912 final de la Commission, du 7 octobre 2008, concernant la législation postale slovaque relative aux services de courrier hybride (affaire COMP/39.562 – Loi postale slovaque),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 mars 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

A –  Réglementation nationale avant le 1er avril 2008

1.     Loi postale

1        La zákon č. 507/2001 Z.z. o poštových službách v znení zákonov č. 15/2004 Z.z., č. 191/2007 Z.z. a č. 659/2007 Z.z. (loi n° 507/2001 sur les services postaux, modifiée par les lois n° 15/2004, n° 199/2004, n° 191/2007 et n° 659/2007, ci-après la « loi postale ») prévoit en son article 5, paragraphe 2, ce qui suit :

« La prestation de services postaux survient si l’objet de l’activité de l’entrepreneur est la levée et la remise de communications et d’envois qui sont des envois postaux au sens de l’article 4 [de la loi postale]. »

2        L’article 7, paragraphe 2, de la loi postale dispose :

« La réserve postale est la levée (collecte) et la distribution de :

a) envois de correspondance et de publipostage jusqu’à un poids de 50 grammes ;

[…] »

2.     Autorisation générale

3        L’autorisation générale pour la fourniture de services postaux conformément à la loi postale a été adoptée par l’autorité de régulation du secteur postal slovaque (ci-après le « régulateur postal »), le 5 mars 2004, conformément à l’article 14 de la loi postale (ci-après l’« autorisation générale »).

4        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 5, de l’autorisation générale, « [l]’échange de documents et le courrier hybride ne remplissent pas les critères des articles 2 et 4 de [la loi postale] et ils ne sont pas considérés comme un service postal selon [la loi postale] ».

B –  Réglementation nationale après le 1er avril 2008

1.     Loi postale modifiée

5        Le 15 février 2008, la loi postale a été modifiée par la zákon č. 80/2008 Z.z. ktorým sa mení a doplňa zákon č. 507/2001 Z.z. o poštových službách (loi n° 80/2008, du 15 février 2008, modifiant la loi n° 507/2001 sur les services postaux), adoptée par le parlement slovaque et entrée en vigueur le 1er avril 2008 (ci-après la « loi postale modifiée »). L’article 5, paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale ont été ainsi modifiés.

6        L’article 5, paragraphe 2, de la loi postale modifiée prévoit que « [l]a fourniture de services postaux survient si l’objet de l’activité de l’entrepreneur est la levée ou la remise de communications et d’envois qui sont des envois postaux au sens de l’article 4 [de la loi postale] ».

7        L’article 7, paragraphe 2, de la loi postale modifiée dispose :

« La réserve postale comprend la levée (collecte) ou la distribution de :

a) envois de correspondance et de publipostage jusqu’à un poids de 50 grammes ;

[…] »

2.     Autorisation générale modifiée

8        Le 18 juillet 2008, l’autorisation générale, dans une version modifiée, a été publiée et est entrée en vigueur (ci-après l’« autorisation générale modifiée »). Dans l’autorisation générale modifiée, le paragraphe 5 de l’article 1er de l’autorisation générale a été supprimé.

 Présentation de la requérante

9        Depuis le 1er octobre 2004, la requérante, Slovenská pošta a.s., est une société anonyme, détenue par l’État slovaque en tant qu’actionnaire unique. Au moment de l’adoption de la décision attaquée, elle était le fournisseur des services postaux universels en Slovaquie.

 Antécédents du litige

10      En novembre 2007, des membres du parlement slovaque ont proposé une modification de la loi postale afin que la remise du courrier hybride soit, sans ambiguïté possible, réservée à la requérante.

11      Au début du mois de février 2008, la Commission des Communautés européennes, ayant été informée de ce projet de modification de la loi postale, a adressé une lettre aux autorités slovaques afin de leur faire part de ses craintes concernant la conformité du projet de modification de la loi postale aux exigences de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2002/39/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 juin 2002, en ce qui concerne la poursuite de l’ouverture à la concurrence des services postaux de la Communauté (JO L 176, p. 21, ci-après la « directive postale »), en particulier à l’article 7 de la directive postale, lu en combinaison avec le considérant 21 de cette directive.

12      Le 15 février 2008, le projet de modification de la loi postale a été adopté par le parlement slovaque et est entré en vigueur le 1er avril 2008. Il a modifié l’article 5, paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale.

13      En mars 2008, les autorités slovaques ont répondu à la Commission que ni la loi postale ni le cadre réglementaire pour la fourniture de services postaux n’étaient modifiés par le projet de modification de la loi postale. Elles ont précisé que la remise du courrier hybride avait toujours été réservée à la requérante.

14      Durant les mois de mars, d’avril et de mai 2008, la Commission a adressé diverses demandes de renseignements à des acteurs du marché, à savoir Slovak Mail Services a.s. et Slovak Telekom a.s., ainsi qu’au régulateur postal. La Commission a, notamment, demandé à ce dernier de lui fournir les comptes séparés de la requérante, établis, conformément à la directive postale, pour les années 2005 à 2007. Ceux-ci lui ont été communiqués en avril et mai 2008. Le 1er avril 2008, Slovak Telekom a adressé sa réponse à la Commission (ci-après la « réponse de Slovak Telekom à la demande d’informations de la Commission »).

15      Le 18 juin 2008, la Commission a adressé aux autorités slovaques une lettre de mise en demeure (ci-après la « lettre de mise en demeure »), accompagnée de 26 annexes contenant les informations et documents pertinents qu’elle avait réunis jusqu’alors. Une copie de ces documents a été envoyée à la requérante. La Commission a invité les autorités slovaques et la requérante à présenter leurs observations sur ceux-ci dans un délai d’un mois. Dans la lettre de mise en demeure, la Commission a indiqué être parvenue à la conclusion préliminaire que la République slovaque avait enfreint l’article 86 CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE. Elle a également précisé considérer que la mesure étatique en cause était susceptible de nuire de façon grave et irréparable à la concurrence sur le marché du courrier hybride à moins que des mesures provisoires ne soient ordonnées. Pour cette raison, elle a invité les autorités slovaques et la requérante à lui adresser, dans un délai de deux semaines, leurs commentaires concernant d’éventuelles mesures provisoires.

16      Par lettres des 1er et 16 juillet 2008, les autorités slovaques ont répondu à la lettre de mise en demeure, tandis que la requérante y a répondu par lettre du 1er juillet 2008.

17      Le 18 juillet 2008, l’autorisation générale modifiée a été publiée et est entrée en vigueur.

18      Le 8 août 2008, la Commission a formulé de nouvelles demandes d’informations à Slovak Mail Services, à Slovak Telekom ainsi qu’à Prvá Doručovacia a.s., demandes auxquelles celles-ci ont déféré.

19      Le 14 août 2008, la Commission a adressé de nouvelles demandes d’informations aux autorités slovaques et à la requérante, demandes auxquelles elles ont déféré par lettres, respectivement, du 22 et du 28 août 2008, reçues et enregistrées par la Commission le 1er septembre 2008, c’est-à-dire à la date d’expiration du délai fixé par cette dernière.

20      Le 2 septembre 2008, TNT Post Slovensko s.r.o. a envoyé, de sa propre initiative, un document à la Commission.

21      Par courrier du 19 septembre 2008, la Commission a adressé une lettre d’exposé des faits aux autorités slovaques et à la requérante, afin de leur communiquer les informations demandées à d’autres acteurs du marché, fournies par ceux-ci et qui ne leur avaient pas été encore transmises. Les autorités slovaques et la requérante y ont répondu par lettres du 24 septembre 2008.

22      Le 7 octobre 2008, la Commission a adopté, conformément à l’article 86, paragraphe 3, CE, la décision C (2008) 5912 final concernant la législation postale slovaque relative aux services de courrier hybride (affaire COMP/39.562 – Loi postale slovaque) (ci-après la « décision attaquée »).

 Décision attaquée

23      Dans la décision attaquée et aux fins de celle-ci, la Commission a défini le courrier hybride comme un service par lequel le contenu de communications est transféré électroniquement au fournisseur de services, traité électroniquement et converti dans une lettre, sous forme physique, laquelle est imprimée et mise sous enveloppe avant d’être remise physiquement au destinataire (considérants 1 et 34).

24      Après un rappel des dispositions pertinentes de la réglementation postale slovaque ainsi que des faits (considérants 2 à 75), la Commission a résumé les observations du gouvernement slovaque et de Slovenská pošta (considérants 76 à 84).

25      La Commission a ensuite analysé la mesure étatique litigieuse, au regard de l’article 86, paragraphe 1, CE, puis de l’article 86, paragraphe 2, CE (considérants 85 à 199).

26      En premier lieu, la Commission a examiné la mesure étatique litigieuse au regard de l’article 86, paragraphe 1, CE et est parvenue à la conclusion que la République slovaque avait violé l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE (considérants 85 à 158).

27      Premièrement, la Commission a relevé que Slovenská pošta était une entreprise publique au sens de l’article 86, paragraphe 1, CE, à laquelle la loi postale réservait le droit de distribuer certains envois postaux, tels que définis en son article 7, et qui jouissait, dès lors, de droits exclusifs au sens de l’article 86, paragraphe 1, CE. La Commission a estimé que le projet de modification de la loi postale constituait une mesure étatique au sens de l’article 86, paragraphe 1, CE, tout comme les mesures de sanction prises par les autorités slovaques contre toute atteinte alléguée au domaine réservé (considérants 85 à 88).

28      Deuxièmement, la Commission a défini deux marchés de services pertinents, à savoir, d’une part, celui des services de courrier traditionnel et, d’autre part, celui des services de courrier hybride, ces derniers constituant un marché voisin, mais distinct, car ils présentaient des caractéristiques particulières par rapport aux services de courrier traditionnel et répondaient à des besoins différents des utilisateurs (considérants 89 à 110). La Commission a considéré que les marchés géographiques pertinents coïncidaient avec le territoire de la République slovaque (considérants 111 et 112).

29      Troisièmement, la Commission a constaté que Slovenská pošta détenait une position dominante sur le marché des services de courrier traditionnel (considérant 113).

30      Quatrièmement, la Commission a considéré que la mesure étatique litigieuse constituait une violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE (considérants 114 et 115). D’une part, elle a estimé que la modification de la loi postale avait étendu les droits exclusifs de Slovenská Pošta à l’activité de remise des envois de courrier hybride, laquelle était auparavant, de jure et de facto, ouverte à la concurrence en Slovaquie, et que, contrairement à l’argumentation de la République slovaque et de Slovenská pošta, cette modification n’avait pas simplement clarifié le fait que la remise des envois de courrier hybride relevait déjà, avant l’adoption même de cette modification, de la réserve postale (considérants 116 à 148). D’autre part, la Commission a considéré que la mesure étatique litigieuse avait limité les services disponibles pour les utilisateurs finaux, tels que les services de repérage et de suivi et la remise sept jours sur sept, bien qu’il y ait eu une demande pour de tels services (considérants 149 à 155).

31      Cinquièmement, la Commission a estimé que cet abus était susceptible d’affecter le commerce entre les États membres (considérants 156 et 157).

32      En second lieu, la Commission a examiné la mesure étatique litigieuse au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE (considérants 159 à 198). Elle a considéré que la République slovaque n’avait pas établi que, si les services de courrier hybride avaient été laissés ouverts à la concurrence, l’accomplissement du service universel aurait été mis en échec ou, à tout le moins, qu’il n’aurait pas pu être accompli dans des conditions économiquement acceptables (considérants 165 à 167, 192, 199).

33      Premièrement, la Commission a indiqué qu’il incombait à l’État membre qui invoquait l’article 86, paragraphe 2, CE de démontrer que les conditions d’application de cette disposition étaient réunies (considérant 160). Elle a précisé que, pour les besoins de l’appréciation, au regard de l’article 86, paragraphe 2, CE, lu en combinaison avec l’article 7 de la directive postale, d’une éventuelle justification de l’appartenance de la remise des envois de courrier hybride au domaine réservé du prestataire du service universel, elle tenait compte des obligations de service public incombant à Slovenská pošta, dans la mesure où elles portaient sur des services postaux universels au sens de l’article 3 de ladite directive (considérant 164).

34      Deuxièmement, la Commission a considéré que le gouvernement slovaque n’avait pas produit une information détaillée et une estimation fiable des coûts du service universel supportés par Slovenská pošta (considérants 168 à 178). De plus, elle a estimé que le gouvernement slovaque et Slovenská pošta n’avaient pas fourni d’estimation fiable sur l’impact de la libéralisation de la remise des envois de courrier hybride sur la rentabilité de Slovenská pošta, ni d’éléments étayant leur affirmation selon laquelle l’équilibre financier des services postaux de celle-ci aurait été menacé (considérants 179 à 191). La Commission a également considéré que ni la République slovaque ni Slovenská pošta n’avaient établi que le fait d’inclure dans le domaine réservé la remise des envois de courrier hybride aurait constitué la mesure la plus proportionnée afin d’assurer l’accomplissement du service universel ou que ce service n’aurait plus pu être accompli dans des conditions économiquement acceptables, compte tenu des investissements des opérateurs privés pour pénétrer le marché de la remise des envois de courrier hybride (considérants 193 et 194). Enfin, la Commission a estimé que l’extension du domaine postal réservé de Slovenská pošta, au motif que d’autres opérateurs postaux avaient, parfois, fourni un service postal de mauvaise qualité, n’était pas nécessaire pour assurer la qualité dudit service (considérants 195 à 198).

35      Le dispositif de la décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

L’article 5[, paragraphe 2] de [la loi postale modifiée], l’autorisation générale [modifiée], l’interprétation de ces actes et de leurs versions précédentes par les autorités slovaques, en particulier par le régulateur postal, ainsi que les mesures d’exécution prises à l’encontre de certains opérateurs privés, sont contraires à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, dans la mesure où ils réservent à Slovenská pošta la remise des envois de courrier hybride, laquelle était auparavant ouverte à la concurrence et où ils font respecter une telle réserve.

Article 2

La République slovaque informe la Commission, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures prises pour mettre fin à la violation identifiée à l’article 1er.

Article 3

La République slovaque est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 2008, la requérante a introduit le présent recours.

37      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 avril 2009, la République slovaque a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 7 juillet 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La partie intervenante a déposé son mémoire et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

38      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 avril 2009, Cromwell a.s., Slovak Mail Services et Prvá Doručovacia (ci-après, prises ensemble, « Cromwell e.a. ») ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 7 juillet 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La décision sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel présentées par la requérante, à l’égard de ces parties intervenantes, concernant certaines données contenues dans la requête et dans ses annexes ainsi que dans le mémoire en défense et dans ses annexes a été réservée. Ces parties intervenantes ont déposé leur mémoire en intervention, sans soumettre d’observations sur les demandes de traitement confidentiel. Des versions non confidentielles des différentes pièces de procédure, préparées par la requérante, ont été communiquées à ces parties intervenantes. La requérante a déposé ses observations sur le mémoire en intervention dans le délai imparti.

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 avril 2009, TNT Post Slovensko, devenue ID Marketing Slovensko s.r.o., a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 7 juillet 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La décision sur le bien-fondé des demandes de traitement confidentiel, présentées à l’égard de cette partie intervenante par la requérante, concernant certaines données contenues dans la requête et ses annexes ainsi que dans le mémoire en défense et ses annexes, et par la Commission, s’agissant de certaines données contenues dans le mémoire en défense et ses annexes, a été réservée. Cette partie intervenante a déposé son mémoire en intervention. Elle a indiqué ne pas soulever d’objections aux demandes de traitement confidentiel. Des versions non confidentielles des différentes pièces de procédure, préparées par la requérante et la Commission, ont été communiquées à cette partie intervenante. La requérante a déposé ses observations sur le mémoire en intervention dans le délai imparti.

40      Le 30 novembre 2010, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la deuxième chambre. La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a ensuite été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

41      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre) a décidé, le 21 janvier 2014, d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, a posé par écrit des questions aux parties ainsi que demandé la production de documents. La requérante et la Commission ont satisfait à ces demandes le 27 février 2014, la République slovaque le 26 février 2014 et ID Marketing Slovensko le 25 février 2014. La requérante et la Commission ont indiqué ne pas demander un traitement confidentiel concernant les réponses aux questions apportées par les parties et les documents produits.

42      La Commission a également informé le Tribunal qu’elle ne maintenait pas sa demande de traitement confidentiel à l’égard de TNT Post Slovensko. Le 20 mars 2014, la version non confidentielle du mémoire en défense, préparée par la requérante, a été communiquée à cette partie intervenante.

43      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 26 mars 2014.

44      À l’issue de l’audience, le Tribunal a donné à la requérante, dans un délai expirant le 7 avril 2014, prorogé au 14 avril 2014, la possibilité de préciser si les objections contenues dans la décision attaquée différaient de celles soulevées dans la lettre de mise en demeure. La réponse produite par la requérante dans le délai qui lui avait été imparti a été communiquée pour observations à la Commission. La requérante a indiqué ne pas demander un traitement confidentiel concernant sa réponse et les observations de la Commission sur celle-ci.

45      Le 11 juin 2014, le Tribunal a clôturé la procédure orale.

46      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

47      La République slovaque conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de faire droit au recours de la requérante.

48      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens de l’instance.

49      Cromwell e.a. et ID Marketing Slovensko concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris leurs dépens.

 En droit

50      Au soutien de son recours, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration, en raison de l’absence d’examen approprié de tous les faits et intérêts en cause, et de l’obligation de motivation au sens de l’article 253 CE. Le deuxième moyen est pris de la violation du droit de la requérante d’être entendue. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’article 86 CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE. Le quatrième moyen est pris de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

51      Il convient d’examiner les deuxième et troisième moyens, puis le premier moyen et, enfin, le quatrième moyen.

A –  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit de la requérante d’être entendue

52      La requérante soutient que, bien qu’elle ne soit pas le destinataire de la décision attaquée, la Commission était tenue de l’entendre avant d’adopter celle-ci, conformément à l’arrêt du 12 février 1992, Pays-Bas e.a./Commission (C‑48/90 et C‑66/90, Rec, EU:C:1992:63). La requérante fait valoir que, en effet, elle est directement affectée par la décision attaquée dans la mesure où celle‑ci conteste la légalité de la législation slovaque lui accordant un droit exclusif et emporte des conséquences économiques significatives à son égard. En revanche, la jurisprudence citée par la Commission serait dépourvue de pertinence.

53      La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

54      En premier lieu, il convient de déterminer dans quelle mesure la requérante bénéficiait du droit d’être entendue dans le contexte de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

55      Le Tribunal a jugé qu’il ressortait de l’arrêt Pays-Bas e.a./Commission, point 52 supra (EU:C:1992:63, points 50 et 51), qu’une entreprise visée par l’article 86, paragraphe 1, CE, qui était le bénéficiaire direct de la mesure étatique contestée et était nommément désignée dans la loi applicable, qui était explicitement visée par la décision litigieuse et supportait directement les conséquences économiques de cette décision, disposait du droit d’être entendue par la Commission durant la procédure (arrêts du 8 juillet 1999, Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, T 266/97, Rec, EU:T:1999:144, point 36, et du 22 février 2006, Le Levant 001 e.a./Commission, T‑34/02, Rec, EU:T:2006:59, point 97).

56      En l’espèce, il est constant que la requérante est le bénéficiaire direct de la mesure étatique contestée, à savoir du droit exclusif, après le 1er avril 2008, de remettre des envois de courrier hybride de moins de 50 grammes, que la requérante est explicitement visée par la décision attaquée et supporte directement les conséquences économiques de cette décision. Il n’est pas contesté que la requérante bénéficie, à ce titre, du droit d’être entendue.

57      En revanche, les parties sont en désaccord sur l’étendue de ce droit.

58      Premièrement, s’agissant de l’arrêt du 8 juillet 2004, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission (T‑198/01, Rec, EU:T:2004:222, point 192), cité par la Commission et que la requérante considère comme étant dénué de pertinence, la Commission fait valoir à bon droit que, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État comme dans celle visée à l’article 86, paragraphe 3, CE, il existe une différence entre les droits de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide ou de la mesure étatique litigieuses et ceux des autres intéressés. En effet, ces derniers, dont les bénéficiaires de la mesure en cause, ne sauraient prétendre eux-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission, tel que celui ouvert au profit de l’État concerné, destinataire de la décision de la Commission.

59      Deuxièmement, il ressort de l’arrêt Vlaamse Televisie Maatschappij/Commission, point 55 supra (EU:T:1999:144, point 37), que le respect du droit d’être entendu exige que la Commission communique formellement à l’entreprise bénéficiaire de la mesure étatique contestée les objections concrètes qu’elle soulève à l’encontre de cette mesure, telles qu’elle les a exposées dans la lettre de mise en demeure adressée à l’État membre et, le cas échéant, dans toute correspondance ultérieure, et lui donne l’occasion de faire connaître utilement son point de vue sur ces griefs. Il ne commande cependant pas que la Commission offre à l’entreprise bénéficiaire de la mesure étatique la possibilité de faire connaître son point de vue sur les observations émises par l’État membre, à l’encontre duquel la procédure est ouverte, en réponse aux griefs qui lui ont été adressés ou en réponse aux observations présentées par des tiers intéressés, ni qu’elle lui communique formellement une copie de la plainte éventuellement à l’origine de la procédure.

60      Par conséquent, la requérante soutient à tort que cet arrêt, cité par la Commission, est dépourvu de pertinence dans la mesure où il traiterait du droit d’un tiers d’obtenir un accès aux observations des autres parties à la procédure et de commenter celles-ci et où il ne ferait que confirmer que les tiers intéressés n’ont pas les mêmes droits que les États membres dans les procédures prévues à l’article 86, paragraphe 3, CE, sans toutefois relever la Commission de son obligation d’entendre effectivement les tiers intéressés. Contrairement aux allégations de la requérante, afin de respecter son droit à être entendue dans le cadre de la procédure administrative en l’espèce, la Commission pouvait se limiter, conformément à cet arrêt, à lui communiquer formellement les objections soulevées à l’encontre de la mesure étatique et à lui accorder l’opportunité de faire connaître son point de vue sur celles-ci. En revanche, elle n’était nullement tenue d’engager un débat contradictoire avec la requérante.

61      En outre, si le droit d’être entendu de l’entreprise bénéficiaire de la mesure étatique s’étend à tous les éléments de fait ou de droit ainsi qu’aux éléments de preuve qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, il ne s’applique toutefois pas à la position finale que l’administration entend adopter [voir, par analogie, arrêts du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T‑129/95, T‑2/96 et T‑97/96, Rec, EU:T:1999:7, point 231, et du 20 avril 2005, Krüger/OHMI – Calpis (CALPICO), T‑273/02, Rec, EU:T:2005:134, point 65].

62      En second lieu, il convient de vérifier que le droit d’être entendu de la requérante a été respecté.

63      Premièrement, il ressort du dossier que, par lettre du 18 juin 2008, la Commission a mis en demeure le gouvernement slovaque de présenter ses observations sur les griefs tirés, en substance, de l’incompatibilité, avec l’article 86 CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, du droit exclusif accordé à la requérante, à la suite de la modification de la loi postale, de remettre des envois de courrier hybride de moins de 50 grammes. Le gouvernement slovaque a fait part de ses observations sur ces griefs par lettres des 1er et 16 juillet 2008, dans le délai d’un mois qui lui avait été imparti.

64      Une copie de cette lettre de mise en demeure, comportant un exposé des griefs, a été transmise à la requérante. Par cette communication, la Commission a ainsi précisé à la requérante ses objections concrètes à l’encontre de la mesure étatique en cause, lui permettant de présenter ses observations sur celles-ci, ce que la requérante a fait par lettre du 1er juillet 2008.

65      Deuxièmement, la requérante invoque une violation de son droit d’être entendue, dans le cadre de la procédure administrative, postérieurement à l’envoi de la lettre de mise en demeure.

66      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus, le respect d’un tel droit d’être entendu exige que la Commission communique formellement à l’entreprise bénéficiaire de la mesure étatique contestée les objections concrètes qu’elle soulève à l’encontre de cette mesure, telles qu’elle les a exposées dans la lettre de mise en demeure adressée à l’État membre et, le cas échéant, dans toute correspondance ultérieure, et lui donne l’occasion de faire connaître utilement son point de vue sur ces griefs. Il en découle que le bénéficiaire doit avoir l’opportunité de faire connaître son point de vue sur des griefs qui seraient contenus dans toute correspondance ultérieure à la mise en demeure.

67      Toutefois, dans ses écritures, la requérante ne soutient pas de manière explicite que la correspondance ultérieure, à savoir la demande d’informations du 14 août 2008 et la lettre d’exposé des faits du 19 septembre 2008 (voir points 19 et 21 ci-dessus), aient comporté des griefs différents de ceux figurant dans la lettre de mise en demeure.

68      Lors de l’audience, la requérante a été interrogée par le Tribunal à cet égard et, en l’absence de réponse de sa part, à l’issue de l’audience, le Tribunal lui a accordé la possibilité de préciser, dans un délai imparti, si les griefs contenus dans la décision attaquée différaient de ceux soulevées dans la lettre de mise en demeure (voir point 44 ci-dessus).

69      Dans sa réponse écrite du 14 avril 2014, la requérante mentionne quatre changements substantiels, ceux-ci portant sur la justification objective et le refus de prendre en considération le rapport d’un consultant externe, la valeur ajoutée des services offerts, la modification de la définition du courrier hybride et la finalité d’une déclaration du service de rapprochement du droit, laquelle est l’unité chargée de revoir la conformité du droit national avec le droit de l’Union au sein de la division de la législation du gouvernement slovaque, (ci-après le « service de rapprochement du droit »). Cette argumentation est contestée par la Commission dans ses observations sur la réponse de la requérante.

70      S’agissant du premier point, relatif à la justification objective et au refus allégué de prendre en considération le rapport d’un consultant externe, la requérante soutient, dans la requête, que, en août 2008, en réponse à la demande d’informations de la Commission et seulement huit jours après avoir reçu celle-ci, elle a fourni des informations financières détaillées, dont un rapport d’un consultant externe, sans que la Commission lui ait demandé un tel rapport détaillé. La requérante aurait considéré qu’il était important de veiller à ce que la Commission disposât d’une image complète des coûts liés aux obligations de service universel. La requérante fait valoir que, bien que la Commission lui ait envoyé onze nouveaux documents le 19 septembre 2008, en lui donnant la possibilité de réagir à ces documents, celle-ci n’a pas saisi cette opportunité pour exprimer ses réserves au sujet dudit rapport du consultant externe. Dans sa réponse du 14 avril 2014, la requérante soutient que, si la Commission avait des doutes au sujet de ce rapport, elle aurait dû lui permettre d’expliquer ou de modifier cette analyse du consultant externe.

71      Il importe, tout d’abord, d’observer, à l’instar de la Commission, que ce rapport ne pouvait pas être mentionné dans la lettre de mise en demeure dans la mesure où il n’a été adressé à la Commission que par lettre du 28 août 2008, soit postérieurement à l’envoi de celle-ci à la requérante.

72      Ensuite, il convient de relever que, dans sa demande d’informations du 14 août 2008, soit après la réponse de la requérante à la lettre de mise en demeure, la Commission a effectivement demandé à la requérante d’« expliquer dans le détail la méthodologie utilisée pour estimer les coûts de fourniture du service universel en Slovaquie », ce qui faisait suite à l’affirmation de la requérante selon laquelle les coûts du service universel s’élevaient à 1,7 milliard de couronnes slovaques (SKK). La requérante a adressé le rapport d’un consultant externe, lequel était qualifié de « projet » dans les pieds de page du document. La requérante n’a pas indiqué avoir adressé un rapport définitif à la Commission, celle-ci ayant précisé dans ses observations sur la réponse de la requérante du 14 avril 2014 qu’elle n’avait jamais reçu un tel document définitif.

73      Afin de respecter son obligation d’entendre la requérante, la Commission, ayant invité celle-ci, par son courrier du 14 août 2008, à lui fournir des informations complémentaires sur la méthodologie utilisée afin de déterminer les coûts allégués du service universel ainsi que sur la valeur de l’avantage économique lié au domaine réservé, n’était alors pas tenue de s’adresser à nouveau à la requérante au sujet des informations financières communiquées et de celles relatives à la méthodologie utilisée, ni d’utiliser le rapport du consultant externe comme une « base […] pour une discussion », comme le fait valoir la requérante.

74      S’agissant du deuxième point, relatif aux services à valeur ajoutée offerts, la requérante relève, dans sa réponse du 14 avril 2014, que, au paragraphe 95 de la lettre de mise en demeure, la Commission a affirmé que « sur la base des informations dont [elle] dispos[ait], la poste slovaque n’offr[ait] pas de tels services supplémentaires pour les envois de correspondance de courrier hybride ». Elle fait valoir, en substance, que, en dépit de ses protestations sur cette affirmation, la Commission a adopté cette conclusion dans la décision attaquée.

75      Il doit être constaté que la requérante exprime ainsi un désaccord avec la Commission quant à la valeur ajoutée des services offerts. En revanche, il ne saurait être considéré que la Commission a violé son droit d’être entendue, puisque la requérante indique que les considérations de la Commission à cet égard figuraient dans la lettre de mise en demeure et qu’elle les a contestées à « plusieurs reprises », « notamment […] dans sa lettre du 24 septembre 2008 en réponse à l’exposé des faits de la Commission » (voir point 21 ci-dessus). En outre, la Commission avait invité la requérante, dans le questionnaire qu’elle lui avait adressé le 14 août 2008, à présenter de façon circonstanciée, le cas échéant, les différents types de services à valeur ajoutée qu’elle proposait. Le 28 août 2008, la requérante a répondu à ce questionnaire et à ces points particuliers.

76      S’agissant du troisième point, lequel concerne la modification de la définition du courrier hybride, la requérante fait valoir, dans sa réponse du 14 avril 2014, que la Commission a utilisé dans la décision attaquée une définition différente de celle reprise dans la lettre de mise en demeure, au paragraphe 14. Dans cette dernière, le courrier hybride aurait été défini comme un service fourni « dans un lieu situé aussi près que possible du lieu de livraison », alors que, dans la décision attaquée, la Commission aurait rejeté toute utilité de la proximité, affirmant plutôt que, « même s’il n’y a[vait] qu’une imprimerie et un seul site de production par pays », le service fourni pouvait toujours être considéré comme un courrier hybride.

77      À cet égard, la Commission relève à juste titre que la décision attaquée utilise, comme la lettre de mise en demeure, une référence à la définition du courrier hybride issue du livre vert sur le développement du marché unique des services postaux [communication COM (91) 476 de la Commission, de juin 1991].

78      Par ailleurs, dans la requête, la requérante soulève la question de la définition du courrier hybride sur laquelle la Commission l’a interrogée dans la demande d’informations du 14 août 2008. Comme la requérante le souligne elle-même, elle s’était déjà prononcée sur cette définition et elle était, par cette demande d’informations, appelée à se prononcer à nouveau sur cette définition. Partant, comme la Commission le fait valoir à juste titre, il s’agit d’un désaccord de la requérante quant au bien-fondé de l’appréciation de la Commission à cet égard, et non d’un manquement de sa part à son obligation d’entendre la requérante.

79      Quant à la question plus particulière de la pertinence de la question de la proximité de l’usine de production par rapport au destinataire, invoquée par la requérante dans sa réponse du 14 avril 2014, il importe de relever, à l’instar de la Commission, que la requérante s’est prononcée, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, sur l’importance du site de production des envois postaux pour la définition du courrier hybride.

80      Par conséquent, il ne peut pas être considéré que la requérante n’a pas eu la possibilité de s’exprimer sur la définition du courrier hybride et, en particulier, sur l’importance de l’emplacement du site de production des envois postaux pour la définition du courrier hybride.

81      S’agissant du quatrième point, relatif à la finalité d’un avis du service de rapprochement du droit, laquelle est mentionnée au considérant 23 de la décision attaquée, la requérante indique avoir été surprise par cette référence.

82      À cet égard, il suffit de constater que cet avis a été transmis à la requérante par la Commission, par son courrier du 19 septembre 2008, lequel comportait la lettre d’exposé des faits ainsi que la copie des informations demandées à d’autres acteurs du marché, fournies par ceux-ci et qui ne lui avaient pas été encore transmises (voir point 21 ci-dessus).

83      La requérante a ainsi pu prendre connaissance de cet avis, au plus tard à la réception de ce courrier, et, en tout état de cause, avant l’adoption de la décision attaquée. Elle était, dès lors, en mesure de prendre position sur celui-ci dans sa réponse à la Commission du 24 septembre 2008.

84      Partant, il ne saurait être conclu que la requérante n’a pas eu la possibilité d’être entendue à cet égard, ni qu’elle n’a pas été entendue sur des griefs qui auraient été différents de ceux mentionnés dans la lettre de mise en demeure.

85      Troisièmement, selon la requérante, la Commission n’a pas sérieusement tenu compte de ses observations et ne lui a jamais donné la possibilité, alors qu’elle en aurait eu largement l’opportunité, de s’exprimer sur ses réserves particulières concernant ses arguments et les informations transmises. Selon la requérante, la brièveté de la période existant entre la communication de ses observations sur les onze documents transmis le 19 septembre 2008 et le 7 octobre 2008, date à laquelle la décision attaquée a été adoptée, conduit à la conclusion que l’envoi de ces nouveaux documents était une simple formalité, sans que la Commission ait voulu sérieusement tenir compte de la réaction de la requérante.

86      Il y a lieu de rappeler que, le 19 septembre 2008, la Commission a transmis onze documents à la requérante afin de lui communiquer les informations sur lesquelles elle pouvait fonder sa décision et lui a donné la possibilité de présenter des observations, ce que la requérante a fait, par lettre du 24 septembre 2008 (voir point 21 ci-dessus). Il doit, dès lors, être constaté que la Commission a donné à la requérante la possibilité d’être entendue également à cette occasion.

87      En outre, il doit être relevé que cette lettre du 24 septembre 2008 comportait quatre pages d’informations et abordait six points. Dans cette lettre, la requérante commentait essentiellement trois documents transmis par la Commission le 19 septembre 2008 et, par ailleurs, elle insistait sur l’absence de libéralisation du marché du courrier hybride en Slovaquie pour les courriers dans la limite de poids relevant de la réserve postale du fournisseur des services postaux universels. Dès lors, ainsi que la Commission l’a fait valoir lors de l’audience, il n’est pas déraisonnable de considérer que la Commission a pu prendre connaissance de ces commentaires et les analyser avant l’adoption de la décision attaquée.

88      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante conteste le contenu des documents qui lui ont été adressés par la Commission le 19 septembre 2008, notamment s’agissant de la prétendue nature des services de courrier hybride offerts par les opérateurs alternatifs, elle remet en cause le bien-fondé de l’appréciation de la Commission et son argumentation ne saurait prospérer aux fins de démontrer une violation de son droit d’être entendue.

89      En outre, l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas tenu compte de ses observations doit être rejetée pour la même raison. Elle reproche ainsi à la Commission le fait de ne pas avoir retenu ses explications, ce qui relève d’un désaccord sur le bien-fondé de l’appréciation de la Commission, mais ne saurait constituer une violation de son droit d’être entendue.

90      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, dans la mesure où la requérante ne conteste pas que la Commission ait adopté la décision attaquée après lui avoir donné l’occasion de faire connaître son point de vue sur les griefs formulés dans la lettre de mise en demeure « au sujet de la législation slovaque relative aux services de courrier hybride » (préambule de la décision attaquée) et qu’elle n’a pas démontré que ces griefs ne correspondaient pas à ceux qui avaient été retenus dans la décision attaquée, il y a lieu de conclure qu’elle a été dûment entendue, conformément à la jurisprudence rappelée au point 58 ci-dessus.

91      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, dans le cadre de deux procédures ayant abouti à une décision de la Commission, celle-ci aurait tenu une réunion avec le bénéficiaire de la mesure en cause, lui permettant ainsi de clarifier ses affirmations. D’une part, la Commission n’est pas soumise à l’obligation de tenir de telles réunions et, d’autre part, il doit être observé que la requérante ne soutient pas avoir sollicité la tenue de telles réunions, la Commission précisant qu’elle n’a pas formulé de demande en ce sens.

92      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que le deuxième moyen doit être rejeté.

B –  Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 86 CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE

93      Selon la requérante, la Commission a commis un certain nombre d’erreurs manifestes d’appréciation et d’interprétation, en fait et en droit, ayant conduit à une application erronée des articles 86 CE et 82 CE dans la décision attaquée.

94      Ce moyen est divisé en deux branches, la requérante invoquant, dans la première branche, la violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, et, dans la seconde branche, l’application erronée de l’article 86, paragraphe 2, CE par la Commission.

1.     Sur la violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE

95      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 86, paragraphe 1, CE, les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du traité CE, notamment celles prévues à l’article 82 CE.

96      Cette dernière disposition interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, l’exploitation abusive d’une position dominante sur le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci.

97      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, un État membre enfreint les interdictions édictées à l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, lorsqu’il prend une mesure législative, réglementaire ou administrative qui crée une situation dans laquelle une entreprise publique ou une entreprise à laquelle il a conféré des droits spéciaux ou exclusifs est amenée, par le simple exercice des droits privilégiés qui lui ont été conférés, à exploiter sa position dominante de façon abusive ou lorsque ces droits sont susceptibles de créer une situation dans laquelle cette entreprise est amenée à commettre de tels abus (arrêts du 22 mai 2003, Connect Austria, C‑462/99, Rec, EU:C:2003:297, point 80, et du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, Rec, EU:C:2008:376, point 49 et jurisprudence citée). À cet égard, il n’est pas nécessaire qu’un abus se produise réellement (arrêt MOTOE, précité, EU:C:2008:376, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C‑18/88, Rec, EU:C:1991:474, points 23 à 25).

98      Ainsi, il y a violation de ces dispositions lorsqu’une mesure imputable à un État membre crée un risque d’abus de position dominante (voir arrêt MOTOE, point 97 supra, EU:C:2008:376, point 50 et jurisprudence citée).

99      Il résulte en effet de la jurisprudence de la Cour qu’un système de concurrence non faussée tel que celui prévu par le traité ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les différents opérateurs économiques est assurée (voir arrêts GB-Inno-BM, point 97 supra, EU:C:1991:474, point 25 et jurisprudence citée ; Connect Austria, point 97 supra, EU:C:2003:297, point 83 et jurisprudence citée, et MOTOE, point 97 supra, EU:C:2008:376, point 51 et jurisprudence citée).

100    Il s’ensuit que si l’inégalité des chances entre les opérateurs économiques, et donc la concurrence faussée, est le fait d’une mesure étatique, une telle mesure constitue une violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE (arrêt Connect Austria, point 97 supra, EU:C:2003:297, point 84).

101    La Cour a d’ailleurs eu l’occasion de préciser à cet égard que, si le simple fait, pour un État membre, de créer une position dominante par l’octroi de droits exclusifs n’est pas en tant que tel incompatible avec l’article 82 CE, il n’en demeure pas moins que le traité impose aux États membres de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures susceptibles d’éliminer l’effet utile de cette disposition (arrêts du 18 juin 1991, ERT, C‑260/89, Rec, EU:C:1991:254, point 35 ; du 19 mai 1993, Corbeau, C‑320/91, Rec, EU:C:1993:198, point 11, et du 10 février 2000, Deutsche Post, C‑147/97 et C‑148/97, Rec, EU:C:2000:74, point 39).

102    Il résulte de ces considérations qu’il peut y avoir violation des dispositions combinées de l’article 86, paragraphe 1, CE et de l’article 82 CE indépendamment de tout abus réel. Il importe seulement que la Commission identifie une conséquence anticoncurrentielle, potentielle ou réelle, susceptible de résulter de la mesure étatique en cause. Une telle violation peut ainsi être constatée lorsque ladite mesure affecte la structure du marché en créant des conditions inégales de concurrence entre les entreprises, en permettant à l’entreprise publique ou à l’entreprise à laquelle ont été octroyés des droits spéciaux ou exclusifs de maintenir, par exemple en entravant de nouvelles entrées sur ce dernier, de renforcer ou d’étendre sa position dominante sur un autre marché restreignant ainsi la concurrence, et ce sans qu’il soit requis de prouver l’existence d’une pratique abusive réelle.

103    Il s’ensuit qu’il suffit d’établir que cette conséquence anticoncurrentielle, potentielle ou réelle, est susceptible de résulter de la mesure étatique en cause et il n’est pas nécessaire d’identifier un abus autre que celui qui résulterait de la situation créée par ladite mesure.

104    Par ailleurs, il convient d’observer qu’il résulte d’une jurisprudence constante que, si le juge de l’Union exerce, de manière générale, un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application des règles de concurrence se trouvent réunies ou non, le contrôle qu’il exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission doit, toutefois, se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec, EU:T:2007:289, point 87 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 septembre 2009, Clearstream/Commission, T‑301/04, Rec, EU:T:2009:317, point 93).

105    De même, pour autant que la décision de la Commission soit le résultat d’appréciations techniques complexes, celles-ci font en principe l’objet d’un contrôle juridictionnel limité, qui implique que le juge de l’Union ne saurait substituer son appréciation des éléments de fait à celle de la Commission (voir arrêt Microsoft/Commission, point 104 supra, EU:T:2007:289, point 88 et jurisprudence citée ; arrêt Clearstream/Commission, point 104 supra, EU:T:2009:317, point 94).

106    Cependant, si le juge de l’Union reconnaît à la Commission une marge d’appréciation en matière économique ou technique, cela n’implique pas qu’il doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de cette nature. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt Microsoft/Commission, point 104 supra, EU:T:2007:289, point 89 et jurisprudence citée ; arrêt Clearstream/Commission, point 104 supra, EU:T:2009:317, point 95).

107    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante dans la première branche de ce troisième moyen, tirée de la violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE. La requérante invoque, premièrement, la définition erronée du marché pertinent par la Commission, deuxièmement, l’absence d’extension d’un monopole vers un marché voisin et, troisièmement, l’absence de limitation du service situé en aval aux utilisateurs finaux.

a)     Sur la définition erronée du marché pertinent

108    La requérante, soutenue par la République slovaque, considère que, au considérant 89 de la décision attaquée, la Commission a défini de manière erronée le marché pertinent, en prenant en considération un marché des services de courrier hybride, distinct du marché des services postaux traditionnels, alors qu’elle aurait dû définir un marché distinct pour la remise traditionnelle d’envois postaux, puis examiner si ce marché incluait la remise physique des envois postaux générés dans le contexte du courrier hybride.

109    En premier lieu, la définition par la Commission d’un marché distinct pour les services de courrier hybride incluant tous les niveaux de la chaîne de distribution, en ce compris la remise, serait erronée, car elle ne serait pas conciliable avec la communication de la Commission sur l’application des règles de concurrence au secteur postal et sur l’évaluation de certaines mesures d’État relatives aux services postaux (JO 1998, C 39, p. 2, ci-après la « communication postale »), ni avec les décisions antérieures de la Commission dans le secteur postal et la directive postale. Dès lors, la « réalité du marché » ne justifierait pas de s’écarter de la définition du marché posée par la communication postale et appliquée par la Commission dans trois décisions antérieures. En second lieu, il n’existerait pas de raison de définir le marché du courrier hybride différemment en Slovaquie.

110    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

111    Tout d’abord, il importe de rappeler que, ainsi que cela ressort notamment du paragraphe 2 de la communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5, ci-après la « communication sur la définition du marché »), la définition du marché en cause est, dans le cadre de l’application de l’article 82 CE, opérée en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être appréciée la question de savoir si une entreprise considérée est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs (voir arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, Rec, EU:T:2010:266, point 30 et jurisprudence citée).

112    La notion de marché pertinent implique qu’une concurrence effective puisse exister entre les produits ou les services qui en font partie, ce qui suppose un degré suffisant d’interchangeabilité en vue du même usage entre tous les produits ou les services faisant partie d’un même marché (arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec, EU:C:1979:36, point 28, et du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec, EU:T:2007:22, point 80). L’interchangeabilité ou la substituabilité ne s’apprécie pas au seul regard des caractéristiques objectives des produits et des services en cause, mais il convient également de prendre en considération les conditions de la concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché (arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission, 322/81, Rec, EU:C:1983:313, point 37 ; du 17 décembre 2003, British Airways/Commission, T‑219/99, Rec, EU:T:2003:343, point 91, et du 15 décembre 2010, CEAHR/Commission, T‑427/08, Rec, EU:T:2010:517, point 67). Ainsi qu’il ressort notamment du paragraphe 7 de la communication sur la définition du marché, le marché de produits ou de services en cause comprend donc tous les produits ou services que les consommateurs considèrent comme substituables en raison de leurs caractéristiques, de leurs prix et de l’usage auquel ils sont destinés (arrêts AstraZeneca/Commission, point 111 supra, EU:T:2010:266, point 31 et jurisprudence citée, et CEAHR/Commission, précité, EU:T:2010:517, point 68).

113    Ensuite, il convient de souligner qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la définition du marché pertinent, dans la mesure où elle implique des appréciations économiques complexes de la part de la Commission, ne saurait faire l’objet que d’un contrôle restreint de la part du juge de l’Union (arrêts Microsoft/Commission, point 104 supra, EU:T:2007:289, point 482 ; du 7 mai 2009, NVV e.a./Commission, T‑151/05, Rec, EU:T:2009:144, point 53, et CEAHR/Commission, point 112 supra, EU:T:2010:517, point 66).

114    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner l’argumentation de la requérante, soutenue par la République slovaque, concernant la définition des marchés de services pertinents par la Commission dans la décision attaquée.

 Décision attaquée

115    Dans la décision attaquée, la Commission a défini les marchés pertinents comme étant, d’une part, celui des services de courrier traditionnel, consistant en la levée, le tri, l’acheminement et la distribution des envois postaux, et, d’autre part, celui des services de courrier hybride, consistant en la transmission électronique de contenus, le tri électronique et l’acheminement d’envois postaux ainsi que leur production physique subséquente et leur remise au destinataire (considérant 89).

116    Dans la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle considérait que, en se référant notamment à la communication sur la définition du marché et à la communication postale, les services de courrier traditionnel et ceux de courrier hybride, tels qu’ils existaient en Slovaquie, constituaient des marchés de services distincts (considérants 91 à 110). La Commission a estimé qu’ils différaient s’agissant de la mise en place générale de la chaîne de distribution (considérants 92 à 95) ainsi que des coûts de traitement des envois de courrier traditionnel et de ceux de courrier hybride (considérants 105 et 107). Selon la Commission, les services de courrier traditionnel et ceux de courrier hybride se différenciaient également quant à la demande satisfaite, à savoir l’intérêt des utilisateurs des services de courrier hybride (les expéditeurs des courriers) à connecter, dans toute la mesure du possible, le processus de distribution externe à leur système interne de traitement des données et à les intégrer, le courrier hybride constituant un lien entre ces systèmes, permettant ainsi d’améliorer les coûts, d’établir et de développer de meilleures relations avec la clientèle et de mieux contrôler les paiements (considérants 96 à 98). La Commission a précisé que la clientèle recherchait des services de courrier hybride en tant que constituant un « paquet de services », intégrant toutes les étapes de la chaîne de distribution, y compris l’impression et la remise au destinataire, ce qui ne convenait pas à tous les clients professionnels (considérant 99). Dès lors, la Commission a estimé que les services de courrier traditionnel et ceux de courrier hybride étaient perçus par leurs utilisateurs comme des moyens différents pour transmettre des contenus et qu’ils n’étaient pas interchangeables en tant que tels (considérants 101 et 102). De plus, la Commission a relevé que les services de courrier traditionnel et ceux de courrier hybride faisaient l’objet de contraintes réglementaires différentes en Slovaquie, ces derniers, y compris la remise des envois de courrier hybride, ayant été libéralisés, contrairement aux services de courrier traditionnel (considérant 103).

 Sur la communication postale

117    La requérante, soutenue par la République slovaque, prétend que la Commission n’explique pas les raisons pour lesquelles il aurait été justifié de s’écarter de la définition du marché, telle que fixée dans la communication postale, en dépit du fait que la Commission ait concentré son attention sur la pertinence de cette communication aux fins de son appréciation. À cet égard, la requérante fait valoir que, ainsi que la République slovaque et elle-même l’auraient expliqué dans leur réponse à la lettre de mise en demeure, la Commission, dans la communication postale, « considère qu’il existe un certain nombre de marchés de produits distincts, tels que la levée, le tri, le transport et la [remise] du courrier » (paragraphe 2.2).

118    Par ailleurs, la requérante relève que la communication postale prévoit que « la réalité du marché donne du poids à la construction selon laquelle la levée, le tri, le transport et la [remise] des envois postaux constituent des marchés différents » (paragraphe 2.5). À cet égard, la communication postale indiquerait que la clientèle professionnelle cherche activement à remplacer les différentes composantes du service final par d’autres solutions afin d’« équilibrer les avantages et les inconvénients de l’autoprestation contre la fourniture des services par un opérateur postal ». À titre d’exemple, la Commission ferait référence au fait que l’ensemble des opérateurs postaux autorisent « un certain accès en aval à la distribution ».

119    Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission peut s’imposer des orientations pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation par des actes comme la communication postale, dans la mesure où ils contiennent des règles indicatives sur l’orientation à suivre par elle et où ils ne s’écartent pas des normes du traité (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 décembre 2000, Alitalia/Commission, T‑296/97, Rec, EU:T:2000:289, point 99 et jurisprudence citée). En adoptant des règles de conduite et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et elle ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation des principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 2 décembre 2010, Holland Malt/Commission, C‑464/09 P, Rec, EU:C:2010:733, points 46 et 47 et jurisprudence citée).

120    Toutefois, premièrement, il convient de considérer que, comme la Commission le fait valoir, la communication postale contient des orientations d’ordre général, le marché ne pouvant être défini que pour chaque service donné et conformément aux circonstances particulières de chaque cas concerné.

121    Deuxièmement, il importe de relever que la Commission a précisé, au paragraphe 2.5 de la communication postale que, dans le cadre du service général de la poste aux lettres, « [il est possible de] distinguer différentes activités, qui répondent à des besoins distincts et devraient en principe être considérées comme des marchés distincts, à savoir les marchés de la levée et du tri du courrier, le marché de l’acheminement du courrier et, enfin, celui de la [remise] du courrier ». La Commission a ajouté que, « [d]u point de vue du droit de la concurrence [,] il peut donc être approprié de distinguer quatre marchés ». Dès lors, il doit être constaté que, si la Commission a indiqué que quatre marchés pouvaient être distingués, elle n’a pas affirmé qu’ils devaient nécessairement l’être.

122    De plus, le paragraphe 2.2 de la communication postale indique que la Commission retiendra, « en principe », l’existence de marchés distincts pour la levée, le tri, le transport et la remise du courrier, précisant que l’appréciation de la Commission des cas concrets sera réalisée à la lumière des conditions de marché et des contextes réglementaires spécifiques qui prévalent dans chaque État membre. En outre, selon le même point, la Commission tiendra compte de l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs ainsi que du fait que certains marchés, relatifs à la levée, au tri, au transport et à la remise, sont totalement ou partiellement libéralisés.

123    Enfin, comme le fait valoir la Commission, le paragraphe 8.2 de la communication postale précise que le service d’intérêt économique général, dans la mesure où les États membres accordent des droits spéciaux ou exclusifs pour ce service, « doit être considéré comme un marché de produits distinct aux fins de l’appréciation de cas concrets », en particulier vis‑à‑vis des marchés libéralisés.

124    Partant, il doit être considéré que, contrairement aux allégations de la requérante, soutenue par la République slovaque, la communication postale n’obligeait pas, a priori, la Commission à distinguer la remise des envois postaux des autres services, ni ne l’empêchait, a priori, de distinguer entre les marchés de services de courrier traditionnel et de courrier hybride.

125    Il convient encore d’examiner l’argumentation de la requérante, soutenue par la République slovaque, selon laquelle la Commission a distingué à tort entre les marchés de services de courrier traditionnel et de services de courrier hybride, eu égard aux conditions de marché et au contexte réglementaire spécifique en Slovaquie.

 Sur le marché en Slovaquie

126    Selon la requérante, soutenue par la République slovaque, il n’existait pas de raison de définir le marché du courrier hybride différemment en Slovaquie. À cet égard, elle conteste tant l’existence d’une demande que celle d’une offre pour des services de courrier hybride intégrés. De plus, elle remet en cause la définition de deux marchés distincts eu égard au contexte réglementaire en Slovaquie.

–       Sur la demande en Slovaquie

127    La requérante, soutenue par la République slovaque, fait valoir que la Commission a eu tort d’affirmer, au considérant 99 de la décision attaquée, que « les clients [cherchaient] à obtenir des services postaux en tant que ‘paquet’ comprenant toutes les étapes de la chaîne de distribution, en ce compris l’impression et la remise ». À TNT Post Slovensko, qui a marqué son accord avec cette définition de la Commission dans son mémoire en intervention, la requérante rétorque que, selon la perception des acteurs sur le marché, le courrier hybride n’est pas un service intégré.

128    Selon la requérante, la Commission s’est fondée uniquement sur l’appel d’offres de Slovak Telekom du 5 novembre 2007 (ci-après l’« appel d’offres de Slovak Telekom ») pour exposer ce qu’elle conçoit comme étant la perception des acteurs sur le marché du courrier hybride. Ses conclusions seraient non seulement incohérentes au regard de cet appel d’offres, mais également au regard de nombreux autres appels d’offres et des pratiques du marché établies. Les différents appels d’offres effectués par des clients illustreraient le fait que tant ceux-ci que les autres opérateurs considéraient qu’il existait un marché en amont pour les services de préparation du courrier et un marché en aval pour la remise physique des envois postaux.

129    En premier lieu, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que, le 5 novembre 2007, Slovak Telekom avait lancé un appel d’offres pour « le traitement et la remise de [ses] factures » (considérant 17).

130    Selon la requérante, soutenue par la République slovaque, l’appel d’offres de Slovak Telekom prouve l’existence d’une perception des acteurs sur le marché très différente de celle de la Commission. La requérante observe que, avant le lancement de cet appel d’offres, Slovak Telekom utilisait deux prestataires de services offrant des services différents, Cromwell réalisant les services de préparation du courrier, alors que la requérante se chargeait de la distribution. L’appel d’offres de Slovak Telekom n’aurait couvert que ce dernier marché et les étapes finales de la chaîne de distribution. Dès lors, il ne permettrait pas d’établir l’existence d’une demande pour un « service de courrier hybride intégré ».

131    La République slovaque ajoute que le comportement de Slovak Telekom était totalement conforme à la supposition, formulée au paragraphe 2.5 de la communication postale, selon laquelle la clientèle professionnelle cherche activement à remplacer les différentes composantes du service final par d’autres solutions sur les marchés postaux.

132    Il convient de relever que, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom a expliqué que l’impression, la mise sous pli et le pré-tri constituaient les « éléments les plus importants » des services de courrier hybride et que la distribution constituait la « partie finale » de ces services. Dès lors, il doit être considéré que, comme la Commission le fait valoir, contrairement aux allégations de la République slovaque, la formulation « services de courrier hybride » n’implique pas qu’il s’agissait de services indépendants, mais indique qu’il s’agissait pour Slovak Telekom d’un service unique, comprenant différentes phases.

133    Ensuite, il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante et comme l’affirme la Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, l’appel d’offres de Slovak Telekom ne portait pas uniquement sur « les dernières étapes et l’étape finale de la chaîne de distribution ». Selon le document relatif à cet appel d’offres produit par la requérante, celui-ci couvrait « le traitement et l’envoi des factures de Slovak Telekom ».

134    De plus, Slovak Telekom a attribué le marché à Slovak Mail Services et à Cromwell (considérant 17 de la décision attaquée), s’étant ainsi prononcée en faveur d’un service intégré. En effet, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom a précisé que ces sociétés « [avaient] soumis une offre satisfaisant toutes [s]es exigences […] et couvrant toutes les activités à mener dans le domaine des services de courrier hybride ». Il convient également de relever que TNT Post Slovensko indique, dans son mémoire en intervention, que, en tant que soumissionnaire, elle avait également présenté une offre couvrant l’ensemble des services de courrier hybride, à savoir « la collecte/réception de fichiers, l’impression et la mise sous enveloppe, la remise et des services de suivi des envois ».

135    Il y a lieu de constater que, comme la Commission le fait valoir, [confidentiel] (1). De cette appréciation de Slovak Telekom ressort la confirmation que l’impression et la mise sous pli faisaient partie de l’ensemble de services finalement demandés.

136    Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel l’appel d’offres de Slovak Telekom ne traduisait une demande distincte que pour certains services isolés doit être écarté.

137    Par ailleurs, il convient d’ajouter que, comme Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko l’évoquent, l’appel d’offres de Slovak Telekom est intervenu peu avant les changements législatifs et réglementaires ayant abouti à l’adoption de la mesure étatique litigieuse. À la suite de l’entrée en vigueur de ces changements, les négociations entre Slovak Telekom, Slovak Mail Services et Cromwell ont été suspendues (considérant 17 de la décision attaquée). De ce fait, comme Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko le soutiennent, cette situation a pu dissuader le lancement d’appels d’offres pour des services de courrier hybride comprenant la remise des envois et, de ce fait, influencer l’existence ou le développement de la demande de tels services.

138    Partant, contrairement aux allégations de la requérante, soutenue par la République slovaque, l’appel d’offres de Slovak Telekom ne prouve pas l’existence d’une perception des acteurs du marché très différente de celle retenue par la Commission dans la décision attaquée.

139    En deuxième lieu, s’agissant de l’appel d’offres organisé par UniCredit Bank Slovakia a.s. et HVB Bank Slovakia a.s. en janvier 2007, la requérante soutient que l’affirmation de la Commission mentionnée au considérant 99 de la décision attaquée (voir point 127 ci-dessus) doit également être contredite. Cet appel d’offres aurait porté uniquement sur la collecte de données électroniques et l’impression du courrier, tandis que la remise physique de celui-ci était traitée séparément, et, contrairement aux allégations de la Commission, il illustrerait l’intérêt des clients pour le service de préparation du courrier. La requérante ajoute qu’elle avait déposé une plainte auprès du régulateur postal, le 21 juin 2007, car Prvá Doručovacia avait inclus, dans sa soumission à cet appel d’offres, des services de remise des envois postaux, par l’intermédiaire de son propre réseau de distribution.

140    À titre liminaire, il doit être précisé qu’il ressort des pièces du dossier qu’il s’agit de l’appel d’offres de UniBanka a.s. et de HVB Bank Slovakia, celles-ci devant fusionner pour devenir UniCredit Bank Slovakia.

141    Il convient de relever, à l’instar de la Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, qu’il ressort du dossier d’appel d’offres que les services demandés n’étaient pas strictement limités à la collecte et à l’impression de données électroniques, mais qu’il mentionnait également l’envoi du courrier.

142    Par ailleurs, comme Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko le précisent et ainsi que la requérante le relève, il découle de la décision du régulateur postal, du 25 septembre 2007, concernant la plainte de la requérante à l’encontre de Direct Marketing, relative à cet appel d’offres et motivée précisément par l’inclusion dans l’offre de cette société de la phase de remise du courrier, que ladite offre incluait effectivement cette phase, opérée au final par Prvá Doručovacia. Il ressort du contrat signé, le 26 février 2007, entre Direct Marketing, UniBanka et HVB Bank Slovakia que la distribution était également incluse, ce qui, comme la Commission le soutient, exprimait sans équivoque l’intérêt du client pour celle-ci.

143    Partant, contrairement aux affirmations de la requérante, l’appel d’offres d’UniBanka et de HVB Bank Slovakia illustrait l’existence d’une demande pour des services de courrier hybride comportant, outre la collecte de données électroniques et l’impression, la remise physique du courrier. Le fait que la remise fût effectuée par une autre société ne modifiait pas l’existence d’une telle demande, ce service ayant été effectué par une filiale de Direct Marketing, en l’occurrence Prvá Doručovacia (considérant 15 de la décision attaquée).

144    En troisième lieu, en ce qui concerne l’appel d’offres lancé par Orange Slovensko a.s., le 2 septembre 2008, la requérante soutient que les services couverts par celui-ci étaient la réception, le traitement et l’impression des données, la mise sous pli de pages imprimées et la transmission de l’envoi à la société de remise du courrier. Tous les services situés en amont de la remise physique de l’envoi postal auraient été ainsi séparés de l’étape de remise elle-même, ce qui ne correspondrait pas à la définition du courrier hybride retenue par la Commission dans la décision attaquée (considérant 99 de la décision attaquée). La requérante affirme que, contrairement à ce que soutient TNT Post Slovensko, cet appel d’offres excluait la remise physique des envois postaux relevant du domaine réservé.

145    Il doit être relevé, à l’instar de la Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, que l’appel d’offres d’Orange Slovensko portait sur trois services (intitulés « service », « service complémentaire » et « service de remise »), dont la description montre qu’ils couvraient l’intégralité de la chaîne des services de courrier hybride, de la réception et l’impression de données et la mise sous pli à la remise finale. De plus, les « instructions aux fins de la préparation de la proposition » en réponse à cet appel d’offres établissaient que le soumissionnaire était invité à « préparer la proposition en y faisant figurer une solution complète conformément à l’annexe I », c’est-à-dire pour l’ensemble des services. Concernant le service de remise, l’appel d’offres d’Orange Slovensko précisait que « [l]e fournisseur [assurerait] ou [fournirait] le soutien à la prestation du service de remise », qu’« il [décrirait] dans son offre la manière de fournir ce service, en précisant les services de remise prévus : a) fournis par lui-même (par exemple pour des envois ne relevant pas des services postaux réservés) ; b) par le biais d’un sous-traitant (par exemple pour des envois relevant des services postaux réservés – Slovenská pošta) ». De plus, l’appel d’offres précisait que, pour la remise d’envois pouvant atteindre 50 grammes, le soumissionnaire devait fournir un avis écrit du régulateur postal confirmant la légalité de cette prestation au regard de la loi postale modifiée.

146    Enfin, il doit être relevé que le marché a été attribué à Cromwell et qu’il ressort du contrat signé le 1er avril 2009 entre cette société et Orange Slovensko qu’il portait sur la chaîne de services intégrale et donc y compris sur la remise [voir article III, paragraphe 3.1, point 6), et article I de l’annexe 5 du contrat].

147    Partant, contrairement à l’affirmation de la requérante, il doit être considéré que l’appel d’offres d’Orange Slovensko incluait également la remise physique des envois postaux et qu’il confirme l’existence d’une demande pour une telle remise dans le cadre du courrier hybride. En revanche, il ne saurait confirmer l’affirmation de la requérante selon laquelle l’inclusion de services de remise de courrier dans le contexte du courrier hybride n’était pas le résultat de la demande des clients pour un tel service intégré, mais plutôt le résultat de l’inclusion par les opérateurs alternatifs de ces services de remise lucratifs dans leur « produit intégré », lequel aurait été offerts aux clients à des prix compétitifs ou réduits.

148    Il existait, certes, dans cet appel d’offres, comme le fait valoir la requérante, une limitation à la remise des envois postaux ne relevant pas du domaine réservé. Cette limitation doit, cependant, être replacée dans le cadre du contexte réglementaire existant au moment du lancement de cet appel d’offres, en septembre 2008, à savoir celui de la loi postale modifiée et de l’autorisation générale modifiée.

149    Enfin, il importe de relever que la requérante a indiqué, dans ses observations concernant la demande d’informations de la Commission, du 14 août 2008, au gouvernement slovaque, que, [confidentiel], reconnaissant ainsi l’intérêt de ses propres clients pour ce type de services.

150    En quatrième lieu, Cromwell e.a. indiquent que, avant la modification de la loi postale et l’adoption de la décision attaquée, elles avaient d’autres clients pour les services de courrier hybride. Au soutien de cet argument, pour des raisons de confidentialité, elles ne produisent qu’un seul contrat de fourniture de services.

151    À cet égard, il doit être relevé que, contrairement aux affirmations de la requérante, le contrat produit par Cromwell e.a., datant du 3 janvier 2008 et conclu entre Cromwell et AEGON, d.s.s., a.s., précisait que les services de courrier hybride devaient être entendus comme comprenant l’ensemble des différentes phases, à savoir les phases allant du transfert des données et de leur traitement à la remise du courrier, et il mentionnait, en particulier, la remise (article I, paragraphe 1.1, du contrat).

152    Il découle des considérations qui précèdent que, contrairement aux affirmations de la requérante, il ressort des différents appels d’offres cités par les parties principales et intervenantes qu’il existait une demande pour des services de courrier hybride, incluant la remise physique du courrier et ne se limitant pas aux services précédant cette remise.

153    Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments de la requérante. Premièrement, elle soutient que les appels d’offres mentionnés par Cromwell e.a. ont immédiatement entraîné des plaintes, lesquelles ont provoqué des enquêtes de la part du régulateur postal pour aboutir à la déclaration de celui-ci du 30 novembre 2007. Selon la requérante, ces enquêtes et cette déclaration ont clairement fait apparaître que la remise physique de courrier hybride était couverte par la réserve postale.

154    Il doit être constaté que cette argumentation concerne la détermination de l’étendue de la réserve postale, laquelle dépend de l’ensemble du contexte réglementaire antérieur à la modification de la loi postale. Or, une demande pour un service de courrier hybride, comprenant la remise du courrier, peut exister sur le marché, indépendamment du contexte réglementaire.

155    Deuxièmement, la requérante soutient que, même si un client demande un service de courrier hybride comprenant toutes les étapes de la chaîne de distribution, cela n’implique pas que la remise traditionnelle d’envois postaux ne peut pas constituer un marché de produits pertinent en tant que tel.

156    À cet égard, contrairement à ce que la requérante sous-entend, la question n’est pas seulement de savoir si la remise traditionnelle d’envois postaux peut ou ne peut pas constituer un marché de services pertinent en tant que tel, mais de savoir si les services de courrier hybride, y compris la remise de ce courrier, constitue un marché en tant que tel.

157    Troisièmement, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante concernant l’exemple de KROS a.s., évoqué par TNT Post Slovensko dans son mémoire en intervention, cette société envisageant, selon cette intervenante, de basculer vers un « service de courrier hybride intégré ». À cet égard, la requérante fait valoir que le marché de remise du courrier traditionnel et celui de remise du courrier hybride ne peuvent pas être distingués, car cela aboutirait à ce que, dans un cas, le service de remise serait couvert par la réserve postale alors que, dans l’autre cas, il le ne serait pas.

158    D’une part, il doit être constaté que cet exemple, cité par TNT Post Slovensko, confirme l’existence d’une demande, par certains acteurs du marché, d’un service de courrier hybride complet ou intégré, à savoir comprenant la phase de remise du courrier. D’autre part, le fait qu’un tel service soit ou ne soit pas couvert par la réserve postale dépend en premier lieu du contexte réglementaire en Slovaquie, et non de la définition du marché retenue par la Commission.

159    Quatrièmement, la requérante soutient que, dans les quelques cas où un client a accepté de souscrire les services de remise des autres opérateurs, que ce soit indépendamment ou conjointement avec des services de courrier hybride, sa décision semble avoir été motivée par les prix réduits facturés par les autres opérateurs pour leurs services de remise. La décision attaquée ne tiendrait pas compte de l’effet des politiques de prix des autres opérateurs sur le comportement versatile des clients, lequel serait d’une importance cruciale aux fins de déterminer le marché pertinent. La requérante soutient, en invoquant la communication sur la définition du marché (paragraphes 13 et 15 à 19), que la substituabilité de la demande sur le marché slovaque s’agissant des services de remise du courrier hybride confirme que, en l’espèce, le service de remise constituait un marché de produits distinct.

160    À cet égard, la requérante s’appuie, d’une part, sur la réponse de Slovak Telekom à la question n° 2 de la demande d’informations de la Commission du 26 mars 2008. Slovak Telekom a indiqué que [confidentiel]. Il convient, toutefois, de rappeler que l’appel d’offres de Slovak Telekom concernait les services de courrier hybride, dont la remise de celui-ci. Il ne peut, dès lors, être tenu pour certain que le commentaire de Slovak Telekom portant sur les conditions financières ne concernait que la remise, la question à laquelle il répondait ayant visé les principales caractéristiques des offres reçues.

161    La requérante s’appuie, d’autre part, sur une déclaration de KROS, dans laquelle celle-ci indiquait son intérêt pour un « service de courrier hybride intégré », incluant le service de remise, offert par TNT Post Slovensko, eu égard essentiellement aux réductions de coût pouvant être réalisées. Il convient de relever que la question posée à cette société portait sur son éventuel intérêt pour un « service de courrier hybride intégré » et qu’elle y a répondu par l’affirmative, en marquant son intérêt pour une utilisation des services de courrier hybride en raison des coûts annuels pour le « postage ». Partant, le fait que KROS a exprimé son intérêt pour un service de courrier hybride intégré, lequel lui coûterait moins cher, n’implique aucunement qu’elle a entendu séparer la remise des autres services dans le cadre du courrier hybride et que le service de remise, en général, devait être considéré comme un marché de services distinct, comme la requérante le soutient.

162    Enfin, il doit être relevé que, au considérant 105 de la décision attaquée, la Commission a pris en considération, afin de distinguer les services de courrier hybride de ceux de courrier traditionnel, l’impact des coûts, lesquels ne sont pas uniquement liés à la phase de remise et, dès lors, n’influencent pas nécessairement uniquement le prix de celle-ci.

163    Au vu de ce qui précède, comme la Commission l’a estimé dans la décision attaquée et ainsi qu’elle le fait valoir, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, il existait, contrairement à ce qu’affirme la requérante, une demande en Slovaquie pour un service de courrier hybride intégré, à savoir un service comprenant la phase de remise.

–       Sur l’offre en Slovaquie

164    La requérante, soutenue par la République slovaque, fait valoir qu’il n’existe pas une offre de service de courrier hybride intégré en Slovaquie, à savoir un service comprenant la phase de remise.

165    En premier lieu, elle relève que TNT Post Slovensko fournit, notamment, des services de préparation du courrier sur une base autonome en Slovaquie, ainsi que cela apparaîtrait sur son site Internet.

166    À cet égard, il convient de constater que l’existence d’une telle offre de services, à la supposer établie, ne permet pas de contredire le fait qu’il puisse exister également une offre de service de courrier hybride intégré. Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, comme la Commission l’a mentionné au considérant 55 de la décision attaquée, TNT Post Slovensko a participé à l’appel d’offres de Slovak Telecom en présentant une offre de services couvrant l’ensemble des services de courrier hybride (voir point 134 ci-dessus).

167    Par ailleurs, il y a lieu de relever, ainsi que la Commission l’a observé lors de l’audience, que, dans le rapport annuel de la requérante de 2007, il était précisé que « [l]e courrier hybride [était] un service de Slovenská pošta par lequel elle fourni[ssai]t des solutions complexes pour le traitement de courriers en nombre » et que « [c]ela consist[ait] en un service complet, allant de la transmission sécurisée des données par le traitement du courrier à la mise à la poste du courrier en vue de sa distribution, en passant par l’impression et la mise sous pli ». Partant, la requérante définit son service de courrier hybride comme un service n’étant pas limité à certaines phases, telle que celle de la préparation du courrier.

168    En deuxième lieu, selon la requérante, les observations des opérateurs alternatifs confirment l’existence d’une différence fondamentale entre le marché en amont des services de préparation du courrier et le marché en aval pour la remise sous forme physique des envois postaux. Slovak Mail Services et Cromwell auraient confirmé que les envois postaux qu’ils ne pouvaient pas remettre, à savoir les cas dans lesquels Slovak Mail Services ne pouvait pas trouver le destinataire par ses propres facteurs, auraient été expédiés à nouveau, pour être remis par le réseau de la requérante (considérant 51 de la décision attaquée). Prvá Doručovacia aurait distribué 30 % de ses envois postaux également au moyen du réseau de la requérante (considérant 52 de la décision attaquée), en utilisant son propre réseau uniquement pour les envois postaux avantageux sur le plan économique, distribués dans des zones ayant une densité de population plus élevée. De plus, les modèles économiques de Slovak Mail Services et de Cromwell auraient confirmé la distinction entre un marché en amont et un marché en aval, dans la mesure où « Cromwell [disposait] de l’équipement pour l’impression [et] Slovak Mail Service [disposait] du réseau pour la distribution d’envois postaux » (considérant 50 de la décision attaquée).

169     Premièrement, il doit être relevé que, si la requérante invoque les considérants 51 et 52 de la décision attaquée afin de soutenir que les opérateurs alternatifs ont utilisé le réseau de la requérante pour la remise physique des envois postaux dans le cadre du courrier hybride, il ressort, toutefois, de ces considérants que tant Slovak Mail Services et Cromwell, conjointement, que Prvá Doručovacia ont utilisé de façon croissante leur propre réseau de distribution à cette fin. La Commission a indiqué également que le réseau de Slovak Mail Services avait couvert 88 % des ménages à la fin de 2007 (considérant 51 de la décision attaquée) et celui de Prvá Doručovacia environ 65 % (considérant 52 de la décision attaquée). De plus, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom a mentionné une couverture du réseau, par Slovak Mail Services et Cromwell, de 91,6 %, en termes de population et s’agissant de la remise, et a déclaré qu’« il exist[ait] une direction claire dans le sens d’une extension du réseau de distribution de Slovak Mail Services, de sorte que la couverture actuelle ne [ferait] que croître ».

170    De plus, TNT Post Slovensko soutient, sans être contredite par la requérante, que son propre réseau de distribution couvrait 98 % du territoire slovaque.

171    Partant, la Commission a pu considérer, à bon droit, que les opérateurs alternatifs offraient un service de courrier hybride intégré en Slovaquie, et pas seulement un service de préparation du courrier. La circonstance que la couverture des réseaux des opérateurs alternatifs n’ait pas été d’ores et déjà totale ne contredit pas cette analyse. De plus, le fait qu’ils disposaient déjà d’un réseau ayant une couverture importante conduit à considérer que, contrairement aux allégations de la requérante, le service qu’ils offraient ne se limitait pas aux routes postales urbaines rentables, en laissant à la requérante les routes ne l’étant pas.

172    Deuxièmement, il convient de relever que, contrairement à ce que la requérante prétend, soutenue, en substance, par la République slovaque, la Commission a mentionné la structure organisationnelle de Slovak Mail Services et de Cromwell dans la décision attaquée (considérants 50 et 51) et elle a, dès lors, effectivement pris en compte celle-ci. À cet égard, le fait que Slovak Mail Services et Cromwell aient coopéré, en raison de leurs activités complémentaires, ainsi que la Commission l’a précisé, confirme leur volonté d’offrir un service de courrier hybride intégré et n’invalide pas l’existence d’une offre de service de courrier hybride intégré.

173    En troisième lieu, la requérante considère que la décision attaquée ne contient aucun fondement permettant d’établir que les opérateurs alternatifs en Slovaquie offraient des services dans le cadre de la remise des envois postaux dans le contexte du courrier hybride qui constitueraient des services de distribution « nouveaux » ou « non traditionnels », au sens de la directive postale et de la pratique décisionnelle de la Commission. Si la Commission mentionne la remise sept jours sur sept et les services de repérage et de suivi (considérants 38 et 97 de la décision attaquée), elle n’aurait pas établi que ces services, à supposer qu’ils aient déjà été fournis, présentaient des caractéristiques différentes de la remise du courrier traditionnel et satisfaisaient, de manière significative, à des besoins différents.

174    Premièrement, la requérante soutient que la Commission a omis d’examiner avec soin et impartialité quels prétendus services à valeur ajoutée étaient fournis par des opérateurs alternatifs en République slovaque et si la remise sept jours sur sept prétendument proposée ainsi que les services de repérage et de suivi avaient une certaine importance pour les clients des services de courrier hybride. Il doit être constaté que, ces griefs de la requérante relevant de l’examen du premier moyen, il y sera répondu lors de celui-ci (voir points 440 à 444, 456 à 460 et 464 ci-après).

175    Deuxièmement, la requérante prétend que le service de repérage et de suivi mentionné dans la décision attaquée ne serait rien d’autre qu’un rapport de remise que le client recevrait lorsque le courrier est remis. La définition de ce service dans la décision attaquée serait fondamentalement différente de la définition des services de repérage et de suivi dans la décision 2001/176/CE de la Commission, du 21 décembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 86 CE relative à la fourniture, en Italie, de nouveaux services postaux de remise garantie à une date ou à une heure prédéterminées (JO 2001, L 63, p. 59, ci-après la « décision Poste Italiane »). Selon la requérante, TNT Post Slovensko ne confirme pas qu’elle offre des services de repérage et de suivi, mais déclare offrir des rapports de remise, faisant valoir, sans étayer son affirmation du moindre élément de preuve, qu’elle fournit à ses clients, pour les envois en nombre, un rapport électronique de remise intégré.

176    La requérante affirmant que la définition du service de repérage et de suivi dans la décision attaquée est fondamentalement différente de celle retenue dans la décision Poste Italiane, il doit être constaté qu’il ne ressort pas de la description, dans cette dernière décision, des services particuliers de remise, à savoir la remise garantie à une date ou à une heure prédéterminée, qu’il s’agissait de services de repérage et de suivi semblables à ceux décrits dans la décision attaquée.

177    Or, la requérante n’apporte aucun élément afin de contredire la définition du service de repérage et de suivi, tel que proposé en Slovaquie, dans la décision attaquée, laquelle ne décrit pas un simple rapport de remise, mais un mécanisme de transmission électronique, d’une part, fournissant, notamment, pour chaque envoi des informations quant à sa remise ou sa non-remise, le moment de sa remise ainsi qu’un suivi en cas de non-remise, et, d’autre part, permettant de connecter, dans toute la mesure du possible, le processus de distribution externe au système interne de traitement des données des utilisateurs du courrier hybride et de les intégrer (considérants 38, 39, 97, 98, 150 et note en bas de page n° 9 de la décision attaquée).

178    Par conséquent, le fait que les services, dans l’une et l’autre des décisions de la Commission, différaient n’implique pas que ceux mentionnés dans la décision attaquée ne constituaient pas des services particuliers dans le cadre des services de courrier hybride en Slovaquie.

179    Par ailleurs, contrairement aux affirmations de la requérante, TNT Post Slovensko n’a pas confirmé qu’elle n’offrait qu’un rapport de remise au sens où la requérante l’entend, dans la mesure où elle a précisé qu’il s’agissait d’un service de repérage et de suivi au sens de la définition dans la décision attaquée.

180    Enfin, il faut souligner que, contrairement à ce que la requérante sous-entend, à supposer que ces rapports, fournis dans le cadre des services de courrier hybride, ne puissent pas servir d’élément de preuve dans le cadre de procédures de réclamation, ni lors de procédures judiciaires, cela ne contredit pas l’affirmation de la Commission selon laquelle ces rapports permettent d’éviter les créances irrécouvrables (considérants 39 et 97 de la décision attaquée). En effet, la Commission a expliqué le lien pouvant être opéré entre le processus de distribution externe et le système interne de traitement des données d’une société (considérant 97 de la décision attaquée). Ce suivi permet, en effet, à une société de s’assurer plus systématiquement de la remise des envois et de repérer ainsi plus rapidement une non-remise du fait d’un changement d’adresse, voire d’une adresse erronée, cela donnant la possibilité de pallier l’accumulation des créances et d’éviter qu’elles ne deviennent, de manière plus probable, irrécouvrables.

181    Troisièmement, la requérante affirme que la décision attaquée ne fournit aucune preuve permettant d’étayer les affirmations selon lesquelles, d’une part, la remise sept jours sur sept constituait un nouveau service, car elle aurait satisfait une demande spécifique, et, d’autre part, les services de remise des opérateurs alternatifs et ceux de la requérante, traditionnels, ne pouvaient pas être interchangeables. La requérante offrirait, dans le cadre du courrier hybride, un service de remise cinq jours sur sept, à un nombre important de clients et pour leur entière satisfaction.

182    Il est certes exact que la décision attaquée mentionne le service de remise sept jours sur sept (considérant 38 de la décision attaquée), sans indiquer toutefois d’éléments particuliers permettant d’étayer le fait qu’il constituait un service existant et satisfaisant une demande spécifique dans le cadre de la remise. Toutefois, il convient de relever que, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom l’a mentionné comme un service additionnel, en le plaçant en troisième position sur les quatre services cités.

183    En tout état de cause, dans la mesure où le service de remise sept jours sur sept apparaît comme étant un élément secondaire, et non essentiel dans l’analyse de la Commission des services additionnels à la remise dans le cadre du courrier hybride, la seule mention de ce service dans la décision attaquée, sans que ladite mention soit étayée par des éléments particuliers, n’est pas de nature à remettre en cause les considérations de la Commission dans la décision attaquée relatives à l’existence, en Slovaquie, d’une offre de service de courrier hybride intégré, allant de la transmission des données à la remise du courrier avec des services additionnels, tels que, à tout le moins, des services de repérage et de suivi.

184    Au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer, que, contrairement aux allégations de la requérante, l’existence d’une offre de service de courrier hybride intégré en Slovaquie, à savoir comprenant la phase de remise, ne saurait être niée.

185    La requérante fait certes valoir que les services de remise d’envois postaux dans le cadre du courrier hybride relèvent du domaine des services de remise du courrier traditionnel physique et qu’ils ont toujours relevé de la réserve postale. La République slovaque considère que, contrairement à l’affirmation de la Commission, le cadre réglementaire des services postaux ne saurait constituer, pour les services fournis dans le cadre du courrier hybride, des barrières réglementaires au sens de la communication sur la définition du marché en cause (paragraphe 42), ni servir de justification à la conclusion selon laquelle tous les services fournis dans le cadre du courrier hybride en Slovaquie sont fournis sur un marché pertinent unique.

186    Cependant, il suffit de constater à cet égard que, indépendamment du contexte réglementaire en Slovaquie avant l’adoption de la mesure étatique litigieuse, il existait une offre, à tout le moins potentielle, de service de courrier hybride intégré, comprenant la phase de remise et n’étant pas limité à la préparation du courrier.

–       Conclusions

187    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, en Slovaquie, notamment avant l’adoption de la mesure étatique en cause, contrairement aux allégations de la requérante, certaines catégories de clients professionnels demandaient un service de courrier hybride intégré et qu’un tel service était offert. Dès lors, l’affirmation de la requérante selon laquelle tous les services de courrier hybride intervenant en amont de la remise physique du courrier postal par elle-même constituaient des services nécessairement distincts de l’étape finale de la remise n’est pas conciliable avec la réalité du marché en Slovaquie, telle qu’elle a été prise en considération, à juste titre, par la Commission dans la décision attaquée.

188    De plus, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les autorités slovaques ont indiqué, dans leur réponse à la lettre de mise en demeure, que le « terme ‘courrier hybride’ sugg[érait] à lui seul qu’il combin[ait] le service postal et d’autres éléments » et que « [l]a subsistance du service postal traditionnel [étai]t la satisfaction de l’exigence de base de l’expéditeur de remettre un envoi postal matériel contenant un message au destinataire, ce qui fai[sai]t également partie du courrier hybride ». La requérante a affirmé également, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, que « le courrier hybride comport[ait] plusieurs activités, [à savoir le] retrait, [la] transmission électronique, [la] création des envois postaux (impression du document, mise sous pli, impression de l’adresse…) et [la] distribution des envois postaux». En outre, la Commission a relevé, dans la décision attaquée, sans être contredite par la requérante, que, dans une lettre du 8 avril 2008, le régulateur postal a précisé que « la distribution de correspondance spécifiée dans la loi comme faisant partie du service réservé [étai]t également incluse dans le processus de service hybride » (considérant 117).

189    Par ailleurs, contrairement aux allégations de la requérante, cette définition du service de courrier hybride, comprenant également la remise du courrier, n’est pas contredite par la définition de l’Union postale universelle, agence spécialisée des Nations unies, laquelle est mentionnée par la Commission dans la décision attaquée (note en bas de page n° 6 de la décision attaquée). À supposer cette définition pertinente en l’espèce, elle n’exclut pas, en effet, la phase de remise du courrier hybride. De plus, il ne peut pas être conclu, contrairement à l’affirmation de la requérante, que, selon cette définition, les opérateurs alternatifs n’offraient pas de véritables services de courrier hybride parce qu’ils n’auraient possédé qu’une seule installation d’imprimerie. Il suffit de constater que, dans ladite définition, il est certes précisé que l’information est généralement transmise par des moyens électroniques pour la plus longue partie possible du processus et reproduite physiquement dans un lieu aussi proche que possible de l’adresse du destinataire. Toutefois, l’emploi de l’adverbe « généralement » implique que cela ne doit pas être nécessairement le cas, ce que la Commission a relevé, au considérant 106 de la décision attaquée, en définissant les marchés pertinents. Par ailleurs, quand bien même il découlerait de cette définition, comme la requérante le soutient, que les services aboutissant à la création de l’envoi postal physique et le service de remise peuvent être fournis par des opérateurs différents, cette définition ne suggère aucunement qu’il ne peut pas exister un service de courrier hybride intégré, comprenant la phase de remise, fourni par un même opérateur et pouvant être qualifié de service de courrier hybride.

190    Enfin, la requérante conteste, dans la réplique, la distinction opérée par la Commission, dans le mémoire en défense, entre les services postaux traditionnels et ceux de courrier hybride. À cet égard, il suffit de constater que, l’argumentation de la requérante ne visant aucun considérant de la décision attaquée, en particulier ceux portant sur la définition des services de courrier hybride, mais remettant en cause des considérations de la Commission dans ses écritures, elle doit être écartée.

191    Par conséquent, la requérante, soutenue par la République slovaque, n’a pas démontré que la réalité du marché en Slovaquie, décrite par la Commission dans la décision attaquée, était erronée, ni que, en raison des caractéristiques spécifiques du courrier hybride décrites dans la décision attaquée, il ne constituait que la simple combinaison de plusieurs éléments de la chaîne de valeur, et non un service en tant que tel.

192    Il doit, dès lors, être conclu que la requérante, soutenue par la République slovaque, n’a pas démontré que, eu égard à la communication postale et à la réalité du marché en Slovaquie, la Commission avait défini de manière erronée, dans la décision attaquée, les marchés de services pertinents.

193    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argumentation de la requérante, soutenue par la République slovaque, concernant la pratique décisionnelle de la Commission et la directive postale.

 Sur la pratique décisionnelle de la Commission et la directive postale

194    La requérante fait valoir que la pratique décisionnelle de la Commission confirme la distinction entre le marché de la préparation du courrier, situé en amont, et celui de la remise physique du courrier, situé en aval. La requérante invoque la décision 2002/344/CE de la Commission, du 23 octobre 2001, relative à l’absence de contrôle exhaustif et indépendant des conditions tarifaires et techniques appliquées par La Poste aux entreprises de routage pour l’accès à ses services réservés (JO 2002, L 120, p. 19, ci-après la « décision La Poste »), ainsi que la décision de la Commission du 20 octobre 2004 sur la législation postale allemande relative aux services de routage et, notamment, à l’accès des intermédiaires pour l’autoprestation et des groupeurs au réseau postal public et aux tarifs spéciaux correspondants (COMP 38.745 – BdKEP/Deutsche Post AG et République fédérale d’Allemagne) (ci-après la « décision BdKEP/Deutsche Post »).

195    De plus, la requérante, soutenue par la République slovaque, fait valoir que, conformément à la directive postale et à la décision Poste Italiane, la Commission aurait dû considérer que la remise d’envois postaux générés dans le cadre du courrier hybride relevait du marché de la remise traditionnelle des envois postaux.

196    En premier lieu, il convient de constater que l’argumentation de la requérante selon laquelle la définition des marchés pertinents en l’espèce contredit certaines décisions antérieures de la Commission ne saurait prospérer.

197    Il y a lieu de rappeler que la Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques, d’autres marchés de produits et de services ou d’autres marchés géographiques à des moments différents. Ainsi, la requérante n’est pas en droit de remettre en cause les constatations de la Commission au motif qu’elles diffèrent de celles faites antérieurement dans une autre affaire, à supposer même que les marchés en cause dans les deux affaires soient similaires, voire identiques (arrêt du 14 décembre 2005, General Electric/Commission, T‑210/01, Rec, EU:T:2005:456, point 118 ; voir arrêt Clearstream/Commission, point 104 supra, EU:T:2009:317, point 55 et jurisprudence citée).

198    De plus, la présente affaire se distingue des circonstances factuelles des affaires invoquées par la requérante. S’il est vrai que, dans certaines décisions, la Commission a examiné des marchés de services dans le secteur postal, l’analyse effectuée dans ces décisions n’est pas nécessairement applicable à d’autres marchés géographiques, dans la mesure où les conditions concurrentielles dans les différents États membres peuvent être fondamentalement différentes. Or, il doit être constaté que la requérante n’a invoqué aucune affaire dans laquelle la Commission aurait examiné les marchés de services de courrier hybride et de services de courrier traditionnel en Slovaquie. La requérante ne saurait donc faire valoir que la Commission se serait écartée de sa pratique décisionnelle antérieure dans la décision attaquée.

199    En tout état de cause, les décisions de la Commission invoquées par la requérante ne permettent pas d’appuyer son argumentation.

200    En effet, il y a lieu de rappeler que, selon la communication sur la définition du marché en cause (paragraphe 2), « [l]a définition du marché permet d’identifier et de définir le périmètre à l’intérieur duquel s’exerce la concurrence entre les entreprises » et qu’« [e]lle permet d’établir le cadre dans lequel la Commission applique la politique de la concurrence ».

201    Ainsi, s’agissant de la décision Poste Italiane, la question portait sur le droit exclusif accordé à Poste Italiane pour la remise des envois créés par des technologies télématiques, celle-ci faisant partie du service de « courrier électronique hybride » (considérant 3 de cette décision). La question posée concernait directement la phase de remise, le texte en cause visant à conférer un droit exclusif à Poste Italiane spécifiquement pour cette phase. Dans ce contexte, la Commission a distingué le marché des remises non traditionnelles, lorsqu’elles présentaient des particularités, à savoir une remise à une date ou à une heure prédéterminée, et le marché des remises traditionnelles (considérant 16). Dès lors, il importe de relever que, bien que la Commission n’ait examiné, dans cette décision, que la phase de remise en raison des circonstances du cas d’espèce, elle a, en tout état de cause, considéré que le marché de remise du courrier hybride, avec des services de remise particuliers, n’appartenait pas au marché de remise du courrier traditionnel.

202    S’agissant des décisions La Poste et BdKEP/Deutsche Post, elles ne portaient pas sur le courrier hybride, mais sur le routage, celui-ci étant défini, dans ces décisions, comme regroupant les opérations s’effectuant en amont de la levée (considérant 55 de la décision La Poste et considérant 16 de la décision BdKEP/Deutsche Post). Dans les deux décisions, certaines dispositions de la législation nationale concernée incitaient La Poste et Deutsche Post à exercer des discriminations à l’encontre de sociétés de routage. La distinction entre les services situés en amont en aval de la levée était donc directement liée à la définition du service de routage et aux dispositions litigieuses. Partant, ces décisions sont dénuées de pertinence en l’espèce et elles ne contredisent en aucune manière l’appréciation de la Commission selon laquelle les services de courrier hybride pouvaient être considérés comme un service intégré, comprenant également la remise, et différent du marché des services de courrier traditionnel.

203    En second lieu, s’agissant de la directive postale, la requérante invoque son considérant 21 et fait valoir que seuls les « nouveaux services (services clairement distincts des services classiques) et l’échange de documents ne font pas partie du service universel » et ne peuvent, en principe, être réservés aux prestataires du service universel. Selon la requérante, la question cruciale aurait dû viser à déterminer si la remise physique d’envois postaux générés dans le contexte du courrier hybride concernait un service non conventionnel et nouveau et si elle devait être distinguée de la remise traditionnelle d’envois postaux. La requérante soutient que, si la Commission avait examiné cette question, elle aurait conclu que la remise d’envois postaux physiques dans le cadre du courrier hybride constituait un service traditionnel (physique) de remise du courrier, lequel aurait toujours été réservé à la requérante.

204    Cette argumentation de la requérante doit être considérée comme étant dénuée de pertinence. Le considérant 21 de la directive postale mentionne les services ne pouvant pas être réservés et, comme le soutient la Commission, l’article 7, paragraphe 1, de la directive postale, à laquelle il convient de se référer concernant les faits de l’espèce, prévoit seulement que les États membres peuvent réserver au prestataire du service universel des aspects particuliers des services postaux, tels que définis à l’article 2, paragraphe 1, de la directive. Dès lors, ces dispositions définissent le champ d’application maximal de la réserve postale, mais elles n’empêchent pas les États membres de ne pas réserver certains des services mentionnés à l’article 7, paragraphe 1, de la directive postale. De plus, il ne découle pas du considérant 21 de la directive postale, ni de son article 7, paragraphe 1, que les services de courrier hybride ne peuvent pas constituer un service intégré et qu’ils ne peuvent pas représenter un marché différent de celui des services de courrier traditionnel.

205    Par ailleurs, contrairement à ce que la République slovaque allègue et comme le soutient la Commission, cette dernière n’a pas affirmé au considérant 123 de la décision attaquée que les dispositions de la directive postale supposaient que la levée et la remise fussent considérées comme des services postaux distincts. Cet argument doit, dès lors, être rejeté, puisqu’il repose sur une lecture erronée de la décision attaquée.

206    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante, soutenue par la République slovaque, n’a pas démontré que, dans la décision attaquée, la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation lors de la définition des marchés de services pertinents et, partant, il convient de rejeter le grief tiré de la définition erronée du marché pertinent, sous réserve de l’examen des griefs indiqués au point 174 ci-dessus et auxquels il sera répondu lors de l’examen du premier moyen (voir point 464 ci-après).

b)     Sur l’absence d’extension d’un monopole vers un marché voisin et sur l’absence de limitation des services situés en aval aux utilisateurs finaux

207    C’est à la lumière des principes rappelés aux points 104 à 106 ci-dessus qu’il convient d’examiner les différents arguments invoqués par la requérante, soutenue par la République slovaque, concernant, tout d’abord, l’absence d’extension d’un monopole vers un marché voisin et, ensuite, l’absence de limitation de services situés en aval aux utilisateurs finaux.

 Sur l’absence d’extension d’un monopole vers un marché voisin

208    La requérante, soutenue par la République slovaque, conteste que la remise physique d’envois postaux dans le cadre du courrier hybride ait été de jure et de facto libéralisée en Slovaquie avant la mise en œuvre de la mesure étatique litigieuse. La remise du courrier hybride aurait, en effet, toujours été couverte par la réserve postale.

209    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, remet en cause le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

210    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les droits exclusifs de la requérante de remettre des objets postaux inférieurs à 50 grammes avaient été étendus (considérants 116 à 148). Elle a estimé que la remise physique d’envois postaux dans le cadre du courrier hybride avait été libéralisée de jure par la loi postale (considérants 120 à 124), ce qui avait été confirmé par l’autorisation générale (considérants 125 à 130) ainsi que par des déclarations et des actes du régulateur postal (considérants 131 à 142), mais aussi par des déclarations d’autres autorités slovaques relatives au projet de modification de l’autorisation générale en 2006 et au projet de modification de la loi postale (considérants 143 à 147). La Commission a également considéré que plusieurs opérateurs en avaient tiré des attentes légitimes, avaient réalisé des investissements et s’étaient engagés dans la prestation de services de courrier hybride, sans que le régulateur postal ait engagé de procédures contre eux pour violation du monopole postal. La Commission a conclu que, à partir de ce moment-là, les services de courrier hybride étaient libéralisés également de facto (considérant 138).

211    Il convient d’examiner l’argumentation de la requérante, soutenue par la République slovaque, contestant ces appréciations de la Commission, au regard de la loi postale et de l’autorisation générale, des applications de ces textes par le régulateur postal et des entrées d’opérateurs sur le marché, ainsi que l’argumentation de la République slovaque en ce qu’elle vise plus précisément les considérations de la Commission relatives à des avis et à des déclarations d’autorités slovaques concernant le projet de modification de la loi postale et de l’autorisation générale.

–       Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard de la loi postale et de l’autorisation générale

212    La requérante s’oppose au constat de la Commission selon lequel la mesure étatique litigieuse a étendu ses droits exclusifs pour la remise des objets postaux inférieurs à 50 grammes afin d’y inclure également les envois postaux générés dans le cadre du courrier hybride. La République slovaque aurait pleinement mis en œuvre la directive postale et, contrairement aux affirmations de la Commission dans la décision attaquée, ni la loi postale slovaque ni l’autorisation générale n’auraient exclu de la réserve postale la remise physique des envois produits dans le cadre du courrier hybride, la remise physique d’envois postaux ayant toujours été réservée à la requérante en vertu de l’article 7 de la loi postale.

213    En premier lieu, la requérante conteste l’interprétation opérée par la Commission de la loi postale. Elle lui reproche de ne pas avoir tenu compte du fait que cette loi devait être interprétée au regard de la directive postale. Or, une interprétation de la loi postale selon laquelle l’activité de remise constitue un service postal, quand bien même elle serait exécutée séparément des autres services postaux, serait conforme à la directive postale.

214    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, bien que la loi postale n’ait pas mentionné les services de courrier hybride, son article 5, paragraphe 2, et son article 7, paragraphe 2, sous a), disposaient que seuls les services consistant à la fois en la levée et en la distribution des envois postaux étaient qualifiés de services postaux et étaient réservés à la requérante. De plus, l’article 23, paragraphe 1, de la loi postale précisait que seuls des contrats portant à la fois sur la levée et la remise étaient des contrats de services postaux (considérant 120). La Commission a estimé qu’« [u]ne interprétation littérale de la loi postale [permettait] ainsi de penser que les services de courrier hybride ne [constituaient] pas des services postaux et [n’étaient] donc pas réservés à Slovenská pošta » (considérant 121). La Commission a, ensuite, écarté l’argument du gouvernement slovaque, lequel avait fait valoir, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, que, dans la droite ligne de la directive postale, la rédaction de la loi postale devait être comprise en ce sens que les services postaux étaient des services consistant en la levée, le tri, l’acheminement et la remise des envois postaux et que, par conséquent, un prestataire de services assurant un ou plusieurs desdits services était un prestataire de services postaux (considérants 122 et 123). La Commission a considéré que les opérations de levée et de remise aux destinataires, même effectuées séparément, étaient des services postaux au sens de la directive postale, mais que cela ne signifiait pas pour autant que la rédaction de la loi postale devait nécessairement être interprétée en ce sens, d’autant plus que sa rédaction laissait à penser le contraire (considérant 123).

215    Il convient d’observer, à titre liminaire, que la loi postale ne mentionnait pas les services de courrier hybride en tant que tels, contrairement à l’autorisation générale.

216    Il y a lieu de relever que l’article 2 de la directive postale définissait les services postaux aux fins de la directive postale, l’article 7 de la directive postale prévoyant que les États membres pouvaient réserver ces services.

217    Dans la loi postale, l’article 2 définissait les services postaux aux fins de ladite loi et précisait qu’ils comprenaient « la levée, le tri, le transport et la remise des envois postaux (article 4) ». Concernant l’argument de la requérante selon lequel, s’agissant de la définition du service postal mentionnée dans la loi postale, les travaux parlementaires montraient clairement que cette définition avait été choisie afin de refléter l’article 2, paragraphe 1, de la directive postale, le passage cité n’est pas produit. Toutefois, il est certes exact que l’article 2 de la loi postale comprenait la même liste de services que l’article 2 de la directive postale. Cependant, cela n’implique pas pour autant que les services de courrier hybride fussent réservés en vertu de l’article 7 de la loi postale, lequel prévoyait l’étendue de la réserve postale en Slovaquie. Pour qu’il en ait été ainsi, les services de courrier hybride devaient, tout d’abord, avoir été considérés comme constituant des services postaux au sens de la loi postale et devaient, ensuite, avoir été réservés en vertu dudit article 7.

218    Par ailleurs, toutes les dispositions pertinentes de la loi postale ne reproduisaient pas des dispositions de la directive postale. En effet, comme la Commission et TNT Post Slovensko l’ont souligné à juste titre, ni l’article 5, paragraphe 2, de la loi postale, relatif à la prestation de services postaux, ni l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale, relatif à la réserve postale, n’étaient des dispositions reprises de la directive postale. En effet, l’article 5, paragraphe 2, de la loi postale ne trouvait pas de correspondance dans la directive postale, puisqu’une définition des prestataires de services postaux n’a été introduite qu’avec la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008, modifiant la directive 97/67 en ce qui concerne l’achèvement du marché intérieur des services postaux de la Communauté (JO L 52, p. 3) [voir l’article 2, paragraphe 1 bis, de la directive postale, telle que modifiée par la directive 2008/6 (ci-après la « directive postale modifiée »)]. Quant à l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale, il définissait l’étendue de la réserve postale, sans reproduire une formulation de la directive postale.

219    Par conséquent, il convient d’interpréter ces différentes dispositions de la loi postale, conformément certes aux dispositions de la directive postale, mais aussi dans leur contexte, qui est celui de la loi postale.

220    Premièrement, selon l’article 5, paragraphe 2, de la loi postale, il y a fourniture de services postaux quand l’activité commerciale est celle de la levée et de la remise de communications et d’envois qui sont des envois postaux au titre de l’article 4 de la loi postale. Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la loi postale, la réserve postale « comprend la levée (collecte) et la distribution d’envois de correspondance ». Il doit, dès lors, être constaté que, dans l’article 2, l’article 5, paragraphe 2, et l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale, il est toujours fait mention à la fois de la collecte et soit de la remise, soit de la distribution.

221    De plus, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2 de la loi postale, les services postaux comportaient la levée, le tri, le transport et la remise des envois postaux. Toutefois, selon l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale, la réserve postale incluait la « levée (collecte) » et la « distribution ». Si, comme la requérante et la République slovaque le soutiennent, il convient d’interpréter l’article 2 de la loi postale à la lumière de l’article 2 de la directive postale, alors il convient de se rapporter à la définition de la distribution donnée par celui-ci. Or, selon l’article 2, paragraphe 5, de la directive postale, la distribution correspond au processus allant du tri au centre de distribution jusqu’à la remise des envois postaux aux destinataires. En d’autres termes, il convient de comprendre l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale en ce sens qu’il prévoyait que l’ensemble des services postaux mentionnés à l’article 2 de la loi postale étaient inclus dans la réserve postale, ce qui tend à conforter l’interprétation de la Commission selon laquelle les quatre services postaux mentionnés à l’article 2 de la loi postale devaient être considérés cumulativement pour définir un service postal au sens de la loi postale. Il convient, en outre, de constater que, dans l’autorisation générale, la définition du service postal confirme qu’un tel service inclut les quatre services mentionnés à l’article 2 de la loi postale (article 1er, paragraphes 2 à 4, de l’autorisation générale).

222    Enfin, il importe de relever, à l’instar de la Commission, que celle-ci a indiqué, au considérant 140 de la décision attaquée, que, dans une résolution du 10 mai 2005, le gouvernement slovaque avait précisé, ce qui n’est contesté ni par la requérante ni par la République slovaque, que « seule une activité économique comportant les quatre étapes [, à savoir la levée, le tri, le transport et la remise des envois postaux] p[ouvai]t être considérée comme un service postal » (résolution n° 376).

223    Dès lors, contrairement à l’affirmation de la République slovaque, il ne découle aucunement de la similitude de l’article 2 de la directive postale et de l’article 2 de la loi postale que la conjonction « et » dans l’article 2 et l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale doit être interprétée comme signifiant « ou ».

224    Deuxièmement, il convient de relever que, afin de définir la fourniture de services postaux, l’article 5, paragraphe 2, de la loi postale fait référence à la levée et à la remise d’envois postaux, lesquels sont définis à l’article 4, paragraphe 1, de la loi postale comme des « communications ou des envois portant une adresse et présentés dans la forme finale sous laquelle ils doivent être remis ».

225    Quant à l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la loi postale, comme la Commission l’a relevé dans la décision attaquée (considérant 120), il précise que la réserve postale « comprend la levée (collecte) et la distribution d’envois de correspondance », lesquels sont des envois postaux selon l’article 4 de la loi postale, définis plus précisément à l’article 4, paragraphe 4, de la loi postale comme étant des communications sous forme écrite sur un support physique quelconque devant être remises à l’adresse indiquée par l’expéditeur sur l’envoi lui-même ou sur son conditionnement.

226    Or, il doit être constaté que, dans le cadre des services de courrier hybride, il n’existe ni un envoi postal ni une communication postale, au sens de la loi postale, qui soient collectés et distribués. Par conséquent, ainsi que la Commission l’a estimé dans la décision attaquée (considérants 120 et 121), la prestation des services de courrier hybride ne pouvait pas constituer une prestation de services postaux au sens de la loi postale (article 5, paragraphe 2, de la loi postale) et les services de courrier hybride ne pouvaient pas constituer des services postaux relevant de la réserve postale (article 7, paragraphe 2, de la loi postale).

227    De plus, contrairement à ce que soutient la requérante, en réponse à l’argumentation de TNT Post Slovensko, la rédaction de l’article 23, paragraphes 1 et 2, de la loi postale, relatif au contrat pour la prestation de services postaux, ne s’appliquait pas non plus aux services de courrier hybride. Il prévoyait que les services postaux devaient être fournis sur la base d’un contrat stipulant que « l’entreprise postale s’oblige[ait] à remettre l’envoi postal levé (collecté) » et que « le contrat [étai]t présumé être conclu lorsque l’envoi postal [étai]t levé (collecté) ». Or, il n’y a pas de collecte d’un envoi postal, au sens de l’article 4 de la loi postale, dans le cadre des services de courrier hybride. L’article 23, paragraphes 1 et 2, de la loi postale confirmait, dès lors, que ces services ne pouvaient pas être qualifiés de service postal au sens de la loi postale.

228    Il découle de ce qui précède que la Commission a pu considérer à juste titre que la loi postale était à tout le moins ambigüe quant à la question de savoir si les services de courrier hybride relevaient ou ne relevaient pas du domaine réservé (considérant 124 de la décision attaquée), dans la mesure où ils ne remplissaient pas, de manière cumulative, les conditions de collecte et de distribution d’un envoi postal fixées par l’article 7, paragraphe 2, sous a), de la loi postale, ni celles de collecte et de remise d’un envoi postal fixées par l’article 5, paragraphe 2, de la loi postale. La requérante et la République slovaque reconnaissent d’ailleurs cette absence de clarté des dispositions pertinentes de la loi postale.

229    En second lieu, la requérante conteste l’interprétation par la Commission de l’autorisation générale. Elle fait valoir que, selon l’article 5, paragraphe 1, de l’autorisation générale, « l’échange de documents et le courrier hybride […] n[’étaient] pas considérés comme des services postaux selon la loi [postale] », dans la mesure où ils ne satisfaisaient pas aux dispositions des articles 2 et 4 de la loi postale. Selon la requérante, ces articles étant relatifs à la définition des envois postaux, l’article 5, paragraphe 1, de l’autorisation générale ne faisait que préciser, en substance, que le « courrier hybride » n’était pas considéré comme un envoi postal au sens de la loi postale. Dans ce contexte, bien qu’il n’ait pas été spécifié ce qu’il y avait lieu de comprendre comme étant le « courrier hybride » au sens de la disposition en cause, cette expression aurait, à l’évidence, uniquement fait référence à la transmission électronique de l’information concernée, et non à la remise physique des envois postaux, après la conversion de cette information en un envoi postal physique.

230    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que « [l]’autorisation générale excluait explicitement le courrier hybride du champ des services postaux dans la mesure où ‘les services de courrier hybride ne [satisfaisaient] pas aux conditions [prévues aux] articles 2 et 4 de la loi [postale] et où la loi [postale] ne les [considérait] pas comme relevant du service postal’ (article 1er, paragraphe 5, de l’autorisation générale) » (considérant 125). Selon la Commission, eu égard à la rédaction ambigüe de la loi postale, l’autorisation générale, laquelle était explicite, avait, plutôt que de la contredire, confirmé l’interprétation de la loi postale selon laquelle les services de courrier hybride ne relevaient pas du domaine réservé (considérant 127). La Commission a considéré que l’autorisation générale, en fonction de l’interprétation de la loi postale retenue, avait soit valablement confirmé explicitement la libéralisation de jure des services de courrier hybride soit libéralisé de jure lesdits services (considérant 130).

231    Premièrement, il convient de constater que, à la différence de la loi postale, l’autorisation générale mentionnait explicitement le service de courrier hybride, à l’article 1er, paragraphe 5. Comme la Commission l’a relevé dans la décision attaquée (considérant 125), cette disposition stipulait qu’il ne remplissait pas les conditions prévues aux articles 2 et 4 de la loi postale et qu’il n’était pas considéré comme un service postal.

232    Contrairement à l’allégation de la requérante, l’autorisation générale ne se limitait pas en cela à considérer que le courrier hybride n’était pas un envoi postal. En effet, l’article 4 de la loi postale contient la définition des envois postaux et l’article 2 de la loi celle des services postaux. Dès lors, cette référence à l’article 2 de la loi postale n’était pas nécessaire s’il s’agissait uniquement de prévoir que le courrier hybride ne constituait pas un envoi postal. Par conséquent, en mentionnant également cet article, l’autorisation générale a exclu que le courrier hybride fût un service postal.

233    De plus, le fait que l’autorisation générale indiquait que le service de courrier hybride ne constituait pas un service postal conforte l’interprétation de la loi postale faite en ce sens par la Commission dans la décision attaquée (voir point 226 ci-dessus).

234    Deuxièmement, comme le soutient la Commission, contrairement à l’allégation de la requérante, soutenue par la République slovaque, rien ne vient confirmer que l’autorisation générale ait fait référence, par cette mention du courrier hybride, à la seule transmission électronique de l’information, et non à cette transmission ainsi qu’à la remise physique des envois postaux, après la conversion de cette information en un envoi postal physique.

235    Si la requérante invoque à cet égard la décision Poste Italiane, il doit être constaté que celle-ci ne comporte aucune définition du courrier hybride. Toutefois, il importe de relever que la Commission a, dans cette décision, indiqué que la remise d’envois de correspondance produits par des technologies « télématiques » faisait partie du service dit de « courrier électronique hybride ».

236    Par ailleurs, la requérante renvoie à l’approche de la Commission dans la communication postale, sans autre précision. Dès lors, il suffit de constater que la Commission n’a pas défini le service de courrier hybride dans celle-ci.

237    Il convient également d’écarter les affirmations de la requérante selon lesquelles une définition du courrier hybride excluant la phase de remise sous forme physique de l’envoi postal une fois celui‑ci créé est conforme à la définition utilisée par l’Union postale universelle et aux affirmations de l’UK Postal authority PostComm (autorité postale du Royaume-Uni). La requérante n’explique pas la raison pour laquelle celles-ci seraient pertinentes en l’espèce. En outre, s’agissant de la définition utilisée par l’Union postale universelle, il a déjà été relevé qu’il ne ressortait pas de celle-ci que le courrier hybride fût limité aux phases précédant celle de la remise de l’envoi postal hybride (point 189 ci-dessus).

238    De surcroît, il convient de rappeler que tant la requérante que la République slovaque ont indiqué, dans leur réponse à la lettre de mise en demeure, que le courrier hybride comportait la phase de remise et, par conséquent, ne se limitait pas aux phases précédant celle-ci (voir point 188 ci-dessus).

239    Enfin, comme le soutient la Commission, cette argumentation de la requérante, laquelle consiste à limiter l’expression « courrier hybride » aux phases précédant la remise des envois postaux créés, aboutit à considérer que l’autorisation générale précisait que les services de préparation du courrier dans le cadre du courrier hybride étaient exclus des services postaux en vertu de la loi postale sans que cette exclusion pût être mise en doute, ce dont la requérante et la République slovaque conviennent.

240    Troisièmement, comme la Commission le fait valoir, l’interprétation selon laquelle l’autorisation générale visait le courrier hybride, en y incluant la phase de remise des envois postaux générés, est confirmée par la tentative avortée de modifier l’autorisation générale en 2006.

241    Ainsi que la Commission l’a indiqué aux considérants 7 à 12 de la décision attaquée, le régulateur postal avait publié, en septembre 2006, une proposition de modification de l’article 1er, paragraphe 5, de l’autorisation générale en vertu de laquelle les services de courrier hybride étaient considérés comme un service postal.

242    Le régulateur postal a, ensuite, abandonné cette proposition et a renvoyé, dans sa lettre adressée à TNT Post Slovensko afin de l’en informer, aux observations de celle-ci (considérants 10 et 11 de la décision attaquée). Or, TNT Post Slovensko avait soutenu que, dans le cadre du courrier hybride, il n’existait pas de collecte d’un envoi postal, au sens de la loi postale, et avait précisé que le prestataire, après avoir généré l’envoi postal, sous sa forme physique, le remettait au destinataire (considérant 10). Ni la requérante ni la République slovaque ne contestent que TNT Post Slovensko a présenté une telle argumentation, mentionnée dans la décision attaquée. Si la République slovaque soutient que rien n’indique que le régulateur postal était d’accord avec toutes les observations de TNT Post Slovensko, il n’en demeure pas moins que, ainsi que TNT Post Slovensko le fait valoir, le régulateur postal l’a « inform[é] que [se]s observations [avaie]nt été prises en compte et que l’article 1er, paragraphe 5, avait été supprimé de la modification de l’autorisation générale ».

243    Par ailleurs, comme la Commission le soutient, même en acceptant la thèse de la requérante selon laquelle les différentes phases des services de courrier hybride devaient être examinées séparément, il doit être considéré que la proposition de modification de l’autorisation générale en 2006 n’avait de sens que si elle devait définir la remise du courrier comme étant un service postal. Elle ne pouvait pas se rapporter uniquement à la transmission électronique de données, puisqu’il n’est nullement contesté que celle-ci était exclue, en vertu de la loi postale, de la définition des envois postaux et de celle des services postaux, ce dont la requérante et la République slovaque conviennent.

244    Or, la requérante ne précise pas ce que recouvrait la mention du courrier hybride dans la proposition de modification de l’autorisation générale en 2006. Si elle se référait à l’ensemble des phases du courrier hybride et, en tout état de cause, à tout le moins nécessairement à la phase de remise (voir point 243 ci-dessus), ni la requérante ni la République slovaque n’expliquent comment la même expression aurait pu revêtir deux significations, l’une dans le texte d’origine et l’autre dans la proposition de modification, sans que le régulateur postal eût précisé que la définition du courrier hybride n’était plus la même.

245    Dès lors, l’argumentation de la requérante selon laquelle la proposition de modification aurait eu pour seul effet de changer la qualification des services de courrier hybride est intrinsèquement contradictoire. Si la définition du courrier hybride était identique dans l’autorisation générale et dans la proposition de modification de celle-ci, le courrier hybride, tel que la requérante le définit, à savoir comme ne comprenant que les phases précédant la remise, ne pouvait pas ne pas être un service postal, puis en être un, dans la mesure où il n’aurait pas existé, ni en 2004 ni en 2006, d’envoi postal collecté au sens de la loi postale.

246    Il convient d’ajouter que la République slovaque soutient que la suppression de la mention du courrier hybride dans l’autorisation générale modifiée était simplement liée au fait que, comme celui-ci ne correspondait qu’aux services fournis avant la création de l’envoi postal, il ne s’agissait pas de services postaux et ils ne devaient pas être inclus dans l’autorisation générale. Or, cela confirme que la mention du courrier hybride dans la proposition de modification de l’autorisation générale en 2006 ne pouvait pas viser cette seule phase et que, dès lors, elle concernait également la phase de remise. De plus, en suivant l’argumentation de la République slovaque, elle ne pouvait pas concerner seulement la phase de remise, puisque la République slovaque soutient que cette phase était réservée et que l’autorisation générale ne concerne pas les services postaux réservés.

247    Partant, il convient de considérer que l’argumentation de la requérante, soutenue par la République slovaque, ne permet pas de contredire l’interprétation de la Commission selon laquelle le libellé de l’autorisation générale visait l’ensemble des phases du courrier hybride, y compris la phase de remise (voir point 234 ci-dessus), et que, en vertu de l’autorisation générale, les services de courrier hybride, y compris la remise du courrier, n’étaient pas considérés comme un service postal.

248    Par conséquent, comme la Commission l’a estimé dans la décision attaquée (considérant 127), l’autorisation générale, en ce qu’elle excluait le service de courrier hybride, dans son ensemble, des services postaux et, de ce fait, nécessairement de la réserve postale, confirmait l’interprétation de la loi postale selon laquelle les services de courrier hybride, y compris la remise du courrier, ne relevaient pas du domaine réservé (voir point 228 ci-dessus).

249    Il en découle que, comme la Commission l’a considéré dans la décision attaquée (considérant 130), l’autorisation générale a confirmé, de manière explicite, la libéralisation de jure des services de courrier hybride.

250    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argumentation de la requérante relative à la nature de l’autorisation générale.

251    Comme la requérante le fait valoir à bon droit, en reprenant l’argumentation de la République slovaque, aux termes de l’article 14 de la loi postale, « l’autorisation générale est une décision fixant des conditions générales en vue de la fourniture, sur le marché, des services postaux qui ne font pas l’objet de la réserve postale ». Il doit être rappelé que l’autorisation générale mentionnait le courrier hybride en indiquant qu’il ne répondait pas aux conditions prévues par la loi postale et confirmait ainsi, par ce renvoi, qu’il était exclu des services postaux et, de ce fait, des services réservés (voir point 248 ci-dessus). Dès lors, le courrier hybride ne relevait pas de la réserve postale, en raison des dispositions mêmes de la loi postale.

252    Dans ces circonstances, il convient de considérer que, si la requérante soutient à juste titre que l’autorisation générale n’a pas libéralisé de jure les services de courrier hybride, il doit être considéré que l’autorisation générale a confirmé cette libéralisation de jure par la loi postale, comme la Commission l’a estimé au considérant 130 de la décision attaquée.

–       Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard des applications de la loi postale et de l’autorisation générale donnée par le régulateur postal

253    La requérante, soutenue par la République slovaque, conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle les applications de la loi postale et de l’autorisation générale par le régulateur postal ont confirmé la libéralisation de jure des services de courrier hybride, y compris de la remise.

254    En premier lieu, la requérante soutient, en citant un extrait de la lettre du régulateur postal, du 22 mars 2005, à Prvá Doručovacia (ci-après la « lettre du 22 mars 2005 »), mentionnée dans la décision attaquée, que ladite lettre était conforme à l’approche selon laquelle la définition du courrier hybride excluait la phase de remise physique de l’envoi postal. De plus, la requérante, soutenue par la République slovaque, fait valoir que cette lettre a souligné que la réserve postale aurait été violée si l’envoi postal avait déjà été créé. Selon la requérante, le point essentiel est que ladite lettre ne traitait pas de la question de la remise finale, sous forme physique, au destinataire des envois postaux créés.

255    Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que le régulateur postal, notamment dans la lettre du 22 mars 2005, avait confirmé son interprétation de la loi postale et de l’autorisation générale (considérants 131 à 132). Elle a estimé qu’il s’était attaché aux aspects de la distribution des services de courrier hybride et avait déclaré que la remise de tels envois n’appartenait pas au domaine réservé (considérants 132 à 134).

256    L’argumentation de la requérante, soutenue par la République slovaque, doit être rejetée.

257    Premièrement, la circonstance que le régulateur postal avait été appelé à décider si la remise de courrier hybride relevait du domaine réservé ressortait déjà de l’introduction de cette lettre, laquelle se lisait comme suit :

« Vous avez sollicité notre avis sur le service de courrier hybride fourni par l’entreprise de distribution et sur sa relation avec […] les services réservés. »

258    De plus, dans la décision attaquée (considérant 134), la Commission a indiqué, ce qui n’est pas contesté par la requérante ni par la République slovaque, que « l’objectif de la lettre du 8 mars 2005 de [Prvá Doručovacia] était précisément de demander des précisions sur ‘l’interprétation du statut légal et de la validité du domaine postal réservé’ par rapport à son activité commerciale, décrite en ces termes : ‘[l]es envois ne sont pas remis à la société de distribution sous une forme complètement achevée et elle doit procéder à un traitement avant la distribution par la mise sous pli, l’adressage, le pré-tri’ ».

259    Dès lors, il y a lieu de constater que, contrairement à l’affirmation de la République slovaque, le régulateur postal pouvait supposer que Prvá Doručovacia avait l’intention de distribuer elle-même les envois imprimés au destinataire final ou, à tout le moins, rien n’indiquait que Prvá Doručovacia n’allait pas y procéder elle-même. À supposer établi le fait que Prvá Doručovacia n’était plus enregistrée comme ayant une activité de remise d’envois postaux, il n’infirme pas cette appréciation, dans la mesure où Prvá Doručovacia pouvait souhaiter interroger le régulateur postal en vue de développer une telle activité. Enfin, il convient d’écarter l’argument de la République slovaque selon lequel il pouvait être supposé que la remise serait accomplie par la requérante, car cette phase lui était réservée en vertu de l’article 7 de la loi postale. L’objet de la question soumise au régulateur postal était, en effet, précisément d’obtenir des informations de sa part quant à l’étendue de la réserve postale (voir point 257 ci-dessus).

260    Partant, dans ce contexte, la lettre de Prvá Doručovacia visait, contrairement à l’affirmation de la requérante, soutenue par la République slovaque, la question de la remise finale, sous forme physique, au destinataire des envois postaux créés et l’extrait de la lettre du 22 mars 2005, cité par la requérante, ne suggère pas que la référence au courrier hybride visait seulement la transmission d’informations électroniques.

261    Deuxièmement, le régulateur postal n’a pas indiqué que, en toutes circonstances, la remise des envois dans le cadre du courrier hybride relevait de la réserve postale. En effet, dans le contexte de la question posée et selon l’extrait de la lettre du 22 mars 2005, cité par la requérante, le régulateur postal a précisé que, si l’envoi lui était remis sous forme électronique et qu’elle le transformait sous forme papier, il ne remplissait pas les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 4, de la loi postale sur la correspondance ni la disposition liée, à savoir l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale sur la levée et la distribution de la correspondance. Le régulateur postal a ajouté que le service postal fourni de cette manière ne faisait pas l’objet de la réserve postale (considérant 6 de la décision attaquée).

262    Partant, cette appréciation du régulateur postal confirme celle de la Commission selon laquelle le courrier hybride, de la transmission à la remise, ne remplissait pas les conditions prévues par ces dispositions de la loi postale, mentionnées au point 261 ci-dessus, parce qu’il n’existait pas d’envoi postal collecté, au sens de la loi postale, avant la distribution et que, dès lors, les services de courrier hybride n’entraient pas dans le domaine réservé.

263    La seconde partie de la réponse du régulateur postal conforte également cette analyse. En effet, il a expliqué que, si l’envoi postal hybride physique avait déjà été élaboré par une société pour le compte de l’expéditeur et que la société de distribution le recevait ainsi, les conditions prévues à l’article 4, paragraphe 4, de la loi postale et l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale étaient remplies. À cet égard, il convient de relever que la requérante modifie le sens de la réponse du régulateur postal, en omettant de citer la partie de celle-ci précisant que la situation concernée est celle dans laquelle l’envoi sous forme papier a été antérieurement transformé par une autre personne à la demande de l’expéditeur avant d’être remis à la société de distribution (considérant 6 de la décision attaquée). Dans ce cas, l’envoi postal ayant été créé avant que la société de distribution ne le reçoive, le régulateur postal a, de manière logique, considéré que la société de distribution collectait alors, au sens de la loi postale, un envoi postal hybride physique et, dès lors, que les deux conditions prévues à l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale tenant à la collecte et à la distribution d’un envoi postal étaient remplies.

264    En revanche, contrairement aux affirmations de la République slovaque, il ressort bien de la lettre du 22 mars 2005, telle que citée dans la décision attaquée, que, si le futur envoi postal était directement transmis sous forme électronique de l’expéditeur à la société de distribution, les services fournis dans le cadre du courrier hybride, y compris la remise du courrier, ne relevaient pas de la réserve postale au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale (considérant 6 de la décision attaquée).

265    Partant, il ressort de la lettre du 22 mars 2005 que les conditions prévues à l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale tenant à la collecte et à la distribution d’un envoi postal étaient effectivement considérées comme étant cumulatives par le régulateur postal.

266    En deuxième lieu, la requérante, soutenue par la République slovaque, fait valoir que ni la décision du régulateur postal du 25 septembre 2007 ayant rejeté la plainte de la requérante à l’encontre de Direct Marketing a.s. (ci-après la « décision du 25 septembre 2007 »), ni la décision du président de l’autorité de régulation postale du 22 janvier 2008 d’annuler cette décision (ci-après la « décision du 22 janvier 2008 ») n’ont confirmé que la remise de courrier hybride ne faisait pas partie du domaine réservé au titre de l’article 7 de la loi postale, ainsi que la Commission le prétendrait. La décision du 25 septembre 2007 aurait seulement confirmé, en des termes généraux, que la remise de courrier par Direct Marketing, par ses propres moyens, ne relevait pas de la réserve postale si les conditions prévues à l’article 23 de la loi postale n’étaient pas remplies, en l’occurrence s’il n’y avait pas de contrat entre l’entreprise postale et l’expéditeur pour la fourniture des services postaux, tel que définis à l’article 2 de la loi postale.

267    Dans la décision attaquée (considérants 15 et 16), la Commission a indiqué que la décision du 25 septembre 2007 avait rejeté la plainte de la requérante à l’encontre de Direct Marketing, société mère de Prvá Doručovacia. Selon la Commission, Direct Marketing recevait par voie électronique la correspondance d’UniCredit Bank Slovakia et d’ABB Bank, l’imprimait et la confiait pour distribution à Prvá Doručovacia. La Commission a relevé que, dans la décision du 25 septembre 2007, le régulateur postal avait explicitement affirmé qu’une telle activité, laquelle incluait la remise d’envois postaux, mais non leur collecte, ne relevait pas du domaine réservé et n’était donc pas couverte par le droit exclusif de la requérante (considérant 136).

268    Il importe de relever que, dans la décision du 25 septembre 2007, le régulateur postal a, tout d’abord, précisé que, selon la loi postale, il n’existait pas d’obligation dépourvue d’ambiguïté imposant la remise du courrier seulement par le réseau du prestataire du service universel.

269    De plus, il doit être constaté que la requérante reconnaît que la décision du 25 septembre 2007 a indiqué, de manière explicite, qu’une activité comprenant la remise, mais non la collecte du courrier, ne relevait pas du domaine réservé et que, pour cette raison, cette activité n’était pas couverte par ses droits exclusifs, comme cela est indiqué au considérant 136 de la décision attaquée.

270    Il importe également de relever que, dans cette décision, le régulateur postal a ajouté que, « [s]elon l’article 5 de la loi postale, un service postal était fourni seulement si une entreprise accomplissait la collecte et la distribution du courrier (objet physique/matériel au sens de l’article 4 [de la loi postale]) » (considérant 16 de la décision attaquée).

271    Partant, contrairement aux affirmations de la requérante, dans la décision du 25 septembre 2007, le régulateur postal n’a pas seulement confirmé, en des termes généraux, que la remise de courrier par les moyens propres de Direct Marketing ne relevait pas de la réserve postale si les critères prévus à l’article 23 de la loi postale n’étaient pas satisfaits. Il a clairement indiqué que, comme la Commission l’a estimé dans la décision attaquée, les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 2, de la loi postale, à savoir la collecte et la remise d’un envoi postal physique, étaient cumulatives afin de définir la prestation d’un service postal. Cela implique que les conditions de collecte et de distribution prévues à l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale sont également cumulatives, puisqu’un service ne peut être réservé que s’il s’agit d’un service postal, ce qui confirme l’appréciation de la Commission à cet égard dans la décision attaquée (considérant 129) (voir également point 226 ci-dessus).

272    Il est certes exact que, comme la requérante le fait valoir, soutenue par la République slovaque, et comme la Commission l’a relevé dans la décision attaquée (considérants 21 et 137), la décision du 25 septembre 2007 a été annulée par la décision du 22 janvier 2008. Ainsi que la requérante le précise, la décision d’annuler la décision du 25 septembre 2007 a été motivée par le fait que le régulateur postal n’avait pas établi de façon suffisamment claire que Direct Marketing, PARCO, s.r.o. et UniCredit Bank Slovakia n’avaient pas accompli d’activités répondant aux critères prévus à l’article 2 de la loi postale et qu’aucun contrat n’avait été conclu au sens de l’article 23 de la loi postale et que, partant, il n’y avait pas eu de collecte et de distribution d’envois postaux couverts par la réserve postale en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale.

273    À cet égard, il doit être constaté que la requérante ne soutient pas que la décision du 22 janvier 2008 ait remis en cause l’affirmation du régulateur postal, formulée dans la décision du 25 septembre 2007, selon laquelle, « en vertu de l’article 5 de la loi postale, un service postal est fourni seulement si une entreprise accomplit la collecte et la distribution d’un courrier (objet matériel au sens de l’article 4 [de la loi postale] » (considérant 16 de la décision attaquée). La décision du 22 janvier 2008 citait d’ailleurs les deux conditions prévues à l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale. Par conséquent, la décision du 22 janvier 2008 n’infirmant pas le caractère cumulatif des conditions prévues à l’article 5, paragraphe 2, de la loi postale et, partant, à l’article 7, paragraphe 2, de la même loi (voir point 271 ci-dessus), contrairement à l’affirmation de la République slovaque, l’annulation de la décision du 25 septembre 2007 ne suffit pas à enlever toute pertinence à cette dernière.

274    En tout état de cause, la décision du 22 janvier 2008 doit être replacée dans son contexte. Entre la date de la décision initiale, le 25 septembre 2007, et celle de la décision d’annulation, le 22 janvier 2008, des parlementaires avaient proposé, le 8 novembre 2007, de réserver la remise du courrier hybride à la requérante (considérant 18 de la décision attaquée), ce qui a abouti à la modification de la loi postale et à la mesure étatique en cause (voir point 10 ci-dessus). De ce fait, la Commission n’a pas commis d’erreur, au considérant 137 de la décision attaquée, lorsqu’elle a considéré que « cette annulation n’[avait] été prononcée qu’à partir du moment où il [était] devenu manifeste qu’il existait une volonté politique de modifier la loi postale afin de qualifier le courrier hybride de service postal et ainsi de l’inclure dans le domaine réservé ».

275    En outre, le régulateur postal avait publié, le 30 novembre 2007, une déclaration intitulée « Opinion sur le courrier hybride », laquelle est mentionnée au considérant 20 de la décision attaquée. Dans celle-ci, il était mentionné que, « dans sa phase entre la création d’un envoi postal jusqu’à sa remise, le courrier hybride [était] un service postal [et que le régulateur postal examinerait] les activités des prestataires de services se rapportant au courrier hybride au sens de la présente opinion à compter de la date de sa publication le 30 novembre 2007 ». Comme l’a indiqué la Commission (considérant 137 de la décision attaquée), et contrairement à l’affirmation de la requérante, il en découle que le régulateur postal considérait qu’il y avait un changement dans l’interprétation de la réglementation concernée.

276    Par conséquent, contrairement à l’allégation de la requérante, dans un tel contexte, cet avis de novembre 2007 et la décision du 28 janvier 2008 n’apparaissent pas, de manière évidente, comme une simple clarification de ce que la remise physique du courrier hybride était couverte par la réserve postale.

277    En troisième lieu, dans la réplique, la requérante conteste la pertinence du rapport de contrôle du 10 mars 2006 du régulateur postal (ci-après le « rapport de contrôle du 10 mars 2006 »).

278    L’argumentation de la requérante est inopérante dans la mesure où la Commission ne s’est pas fondée sur ledit rapport de contrôle afin de conclure à une extension des droits exclusifs de la requérante, lesquels lui étaient accordés pour la distribution du courrier de moins de 50 grammes, à l’activité de remise du courrier hybride. Elle est, en tout état de cause, non fondée.

279    Premièrement, la requérante, soutenue par la République slovaque, prétend qu’il est important de noter que les rapports de contrôle du régulateur postal n’ont pas la nature d’une décision administrative contraignante et ne sont ni publiés ni susceptibles de recours. Un rapport de contrôle constituerait un procès-verbal établi par un organe public et contenant les constatations de fait auxquels celui-ci serait parvenu dans le cadre d’une inspection ou d’un contrôle. Une décision administrative ne serait adoptée et publiée par le régulateur postal que dans les cas dans lesquels une amende ou une autre mesure coercitive doit être imposée. Par conséquent, le rapport de contrôle du 10 mars 2006, adressé à Prvá Doručovacia, n’aurait pas pu être considéré comme fournissant une interprétation contraignante des dispositions de la loi postale, comme la Commission et TNT Post Slovensko le suggéreraient.

280    Concernant la valeur juridique du rapport de contrôle du 10 mars 2006, il convient de constater l’existence d’une divergence de vues entre, d’une part, la requérante, soutenue par la République slovaque, et, d’autre part, TNT Post Slovensko quant au point de savoir s’il s’agit d’une mesure administrative, susceptible de recours. En tout état de cause, la requérante, soutenue par la République slovaque, et la Commission conviennent que la procédure des rapports de contrôle est régie par la loi n° 10/1996 relative au contrôle dans l’administration et qu’un rapport de contrôle est adopté sur la base de l’article 13 de cette loi.

281    La requérante indique en substance qu’un rapport de contrôle remplace une décision, infligeant une amende, lorsqu’aucune violation de la loi postale n’a été constatée. Partant, comme la Commission le relève, ainsi que TNT Post Slovensko, il est incontestable qu’un rapport de contrôle est un document officiel établi par l’autorité publique chargée d’appliquer la loi postale, ainsi que l’autorisation générale, et que, à ce titre, il fournit une interprétation de la loi postale. Dès lors, comme la Commission le soutient, il doit être considéré que les rapports de contrôle établis par le régulateur postal sont effectivement pertinents aux fins de l’examen de la question de la libéralisation des services de courrier hybride.

282    Deuxièmement, la requérante soutient que, contrairement aux affirmations de la Commission, le rapport de contrôle du 10 mars 2006 n’a pas déclaré que la fourniture de services de courrier hybride, incluant l’étape de remise, ne relevait pas du domaine réservé. Il aurait uniquement confirmé que le régulateur postal n’avait trouvé aucune preuve d’un manquement à la loi postale par Prvá Doručovacia.

283    Il convient de relever, tout d’abord, que la Commission n’a pas mentionné ce rapport dans la décision attaquée. Prvá Doručovacia l’ayant communiqué à la Commission, dans sa réponse à la demande de renseignements de la Commission du 7 août 2008, la requérante a eu accès à cette réponse dans l’exposé des faits et a joint à la requête une copie de celle-ci.

284    Il convient de relever, ensuite, à l’instar de la Commission, que, dans le rapport de contrôle du 10 mars 2006, le régulateur postal a résumé ses conclusions à la suite d’une inspection des activités de Prvá Doručovacia les 23 février et 8 mars 2006. L’inspection concernait des services fournis, en décembre 2005, par Prvá Doručovacia à Credit Suisse Life Pensions, d.s.s., lesquels services comprenaient la transmission électronique de contenu à Prvá Doručovacia, qui l’imprimait puis le distribuait aux destinataires par le biais, en partie, de son propre réseau ainsi que, en partie, de celui de la requérante. Le rapport de contrôle du 10 mars 2006 indiquait qu’il s’agissait de services comparables à un service de courrier hybride et que, en tant que tels, ils ne constituaient pas un service postal au sens de l’article 2 de la loi postale et de l’article 1er, paragraphe 5, de l’autorisation générale. Il ajoutait que P rvá Doručovacia ne fournissait pas de services reposant sur la levée, le transport et la remise d’envois considérés comme des envois postaux au sens de l’article 4 de la loi postale ou d’envois dont les caractéristiques faisaient qu’ils violaient les conditions visées par la réserve postale prévues à l’article 7 de la loi postale. Il en tirait la conclusion que Prvá Doručovacia n’avait pas mené d’activités commerciales remplissant les conditions de l’article 7 de la loi postale et que le contrôle n’avait donné lieu à aucune constatation de violation de la loi postale.

285    Partant, contrairement à l’affirmation de la requérante, il doit être considéré que, dans le rapport de contrôle du 10 mars 2006, le régulateur postal a déclaré que la fourniture de services de courrier hybride, incluant l’étape de remise, ne relevait pas du domaine réservé. Il a ainsi confirmé son interprétation de la loi postale contenue dans la lettre du 25 mars 2005 (voir point 264 ci-dessus), qu’il confirmera à nouveau dans la lettre du 25 septembre 2007 (voir point 271 ci-dessus).

286    Troisièmement, la requérante fait valoir que, lorsqu’une plainte concernant des services de courrier hybride et la violation possible de la réserve postale était déposée, le régulateur postal avait mené des enquêtes, lesquelles auraient porté sur des entreprises fournissant des services de courrier hybride, telles que Prvá Doručovacia. Selon la requérante, tel n’aurait pas été le cas s’il avait existé, comme Cromwell e.a. le suggèrent, une interprétation cohérente de la loi postale et de l’autorisation générale confirmant que les services de courrier hybride, y compris la remise du courrier, ne relevaient pas du domaine réservé. Le régulateur postal aurait estimé, sans nul doute possible, que les services de courrier hybride, incluant la remise physique d’envois postaux, violaient l’article 7 de la loi postale.

287    À cet égard, il convient de relever que, selon l’argumentation de la requérante, soutenue par la République slovaque, une violation de la réglementation n’est constatée que par l’intervention d’une décision du régulateur postal, l’article 13, paragraphe 7, de la loi n° 10/1996 auquel la République slovaque fait référence indiquant que « [s]i le contrôle n’a révélé aucune violation de dispositions légales ou de règles internationales, un rapport de contrôle est établi ». Or, il doit être constaté, du fait de l’existence du rapport de contrôle du 10 mars 2006, que le régulateur postal a nécessairement considéré que Prvá Doručovacia n’avait pas violé la réglementation postale, puisqu’un rapport a été établi, et non qu’une décision a été prise.

288    De surcroît, la Commission et Cromwell e.a. font valoir que, à la suite de la lettre du 25 mars 2005, Prvá Doručovacia a commencé à proposer un service de courrier hybride incluant la remise du courrier par son propre réseau. Or, si, comme la Commission le relève, les activités de Prvá Doručovacia ont engendré plusieurs plaintes de la requérante, ayant, à leur tour, donné lieu à un certain nombre d’inspections, par le régulateur postal, concernant les activités de Prvá Doručovacia, il doit être constaté que celui-ci a, à plusieurs reprises, explicitement confirmé que tous les aspects du courrier hybride, y compris la phase de remise du courrier, ne relevaient pas du domaine réservé.

289    Une telle appréciation du régulateur postal ressort non seulement du rapport de contrôle du 10 mars 2006, mais également d’un rapport de contrôle antérieur, du 6 octobre 2005, concernant les activités de Prvá Doručovacia, dans lequel le régulateur postal a considéré que « [l]es services fournis [étaient] des services de courrier hybride et [que,] en tant que tels, ils ne [constituaient] pas des services postaux, conformément à l’article 2 [de la loi postale] et à l’article 1er, paragraphe 5, de l’autorisation générale ». Elle ressort également d’un rapport de contrôle ultérieur du 23 mars 2007 concernant les activités de Prvá Doručovacia, dans lequel il a été conclu que « la distribution d’envois postaux en tant que partie d’un autre service ne [constituait] pas un service postal au sens de l’article 2 de la loi [postale] ».

290    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant, au considérant 131 de la décision attaquée, qu’un certain nombre de déclarations du régulateur postal avaient confirmé que les services de courrier hybride, incluant la phase de remise du courrier, avaient été libéralisés avant la modification de la loi postale.

–       Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard des avis et des déclarations des autorités slovaques concernant le projet de modification de la loi postale et de l’autorisation générale

291    La République slovaque évoque différents avis d’autorités slovaques. En premier lieu, elle souligne que l’avis de l’office de lutte contre les monopoles, mentionné aux considérants 9 et 44 de la décision attaquée, a été adopté eu égard à la proposition de modification de l’autorisation générale en 2006 (voir point 241 ci-dessus). La République slovaque rappelle que, dans le cas des services fournis lors de la phase au cours de laquelle il n’existait pas encore d’envoi postal, une telle modification de l’autorisation générale aurait été réellement en contradiction avec la loi postale. Dans son avis, l’office de lutte contre les monopoles se serait contenté d’affirmer que le courrier hybride, dans son ensemble, ne saurait être défini comme un service postal, sans s’exprimer, de manière spécifique, sur la phase de remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride.

292    Dans la décision attaquée, la Commission a indiqué que l’office de lutte contre les monopoles avait considéré que le projet de modification de l’autorisation générale en 2006 aurait violé la loi postale et le droit de l’Union, expliquant que, en qualifiant le courrier hybride de service postal, l’autorisation générale modifiée aurait alors élargi le champ d’application de la loi postale, en particulier ses articles 2 et 4 (considérants 9 et 144).

293    Il doit être constaté que la requérante ne remet pas en cause cette affirmation. De plus, il convient de relever que la République slovaque affirme que, selon l’office de lutte contre les monopoles, la mention du courrier hybride dans le projet de modification de l’autorisation générale de 2006 visait le courrier hybride dans son ensemble. Cela confirme qu’il n’y avait pas de raison d’exclure le fait que la référence au courrier hybride dans l’autorisation générale visait également le courrier hybride dans son ensemble (voir point 247 ci-dessus).

294    En second lieu, selon la République slovaque, les avis du service de rapprochement du droit et du conseil législatif du gouvernement slovaque (ci-après le « conseil législatif ») ne représentaient qu’une partie des opinions exprimées dans le cadre du processus législatif. L’opinion contraire, selon laquelle l’adoption de la modification de la loi postale n’aurait pas abouti à une violation des dispositions du droit de l’Union, aurait été défendue par des organes directement chargés de la régulation du marché des services postaux. Or, la Commission aurait accordé davantage d’importance aux positions de certains organes de la République slovaque, qui s’étaient exprimés dans le cadre du processus législatif, avant l’adoption de la modification de la loi postale, qu’à celles d’autres organes. De plus, l’avis du conseil législatif aurait clairement démontré l’intention de la République slovaque de formuler l’article 2 de la loi postale conformément aux dispositions correspondantes de la directive postale. La Commission aurait méconnu cette partie de cet avis lorsque, au considérant 123 de la décision attaquée, elle a affirmé que la définition du service postal, figurant dans la loi postale, ne devait pas nécessairement être interprétée au sens de la directive postale, en conséquence de quoi elle l’aurait interprétée en s’écartant des dispositions de la directive postale, substituant ainsi ses propres considérations à la volonté du législateur slovaque.

295    Dans la décision attaquée, la Commission a relevé que des organismes publics tels que le service de rapprochement du droit, dans son opinion du 3 janvier 2008 (considérants 23 et 145), et le conseil législatif, dans son avis du 30 janvier 2008 (considérants 24 et 146), avaient considéré que, du fait du changement introduit par la proposition de modification de la loi postale, « l’étendue de la réserve postale et la fourniture de services postaux seraient élargies ».

296    Il convient de relever que, si la République slovaque conteste ces considérations, la requérante ne les remet pas en cause.

297    Il y a lieu de constater tout d’abord que, comme le souligne la Commission, l’argument de la République slovaque selon lequel la Commission s’est fourvoyée en accordant davantage de poids à l’avis de certaines autorités publiques qu’à celui d’autres autorités publiques, prétendument favorables à la modification de la loi postale, n’est nullement étayé. La République slovaque ne mentionne pas les autorités qui auraient été favorables à cette modification, ni des raisons ou des arguments par lesquels elles auraient motivé leur prétendue approbation de ladite modification.

298    Ensuite, il doit être relevé que, s’agissant de l’avis du conseil législatif, il était clairement exprimé dans celui-ci que la modification de la loi postale entraînerait une contradiction entre, d’une part, l’article 2 de ladite loi et, d’autre part, ses articles 5 et 7 et que l’extension de la réserve postale violerait les dispositions de la directive postale. En outre, même si l’article 2 de la loi postale est interprété conformément à la directive postale, il n’en demeure pas moins qu’il doit être pris en considération avec les autres articles de la loi postale, notamment ses articles 5 et 7 (voir points 216 à 219 ci-dessus).

299    Or, le service de rapprochement du droit, dans son opinion du 3 janvier 2008, avait explicitement confirmé le caractère cumulatif des conditions de collecte et de remise pour les services postaux réservés, en vertu de l’article 7 de la loi postale.

300    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement aux affirmations de la République slovaque, la Commission a considéré à bon droit, dans la décision attaquée (considérant 143 de la décision attaquée), qu’il y avait eu une interprétation de la réglementation slovaque cohérente selon laquelle les services de courrier hybride avaient été libéralisés.

–       Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard des entrées d’opérateurs sur le marché

301    La requérante, soutenue par la République slovaque, conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle les entrées d’opérateurs sur le marché ont confirmé la libéralisation de facto, y compris la remise du courrier. L’affirmation de la Commission selon laquelle la loi postale et l’interprétation par le régulateur postal de l’autorisation générale auraient conduit plusieurs entreprises à entrer sur le marché du courrier hybride ne serait soutenue par aucun élément de preuve.

302    La requérante prétend que Cromwell, Slovak Mail Services et Prvá Doručovacia ont commencé à mener des activités en Slovaquie vers 2005 et offraient des services qui ne relevaient pas du domaine réservé. Cromwell n’opérait que dans le domaine de la préparation d’envois postaux hybrides, tandis que Slovak Mail Services et Prvá Doručovacia avaient des activités d’impression et de remise d’envois ne relevant pas de la réserve postale, comme les supports publicitaires et le marketing direct, supérieurs à 50 grammes. Cromwell e.a. n’auraient commencé à offrir des services de courrier hybride, incluant des services de remise, que lors de l’été 2007, lorsqu’elles « se seraient associées » et auraient regroupé leurs services. En appréciant de manière erronée les services que les opérateurs alternatifs prétendaient offrir, à savoir des services de courrier hybride, la Commission aurait conclu à tort que la modification de la loi postale avait étendu le domaine réservé, limitant ainsi les services situés en aval pour les utilisateurs finaux.

303    De plus, à supposer qu’il y ait eu, à cette époque, une ambiguïté quelconque concernant l’appartenance de la remise du courrier hybride à la réserve postale, celle-ci aurait été clairement levée par la déclaration du régulateur postal du 30 novembre 2007 (voir point 275 ci-dessus).

304    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que plusieurs opérateurs, en se fondant sur des déclarations du régulateur postal, avaient tiré des attentes légitimes de celles-ci et s’étaient engagés dans la prestation de services de courrier hybride en ayant procédé à des investissements afin de disposer d’équipements pour le courrier hybride et de développer leurs réseaux, sans que le régulateur postal ait engagé de procédures contre eux pour violation du monopole postal. La Commission a estimé que, à partir de ce moment-là, les services de courrier hybride étaient également libéralisés de facto (considérants 49 à 55 et 138).

305    Premièrement, il convient d’écarter l’argument relatif à l’ambiguïté de la réglementation postale, laquelle aurait été levée par la déclaration du régulateur postal du 30 novembre 2007, dans la mesure où il a déjà été conclu que la Commission n’avait pas commis d’erreur en considérant que, en vertu de cette réglementation, les services de courrier hybride, y compris la remise, avaient été libéralisés de jure avant la modification de la loi postale et celle de l’autorisation générale en 2008 (voir point 252 ci-dessus).

306    Deuxièmement, ainsi que la Commission l’a mentionné dans la décision attaquée (considérant 52), il y a lieu de relever que Prvá Doručovacia a commencé à exercer ses activités en 2005 dans le secteur du courrier hybride, en remettant ce courrier, en partie, par son propre réseau.

307    Il convient de rappeler que Prvá Doručovacia avait demandé au régulateur postal des explications en mars 2005 quant à l’appartenance de la remise du courrier hybride au domaine réservé, comme la Commission l’a précisé au considérant 5 de la décision attaquée (voir points 257 à 260 ci-dessus). Le régulateur postal avait alors assuré Prvá Doručovacia que les activités décrites étaient conformes à la loi postale et, plus précisément, qu’elles ne relevaient pas des services réservés (voir point 264 ci-dessus).

308    De plus, il doit être rappelé que le régulateur postal a considéré, tant dans le rapport de contrôle du 6 octobre 2005 que dans celui du 10 mars 2006, que Prvá Doručovacia fournissait des services de courrier hybride ou des services comparables et que, « en tant que tels, ils ne [constituaient] pas des services postaux, conformément à l’article 2 [de la loi postale] et à l’article 1er, paragraphe 5, de l’autorisation générale » (voir points 284 et 289 ci-dessus).

309    Partant, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en indiquant dans la décision attaquée que le « service de courrier hybride intégré » était déjà disponible sur le marché slovaque en 2005 (considérant 52 de la décision attaquée).

310    Cette considération de la Commission ne peut pas être remise en cause par les arguments de la requérante portant sur les services proposés par TNT Post Slovensko, le considérant 52 de la décision attaquée visant Prvá Doručovacia, et non TNT Post Slovensko. S’agissant de cette dernière, la Commission a indiqué qu’elle avait commencé à fournir des services de courrier hybride en Slovaquie plus récemment (considérant 55 de la décision attaquée). De plus, même si la requérante relève que l’offre de TNT Post Slovensko à Cetelem Slovensko a.s. proposait un « (nouveau) ‘service intégré’ », pendant une phase d’essai commençant en septembre 2009, lequel comprenait la remise des envois postaux, il convient de comprendre, ainsi que TNT Post Slovensko l’a confirmé lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, que le service proposé était nouveau du point de vue du client, celui-ci envisageant la mise en place d’un nouveau service au sein de la société, ce qui expliquait la proposition d’une phase pilote, sans que cela implique que le service ne fût pas déjà proposé par TNT Post Slovensko par ailleurs. Il y a lieu également de rappeler que cette dernière avait soumis une offre en réponse à l’appel d’offres de Slovak Telekom en offrant des services de courrier hybride, comme la Commission l’a rappelé dans la décision attaquée (considérant 55) et ainsi que TNT Post Slovensko le fait valoir (voir point 166 ci-dessus).

311    Troisièmement, s’agissant de Cromwell et de Slovak Mail Services, comme celles-ci et la requérante le relèvent, leurs activités de courrier hybride, y compris la remise par leur propre réseau de distribution, ont commencé en juin 2007, Slovak Mail Services ayant été créée en avril 2007, comme la Commission l’a indiqué dans la décision attaquée (considérants 50 et 51).

312    De plus, il convient de rappeler, à l’instar de Cromwell e.a, que Cromwell et Slovak Mail Services ont remporté l’appel d’offres de Slovak Telekom, lequel avait pour objet le traitement et la remise de factures (voir point 134 ci-dessus), les négociations ayant ensuite été suspendues en raison des modifications réglementaires (considérant 17 de la décision attaquée).

313    À cet égard, la requérante soutient, toutefois, que, si, ainsi que la Commission et TNT Post Slovensko le suggèrent, l’appel d’offres de Slovak Telekom était censé constituer le tournant majeur dans le développement des services de courrier hybride, tels que définis par la Commission, cette dernière ne pouvait pas prétendre que le marché du courrier hybride, y compris la remise du courrier, était libéralisé de facto avant la modification de la loi postale. Cet argument doit être rejeté dans la mesure où il convient de comprendre que la Commission et TNT Post Slovensko ont entendu souligner l’importance de l’appel d’offres en termes de valeur, ce qui démontrait le développement des services de courrier hybride, sans que cela signifie l’inexistence de cette activité avant le lancement de cet appel d’offres.

314    Il y a lieu de rejeter également l’argument de la requérante, en réponse à l’argumentation de TNT Post Slovensko, selon lequel, comme elle l’aurait expliqué dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, les services proposés par les autres opérateurs avant la modification de la loi postale ne concernaient pas les services de courrier hybride tels que définis par la Commission (considérants 89 et 98 de la décision attaquée), mais auraient comporté plutôt une combinaison de services de préparation d’envois en nombre et de remise classique de courrier, cette dernière étant réservée à la requérante. Il suffit, en effet, de constater qu’il a été indiqué que des services de courrier hybride tels que définis dans la décision attaquée étaient offerts par divers opérateurs en Slovaquie (voir points 187, 309 et 311 ci-dessus).

315    Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur dans la décision attaquée, au considérant 148, en estimant que les entrées sur le marché avaient confirmé la libéralisation de facto des services de courrier hybride, y compris de la remise du courrier.

316    Au vu de tout ce qui précède, il doit être considéré que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’a pas commis d’erreur dans la décision attaquée en considérant que les services de courrier hybride, en particulier la remise du courrier, n’appartenait pas à la réserve postale en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de la loi postale et avaient été libéralisés en Slovaquie de jure et de facto, avant la modification de la loi postale (considérant 148 de la décision attaquée).

317    Les autres opérateurs étaient, en effet, en droit de se fier à cette interprétation de la loi postale confirmée par l’autorisation générale, dans la mesure où celle-ci constituait, comme la Commission le fait valoir, l’unique document officiel de portée générale dans lequel les services de courrier hybride étaient mentionnés. La requérante reconnaît d’ailleurs qu’il a existé un certain degré d’incertitude quant à l’étendue de la réserve postale, notamment durant la période correspondant aux appels d’offres d’UniBanka-HVB Bank Slovakia et de Slovak Telekom, respectivement, en janvier et en novembre 2007.

318    Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que la modification de la loi postale avait conduit à une extension des droits exclusifs de la requérante, lesquels lui étaient accordés pour la distribution du courrier de moins de 50 grammes, à l’activité de remise du courrier hybride (considérant 148 de la décision attaquée). Contrairement à l’allégation de la requérante et comme le soutient la Commission, la modification de la réglementation en cause ne saurait être considérée comme une simple clarification de celle-ci.

319    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, dans la mesure où la décision attaquée est fondée sur une définition incorrecte du marché pertinent, à savoir la prise en considération d’un marché distinct pour les services de courrier hybride, la Commission a conclu à tort, tant sur le plan juridique que sur le plan factuel, que la prétendue extension des droits exclusifs de la requérante au marché voisin violerait les articles 82 CE et 86 CE (considérants 116 à 147 de la décision attaquée).

320    Il suffit, en effet, de rappeler que la différence entre les deux types de courrier, traditionnel et hybride, ainsi que la réalité du marché en Slovaquie ont conduit la Commission à la définition des marchés pertinents en l’espèce. Or, la requérante n’est pas parvenue à démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard (voir point 206 ci-dessus). De surcroît, le contexte réglementaire en Slovaquie, avant l’adoption de la mesure en cause, confirme, au contraire, cette définition, dans la mesure où il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la réglementation traitait différemment la remise du courrier traditionnel et celle du courrier hybride.

321    Eu égard à tout ce qui précède, le grief tiré de l’absence d’extension d’un monopole vers un marché voisin doit être rejeté.

 Sur l’absence de limitation des services situés en aval aux utilisateurs finaux

322    La requérante soutient que la Commission n’est pas parvenue à établir que, s’agissant de la mesure étatique en cause, le critère défini dans l’arrêt du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C‑41/90, Rec, EU:C:1991:161, point 31) était rempli.

323    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, s’oppose à cette argumentation.

324    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, en réservant les services de courrier hybride à la requérante, la République slovaque avait limité les services disponibles pour tous les utilisateurs (considérants 149 à 155). Elle a estimé que, « [d]ans la mesure où seuls des opérateurs privés [étaient] susceptibles de pouvoir proposer, avec leur offre de services de courrier hybride, des services supplémentaires, tels que le suivi des envois et leur remise sept jours sur sept, le fait de faire entrer la remise de courrier hybride dans le domaine réservé [privait] les clients de ces services ». Elle a estimé, en outre, que « [c]es services supplémentaires, notamment celui de repérage et de suivi des envois, [semblaient] être l’un des principaux critères utilisés par les clients afin de choisir des prestataires de services postaux » (considérant 150). Selon la Commission, la requérante « ne [proposait] pas de tels services supplémentaires pour des envois par courrier hybride » (considérants 151 à 154).

325    Il ressort de l’arrêt Höfner et Elser, point 322 supra (EU:C:1991:161, points 19 à 31), qu’un État membre enfreint les interdictions contenues dans l’article 82 CE et l’article 86, paragraphe 1, CE si l’entreprise en cause est amenée, par le simple exercice du droit exclusif qui lui a été conféré, à exploiter sa position dominante de façon abusive, une telle pratique abusive pouvant, notamment, consister en une limitation de la prestation, au préjudice des demandeurs du service en cause. Or, selon la Cour, un État membre crée une situation dans laquelle la prestation est limitée lorsque l’entreprise, à laquelle il a conféré un droit exclusif qui s’étend à certaines activités, n’est manifestement pas en mesure de satisfaire la demande que présente le marché pour ce genre d’activités et lorsque l’exercice effectif de ces activités par des sociétés privées est rendu impossible par le maintien en vigueur d’une disposition légale interdisant ces activités.

326    En l’espèce, la requérante ne conteste pas que, à tout le moins depuis la mesure étatique en cause, la remise du courrier hybride lui soit réservée et que des opérateurs alternatifs ne peuvent pas exercer cette activité. En revanche, elle conteste que cette remise comprenne certains services, tels que le service de repérage et de suivi ainsi que celui de remise sept jours sur sept, pour lesquels, de surcroît, il existerait une demande qu’elle ne serait manifestement pas en mesure de satisfaire.

327    En premier lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi que la remise des envois postaux par les opérateurs alternatifs avec le suivi ou la remise sept jours sur sept pouvaient être considérés comme des services « non traditionnels », au sens de la directive postale et de la pratique administrative.

328    Premièrement, la Commission aurait omis d’expliquer dans quelle mesure les services de « repérage et de suivi » offerts en Slovaquie répondaient à une demande particulière. La décision attaquée aurait simplement exposé que « les services additionnels tels que le suivi [étaient] d’une importance particulière en ce qu’ils [permettaient aux clients tels que les banques, les compagnies d’assurance, les sociétés de télécommunications] d’éviter un mauvais crédit et d’avoir des informations précises quant au fait qu’un envoi postal donné [avait] bien été distribué à l’utilisateur final » (considérant 150 de la décision attaquée). La décision attaquée n’aurait pas expliqué la manière par laquelle le service de repérage et de suivi contribueraient à éviter les mauvaises dettes. La requérante conteste, en outre, tant l’existence d’un intérêt de la part de Slovak Telekom pour ces services de repérage et de suivi que le caractère représentatif d’un tel intérêt.

329    Il doit être relevé que la Commission a défini, au considérant 38 de la décision attaquée, le service de repérage et de suivi comme un service de transmission d’un rapport électronique indiquant pour chaque envoi s’il a été remis ou non ainsi que le moment de sa remise.

330    Par ailleurs, aux considérants 36, 96, 97 et 150 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les services de courrier hybride constituaient un service postal répondant aux besoins spécifiques de la clientèle constituée par des sociétés importantes telles que des banques, des compagnies d’assurances et des opérateurs de télécommunications, dans la mesure où cette clientèle devait adresser, de manière régulière, des factures à ses clients finaux. La Commission a expliqué que, pour de tels clients des opérateurs de services postaux, les services supplémentaires, tels que celui de repérage et le suivi des envois postaux, présentaient une importance particulière. Ils leur permettraient de suivre les envois de factures, de disposer d’une information précise sur la remise d’un envoi particulier au client final et du moment de celle-ci, leur donnant ainsi la possibilité de limiter les impayés et d’éviter les créances irrécouvrables, en liant le processus de distribution à leur système interne de traitement des données.

331    De plus, la Commission a indiqué que Slovak Telekom avait confirmé que ce service de repérage et de suivi constituait l’un des critères de sélection dans son appel d’offres, revêtant, en outre, une importance clé aux fins des relations avec les consommateurs, en lui permettant de réduire les coûts pour collecter les paiements et d’éviter les créances irrécouvrables (considérant 39 de la décision attaquée et note en bas de page n° 9). Il convient d’observer que cette confirmation ressortait, en substance, de la réponse de Slovak Telekom à la demande d’informations de la Commission. Slovak Telekom avait précisé que, contrairement aux affirmations de la requérante, ce service représentait le service additionnel le plus important des quatre services additionnels proposés par Slovak Mail Services et Cromwell. Il y a lieu, en outre, de mentionner que, afin d’évaluer le service proposé, Slovak Telekom a demandé la mise en place d’un service pilote, pour une période de trois à six mois, ce qui tend à démontrer qu’elle accordait une importance à la qualité des services de remise et à son contrôle, et pas seulement au prix, comme la requérante le sous-entend.

332    Enfin, s’agissant de la représentativité de l’intérêt exprimé par Slovak Telekom, il convient de relever que l’appel d’offres de cette dernière était considéré comme l’un des contrats les plus importants en termes de valeur, représentant un chiffre d’affaires annuel « de [100-150] millions [de SKK] », soit « 3 à 4,6 millions d’euros » (considérant 17 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas. Il pouvait, dès lors, être considéré comme l’illustration d’une demande que présentait le marché, conformément à l’arrêt Höfner et Elser, point 322 supra (EU:C:1991:161).

333    Par conséquent, contrairement à l’affirmation de la requérante, la Commission s’est bien fondée, dans la décision attaquée, sur l’existence sur le marché d’une demande particulière pour le service de repérage et de suivi.

334    Deuxièmement, en ce qui concerne la remise sept jours sur sept, selon la requérante, la Commission a uniquement déclaré, dans la décision attaquée, que ce service était disponible en Slovaquie, sans avoir démontré qu’il existait une demande particulière pour un tel service. Ainsi, l’appel d’offres organisé par Slovak Telecom n’aurait pas inclus un critère de sélection concernant la remise sept jours sur sept.

335    Il est certes exact que la décision attaquée mentionne ce service (considérant 38 de la décision attaquée), mais n’indique pas d’éléments particuliers permettant d’étayer le fait que la remise sept jours sur sept constituait un service satisfaisant une demande spécifique dans le cadre de la remise. Toutefois, il convient de rappeler que, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom l’a mentionné comme un service additionnel, en le plaçant en troisième position sur les quatre services additionnels proposés par Slovak Mail Services et Cromwell (voir point 182 ci-dessus). En tout état de cause, le service de remise sept jours sur sept apparaît comme étant un élément secondaire et non essentiel, dans l’analyse de la Commission, des services additionnels à la remise dans le cadre du courrier hybride et le fait qu’il soit uniquement mentionné dans la décision attaquée, sans que cette mention soit étayée par des éléments particuliers, ne saurait remettre en cause la légalité de celle-ci quant à l’existence d’une demande sur le marché pour des services additionnels liés à la remise.

336    Il découle de ce qui précède que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant, dans la décision attaquée, qu’il existait une demande sur le marché pour des services additionnels liés à la remise, tels que, à tout le moins, le service de repérage et de suivi.

337    En second lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi que la requérante ne serait manifestement pas en position de satisfaire la demande sur le marché.

338    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que la requérante ne proposait pas de services de repérage et de suivi pour des envois de courrier hybride (considérants 38 et 151). Elle a précisé que, d’une part, le gouvernement slovaque reconnaissait que, dans son offre en réponse à l’appel d’offres de Slovak Telekom, la requérante n’avait pas proposé de service de repérage et de suivi ou de remise sept jours sur sept, mais que, d’autre part, il avait ajouté que « le fait que [la requérante] n’[ait] pas proposé de service de suivi des envoi ou un service sept jours sur sept à Slovak Telekom ne [signifiait] pas que [la requérante n’était] pas en mesure de les fournir », ce que la requérante avait également soutenu (considérant 152). La Commission a estimé que les services proposés par la requérante étaient des services spécialisés dont les coûts les rendaient totalement inadaptés pour des envois de courrier hybride. Elle a précisé que la requérante n’avait pas même prétendu les fournir pour de tels envois, ni même qu’il y aurait eu une demande pour de tels services spécialisés dans ce cadre (considérant 153). Enfin, la Commission a indiqué que la requérante n’avait pas prétendu proposer, ni a fortiori fournir, au moment de la décision attaquée ou à l’avenir, des « services additionnels tels que celui de repérage et le suivi des envois de courrier hybride (rapports de remise) » (considérant 154).

339    Premièrement, la requérante soutient avoir expliqué, de manière détaillée, à la Commission qu’elle était capable de fournir les services additionnels que les opérateurs alternatifs offraient dans le cadre du courrier hybride. La Commission aurait, cependant, omis d’examiner avec soin et impartialité l’ensemble des faits pertinents à cet égard et aurait rejeté les arguments de la requérante sans donner de motivation suffisante ou spécifique. Ainsi, la Commission n’aurait pas établi que la requérante ne serait « manifestement pas en mesure de satisfaire la demande sur le marché ». À cet égard, la requérante soulevant le même grief dans le cadre de son premier moyen, il y sera répondu lors de l’examen de celui-ci (voir points 445 à 455 et 464 ci-après).

340    Deuxièmement, la requérante conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle elle aurait été incapable de fournir des « services additionnels tels que le service de repérage et le suivi pour les envois de courrier hybride (rapport de remise) ». Elle prétend avoir confirmé, contrairement à ce que la Commission aurait indiqué dans la décision attaquée (considérant 154), qu’elle effectuait le contrôle de la remise des envois et qu’elle était en mesure de remettre des envois sept jours sur sept. Elle renvoie à sa réponse à la lettre de mise en demeure, ainsi qu’à sa réponse à la demande de la Commission du 22 août 2008.

341    D’une part, il y a lieu, tout d’abord, de constater que, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, la requérante a effectivement affirmé qu’elle pouvait offrir le service de repérage et de suivi décrit par la Commission, mais sans fournir aucune explication à cet égard.

342    Ensuite, il convient de relever que, à la suite de l’appel d’offres de Slovak Telekom, cette société n’a pas souhaité attribuer le contrat à la requérante (considérant 17 de la décision attaquée). [confidentiel], contrairement à ce que la requérante affirme dans la réplique, [confidentiel]. Or, il convient de rappeler qu’il est constant que cet appel d’offres était considéré comme l’un des contrats les plus importants en termes de valeur. [confidentiel]

343    Par ailleurs, selon les explications de la requérante, le service qu’elle proposait consistait en des rapports de confirmation (appelés « accusés de réception »), qui étaient fournis pour les envois postaux enregistrés et assurés. De plus, la requérante ne conteste pas remettre des rapports physiques, alors que le service décrit par la Commission consistait en la transmission d’un rapport électronique (considérant 38 de la décision attaquée). Or, comme le soutient la Commission, il s’agissait d’une différence significative, puisque seul un rapport électronique pouvait être introduit dans les systèmes informatiques du client.

344    De surcroît, contrairement aux affirmations de la requérante, le service de repérage et de suivi décrit par Slovak Telekom, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, n’était pas un accusé de réception « après que la remise [était] terminée », mais un suivi de la remise ou de la non-remise, avec des explications quant à la non-remise. Dans cette même réponse, Slovak Telekom a indiqué que d’autres opérateurs, tels que Slovak Mail Services et Cromwell, étaient capables de fournir le service additionnel de repérage et de suivi. Contrairement à ce qu’allègue la requérante, Cromwell e.a. ne reconnaissent pas que ce service consistait « uniquement en un rapport de remise » et elles ne le décrivent pas comme tel. En effet, elles décrivent un système de rapport électronique, avec un état de la remise ou de la non-remise et la communication de diverses statistiques, cette description étant différente de celle faite s’agissant des rapports fournis par la requérante (considérant 38 de la décision attaquée) et que celle-ci n’a pas contestée.

345    En outre, comme TNT Post Slovensko le fait valoir, la requérante n’indique pas qu’elle proposait des rapports d’échec de remise personnalisés, ce qui distinguait également les services proposés par la requérante de ceux décrits dans la décision attaquée (considérant 38) et dans la réponse de Slovak Telekom à la demande d’informations de la Commission.

346    De plus, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, la requérante n’a pas confirmé qu’elle fournissait ce service pour des envois de courrier hybride. Dans la requête, la requérante admet d’ailleurs que le service de repérage et de suivi n’était pas proposé dans le cadre du courrier hybride, dans la mesure où elle n’indique aucun autre service que ceux cités à son égard dans la décision attaquée et que, pour ceux-ci, elle utilise l’expression « s’ils avaient été proposés dans le cadre du courrier hybride ». De surcroît, contrairement à l’affirmation de la requérante, il importe de relever, à l’instar de la Commission (considérant 153 de la décision attaquée), que la requérante n’a pas même prétendu qu’il existait, dans le cadre du courrier hybride, une demande pour les services qu’elle proposait. Cela confirme, en effet, que ses services ne correspondaient pas aux services demandés par les clients de services de courrier hybride.

347    Enfin, il convient d’écarter l’argumentation de la requérante par laquelle elle conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle ses services de suivi étaient inappropriés pour les envois de courrier hybride en raison de leur structure de coût (considérant 153 de la décision attaquée). Tout d’abord, il doit être constaté que la requérante ne remet pas en cause l’exactitude des informations relatives aux prix publiés, mentionnées par la Commission dans la décision attaquée (considérant 153 et note en bas de page n° 36), mais se contente d’affirmer qu’elle était capable d’offrir des prix concurrentiels pour les services d’envois en nombre dans le cadre du courrier hybride. Ensuite, comme le fait valoir la Commission, même si la requérante affirme que ses tarifs publiés n’étaient pas représentatifs et que les gros clients auraient obtenu des rabais [confidentiel]. De plus, dans sa réponse du 28 août 2008 à la demande d’informations de la Commission du 14 août 2008, la requérante [confidentiel].

348    Partant, il doit être considéré que la requérante n’a pas apporté d’éléments afin de démontrer qu’elle offrait un service de repérage et de suivi, tel que celui décrit par la Commission dans la décision attaquée, ni même qu’elle offrait un type de service similaire dans le cadre du courrier hybride. De plus, elle n’a pas étayé ses affirmations selon lesquelles elle était capable de l’offrir. Dès lors, contrairement à l’allégation de la requérante, la Commission pouvait en déduire, sans se fonder uniquement sur l’appel d’offres de Slovak Telekom, que la requérante n’était pas en mesure d’offrir un service de repérage et de suivi dans le cadre du courrier hybride, tel que celui décrit dans la décision attaquée.

349    D’autre part, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, la requérante a certes affirmé qu’elle pouvait fournir une remise sept jours sur sept et qu’elle le faisait déjà pour « certains produits sélectionnés », sans préciser qu’il s’agissait de courrier hybride. Elle n’a, de plus, fourni aucun élément afin d’appuyer cette affirmation. Or, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom a indiqué que d’autres opérateurs, tels que Slovak Mail Services et Cromwell, étaient capables de fournir un tel service additionnel.

350    Dès lors, il doit être considéré que la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant, aux considérants 150 à 155 de la décision attaquée, que la remise du courrier hybride était accompagnée de services additionnels particuliers, notamment du service de repérage et de suivi, pour lequel il existait une demande que la requérante n’était pas en mesure de satisfaire, cela impliquant que l’extension des droits exclusifs de la requérante au service de remise du courrier hybride avait privé les utilisateurs de ces services particuliers. Partant, il convient de rejeter les griefs tirés de l’absence de limitation de services situés en aval aux utilisateurs finaux, sous réserve de l’examen du grief mentionné au point 339 ci-dessus auquel il sera répondu lors de l’examen du premier moyen (voir point 464 ci-après).

351    Enfin, il convient de relever que, lors de l’audience, la requérante a fait valoir, en s’appuyant sur l’arrêt du 20 septembre 2012, DEI/Commission (T‑169/08, Rec, EU:T:2012:448), que la Commission avait commis une erreur de droit en ce qu’elle aurait considéré que l’extension d’un droit exclusif à un marché voisin ou séparé était prohibée comme telle par l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, alors qu’elle aurait dû établir l’exercice abusif réel ou potentiel de ce droit par la requérante.

352    À supposer même qu’un tel grief soit recevable, en ce qu’il ne constituerait pas un moyen nouveau au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, il doit être rejeté, en vertu de la jurisprudence citée aux points 95 à 103. La Commission a estimé à juste titre que la modification de la loi postale avait conduit à une extension des droits exclusifs de la requérante, lesquels lui étaient accordés pour la distribution du courrier de moins de 50 grammes, à l’activité de remise du courrier hybride (voir point 318 ci-dessus). Par ailleurs, la Commission n’a pas commis d’erreur en estimant que cette extension avait conduit, au détriment des utilisateurs finaux, à une limitation de services situés en aval liés à l’activité de remise du courrier hybride (voir point 350 ci-dessus). Il en découle qu’il doit être constaté que la Commission a conclu à bon droit à une extension des droits exclusifs de la requérante à un autre marché, celle-ci conduisant à l’exercice abusif réel ou potentiel de ce droit par la requérante (considérant 158 de la décision attaquée).

353    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il doit être considéré que, la Commission n’ayant pas commis d’erreur en considérant, au considérant 158 de la décision attaquée, que la République slovaque avait violé l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE, la première branche du troisième moyen doit être rejetée, sous réserve de l’examen des grief indiqués aux points 174 et 339 ci-dessus et auxquels il sera répondu lors de l’examen du premier moyen (voir point 464 ci-après).

2.     Sur l’application erronée de l’article 86, paragraphe 2, CE

354    La requérante prétend que la Commission n’a pas pris en considération de manière appropriée la directive postale et que, conformément à la communication postale, la Commission aurait dû considérer que les droits exclusifs spéciaux étaient a priori justifiés au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE. Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le rejet des arguments relatifs à la justification objective de la mesure étatique en cause.

355    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, conteste cette argumentation.

a)     Sur la charge de la preuve

356    La requérante fait valoir que, dans la mesure où les droits spéciaux entraient dans les limites du domaine réservé fixées dans la directive postale, ils étaient a priori justifiés. De ce fait, la charge de la preuve aurait pesé sur la Commission, à laquelle il appartenait de démontrer l’inexistence de la justification a priori, ce que celle-ci, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, conteste.

357    Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que, selon la jurisprudence, s’agissant d’une dérogation aux règles fondamentales du traité CE, il incombait à l’État membre qui invoquait l’article 86, paragraphe 2, CE de démontrer que les conditions d’application de cette disposition étaient réunies (considérant 160).

358    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’article 86, paragraphe 2, CE, c’est à l’État membre ou à l’entreprise qui invoque cette disposition de démontrer que ses conditions d’application sont réunies (voir arrêts du 23 octobre 1997, Commission/Pays-Bas, C‑157/94, Rec, EU:C:1997:499, point 58, et du 17 mai 2001, TNT Traco, C‑340/99, Rec, EU:C:2001:281, point 59 et jurisprudence citée ; arrêt du 15 novembre 2007, International Mail Spain, C‑162/06, Rec, EU:C:2007:681, point 49).

359    Par conséquent, il appartenait, en l’espèce, à la République slovaque ou à la requérante de prouver que les conditions prévues à l’article 86, paragraphe 2, CE étaient réunies.

360    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la communication postale établirait une présomption selon laquelle, dans la mesure où les droits exclusifs spéciaux entrent dans les limites du domaine réservé, tel qu’il est défini dans la directive postale, ils sont a priori justifiés au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE.

361    En effet, si, comme la Commission l’admet, la communication postale établit une telle présomption (paragraphe 8.3), il doit être considéré que, comme la Commission l’a indiqué dans la décision attaquée (considérant 165), cette présomption de justification a priori des services réservés n’est pas applicable si le service en cause a été libéralisé et si le fonctionnement du service universel n’est pas menacé. Dans cette situation, en effet, l’État membre ayant fait le choix de libéraliser l’activité en cause, celle-ci ne peut plus être a priori nécessaire aux fins de maintenir le service universel.

362    De plus, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante par laquelle elle soutient que l’erreur commise par la Commission dans la non-application de la présomption découle de la définition erronée du marché pertinent ainsi que de la conclusion erronée selon laquelle le service de remise du courrier hybride avait été libéralisé avant la modification de la loi postale. Cette argumentation repose, en effet, sur une double prémisse erronée, la requérante n’ayant pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en définissant les marchés pertinents (voir point 206 ci-dessus), ni qu’elle avait considéré à tort que le service de remise du courrier hybride avait été libéralisé avant la modification de la loi postale (voir point 316 ci-dessus).

b)     Sur l’examen de l’existence d’une justification objective

363    La requérante reproche à la Commission d’avoir commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le rejet de ses arguments relatifs à la justification objective, car il aurait été démontré que la libéralisation de la remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride aurait un impact négatif sévère sur les revenus de la requérante, en conséquence de quoi elle ne serait pas en mesure de remplir ses obligations de service universel à des conditions acceptables sur le plan économique.

364    À cet égard, elle soutient avoir fourni un rapport interne établissant les coûts nets du service universel en Slovaquie (ci-après le « rapport interne »), étayé par une étude préparée par un consultant externe, du 18 juillet 2008, intitulé « Coût lié à l’USO en 2007 ; estimation de la charge financière pour [Slovenská pošta] résultant de l’obligation de service universel à partir des données de 2007 » (ci-après le « rapport de 2007 »). De plus, elle aurait soumis, au moyen du rapport de 2007, des estimations de l’impact de la libéralisation du marché pour la remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride.

365    La requérante invoque cinq aspects pour lesquels la Commission aurait mis en doute, à tort, la mise en œuvre de la méthode des « coûts nets évitables », lesquels, en vertu de l’annexe I, partie B, paragraphe 2, de la directive 2008/6, correspondraient « à la différence entre le coût net supporté par un prestataire de service universel désigné lorsqu’il est soumis aux obligations de service universel et celui qui est supporté par le même prestataire de services postaux lorsqu’il n’est pas soumis à ces obligations ». Les cinq aspects contestés visent, premièrement, le calcul des bénéfices immatériels résultant de l’obligation de service universel, deuxièmement, le nombre de bureaux de poste qui auraient fermé si la requérante n’était pas soumise à l’obligation de service universel, troisièmement, l’affectation des coûts entre les services postaux et non postaux, quatrièmement, l’affectation des coûts et des recettes aux bureaux de poste et, cinquièmement, l’impact de la libéralisation de la remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride.

366    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, remet en cause le bien-fondé de l’argumentation de la requérante relative à chacun de ces aspects.

367    À titre liminaire, il doit être relevé que la Commission a précisé, dans la décision attaquée (considérants 23 et 168), que les modifications de la réglementation n’ont pas été précédées d’une évaluation de la charge du service public liée aux services postaux, ce que la requérante ne conteste pas. Par ailleurs, à la suite de la lettre du gouvernement slovaque du 12 mars 2008, la Commission a procédé à une évaluation préliminaire d’une possible justification de la mesure étatique en cause au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE. À l’issue de cette évaluation, la Commission est parvenue à la conclusion préliminaire que la concurrence en matière de remise du courrier hybride ne compromettrait pas l’exécution des obligations de service universel de Slovenská pošta dans des conditions économiquement acceptables. La Commission a exposé ces conclusions aux considérants 104 à 109 de la lettre de mise en demeure, lesquelles ne sont pas contestées par la requérante.

 Sur le calcul des bénéfices immatériels résultant de l’obligation de service universel

368    Selon la requérante, la Commission a suggéré à tort, dans la décision attaquée (considérant 172), que la prise en compte des bénéfices immatériels aurait affecté l’analyse de manière significative. La requérante soutient avoir exposé, de façon détaillée, les raisons pour lesquelles les bénéfices immatériels découlant des obligations de service public ne pouvaient pas être considérés comme pertinents dans le contexte du calcul des coûts du service public. Ainsi qu’elle l’aurait précisé, son taux de rendement des actifs serait marginal et, dès lors, ses bénéfices immatériels ne pourraient être que très bas. De plus, l’argumentation de la Commission manquerait de cohérence, car elle se référerait à la situation au Danemark afin d’expliquer que les bénéfices immatériels ne pouvaient pas être considérés comme limités pour la requérante, alors que, afin de définir le marché pertinent, elle aurait renvoyé à plusieurs reprises aux « caractéristiques spécifiques du marché slovaque ».

369    Dans la décision attaquée (considérant 172), la Commission a relevé que le rapport interne et celui de 2007 ne prenaient pas en compte les bénéfices immatériels de l’obligation de service universel de la requérante. La Commission a considéré que les bénéfices liés au statut de la requérante comprenaient des avantages en termes d’image de marque, découlant du fait qu’elle touchait la totalité des foyers de Slovaquie, mais aussi des privilèges spéciaux, tels que le droit d’émission de timbres et l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée dont bénéficiait le service universel postal en Slovaquie. La Commission a indiqué que la directive postale modifiée prévoyait explicitement que de tels bénéfices devaient être pris en compte dans le calcul du coût net des obligations du service postal universel.

370    Il convient de relever que, bien que la directive 2008/6 n’ait pas été applicable aux faits de l’espèce, la requérante a choisi d’utiliser la méthode prévue par l’annexe I de cette directive, qu’elle qualifie de « méthode des coûts nets évitables ».

371    Comme la requérante le précise, la directive 2008/6 a, en effet, introduit dans la directive postale l’annexe I, dont le titre est « Orientations pour le calcul du coût net éventuel du service universel » et qui prévoit, dans sa partie B, paragraphe 3, la prise en considération des bénéfices immatériels dans le calcul du coût net du service universel.

372    Or, la requérante ne conteste pas, d’une part, le principe de la prise en considération de tels bénéfices ni, d’autre part, leur existence et l’absence de leur prise en compte en l’espèce. Dès lors, son argumentation visant à remettre en cause l’appréciation de la Commission quant à l’impact de cette prise en compte sur l’analyse en l’espèce doit être rejetée. Premièrement, si la requérante invoque le niveau marginal de tels bénéfices, elle n’a cependant apporté aucun élément vérifiable en vue de leur évaluation. Deuxièmement, eu égard à la méthode de la directive 2008/6 qu’elle invoque, laquelle impose la prise en considération de tels bénéfices, son argumentation est, dès lors, en tout état de cause, inopérante dans la mesure où la requérante admet que ces bénéfices n’ont pas été pris en compte.

373    Partant, l’absence de prise en considération des bénéfices immatériels résultant de l’obligation de service universel dans le calcul du coût net du service universel conforte l’appréciation de la Commission selon laquelle les autorités slovaques n’ont pas fourni d’estimation raisonnable et fiable du coût de la fourniture du service universel en Slovaquie justifiant l’extension du domaine réservé (considérant 178 de la décision attaquée).

 Sur le nombre de bureaux de poste qui auraient fermé si la requérante n’avait pas été soumise à l’obligation de service universel

374    La requérante considère comme étant non fondée l’analyse de la Commission, au considérant 173 de la décision attaquée, selon laquelle la méthode utilisée pour calculer les coûts nets évitables était entachée d’erreurs, dans la mesure où elle prenait en considération le nombre effectif de ses bureaux de poste, et non le nombre minimal requis par la licence postale.

375    La licence postale en Slovaquie n’établirait pas un nombre minimal de bureaux de poste pour le pays, mais fixerait les conditions d’établissement des bureaux de poste. L’approbation préalable du régulateur postal serait requise pour tout changement affectant le réseau postal, ce qui expliquerait que la requérante n’était pas en position de simplement fermer les bureaux de poste additionnels.

376    Dans la décision attaquée (considérant 173), la Commission a indiqué que la licence postale définissait les obligations incombant à la requérante et que celles-ci incluaient des obligations en matière d’accessibilité des points de contact du réseau postal. La Commission a estimé que le rapport de 2007 ne tenait pas compte du fait que la prestation du service universel postal n’exigeait « qu’autant de points de de contact que ce qui était défini » dans la licence, et non nécessairement le maintien de l’intégralité du réseau existant de bureaux de poste.

377    Il convient de relever que la licence postale n’exigeait pas l’exploitation d’un nombre spécifique de bureaux de poste. De plus, la requérante a précisé que la licence postale n’exigeait pas un nombre minimal de bureaux de poste.

378    Par ailleurs, comme la Commission le fait valoir, sans être contredite par la requérante, l’étendue nécessaire du réseau postal était, selon la condition n° 1 de la licence postale de la requérante, déterminée en fonction du respect des exigences liées au service universel en tant que tel, notamment afin d’assurer la fourniture des services postaux universels et les services de paiement postal pour tous les usagers, au moyen d’au moins une levée et d’au moins une remise d’envois postaux et de montants transférés par jour ouvrable. Dès lors, comme la Commission le soutient, le nombre exact de bureaux de poste dépendait d’une évaluation qualitative.

379    En outre, comme la Commission le fait valoir, sans être contredite par la requérante, il convient de relever que, en vertu de la condition n° 2 de la licence postale de la requérante, cette dernière semble avoir la possibilité de remplacer des bureaux de poste par d’autres points d’accès tels que des points de contact, reposant sur un contrat, ou des bureaux de poste mobiles, lesquels sont susceptibles de générer moins de coûts.

380    Or, la requérante indique que son réseau comportait 103 bureaux de poste excédentaires par rapport au nombre requis pour répondre au niveau de service et aux conditions fixés par la licence postale, reconnaissant que certains bureaux de poste étaient le produit d’exigences historiques. Partant, ces bureaux de poste excédentaires ne sauraient être considérés comme étant exigés par sa licence postale.

381    De plus, la requérante précise que, sur ces 103 bureaux de poste excédentaires, 88 ont été inclus dans le calcul des coûts liés à l’obligation de service universel, dans la mesure où ils ont été considérés comme une charge financière. Ce faisant, la requérante admet que des bureaux de poste ne constituant pas une charge financière liée aux obligations de service universel ont été pris en considération. Partant, il doit être considéré que, contrairement à son affirmation, la requérante a bien reconnu, comme la Commission le fait valoir qu’un nombre trop élevé de bureaux de poste a été pris en compte lors du calcul des coûts nets évitables.

382    La requérante fait certes valoir que l’impact, sur le calcul des coûts nets évitables, de l’exclusion de ces 103 bureaux de poste, qui ne constitueraient pas une charge financière liée aux obligations de service universel, n’est pas significatif. De ces 103 bureaux de poste, 88 bureaux de poste auraient été inclus dans le calcul des coûts liés à l’obligation de service universel, dans la mesure où ils auraient été considérés comme une charge financière, et leur retranchement aurait pour effet la diminution de [confidentiel] (approximativement [confidentiel]) ou [confidentiel] de la charge financière liée à l’obligation de service universel en 2007. Dès lors, cette exclusion n’affecterait pas de manière significative le résultat de l’analyse initiale soumise par la requérante à la Commission.

383    Toutefois, comme la Commission le fait valoir, la requérante n’expose pas la manière par laquelle elle est parvenue à ses diverses conclusions, notamment les raisons pour lesquelles 103 bureaux de poste seraient excédentaires, ni les raisons pour lesquelles la charge liée au service public serait réduite de [confidentiel], en retranchant 88 bureaux de poste. À cet égard, la requérante ne se réfère, notamment, à aucun point particulier du rapport interne, ni du rapport de 2007.

384    Par conséquent, le fait, pour la requérante, d’avoir pris en compte un nombre trop élevé de bureaux de poste lors du calcul des coûts nets évitables confirme l’appréciation de la Commission selon laquelle une estimation raisonnable et fiable du coût de la fourniture du service universel en Slovaquie justifiant l’extension du domaine réservé n’avait pas été fournie (considérant 178 de la décision attaquée).

 Sur l’affectation des coûts entre les services postaux et non postaux

385    La requérante fait valoir que la Commission a omis de reconnaître qu’il était inhérent à la méthode de calcul des coûts nets évitables de prendre en compte le total des coûts nets supportés par le prestataire de service universel en conséquence de l’obligation de service universel, sans distinguer les coûts liés à un produit particulier ou à un groupe de produits. La requérante rappelle, à cet égard, les termes de l’annexe I, partie B, paragraphe 3, de la directive 2008/6. La Commission ne reconnaîtrait pas que la directive postale modifiée énonce clairement que les coûts nets évitables devraient être utilisés et que, pour calculer ceux-ci, les coûts nets totaux devraient être également utilisés. Dès lors, la Commission aurait considéré à tort que, en vue du calcul des coûts nets évitables du service universel, une distinction entre les services postaux et les services non postaux devrait être opérée.

386    De plus, la requérante affirme que la Commission a omis de prendre en compte le fait que, les services non postaux n’étant pas financés à partir du domaine réservé, les coûts de ces services ne peuvent pas, en tout état de cause, causer une augmentation des coûts liés à l’obligation de service postal universel. La requérante précise être tenue, afin d’éviter le risque de financements croisés des services non postaux par le domaine réservé, de soumettre au régulateur postal un calcul des coûts et des bénéfices des services financés par le domaine réservé et des autres services.

387    Dans la décision attaquée (considérant 174), la Commission a relevé que le fait que les bureaux de poste de la requérante étaient déficitaires n’était pas uniquement dû à la fourniture de services postaux universels.

388    Elle a ensuite précisé, au considérant 175 de la décision attaquée, que, en vertu de la licence postale, la requérante avait l’obligation d’assurer les services financiers de la poste sur tout le territoire de la Slovaquie. Elle a, en outre, rappelé que, selon l’article 7 de la directive postale, « [d]ans la mesure où cela [était] nécessaire pour assurer le maintien du service universel, les États membres [pouvaient] continuer à réserver des services à un (des) prestataire(s) du service universel » et que, en vertu de l’article 3 de ladite directive, les utilisateurs jouissaient du droit à un service universel, « qui [correspondait] à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs ». La Commission en a déduit que la directive postale ne permettait de financer, par le maintien ou l’extension du domaine réservé, que des services postaux universels et que le coût de prestation d’autres services, tels que des services financiers, ne pouvait pas être intégré dans le calcul du coût du service universel. La Commission a considéré que le rapport interne et celui de 2007 ne distinguaient pas, cependant, les coûts du réseau imputables aux services postaux de ceux imputables aux services non postaux, en ce compris ceux de services d’intérêt économique général fournis en application de la loi nationale tout comme d’autres services fournis à des conditions purement commerciales. La Commission a conclu que, même si de telles obligations de services publics non postaux pouvaient justifier l’octroi d’aides d’État en application de l’article 86, paragraphe 2, CE, leur financement ne pouvait être assuré par la réserve postale.

389    Il convient de relever que l’article 7 de la directive postale autorisait la réserve postale « dans la mesure où cela [était] nécessaire au maintien du service universel », celui-ci étant défini à l’article 3 de la directive postale comme correspondant à une « offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs ».

390    Par ailleurs, la requérante prétend, en se fondant sur l’annexe I, partie B, paragraphe 3, de la directive 2008/6, que le calcul des coûts nets évitables pouvait prendre en considération le coût des services postaux et non postaux. Cependant, il y a lieu de constater que ledit paragraphe traite, notamment, des bénéfices immatériels et qu’il convient de se reporter au paragraphe 2 de ladite partie B, lequel porte sur le calcul du coût net des obligations de service universel.

391    À cet égard, il doit être relevé que, selon l’annexe I, partie B, paragraphe 2, de la directive 2008/6, le coût net des obligations de service universel correspond à tout coût lié et nécessaire à la gestion de la fourniture du service universel. Il correspond à la différence entre le coût net supporté par un prestataire de service universel désigné lorsqu’il est soumis à des obligations de service universel et celui supporté par le même prestataire de services postaux lorsqu’il n’est pas soumis à ces obligations. De plus, en vertu de l’annexe I, partie A, de la directive 2008/6, les obligations de service universel sont définies comme étant les obligations qu’un État membre a imposées à un prestataire de services postaux pour qu’il fournisse un service postal. Il en découle que ne sont visés, à l’annexe I, partie B, paragraphe 3, de la directive 2008/6, que les coûts liés à des services postaux.

392    Partant, la Commission a considéré à juste titre, au considérant 175 de la décision attaquée, que les coûts de prestation de services non postaux ne pouvaient pas être pris en considération dans le calcul du coût du service universel.

393    Or, en réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a précisé que les coûts de services non postaux avaient été inclus dans le calcul des coûts nets évitables qu’elle avait communiqué au moyen du rapport de 2007.

394    Partant, le fait, pour la requérante, d’avoir pris en compte les coûts de services non postaux lors du calcul des coûts nets évitables suffit à confirmer l’appréciation de la Commission selon laquelle une estimation raisonnable et fiable du coût de la fourniture du service universel en Slovaquie justifiant l’extension du domaine réservé n’avait pas été fournie (considérant 178 de la décision attaquée).

 Sur l’affectation des coûts et des recettes aux bureaux de poste

395    La requérante considère comme étant non fondée l’affirmation de la Commission, aux considérants 176 et 177 de la décision attaquée, selon laquelle la méthode d’affectation des coûts et des recettes ne donnait pas une image précise des relations de cause à effet fondamentales dans le secteur postal. Selon la requérante, la Commission n’a pas tenu compte de manière appropriée de l’information soumise et est parvenue à tort à la conclusion que la méthode d’affectation des coûts et des recettes était inappropriée pour les activités de réseau postal.

396    Selon la requérante, dans le calcul soumis à la Commission, l’utilisation des bureaux de poste auraient été utilisés comme des éléments de coûts finaux, ce qui aurait impliqué la prise en compte de tous les bureaux de poste non rentables qui auraient été fermés en l’absence d’obligation de service universel. La méthode utilisée pour calculer les coûts nets évitables serait fondée sur la méthode, communément utilisée, « Activity Based Costing » (coût fondé sur les activités, ci‑après la « méthode ABC »), selon laquelle les recettes directes seraient affectées directement, alors que les recettes indirectes seraient analysées et distribuées entre les objets de coûts finaux, en l’espèce les bureaux de poste, en utilisant le facteur de coût approprié. Cette méthode garantirait la répartition appropriée des recettes et des coûts entre les objets faisant partie intégrante du processus d’entreprise.

397    Dans le calcul soumis en l’espèce, les recettes et les coûts directs auraient été affectés directement aux bureaux de poste. Les coûts indirects auraient été affectés en utilisant divers facteurs de coûts afin d’attribuer à chaque bureau de poste ses coûts et les recettes indirectes auraient été affectées en appliquant les mêmes principes et en utilisant les volumes comme principal facteur d’affectation. Partant, contrairement à l’affirmation de la Commission dans la décision attaquée, le rapport interne et celui de 2007 n’auraient pas utilisé seulement les recettes et les coûts directs d’un centre de coûts correspondant.

398    À cet égard, il doit être considéré que l’argumentation de la requérante repose sur une lecture erronée de la décision attaquée et que, dès lors, elle ne saurait prospérer. En effet, le reproche exprimé par la Commission dans la décision attaquée, comme celle-ci le fait valoir, était non le fait que seuls les recettes et les coûts directs d’un centre de coûts correspondant auraient été utilisés, mais le fait que l’affectation des coûts et des recettes, telle qu’effectuée en l’espèce, ne tenait pas compte des effets de réseau (considérant 177).

399    En effet, dans la décision attaquée (considérant 176), la Commission a indiqué que le rapport interne et celui de 2007 avaient divisé le territoire de la Slovaquie en autant de centres d’activité qu’il y avait de bureaux de poste. Elle a noté que la plupart des recettes étaient des recettes directes, directement imputées aux centres de profit les ayant générées. Elle a relevé que, à l’inverse, l’essentiel des coûts étaient des charges communes imputées à chacun des centres de profit par des clés de répartition variables. Elle a relevé que le consultant externe, ayant préparé le rapport de 2007, ainsi que, en substance, la requérante étaient parvenus à la conclusion que certains centres d’activité n’étaient pas rentables et qu’ils devraient être fermés en l’absence d’obligation de service universel. La Commission a précisé que, selon ledit consultant externe, la fermeture de ces bureaux de poste permettrait de réaliser des économies d’un montant d’au moins 1,5 milliard de SKK, tandis que la requérante chiffrait ce montant à 1,7 milliard de SKK.

400    Selon la Commission, ces méthodes ne tenaient toutefois pas compte de la nature même des activités postales et des particularités des entreprises de réseau (considérant 177 de la décision attaquée). Elle a estimé que, comme le gouvernement slovaque l’avait d’ailleurs mentionné, le trafic dans le secteur postal n’était pas équilibré. Seul un nombre limité de centres de profits auraient généré des bénéfices, à savoir ceux étant situés dans des zones où les entreprises expédiaient des volumes significatifs de plis, alors que, à l’inverse, les centres de profits destinataires n’auraient généré que des charges. La Commission a estimé que, cependant, les recettes générées dans les zones rentables n’auraient pu l’être en l’absence des centres non rentables. La Commission en a déduit qu’il était inexact de présumer que la requérante supprimerait ces centres non rentables si elle n’avait plus à assumer l’obligation de service universel. Elle a précisé qu’il était notamment douteux que les bénéfices générés par les bureaux de poste importants, tels que les principaux centres postaux de Bratislava ou de Košice, spécialisés dans la réception de volumes importants de plis, ne seraient pas affectés si 73 % du réseau, en termes de nombre de bureaux, devait être démantelé. La Commission en a conclu que la méthode utilisée aboutissait à ce que les bureaux de poste destinataires soient considérés comme déficitaires et soient, par conséquent, inclus dans la charge du service universel même si, en raison de leur contribution aux recettes globales de l’opérateur postal, il existait des raisons commerciales de les conserver.

401    Or, la requérante ne conteste pas l’existence d’un effet de réseau dans le secteur postal, tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée. De plus, elle n’explique aucunement si et, le cas échéant, de quelle manière, d’une part, la méthode utilisée avait pris en compte cet effet de réseau et, d’autre part, il avait été tenu compte du fait que le maintien de certains bureaux de poste déficitaires pouvait être justifié d’un point de vue commercial.

402    Partant, le fait que la méthode utilisée dans le calcul soumis par la requérante ait pu aboutir à considérer certains bureaux de poste comme déficitaires et à les inclure, pour ce motif, dans la charge du service universel, sans qu’il ait été tenu compte de l’effet de réseau, celui-ci impliquant que ces bureaux de poste pouvaient devoir être maintenus pour des raisons commerciales, a pour conséquence qu’une erreur à cet égard dans le calcul de la charge du service universel ne saurait être exclue. Par conséquent, la Commission a pu estimer à cet égard, sans commettre d’erreur, qu’une estimation raisonnable et fiable du coût de la fourniture du service universel en Slovaquie justifiant l’extension du domaine réservé n’avait pas été fournie (considérant 178 de la décision attaquée).

 Sur l’impact de la libéralisation de la remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride

403    La requérante invoque trois erreurs de la Commission dans son appréciation des preuves soumises par la République slovaque et elle-même, montrant que la libéralisation du marché du courrier hybride aurait un effet négatif sur le respect des obligations de service universel.

404    En premier lieu, selon la requérante, la Commission a retenu, à tort, en tant que critère d’appréciation, la menace de sa stabilité financière (considérant 191 de la décision attaquée), alors qu’il aurait été suffisant de montrer que le service économique d’intérêt général ne pouvait pas être fourni dans des conditions économiquement acceptables.

405    Cet argument doit être rejeté. Premièrement, le gouvernement slovaque avait invoqué l’incidence négative de la libéralisation sur la situation financière de la requérante (considérant 180 de la décision attaquée) et la requérante avait également indiqué que la libéralisation lui aurait fait perdre des recettes (considérant 181 de la décision attaquée). Dès lors, la Commission n’a fait que répondre à ces allégations dans la décision attaquée, en concluant, au considérant 191 de celle-ci, que « [c]ompte- tenu de ce qui précède, aucun élément ne [venait] étayer l’affirmation selon laquelle l’équilibre financier des services postaux de Slovenská pošta serait menacé ».

406    Deuxièmement, l’argument de la requérante est contredit par les autres considérations de la Commission dans la décision attaquée. En effet, la Commission a rappelé, au considérant 166 de la décision attaquée, la jurisprudence de la Cour selon laquelle l’article 7, paragraphe 2, de la directive postale ne permettait aux États membres d’étendre la réserve postale que dans la mesure où ils établissaient que, à défaut d’une telle réserve, il serait fait échec à l’accomplissement de ce service universel, ou que cette réserve était nécessaire pour que ce service puisse être accompli dans des conditions économiquement acceptables (arrêt International Mail Spain, point 358 supra, EU:C:2007:681, point 50). La Commission a précisé, au considérant 167 de la décision attaquée, que, à la lumière de cette jurisprudence, l’État membre devait établir, ce que le gouvernement slovaque n’avait pas fait, que, en l’absence de l’extension demandée ou de la réserve, l’accomplissement du service universel serait mis en échec ou, à tout le moins, qu’il ne pourrait pas être accompli dans des conditions économiquement acceptables. La Commission en a déduit, au considérant 192 de la décision attaquée, que ni le gouvernement slovaque ni la requérante n’avaient fourni « de preuves suffisantes que le maintien de la libéralisation du courrier hybride [aurait mis] en péril l’accomplissement du service universel ou que ce service ne pouvait pas être exécuté dans des conditions économiquement acceptables ».

407    En second lieu, la requérante invoque l’arrêt Commission/Pays-Bas, point 358 supra (EU:C:1997:499, point 55), et prétend que, afin de mesurer l’impact de la libéralisation, la Commission a exigé des preuves pour toutes les hypothèses pertinentes, alors que, selon la jurisprudence applicable, il suffirait à l’État membre de montrer qu’une ouverture de marché entraînerait des modifications substantielles sur le marché, ce que la République slovaque et elle-même auraient établi.

408    Premièrement, il ne suffit pas, contrairement à l’affirmation de la requérante, à l’État membre de montrer que l’ouverture du marché entraînerait des modifications substantielles sur le marché. Il ressort, en effet, de l’arrêt Commission/Pays-Bas, point 358 supra (EU:C:1997:499, point 58), que l’État membre doit exposer de façon circonstanciée les raisons pour lesquelles, en cas de suppression des mesures incriminées, l’accomplissement, dans des conditions économiquement acceptables, des missions d’intérêt économique dont il a chargé une entreprise serait, selon lui, mis en cause.

409    Deuxièmement, la requérante affirme, certes, que la République slovaque et elle-même avaient clairement soutenu que la libéralisation de la remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride impliquerait inévitablement pour elle la perte d’une partie significative de ses revenus dans le segment des envois en nombre, lequel était le segment le plus lucratif du marché et était crucial pour couvrir les coûts liés à l’obligation de service universel. De ce fait, selon la requérante, la libéralisation de la remise du courrier hybride était susceptible de conduire à l’impossibilité pour elle de couvrir, sans augmenter les tarifs pour la remise des envois postaux, les coûts liés à l’obligation de service universel.

410    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, au considérant 180 de la décision attaquée, la Commission a précisé que, ce que la République slovaque ne conteste pas, d’une part, lorsqu’elle avait demandé au gouvernement slovaque de lui communiquer une estimation détaillée du courrier qui pouvait être transféré à d’autres opérateurs, il avait reconnu que le régulateur postal n’était pas en mesure de fournir à cet égard une estimation fiable des volumes de courrier hybride dans des conditions de pleine libéralisation et que, d’autre part, il n’avait pas expliqué en quoi cela pourrait affecter la stabilité financière de la requérante.

411    Ensuite, s’agissant des informations communiquées par la requérante, la Commission a indiqué dans la décision attaquée (considérant 181) que celle-ci lui avait transmis des estimations selon lesquelles, en se fondant sur un volume de 215 millions d’envois en nombre par an, représentant une valeur de 2,1 milliard de SKK au moment de la décision attaquée, une baisse de prix de 30 %, au minimum, aurait réduit la valeur totale du marché à 1,47 milliard de SKK, au minimum, à savoir 70 % de 2,1 milliards de SKK. La Commission a précisé que la requérante avait estimé, en outre, qu’une perte de 20 %, au minimum, de ses parts de marché réduirait son chiffre d’affaires des envois en nombre à 1,17 milliard de SKK, au minimum, à savoir 80 % de 1,47 milliard de SKK. La requérante avait alors affirmé que la libéralisation totale du marché de la remise du courrier hybride lui ferait perdre des recettes de l’ordre de 924 millions de SKK dans un « scénario optimiste » et de l’ordre de 1,3 milliard de SKK dans le « scénario pessimiste».

412    Il convient, dès lors, de constater que les parts de marché ont été évaluées par la requérante elle-même, et non par la Commission, contrairement à ce qu’elle sous-entend, la Commission lui ayant alors reproché de se fonder sur des prémisses ou des hypothèses non étayées.

413    À cet égard, la Commission a, en effet, considéré dans la décision attaquée (considérants 182 à 191) que les prévisions de la requérante se fondaient sur plusieurs prémisses ou hypothèses non étayées, à savoir que, premièrement, les envois en nombre réservés représentaient 80 % du volume total de courrier (considérants 182 et 184), deuxièmement, la totalité des clients pour les envois en nombre se tourneraient vers des services de courrier hybride (considérants 182, 185 et 186), troisièmement, la part de marché de la requérante dans le segment du courrier hybride chuterait jusqu’à 20 % (considérants 182 et 187), quatrièmement, que les volumes de courrier n’évolueraient pas à long terme (considérants 182 et 188) et, cinquièmement, les prix baisseraient d’au moins 30 % en 2010 (considérants 182 et 189). De plus, la Commission a constaté que la requérante n’avait pas déduit de la prétendue perte de recettes les économies qui résulteraient d’une baisse des volumes et ne lui avait donc pas communiqué une estimation fiable de l’impact global de la prétendue baisse des volumes sur sa rentabilité (considérant 190).

414    Or, la requérante ne conteste pas de manière étayée ces considérations, mais se contente d’affirmer que la Commission a exigé une précision absolue et que la République slovaque et elle-même ont démontré l’existence d’une justification objective.

415    La requérante fait certes valoir que la République slovaque et elle-même avaient clairement indiqué que le coût net des obligations de service universel s’élevait approximativement à un montant compris entre 50 et 56 millions d’euros en 2007. Toutefois, il doit être rappelé que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer que la Commission avait conclu à tort à l’absence de preuve de l’existence d’une telle charge financière (voir points 365 à 402 ci-dessus).

416    Par ailleurs, la requérante soutenant que les résultats nets de son département pour les envois en nombre s’élevaient approximativement à 56 millions d’euros en 2007, il doit être constaté qu’elle reconnaît ainsi implicitement que le montant des recettes tirées des envois en nombre s’élevait seulement à 1,7 milliard de SKK, soit 56 millions d’euros, et non à 2,1 milliards de SKK comme elle l’avait indiqué durant la procédure administrative (considérants 181 et 184 de la décision attaquée). La Commission avait relevé une contradiction identique au considérant 184 de la décision attaquée.

417    La requérante avance également que le montant total de ses bénéfices en 2007 s’élevaient à environ 7 millions d’euros, sans cependant préciser la pertinence de cette affirmation. En tout état de cause, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la rentabilité globale de la requérante en 2007 était inférieure à sa rentabilité dans le domaine réservé ainsi que dans le domaine du service universel, certaines de ses activités, non soumises aux obligations du service universel, étant déficitaires selon les chiffres communiqués par le régulateur postal (considérants 46 et 47 de la décision attaquée). Dès lors, il doit être relevé, à l’instar de la Commission, que la réserve postale ne pouvait pas être justifiée aux fins de maintenir la rentabilité globale de la requérante, voire de compenser des activités commerciales déficitaires.

418    Enfin, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante relative à la perte inévitable d’une partie significative de ses revenus dans le segment des envois en nombre, lequel serait le segment le plus lucratif du marché, à la suite de la libéralisation de la remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride, et serait crucial pour couvrir les coûts liés à l’obligation de service universel.

419    Comme la Commission l’a mentionné, en substance, aux considérants 185 et 186 de la décision attaquée, le fait que des expéditeurs des envois en nombre puissent décider de remplacer le service de courrier traditionnel par celui de courrier hybride n’impliquait pas que tous opteraient pour un tel remplacement et que la requérante perdrait la totalité de la remise des envois en nombre. De plus, comme la Commission le fait valoir, le rapport annuel de 2007 de la requérante indiquait une augmentation des recettes nettes tirées des envois en nombre de 13,58 % par rapport à 2006. Dès lors, quand bien même la requérante aurait perdu de ses clients pour les envois en nombre, la croissance potentielle de ce marché pouvait partiellement compenser ces pertes.

420    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que les appréciations de la Commission, aux considérants 182 à 191 de la décision attaquée, étaient erronées.

421    Troisièmement, la requérante prétend que la Commission, en se fondant sur une définition inexacte du marché, n’a pas tenu compte du fait que le courrier hybride proposé par les opérateurs privés et la remise traditionnelle proposée par elle-même étaient des substituts directs, sous-estimant donc l’impact des autres opérateurs fournissant des services de courrier hybride.

422    Il suffit de constater à cet égard que l’argument de la requérante doit être écarté dans la mesure où il est fondé sur la prémisse erronée d’une définition inexacte du marché (voir point 206 ci-dessus).

423    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il doit être considéré que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’a pas, par la décision attaquée, anticipé la libéralisation et a conclu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que la requérante n’avait pas pu démontrer que l’extension de ses droits exclusifs aux services de courrier hybride était nécessaire afin de fournir un service universel dans des conditions économiquement acceptables (considérant 199 de la décision attaquée).

424    Dès lors, il convient de rejeter la deuxième branche du troisième moyen et, partant, le troisième moyen dans son intégralité, sous réserve de l’examen des griefs mentionnés aux points 174 et 339 ci-dessus auquel il sera répondu lors de l’examen du premier moyen (voir point 464 ci-après).

C –  Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration, en raison de l’absence d’un examen approprié de tous les faits et intérêts en cause, et de l’obligation de motivation au sens de l’article 253 CE

425    La requérante fait valoir qu’il est de jurisprudence constante que le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans la procédure administrative revêt une importance fondamentale. Elle soutient que, parmi ces garanties, figurent, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce ainsi que le droit de l’administré de faire connaître son point de vue et de disposer d’une décision suffisamment motivée.

426    Par ce moyen, divisé en deux branches, la requérante invoque la violation du principe de bonne administration, en raison de l’absence d’un examen approprié de tous les faits et intérêts en cause, et de l’obligation de motivation au sens de l’article 253 CE, en ce qui concerne, d’une part, l’étendue et la nature des services à valeur ajoutée offerts par les opérateurs alternatifs et la requérante ainsi que la demande de tels services et, d’autre part, le rejet par la Commission de l’information financière fournie par la requérante dans le contexte de la justification objective.

427    Selon la jurisprudence relative au principe de bonne administration, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec, EU:C:1991:438, point 14 ; du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, Rec, EU:T:2008:457, point 179, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, Rec, EU:T:2012:145, point 68).

428    Par ailleurs, afin de satisfaire à son obligation de motivation, exigée par l’article 253 CE, il suffit à la Commission d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt du 4 septembre 2009, Italie/Commission, T‑211/05, Rec, EU:T:2009:304, point 68 et jurisprudence citée).

1.     Sur l’étendue et la nature des services à valeur ajoutée offerts par les opérateurs alternatifs et la requérante ainsi que sur la demande de tels services

429    Selon la requérante, la Commission a manqué d’examiner avec soin et impartialité l’étendue exacte et la nature des services fournis par les autres opérateurs, la possibilité pour la requérante d’offrir des services à valeur ajoutée et s’il existait une demande particulière pour des services à valeur ajoutée, tels que le service de repérage et de suivi.

430    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, remet en cause le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

a)     Sur l’étendue et la nature des services fournis par les autres opérateurs

431    Selon la requérante, en premier lieu, la description de l’étendue des activités des autres opérateurs en Slovaquie dans la décision attaquée (considérants 49 à 55) suggère que ces opérateurs ont investi de manière significative dans leur propre réseau de distribution et qu’ils se sont forgé une position significative en matière de courrier hybride. Toutefois, ces observations seraient exclusivement fondées sur de simples affirmations de ces opérateurs à la Commission.

432    Au point 25 de la requête, la requérante soutient avoir demandé à la Commission de poursuivre son examen de la véracité et de la pertinence des affirmations des autres opérateurs à cet égard. En réponse à l’argumentation de la Commission invoquant l’irrecevabilité de ce grief, la requérante conteste une telle irrecevabilité, en faisant valoir que la requête se réfère à diverses affirmations détaillées de sa part, remettant en cause la véracité des informations fournies par les autres opérateurs concernant les services offerts par ceux-ci et par la requérante. La requête, aux points 24 à 26, comporterait à la fois des arguments et des moyens de preuve selon lesquels la Commission aurait manqué de prendre en compte les informations fournies par la requérante pour déterminer la nature et l’étendue des services offerts par les autres opérateurs.

433    Dans la décision attaquée, aux considérants 49 à 54, la Commission a précisé quels étaient les principaux concurrents de la requérante sur le marché des services de courrier hybride, à savoir Slovak Mail Services, Cromwell et Prvá Doručovacia. Elle a décrit l’étendue de leurs activités, notamment à travers la couverture estimée de leurs réseaux de distribution, le nombre de leurs employés ainsi que, s’agissant de Prvá Doručovacia, le nombre d’envois postaux hybrides distribués. Au considérant 55 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que TNT Post Slovensko l’avait informée qu’elle avait commencé à fournir des services de courrier hybride en Slovaquie et qu’elle entendait développer cette activité.

434    Il doit être considéré que le grief soulevé par la requérante, au point 25 de la requête, complète le point précédent de la requête. Cependant, dans ces deux points, la requérante n’indique pas les informations précises, contenues aux considérants 49 à 55 de la décision attaquée, qu’elle conteste, parce qu’elles seraient fondées sur de simples affirmations faites par les autres opérateurs à la Commission, et dont elle aurait demandé la vérification à cette dernière. À cet égard, si la requérante renvoie à certaines pages des annexes de la requête ainsi qu’à une annexe dans son intégralité, il convient de constater que ces renvois sont trop généraux pour identifier les points considérés comme étant pertinents par la requérante elle–même. De plus, le simple renvoi aux annexes ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui doivent figurer dans la requête, car il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 14 décembre 2005, Honeywell/Commission, T‑209/01, Rec, EU:T:2005:455, point 57 et jurisprudence citée). Partant, ce grief doit être considéré comme étant irrecevable.

435    En tout état de cause, dans la mesure où ce grief serait compris comme visant les informations relatives aux réseaux de distribution des autres opérateurs, il doit être rejeté comme étant non fondé.

436    En effet, premièrement, si tant est que, par son argumentation, la requérante vise à contester les informations selon lesquelles Prvá Doručovacia aurait disposé d’une couverture nationale de 70 % pour les services de courrier hybride, il convient de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a en fait mentionné une couverture approximative de 65 %. La Commission avait demandé des précisions à Prvá Doručovacia et celle-ci lui avait répondu le 28 août 2008, comme la requérante le relève.

437    À cet égard, Prvá Doručovacia avait indiqué que la requérante n’était pas en mesure de vérifier la proportion d’envois remis par leurs réseaux respectifs, dans la mesure où Prvá Doručovacia n’aurait jamais été un partenaire en affaires direct de la requérante. En outre, Prvá Doručovacia avait précisé le nombre d’envois de courrier hybride qu’elle avait remis en 2007, son chiffre d’affaires provenant de cette activité ainsi que la part de celui-ci par rapport à son chiffre d’affaires total. Or, comme le fait valoir la Commission, il y a lieu de constater que, dans sa réponse du 24 septembre 2008 à l’exposé des faits du 19 septembre 2008, la requérante n’avait pas contesté les éléments fournis par Prvá Doručovacia dans sa réponse. De plus, dans sa réponse à la lettre de mise en demeure, la requérante avait admis une couverture du réseau de distribution de Prvá Doručovacia à hauteur de 70 %, même si elle avait contesté la nature hybride du courrier remis.

438    Par ailleurs, il convient d’observer que, dans sa réponse du 28 août 2008, Prvá Doručovacia avait fourni des informations détaillées concernant le nombre de ses employés et avait communiqué à la Commission les déclarations faites à l’office slovaque d’assurance sociale. Or, la requérante ne remet pas en cause ces informations.

439    Deuxièmement, s’agissant des autres opérateurs, mentionnés aux considérants 49 à 55 de la décision attaquée, il y a lieu de relever que Slovak Telekom avait confirmé la couverture du réseau de Slovak Mail Services et de Cromwell dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission.

440    En second lieu, la requérante soutient que la Commission aurait dû examiner avec attention l’étendue des services « à valeur ajoutée » et l’importance avec laquelle ils étaient offerts en Slovaquie (voir également point 174 ci-dessus). Dans la décision attaquée (considérant 151), la Commission aurait affirmé en des termes généraux que, « après la réserve de la remise des services de courrier hybride, [l]es services additionnels tels que proposés par les opérateurs privés (comme les services de repérage et de suivi et la remise sept jours sur sept) n[’auraient] plus [été] accessibles aux clients ». Toutefois, ni l’importance de la valeur ajoutée des services prétendument proposés par les autres opérateurs, ni l’échelle à laquelle ces services étaient offerts n’aurait été précisées. Or, ainsi que la Commission l’aurait reconnu dans la décision attaquée (considérant 150), la requérante aurait contesté l’argument relatif à la valeur ajoutée à des services proposés par les opérateurs alternatifs.

441    À cet égard, il convient de constater que, contrairement aux affirmations de la requérante, la Commission a relevé, au considérant 150 de la décision attaquée, que la requérante n’avait pas contesté le fait que les services de repérage et de suivi fournis par Slovak Mail Services constituaient des services à valeur ajoutée.

442    Par ailleurs, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom a confirmé la valeur ajoutée de tels services de repérage et de suivi, en les plaçant en première place, par ordre d’importance, de la liste des services additionnels offerts par Slovak Mail Services et Cromwell (voir point 331 ci-dessus). Partant, cette considération dans le cadre de l’appel d’offres de Slovak Telekom, dont l’importance en termes de valeur n’est pas contestée, conforte l’affirmation de la Commission concernant l’importance d’un tel service.

443    Enfin, s’agissant du service de remise sept jours sur sept (voir point 174 ci-dessus), il convient de rappeler que, dans sa réponse à la demande d’informations de la Commission, Slovak Telekom l’a mentionné comme un service additionnel, en le plaçant en troisième position sur les quatre services additionnels proposés par Slovak Mail Services et Cromwell (voir point 182 ci-dessus). Il convient de rappeler, ainsi que cela a été indiqué au point 335 ci-dessus, le service de remise sept jours sur sept apparaît comme étant un élément secondaire et non essentiel dans l’analyse de la Commission des services additionnels à la remise dans le cadre du courrier hybride et le fait qu’il soit uniquement mentionné dans la décision attaquée, sans que cette mention soit étayée par des éléments particuliers, ne saurait remettre en cause la légalité de celle-ci quant à l’existence d’une demande sur le marché pour des services additionnels liés à la remise.

444    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission a procédé à l’examen des éléments directement pertinents concernant l’étendue et la nature des services fournis par les autres opérateurs et le grief de la requérante à cet égard mentionné au point 174 ci-dessus doit être également être rejeté. Partant, la Commission n’a pas manqué à son obligation d’examen et la décision attaquée n’apparaît pas insuffisamment motivée à cet égard.

b)     Sur la possibilité pour la requérante d’offrir des services à valeur ajoutée

445    Selon la requérante, la Commission a omis d’examiner attentivement si elle était en mesure d’offrir les services à valeur ajoutée prétendument proposés par les autres opérateurs (voir également point 339 ci-dessus).

446    Premièrement, la Commission aurait affirmé que les services proposés par la requérante étaient « des services spécialisés dont le coût les [rendait] totalement inappropriés aux envois postaux hybrides ». À cet égard, la Commission se serait référée aux tarifs demandés par la requérante pour ses services spécialisés, tels qu’ils étaient publiés sur son site Internet (note en bas de page n° 36 de la décision attaquée). Or, la Commission aurait dû examiner si ces tarifs étaient représentatifs des tarifs de ces services et s’ils avaient été proposés dans le cadre du courrier hybride. Selon la requérante, il était tout à fait probable que les tarifs de ces services pour des envois en nombre fussent significativement inférieurs aux tarifs de ces mêmes services lorsqu’ils étaient offerts à des citoyens individuels. La requérante fait valoir que la Commission aurait dû, à tout le moins, lui donner la possibilité d’exprimer ses préoccupations à cet égard.

447    Cette argumentation de la requérante doit être écartée.

448    Tout d’abord, il convient de relever que la requérante ne conteste pas les tarifs mentionnés par la Commission dans la décision attaquée (considérant 153 et note en bas de page n° 36).

449    Ensuite, il y a lieu de relever que la requérante invoque seulement la probabilité de tarifs inférieurs pour des envois en nombre, de surcroît sans étayer cette allégation. Dès lors, s’agissant de tarifs pour des services de la requérante, il ne pouvait pas être exigé de la Commission, contrairement à l’argumentation de la requérante, de déterminer ces éventuels tarifs.

450    De plus, dans sa réponse du 28 août 2008 à la demande d’informations de la Commission du 14 août 2008, la requérante a indiqué que [confidentiel], ce qui tend à confirmer la pertinence des tarifs indiqués par la Commission, dans la décision attaquée, pour les services de la requérante, puisque cette dernière n’a indiqué aucun autre tarif précis.

451    Enfin, il convient de rappeler que, ainsi que cela a été relevé au point 347 ci-dessus, la Commission s’est également fondée sur la réponse de la requérante à l’appel d’offres de Slovak Telekom, [confidentiel], [confidentiel].

452    Deuxièmement, la requérante fait valoir que, bien que la Commission se réfère « aux clients », elle se fonde sur un seul appel d’offres, celui de Slovak Telekom, pour prouver ce qu’elle appelle la « demande existant sur le marché ». La Commission aurait conclu également sur la base de ce « seul exemple réel » que la requérante n’offrait pas de services de repérage et de suivi. La Commission n’aurait pas pu adopter une telle conclusion sans examiner avec soin l’ensemble des faits pertinents ni poser des questions aux différents clients, en ce compris ceux de la requérante. La requérante soutient que la décision attaquée suggère qu’une telle étude n’a pas été effectuée, ce que la Commission confirmerait.

453    Il doit être rappelé, tout d’abord, comme cela a été indiqué au point 332 ci-dessus, que l’appel d’offres de Slovak Telekom était un appel d’offres très important en termes de valeur (considérant 17 de la décision attaquée), ce que la requérante ne conteste pas. Dès lors, il pouvait être considéré comme l’illustration d’une demande que présentait le marché, conformément à l’arrêt Höfner et Elser, point 322 supra (EU:C:1991:161).

454    Ensuite, il suffit de constater que l’argumentation de la requérante doit être rejetée eu égard aux considérations exposées aux points 342, 348 et 349 ci-dessus.

455    Il convient d’en conclure que la requérante soutient à tort que la Commission a omis d’examiner attentivement si la requérante était en mesure d’offrir un service de repérage et de suivi dans le cadre du service de courrier hybride, tel que décrit dans la décision attaquée, et, partant, à cet égard, que la Commission n’a pas manqué à son obligation d’examen et que la décision attaquée n’apparaît pas insuffisamment motivée.

c)     Sur la demande particulière pour des services à valeur ajoutée (repérage et suivi)

456    La requérante invoque l’absence totale d’éléments permettant d’étayer l’affirmation de la Commission dans la décision attaquée selon laquelle « [l]es services complémentaires, et notamment les services de repérage et de suivi, [semblaient] constituer l’un des principaux critères de choix des fournisseurs de services postaux par les consommateurs » (considérant 150). La décision attaquée n’aurait pas expliqué pourquoi le service de repérage et de suivi contribuerait à éviter les mauvaises dettes, ni sur quelle base il serait justifié de conclure que les clients concernés auraient un intérêt particulier à obtenir confirmation qu’un envoi postal donné a été effectivement distribué. La Commission ne pourrait pas adopter une telle conclusion dans le cadre d’une procédure administrative sans procéder à un examen diligent de l’ensemble des faits, par exemple en posant des questions à certains clients, en ce compris les clients de la requérante, lesquels n’auraient pas exprimé un intérêt à obtenir de tels services à valeur ajoutée dans le cadre du courrier hybride et seraient apparemment entièrement satisfaits des services de courrier hybride qu’elle proposerait. La décision attaquée laisserait entendre qu’une telle enquête n’a pas eu lieu (voir également point 174 ci-dessus).

457    À cet égard, il convient de rappeler que la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, l’existence, dans le cadre du service de courrier hybride, d’une demande particulière pour le service de repérage et de suivi, tel que défini au considérant 38 de la décision attaquée, et en a exposé les raisons (considérants 36, 96, 97 et 150 de la décision attaquée) (voir points 329 et 330 ci-dessus).

458    De plus, la Commission a également indiqué que Slovak Telekom avait confirmé que ce service de repérage et de suivi constituait l’un des critères de sélection dans son appel d’offres, revêtant une importance clé aux fins des relations avec les consommateurs et permettant de réduire les coûts pour collecter les paiements et éviter les créances irrécouvrables (considérant 39 de la décision attaquée et note en bas de page n° 9). Cette confirmation ressortait, en substance, de la réponse de Slovak Telekom à la demande d’informations de la Commission (voir point 331 ci-dessus). En outre, l’appel d’offres de Slovak Telekom peut être considéré comme l’illustration d’une demande que présentait le marché, conformément à l’arrêt Höfner et Elser, point 322 supra (EU:C:1991:161).

459    Enfin, il y a lieu de considérer que, quand bien même les clients de la requérante n’auraient pas souhaité ce type de services – ce qui pourrait également confirmer que la requérante ne les offrait pas –, cela ne signifiait pas que la demande n’existait pas sur le marché.

460    Par conséquent, contrairement à l’affirmation de la requérante, la Commission disposait des éléments nécessaires afin de conclure, dans la décision attaquée, à une demande existante sur le marché pour le service de repérage et de suivi et ainsi, plus généralement, à une demande de services additionnels à la remise du courrier hybride.

461    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel les autres opérateurs feraient un usage très sélectif de son réseau postal public et abuseraient du tarif plancher (national) pour les envois de lettres et selon lequel leur permettre de faire une sélection par le biais de la remise des envois postaux de moins de 50 grammes mettrait gravement en péril sa stabilité financière ainsi que sa capacité à remplir ses obligations de service universel.

462    Cette argumentation doit, en effet, être rejetée dans le cadre de l’examen du présent moyen, dans la mesure où elle ne tend pas à démontrer une violation du principe de bonne administration, mais vise à remettre en cause le bien-fondé du rejet par la Commission de la justification de la mesure étatique en cause au titre de l’article 86, paragraphe 2, CE. Or, ledit rejet par la Commission est contesté par la requérante dans la seconde branche de son troisième moyen, laquelle a été rejetée.

463    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission a procédé à l’examen des éléments directement pertinents quant à la question de savoir s’il existait une demande particulière pour des services à valeur ajoutée et le grief de la requérante à cet égard mentionné au point 174 ci-dessus doit être également être rejeté. Partant, la Commission n’a pas manqué à son obligation d’examen et la décision attaquée n’apparaît pas insuffisamment motivée à cet égard.

464    Au vu de tout ce qui précède, la première branche du premier moyen doit être rejetée, ainsi que les griefs mentionnés aux points 174 et 339 ci-dessus et, partant, la première branche du troisième moyen et le troisième moyen dans son intégralité (voir point 206 ci-dessus).

2.     Sur le rejet par la Commission de l’information financière fournie par la requérante dans le contexte de la justification objective

465    La requérante soutient avoir fourni à la Commission des informations financières détaillées, sous la forme du rapport de 2007, lequel aurait apporté des explications complémentaires aux déclarations antérieures sur l’impact qu’aurait le fait d’autoriser des opérateurs alternatifs à remettre physiquement des objets de moins de 50 grammes dans le contexte de ce que les opérateurs alternatifs qualifient de « courrier hybride ». Il résulterait de la décision attaquée que, en dépit de l’accord de principe de la Commission quant à la méthodologie adoptée par le consultant externe dans le rapport de 2007, celle-ci se serait interrogée sur la mise en œuvre de cette méthodologie (considérant 171 de la décision attaquée).

466    La requérante prétend que, en limitant son appréciation et sa conclusion à l’affirmation selon laquelle la mise en œuvre de la méthodologie adoptée dans le rapport de 2007 était « douteuse » (considérants 171 et 172 de la décision attaquée), la Commission a violé l’obligation d’examiner avec soin et impartialité l’ensemble des faits pertinents, ce qui constituerait une violation du principe de bonne administration.

467    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, conteste cette argumentation.

468    À cet égard, il suffit de constater que, contrairement aux allégations de la requérante, la Commission n’a pas seulement affirmé que la méthodologie utilisée par le consultant externe dans le rapport de 2007 était « douteuse ». Elle a expliqué qu’elle ne pouvait pas l’accepter telle qu’elle avait été mise en œuvre pour trois motifs (considérant 171 de la décision attaquée). Elle a ainsi expliqué ses réserves concernant, premièrement, l’absence de prise en considération des bénéfices immatériels (considérant 172 de la décision attaquée) (voir point 369 ci-dessus), deuxièmement, le nombre de bureaux de poste qui auraient fermé si la requérante n’était pas soumise à l’obligation de service universel ainsi que l’affectation des coûts entre les services postaux et non postaux (considérants 173 à 175 de la décision attaquée) (voir points 376, 387 et 388 ci-dessus) et, troisièmement, l’affectation des coûts et des recettes aux bureaux de poste (considérants 176 et 177 de la décision attaquée) (voir points 399 et 400 ci-dessus).

469    De plus, il convient de rappeler que les considérations de la Commission à cet égard n’étaient pas erronées (voir points 373, 384, 394 et 402 ci-dessus).

470    Il découle des considérations qui précèdent que la Commission a procédé à l’examen des éléments directement pertinents dans le cadre de l’évaluation de l’information fournie par la requérante dans le contexte de la justification objective au sens de l’article 86, paragraphe 2, CE et que, par conséquent, à cet égard, elle n’a pas manqué à son obligation d’examen et que la décision attaquée n’est pas insuffisamment motivée.

471    Au vu de tout ce qui précède, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen et, partant, celui-ci dans son intégralité.

D –  Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

472    La requérante soutient que la Commission a, dans le cadre de la définition du marché pertinent, dévié significativement de sa pratique administrative constante antérieure dans le secteur postal et de son approche relative à la définition des marchés pertinents fixée dans la communication postale. Dès lors, la Commission aurait ainsi violé les principes de service juridique et de confiance légitime. Cette approche aurait conduit à une appréciation erronée, par la Commission, de la légalité de la mesure étatique en cause.

473    La Commission, soutenue par Cromwell e.a. et TNT Post Slovensko, s’oppose à cette argumentation.

474    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 119 ci-dessus, la Commission, en adoptant des règles de conduite et en annonçant, par leur publication, qu’elle les appliquera aux cas concernés par celles-ci, s’autolimite dans l’exercice dudit pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation des principes généraux du droit, tels que la protection de la confiance légitime.

475    Toutefois, il doit être considéré que, en l’espèce, la Commission ne s’est pas départie des règles établies dans la communication postale (voir point 124 ci-dessus).

476    Par ailleurs, s’agissant de la pratique décisionnelle de la Commission, il convient de rappeler, que, si, selon la jurisprudence, il incombe à la Commission de développer son raisonnement d’une manière explicite lorsqu’une décision va sensiblement plus loin que sa pratique décisionnelle antérieure, les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d’une pratique décisionnelle antérieure pouvant être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union. En particulier, la requérante ne saurait avoir une telle confiance légitime du fait que la Commission a défini des marchés d’une manière particulière dans une décision antérieure, celle-ci n’étant pas liée par les constatations faites dans une telle décision (voir, en ce sens, arrêt NVV e.a./Commission, point 113 supra, EU:T:2009:144, point 136 et jurisprudence citée). Il y a lieu, en outre, de rappeler que la présente affaire se distingue des circonstances factuelles des affaires invoquées par la requérante (voir points 198 à 202 ci-dessus).

477    Enfin, il doit être rappelé que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait considéré à tort que la mesure étatique constituait une violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE (voir point 353 ci-dessus), et n’était pas justifiée (voir point 423 ci-dessus).

478    Par conséquent, il ne peut pas être reproché à la Commission d’avoir violé les principes de sécurité juridique et de confiance légitime en adoptant la décision attaquée, et, partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

479    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

480    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, par Cromwell e.a. et par ID Marketing Slovensko, conformément aux conclusions de ces dernières.

481    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Il s’ensuit que la République slovaque supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Slovenská pošta a.s. supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne ainsi que par Cromwell a.s., par Slovak Mail Services a.s., par Prvá Doručovacia a.s. et par ID Marketing Slovensko s.r.o.

3)      La République slovaque supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 mars 2015.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

A –  Réglementation nationale avant le 1er avril 2008

1.  Loi postale

2.  Autorisation générale

B –  Réglementation nationale après le 1er avril 2008

1.  Loi postale modifiée

2.  Autorisation générale modifiée

Présentation de la requérante

Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions

En droit

A –  Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit de la requérante d’être entendue

B –  Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 86 CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE

1.  Sur la violation de l’article 86, paragraphe 1, CE, lu en combinaison avec l’article 82 CE

a)  Sur la définition erronée du marché pertinent

Décision attaquée

Sur la communication postale

Sur le marché en Slovaquie

–  Sur la demande en Slovaquie

–  Sur l’offre en Slovaquie

–  Conclusions

Sur la pratique décisionnelle de la Commission et la directive postale

b)  Sur l’absence d’extension d’un monopole vers un marché voisin et sur l’absence de limitation des services situés en aval aux utilisateurs finaux

Sur l’absence d’extension d’un monopole vers un marché voisin

–  Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard de la loi postale et de l’autorisation générale

–  Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard des applications de la loi postale et de l’autorisation générale donnée par le régulateur postal

–  Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard des avis et des déclarations des autorités slovaques concernant le projet de modification de la loi postale et de l’autorisation générale

–  Sur l’appréciation portée par la Commission sur la mesure étatique litigieuse au regard des entrées d’opérateurs sur le marché

Sur l’absence de limitation des services situés en aval aux utilisateurs finaux

2.  Sur l’application erronée de l’article 86, paragraphe 2, CE

a)  Sur la charge de la preuve

b)  Sur l’examen de l’existence d’une justification objective

Sur le calcul des bénéfices immatériels résultant de l’obligation de service universel

Sur le nombre de bureaux de poste qui auraient fermé si la requérante n’avait pas été soumise à l’obligation de service universel

Sur l’affectation des coûts entre les services postaux et non postaux

Sur l’affectation des coûts et des recettes aux bureaux de poste

Sur l’impact de la libéralisation de la remise des envois postaux dans le cadre du courrier hybride

C –  Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration, en raison de l’absence d’un examen approprié de tous les faits et intérêts en cause, et de l’obligation de motivation au sens de l’article 253 CE

1.  Sur l’étendue et la nature des services à valeur ajoutée offerts par les opérateurs alternatifs et la requérante ainsi que sur la demande de tels services

a)  Sur l’étendue et la nature des services fournis par les autres opérateurs

b)  Sur la possibilité pour la requérante d’offrir des services à valeur ajoutée

c)  Sur la demande particulière pour des services à valeur ajoutée (repérage et suivi)

2.  Sur le rejet par la Commission de l’information financière fournie par la requérante dans le contexte de la justification objective

D –  Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de confiance légitime

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1      Données confidentielles occultées.