Language of document : ECLI:EU:T:2021:22

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

20 janvier 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative BE EDGY BERLIN – Marque nationale verbale antérieure EDJI – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑329/19,

12seasons GmbH, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Me M. Gail, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. L. Rampini et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Société immobilière et mobilière de Montagny, établie à Roanne (France), représentée par Me A. Grolée, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 19 mars 2019 (affaire R 1522/2018‑5), relative à une procédure d’opposition entre la Société immobilière et mobilière de Montagny et 12seasons,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et Mme G. Steinfatt (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 31 mai 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 3 décembre 2019,

vu la demande de fixation d’une audience de plaidoiries présentée par la requérante et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, d’ouvrir la phase orale de la procédure,

vu la lettre par laquelle la requérante a indiqué qu’elle renonçait à sa demande d’être entendue lors d’une audience de plaidoiries et, s’estimant par ailleurs suffisamment éclairé par les pièces du dossier, ayant décidé de clore la phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 octobre 2016, la requérante, 12seasons GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent pour, chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Cuir et imitations du cuir, et articles en cuir et en imitations du cuir, à savoir mallettes, sacs de plage, portefeuilles, sacs pour faire les courses, sacs à main, carnassières, fourre-tout, sacs à dos, cartables, sacs de tous les jours ; sachets [enveloppes, pochettes] en cuir pour l’emballage ; peaux d’animaux ; malles et valises ; parapluies ; parasols ; cannes ; fouets ; harnais ; articles de sellerie » ;

–        classe 25 : « Vêtements, en particulier ceintures ; articles pour chaussures, en particulier semelles à insérer ; chapellerie ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/231 du 6 décembre 2016.

5        Le 12 janvier 2017, l’intervenante, la Société immobilière et mobilière de Montagny, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée notamment sur la marque française verbale antérieure EDJI, déposée le 9 décembre 2011 et enregistrée le 28 février 2014, sous le numéro 113880373, pour des produits et des services relevant des classes 9, 14, 18, 25 et 35.

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Par décision du 8 juin 2018, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition pour les produits « articles en cuir et en imitations du cuir, à savoir mallettes, sacs de plage, portefeuilles, sacs pour faire les courses, sacs à main, carnassières, fourre-tout, sacs à dos, cartables, sacs de tous les jours ; sachets [enveloppes, pochettes] en cuir pour l’emballage ; malles et valises », relevant de la classe 18, et pour les produits « vêtements, en particulier ceintures ; articles pour chaussures, en particulier semelles à insérer ; chapellerie », relevant de la classe 25.

9        Le 2 août 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition visant à ce que l’opposition soit rejetée dans son intégralité.

10      Par décision du 19 mars 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Premièrement, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était le public français, dont le niveau d’attention était moyen, voire supérieur à la moyenne si le prix des produits était particulièrement élevé.

11      Deuxièmement, elle a confirmé les conclusions de la division d’opposition concernant la comparaison des produits et des services en cause. Ainsi, s’agissant des produits relevant de la classe 18, visés par la marque demandée, d’une part, elle a considéré que les « articles en cuir et en imitations du cuir, à savoir mallettes, sacs de plage, portefeuilles, sacs pour faire les courses, sacs à main, sacs à dos, cartables, sacs de tous les jours ; malles et valises » étaient identiques aux produits couverts par la marque antérieure, que les « articles en cuir et en imitations du cuir, à savoir carnassières, fourre-tout » étaient hautement similaires aux produits couverts par la marque antérieure et que les « sachets [enveloppes, pochettes] en cuir pour l’emballage » étaient similaires aux produits couverts par la marque antérieure. D’autre part, elle a estimé que les produits « cuir et en imitations du cuir ; peaux d’animaux ; parapluies ; parasols ; cannes ; fouets ; harnais ; articles de sellerie » étaient différents des produits et des services couverts par la marque antérieure et a rejeté les arguments de l’intervenante à cet égard. S’agissant des produits relevant de la classe 25, visés par la marque demandée, la chambre de recours a confirmé que les « vêtements, articles pour chaussures, chapellerie » étaient identiques aux produits couverts par la marque antérieure.

12      Troisièmement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a considéré qu’ils étaient moyennement similaires sur les plans visuel et phonétique et qu’ils n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel. Partant, prenant en compte le caractère distinctif normal de la marque antérieure, le niveau d’attention moyen, voire élevé, du public pertinent et la similitude globale des signes en conflit, la chambre de recours a conclu que le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, ne pouvait être exclu en ce qui concernait les produits visés par la marque demandée considérés comme identiques ou similaires aux produits couverts par la marque antérieure.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        rejeter la demande d’enregistrement en ce qui concerne les produits relevant des classes 18 et 25, visés au point 8 ci-dessus ;

–        condamner la requérante ou l’EUIPO aux dépens exposés par elle dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO et devant le Tribunal.

 En droit

16      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

17      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 28 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis, d’une part, par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001 et, d’autre part,  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, tel que modifié (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 4, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

18      Par conséquent, en l’espèce, en ce qui concerne les dispositions matérielles, il convient d’entendre les références faites à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs mémoires, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, d’un contenu identique.

19      De même, la référence faite par la requérante, à l’article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, doit s’entendre comme visant l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, d’un contenu identique.

20      À cet égard, il convient de constater que, la procédure devant la chambre de recours étant une procédure d’opposition, l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, relatif aux causes de nullité relative, n’est pas applicable en l’espèce.

21      Il y a donc lieu de considérer que, à l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

22      La requérante fait valoir, en substance que, les marques en conflit n’étant pas similaires, la chambre de recours a conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

23      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

24      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

25      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

26      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

27      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41, et du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 22).

28      L’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 41 et 42, et du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 23).

29      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours concernant la comparaison des produits et des services en cause.

30      En premier lieu, s’agissant de la définition du public pertinent, la requérante soutient que, étant donné que les titulaires des marques de l’Union européenne enregistrées sont allemands, le territoire pertinent pour déterminer s’il existe un risque de confusion n’est pas seulement l’Allemagne, mais l’ensemble de l’Union européenne.

31      D’une part, il y a lieu de constater que cet argument manque de clarté. En effet, il convient de rappeler que le titulaire de la marque nationale antérieure est une entreprise française et le demandeur de la marque BE EDGY est une entreprise allemande. La référence faite par la requérante aux « marques de l’Union européenne enregistrées », dont les titulaires seraient allemands, n’est donc pas claire. En outre, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, la chambre de recours n’a pas considéré l’Allemagne comme étant le territoire pertinent.

32      D’autre part, il y a lieu de rappeler que la marque antérieure sur laquelle l’opposition est fondée est une marque française. Or, en vertu de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, le risque de confusion doit être apprécié dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Ainsi, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que, la marque antérieure étant une marque française, le public pertinent était le public français.

33      En deuxième lieu, s’agissant des signes en conflit, la chambre de recours a constaté que la marque antérieure EDJI ne revêtait aucune signification en français et disposait d’un caractère distinctif intrinsèque normal. Concernant la marque demandée, la chambre de recours a estimé que l’élément verbal « be edgy » dominait le signe sur le plan visuel en raison de sa taille importante et de sa place au sein du signe, que l’élément « berlin » serait perçu comme une indication descriptive de l’origine géographique des produits et que les éléments figuratifs, à savoir les deux triangles, seraient perçus comme purement décoratifs. Elle a ajouté que le public français comprendrait le mot « be » comme étant le verbe anglais « to be », mais qu’il était peu susceptible de percevoir la signification du mot anglais « edgy ».

34      La requérante se contente d’affirmer que les marques en conflit sont faiblement distinctives, mais ne soulève aucun argument à cet égard. Dès lors, cette affirmation ne saurait remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure dispose d’un caractère distinctif normal.

35      La requérante affirme également que l’impression d’ensemble produite par la marque demandée est dominée par son début, à savoir l’élément « be ».

36      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, si le consommateur attache normalement plus d’importance à la partie initiale des mots, cette considération ne saurait valoir dans tous les cas, ni remettre en cause le principe selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par celles-ci [voir arrêts du 26 novembre 2014, Aldi Einkauf/OHMI – Alifoods (Alifoods), T‑240/13, EU:T:2014:994, point 53 (non publié) et jurisprudence citée, et du 3 mai 2018, Gall Pharma/EUIPO – Pfizer (Styriagra), T‑662/16, non publié, EU:T:2018:242, point 26 et jurisprudence citée].

37      Or, l’élément « edgy » a la même taille que l’élément « be » et comprend un nombre plus important de lettres, de sorte qu’il doit être considéré comme étant également dominant dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée. En outre, il convient de relever que l’élément « be edgy » a été considéré, à juste titre, par la chambre de recours comme l’élément dominant de la marque demandée dans la mesure où, en raison de sa taille plus importante que celle des autres éléments et de sa place centrale, il représentait une partie significative de cette marque.

38      Partant, les arguments de la requérante ne remettent pas en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle l’élément « be edgy » est l’élément dominant de la marque demandée.

39      En troisième lieu, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a constaté que les signes en conflit différaient au niveau des polices de caractère utilisées, au niveau des triangles de la marque demandée, lesquels étaient toutefois des éléments décoratifs, et par la présence du mot « be » dans la marque demandée lequel n’avait pas d’équivalent dans la marque antérieure. Elle a relevé que l’unique élément verbal de la marque antérieure, à savoir « edji », partageait ses deux premières lettres avec l’élément codominant « edgy » de la marque demandée et que ces deux éléments étaient composés du même nombre de lettres. Elle a conclu que les signes en conflit étaient similaires à un degré moyen, tout au plus, sur le plan visuel.

40      La requérante soutient que les signes en conflit ne sont pas similaires sur le plan visuel. Elle relève que la marque antérieure se compose d’un mot de quatre lettres, que la marque demandée se compose de cinq éléments, à savoir deux triangles et les mots « be », « edgy » et « berlin », et que ces marques produisent une impression d’ensemble différente. Elle estime qu’il convient de prendre en compte l’impression d’ensemble produite par la marque, que la marque demandée ne peut pas être décomposée en ses différentes parties afin d’établir une similitude résultant de la coïncidence d’un seul élément et que le consommateur prête normalement plus d’attention au début d’une marque, à savoir le mot « be » de la marque demandée, qu’à sa fin.

41      Tout d’abord, il y a lieu de relever qu’il ressort de la décision attaquée que, dans sa comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a tenu compte de la similitude existant entre la marque antérieure EDJI et l’élément codominant « edgy » de la marque demandée. Or, la requérante ne soulève aucun argument de nature à remettre en cause cette similitude.

42      Ensuite, il ressort, certes, de la jurisprudence citée aux points 26 à 28 ci-dessus, que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, et que la comparaison des marques doit être effectuée en les considérant chacune dans son ensemble.

43      Or, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, la chambre de recours n’a pas fondé son appréciation uniquement sur les éléments similaires des signes en conflit, mais a pris en compte les signes dans leur ensemble. Ainsi, la chambre de recours a tenu compte des différences entre les signes résultant de la présence d’éléments additionnels dans la marque demandée et, pour ce motif, a conclu que les signes en conflit n’étaient que, tout au plus, moyennement similaires sur le plan visuel.

44      Comme le souligne l’intervenante, la chambre de recours s’est fondée sur l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit, en tenant compte, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, de leurs éléments distinctifs et dominants.

45      À cet égard, comme le soulignent l’EUIPO et l’intervenante, les différents éléments ne revêtent pas la même importance dans l’impression d’ensemble produite par la marque demandée. Or, la chambre de recours a constaté l’existence de similitudes entre les éléments distinctifs et dominants des signes en conflit et a relevé que les différences entre ces signes portaient sur des éléments additionnels, descriptifs ou décoratifs, ayant une importance moindre dans le cadre de la comparaison.

46      Par ailleurs, à supposer même que le consommateur prête, comme le soutient la requérante, plus d’attention au début de la marque demandée, à savoir à l’élément « be », cela ne saurait remettre en cause l’existence d’un certain degré de similitude sur le plan visuel résultant de la présence des éléments « edji » et « edgy » dans les signes en conflit et ne saurait donc suffire pour conclure que les signes en conflit sont différents.

47      Partant, les arguments de la requérante ne remettent pas en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit étaient similaires tout au plus à un degré moyen sur le plan visuel.

48      En quatrième lieu, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure EDJI et l’élément « edgy » de la marque demandée seraient prononcés de manière identique ou, à tout le moins, de manière très similaire en français. Elle a également relevé que la prononciation des marques en conflit différait en raison des éléments « be » et « berlin » de la marque demandée, ce dernier revêtant une importance moindre en raison de son caractère descriptif. Elle a conclu que les signes en conflit présentaient une similitude claire sur le plan phonétique et qu’ils étaient, à tout le moins, moyennement similaires.

49      La requérante soutient qu’il existe une différence sur le plan phonétique entre le début des signes en conflit. Elle avance que, contrairement à ce qu’a considéré la chambre de recours, le consommateur se souviendra de l’ordre des éléments et des syllabes des signes en conflit et ne les confondra pas.

50      D’une part, il y a lieu de constater que la chambre de recours a pris en compte la différence de prononciation résultant de la présence de l’élément « be » dans la marque demandée. Contrairement à ce que semble soutenir la requérante, la seule présence de l’élément « be » au début de la marque demandée ne suffit pas à établir que les signes en conflit sont différents.

51      En outre, comme le relève l’EUIPO, l’élément verbal codominant « edji » de la marque antérieure et l’élément verbal « edgy » de la marque demandée sont identiques sur le plan phonétique pour les consommateurs français et cette identité phonétique porte sur la totalité de la marque antérieure et sur plus de la moitié de la marque demandée.

52      Or, dans la mesure où la requérante ne soulève aucun argument de nature à remettre en cause l’existence d’une identité ou d’une forte similitude sur le plan phonétique entre les éléments « edji » et « edgy » figurant dans les signes en conflit, elle ne saurait donc prétendre que ces signes sont différents.

53      D’autre part, il y a lieu de rappeler que, contrairement à ce que soutient la requérante, la comparaison sur le plan phonétique ne vise pas à rechercher si le consommateur pertinent confondra les signes en conflit, mais vise à établir l’existence de similitudes dans leur prononciation.

54      Partant, les arguments de la requérante ne remettent pas en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit sont similaires, à tout le moins, à un degré moyen sur le plan phonétique.

55      En cinquième lieu, s’agissant de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel, la chambre de recours a constaté que la marque antérieure ne revêtait aucune signification en français et qu’il était très peu probable que le mot « edgy » de la marque demandée serait compris par le public pertinent français. En revanche, ce même public était susceptible de percevoir le mot « be » comme étant le verbe anglais « to be » et le mot « berlin » comme décrivant l’origine des produits. Elle a estimé que, dès lors que la marque antérieure ne serait associée à aucune signification, les signes n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel.

56      Il suffit de constater que la requérante ne soulève aucun argument visant à contester la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflits ne sont pas similaires sur le plan conceptuel, dès lors que la marque antérieure ne revêt aucune signification en français.

57      En sixième lieu, s’agissant du risque de confusion, la chambre de recours a conclu que les signes en conflit étaient globalement similaires, en particulier compte tenu de la coïncidence phonétique frappante. Prenant en compte le caractère distinctif normal de la marque antérieure, le niveau d’attention du public moyen, voire élevé, et la similitude globale des signes, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour les produits visés par la marque demandée considérés comme identiques ou similaires aux produits couverts par la marque antérieure.

58      La requérante conteste l’existence d’un risque de confusion. Elle soutient que, en dépit de l’identité des produits en cause, il convient d’exclure un risque de confusion dans la mesure où, même lorsque les consommateurs disposent d’un faible degré d’attention, ils perçoivent clairement les différences entre les marques en conflit. En raison de leur faible caractère distinctif, de légères différences suffiraient pour que l’impression d’ensemble produite par les signes diffère. Elle fait valoir que, pour apprécier la similitude des marques, le consommateur perçoit une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, et que, eu égard à leur impression d’ensemble, les marques en conflit sont différentes.

59      Il y a lieu de relever que, par ces arguments, la requérante conteste à nouveau la similitude entre les signes en conflit et, plus particulièrement, leur similitude globale.

60      Pour autant que, par ces arguments, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en compte l’impression d’ensemble produite par les signes en conflit pour apprécier la similitude, il suffit de constater qu’ils ont déjà été rejetés aux points 41 à 45 ci-dessus. En outre, il convient de rappeler que les arguments de la requérante visant à contester l’existence d’une similitude sur les plans visuel et phonétique et sa contestation du caractère distinctif normal de la marque antérieure ont également été rejetés aux points 34, 47 et 54 ci-dessus.

61      Pour autant qu’il conviendrait d’interpréter ces arguments comme visant à faire valoir qu’en raison de leurs différences sur le plan conceptuel, les signes en conflit doivent être considérés comme globalement différents, il convient de constater qu’ils ne sont pas de nature à remettre en cause l’appréciation effectuée par la chambre de recours.

62      En effet, s’agissant de l’appréciation de la similitude globale des signes en conflit, la chambre de recours a relevé que la différence entre les signes sur le plan conceptuel n’était due qu’à la présence d’une référence descriptive de l’origine des produits, à savoir l’élément « berlin », et d’une référence au verbe anglais « to be ».

63      Ainsi, il en ressort que la chambre de recours a tenu compte non seulement des similitudes sur les plans visuel et phonétique entre les signes en conflit, mais a également constaté que leur différence sur le plan conceptuel n’était pas de nature à neutraliser ces similitudes. En effet, selon la jurisprudence constante, les différences conceptuelles entre deux signes en conflit peuvent neutraliser leurs similitudes visuelles et phonétiques, pour autant qu’au moins l’un de ces signes a, pour le public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte que ce public est susceptible de la saisir directement [voir arrêt du 24 septembre 2019, IAK – Forum International/EUIPO – Schwalb (IAK), T‑497/18, non publié, EU:T:2019:689, point 90 et jurisprudence citée].

64      Or, il y a lieu de rappeler que la requérante ne conteste pas que la marque antérieure n’a aucune signification pour le public pertinent. Elle ne conteste pas non plus l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le public pertinent ne comprendrait pas le mot « edgy » de la marque demandée et donc ne remet donc pas en cause le fait que cette marque n’avait pas de signification claire.

65      Partant, contrairement à ce que semble soutenir la requérante, la chambre de recours a tenu compte des différences entre les signes en conflit pour conclure qu’ils étaient globalement similaires.

66      Il résulte de ce qui précède que les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les signes en conflit étaient globalement similaires, en particulier compte tenu de la coïncidence phonétique frappante mentionnée au point 52 ci-dessus.

67      En outre, la requérante invoque des exemples tirés de la jurisprudence dans lesquels le Tribunal a constaté l’absence de risque de confusion dans le cas de signes verbaux courts.

68      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’EUIPO est appelé à décider en fonction des circonstances de chaque cas d’espèce et il suffit de constater que les exemples cités par la requérante concernent des marques différentes des marques en conflit et ne sont donc pas pertinents.

69      Enfin, la requérante invoque une décision du 6 décembre 2016 du Deutsches Patent- und Markenamt (Office des brevets et des marques allemand, Allemagne) qui a rejeté l’opposition formée par l’intervenante sur le fondement de la marque antérieure EDJI à l’encontre de l’enregistrement de la marque allemande BE EDGY, en concluant à l’absence de risque de confusion.

70      Force est de constater que cette décision nationale n’est pas de nature à remettre en cause la légalité de la décision attaquée. En effet, il convient de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est autonome et que la légalité des décisions des chambres de recours s’apprécie uniquement sur la base du règlement no 207/2009, de sorte que l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal, ne sont pas tenus de parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir arrêt du 15 décembre 2015, LTJ Diffusion/OHMI – Arthur et Aston (ARTHUR & ASTON), T‑83/14, EU:T:2015:974, point 37 et jurisprudence citée].

71      En toute hypothèse, comme l’a relevé la chambre de recours, cette décision n’est pas pertinente dans la mesure où l’appréciation était effectuée par rapport au public allemand et non, comme en l’espèce, par rapport au public français.

72      Il en ressort que les arguments de la requérante ne remettent pas en cause la conclusion de la chambre de recours quant à l’existence d’un risque de confusion.

73      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, partant, le recours dans son ensemble.

74      Par ailleurs, il convient de relever que le deuxième chef de conclusions de l’intervenante, demandant au Tribunal de confirmer la décision attaquée, équivaut à demander le rejet du recours et se confond donc avec son premier chef de conclusions [voir arrêt du 6 mars 2019, Serenity Pharmaceuticals/EUIPO – Gebro Holding (NOCUVANT), T‑321/18, non publié, EU:T:2019:139, point 84 et jurisprudence citée].

75      S’agissant du troisième chef de conclusions de l’intervenante, demandant au Tribunal de rejeter la demande d’enregistrement pour les produits visés au point 8 ci-dessus, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge de l’Union conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser des injonctions à l’EUIPO, auquel il incombe de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts rendus par le Tribunal [arrêts du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 20, et du 21 juin 2017, GP Joule PV/EUIPO – Green Power Technologies (GPTech), T‑235/16, EU:T:2017:413, point 19 (non publié)]. Partant, le chef de conclusions de l’intervenante tendant à ce que le Tribunal ordonne à l’EUIPO de rejeter la demande d’enregistrement est irrecevable.

 Sur les dépens

76      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

77      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

78      En ce qui concerne les conclusions de l’intervenante ayant trait aux dépens afférents à la procédure devant l’EUIPO, d’une part, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, la demande de l’intervenante concernant les dépens afférents à la procédure devant la division d’opposition, qui ne constituent pas des dépens récupérables, doit être rejetée.

79      D’autre part, il suffit de relever que les dépens afférents à la procédure devant l’EUIPO restent régis par la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 6 mars 2019, NOCUVANT, T‑321/18, non publié, EU:T:2019:139, point 87 et jurisprudence citée). En l’espèce, dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est prononcée sur la répartition des frais exposés aux fins de la procédure de recours, ainsi que de ceux exposés devant la division d’opposition.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      12seasons GmbH est condamnée aux dépens.

Collins

Kreuschitz

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.