Language of document : ECLI:EU:T:2013:520

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

2 octobre 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale BOOMERANG – Marque communautaire figurative antérieure BoomerangTV – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑285/12,

The Cartoon Network, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États-Unis), représentée par M. I. Starr, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. I. Harrington, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Boomerang TV, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me A. Canela Giménez, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 2 avril 2012 (affaire R 699/2011-2), relative à une procédure d’opposition entre Boomerang TV, SA et The Cartoon Network, Inc.,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé, lors du délibéré, de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur) et M. M. Prek, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juin 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 23 octobre 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 octobre 2012,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 octobre 1999, la requérante, The Cartoon Network, Inc., a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BOOMERANG.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 38 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 38 : « Services de diffusion par câble et de télédiffusion ; diffusion de programmes destinés aux enfants et aux jeunes adultes via un réseau informatique mondial » ;

–        classe 41 : « Services de divertissement, à savoir série de programmes diffusés à la télévision et par câblodistribution visant essentiellement les enfants et les jeunes adultes ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 2000/088, du 6 novembre 2000.

5        Le 21 novembre 2000, MM. Pedro Ricote Saugar et Jose Matias Abril Sanchez ont formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour tous les services visés dans la demande d’enregistrement.

6        L’opposition était fondée notamment sur la marque communautaire figurative, déposée le 3 mai 1999 et enregistrée le 23 octobre 2009, sous le numéro 1160050, pour les « studios cinématographiques et d’enregistrement, location de vidéos, diffusion, installation de télévisions et de radiophones, production de films », relevant de la classe 41, représentée ci-après :

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Le 16 janvier 2008, la marque antérieure a été cédée à l’intervenante, Boomerang TV, SA.

9        Par décision du 26 janvier 2011, la division d’opposition a conclu à l’existence d’un risque de confusion et a fait droit à l’opposition.

10      Le 25 mars 2011, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 2 avril 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. La chambre de recours a estimé que le public pertinent était constitué à la fois des professionnels et du grand public sur tout le territoire de l’Union européenne. Elle a considéré qu’il existait un certain degré de similitude entre les services, relevant des classes 38 et 41, visés par la marque demandée et les services de « production de films » relevant de la classe 41, couverts par la marque antérieure. La chambre de recours a conclu que, les signes en conflit étant tellement similaires, il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, même si certains consommateurs pouvaient présenter un niveau d’attention supérieur à la moyenne. Elle a ajouté que les nouveaux éléments de preuve présentés par la requérante ne démontraient pas la coexistence paisible des marques en conflit sur le marché.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

17      En l’espèce, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a estimé que les services couverts par les marques en conflit s’adressaient à la fois à des professionnels, dont le niveau d’attention est élevé, et au grand public ayant un niveau d’attention moyen.

18      La requérante conteste cette appréciation au motif que les services visés par les marques en conflit s’adressent à des publics différents dotés de niveaux d’attention différents. Selon elle, les services visés par la marque demandée s’adressent au grand public, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, alors que les services couverts par la marque antérieure s’adressent à un public plus spécialisé, c’est-à-dire aux personnes et aux entités commerciales prenant part à la production et à la commercialisation de films, ayant un niveau d’attention élevé et non au grand public.

19      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, selon la jurisprudence, le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est constitué des utilisateurs susceptibles d’utiliser tant les produits ou les services visés par la marque antérieure que ceux visés par la marque demandée [arrêts du Tribunal du 1er juillet 2008, Apple Computer/OHMI − TKS‑Teknosoft (QUARTZ), T‑328/05, non publié au Recueil, point 23, et du 24 mai 2011, ancotel/OHMI – Acotel (ancotel.), T‑408/09, non publié au Recueil, point 38].

20      Or, s’agissant des services couverts par les marques en conflit, il y a lieu d’observer que certains des services couverts par la marque antérieure sont destinés à des professionnels, tels que les services de « studios cinématographiques et d’enregistrement », et d’autres sont destinés au grand public, tels que les services de « location de vidéos ». S’agissant des services visés par la marque demandée, il s’agit de services de diffusion de programmes qui s’adressent au grand public, spectateurs de programmes diffusés par câble, par télévision et sur Internet, mais également à un public spécialisé. Comme le relève l’OHMI, les « services de diffusion par câble et de télédiffusion » et les services de « diffusion de programmes destinés aux enfants et aux jeunes adultes via un réseau informatique mondial », relevant de la classe 38, s’adressent également à d’autres entreprises, par le biais de la sous-traitance ou de la vente de contenus diffusables livrables pour la retransmission. Ces services sont donc également destinés à des organismes de télédiffusion ou à des spécialistes en vue d’une transmission par le biais de plateformes de tiers. Les services « de divertissement, à savoir série de programmes diffusés à la télévision et par câblodistribution visant essentiellement les enfants et les jeunes adultes », relevant de la classe 41, peuvent être fournis à des organismes de télédiffusion ou de diffusion par câble ou par Internet en vue de la retransmission. En outre, les professionnels de l’audiovisuel, tels que les réalisateurs de films ou de documentaires, ont également recours à des services de diffusion pour leurs œuvres. La requérante n’avance aucun argument permettant d’étayer son affirmation selon laquelle les seuls destinataires des services visés par la marque demandée seraient les téléspectateurs.

21      Il y a lieu de relever que les seuls services couverts par la marque antérieure, pris en compte par la chambre de recours lors de la comparaison des services couverts par les marques en conflit, sont les services de production de films.

22      Or, les services de production de films sont destinés uniquement à des professionnels du secteur de l’audiovisuel. En effet, le grand public, s’il est spectateur de films produits, n’a pas recours lui-même à des services de production de films.

23      Certes, comme le soutient l’OHMI, les services de production de films ciblent également le grand public dans la mesure où ces services peuvent être fournis à des organismes de télédiffusion qui à leur tour sont influencés par le grand public et où les studios de production diffusent leur nom auprès du grand public en même temps que le contenu produit et où cette connaissance peut façonner les attentes du public quant au type de contenu qu’ils souhaitent voir diffuser. Toutefois, cela ne signifie pas que le grand public est lui-même destinataire des services de « production de films ». Or, il y a lieu de rappeler que le public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion est composé des destinataires des services en cause et non pas d’autres catégories de personnes qui n’ont qu’un rapport indirect avec le prestataire de ces services.

24      Dès lors, c’est à tort que la chambre de recours a considéré que les services de production de films couverts par la marque antérieure s’adressaient également au grand public.

25      Par conséquent, conformément à la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, le public pertinent, que la chambre de recours devait prendre en compte pour apprécier le risque de confusion, est composé des professionnels.

26      S’agissant de la comparaison des services en cause, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte, selon une jurisprudence constante, de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire, les produits ou les services complémentaires étant ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir arrêt du Tribunal du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, Rec. p. II‑837, point 98, et la jurisprudence citée].

27      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les services de « production de films », relevant de la classe 41, couverts par la marque antérieure et les services, relevant des classes 38 et 41, visés par la marque demandée présentaient un certain degré de similitude. Elle a estimé que les organismes de radiodiffusion télévisuelle agissaient également en tant que producteurs de films et que, si la nature et la destination des services visés par la marque demandée et des services de production de films couverts par la marque antérieure étaient assez différentes, ces services pouvaient se compléter et se complétaient effectivement.

28      La marque antérieure concerne notamment des services de production de films. La marque demandée concerne des services de diffusion par câble, par télévision ou par Internet, particulièrement de programmes destinés aux enfants ou aux jeunes adultes.

29      Certes, comme l’a relevé la chambre de recours, les services de production de films couverts par la marque antérieure et les services de diffusion visés par la marque demandée ont une nature et une destination différentes.

30      Cependant, d’une part, comme l’a également relevé la chambre de recours, les services de production de films et les services de diffusion sont souvent réalisés par les mêmes entreprises, qui exercent à la fois des activités de producteur et de diffuseur. Tel est le cas de nombreuses chaînes de télévision en Europe et l’exemple de la BBC cité par la chambre de recours est pertinent.

31      De plus, il y a lieu de relever que la requérante admet elle-même que les services de diffusion et de production peuvent être fournis par les mêmes entreprises lorsqu’elle soutient que, si des organismes de radiodiffusion télévisuelle peuvent également être des producteurs de films, il est peu probable qu’un producteur de film crée un service de radiodiffusion. Par ailleurs, la simple supposition non étayée de la requérante qu’un producteur de film ne créerait pas un service de radiodiffusion est sans pertinence et est contredite par l’exemple, fourni par l’OHMI dans son mémoire en réponse, de la société Walt Disney Studios qui a créé un réseau de télévision par câble et par satellite, Disney Channel.

32      D’autre part, du point de vue des utilisateurs de ces services, il y a lieu de relever que les professionnels du secteur de l’audiovisuel, tels que les auteurs ou les réalisateurs de films, de documentaires ou de programmes de télévision, ont recours à la fois à des services de production afin de réaliser matériellement leur film ou leur programme et également à des services de diffusion afin que ces mêmes films ou ces mêmes programmes soient visionnés par le public sur des chaînes de télévision, sur le câble ou sur Internet.

33      Un contenu audiovisuel est généralement produit et réalisé afin d’être diffusé ensuite auprès du public. Les services de production de films et les services de diffusion sont importants les uns pour l’usage des autres et il existe donc un lien étroit entre ces services. Dès lors, il y a lieu de considérer que ces services sont complémentaires, au sens de la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus.

34      À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante reconnaît que les professionnels des services de divertissement et de médias percevront la complémentarité théorique de la production et de la diffusion de contenu. Le fait, comme elle le soutient, qu’ils connaîtront leur position différente dans la « chaîne d’approvisionnement » et qu’ils les percevront comme des services distincts est sans pertinence quant à l’appréciation de leur complémentarité.

35      Prenant en compte que les services en cause peuvent être fournis par les mêmes entreprises et qu’ils sont complémentaires du point de vue des destinataires de ces services, c’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que les services visés par la marque demandée, relevant des classes 38 et 41, et les services de « production de films », relevant de la classe 41, couverts par la marque antérieure présentaient un certain degré de similitude.

36      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments de la requérante.

37      Premièrement, la requérante fait valoir que les services en cause sont différents de par leur nature et leur finalité, les services de radiodiffusion visés par la marque demandée se rapportant à la transmission ou à la distribution au grand public de contenu vidéo et audio, les services de production de films couverts par la marque antérieure impliquant la création de contenu. Cet argument ne remet pas en cause l’appréciation de la chambre de recours, mentionnée au point 27 ci-dessus, qui a elle-même constaté la différence de nature et de destination des services en cause, mais a estimé qu’ils étaient complémentaires.

38      Deuxièmement, l’argument relatif à la perception des services en cause par les téléspectateurs, en particulier les enfants et les jeunes adultes, est sans pertinence dans la mesure où il a été constaté au point 25 ci-dessus qu’ils ne faisaient pas partie du public pertinent en l’espèce.

39      Troisièmement, s’agissant des décisions antérieures de l’OHMI invoquées par la requérante, il suffit de rappeler que les décisions que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, concernant l’enregistrement ou la protection d’un signe en tant que marque communautaire, relèvent de l’exercice d’une compétence liée. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêt de la Cour du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 47, et arrêt du Tribunal du 29 septembre 2009, The Smiley Company/OHMI (Représentation de la moitié d’un sourire de smiley), T‑139/08, Rec. p. II‑3535, point 36].

40      S’agissant de la comparaison des signes, il y a lieu de relever que la requérante ne conteste pas la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en conflit sont similaires.

41      Selon la jurisprudence, l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

42      En outre, le public pertinent étant composé uniquement de professionnels, il y a donc lieu d’apprécier le risque de confusion en prenant en compte un niveau d’attention plus élevé que la moyenne. En effet, le public spécialisé est susceptible de manifester un degré d’attention plus élevé que la moyenne lors du choix des produits et des services en cause [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 avril 2005, Faber Chimica/OHMI – Nabersa (Faber), T‑211/03, Rec. p. II‑1297, point 24, et la jurisprudence citée].

43      En l’espèce, la chambre de recours, prenant en compte que les services en cause sont similaires et que les marques en conflit sont similaires, a conclu que, même si certains consommateurs pouvaient présenter un niveau d’attention supérieur à la moyenne, un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne pouvait être exclu.

44      Il en ressort que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion aussi bien pour le grand public que pour la partie du public pertinent composée de professionnels ayant un niveau d’attention élevé.

45      Il y a lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours, qu’en raison de l’existence d’une forte similitude des marques en conflit et d’une similitude des services en cause il existe un risque de confusion pour les professionnels. L’erreur commise par la chambre de recours en incluant le grand public dans la définition du public pertinent est donc sans conséquence sur cette conclusion.

46      La requérante n’avance aucun argument susceptible de remettre en cause cette conclusion relative à l’existence d’un risque de confusion.

47      Premièrement, la requérante estime que l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle la similitude entre les signes « renforce » le degré de similitude entre les services n’est pas conforme à la jurisprudence citée au point 41 ci-dessus, qui prévoit qu’un faible degré de similitude des services peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

48      À cet égard, comme le relève l’OHMI, si la formulation utilisée par la chambre de recours ne correspond pas exactement aux termes employés dans la jurisprudence, il ne fait pas de doute que la chambre de recours en utilisant le mot « renforce » renvoie à l’idée d’interdépendance des facteurs et de « compensation » figurant dans la jurisprudence citée par la requérante. En outre, la requérante n’explique pas en quoi une autre interprétation de cette affirmation de la chambre de recours remettrait en cause sa conclusion sur l’existence d’un risque de confusion.

49      Deuxièmement, la requérante conteste également l’utilisation par la chambre de recours de l’expression selon laquelle un risque de confusion « ne peut être exclu ». Selon la requérante, l’existence d’un risque de confusion ne peut être présumée, mais doit reposer sur une constatation positive, d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, la marque antérieure présente un niveau normal de caractère distinctif. Il suffit de relever, à l’instar de l’OHMI, que cette formulation utilisée par la chambre de recours signifie qu’« il existe un risque de confusion ».

50      Troisièmement, la requérante conteste la conclusion de la chambre de recours relative à l’existence d’un risque de confusion au motif que cette dernière n’aurait pas tenu compte de tous les facteurs énumérés dans la jurisprudence. Or, il suffit de rappeler que, en l’espèce, pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours s’est fondée sur une appréciation globale tenant compte à la fois de l’existence d’une similitude entre les marques en conflit et de l’existence d’une similitude entre les services en cause et qu’elle a tenu compte d’un public pertinent ayant un niveau d’attention supérieur à la moyenne. La requérante n’explique pas en quoi ce raisonnement ne serait pas conforme aux exigences de la jurisprudence et elle ne saurait prétendre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion uniquement sur le fondement de la similitude entre les marques en conflit sans tenir compte d’autres facteurs.

51      Quatrièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte d’un élément clé lors de l’appréciation du risque de confusion, à savoir le moment auquel la confusion peut se produire s’agissant des marques en conflit. Pour les services de « production de films », couverts par la marque antérieure, la requérante considère que le risque de confusion doit être apprécié au moment où les services sont évalués et achetés et que les professionnels des services de divertissement et de médias font preuve d’un niveau d’attention particulièrement élevé. Elle se contente d’affirmer que, du fait de leur niveau d’attention élevé, les professionnels feront la différence entre les services de la requérante et ceux de l’intervenante, indépendamment de l’utilisation de marques similaires.

52      À cet égard, il convient de relever que la requérante n’apporte aucun élément permettant de justifier qu’un professionnel de l’audiovisuel ne conclurait pas que des services de production de films et des services de diffusion de programmes, couverts par des marques similaires, proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, alors même qu’il existe de nombreux exemples dans l’Union de sociétés, telle que la BBC citée dans la décision attaquée, qui exercent ces deux activités. Contrairement à ce que prétend la requérante, le seul fait que le public pertinent ait un niveau d’attention plus élevé que la moyenne n’est pas suffisant pour exclure le risque de confusion lorsque à la fois les marques en conflit et les services en cause sont similaires.

53      Enfin, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours relative à la coexistence des marques en conflit.

54      La chambre de recours a estimé que la requérante n’avait apporté aucune preuve concernant la façon dont le consommateur a été confronté aux marques en conflit sur le marché et les services qu’elles visaient et que les éléments de preuve ne démontraient pas l’absence de confusion pendant la période où les marques ont été commercialisées. Elle a ajouté que, si, dans certaines circonstances particulières, elle pouvait prendre en considération des preuves de la coexistence des marques en conflit sur le marché, de telles informations additionnelles n’existaient pas en l’espèce et que la preuve de la coexistence dans les registres des marques était dénuée de pertinence.

55      Il suffit de rappeler qu’il n’est, certes, pas entièrement exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement éliminer le risque de confusion entre deux marques en conflit. Néanmoins, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le demandeur de la marque communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques [arrêts du Tribunal du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T‑31/03, Rec. p. II‑1667, point 86, et du 20 janvier 2010, Nokia/OHMI – Medion (LIFE BLOG), T‑460/07, Rec. p. II‑89, point 68].

56      Il ressort clairement de cette jurisprudence que, contrairement à ce que soutient la requérante, elle devait démontrer que la coexistence des marques qu’elle invoque reposait sur l’absence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

57      S’agissant des éléments de preuve fournis par la requérante devant la chambre de recours, cette dernière prétend qu’ils étaient suffisants pour démontrer la coexistence des marques en conflit dans plusieurs pays de l’Union.

58      À cet égard, il y a lieu de relever que les preuves fournies par la requérante consistent en des extraits de registres nationaux et en une attestation sur l’honneur d’un de ses directeurs indiquant les dates de première utilisation de la marque BOOMERANG dans certains États membres, dont la plus ancienne date du 27 mai 2000, des dépenses de publicités engagées dans certains États membres depuis 2001, des exemples de supports publicitaires depuis 2003 et des chiffres d’audience dans certains États membres depuis 2008 concernant la chaine de télévision BOOMERANG.

59      Il suffit de constater, à l’instar de la chambre de recours, que ces éléments de preuve concernent uniquement la marque demandée, mais ne fournissent aucun élément concernant la façon dont le public pertinent a été confronté aux marques en conflit sur le marché et les services pour lesquels elles étaient utilisées. En outre, il n’est pas possible de déduire des extraits de registres nationaux un usage des signes sur le marché, et l’attestation émanant de la requérante elle-même est un élément de preuve contestable qui n’est pas étayé de preuves supplémentaires provenant de sources indépendantes. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré ces éléments de preuve comme insuffisants pour démontrer la coexistence des marques en conflit.

60      Il s’ensuit que le moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, doit être rejeté.

61      Partant, il y a lieu de rejeter le recours.

 Sur les dépens

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      The Cartoon Network, Inc. est condamnée aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.