Language of document : ECLI:EU:F:2007:204

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)

22 novembre 2007 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Évaluation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation pour l’année 2003 – Recours en annulation – Recours en indemnité »

Dans l’affaire F‑67/05,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Christos Michail, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par MC. Meïdanis, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme H. Tserepa-Lacombe, en qualité d’agent, assistée par Me E. Bourtzalas, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch, président, Mme I. Boruta (rapporteur) et M. H. Kanninen, juges,

greffier : M. S. Boni, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 avril 2007,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal de première instance des Communautés européennes le 14 juillet 2005 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 18 juillet suivant), M. Michail demande l’annulation de son rapport d’évolution de carrière établi pour la période du 1er avril au 31 décembre 2003 (ci-après le « REC 2003 »), l’annulation de la décision du 15 avril 2005 portant rejet de sa réclamation dirigée contre le REC 2003, ainsi que la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui payer la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral qu’il allègue avoir subi.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution […] »

3        Le 3 mars 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE »).

4        Selon l’article 1er, paragraphe 1, des DGE, un exercice d’évaluation est organisé au début de chaque année. La période de référence pour l’évaluation s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente. À cette fin, un rapport annuel, appelé rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC »), est établi pour chaque fonctionnaire.

5        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, des DGE :

« L’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire de poste. Une note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets, comme indiqué dans le modèle de rapport joint en annexe II. »

6        Le modèle de rapport joint à l’annexe II des DGE prévoit trois échelles distinctes pour les trois rubriques d’évaluation, le nombre maximal de points étant de 10 pour le rendement, de 6 pour la compétence et de 4 pour la conduite dans le service.

7        S’agissant des acteurs de la procédure d’évaluation, les articles 2 et 3 des DGE prévoient l’intervention, premièrement, de l’évaluateur, qui est, en règle générale, le chef d’unité, en tant que supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire évalué, deuxièmement, du validateur, qui est, en règle générale, le directeur, en tant que supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur, et, troisièmement, de l’évaluateur d’appel, qui est, en règle générale, le directeur général, en tant que supérieur hiérarchique direct du validateur.

8        Quant au déroulement concret de la procédure d’évaluation, l’article 8, paragraphe 4, des DGE dispose que, dans les huit jours ouvrables suivant la demande de l’évaluateur, le titulaire de poste établit une autoévaluation qui est intégrée dans le REC. Dix jours ouvrables au plus tard après communication de l’autoévaluation par le titulaire du poste, l’évaluateur et le titulaire de poste tiennent un dialogue formel, qui, en application de l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, des DGE, porte sur trois éléments : l’évaluation des prestations du titulaire de poste pendant la période de référence, la fixation des objectifs pour l’année qui suit la période de référence et la définition d’une carte de formation. À la suite de l’entretien entre le fonctionnaire et l’évaluateur, le REC est établi par l’évaluateur et le validateur. Le fonctionnaire évalué a alors le droit de demander un entretien avec le validateur, lequel a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ensuite, le fonctionnaire évalué peut demander au validateur de saisir le comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 9 des DGE (ci-après le « CPE »), dont le rôle consiste à vérifier si le REC a été établi équitablement, objectivement, c’est-à-dire dans la mesure du possible sur des éléments factuels, et conformément aux DGE et au guide pour l’évaluation. Le CPE émet un avis motivé sur la base duquel l’évaluateur d’appel soit modifie, soit confirme le REC ; si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision.

 Faits à l’origine du litige

9        Le requérant était, entre le 1er avril et le 31 décembre 2003 (ci-après la « période de référence »), fonctionnaire de la Commission de grade A 4.

10      À la suite de la suppression, le 31 décembre 2002, de la direction générale (DG) « Contrôle financier », où il exerçait les fonctions de contrôleur financier depuis 1987, le requérant a été affecté, par une décision du 11 juin 2003, prenant effet le 1er avril 2003, à la DG « Agriculture ».

11      Entre le 1er septembre et le 31 décembre 2003, l’unité d’affectation du requérant était, selon l’intéressé, l’unité J.1 « Coordination des questions horizontales relatives à l’apurement des comptes : audit financier », selon la Commission, l’unité I.5 « Personnel et administration » (ci-après l’« unité I.5 ») de la DG « Agriculture ».

12      Le 16 juin 2004, le chef de l’unité I.5 a établi, en qualité d’évaluateur, le projet de REC 2003 du requérant. Ce projet aboutissait à une note globale de 13/20, à savoir 6/10 au titre du rendement, 4/6 au titre de la compétence et 3/4 au titre de la conduite dans le service.

13      Suite à une demande de révision émanant du requérant, le directeur de la direction I « Gestion des ressources » a, en qualité de validateur, confirmé le REC 2003 en date du 10 septembre 2004.

14      Le 20 septembre 2004, le requérant a refusé le REC 2003 et a sollicité la saisine du CPE.

15      Lors de sa réunion du 6 octobre 2004, le CPE a procédé à l’examen du REC 2003 du requérant et, dans son avis adopté à l’unanimité, a estimé que « les motifs du [requérant n’étaient] pas fondés ».

16      Le 13 octobre 2004, le directeur général adjoint de la DG « Agriculture » a, en qualité d’évaluateur d’appel, confirmé le REC 2003, qui est ainsi devenu définitif.

17      Par une note du 18 novembre 2004, enregistrée le jour même auprès de la DG « Personnel et administration », le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, tendant à l’annulation de son REC 2003.

18      Par décision du 15 avril 2005, notifiée le 18 avril suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté cette réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

19      Le présent recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal de première instance sous le numéro T‑284/05.

20      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal de première instance, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro F‑67/05.

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler son REC 2003 ;

–        annuler la décision du 15 avril 2005, par laquelle l’AIPN a rejeté la réclamation introduite contre son REC 2003 ;

–        condamner la Commission à lui payer la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral prétendument subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

23      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, une demande tendant à l’annulation d’une décision de rejet d’une réclamation a pour effet de saisir le juge communautaire de l’acte faisant grief contre lequel ladite réclamation a été présentée (arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8 ; arrêts du Tribunal de première instance du 23 mars 2004, Theodorakis/Conseil, T‑310/02, RecFP p. I‑A‑95 et II‑427, point 19, et du 9 juin 2005, Castets/Commission, T‑80/04, RecFP p. I‑A‑161 et II‑729, point 15). En l’espèce, dès lors que l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée est le REC 2003, il convient de considérer que les deux premiers chefs de conclusions, en l’occurrence la demande d’annulation du REC 2003 et la demande d’annulation de la décision de l’AIPN rejetant la réclamation introduite contre ledit REC 2003, ont pour unique objet la demande d’annulation de ce REC.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation du REC 2003

24      À l’appui de son recours, le requérant soulève sept moyens, tirés, premièrement, de la violation de l’article 43 du statut et des DGE, deuxièmement, du défaut de motivation, troisièmement, de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, quatrièmement, de l’existence d’un harcèlement moral, cinquièmement, de l’existence d’un détournement de pouvoir, sixièmement, de la violation du « principe général du traitement juste et équitable du personnel de la Commission » et septièmement, de la violation du principe général de bonne administration.

25      Il convient d’examiner le premier moyen, tiré de la violation de l’article 43 du statut et des DGE.

 Arguments des parties

26      Le requérant fait valoir que, dès son affectation à la DG « Agriculture », il aurait été privé de fonctions et qu’aucune tâche ne lui aurait été confiée. Pourtant, ses supérieurs hiérarchiques auraient procédé à son évaluation et, en particulier, lui auraient attribué une note de mérite, comme s’il s’était vu confier des tâches à accomplir lors de la période de référence. Ainsi, le REC 2003 présenterait un caractère « fictif ». L’intéressé précise également que la note de 13/20 qui lui a été attribuée dans son REC 2003 ne serait pas satisfaisante, car ses précédents REC auraient fait l’objet d’une amélioration continue.

27      En défense, la Commission rappelle qu’elle était tenue par les dispositions de l’article 43 du statut et des DGE d’évaluer le requérant et de lui attribuer une note. La Commission ajoute qu’elle aurait attribué une note de mérite au requérant afin de protéger les intérêts de celui-ci et garantir son droit à l’évaluation.

 Appréciation du Tribunal

28      Il convient de rappeler que, selon l’article 43 du statut, « [l]a compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans […] ». Par ailleurs, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, première phrase, des DGE, « [u]n rapport annuel, appelé [REC], est établi pour chaque fonctionnaire au sens de l’article [1er] du statut […], qui a été dans une position d’activité ou de détachement dans l’intérêt du service, pendant au moins un mois continu au cours de la période de référence ».

29      En l’espèce, il est constant que, au cours de la période de référence, le requérant était dans une position d’activité au sens de l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, première phrase, des DGE. La Commission était donc tenue d’établir son REC 2003.

30      Toutefois, il importe également de souligner que l’article 1er, paragraphe 2, des DGE dispose que « [l]’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire de poste », et que cet article précise qu’une « note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets […] ». Il ressort de ces dispositions que si l’attribution d’une note visant à évaluer les réalisations et prestations individuelles en fonction des résultats à atteindre est une obligation dans le cas où le titulaire de poste se voit assigner des fonctions déterminées, une telle attribution ne saurait en revanche avoir lieu lorsque ledit titulaire de poste ne se voit confier aucune fonction susceptible de faire l’objet d’une évaluation.

31      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant, quoique en position d’activité au sens de l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, première phrase, des DGE, ne s’est vu confier, lors de la période de référence, aucune fonction susceptible de faire l’objet d’une évaluation. À cet égard, il est constant qu’il n’a été fixé au requérant ni objectifs, ni critères d’évaluation au sens de l’article 8, paragraphe 5, sous b), des DGE. Par ailleurs, l’intéressé n’a pu être en mesure de pallier cette absence d’objectifs, puisque, d’une part, il ne pouvait se référer à la description de son poste, dans la mesure où la rubrique 3. « Description du poste » de son REC 2003 n’avait pas été remplie, et que, d’autre part, demeure incertaine la question de savoir à quelle unité particulière l’intéressé avait été affecté. Enfin, s’il est constant que certaines tâches ont été ponctuellement confiées au requérant et que celui-ci a participé pendant cinq jours à un séminaire organisé par l’École nationale d’administration, à Paris, ces tâches et cette formation ne pouvaient suffire de toute évidence à servir de base à une évaluation.

32      Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c’est à tort que la Commission lui a attribué une note de mérite.

33      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la Commission selon lequel elle aurait attribué une note de mérite au requérant afin de protéger les intérêts de celui-ci et de garantir son droit à l’évaluation, dès lors que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les dispositions précitées de l’article 43 du statut et de l’article 1er, paragraphe 2, des DGE doivent être interprétées comme faisant obstacle à ce que l’administration attribue une note de mérite à un fonctionnaire qui n’aurait été chargé d’aucune fonction. En revanche, l’annulation par le présent arrêt du REC 2003 implique que l’administration devra rechercher tout moyen adéquat de nature à pallier l’absence de note de mérite, en lui attribuant un nombre de points approprié.

34      Dans ces conditions, il convient, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, d’annuler le REC 2003.

 Sur la demande indemnitaire

 Arguments des parties

35      Le requérant sollicite la condamnation de la Commission à lui verser la somme de 90 000 euros, en réparation du préjudice moral que lui aurait causé le REC 2003.

36      La Commission conclut au rejet de la demande.

 Appréciation du Tribunal

37      Il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, c’est-à-dire en l’absence dans ledit acte de toute appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi en raison de l’acte annulé (arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62).

38      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le REC 2003 ne contient aucune appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser.

39      Il y a donc lieu de considérer que l’annulation du REC 2003 constitue, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral que le requérant peut avoir subi en raison de l’acte annulé.

40      La demande indemnitaire doit, dans ces conditions, être rejetée.

 Sur les dépens

41      En vertu de l’article 122 du règlement de procédure du Tribunal, les dispositions dudit règlement relatives aux dépens et aux frais de justice ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

42      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le rapport d’évolution de carrière de M. Michail établi pour la période du 1er avril au 31 décembre 2003 est annulé.

2)      Le surplus de la requête est rejeté.

3)      La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

Van Raepenbusch

Boruta

Kanninen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le grec