Language of document : ECLI:EU:T:2023:732

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 novembre 2023 (*)

« Union économique et monétaire – Union bancaire – Mécanisme de résolution unique des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement (MRU) – Résolution de Banco Popular Español – Décision du CRU refusant d’accorder un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution – Droit de propriété – Droits de la défense – Valorisation de la différence de traitement – Indépendance de l’évaluateur »

Dans l’affaire T‑340/20,

José María Galván Fernández-Guillén, demeurant à Madrid (Espagne), représenté par Mes M. Romero Rey et I. Salama Salama, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de résolution unique (CRU), représenté par Mmes M. Fernández Rupérez, A. Lapresta Bienz, MM. L. Forestier et J. Rius Riu, en qualité d’agents, assistés de Mes H.-G. Kamann, F. Louis, V. Del Pozo Espinosa de los Monteros et L. Hesse, avocats,

partie défenderesse,

soutenu par

Royaume d’Espagne, représenté par Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agent,

partie intervenante,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. G. De Baere (rapporteur), président, K. Kecsmár et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. José María Galván Fernández-Guillén, demande l’annulation de la décision SRB/EES/2020/52 du Conseil de résolution unique (CRU), du 17 mars 2020, visant à déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers concernés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular Español, SA (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le requérant était titulaire d’instruments de fonds propres de Banco Popular Español (ci-après « Banco Popular ») avant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de cette dernière.

3        Le 7 juin 2017, la session exécutive du CRU a adopté la décision SRB/EES/2017/08 concernant l’adoption d’un dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (ci-après le « dispositif de résolution »), sur le fondement du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 225, p. 1).

4        Préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, le 23 mai 2017, à la suite d’une procédure d’appel d’offres, le CRU a engagé le cabinet Deloitte Réviseurs d’Entreprises en tant qu’évaluateur (ci-après le « cabinet évaluateur ») dans le cadre de la préparation d’une éventuelle résolution de Banco Popular. Le cabinet évaluateur s’est vu attribuer un contrat spécifique à la suite d’une mise en concurrence dans le cadre d’un contrat-cadre multiple de services que le CRU avait signé avec six cabinets, dont le cabinet évaluateur. Conformément au contrat spécifique, la mission du cabinet évaluateur comprenait la réalisation d’une valorisation de Banco Popular préalablement à une éventuelle résolution ainsi que la valorisation de la différence de traitement prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, postérieurement à une résolution potentielle.

5        Le 5 juin 2017, le CRU a adopté une première valorisation, en application de l’article 20, paragraphe 5, sous a), du règlement no 806/2014, qui avait pour objectif de fournir les éléments permettant de déterminer si les conditions de déclenchement d’une procédure de résolution, telles que définies à l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014, étaient remplies.

6        Le 6 juin 2017, le cabinet évaluateur a remis au CRU une deuxième valorisation (ci-après la « valorisation 2 »), rédigée en application de l’article 20, paragraphe 10, du règlement no 806/2014. La valorisation 2 avait pour but d’estimer la valeur de l’actif et du passif de Banco Popular, de fournir une estimation sur le traitement dont les actionnaires et créanciers auraient bénéficié si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité ainsi que de fournir les éléments permettant de prendre la décision concernant les actions et les titres de propriété à transférer et permettant au CRU de déterminer des conditions commerciales aux fins de l’instrument de cession des activités.

7        Dans le dispositif de résolution, le CRU, considérant que les conditions prévues par l’article 18, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 étaient remplies, a décidé de soumettre Banco Popular à une procédure de résolution. Le CRU a décidé de déprécier et de convertir les instruments de fonds propres de Banco Popular en application de l’article 21 du règlement no 806/2014 et d’appliquer l’instrument de cession des activités en vertu de l’article 24 du règlement no 806/2014 par le transfert des actions à un acquéreur.

8        Le CRU a décidé d’annuler 100 % des actions de Banco Popular, de convertir et de déprécier la totalité du montant principal des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 émis par Banco Popular et de convertir la totalité du montant principal des instruments de fonds propres de catégorie 2 émis par Banco Popular en « nouvelles actions II ». Au terme d’un processus de vente transparent et ouvert réalisé par l’autorité de résolution espagnole, le Fondo de Reestructuración Ordenada Bancaria (FROB, Fonds de restructuration ordonnée des établissements bancaires, Espagne), les « nouvelles actions II » ont été transférées à Banco Santander SA, en contrepartie du paiement d’un prix d’achat d’un euro. Par la suite, Banco Santander a succédé à titre universel à Banco Popular le 28 septembre 2018, dans le cadre d’une fusion par absorption.

9        Le 7 juin 2017, la Commission européenne a adopté la décision (UE) 2017/1246, approuvant le dispositif de résolution à l’égard de Banco Popular (JO 2017, L 178, p.15).

10      Le 14 juin 2018, le cabinet évaluateur a transmis au CRU la valorisation de la différence de traitement, prévue à l’article 20, paragraphes 16 à 18, du règlement no 806/2014, réalisée afin de déterminer si les actionnaires et créanciers auraient bénéficié d’un meilleur traitement si l’établissement soumis à une procédure de résolution avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité (ci-après la « valorisation 3 »). Le 31 juillet 2018, le cabinet évaluateur a envoyé au CRU un addendum à cette valorisation corrigeant certaines erreurs formelles.

11      Le cabinet évaluateur a estimé, dans la valorisation 3, le traitement dont les actionnaires et créanciers affectés auraient bénéficié si Banco Popular avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où le dispositif de résolution a été adopté. Il a procédé à cette évaluation dans le cadre d’un scénario de liquidation en appliquant la Ley 22/2003, Concursal (loi 22/2003 sur la faillite), du 9 juillet 2003 (BOE no 164, du 10 juillet 2003, p. 26905).

12      Le cabinet évaluateur a indiqué que le scénario de liquidation hypothétique avait été préparé en s’appuyant sur les informations financières non auditées du 6 juin 2017 ou, si elles n’étaient pas disponibles, sur celles du 31 mai 2017. Il a estimé que l’ouverture d’une procédure normale d’insolvabilité pour Banco Popular le 7 juin 2017 aurait abouti à une liquidation non planifiée. Afin d’apprécier les valeurs de réalisation des actifs, le cabinet évaluateur a pris en compte trois scénarios temporels de liquidation alternatifs, de 18 mois, de 3 ans et de 7 ans, comprenant chacun une meilleure et une pire hypothèse. Il a conclu que, dans chacune de ces hypothèses, pour les actionnaires affectés et les créanciers subordonnés, aucun recouvrement n’aurait été attendu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité et qu’il n’existait donc pas de différence de traitement par rapport à celui résultant de la mesure de résolution.

13      Le 6 août 2018, le CRU a publié, sur son site Internet, son avis du 2 août 2018 relatif à sa décision préliminaire sur la nécessité d’accorder ou non un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers qui ont fait l’objet des mesures de résolution concernant Banco Popular et au lancement de la procédure du droit d’être entendu (SRB/EES/2018/132) (ci-après la « décision préliminaire »), ainsi qu’une version non confidentielle de la valorisation 3. Le 7 août 2018, une communication concernant l’avis du CRU a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2018, C 277 I, p. 1).

14      Dans la décision préliminaire, le CRU a considéré qu’il ressortait de la valorisation 3 qu’il n’existait pas de différence entre le traitement dont avaient réellement fait l’objet les actionnaires et créanciers affectés du fait de la résolution de Banco Popular et celui dont ils auraient bénéficié si cette dernière avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution. Le CRU a décidé, à titre préliminaire, qu’il n’était pas tenu de verser un dédommagement aux actionnaires et aux créanciers affectés en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

15      Pour lui permettre de prendre une décision finale sur la nécessité ou non d’accorder aux actionnaires et aux créanciers affectés un dédommagement, le CRU les a invités à lui faire part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au regard de la décision préliminaire, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

16      Le CRU a indiqué que la procédure relative au droit d’être entendu se déroulerait en deux phases.

17      Dans une première phase, la phase d’inscription, les actionnaires et créanciers affectés étaient invités à faire part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au moyen d’un formulaire d’inscription en ligne dédié ouvert jusqu’au 14 septembre 2018. Ensuite, le CRU devait vérifier si chaque partie ayant manifesté son intérêt avait le statut d’actionnaire ou de créancier affecté. Les actionnaires et créanciers affectés intéressés devaient apporter une preuve de leur identité et une preuve qu’ils détenaient, le 6 juin 2017, un ou des instruments de capital de Banco Popular qui ont été dépréciés ou convertis et transférés dans le cadre de la résolution.

18      Dans une seconde phase, la phase de consultation, les actionnaires et créanciers affectés qui avaient fait part de leur intérêt à exercer leur droit d’être entendus au cours de la première phase et dont le statut avait été vérifié par le CRU, pouvaient soumettre leurs commentaires sur la décision préliminaire à laquelle était annexée la valorisation 3.

19      Le 16 octobre 2018, le CRU a annoncé que les actionnaires et créanciers éligibles seraient invités à soumettre leurs commentaires écrits sur la décision préliminaire à partir du 6 novembre 2018. Le 6 novembre 2018, le CRU a envoyé aux actionnaires et aux créanciers éligibles un lien personnel unique donnant accès sur Internet à un formulaire leur permettant de présenter, jusqu’au 26 novembre 2018, des commentaires sur la décision préliminaire ainsi que sur la version non confidentielle de la valorisation 3.

20      À l’issue de la phase de consultation, le CRU a examiné les commentaires pertinents des actionnaires et des créanciers affectés relatifs à la décision préliminaire. Il a demandé au cabinet évaluateur de lui fournir un document contenant son évaluation des commentaires pertinents relatifs à la valorisation 3 et d’examiner si la valorisation 3 restait valable à la lumière de ces commentaires.

21      Le 18 décembre 2019, le cabinet évaluateur a fourni au CRU son évaluation intitulée « Document de clarification sur la valorisation de la différence de traitement » (ci-après le « document de clarification »). Dans le document de clarification, le cabinet évaluateur a confirmé que la stratégie et les différents scénarios de liquidation hypothétiques détaillés dans la valorisation 3 ainsi que les méthodologies suivies et les analyses menées restaient valables.

22      Le 17 mars 2020, le CRU a adopté la décision attaquée. Un communiqué concernant cette décision a été publié le 20 mars 2020 au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2020, C 91, p. 2).

23      Dans la décision attaquée, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était indépendant conformément aux exigences prévues à l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et au chapitre IV du règlement délégué (UE) 2016/1075 de la Commission, du 23 mars 2016, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant le contenu des plans de redressement, des plans de résolution et des plans de résolution de groupe, les critères minimaux que l’autorité compétente doit prendre en compte pour évaluer les plans de redressement et les plans de redressement de groupe, les conditions préalables à un soutien financier de groupe, les exigences relatives à l’indépendance des évaluateurs, les conditions de la reconnaissance contractuelle des pouvoirs de dépréciation et de conversion, les exigences de procédure et de contenu concernant les notifications et l’avis de suspension ainsi que le fonctionnement des collèges d’autorités de résolution (JO 2016, L 184, p. 1).

24      Sous le titre 5 « valorisation 3 » de la décision attaquée, le CRU a résumé le contenu de la valorisation 3 et a estimé qu’elle était conforme au cadre légal applicable et était suffisamment motivée et complète pour constituer le fondement d’une décision prise au titre de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014. Il a considéré que la valorisation 3 évaluait les éléments nécessaires prévus à l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014 et dans le règlement délégué (UE) 2018/344 de la Commission, du 14 novembre 2017, complétant la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil par des normes techniques de réglementation précisant les critères relatifs aux méthodes de valorisation de la différence de traitement dans le cadre de la procédure de résolution (JO 2018, L 67, p. 3).

25      Sous le titre 6 de la décision attaquée, le CRU a présenté les « commentaires transmis par les actionnaires et créanciers affectés ainsi que leur évaluation ». Sous le titre 6.1 « évaluation de la pertinence » de la décision attaquée, le CRU a expliqué que certains de ces commentaires, qui n’étaient relatifs ni à sa décision préliminaire ni à la valorisation 3, n’étaient pas pertinents dans la mesure où ils ne relevaient pas de la procédure relative au droit d’être entendu. Sous le titre 6.2 de la décision attaquée, il a procédé à l’« examen des commentaires pertinents » transmis par les actionnaires et créanciers affectés, relatifs à l’indépendance du cabinet évaluateur et au contenu de la valorisation 3, regroupés par thème.

26      Le CRU a conclu qu’il ressortait de la valorisation 3, lue conjointement avec le document de clarification et les conclusions énoncées sous le titre 6.2 de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de différence entre le traitement dont les actionnaires et créanciers affectés avaient réellement fait l’objet et celui dont ils auraient bénéficié si Banco Popular avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution.

27      En conséquence, le CRU a décidé :

« Article 1

Valorisation

Dans le but de déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular […], la valorisation de la différence de traitement dans le cadre de la résolution, prévue à l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, est établie conformément à l’annexe I de la présente décision, en combinaison avec le document de clarification […] figurant en annexe II de la présente décision.

Article 2

Dédommagement

Les actionnaires et créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard de Banco Popular […] n’ont pas droit à un dédommagement du Fonds de résolution unique en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

Article 3

Destinataire de la décision

Cette décision est adressée au FROB, en sa qualité d’autorité de résolution nationale, au sens de l’article 3, paragraphe 1, point 3), du règlement no 806/2014. »

 Conclusions des parties

28      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le CRU aux dépens.

29      Le CRU conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les moyens invoqués à l’appui du recours comme irrecevables ou non fondés ;

–        condamner le requérant aux dépens.

30      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la demande de jonction

31      Dans la requête, le requérant demande la jonction de la présente affaire à l’affaire T‑648/17, Dadimer e.a./CRU, visant à l’annulation du dispositif de résolution et comprenant une demande indemnitaire.

32      Le Tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de joindre la présente affaire à l’affaire T‑648/17, dans la mesure où ces affaires, qui concernent l’annulation d’actes différents, n’ont pas le même objet.

 Sur le fond

33      À l’appui de son recours, le requérant soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré de la violation du droit de propriété consacré par l’article 17 de la Charte et par l’article 1er du protocole no 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Le deuxième moyen est tiré de la violation du droit de propriété en l’absence de critères clairs de valorisation au moment de la procédure de résolution et de l’application rétroactive de nouveaux critères adoptés après la résolution. Le troisième moyen est tiré de la violation du droit de propriété en raison de l’absence d’indépendance du cabinet évaluateur. Le quatrième moyen est tiré de la violation des droits de la défense.

34      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la jurisprudence a circonscrit l’étendue du contrôle exercé par le Tribunal aussi bien dans des situations dans lesquelles l’acte attaqué est fondé sur une appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes que lorsqu’il s’agit d’appréciations économiques complexes.

35      D’une part, s’agissant des situations dans lesquelles les autorités de l’Union européenne disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union à qui, seules, le traité FUE a conféré cette tâche [voir arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 105 et jurisprudence citée].

36      D’autre part, s’agissant du contrôle que les juridictions de l’Union exercent sur les appréciations économiques complexes faites par les autorités de l’Union, celui-ci est un contrôle restreint qui se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Dans le cadre de ce contrôle, il n’appartient donc pas non plus au juge de l’Union de substituer son appréciation économique à celle de l’autorité de l’Union compétente [voir arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 66 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 106 et jurisprudence citée].

37      Les décisions du CRU qui visent à déterminer si un dédommagement doit être accordé aux actionnaires et aux créanciers affectés par les mesures de résolution effectuées à l’égard d’une entité étant fondées sur des appréciations économiques et techniques hautement complexes, il y a lieu de considérer que les principes ressortant de la jurisprudence mentionnée aux points 35 et 36 ci-dessus s’appliquent au contrôle que le juge est appelé à exercer.

38      Or, s’il est reconnu au CRU une marge d’appréciation en matière économique et technique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doit s’abstenir de contrôler l’interprétation, faite par le CRU, des données de nature économique qui fondent sa décision. En effet, ainsi que la Cour l’a jugé, même dans le cas d’appréciations complexes, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées [voir arrêts du 11 novembre 2021, Autostrada Wielkopolska/Commission et Pologne, C‑933/19 P, EU:C:2021:905, point 117 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 108 et jurisprudence citée].

39      À cet égard, afin d’établir que le CRU a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits de nature à justifier l’annulation de la décision attaquée, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cette décision [voir, par analogie, arrêts du 7 mai 2020, BTB Holding Investments et Duferco Participations Holding/Commission, C‑148/19 P, EU:C:2020:354, point 72, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 109 et jurisprudence citée].

40      Par conséquent, un moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêts du 27 septembre 2018, Spiegel-Verlag Rudolf Augstein et Sauga/BCE, T‑116/17, non publié, EU:T:2018:614, point 39 et jurisprudence citée, et du 25 novembre 2020, BMC/Entreprise commune Clean Sky 2, T‑71/19, non publié, EU:T:2020:567, point 76 et jurisprudence citée).

41      En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que, lorsque les institutions disposent d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives figure notamment le principe de bonne administration, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit de propriété consacré par l’article 17 de la Charte et par l’article 1er du protocole no 1 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

42      Le requérant soutient que le dispositif de résolution porte atteinte au contenu essentiel de son droit de propriété, dans la mesure où il prévoit la conversion et la dépréciation des instruments de fonds propres additionnels de catégorie 1 de Banco Popular ainsi que la conversion des instruments de fonds propres de catégorie 2 de celle-ci et leur vente à Banco Santander pour un montant d’un euro. La décision attaquée conduirait à la même ingérence dans le droit de propriété des actionnaires et des créanciers de Banco Popular dans la mesure où elle confirmerait définitivement la privation de leurs droits de propriété sans dédommagement.

43      Il ressortirait du rapport d’experts annexé à la requête que le dispositif de résolution et la décision attaquée porteraient une atteinte disproportionnée au droit de propriété des actionnaires et des créanciers affectés. Le requérant soutient que, selon ce rapport d’experts, Banco Popular avait une valeur nette positive avant et après la résolution. Il relève que, selon le dispositif de résolution, Banco Popular était confrontée à un problème de liquidité et non de solvabilité. Il fait valoir que, dès lors, la résolution de Banco Popular n’était pas justifiée de même que l’expropriation des créances et des actions sans dédommagement.

44      Premièrement, il y a lieu de considérer comme inopérants les arguments du requérant visant, d’une part, à contester l’exercice par le CRU du pouvoir de dépréciation et de conversion des instruments de fonds propres dans le cadre du dispositif de résolution et, d’autre part, à soutenir que, dans la mesure où Banco Popular était solvable à la date de la résolution, cette dernière n’était pas justifiée. En effet, ces arguments concernent une décision distincte de la décision attaquée.

45      À cet égard, la décision de ne pas dédommager les actionnaires et créanciers affectés, contenue dans la décision attaquée, s’appuie sur la valorisation de la différence de traitement prévue à l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, qui vise à comparer le traitement réel dont ils ont fait l’objet dans le cadre de la résolution avec le traitement dont ils auraient bénéficié si l’entité avait été soumise à une procédure normale d’insolvabilité au moment où la décision sur la mesure de résolution a été prise. Comme le relève le CRU, aucun élément de cette comparaison n’est affecté par la légalité du dispositif de résolution.

46      En outre, il y a lieu de considérer, à l’instar du CRU et du Royaume d’Espagne, que le rapport d’experts annexé à la requête n’est pas pertinent aux fins de la contestation de la décision attaquée.

47      En effet, ce rapport d’experts concerne la valorisation et la situation d’insolvabilité éventuelle de Banco Popular avant sa résolution. Selon le requérant, ce rapport vise à établir que Banco Popular avait un patrimoine net et était solvable à la date de la résolution et donc qu’elle n’était pas en situation de défaillance avérée ou prévisible à la date d’adoption du dispositif de résolution au sens de l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 806/2014. Ce rapport a donc pour objet de soutenir l’argument du requérant selon lequel l’adoption du dispositif de résolution n’était pas justifiée, lequel est dénué de pertinence s’agissant de l’appréciation de la validité de la décision attaquée.

48      Deuxièmement, s’agissant de la décision attaquée, le requérant se contente d’affirmer, sans soulever d’arguments spécifiques, qu’elle aboutirait à une atteinte disproportionnée à son droit de propriété en ce qu’elle ne prévoit pas de dédommagement.

49      Il convient de relever que, comme l’indique son considérant 62, le règlement no 806/2014 a prévu un mécanisme visant à garantir que les atteintes au droit de propriété des actionnaires, qui pourraient découler de la mesure de résolution, ne soient pas disproportionnées.

50      Ainsi, le principe selon lequel aucun créancier n’est plus mal traité, prévu à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du règlement no 806/2014, garantit qu’aucun créancier n’encourt des pertes plus importantes que celles qu’il aurait subies si l’entité qui a fait l’objet d’une mesure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité.

51      Aux fins de mettre en œuvre ce principe, en application de l’article 20, paragraphe 17, du règlement no 806/2014, la valorisation visée au paragraphe 16 de ce même article établit la différence de traitement.

52      Si, à la suite de la valorisation effectuée en vertu de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, il est établi que les actionnaires ou créanciers ont subi des pertes plus importantes dans le cadre de la résolution que celles qu’ils auraient subies lors d’une liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité, l’article 76, paragraphe 1, sous e), du même règlement prévoit que le CRU peut recourir au Fonds de résolution unique (FRU) pour les dédommager.

53      Aux termes de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, visant à mettre en œuvre le principe visé à l’article 15, paragraphe 1, sous g), du même règlement, les actionnaires et les créanciers se voient reconnaître le droit, lors de la procédure de résolution, à un remboursement ou à une indemnisation de leurs créances qui ne soit pas inférieur à l’estimation de ce qu’ils auraient récupéré si l’ensemble de l’établissement ou de l’entreprise en cause avait été liquidé dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité [voir, par analogie, arrêt du 5 mai 2022, Banco Santander (Résolution bancaire Banco Popular), C‑410/20, EU:C:2022:351, point 48].

54      Il s’ensuit que le règlement no 806/2014 met en place un mécanisme visant à garantir aux actionnaires ou aux créanciers de l’entité soumise à une résolution une juste indemnité conformément aux exigences de l’article 17, paragraphe 1, de la Charte [arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 415].

55      En l’espèce, il convient de rappeler que la valorisation 3, adoptée sur le fondement de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, a procédé à une comparaison entre le traitement réel dont ont fait l’objet les actionnaires et créanciers de Banco Popular en application du dispositif de résolution et le traitement dont ils auraient bénéficié dans le cadre d’une hypothétique liquidation selon une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution. Dans la décision attaquée, le CRU a conclu qu’il ressortait de la valorisation 3, lue conjointement avec le document de clarification et les conclusions énoncées sous le titre 6.2 « examen des commentaires pertinents » de la décision attaquée, qu’il n’existait pas de différence entre le traitement dont avaient réellement bénéficié les actionnaires et créanciers affectés et celui dont ils auraient bénéficié si l’établissement avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution. Le CRU a donc décidé que les actionnaires et créanciers affectés par la résolution de Banco Popular n’avaient pas droit à un dédommagement du FRU en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

56      En outre, d’une part, il y a lieu de relever que, dans l’hypothèse où le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté, l’alternative consistait en la liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité [arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 421].

57      D’autre part, la valeur de l’investissement des actionnaires et des créanciers affectés par la résolution de Banco Popular ne doit pas être calculée au regard de la situation précédant l’adoption du dispositif de résolution, mais correspond à l’hypothèse où le dispositif de résolution n’aurait pas été adopté, ce qui correspond à une situation de liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité [arrêt du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 423].

58      Il s’ensuit que, afin d’établir une éventuelle violation de son droit de propriété résultant de la décision attaquée, le requérant doit démontrer que le CRU a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant, sur le fondement de la valorisation 3, que les actionnaires et créanciers affectés de Banco Popular n’auraient pas bénéficié d’un meilleur traitement dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité que celui dont ils ont fait l’objet dans le cadre de la résolution.

59      Or, il y a lieu de relever que le requérant ne soulève aucun argument visant à établir que, dans l’hypothèse d’une liquidation de Banco Popular selon une procédure normale d’insolvabilité, les créanciers de cette dernière auraient bénéficié d’un meilleur traitement que dans le cadre de la résolution et qu’il en aurait résulté une différence de traitement nécessitant un dédommagement en application de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014.

60      En effet, le requérant se limite à soutenir que la décision attaquée conduit à la même ingérence dans le droit de propriété des actionnaires et des créanciers affectés que celle découlant du dispositif de résolution dans la mesure où elle confirme définitivement la privation de leurs droits de propriété sans dédommagement. Or, cette simple affirmation n’est pas suffisante pour établir une violation de leur droit de propriété.

61      En outre, le requérant affirme qu’il ressortirait du rapport d’experts annexé à la requête que la décision attaquée contiendrait une atteinte disproportionnée au droit de propriété.

62      En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui.

63      Selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête. En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale [voir arrêts du 3 mars 2022, WV/SEAE, C‑162/20 P, EU:C:2022:153, points 68 et 70 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 299 et jurisprudence citée].

64      Il suffit de constater que, dans la requête, le requérant se contente d’un renvoi global au rapport d’experts qui lui est annexé, ce qui ne permet pas au Tribunal d’identifier précisément les arguments qu’il pourrait considérer comme fondant son grief relatif à une atteinte disproportionnée à son droit de propriété.

65      Partant, il y a lieu de considérer que ce grief est simplement énoncé sans être étayé par une argumentation, contrairement à la règle prévue à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, et qu’il doit être déclaré irrecevable.

66      En tout état de cause, il y a lieu de relever que le rapport d’experts annexé à la requête ne concerne pas la situation de Banco Popular dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité à la date de la résolution. Ce rapport doit donc être écarté comme non pertinent.

67      Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du droit de propriété en l’absence de critères clairs de valorisation au moment de la procédure de résolution et en raison de l’application rétroactive de nouveaux critères

68      Le requérant relève que, selon la décision attaquée, les critères de valorisation utilisés par le cabinet évaluateur dans la valorisation 3 étaient ceux énoncés dans le règlement délégué 2018/344. Or, ce règlement délégué serait entré en vigueur plus de huit mois après l’adoption du dispositif de résolution et les normes techniques qu’il contient n’auraient pas existé au moment où les actionnaires et créanciers de Banco Popular ont été privés de leurs droits. Selon le requérant, même si le projet définitif de normes techniques de réglementation de l’Autorité bancaire européenne (ABE) no 2017/06, sur la valorisation en vue de déterminer la différence de traitement à la suite de la résolution (ci-après les « normes techniques de réglementation »), avait été adopté le 23 mai 2017, il n’existait pas de règle juridique publiée réglementant les critères de valorisation de l’actif et du passif à la date d’adoption du dispositif de résolution.

69      Le requérant considère que le CRU, dans la décision attaquée, a procédé à une application rétroactive à la valorisation 3 des critères introduits par le règlement délégué 2018/344, qui a conduit à ce que les actionnaires et créanciers de Banco Popular soient privés de leur droit de propriété sans dédommagement en violation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.

70      Il y a lieu de relever que l’argument selon lequel le règlement délégué 2018/344 ne serait entré en vigueur qu’après l’adoption du dispositif de résolution a déjà été soulevé par certains actionnaires et créanciers affectés dans le cadre de la procédure relative au droit d’être entendu.

71      À cet égard, dans la décision attaquée, le CRU a répondu que si, avant l’entrée en vigueur du règlement délégué 2018/344, il n’existait pas de cadre juridique contraignant pour guider la réalisation de la valorisation 3, les normes techniques de réglementation, qui ont ensuite été reflétées dans le règlement délégué 2018/344, avaient déjà été adoptées le 23 mai 2017. Par conséquent, les normes techniques de réglementation avaient pu être utilisées pendant la réalisation de la valorisation 3, afin d’assurer l’utilisation de critères objectifs. En outre, le CRU a relevé que, au moment de la finalisation de la valorisation 3, le règlement délégué 2018/344 était déjà en vigueur.

72      Le requérant ne soulève aucun argument de nature à remettre en cause cette appréciation du CRU.

73      Il convient de relever que le règlement délégué 2018/344 a pour objet de fixer des règles qui établissent une méthode pour réaliser les valorisations destinées à déterminer s’il existe une différence entre le traitement réel des actionnaires et des créanciers à l’égard desquels des mesures de résolution ont été exécutées et le montant que ces actionnaires et créanciers auraient reçu si l’entité ou l’établissement avait été soumis à une procédure normale d’insolvabilité à la date à laquelle la décision de procéder à une résolution de cette entité a été adoptée. Ce règlement délégué est entré en vigueur le 29 mars 2018.

74      Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur a indiqué que, « pour réaliser son analyse, il a pris en compte le règlement no 806/2014 et le règlement délégué 2018/344, qui a été adopté le 14 novembre 2017 et est entré en vigueur le 29 mars 2018, et qui établit les normes techniques de la valorisation sur la différence de traitement ». En outre, la valorisation 3 a été transmise au CRU le 14 juin 2018, soit postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement délégué 2018/344.

75      Il en ressort que la valorisation 3 indique explicitement être fondée sur le règlement délégué 2018/344 et que l’argument du requérant selon lequel le CRU aurait procédé à une application rétroactive de ce règlement délégué à la valorisation 3 manque en fait.

76      Par ailleurs, comme l’a indiqué le CRU dans la décision attaquée, les normes techniques de réglementation avaient été adoptées le 23 mai 2017 et leur contenu a été repris dans le règlement délégué 2018/344. En effet, le considérant 7 du règlement délégué 2018/344 indique explicitement que celui-ci se fonde sur les projets de normes techniques de réglementation soumis à la Commission par l’ABE.

77      Dès lors, lorsqu’il a commencé la valorisation 3, le cabinet évaluateur a pu légitimement se fonder sur les normes techniques de réglementation en juin 2017 et ensuite sur le règlement délégué 2018/344 après son entrée en vigueur.

78      Il s’ensuit que la circonstance, mentionnée par le requérant, selon laquelle le cabinet évaluateur a commencé à procéder à la valorisation 3 en juin 2017, alors que le règlement délégué 2018/344 n’était pas encore entré en vigueur, est inopérante.

79      Enfin, le requérant soutient qu’il n’existait pas de critères clairs de valorisation à la date d’adoption du dispositif de résolution.

80      Or, ainsi que le soutiennent le CRU et le Royaume d’Espagne, à la date d’adoption du dispositif de résolution, les dispositions de l’article 15, paragraphe 1, sous g), de l’article 20, paragraphes 16 à 18, et de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014 étaient suffisantes pour permettre au requérant de comprendre de quelle manière serait apprécié un éventuel dédommagement consécutif à la conversion et à la dépréciation des instruments de fonds propres de Banco Popular décidées dans le dispositif de résolution. Il ressort clairement de ces dispositions qu’un dédommagement aurait pu être accordé dans l’hypothèse où les actionnaires et créanciers affectés auraient bénéficié d’un meilleur traitement si Banco Popular avait fait l’objet d’une procédure normale d’insolvabilité que le traitement réel dont ils ont fait l’objet du fait de la résolution. En outre, la méthode utilisée pour réaliser la valorisation de la différence de traitement était précisée dans les normes techniques de réglementation qui étaient applicables à la date d’adoption du dispositif de résolution.

81      Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, à la date d’adoption du dispositif de résolution, les critères permettant de déterminer si les actionnaires et créanciers affectés auraient droit à un dédommagement étaient clairement établis et suffisamment prévisibles.

82      En toute hypothèse, le règlement délégué 2018/344, qui précise les critères relatifs aux méthodes de valorisation de la différence de traitement, n’était pas pertinent aux fins de l’adoption du dispositif de résolution. Le requérant ne saurait donc valablement soutenir que le fait que ce règlement n’était pas en vigueur à la date d’adoption du dispositif de résolution aurait une conséquence sur leur droit à un dédommagement.

83      Il ressort de ce qui précède que, postérieurement à la résolution de Banco Popular, pour déterminer si les actionnaires et créanciers affectés pouvaient bénéficier d’un dédommagement au titre de l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement no 806/2014, le cabinet évaluateur, dans la valorisation 3, et le CRU, dans la décision attaquée, se sont valablement fondés sur le règlement délégué 2018/344. Dès lors, le requérant ne saurait valablement soutenir que le CRU a procédé à une application rétroactive de critères de valorisation ayant eu pour conséquence une violation de leur droit de propriété.

84      Partant, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du droit de propriété en raison de l’absence d’indépendance du cabinet évaluateur

85      Le requérant fait valoir que le cabinet évaluateur n’était pas indépendant dans la mesure où il a réalisé les valorisations 2 et 3.

86      Dans la décision attaquée, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était indépendant, conformément aux exigences de l’article 20, paragraphe 1, du règlement no 806/2014 et du chapitre IV du règlement délégué 2016/1075. Il a relevé que le cabinet évaluateur avait été sélectionné dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres, au terme de laquelle le CRU a estimé que celui-ci possédait les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires pour réaliser la valorisation 3, sans dépendance excessive à l’égard d’une autorité publique concernée ou de Banco Popular, conformément aux exigences de l’article 38, point 1, et de l’article 39 du règlement délégué 2016/1075. Le CRU a estimé que le cabinet évaluateur, compte tenu de la nature, de l’ampleur et de la complexité de la valorisation à effectuer, disposait des ressources humaines et techniques appropriées pour mener à bien la valorisation 3, conformément à l’article 39, paragraphe 2, du règlement délégué 2016/1075.

87      De plus, le CRU a considéré que le cabinet évaluateur était une entité juridique indépendante des autorités publiques et de Banco Popular et, à cet égard, qu’il était totalement indépendant du CRU et n’avait pas été engagé pour les travaux comptables annuels de Banco Popular.

88      Enfin, le CRU a relevé que, concernant l’absence d’intérêts communs ou contradictoires significatifs, actuels ou potentiels, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075, le cabinet évaluateur avait effectué une vérification interne au regard des standards professionnels applicables. Compte tenu du résultat de cette vérification, le cabinet évaluateur avait considéré qu’il ne présentait pas de conflit d’intérêts au regard de sa désignation comme évaluateur indépendant. À cet égard, le CRU a mentionné les différentes déclarations d’absence de conflit d’intérêts fournies par le cabinet évaluateur au cours de la procédure d’appel d’offres et après sa désignation, visant à garantir son indépendance et celle des membres de ses équipes, notamment celle chargée de réaliser la valorisation 3.

89      Compte tenu de ces déclarations et des assurances fournies par le cabinet évaluateur, le CRU a estimé que ce dernier présentait suffisamment de garanties pour éviter tout intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec Banco Popular. Le CRU a également renvoyé au titre 6.2.1 de la décision attaquée, dans lequel il a répondu aux « commentaires relatifs à l’indépendance du cabinet évaluateur » présentés par les actionnaires et créanciers affectés lors de la procédure relative au droit d’être entendu. Dans ce titre, le CRU a expliqué que le cabinet évaluateur, au moment de sa désignation et durant la réalisation de la valorisation 3, n’avait pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec l’entité pertinente, au sens de l’article 41 du règlement délégué 2016/1075.

90      Le CRU a conclu que le cabinet évaluateur était indépendant conformément aux exigences de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014 et des articles 39 à 41 du règlement délégué 2016/1075.

91      En premier lieu, le requérant soutient que, étant donné que la valorisation définitive ex post, prévue à l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 et la valorisation visée à l’article 20, paragraphe 16, du même règlement, sont effectuées en même temps, après l’adoption du dispositif de résolution, le règlement no 806/2014 prévoit qu’elles peuvent être réalisées par la même personne. En revanche, ce règlement ne contiendrait aucune disposition équivalente concernant la valorisation provisoire réalisée avant l’adoption de la résolution et les valorisations réalisées postérieurement.

92      Il y a lieu de relever qu’aucune disposition du règlement no 806/2014, ni du règlement délégué 2016/1075 ne s’oppose explicitement à ce que les valorisations 2 et 3 soient réalisées par le même évaluateur.

93      L’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 prévoit que la valorisation définitive ex post peut être réalisée soit indépendamment de la valorisation visée aux paragraphes 16 à 18 de cet article, soit en même temps que ladite valorisation et par la même personne indépendante, mais tout en restant distincte.

94      Le fait que l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 précise que deux valorisations qui peuvent être réalisées en même temps, postérieurement à la résolution, peuvent être effectuées par la même personne ne saurait être interprété comme impliquant a contrario que des valorisations qui sont effectuées à des moments différents, à savoir avant et après la résolution, ne peuvent pas être effectuées par la même personne.

95      En outre, lors de la procédure relative au droit d’être entendu, certains actionnaires et créanciers affectés ont présenté des commentaires concernant l’indépendance du cabinet évaluateur, laquelle aurait été compromise par le fait que ce dernier avait effectué à la fois la valorisation 2 et la valorisation 3. Dans la décision attaquée, en réponse à ces commentaires, le CRU a relevé que le cadre légal ne l’empêchait pas de désigner le même évaluateur pour réaliser différentes valorisations pour la même résolution et qu’une telle désignation ne portait pas atteinte en soi à l’indépendance de l’évaluateur. À cet égard, il a indiqué que cette interprétation était confirmée par la réponse de l’ABE du 28 octobre 2016 à la question no 2015-2186, selon laquelle « le même évaluateur peut préparer la valorisation provisoire et la valorisation définitive ex post ». Selon l’ABE, cela signifiait que les exigences d’indépendance visées à l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190), étaient respectées dans les deux cas, étant donné qu’elles devaient être remplies aux fins de la valorisation définitive ex post.

96      À cet égard, selon la Cour, l’article 20, paragraphes 11 et 16, du règlement no 806/2014 prévoit expressément deux types de valorisation, à savoir, d’une part, la valorisation « effectuée au titre des paragraphes 1 à 15 » et, d’autre part, celle « visée aux paragraphes 16, 17 et 18 ». Selon l’article 20, paragraphes 11 et 16, du règlement n° 806/2014, ces valorisations sont et doivent rester distinctes, émanent d’une personne indépendante, mais peuvent cependant être réalisées soit indépendamment, soit en même temps et par la même personne indépendante [arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 71, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 81].

97      La Cour a considéré qu’aussi bien la première valorisation réalisée par le CRU et la valorisation 2 qu’une éventuelle valorisation définitive ex post appartiennent au premier type de valorisation, puisqu’elles relèvent des paragraphes 1 à 15 de l’article 20 du règlement no 806/2014, tandis que la valorisation 3, relevant des paragraphes 16, 17 et 18 dudit article, appartient au second type de valorisation [arrêts du 21 décembre 2021, Aeris Invest/CRU, C‑874/19 P, EU:C:2021:1040, point 72, et du 21 décembre 2021, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/CRU, C‑934/19 P, EU:C:2021:1042, point 82].

98      Il s’ensuit que les dispositions du règlement no 806/2014 ne sauraient être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce que la valorisation 2 et la valorisation 3 soient réalisées par le même évaluateur.

99      En second lieu, le requérant soutient que l’objectif des valorisations ex post est de vérifier la valorisation ex ante et que, si les valorisations ex post étaient effectuées par l’expert qui a effectué la valorisation ex ante, il serait influencé par sa valorisation initiale et il aurait tendance à confirmer ses conclusions.

100    Le requérant relève que les règles en matière d’audit interdisent l’« autorévision », à savoir la participation de l’auditeur à l’établissement des comptes qu’il devra réviser, qui constituerait une menace à l’indépendance du réviseur, au sens de l’article 22 de la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, concernant les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés et modifiant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, et abrogeant la directive 84/253/CEE du Conseil (JO 2006, L 157, p. 87). Il ajoute que l’objectif du règlement délégué 2016/1075 est d’exclure tout risque ou menace quant à l’indépendance de l’évaluateur et que, à cet égard, l’article 41, paragraphe 4, sous d), de ce règlement délégué fait référence aux risques menaçant l’indépendance, tels que les risques d’autorévision.

101    Il soutient que, dans la mesure où l’objet de la valorisation définitive ex post et de la valorisation 3 est de vérifier la comptabilité de l’entité soumise à la résolution et l’exactitude de la valorisation 2, en ce qui concerne la détermination de l’actif et du passif de l’entité et le caractère équitable du traitement réservé aux actionnaires et aux créanciers, elles ne pourraient être effectuées par le même expert sans menacer son indépendance.

102    Le requérant fait également valoir que le CRU aurait dû éviter toute apparence de manque d’objectivité ou d’impartialité de l’évaluateur qui a réalisé les valorisations ex post, à savoir la valorisation définitive ex post et la valorisation 3, compte tenu du fait qu’elles avaient un objet substantiellement analogue à celui de la valorisation 2, en ce qu’elles impliquaient une révision des estimations et des conclusions de cette dernière. Ainsi, l’évaluateur aurait tendance à défendre la position qu’il avait précédemment prise dans les valorisations précédentes, en les validant, de sorte que son impartialité serait sérieusement compromise, de même que son image d’indépendance et d’impartialité.

103    À titre liminaire, il convient de relever que, à plusieurs reprises, le requérant mentionne le fait que le cabinet évaluateur aurait réalisé une valorisation définitive ex post dont le but serait de vérifier l’exactitude de la valorisation 2 concernant l’évaluation de l’actif et du passif de Banco Popular.

104    Or, il suffit de constater qu’aucune valorisation définitive ex post au titre de l’article 20, paragraphe 11, du règlement no 806/2014 n’a été réalisée dans le cadre de la résolution de Banco Popular.

105    Dès lors, la référence faite par le requérant au fait que le cabinet évaluateur aurait réalisé une valorisation définitive ex post est erronée.

106    En application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, le CRU veille à ce qu’une valorisation soit réalisée par une personne indépendante visée au paragraphe 1 de cet article, à savoir par une personne indépendante de toute autorité publique, y compris le CRU et l’autorité de résolution nationale, ainsi que de l’entité concernée.

107    Les règles en matière d’indépendance des évaluateurs sont précisées dans le chapitre IV du règlement délégué 2016/1075, dont l’article 38 dispose :

« Une personne physique ou morale peut être nommée en tant qu’évaluateur. L’évaluateur est réputé être indépendant de toute autorité publique pertinente et de l’entité pertinente dès lors que toutes les conditions suivantes sont remplies :

1)       l’évaluateur possède les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires et peut effectuer la valorisation efficacement sans dépendre de manière excessive d’une autorité publique pertinente ou de l’entité pertinente conformément à l’article 39 ;

2)       l’évaluateur est juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes et de l’entité pertinente conformément à l’article 40 :

3)       l’évaluateur n’a pas d’intérêt commun ou contradictoire significatif au sens de l’article 41. »

108    L’article 41 du règlement délégué 2016/1075, relatif aux intérêts communs ou contradictoires significatifs, prévoit :

« 1. L’évaluateur indépendant n’a pas d’intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec une autorité publique pertinente ou avec l’entité pertinente.

[…]

4. Aux fins du paragraphe 1, sont pertinents au moins les éléments suivants :

[…]

d)       en ce qui concerne les personnes morales, toute séparation structurelle ou autre dispositif mis en place pour remédier aux risques menaçant l’indépendance, tels que les risques d’autorévision, d’intérêt personnel, de représentation, de familiarité, de confiance ou d’intimidation, y compris les dispositifs permettant de distinguer les membres du personnel susceptibles de participer à la valorisation des autres membres du personnel.

[…] »

109    Il convient de relever que le requérant ne conteste pas que les conditions prévues à l’article 38, points 1 et 2, du règlement délégué 2016/1075 étaient remplies par le cabinet évaluateur, à savoir que celui-ci possédait les qualifications, l’expérience, les compétences, les connaissances et les ressources nécessaires pour effectuer efficacement la valorisation 3 et qu’il était juridiquement séparé des autorités publiques pertinentes et de Banco Popular.

110    Il ne soutient pas non plus que le cabinet évaluateur avait un intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit avec l’autorité publique pertinente, à savoir le CRU, ou avec l’entité pertinente, à savoir Banco Popular.

111    Par ses arguments, le requérant reproche, en substance, au CRU d’avoir désigné le cabinet évaluateur comme évaluateur indépendant pour réaliser la valorisation 3 sans tenir compte du fait que, celui-ci ayant déjà réalisé la valorisation 2, il existait un risque d’autorévision au sens de l’article 41, paragraphe 4, sous d), du règlement délégué 2016/1075. Il considère que le cabinet évaluateur aurait tendance à confirmer, dans la valorisation 3, ses conclusions figurant dans la valorisation 2, ce qui porterait atteinte à son impartialité.

112    Il y a lieu de rappeler qu’il incombait au CRU, en application de l’article 20, paragraphe 16, du règlement no 806/2014, de veiller à l’indépendance du cabinet évaluateur au regard des circonstances de l’espèce.

113    Certes, en principe, il ne saurait être exclu que, aux yeux de tiers, le fait que le cabinet évaluateur ait déjà participé à la procédure de résolution de Banco Popular en réalisant la valorisation 2, préalablement à l’adoption du dispositif de résolution, puisse apparaître comme une circonstance l’empêchant d’être objectif et impartial lors de la réalisation de la valorisation 3.

114    À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, le CRU a indiqué que plusieurs actionnaires et créanciers affectés avaient présenté des commentaires concernant l’indépendance du cabinet évaluateur et avaient soutenu que ce dernier n’aurait pas dû réaliser la valorisation 3 dans la mesure où il avait déjà réalisé la valorisation 2. Certains de ces commentaires mentionnaient le fait que la valorisation 2 incluait une estimation ex ante du traitement que chaque catégorie d’actionnaires ou de créanciers aurait reçu dans le cadre d’une procédure normale d’insolvabilité et soutenaient que le cabinet évaluateur cherchait à confirmer les conclusions de l’analyse du principe selon lequel aucun créancier n’est plus mal traité, qu’il avait effectuée dans la valorisation 2.

115    Toutefois, il convient de relever que les circonstances de l’espèce, d’une part, n’établissent pas que le cabinet évaluateur, en réalisant la valorisation 3, aurait entendu confirmer la valorisation 2 et, d’autre part, viennent contredire l’argument du requérant selon lequel il pouvait raisonnablement sembler manquer d’objectivité ou d’impartialité.

116    Dans la décision attaquée, le CRU a indiqué que la valorisation 2 et la valorisation 3 poursuivaient des objectifs différents et utilisaient donc des approches différentes. La valorisation 2 visait, en application de l’article 20, paragraphe 5, du règlement no 806/2014, à éclairer la mesure de résolution en estimant la valeur économique de l’actif et du passif de Banco Popular à la date de la résolution, alors que la valorisation 3 visait à estimer le traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers affectés dans le cadre d’une hypothétique procédure d’insolvabilité, à savoir sur la base d’une entreprise en cessation d’activité, conformément à l’article 20, paragraphe 18, sous a), du même règlement.

117    À cet égard, il y a lieu de rappeler que la valorisation 2 se divise en deux parties, la première contenant la valorisation provisoire de Banco Popular aux fins de la résolution et la seconde consistant en une simulation d’un scénario de liquidation. La première partie contient une évaluation de l’actif et du passif de Banco Popular et vise à déterminer la valeur économique de celle-ci dans le cadre de l’application de l’instrument de cession des activités. Cette première partie a été prise en compte par le CRU aux fins de l’adoption du dispositif de résolution. La simulation d’un scénario de liquidation, contenue dans la seconde partie, a pour objet, conformément à l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014, d’estimer le traitement que chaque catégorie d’actionnaires et de créanciers aurait été susceptible de recevoir si l’entité visée par la mesure de résolution avait été liquidée selon une procédure normale d’insolvabilité en application de la législation espagnole.

118    Dans la valorisation 3, l’analyse de la différence de traitement s’appuie sur le traitement réel dont les actionnaires et créanciers affectés ont fait l’objet à l’issue de la résolution. L’évaluation de l’actif et du passif de Banco Popular aux fins de la résolution figurant dans la première partie de la valorisation 2 n’a pas été prise en compte dans la valorisation 3 et ne pouvait donc influencer le cabinet évaluateur lorsqu’il a réalisé cette dernière.

119    Dès lors, le requérant ne saurait valablement soutenir, d’une part, que la valorisation 3 dépendait étroitement des conclusions de la valorisation 2 concernant la valeur nette de Banco Popular ni, d’autre part, que l’objectif de la valorisation 3 était de vérifier l’exactitude de cette partie de la valorisation 2.

120    Ainsi, l’argumentation du requérant ne concerne que la seconde partie de la valorisation 2, qui correspond à une simulation d’un scénario de liquidation.

121    À cet égard, dans la décision attaquée, le CRU a souligné que le cadre juridique applicable reconnaissait que l’estimation provisoire du traitement que les actionnaires et créanciers affectés auraient été susceptibles de recevoir si l’entité avait été liquidée dans le cadre de la valorisation 2 ne pouvait pas être aussi précise que celle figurant dans la valorisation 3 pour plusieurs raisons, à savoir, notamment, les contraintes de temps et le manque de données suffisamment proches de la date de la résolution dans le cadre de la valorisation 2. Ainsi, selon l’article 20, paragraphe 9, du règlement no 806/2014, la valorisation 2 inclurait une « estimation » de ce traitement, alors que l’article 20, paragraphe 17, du même règlement prévoirait que la valorisation 3 doit « établir » celui-ci. Le CRU a indiqué que le seul fait que l’estimation provisoire contenue dans la valorisation 2 et la valorisation 3 avaient des résultats similaires, mais étaient fondées sur des hypothèses différentes, ne pouvait pas être considéré en lui-même comme une preuve suffisante que la valorisation 3 n’aurait pas été effectuée conformément aux exigences légales.

122    Premièrement, il convient de relever que, dans la valorisation 2, le cabinet évaluateur a précisé qu’il ne disposait pas de toutes les informations et données nécessaires ni du temps suffisant pour procéder à une estimation plus que simplement indicative à ce stade. Il a indiqué, à plusieurs reprises, que la simulation du scénario de liquidation reposait sur de nombreuses incertitudes et que, lorsque des informations plus précises seraient disponibles, il serait en mesure d’affiner ses hypothèses et de préparer un scénario de liquidation plus « robuste » et plus fiable.

123    Le cabinet évaluateur a notamment mentionné que, « [é]tant donné que la structure de l’entreprise ou les bilans des entités individuelles ne [lui avaient] pas été communiqués, [son] scénario de liquidation a[vait] été élaboré sur une base consolidée à titre indicatif » et que « [l]a liquidation effective au titre de la [loi 22/2003] concernerait les entités individuelles ». Il a ajouté que, « [d]ès réception de ces informations complémentaires, [il serait] en mesure de présenter une simulation de scénario de liquidation plus robuste sur une base individuelle ».

124    D’une part, il en découle que la valorisation 2 contenait de nombreuses réserves quant à la fiabilité de la simulation du scénario de liquidation. D’autre part, il ressort des points 117 et 118 ci-dessus qu’une évaluation de Banco Popular dans un scénario de liquidation dans la valorisation 3 différente de celle figurant dans la simulation contenue dans la valorisation 2 n’est pas susceptible de remettre en cause la validité de cette dernière.

125    Dès lors, c’est à tort que le requérant fait valoir que le cabinet évaluateur, lorsqu’il a réalisé la valorisation 3, aurait été influencé par la valorisation 2 parce qu’il s’appuierait sur l’hypothèse selon laquelle les analyses et conclusions qu’il y avait formulées étaient pleinement valables et qu’il serait réticent à assumer des erreurs figurant dans la valorisation 2. Le requérant ne saurait valablement soutenir que le cabinet évaluateur n’était pas indépendant au motif qu’il se serait estimé lié par les conclusions de la valorisation 2.

126    Deuxièmement, l’argument du requérant selon lequel la valorisation 3 avait pour objet de vérifier l’exactitude de la valorisation 2 et le cabinet évaluateur aurait eu tendance à confirmer ses conclusions est contredit par les circonstances dans lesquelles les valorisations 2 et 3 ont été effectuées.

127    À cet égard, dans la valorisation 2, la simulation d’un scénario de liquidation de Banco Popular était fondée sur les données disponibles au 31 mars 2017 et prévoyait un scénario de trois ans. Dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur s’est appuyé sur les informations financières non auditées au 6 juin 2017 ou, si elles n’étaient pas disponibles, sur celles du 31 mai 2017, pour établir trois scénarios temporels distincts de liquidation.

128    Dans la décision attaquée, en réponse aux commentaires mentionnés au point 114 ci-dessus, le CRU a indiqué que, alors que l’estimation ex ante du traitement dont auraient bénéficié les actionnaires et créanciers affectés dans une hypothétique procédure d’insolvabilité, incluse dans la valorisation 2, avait été réalisée dans un délai spécifique et s’appuyait sur les informations dont disposait le cabinet évaluateur avant la résolution, à savoir principalement celles disponibles au 31 mars 2017, la valorisation 3 s’appuyait sur des informations plus fines au 6 juin 2017, à la date de la clôture des activités, lorsqu’elles étaient disponibles. Le CRU a considéré que, compte tenu des différentes informations sur lesquelles s’appuyaient ces évaluations, ainsi que de leur finalité différente, le cabinet évaluateur aurait très bien pu parvenir à des conclusions différentes.

129    Il y a lieu de rappeler, d’une part, que la simulation du scénario de liquidation figurant dans la valorisation 2 s’appuyait nécessairement sur des données antérieures à l’adoption du dispositif de résolution tandis que la valorisation 3 devait prendre en compte les données disponibles à la date de la résolution. D’autre part, comme le cabinet évaluateur l’a indiqué dans la valorisation 2, la simulation du scénario de liquidation s’appuyait sur des hypothèses non vérifiées et qui devaient être affinées.

130    Ainsi, dans la valorisation 3, le cabinet évaluateur ne s’est pas contenté de confirmer le résultat de la simulation figurant dans la valorisation 2.

131    Par exemple, dans la valorisation 2, le total de la réalisation des actifs de Banco Popular pour les créanciers, dans le cas d’un scénario de liquidation de trois ans, a été estimé entre 120,9 milliards d’euros pour la meilleure hypothèse et 116,5 milliards d’euros pour la pire hypothèse. Dans la valorisation 3, pour le scénario de liquidation de trois ans, l’évaluation des actifs a conduit à un résultat différent, à savoir 101,546 milliards d’euros pour la meilleure hypothèse et 97,593 milliards d’euros pour la pire hypothèse.

132    Le seul fait que le cabinet évaluateur soit arrivé à la même conclusion, à savoir que les actionnaires et créanciers affectés n’obtiendraient pas de recouvrement en cas de liquidation de Banco Popular, ne saurait suffire à établir qu’il s’est estimé tenu par son évaluation réalisée dans la valorisation 2 lorsqu’il a effectué la valorisation 3.

133    Il en ressort que le CRU, dès la réception de la valorisation 2, était informé du fait que le cabinet évaluateur devrait s’appuyer sur de nouvelles données dans la valorisation 3 et donc modifier l’évaluation effectuée dans la simulation du scénario de liquidation. Le requérant ne saurait donc valablement soutenir que le fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2 aurait dû conduire le CRU à douter de l’objectivité et de l’impartialité de celui-ci.

134    Il en ressort également que l’argument du requérant selon lequel le cabinet évaluateur, en effectuant la valorisation 3, devait examiner et vérifier l’exactitude de la valorisation 2 ne s’appuie sur aucun élément concret et est contredit par le contenu même de la valorisation 3.

135    Par ailleurs, le requérant compare le rôle du cabinet évaluateur lorsqu’il a effectué les valorisations 2 et 3 à celle d’un réviseur et fait valoir que la valorisation 3 serait assimilable à une « autorévision », qu’il définit lui-même comme une participation de l’auditeur à l’établissement des comptes qu’il devra réviser.

136    Or, il suffit de constater que ni la valorisation 2 ni la valorisation 3 ne constituent un exercice d’audit ou de contrôle des comptes de Banco Popular. Compte tenu de leurs objets respectifs, la valorisation 3 ne saurait être assimilée à une « autorévision » de la valorisation 2. Dès lors, les références faites par le requérant aux risques d’autorévision mentionnés à l’article 22 de la directive 2006/43 et à l’article 41, paragraphe 4, sous d), du règlement délégué 2016/1075 ne sont pas pertinentes en l’espèce.

137    Il ressort de l’ensemble de ce qui précède que c’est à tort que le requérant soutient que, dans les circonstances de l’espèce, le fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2 était susceptible d’établir, d’une part, l’existence d’un intérêt significatif réel ou potentiel en commun ou en conflit au sens de l’article 41, paragraphe 1, du règlement délégué 2016/1075 et, d’autre part, un manque d’impartialité ou d’objectivité du cabinet évaluateur.

138    Il s’ensuit que le requérant n’a pas établi que le CRU avait estimé à tort que le fait que le cabinet évaluateur avait réalisé la valorisation 2 ne permettait pas de remettre en cause son indépendance pour réaliser la valorisation 3.

139    Partant, le troisième moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

140    En premier lieu, le requérant fait valoir que le CRU a violé le droit d’être entendu des actionnaires et des créanciers affectés au cours de la procédure antérieure à l’adoption du dispositif de résolution.

141    Il suffit de rappeler que le dispositif de résolution ne fait pas l’objet de la présente procédure et que les arguments du requérant relatifs à une prétendue violation de leurs droits de la défense dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption du dispositif de résolution sont donc inopérants.

142    En second lieu, le requérant soutient que le CRU a violé le principe d’égalité des armes, qui exige que toutes les parties à un litige aient accès aux mêmes informations, en donnant la priorité aux intérêts de Banco Popular sur ceux des actionnaires et des créanciers affectés. Il relève que, concernant la demande d’accès de certains actionnaires et créanciers affectés au dossier administratif, le CRU, au considérant 24 de la décision attaquée, a estimé que la divulgation de certaines informations expurgées pourrait porter atteinte aux droits de la défense de l’entité dans le cadre de procédures judiciaires en cours et a décidé de ne pas donner accès aux informations limitées expurgées du point 4.9 de la valorisation 3, relatif aux provisions pour risques juridiques.

143    Le requérant fait valoir que le CRU n’a pas justifié pour quelle raison l’accès des actionnaires et des créanciers affectés à certaines informations a été limité afin de ne pas nuire à la position de Banco Popular dans les procédures judiciaires en cours et il se demande, à cet égard, si la référence à ces procédures inclut également celles devant le Tribunal. Il considère comme inacceptable le fait que le CRU limite l’accès à l’information d’une des parties à une procédure judiciaire afin de ne pas nuire à l’autre partie au litige et soutient que le fait de ne pas nuire à l’entité revient à la favoriser dans la procédure par rapport aux actionnaires et aux créanciers affectés.

144    Premièrement, il y a lieu de relever que l’argument du requérant selon lequel le CRU aurait violé le principe d’égalité des armes en refusant de divulguer certaines informations, ce qui favoriserait Banco Popular, ne saurait prospérer dans la mesure où cette dernière n’est pas partie à la présente procédure.

145    En tout état de cause, selon la jurisprudence, le principe d’égalité des armes, qui fait partie intégrante du principe de la protection juridictionnelle effective des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, consacré par l’article 47 de la Charte, en ce qu’il est un corollaire, comme, notamment, le principe du contradictoire, de la notion même de procès équitable, implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir arrêts du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, point 61 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2022, Nord Stream 2/Parlement et Conseil, C‑348/20 P, EU:C:2022:548, point 128 et jurisprudence citée).

146    Ce principe a pour but d’assurer l’équilibre procédural entre les parties à une procédure judiciaire, en garantissant l’égalité des droits et des obligations de ces parties en ce qui concerne, notamment, les règles régissant l’administration des preuves et le débat contradictoire devant le juge ainsi que les droits de recours de ces parties. Pour satisfaire aux exigences liées au droit à un procès équitable, il importe que les parties aient connaissance et puissent débattre contradictoirement tant des éléments de fait que des éléments de droit qui sont décisifs pour l’issue de la procédure (voir arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, point 62 et jurisprudence citée).

147    Or, il suffit de relever que la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée n’étant pas une procédure juridictionnelle, mais administrative, et le CRU ne constituant pas un tribunal au sens de l’article 47 de la Charte, cette disposition n’est pas d’application en l’espèce et le requérant n’est pas fondé à se prévaloir d’une violation du principe d’égalité des armes (voir, par analogie, arrêt du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 213).

148    Deuxièmement, l’argumentation du requérant peut être interprétée en ce sens qu’il reproche au CRU de ne pas avoir motivé, dans la décision attaquée, l’absence de divulgation de certaines informations relevant du point 4.9 de la valorisation 3.

149    À cet égard, dans le considérant 10 de la décision attaquée, le CRU a relevé que, afin de permettre aux actionnaires et aux créanciers affectés d’exercer leur droit d’être entendus, tout en tenant compte des limitations relatives à la divulgation d’informations confidentielles prévues à l’article 88 du règlement no 806/2014, il avait préparé une version non confidentielle de la valorisation 3 à publier en même temps que sa décision préliminaire. Le CRU a indiqué que, à cet égard, il avait consulté Banco Popular afin d’identifier toute information qu’il devait expurger pour protéger des informations confidentielles de Banco Popular couvertes par le secret professionnel. Le CRU a précisé que, sur la base de la consultation avec Banco Popular et en mettant en balance les intérêts des actionnaires et des créanciers affectés et son obligation de ne pas divulguer des informations couvertes par le secret professionnel, il a expurgé certaines informations limitées du point 4.9 de la valorisation 3.

150    En outre, le CRU a indiqué avoir reçu des demandes d’accès au dossier sur le fondement de l’article 90, paragraphe 4, du règlement no 806/2014 lors de la phase de consultation et, au considérant 24 de la décision attaquée, le CRU a rappelé que certains documents avaient fait l’objet d’expurgations en vertu de l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014. Il a ainsi indiqué que l’expurgation d’informations s’était limitée à des estimations et des affirmations individuelles spécifiques du point 4.9 relatif aux provisions pour risques juridiques, mais que les informations concernant la nature et la source de réclamations spécifiques et les réalisations estimées agrégées n’avaient pas été expurgées. Le CRU a précisé que les informations expurgées étaient loin d’être des informations publiques et étaient, dans une certaine mesure, prospectives et que leur divulgation pourrait porter atteinte aux droits de la défense de Banco Popular dans le cadre de procédures judiciaires en cours. Il a donc rappelé que, après avoir soigneusement mis en balance les intérêts des actionnaires et des créanciers affectés et ceux de Banco Popular, il avait décidé de ne pas donner accès aux informations limitées expurgées du point 4.9 de la valorisation 3 dans sa version non confidentielle publiée.

151    Dès lors, c’est à tort que le requérant reproche au CRU de ne pas avoir justifié pour quelles raisons les données confidentielles contenues au point 4.9 de la valorisation 3 ne devaient pas être divulguées.

152    En outre, il convient de relever que l’article 88, paragraphe 5, du règlement no 806/2014 dispose :

« Avant que des informations ne soient divulguées, le CRU s’assure qu’elles ne contiennent pas d’informations confidentielles, notamment en évaluant les effets que leur divulgation pourrait avoir sur l’intérêt public en ce qui concerne la politique financière, monétaire ou économique, sur les intérêts commerciaux des personnes physiques ou morales, sur les objectifs des inspections, sur les enquêtes et les audits. La procédure visant à examiner les effets liés à la publication d’informations comprend les effets liés à la publication du contenu et du détail des plans de résolution visés aux articles 8 et 9, des résultats de toute évaluation effectuée en vertu de l’article 10 ou du dispositif de résolution visé à l’article 18. »

153    Or, d’une part, il suffit de constater que le requérant ne conteste pas que les données expurgées de la valorisation 3 relatives aux provisions pour risques juridiques étaient couvertes par le secret professionnel et constituaient des informations confidentielles.

154    D’autre part, le requérant ne soulève aucun argument de nature à démontrer que les données occultées dans la valorisation 3 relatives aux provisions pour risques juridiques étaient nécessaires à la compréhension de la décision attaquée ou à l’exercice de ses droits de la défense.

155    Partant, le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur la demande de mesure d’instruction

156    Le requérant demande, en substance, au Tribunal d’ordonner au CRU, au titre d’une mesure d’instruction, de produire le dossier complet sur la base duquel la décision attaquée a été adoptée, afin de lui permettre de compléter sa requête et de fournir un complément à son rapport d’experts annexé à la requête.

157    S’agissant des demandes de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction soumises par une partie à un litige, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi [voir arrêts du 4 mars 2021, Liaño Reig/CRU, C‑947/19 P, EU:C:2021:172, point 98 et jurisprudence citée, et du 1er juin 2022, Algebris (UK) et Anchorage Capital Group/Commission, T‑570/17, EU:T:2022:314, point 435 et jurisprudence citée].

158    Il importe de rappeler à cet égard que, pour permettre au Tribunal de juger de l’utilité de mesures d’organisation de la procédure ou d’instruction, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (voir arrêts du 28 juillet 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑474/09 P à C‑476/09 P, non publié, EU:C:2011:522, point 92 et jurisprudence citée, et du 6 octobre 2021, OCU/BCE, T‑15/18, non publié, EU:T:2021:661, point 178 et jurisprudence citée).

159    En l’espèce, il y a lieu de relever que les éléments contenus dans le dossier sont suffisants pour permettre au Tribunal de se prononcer, celui-ci ayant pu utilement statuer sur la base des conclusions, des moyens et des arguments développés en cours d’instance et au vu des documents déposés par les parties.

160    Il s’ensuit que la demande de mesure d’instruction du requérant doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité au titre de l’article 88, paragraphe 2, du règlement de procédure.

161    Il y a lieu de conclure que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

162    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il convient de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le CRU, conformément aux conclusions de ce dernier.

163    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Le Royaume d’Espagne supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. José María Galván Fernández-Guillén est condamné à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de résolution unique (CRU).

3)      Le Royaume d’Espagne supportera ses propres dépens.

De Baere

Kecsmár

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.