Language of document : ECLI:EU:T:2024:226

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

10 avril 2024 (*)

« Clause compromissoire – Contrat de travaux de préservation et de sécurisation de la Maison Jean Monnet – Contrat-cadre de services concernant des missions d’assistance et de conseils architecturaux, techniques et financiers – Dommages affectant la toiture – Demande d’indemnisation – Garantie décennale – Application des droits français et luxembourgeois – Intérêts de retard »

Dans l’affaire T‑749/22,

Parlement européen, représenté par M. M. Kazek et Mme K. Wójcik, en qualité d’agents, assistés de Me T. Gaspar, avocat,

partie requérante,

contre

Union technique du bâtiment SA, établie à Romainville (France), représentée par Me V. Chamard Sablier, avocat,

et

Argest SA, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me C. Sportes, avocate,

parties défenderesses,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, G. De Baere (rapporteur) et D. Petrlík, juges,

greffier : Mme H. Eriksson, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 30 novembre 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 272 TFUE, le Parlement européen demande la condamnation de l’Union technique du bâtiment SA (ci-après l’« UTB ») et d’Argest SA à l’indemniser, sur le fondement de la garantie décennale, pour les dommages affectant la toiture de la Maison Jean Monnet, située à Bazoches-sur-Guyonne (France), qui sont apparus à la suite de travaux de préservation et de sécurisation du site.

I.      Antécédents du litige

2        Le 9 mars 2007, l’Union européenne, représentée par le Parlement, a conclu avec Argest un contrat-cadre de services ayant, notamment, pour objet des missions d’assistance et de conseils architecturaux, techniques et financiers dans le cadre de divers travaux d’aménagement ou de réaménagement effectués dans les bâtiments occupés ou à occuper par les services du Parlement à Luxembourg (Luxembourg) et ses environs (ci-après le « contrat de service »). Par le bon de commande du 7 juin 2010, le Parlement a chargé Argest d’une mission complète d’architecte et d’ingénieur dans le cadre de la rénovation de la Maison Jean Monnet.

3        Le 14 décembre 2011, le Parlement a conclu avec l’UTB un contrat ayant pour objet des travaux de préservation et de sécurisation de la Maison Jean Monnet (ci-après le « contrat de travaux »). Ces travaux consistaient, notamment, en la réfection de la toiture en chaume de cette maison.

4        La réfection de la toiture a été sous-traitée par UTB à une autre société (ci-après la « société sous-traitante »).

5        Les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 5 décembre 2012. Lors de cette réception, UTB a remis au Parlement la documentation technique des travaux dans un « dossier des ouvrages exécutés » incluant un avis technique sur la toiture en chaume (ci-après l’« avis technique sur la toiture en chaume »).

6        Par lettre du 9 août 2019, le Parlement a indiqué à UTB avoir constaté d’importants problèmes de vieillissement et de pourrissement du chaume de la toiture de la Maison Jean Monnet. Le Parlement a ainsi indiqué recourir à la garantie décennale prévue à l’article I.6, paragraphe 2, du contrat de travaux et a demandé à UTB de prendre toutes les dispositions nécessaires et, au besoin, de nommer un expert, afin de faire constater les dommages et d’y remédier dans les plus brefs délais.

7        L’assureur d’UTB a désigné un cabinet d’expertise afin de procéder à l’expertise des dommages signalés par le Parlement. Au cours de l’année 2020, ce cabinet a convoqué les parties concernées et, notamment, le Parlement, UTB et Argest, à plusieurs réunions.

8        Le 26 juin 2020, un expert représentant l’entreprise spécialiste du chaume mandatée par le cabinet d’expertise s’est rendu sur les lieux pour inspecter la toiture de la Maison Jean Monnet. Il a rédigé un rapport d’expertise en date du 21 août 2020 (ci-après le « rapport d’expertise I »). Ce rapport était accompagné d’un devis d’entretien pour le démoussage de la toiture par projection d’eau à haute pression, en date du 18 août 2020 (ci-après le « devis pour le démoussage du 18 août 2020 »).

9        Lors de la réunion du 17 septembre 2020, le Parlement a émis des réserves quant à la qualité et au caractère complet du rapport d’expertise I.

10      En réponse à ces réserves, le même expert a dressé un rapport d’expertise complémentaire (ci-après le « rapport complémentaire du rapport d’expertise I »).

11      Par lettre du 8 octobre 2020, le Parlement a également informé UTB de l’existence d’importantes dégradations des tuiles faîtières de la toiture de la Maison Jean Monnet. Le Parlement a une nouvelle fois recouru à la garantie décennale prévue à l’article I.6, paragraphe 2, du contrat de travaux et a demandé à UTB de prendre les dispositions nécessaires afin de remédier aux désordres.

12      Par lettre du 14 octobre 2020, adressée à UTB, le Parlement a réaffirmé ses réserves à l’égard du rapport d’expertise I. Il a fait part de sa volonté de procéder à une contre-expertise.

13      Après convocation de toutes les parties concernées, une nouvelle expertise a été menée par un expert représentant une entreprise mandatée par le Parlement, lequel a dressé un rapport d’expertise en date du 19 mai 2021 (ci-après le « rapport d’expertise II »).

14      Lors d’une réunion du 23 juin 2021, les parties concernées, dont le Parlement, UTB et Argest, ont discuté des conclusions du rapport d’expertise II.

II.    Conclusions des parties

15      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner solidairement UTB et Argest à lui verser la somme totale de 161 200 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l’introduction de la requête à capitaliser pour produire eux-mêmes des intérêts ;

–        condamner UTB et Argest aux dépens.

16      UTB conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter l’intégralité des demandes du Parlement en ce qu’elles sont dirigées contre elle ;

–        à titre subsidiaire :

–        s’agissant des responsabilités, rejeter la demande de condamnation solidaire formée par le Parlement, fixer la part de responsabilité d’Argest et du Parlement à hauteur de 30 % pour chacun d’eux et limiter en conséquence toute condamnation à son égard à hauteur de 40 % des sommes qui seront retenues au titre des demandes formées par le Parlement ;

–        s’agissant du quantum des préjudices allégués, limiter toute condamnation à son égard à 13 588 euros hors taxes, conformément au devis pour le démoussage du 18 août 2020 ou, le cas échéant, limiter toute condamnation à son égard à la somme de 110 760 euros hors taxes conformément au devis relatif à la réfection de la toiture, produit par le Parlement en annexe à la requête, en date du 1er novembre 2021 (ci-après le « devis du 1er novembre 2021 »).

17      Argest conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter l’intégralité des demandes du Parlement en ce qu’elles la concernent ;

–        à titre subsidiaire :

–        limiter sa responsabilité à hauteur de 20 % ;

–        limiter toute indemnisation du Parlement, d’une part, au titre de la reprise des désordres, à 60 000 euros, et d’autre part, au titre des dommages immatériels, à 11 200 euros, en tenant compte de ce que seuls 20 % de ces sommes pourraient lui être imputées.

III. En droit

A.      Sur la compétence du Tribunal et les droits applicables aux contrats

18      En premier lieu, selon l’article 272 TFUE, lu en combinaison avec l’article 256 TFUE, le Tribunal est compétent pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte. L’article 272 TFUE constitue ainsi une disposition spécifique permettant de saisir le juge de l’Union en vertu d’une clause compromissoire, et ce sans limitation tenant à la nature de l’action introduite devant le juge de l’Union (arrêts du 26 février 2015, Planet/Commission, C‑564/13 P, EU:C:2015:124, points 22 et 23 ; du 2 mars 2022, VeriGraft/Eismea, T‑688/19, EU:T:2022:112, point 52, et du 13 juillet 2022, JF/EUCAP Somalia, T‑194/20, EU:T:2022:454, point 28).

19      En l’espèce, il ressort, en substance, tant de l’article I.9 du contrat de travaux que de l’article 14, paragraphe 2, du contrat de service que tout litige entre le Parlement et ses cocontractants se rapportant auxdits contrats et n’ayant pas pu faire l’objet d’un règlement amiable est soumis au Tribunal, en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE.

20      À cet égard, il convient de constater, à l’instar du Parlement, que des tentatives de règlement amiable du différend ont eu lieu, ainsi qu’en attestent les deux expertises effectuées et les réunions contradictoires visant à débattre des conclusions de ces deux expertises, mais que le litige n’a pas pu faire l’objet d’un règlement amiable.

21      Le Tribunal est donc compétent pour statuer sur le présent recours conformément à l’article 272 TFUE, lu en combinaison avec l’article 256 TFUE, en vertu de la clause compromissoire contenue à l’article I.9 du contrat de travaux ainsi que de celle contenue à l’article 14, paragraphe 2, du contrat de service.

22      En second lieu, il importe de rappeler que, saisi dans le cadre d’une clause compromissoire en vertu de l’article 272 TFUE, le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel applicable au contrat (arrêt du 2 mars 2022, VeriGraft/Eismea, T‑688/19, EU:T:2022:112, point 55).

23      À cet égard, l’article I.8, paragraphe 1, du contrat de travaux prévoit que « [l]e droit de l’Union européenne complété par la loi française s’applique au[dit] contrat ». Quant à l’article 14, paragraphe 1, du contrat de service, il prévoit que « [c]e contrat est régi par le droit luxembourgeois ».

24      Il convient donc d’examiner la demande d’indemnisation du Parlement au regard du droit de l’Union complété par le droit français, applicable au contrat de travaux, et du droit luxembourgeois, applicable au contrat de service.

B.      Sur le fond

25      À l’appui de sa demande d’indemnisation pour la réparation des dommages affectant la toiture de la Maison Jean Monnet, le Parlement fait valoir que la responsabilité décennale d’UTB et d’Argest peut être engagée au titre des dispositions des codes civils français et luxembourgeois prévoyant une garantie décennale des constructeurs ainsi que de la jurisprudence nationale pertinente.

1.      Sur l’engagement de la responsabilité décennale d’UTB

26      Le Parlement soutient que la législation française prévoit un régime légal de responsabilité des constructeurs, découlant de l’article 1792 du code civil français, lequel s’applique tant aux contrats de droit privé qu’aux contrats de droit public. Selon le Parlement, les conditions d’engagement de la responsabilité décennale d’UTB, sur le fondement de l’article 1792 du code civil français, sont remplies.

27      À cet égard, le Parlement fait valoir que le pourrissement et le vieillissement prématuré de la toiture ainsi que la détérioration des tuiles faîtières rendent la Maison Jean Monnet impropre à sa destination.

28      D’une part, en ce qui concerne les tuiles faîtières, le risque de chute de celles-ci entraînerait une atteinte à la sécurité des personnes, ce qui rendrait l’ouvrage, selon le juge administratif français, impropre à sa destination.

29      D’autre part, en ce qui concerne le chaume de la toiture, le Parlement concède que les désordres l’affectant ne font pas obstacle, actuellement, à ce que la toiture remplisse sa fonction, laquelle est d’assurer le clos et le couvert. Il avance toutefois qu’ils sont a minima inesthétiques. Ces désordres seraient susceptibles d’engager la responsabilité décennale d’UTB dans la mesure où la Maison Jean Monnet présente un intérêt patrimonial et culturel indéniable.

30      En outre, selon le Parlement, ces dommages ont acquis un caractère décennal dans la mesure où, selon le rapport d’expertise II, la détérioration du chaume concerne l’intégralité de la toiture et la durée de vie du chaume, habituellement de 40 ans, est considérablement réduite.

31      En tout état de cause, la réduction drastique de la durée de vie du chaume devrait revêtir un caractère décennal dans un délai prévisible, conformément à la jurisprudence du Conseil d’État (France), applicable au contrat de travaux.

32      Enfin, le Parlement avance que les désordres sont imputables à UTB, à qui avaient été confiés les travaux de fourniture et de pose de la couverture en chaume ainsi que des tuiles faîtières, dans la mesure où, selon le rapport d’expertise II, la coupe des roseaux serait pour partie à l’origine des désordres. Il conteste qu’un prétendu défaut d’entretien de la toiture aurait causé, en partie, les dommages.

33      UTB fait valoir que les deux types de dommages allégués par le Parlement ne revêtent pas un caractère décennal.

34      D’une part, s’agissant de la dégradation des tuiles faîtières, le Parlement n’aurait pas démontré le risque de chute de ces tuiles. D’autre part, s’agissant du pourrissement et du vieillissement prématuré de la toiture en chaume, le Parlement aurait admis que les désordres affectant le chaume ne faisaient pas obstacle à ce que la toiture remplisse sa fonction. Le phénomène de pourrissement et de vieillissement prématuré de la toiture en chaume n’affecterait pas l’intégralité de ladite toiture et n’aurait aucunement pour effet d’obturer la ventilation ou d’engendrer une quelconque infiltration. Des désordres de nature purement esthétique ne rendraient pas un ouvrage impropre à sa destination.

35      En outre, UTB soutient que la jurisprudence des juridictions administratives françaises sur laquelle s’appuie le Parlement n’est pas applicable en l’espèce. À cet égard, UTB considère que le contrat de travaux n’est pas un marché public au sens du droit français et du code de la commande publique français, entré en vigueur le 1er avril 2019. Selon elle, c’est la jurisprudence des juridictions judiciaires françaises qu’il convient d’appliquer au litige. Or, selon cette jurisprudence, un dommage ne pourrait être qualifié de dommage décennal ouvrant droit à une indemnisation que s’il s’est manifesté dans le délai d’épreuve de dix ans suivant la réception des travaux, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

36      Par ailleurs, UTB avance que le Parlement n’a jamais procédé à l’entretien de la toiture depuis la réception des travaux, alors qu’un tel entretien aurait été de nature à mettre un terme aux dommages et à allonger la durée de vie du chaume. La réfection intégrale de la toiture en chaume demandée par le Parlement n’aurait jamais été préconisée par les experts ni débattue contradictoirement.

37      À titre liminaire, il convient de relever que le Parlement et UTB s’opposent sur le fait de savoir si le contrat de travaux relève du droit administratif tel qu’interprété par les juridictions administratives françaises ou s’il relève du droit civil tel qu’interprété par les juridictions judiciaires françaises.

38      À cet égard, il y a lieu de constater que le droit français prévoit des régimes juridiques distincts pour les contrats relevant du droit civil, d’une part, et du droit administratif, d’autre part. Les articles 272 et 340 TFUE ne s’opposant pas à ce qu’un contrat avec l’Union puisse être soumis à un régime de droit public, il convient d’abord de déterminer le caractère, privé ou administratif, du contrat litigieux afin de déterminer le régime juridique applicable en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2012, Commission/SEMEA, T‑168/10 et T‑572/10, EU:T:2012:435, point 62 et jurisprudence citée).

39      Il convient donc, d’abord, de qualifier le contrat de travaux de contrat privé ou de contrat administratif afin de déterminer le régime juridique applicable avant d’examiner, ensuite, si les conditions de la garantie décennale sont remplies et, enfin, si les dommages allégués par le Parlement sont imputables à UTB.

a)      Sur la qualification du contrat de travaux et la détermination du régime juridique applicable

40      Comme il a été rappelé au point 23 ci-dessus, le contrat de travaux est soumis au droit de l’Union complété par la loi française.

41      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, en droit de l’Union, l’article 2, paragraphe 51, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1, ci-après le « règlement financier »), auquel se réfère le Parlement, définit le « marché public » comme étant « un contrat à titre onéreux conclu par écrit entre un ou plusieurs opérateurs économiques et un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs au sens des articles 174 et 178 [dudit règlement], en vue d’obtenir, contre le paiement d’un prix en tout ou en partie à la charge du budget, la fourniture de biens mobiliers ou immobiliers, l’exécution de travaux ou la prestation de services, comprenant[, notamment,] les marchés de travaux ».

42      Conformément à l’article 174, paragraphe 1, du règlement financier, « [l]es institutions de l’Union […] sont considéré[e]s comme des pouvoirs adjudicateurs pour les marchés attribués pour leur propre compte », ainsi que l’a rappelé le Parlement lors de l’audience.

43      D’autre part, il convient de constater que, en droit français, le code de la commande publique, auquel se réfère UTB, regroupe et organise les règles relatives aux différents contrats de la commande publique, notamment les marchés publics (article L 2 du code de la commande publique).

44      Selon l’article L 1111-1 du code de la commande publique, « [u]n marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs soumis [audit] code avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d’un prix ou de tout équivalent ».

45      Selon les articles L 1210-1 et L 1211-1 du code de la commande publique, les acheteurs soumis à ce code sont des pouvoirs adjudicateurs qui sont, notamment, des personnes morales de droit public.

46      Selon l’article L 6 du code de la commande publique, « [s]’ils sont conclus par des personnes morales de droit public, les contrats relevant du[dit] code sont des contrats administratifs ».

47      En l’espèce, le contrat de travaux a été conclu entre UTB et le Parlement. Ce dernier doit être considéré comme un pouvoir adjudicateur au sens de l’article 174, paragraphe 1, du règlement financier, mais également au sens des articles L 1210-1 et L 1211-1 du code de la commande publique. En effet, l’Union, représentée par le Parlement, constitue, selon la jurisprudence, une personne morale de droit public au sens du droit français (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2012, Commission/SEMEA, T‑168/10 et T‑572/10, EU:T:2012:435, point 65 et jurisprudence citée).

48      S’agissant de l’objet du contrat de travaux, ledit contrat a été conclu en vue de procéder à des travaux de préservation et de sécurisation de la Maison Jean Monnet et de son annexe, en particulier de réfection de sa toiture.

49      Enfin, le contrat de travaux a été conclu par écrit, en contrepartie d’un prix, et a été attribué à UTB au terme d’un appel d’offres.

50      Il s’ensuit que le contrat de travaux doit être qualifié de marché public en application tant du droit de l’Union que du droit français.

51      Conformément à l’article L 6 du code de la commande publique, le contrat de travaux doit donc être considéré, en droit français, comme un contrat administratif. En conséquence, le régime juridique applicable découle du droit administratif français et la jurisprudence pertinente pour trancher le litige est celle des juridictions administratives françaises, et non celle des juridictions judiciaires françaises.

52      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument d’UTB selon lequel le contrat de travaux fait référence à l’article 1792 du code civil français, qui serait appliqué uniquement par les juridictions de l’ordre judiciaire français.

53      En effet, la clause contractuelle du contrat de travaux prévoyant la garantie décennale concernant la toiture, à savoir l’article I.6, paragraphe 2, du contrat de travaux, stipule que « [l]e contractant octroie, pour les travaux de la toiture, une garantie de [dix] ans couvrant tous les vices de construction pouvant compromettre la solidité de l’ouvrage et le rendre impropre à sa destination ».

54      Contrairement à ce que prétend UTB, cette clause ne fait donc pas expressément référence à l’article 1792 du code civil français tel qu’appliqué directement par le juge judiciaire français.

55      En outre, comme l’a relevé à juste titre le Parlement, bien que les juridictions administratives françaises n’appliquent pas directement l’article 1792 du code civil français, elles font néanmoins application des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs, lesquels s’inspirent dudit article.

56      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence des juridictions administratives françaises invoquée par le Parlement, il résulte des principes qui régissent la garantie décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans (arrêt du Conseil d’État du 15 avril 2015, Commune de Saint-Michel-sur-Orge, FR:CECHR:2015:376229.20150415, point 1).

57      L’article I.6, paragraphe 2, du contrat de travaux est formulé de manière large, ce qui ne permet pas de déduire la jurisprudence qui serait applicable pour son interprétation. Étant donné que le contrat de travaux est un contrat administratif, c’est la jurisprudence des juridictions administratives françaises qui est pertinente en l’espèce.

58      Il convient donc de vérifier si les dommages allégués par le Parlement remplissent les conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité décennale d’UTB à l’aune des principes régissant la garantie décennale des constructeurs, tels qu’appliqués par le juge administratif français.

b)      Sur les conditions de la garantie décennale

59      D’emblée, il convient de constater qu’UTB ne remet pas en cause les constats du Parlement selon lesquels, premièrement, ce dernier doit être considéré comme le maître d’ouvrage, deuxièmement, elle doit être considérée comme l’entrepreneur ayant exécuté les travaux, réputé constructeur, à qui incombe la responsabilité décennale en vertu de l’article I.6 du contrat de travaux, troisièmement, des travaux de réfection d’une toiture, comme ceux en l’espèce, sont assimilés à des travaux d’exécution d’un ouvrage et, quatrièmement, les désordres allégués par le Parlement ne sont apparus qu’après la réception sans réserve des travaux, à savoir le 5 décembre 2012. À cet égard, il convient de préciser que le délai de la garantie décennale a expiré le 5 décembre 2022.

60      En revanche, UTB conteste, en substance, la gravité des désordres allégués par le Parlement, lesquels ne seraient pas, selon elle, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans le délai de la garantie décennale.

61      Il convient d’examiner successivement les deux types de désordres allégués par le Parlement.

1)      Sur les désordres relatifs au pourrissement et au vieillissement prématuré de la toiture en chaume

62      Le Parlement soutient que la toiture en chaume a subi un pourrissement et un vieillissement prématuré qui la rendent impropre à sa destination ou qui la rendront impropre à sa destination dans un délai prévisible.

63      À cet égard, il ressort du dossier que la toiture en chaume de la Maison Jean Monnet présente une détérioration.

64      En effet, les photographies annexées à la lettre du Parlement du 9 août 2019 adressée à UTB afin de recourir à la garantie décennale (voir point 6 ci-dessus) montrent certaines zones de la toiture en chaume, notamment celles situées près des tuiles faîtières, qui se détériorent.

65      De même, le procès-verbal de la réunion du 17 janvier 2020, dressé à la suite d’une réunion d’expertise contradictoire en présence des parties, comprenant une visite des lieux, fait état d’une détérioration du chaume sur les façades nord et est de l’ouvrage.

66      En outre, les rapports d’expertise I et II attestent cette détérioration du chaume et en déterminent la cause, à savoir la mauvaise qualité du roseau assemblé pour former la toiture en chaume.

67      En effet, selon le rapport d’expertise I, la toiture présente une « affection […] concern[ant] principalement les roseaux de Camargue », qui fait « perd[re à ces derniers] leur performance hydrophobe ». Cette affection apparaît « de manière superficielle […] sur les versants ensoleillés […] et beaucoup plus profondément sur les autres versants », « en formant des zones “croûtées” ». Les photographies annexées à ce rapport corroborent la détérioration de certaines zones de la toiture.

68      Selon le rapport d’expertise II, certaines zones de la toiture, notamment sur la surface nord-ouest et sur la surface sud-ouest, présentent un roseau dans une condition moyenne, voire mauvaise. La cause de cette détérioration est, d’après ce rapport, « la qualité (coupe haute et contenu en sodium) du roseau utilisé », « l’orientation des surfaces de la toiture accélèr[ant] ou ralenti[ssant] le processus de dégradation ». Les photographies annexées à ce rapport corroborent la détérioration de certaines zones de la toiture.

69      Certes, ainsi que le concède le Parlement, cette détérioration n’a, pour le moment, pas eu d’incidence sur l’étanchéité de la toiture, laquelle continue d’assurer le clos et le couvert.

70      Indépendamment de la question de savoir si cette détérioration a rendu la toiture inesthétique et, donc, la Maison Jean Monnet impropre à sa destination en raison de l’atteinte à son intérêt patrimonial et culturel dans le cadre du délai décennal, il suffit de relever, ainsi qu’il ressort du point 56 ci-dessus, que, selon la jurisprudence des juridictions administratives françaises, pour que des désordres puissent engager la responsabilité décennale du constructeur, ceux-ci doivent affecter l’ouvrage « dans un délai prévisible, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans ».

71      Or, même si, pour l’heure, la toiture de la Maison Jean Monnet continue d’assurer le clos et le couvert, il ressort du dossier que sa détérioration sera, dans un délai prévisible, généralisée et suffisamment grave pour remettre en cause sa fonction même.

72      En effet, même si le pourrissement et le vieillissement prématuré de la toiture concernent actuellement uniquement certaines surfaces, en fonction de l’orientation desdites surfaces et de leur exposition au soleil, laquelle a une incidence sur la rapidité de la dégradation, il ressort tant du rapport d’expertise I que du rapport d’expertise II que la cause des dommages est le caractère défectueux du roseau assemblé pour former la toiture en chaume (voir points 66 à 68 ci-dessus), de sorte que le pourrissement et le vieillissement prématuré du chaume concernent toute la toiture. Il ressort d’ailleurs explicitement des conclusions du rapport d’expertise II que, « en raison du roseau utilisé, le dommage concerne l’intégralité de la toiture en chaume ».

73      En outre, comme l’invoque le Parlement, le rapport d’expertise II relève que la « durée de vie » du chaume de la toiture de la Maison Jean Monnet est, en conséquence, significativement réduite. Selon ce rapport, alors que la « durée de vie » du chaume est normalement de 40 ans, celle du chaume de la toiture de la Maison Jean Monnet ne sera que de 6 à 12 ans après la date d’établissement dudit rapport, le 19 mai 2021, à savoir jusqu’à une date comprise entre 2027 et 2033.

74      Il ressort également, en substance, du rapport d’expertise II qu’une maintenance majeure n’est plus réalisable en raison de la qualité du roseau et qu’une telle maintenance n’aurait pas l’effet escompté. Selon ce rapport, il est préférable d’investir peu d’efforts et de dépenses dans la toiture et de réserver les ressources pour son remplacement.

75      Il peut ainsi être déduit des conclusions de ce rapport, dont la force probante n’est par ailleurs pas contestée par UTB, et, en particulier, du constat de la « durée de vie » anormalement réduite de la toiture en chaume de la Maison Jean Monnet que, de manière inéluctable, ladite toiture sera rendue impropre à sa destination dans un avenir proche et, donc, dans un délai prévisible.

76      De surcroît, la détérioration de la toiture en chaume de la Maison Jean Monnet dans un délai prévisible est corroborée par les photographies produites par le Parlement en annexe à la réplique, datées de mars 2023, c’est-à-dire à peine quatre mois après l’expiration de la garantie décennale, lesquelles montrent que les surfaces de la toiture affectées par la détérioration du chaume sont plus étendues et plus gravement affectées que celles apparaissant sur les autres photographies figurant au dossier et ayant été prises à des dates antérieures, telles que les photographies annexées aux rapports d’expertise I et II. Il ressort desdites photographies que les dommages affectant le chaume évoluent défavorablement.

77      Partant, les rapports d’expertise I et II et les photographies figurant au dossier démontrent à suffisance de droit le caractère généralisé et la gravité des dommages, rendant ainsi la toiture de la Maison Jean Monnet impropre à sa destination dans un délai prévisible, même si les dommages ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de garantie décennale.

78      D’une part, UTB fait également valoir que la réfection intégrale de la toiture en chaume demandée par le Parlement n’a jamais été préconisée par les experts ni débattue contradictoirement. Toutefois, comme cela est exposé au point 74 ci-dessus, il ressort, en substance, du rapport d’expertise II que le remplacement de la toiture en chaume est inéluctable, dans un délai prévisible, en raison de son pourrissement et de son vieillissement très prématuré. En outre, l’expertise a été menée après convocation de toutes les parties concernées et ses résultats ont été discutés par les parties, dont le Parlement, UTB et Argest, lors de la réunion du 23 juin 2021, au cours de laquelle le Parlement a indiqué vouloir remplacer la toiture dans son intégralité. Le remplacement de la toiture a donc bien été débattu contradictoirement.

79      D’autre part, UTB soutient que le Parlement n’a jamais procédé à l’entretien de la toiture depuis la réception des travaux et a refusé qu’il soit procédé aux entretiens préconisés par les rapports d’expertise I et II. Selon UTB, un tel entretien de la toiture en chaume aurait été de nature à mettre un terme aux dommages et à allonger la durée de vie du chaume.

80      Cependant, ni le rapport d’expertise I ni le rapport d’expertise II ne mentionnent qu’un entretien de la toiture aurait permis de mettre un terme aux désordres affectant la toiture en chaume. En effet, d’une part, l’entretien au moyen d’un démoussage par projection d’eau à haute pression, préconisé par le rapport d’expertise I et le rapport complémentaire du rapport d’expertise I, visait, selon l’expert, à « révéler l’état réel de la toiture » et à « faire apparaître l’étendue des dégâts », et non à y remédier. D’autre part, l’entretien de certaines surfaces du toit au moyen de la solution de vinaigre, préconisé dans le rapport d’expertise II, visait à « maintenir la toiture dans le meilleur état possible » en évitant que ne se propagent des algues et de la mousse. Ce rapport mentionne néanmoins, ainsi qu’il a été relevé au point 74 ci-dessus, qu’une maintenance majeure du toit, en raison de la qualité du roseau, n’aurait pas l’effet escompté. Éliminer les algues et la mousse de la toiture ne permettrait, en substance, que d’atteindre une « durée de vie » du chaume la plus longue possible avec des moyens minimaux, en tenant compte, en tout état de cause, de ce que cette durée de vie est significativement réduite.

81      En outre, contrairement à ce que prétend UTB, il ressort du dossier que le Parlement a fait intervenir la société sous-traitante pour un entretien de la toiture en chaume au cours de l’année 2016, soit seulement quatre ans après la réception des travaux. Cette intervention a consisté en un « grattage total du toit et [une] pulvérisation d’un produit anti-mousse puis [une] vérification du faîtage et [un] nettoyage des tours de velux ».

82      Si, certes, le rapport complémentaire du rapport d’expertise I constate que la société sous-traitante n’a pratiqué qu’un « démoussage basique », UTB n’explique toutefois pas en quoi ce démoussage ne constituait pas un entretien adéquat de la toiture en 2016. Au demeurant, comme le soutient le Parlement à juste titre, l’avis technique sur la toiture en chaume mentionne que la durée de vie du chaume pouvait aller jusqu’à 50 ans avec une maintenance consistant en un renfaîtage tous les 10 à 15 ans. Cet avis ne mentionne pas la nécessité d’un entretien d’une autre nature, tel qu’un démoussage par projection d’eau à haute pression.

83      L’argument d’UTB relatif au défaut d’entretien de la toiture en chaume ne saurait donc infirmer le constat selon lequel la toiture sera, de manière inéluctable, rendue impropre à sa destination dans un délai prévisible.

84      Il s’ensuit que le Parlement a démontré à suffisance de droit que les désordres relatifs au pourrissement et au vieillissement prématuré du chaume relevaient de la garantie décennale au sens de la jurisprudence des juridictions administratives françaises.

2)      Sur les désordres relatifs à la détérioration des tuiles faîtières

85      Le Parlement invoque une détérioration des tuiles faîtières rendant l’ouvrage impropre à sa destination.

86      À cet égard, il convient de constater que, par lettre du 8 octobre 2020, le Parlement a signalé à UTB « d’importantes dégradations des tuiles faîtières de la toiture ». Le Parlement a annexé à cette lettre des photographies qui attestaient de l’existence d’un délitement desdites tuiles, lesquelles formaient des débris s’éparpillant sur le toit.

87      En outre, il ressort du procès-verbal de la réunion du 17 janvier 2020, dans la partie intitulée « Sur l’historique du chantier et la manifestation des désordres », que, en 2018 déjà, des morceaux de tuiles faîtières avaient été retrouvés sur le chaume de la toiture.

88      Enfin, le rapport d’expertise II mentionne, au point 5, intitulé « Observations », que différentes tuiles, sur le faîte du toit, orientées sud-ouest et nord-est, étaient défectueuses et se délitaient. Au point 6, intitulé « Analyse », il est constaté que l’excès d’humidité présente dans les roseaux a causé la dégradation des tuiles sur le faîte du toit. Selon ledit rapport, les tuiles deviennent humides et se délitent lorsqu’elles sont gelées. En outre, il ressort de l’une des photographies annexées au rapport d’expertise II et de sa légende que les tuiles faîtières s’effritaient en raison d’une humidité trop élevée.

89      Ainsi, contrairement à ce que soutient UTB, il résulte du dossier que les tuiles faîtières étaient défectueuses, en raison de l’humidité excessive présente dans les roseaux, et se délitaient en formant des débris sur le toit, de sorte qu’elles présentaient, à tout le moins dans un délai prévisible, un risque de chute et d’atteinte à la sécurité des visiteurs de la Maison Jean Monnet.

90      Or, il convient de constater, à l’instar du Parlement et comme l’admet UTB, qu’un désordre qui porte atteinte à la sécurité des personnes peut être considéré comme un dommage de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination, conformément à la jurisprudence administrative française invoquée par le Parlement (voir, en ce sens, arrêt du Conseil d’État du 22 février 2006, Société Dussably, no 266681).

91      Il convient donc de conclure que le Parlement a démontré à suffisance de droit que les désordres liés à la détérioration des tuiles faîtières relevaient de la garantie décennale.

92      En tout état de cause, selon le rapport d’expertise II, la détérioration des tuiles faîtières résulte de l’humidité excessive présente dans le roseau assemblé pour former la toiture en chaume. En conséquence, cette détérioration étaye, à tout le moins, le caractère décennal des dommages liés au pourrissement et au vieillissement prématuré de ladite toiture.

c)      Sur l’imputabilité des dommages à UTB

93      Selon la jurisprudence administrative française, invoquée par le Parlement, il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d’épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent la responsabilité des constructeurs, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans et que le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n’apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables (arrêt du Conseil d’État du 26 février 2016, Commune de Rennes-les-Bains, FR:CESSR:2016:387428.20160226, point 2).

94      En l’espèce, il convient de constater que le contrat de travaux, d’une part, a confié à UTB la mission d’effectuer des travaux de fourniture et de pose de la couverture en chaume ainsi que des travaux de fourniture et de pose des tuiles faîtières et, d’autre part, prévoyait, au titre de l’article I.6, paragraphe 2, dudit contrat, une garantie décennale pour les travaux de la toiture. Il s’ensuit que, eu égard aux missions qui lui ont été confiées en tant qu’entrepreneur, réputé constructeur, UTB est responsable des désordres.

95      À cet égard, UTB n’invoque pas de cas de force majeure pour s’exonérer de sa responsabilité. En revanche, elle soutient que le défaut d’entretien de la toiture, imputable au Parlement, est à tout le moins pour partie à l’origine des dommages. Il convient donc de constater qu’UTB invoque, en substance, une faute du maître d’ouvrage en tant que cause exonératoire de sa responsabilité.

96      Cependant, selon les rapports d’expertise I et II, le caractère défectueux du roseau est à l’origine des dommages constatés (voir points 66 à 68 et 88 à 92 ci-dessus). En particulier, selon le rapport d’expertise II, ces dommages ont pour cause la coupe haute du roseau et son contenu en sodium.

97      En outre, il résulte des points 81 à 83 ci-dessus qu’aucun manque de diligence ne peut être reproché au Parlement, celui-ci ayant procédé, dès 2016, à un entretien de la toiture, alors que l’avis technique sur la toiture en chaume ne préconisait qu’un renfaîtage tous les dix à quinze ans. Par ailleurs, ni le rapport d’expertise I ni le rapport d’expertise II ne constatent que l’entretien de la toiture aurait permis de mettre un terme au désordre affectant la toiture en chaume.

98      Il s’ensuit que, en l’absence de cas de force majeure et de faute du maître d’ouvrage, les dommages sont imputables à UTB.

99      Il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité décennale d’UTB peut être engagée au titre des dommages affectant la toiture de la Maison Jean Monnet.

2.      Sur l’engagement de la responsabilité décennale d’Argest

100    Le Parlement fait valoir que la législation luxembourgeoise prévoit un régime légal de responsabilité des constructeurs, découlant de l’article 1792 du code civil luxembourgeois.

101    Selon le Parlement, la toiture de la Maison Jean Monnet doit être qualifiée de gros ouvrage au sens de la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises. Elle aurait été affectée de vices rendant nécessaire son remplacement. En effet, le Parlement ne devait pas s’attendre aux désordres affectant le chaume de la toiture et les tuiles faîtières. Conformément à la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises, la responsabilité décennale d’Argest pourrait donc être engagée.

102    En outre, les désordres seraient imputables à Argest, qui a réalisé une mission complète d’architecte et d’ingénieur dans le cadre de la rénovation de la Maison Jean Monnet, sur le fondement de la présomption de responsabilité pesant sur les constructeurs. Argest serait responsable du choix des matériaux et du contrôle de leur qualité.

103    Premièrement, Argest soutient que, pour démontrer la matérialité des dommages allégués, le Parlement ne se fonde que sur le rapport d’expertise II, qu’il a demandé de manière unilatérale. Or, selon la jurisprudence des juridictions françaises, également pertinente pour le droit luxembourgeois, un juge ne pourrait se fonder exclusivement sur une expertise amiable.

104    Deuxièmement, Argest fait valoir que le Parlement a refusé de mettre en œuvre la solution d’entretien proposée dans le rapport d’expertise I, de sorte qu’il n’est pas possible de déterminer avec certitude l’étendue des désordres allégués.

105    Troisièmement, Argest avance qu’aucun dommage portant atteinte à la solidité de l’immeuble ou le rendant impropre à sa destination n’aurait existé au moment de l’expiration du délai de la garantie décennale. Les éléments du dossier ne feraient pas état de désordres inesthétiques portant atteinte à la destination architecturale et culturelle de l’immeuble. Quant à la prétendue dégradation des tuiles faîtières, le Parlement n’aurait pas prouvé le risque d’atteinte à la sécurité des personnes.

106    Si le Tribunal devait considérer que les demandes du Parlement sont fondées et que le caractère impropre à la destination de l’immeuble est établi, Argest estime que les dommages ne lui sont pas imputables.

107    D’emblée, il importe de noter que le contrat de service ne contient aucune clause prévoyant une garantie décennale à la charge d’Argest. Il ne saurait toutefois en être déduit, comme l’avance Argest dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 19 octobre 2023, qu’aucune garantie décennale contractuelle ne peut être mise à sa charge.

108    À cet égard, il convient de constater que les litiges nés lors de l’exécution d’un contrat doivent être tranchés en principe sur la base des clauses contractuelles. L’interprétation du contrat au regard des dispositions du droit national qui lui est applicable ne se justifie qu’en cas de doute sur son contenu ou sur la signification de certaines de ses clauses, ou lorsque le contrat seul ne permet pas de résoudre tous les aspects du litige. Partant, il y a lieu de procéder à l’appréciation du bien-fondé de la requête à la lumière des seules stipulations contractuelles et de ne recourir au droit national applicable au contrat que si ces stipulations ne permettent pas de trancher le litige. Néanmoins, ce principe ne saurait conduire à ce que l’application des clauses d’un contrat permette aux parties de faire échec aux dispositions impératives du droit matériel national applicable, auxquelles il ne peut être dérogé et en conformité avec lesquelles les obligations découlant du contrat doivent être ou ont été exécutées (arrêt du 13 juillet 2022, JC/EUCAP Somalia, T‑165/20, EU:T:2022:453, points 37 et 38).

109    Or, ainsi que le Parlement l’a relevé dans sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 19 octobre 2023, le régime de responsabilité décennale découlant, notamment, de l’article 1792 du code civil luxembourgeois, applicable au contrat de service, est d’ordre public [Cour d’appel de Luxembourg (Luxembourg), arrêt du 15 mars 2017, no 53/17-VII-CIV, nos 36677 et 36680]. L’absence de clause prévoyant une garantie décennale dans le contrat de service ne fait donc pas obstacle à l’application dudit régime en l’espèce.

110    À cet égard, il convient, dans un premier temps, d’examiner si les conditions de la garantie décennale découlant de l’article 1792 du code civil luxembourgeois sont remplies, puis, dans un second temps, de vérifier si les dommages allégués par le Parlement sont imputables à Argest.

a)      Sur les conditions de la garantie décennale

111    Ainsi que l’a rappelé le Parlement, l’article 1792 du code civil luxembourgeois prévoit que, « [s]i l’édifice périt en tout ou en partie par le vice de la construction, même par le vice du sol, les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage en sont responsables pendant dix ans ».

112    Argest ne conteste pas les constats du Parlement selon lesquels, premièrement, ce dernier doit être considéré comme le maître d’ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil luxembourgeois, deuxièmement, elle est liée au Parlement par un contrat de louage d’ouvrage au sens dudit article, troisièmement, des travaux de rénovation d’une toiture sont considérés par le juge luxembourgeois comme des travaux de gros ouvrage auxquels la garantie décennale s’applique et, quatrièmement, les désordres allégués par le Parlement ne sont apparus qu’après la réception sans réserve des travaux, le 5 décembre 2012. À ce dernier égard, il convient de constater que, en droit luxembourgeois et selon la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises pertinente, le dommage doit s’être révélé dans le délai de la garantie décennale. En l’espèce, ce délai a expiré le 5 décembre 2022.

113    En revanche, Argest conteste la nature décennale des désordres allégués par le Parlement.

114    Selon la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises, citée par le Parlement dans ses écritures, la notion de « mise en péril de l’édifice » au sens de l’article 1792 du code civil luxembourgeois s’applique non seulement en cas d’altération de la solidité de l’édifice, mais également en cas d’atteinte à la conservation de l’une des parties maîtresses de l’immeuble, d’atteinte à la salubrité de la construction ou encore de l’existence de vices rendant l’immeuble impropre à sa destination ou même dépassant la mesure des imperfections auxquelles on doit s’attendre dans une construction (Cour d’appel de Luxembourg, arrêt du 5 juin 2019, no 104/19-II-CIV, no 45144).

115    Plus particulièrement, dans l’arrêt cité au point 114 ci-dessus, la Cour d’appel de Luxembourg a considéré, en substance, que la prolifération d’algues, de mousses et de lichens sur la façade d’un immeuble était un dommage affectant un gros ouvrage et relevait donc de la garantie décennale. Les désordres étaient loin d’être minimes et avaient dépassé par leur ampleur et leur précocité ce à quoi le maître d’ouvrage devait normalement s’attendre avec le temps et l’usure normale.

116    Or, comme il a été relevé aux points 63 à 68 ci-dessus, il ressort des éléments du dossier et, notamment, des photographies annexées à la lettre du Parlement du 9 août 2019, du procès-verbal de la réunion du 17 janvier 2020, des rapports d’expertise I et II ainsi que des photographies annexées à ces rapports que la toiture en chaume de la Maison Jean Monnet présente une détérioration. En particulier, les rapports d’expertise I et II attestent cette détérioration de la toiture en chaume et en déterminent la cause, à savoir la mauvaise qualité du roseau. Selon le rapport d’expertise II, la durée de vie du chaume, habituellement de 40 ans, est considérablement réduite.

117    En outre, comme il a été relevé aux points 86 à 89 ci-dessus, il ressort des éléments du dossier et, notamment, du procès-verbal de la réunion du 17 janvier 2020, de la lettre du 8 octobre 2020 et des photographies qui y sont annexées ainsi que du rapport d’expertise II et des photographies qui y sont annexées que les tuiles faîtières étaient défectueuses et se décollaient en formant des débris sur le toit.

118    S’il est vrai que, de l’aveu du Parlement, la toiture continuait d’assurer la fonction de clos et de couvert à l’expiration du délai décennal, force est de constater que, selon la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises, citée au point 114 ci-dessus, la garantie décennale pour les gros ouvrages ne s’applique pas uniquement en cas d’altération de la solidité de l’édifice ou en cas de vices rendant l’immeuble impropre à sa destination, mais également, comme en l’espèce, en cas de vices dépassant la mesure des imperfections auxquelles il est normal de s’attendre dans une construction.

119    En l’espèce, les désordres sont loin d’être minimes et ont dépassé par leur ampleur et leur précocité ce à quoi le maître d’ouvrage devait normalement s’attendre avec le temps et l’usure normale, conformément à la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises. En effet, en raison de la mauvaise qualité du roseau utilisé sur l’intégralité de la toiture, le chaume s’est détérioré et les tuiles faîtières se sont dégradées dans le délai décennal. Le Parlement ne devait pas s’attendre à de telles imperfections, précoces et graves, alors que la « durée de vie » du chaume peut normalement, selon le rapport d’expertise II, atteindre 40 ans.

120    Partant, l’éventuelle absence de caractère impropre à destination de l’ouvrage dans le délai décennal, au demeurant invoquée par Argest en référence à la jurisprudence des juridictions françaises, n’est pas pertinente. Ainsi, c’est à juste titre que le Parlement avance que les dommages sont de nature à engager la responsabilité décennale d’Argest conformément à l’article 1792 du code civil luxembourgeois et de la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises.

121    Les autres arguments d’Argest ne sauraient remettre en cause cette conclusion.

122    Premièrement, Argest fait valoir que le caractère actuellement inesthétique de la toiture rendant la Maison Jean Monnet impropre à sa destination en raison de l’atteinte à son intérêt patrimonial et culturel ne permet pas de mobiliser la garantie décennale et, en tout état de cause, n’est pas fondé.

123    À cet égard, il suffit de relever que le Parlement a invoqué la nature inesthétique des désordres au soutien de ses arguments visant à engager la responsabilité décennale d’UTB au regard du droit français et de la jurisprudence des juridictions françaises. Le Parlement a avancé, en revanche, un raisonnement propre au droit luxembourgeois afin d’engager la responsabilité décennale d’Argest. Lors de l’audience, Argest a admis que le droit luxembourgeois et la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises s’appliquaient au contrat de service. Partant, les arguments d’Argest visant à contester la nature décennale des désordres esthétiques affectant la toiture de la Maison Jean Monnet ne sont pas pertinents.

124    Deuxièmement, Argest fait valoir que, dans la mesure où le rapport d’expertise II constitue une expertise non judiciaire demandée unilatéralement par le Parlement, il a un caractère probatoire limité.

125    À cet égard, Argest invoque des arrêts de la Cour de cassation (France), rendus au visa de l’article 16 du code de procédure civile français, selon lesquels le juge ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties. Argest se réfère également à un arrêt de la Cour de cassation française, du 3 février 2010, rendu au visa de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, selon lequel le juge méconnaîtrait le principe de l’égalité des armes s’il se fondait exclusivement sur une expertise non contradictoire établie à la demande de l’une des parties, même si elle avait été soumise aux observations des parties dans le cadre de l’instance devant la cour d’appel.

126    Toutefois, il importe de noter qu’Argest ne fonde pas son argumentation sur une disposition procédurale pertinente en droit luxembourgeois ni sur la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises, pourtant applicable au contrat de service.

127    À supposer même que les arrêts dont se prévaut Argest soient pertinents pour le présent litige, d’une part, il convient de constater que le rapport d’expertise II n’a pas été soumis à un débat contradictoire entre les parties uniquement au stade du présent recours. En effet, l’expertise a été précédée d’une convocation de toutes les parties, dont le Parlement, UTB et Argest, et le rapport d’expertise II a fait l’objet d’un débat contradictoire lors de la réunion du 23 juin 2021, préalablement à l’introduction du présent recours.

128    D’autre part, il ressort des points 116 et 117 ci-dessus que le constat du Tribunal relatif à la détérioration de la toiture en chaume et des tuiles faîtières n’est pas fondé uniquement sur les conclusions du rapport d’expertise II, mais bien sur l’ensemble des éléments de preuve versés au dossier.

129    Argest ne saurait donc contester que le rapport d’expertise II peut être pris en compte afin de démontrer la matérialité des faits en l’espèce.

130    Enfin, dans la mesure où il conviendrait de comprendre l’argumentation d’Argest comme visant à remettre en cause la force probante du rapport d’expertise II, il convient de relever, à l’instar du Parlement, que ce rapport est très détaillé. Il expose une analyse de l’état du roseau, de l’épaisseur du toit de chaume et de son usure, de son taux d’humidité ainsi que de la présence de mousse ou de champignons sur différentes parties de la toiture. La rédaction de ce rapport d’expertise a été précédée d’un prélèvement d’échantillons du chaume qui ont été analysés par un laboratoire. Par ailleurs, le rapport d’expertise II propose une explication détaillée des causes des désordres et une proposition de mesures à prendre pour restaurer la toiture.

131    Dans ces conditions, Argest ne saurait contester la force probante du rapport d’expertise II.

132    Troisièmement, Argest fait valoir que, à défaut d’avoir effectué le démoussage par projection d’eau à haute pression proposé dans le rapport d’expertise I, il est impossible de déterminer avec certitude l’étendue des désordres allégués. Toutefois, Argest n’explique pas clairement en quoi l’absence de certitude concernant l’étendue des désordres allégués devrait mener à la conclusion que ces désordres ne sont pas de nature décennale, au regard de la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises selon laquelle la garantie décennale peut être engagée dès lors qu’il existe un vice dépassant la mesure des imperfections auxquelles il est normal de s’attendre dans une construction, ce qui est le cas en l’espèce (voir point 119 ci-dessus).

133    Au demeurant, il ressort du rapport d’expertise II que, en raison de la mauvaise qualité du roseau assemblé pour former la toiture, les désordres s’étendent à l’intégralité de la toiture. En outre, selon ce rapport d’expertise, une maintenance majeure n’aurait pas eu l’effet escompté et il était préférable d’investir peu d’efforts dans la toiture et de réserver les ressources pour son remplacement. Dès lors, le Parlement pouvait solliciter le remplacement de la toiture sans avoir à procéder au démoussage par projection d’eau à haute pression préconisé par le rapport d’expertise I pour déterminer l’étendue des désordres.

134    Il convient donc de conclure que le Parlement a démontré à suffisance de droit que les désordres liés au pourrissement et au vieillissement prématuré de la toiture en chaume et au décollement des tuiles faîtières étaient de nature à engager la responsabilité décennale d’Argest.

b)      Sur l’imputabilité des dommages à Argest

135    Selon la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises, invoquée par le Parlement, l’article 1792 du code civil luxembourgeois est à interpréter comme posant une présomption de responsabilité à la charge des personnes qu’il vise, c’est-à-dire des architectes, des entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage. L’architecte comme l’entrepreneur ont l’obligation de concevoir et de réaliser un ouvrage exempt de vices, cette obligation s’analysant en une obligation de résultat, le maître de l’ouvrage n’ayant à établir que l’existence du désordre. La présomption qui pèse sur les constructeurs suppose que soit établie leur participation aux travaux dans lesquels apparaît un désordre. Sauf hypothèse d’un entrepreneur général, le demandeur doit par conséquent tout d’abord prouver que le dommage est imputable à l’activité de l’entrepreneur dont il recherche la responsabilité. À partir du moment où la participation du constructeur aux travaux dans lesquels apparaît un désordre est établie, la présomption de responsabilité joue, la mise en jeu de la garantie décennale d’un constructeur n’exigeant pas la recherche de la cause des désordres (Cour d’appel de Luxembourg, arrêt du 26 janvier 2022, no 18/22-VII-CIV, no 00918).

136    En l’espèce, il résulte du contrat de service ainsi que du bon de commande du 7 juin 2010 qu’Argest a réalisé une mission complète d’architecte et d’ingénieur dans le cadre de la rénovation de la Maison Jean Monnet pour le compte du Parlement, comprenant une mission d’assistance relative à l’exécution des travaux impliquant une visite hebdomadaire du chantier.

137    Il convient donc d’appliquer à Argest la présomption de responsabilité découlant de l’article 1792 du code civil luxembourgeois, qui suppose que soit établie la participation des constructeurs, notamment des architectes, aux travaux dans lesquels apparaît un désordre.

138    Premièrement, Argest considère que les désordres ne devraient pas lui être imputables dans la mesure où la société sous-traitante, choisie par UTB, n’avait pas l’expérience ni le niveau technique requis pour procéder à la réfection de la toiture en chaume.

139    À cet égard, il est vrai qu’il ressort du rapport d’expertise I que « le chaumier a voulu réaliser une prestation qui réclam[ait] une expérience et un niveau technique qu’apparemment il ne maîtrisait pas ». Toutefois, il ressort de la jurisprudence des juridictions luxembourgeoises que le fait d’un tiers ne peut s’avérer exonératoire que s’il revêt les caractères de la force majeure et s’il ne provient ni d’un sous-traitant ni d’un autre locateur d’ouvrage, alors que les différents professionnels liés au maître de l’ouvrage par un contrat de louage d’ouvrage ne pourraient en aucun cas se prévaloir de la faute d’un tiers (Cour d’appel de Luxembourg, arrêt du 14 décembre 2016, no 178/16-VII-CIV, no 42778). Ainsi que l’a admis Argest à l’audience, elle ne peut donc invoquer une faute de la société sous-traitante pour s’exonérer de sa responsabilité.

140    Deuxièmement, Argest soutient que la mauvaise qualité du roseau résulte de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), et de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7). La volonté de protéger certains habitats et certaines espèces d’oiseaux en Camargue (France) dans des zones qui incluent des roselières aurait eu un impact négatif sur la qualité du roseau dans cette région. Le Parlement serait donc à l’origine de la moindre qualité du roseau de Camargue.

141    Selon les rapports d’expertise I et II, il est vrai que la qualité du roseau de Camargue est à l’origine de la détérioration de la toiture. Toutefois, UTB a affirmé que le choix du roseau de Camargue pour la réfection de la toiture de la Maison Jean Monnet avait été validé par Argest et que cette dernière n’avait, en outre, jamais formulé la moindre observation sur la qualité ou sur la coupe du roseau, ce qu’Argest n’a pas contesté. Argest ne saurait donc s’exonérer de sa responsabilité décennale en invoquant une faute du Parlement. Au demeurant, Argest n’établit aucunement l’impact prétendument négatif de la protection des zones roselières ni ne démontre de lien de causalité suffisant entre cet impact et les dommages affectant la toiture de la Maison Jean Monnet.

142    Il s’ensuit qu’Argest n’est pas parvenue à renverser la présomption de responsabilité découlant de l’article 1792 du code civil luxembourgeois et que les dommages lui sont donc imputables.

143    Il résulte de tout ce qui précède que la responsabilité décennale d’Argest peut être engagée au titre des dommages affectant la toiture de la Maison Jean Monnet.

144    La responsabilité décennale d’UTB et d’Argest pouvant être engagée, il convient d’accueillir la demande en indemnité du Parlement. Il reste encore à quantifier les préjudices que ce dernier considère avoir subis.

3.      Sur la quantification des préjudices allégués par le Parlement

145    Le Parlement soutient que le maître d’ouvrage a droit, lorsque la responsabilité décennale est engagée, à la réparation intégrale de ses préjudices, ce qui impliquerait, en l’espèce, le remplacement de la toiture de la Maison Jean Monnet. À cet égard, le Parlement a produit deux devis, le premier, en date du 1er novembre 2021, d’un montant de 112 760 euros hors taxes et le second, en date du 4 avril 2022, d’un montant de 119 360 euros hors taxes. Au regard de la date des devis, le Parlement demande au Tribunal de retenir la somme de 125 000 euros pour tenir compte de l’inflation.

146    Selon le Parlement, il aurait également droit au paiement des frais de maîtrise d’œuvre, même si la maîtrise d’œuvre est assurée par lui. Afin de tenir compte des aléas pouvant survenir, le Parlement demande au Tribunal de retenir une somme de 15 000 euros au titre desdits frais, soit 12 % de la somme correspondant au montant des travaux.

147    Selon le Parlement, les dommages immatériels consécutifs aux dommages matériels, tels que les troubles de jouissance, doivent également être indemnisés. Ces dommages devraient être évalués, en l’espèce, à 21 200 euros, correspondant à l’organisation de la procédure de marché public pour la rénovation de la toiture en chaume (4 000 euros), à la préparation du chantier (4 000 euros), à l’installation de bureaux provisoires devant accueillir les six agents dont les locaux sont situés dans les combles de la Maison Jean Monnet (10 000 euros) et au suivi administratif du chantier (3 200 euros).

148    En outre, le Parlement estime que les sommes mentionnées au point 147 ci-dessus portent, conformément à l’article 1231-6 du code civil français et à l’article 1153 du code civil luxembourgeois, intérêts au taux légal à compter de l’introduction du présent recours.

149    Enfin, le Parlement aurait droit à la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil français et de l’article 1154 du code civil luxembourgeois.

150    S’agissant des préjudices matériels, UTB fait valoir que la solution consistant en la réfection intégrale de la toiture n’a jamais été préconisée par les experts et que le chiffrage d’une telle réfection n’a jamais été débattu entre les parties. Les devis produits par le Parlement ne seraient pas suffisamment détaillés. Par ailleurs, selon UTB, la solution préconisée par le rapport d’expertise I était de nature à mettre un terme aux désordres esthétiques allégués. Par conséquent, l’indemnisation du Parlement devrait être limitée à la somme de 13 588 euros hors taxes, conformément au devis pour le démoussage du 18 août 2020. À titre subsidiaire, UTB estime que seul le devis du 1er novembre 2021 pourrait éventuellement être retenu aux fins de la réfection de la toiture et que toute condamnation éventuellement prononcée au titre des préjudices matériels devrait être limitée au paiement de la somme de 110 760 euros hors taxes découlant de ce devis.

151    S’agissant des frais de maîtrise d’œuvre et des préjudices immatériels, le Parlement n’aurait produit aucun devis ni aucune pièce susceptible de justifier les frais qu’il a allégués, tant dans leur principe que dans leur quantum.

152    Argest soutient, d’une part, que la demande de réfection intégrale de la toiture n’est pas justifiée, dans la mesure où il ressort des rapports d’expertise I et II que seules certaines parties de la toiture seraient affectées. L’indemnisation du Parlement devrait donc être limitée au paiement de la somme de 60 000 euros, représentant environ la moitié des devis présentés.

153    D’autre part, les sommes demandées au titre des dommages immatériels ne seraient pas justifiées, notamment en ce qui concerne l’installation de bureaux provisoires pour un montant de 10 000 euros. L’indemnisation du Parlement pour ces dommages devrait donc être limitée au paiement de la somme de 11 200 euros.

154    À cet égard, premièrement, il convient de constater que, en raison de la détérioration de la toiture de la Maison Jean Monnet, le Parlement est fondé à demander son remplacement, contrairement à ce que font valoir UTB et Argest. À cet égard, ainsi qu’il ressort des points 72, 73 et 80 ci-dessus, selon le rapport d’expertise II, les dommages affectant le chaume concernent l’intégralité de la toiture et il était préférable pour le maître d’ouvrage de réserver les ressources pour son remplacement. Par ailleurs, compte tenu de ce qui a été exposé aux points 80 et 133 ci-dessus, UTB n’est pas fondée à soutenir que l’entretien de ladite toiture aurait mis un terme aux dommages. Enfin, il ressort du point 78 ci-dessus que la solution de remplacement de la toiture a fait l’objet d’un débat contradictoire entre les parties.

155    Il convient donc d’accueillir la demande d’indemnisation du Parlement relative à la réfection intégrale de la toiture. À cet égard, le Parlement a produit deux devis, à savoir le devis du 1er novembre 2021, d’un montant de 112 760 euros hors taxes, et celui du 4 avril 2022, d’un montant de 119 360 euros hors taxes. Contrairement à ce qu’UTB soutient, ces devis sont suffisamment étayés en ce qu’ils contiennent une description de l’ensemble des tâches qu’effectuera l’entreprise en vue de la réfection de la toiture en chaume. En outre, ainsi que l’invoque à juste titre le Parlement, la production de deux devis de deux sociétés différentes, d’un montant similaire, permet de constater que le chiffrage n’est pas manifestement inadéquat pour les tâches proposées.

156    Il convient de fixer l’indemnisation du Parlement pour la réfection intégrale de la toiture à un montant forfaitaire de 115 000 euros, correspondant à une moyenne entre le montant du devis du 1er novembre 2021 et celui du devis du 4 avril 2022.

157    En revanche, il convient de rejeter la demande du Parlement d’augmenter cette somme pour tenir compte de l’inflation. En effet, à supposer que ce dernier se réfère à une augmentation des prix de la consommation, il n’apporte aucun élément permettant de calculer cette inflation ou augmentation des prix au regard de données publiques et objectives.

158    S’agissant des frais de maîtrise d’œuvre pour rénover la toiture, il convient de constater, à l’instar d’UTB, que ce préjudice n’est aucunement étayé, le Parlement n’ayant fourni aucun élément de preuve permettant d’établir les missions liées à la maîtrise d’œuvre et les coûts que celle-ci engendrerait. La demande d’indemnisation des frais de maîtrise d’œuvre doit donc être rejetée.

159    Deuxièmement, s’agissant des préjudices immatériels, il ressort de la jurisprudence invoquée par le Parlement que les juridictions françaises et luxembourgeoises n’excluent pas l’indemnisation de dommages immatériels, tels que les troubles de jouissance, consécutifs aux dommages matériels. Il convient cependant de constater que le Parlement n’invoque aucun trouble de jouissance de la Maison Jean Monnet. En effet, bien que la toiture de la Maison Jean Monnet souffre d’une détérioration de nature à engager la garantie décennale, il ne ressort pas du dossier que, actuellement, elle n’est pas ouverte aux visiteurs et que le Parlement ne peut jouir de sa propriété. En réalité, les frais qu’il invoque, listés au point 147 ci-dessus, concernent des frais qu’il devra exposer en vue de l’organisation du chantier de réfection de la toiture et, donc, en vue de la réparation des désordres et ne sauraient donc être qualifiés de préjudices immatériels. Au demeurant, force est de constater que le Parlement ne fournit aucun élément de preuve permettant d’étayer les frais invoqués ou même d’en faire une estimation prévisible, ainsi qu’il l’admet lui-même. Il convient donc de ne pas faire droit à la demande d’indemnisation de ces prétendus préjudices.

160    Troisièmement, le Parlement soutient que les sommes lui étant dues doivent porter intérêts au taux légal à compter de l’introduction du présent recours.

161    À cet égard, aux termes de l’article 1231-6, premier alinéa, du code civil français, « [l]es dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure ».

162    Quant à l’article 1153 du code civil luxembourgeois, il dispose ce qui suit :

« Dans les obligations qui se bornent au paiement d’une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l’exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts fixés par la loi […]

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d’aucune perte.

Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit.

[…] »

163    Il ressort de ces dispositions que la somme à verser au Parlement par UTB et Argest peut effectivement faire l’objet d’intérêts au taux légal en cas de retard de paiement. À cet égard, en vertu des dispositions mentionnées aux points 161 et 162 ci-dessus, de tels intérêts ne sont dus qu’à compter de la mise en demeure ou de la sommation de payer.

164    En l’espèce, le Parlement n’a adressé aucune sommation de payer des intérêts à UTB et à Argest. Ce n’est donc qu’à compter de la date à laquelle le présent recours a été introduit, à savoir le 29 novembre 2022, que les sommes dues sont susceptibles de produire des intérêts (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2005, Parlement/HDI International, C‑125/02, non publié, EU:C:2005:384, points 73 à 75).

165    Quatrièmement, le Parlement demande la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil français et de l’article 1154 du code civil luxembourgeois.

166    Aux termes de l’article 1343-2 du code civil français, « [l]es intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise ». La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond. Cette demande prend toutefois effet au plus tôt à la date à laquelle elle est enregistrée et pourvu que, à cette date, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière. Le cas échéant, la capitalisation s’accomplit de nouveau à l’expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu’il soit besoin de formuler une nouvelle demande (voir, par analogie, arrêt du 19 septembre 2012, Commission/SEMEA, T‑168/10 et T‑572/10, EU:T:2012:435, point 96 et jurisprudence citée).

167    Aux termes de l’article 1154 du code civil luxembourgeois, « [l]es intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s’agisse d’intérêts dus au moins pour une année entière ».

168    En l’espèce, le Parlement a demandé la capitalisation des intérêts dans la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2022. Il y a lieu de constater que, à cette date, les intérêts n’étaient pas dus au moins pour une année entière, étant donné que les sommes dues par UTB et Argest au Parlement ne sont susceptibles de produire des intérêts qu’à compter de cette même date (voir point 164 ci-dessus). Cela étant, la capitalisation s’accomplit de nouveau à l’expiration de chaque échéance annuelle ultérieure. Il s’ensuit que la capitalisation des intérêts demandée par le Parlement pourra prendre effet à l’expiration de chaque échéance annuelle à compter du 29 novembre 2022.

169    Par conséquent, le Parlement est fondé à demander une indemnisation correspondant à la réfection intégrale de la toiture estimée à un montant forfaitaire de 115 000 euros, cette somme portant intérêts au taux légal applicable en France et au Luxembourg à compter de la date d’introduction du présent recours, ainsi que la capitalisation des intérêts à l’expiration de chaque échéance annuelle à compter de cette date. En revanche, le Parlement n’est pas fondé à demander l’indemnisation des prétendus frais de maîtrise d’œuvre ni celle des éventuels préjudices immatériels qu’il invoque.

4.      Conclusion

170    Il résulte de tout ce qui précède que la garantie décennale découlant du contrat de travaux et du contrat de service s’applique aux dommages affectant la toiture de la Maison Jean Monnet, pour lesquels UTB et Argest doivent être considérées comme étant responsables.

171    Il convient donc de condamner solidairement UTB et Argest à verser au Parlement la somme forfaitaire de 115 000 euros, correspondant à l’indemnisation du préjudice qu’il a subi et résultant du remplacement intégral de la toiture en chaume de la Maison Jean Monnet. Il convient également d’ordonner que cette somme porte intérêts au taux légal applicable en France et au Luxembourg à compter de l’introduction du présent recours, le 29 novembre 2022, et que les intérêts échus à l’expiration de chaque échéance annuelle à compter de cette date soient capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts.

5.      Sur les demandes subsidiaires d’UTB et d’Argest

172    UTB et Argest demandent, à titre subsidiaire, que leur condamnation soit limitée et fixée par le Tribunal en fonction de leur part de responsabilité dans la survenance des dommages.

173    Cependant, d’une part, s’agissant de la demande d’UTB de fixer la part de responsabilité du Parlement à hauteur de 30 %, il suffit de constater que, contrairement à ce qu’UTB prétend, le Parlement n’a pas concouru aux dommages, ainsi qu’il a été relevé aux points 95 à 98 ci-dessus.

174    D’autre part, s’agissant de la demande d’UTB de fixer la part de responsabilité d’Argest à 30 % et de limiter sa condamnation à hauteur de 40 % ainsi que de la demande d’Argest de limiter sa condamnation à hauteur de 20 %, il convient de constater que, conformément au principe de droit généralement admis selon lequel toute juridiction fait application de ses propres règles de procédure, la compétence juridictionnelle de même que la recevabilité des conclusions – que celles-ci soient présentées par la partie requérante ou par la partie défenderesse – s’apprécient sur le seul fondement du droit de l’Union (voir arrêt du 27 octobre 2021, Egis Bâtiments International et InCA/Parlement, T‑610/20, non publié, EU:T:2021:735, point 26 et jurisprudence citée).

175    Or, force est de constater que le Tribunal n’est pas compétent pour statuer sur une demande de partage de responsabilité entre UTB et Argest dans le cadre du présent litige. En effet, ce litige a été introduit au titre de l’article 272 TFUE en vertu des clauses compromissoires contenues dans le contrat de travaux et le contrat de service, lesquelles donnent compétence au Tribunal pour statuer sur les litiges de nature contractuelle opposant UTB et Argest au Parlement, et non pour se prononcer sur les rapports entre celles-ci.

176    Il en va d’autant plus ainsi que le droit de l’Union ne comporte pas de règles permettant de résoudre un contentieux relatif à la répartition sur le plan interne de la dette au paiement de laquelle des parties privées sont tenues solidairement (voir, par analogie, arrêt du 10 avril 2014, Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution e.a./Commission, C‑231/11 P à C‑233/11 P, EU:C:2014:256, point 61).

177    Il convient donc de rejeter les chefs de conclusions subsidiaires d’UTB et d’Argest.

IV.    Sur les dépens

178    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. UTB et Argest ayant succombé, il convient de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La responsabilité décennale de l’Union technique du bâtiment SA et d’Argest SA pour les dommages affectant la toiture de la Maison Jean Monnet, située à Bazoches-sur-Guyonne (France) est engagée.

2)      L’Union technique du bâtiment et Argest sont condamnées solidairement à verser au Parlement européen la somme forfaitaire de 115 000 euros, cette somme portant intérêts au taux légal applicable en France et au Luxembourg à compter du 29 novembre 2022. Les intérêts échus à l’expiration de chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes des intérêts.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      L’Union technique du bâtiment et Argest sont condamnées aux dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : le français.