Language of document : ECLI:EU:F:2009:43

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)

30 avril 2009 (*)

« Fonction publique – Agents auxiliaires de session du Parlement – Recevabilité – Procédure précontentieuse – Article 283 CE – Article 78 du RAA – Exception d’illégalité – Égalité de traitement – Stabilité d’emploi – Directive 1999/70 – Contrats à durée déterminée – Invocabilité »

Dans l’affaire F‑65/07,

ayant pour objet un recours introduit au titre des articles 236 CE et 152 EA,

Laleh Aayhan, demeurant à Strasbourg (France), et 79 autres anciens agents auxiliaires de session dont les noms figurent en annexe, représentés par Me R. Blindauer, avocat,

parties requérantes,

contre

Parlement européen, initialement représenté par M. M. Mustapha-Pacha et Mme R. Ignătescu, en qualité d’agents, puis par Mmes R. Ignătescu et S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mme I. Boruta et M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), juges,

greffier : M. R. Schiano, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 novembre 2008,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juin 2007, Mme Aayhan et 79 autres anciens agents auxiliaires de session du Parlement européen demandent notamment l’annulation de la décision de l’autorité habilitée à conclure les contrats (ci-après l’« AHCC »), du 20 avril 2007, portant rejet de leur prétendue « réclamation » du 19 décembre 2006, tendant à ce que les contrats successifs, à durée déterminée, conclus par chacun d’eux avec le Parlement soient considérés comme un seul contrat à durée indéterminée, à temps partiel, à ce que les intéressés soient réintégrés à ce titre au sein du Parlement et à ce qu’ils bénéficient d’une indemnité « représentative » du droit à congé rémunéré qu’ils auraient acquis pour l’ensemble des périodes travaillées.

 Cadre juridique

1.     Le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes

2        Aux termes de l’article 52, deuxième phrase, du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes (ci-après le « RAA »), « [a]ucun nouvel agent auxiliaire ne peut être engagé après le 31 décembre 2006 ».

3        L’article 58, premier alinéa, du RAA prévoit :

« L’agent auxiliaire bénéficie d’un congé rémunéré de deux jours ouvrables par mois de service ; toute durée de service inférieure à quinze jours ou à un demi-mois ne donne pas droit à l’octroi d’un congé. »

4        L’article 78 du RAA, relevant du titre III « Agents auxiliaires », prévoit :

« Par dérogation aux dispositions du présent titre, les agents auxiliaires engagés par le Parlement […] pour la durée des travaux de ses sessions sont soumis aux conditions de recrutement et de rémunération prévues à l’accord intervenu entre cette institution, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale pour l’engagement de ce personnel.

Les dispositions de cet accord ainsi que toute modification ultérieure de ces dispositions sont portées à la connaissance des autorités budgétaires compétentes un mois avant leur mise en vigueur.

Les mêmes conditions de recrutement et de rémunération appliquées aux interprètes de conférence recrutés par le Parlement […] sont applicables aux agents auxiliaires engagés par la Commission [des Communautés européennes] en qualité d’interprètes de conférence pour le compte des institutions et organismes communautaires.

Les dispositions du présent article s’appliquent jusqu’au 31 décembre 2006, date à partir de laquelle les agents concernés sont soumis aux conditions arrêtées selon la procédure prévue à l’article 90. »

5        L’article 90 du RAA, qui figure dans titre IV « Agents contractuels », chapitre 5 « Dispositions particulières applicables aux agents contractuels visés à l’article 3 ter », dispose :

« Par dérogation aux dispositions du présent titre, les interprètes de conférence engagés par le Parlement […] ou engagés par la Commission pour le compte des institutions et organismes communautaires sont soumis aux conditions prévues dans la convention du 28 juillet 1999 conclue entre le Parlement […], la Commission et la Cour de justice [des Communautés européennes], agissant au nom des institutions, d’une part, et les associations représentatives de la profession, d’autre part.

Les modifications de cette convention rendues nécessaires par l’entrée en vigueur du règlement (CE, Euratom) n° [723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004, modifiant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes et le RAA, JO L 124, p. 1], sont adoptées avant le 31 décembre 2006, selon la procédure prévue à l’article 78, deuxième alinéa. Toute modification de la convention après le 31 décembre 2006 est adoptée par accord entre les institutions. »

6        Aux termes de l’article 91 du RAA, figurant également dans le titre IV « Agents contractuels », chapitre 6 « Conditions de travail », « [l]es articles 16 à 18 s’appliquent par analogie ». L’article 16, premier alinéa, du RAA, en particulier, renvoie, s’agissant notamment de la durée du travail aux « articles 55 à 61 du statut [des fonctionnaires des Communautés européennes] », l’article 55 bis, paragraphe 4, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») renvoyant lui-même, en ce qui concerne les modalités de l’activité à temps partiel, à l’annexe IV bis du statut, dont l’article 1er, troisième alinéa, troisième phrase, prévoit :

« La durée du travail en activité à temps partiel ne peut être inférieure à la moitié de la durée normale du travail en activité à plein temps. »

2.     L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

7        Il ressort des deuxième et troisième alinéas du préambule ainsi que des points 6 à 8 des considérations générales de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 (ci-après l’« accord-cadre »), qui figure en annexe à la directive 1999/70/CE du Conseil, du 28 juin 1999, concernant l’accord-cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée (JO L 175, p. 43), en substance que :

–        les parties à l’accord-cadre reconnaissent que, d’une part, les contrats à durée indéterminée sont et resteront la forme générale des relations d’emploi, dès lors qu’ils contribuent à la qualité de vie des travailleurs concernés et à l’amélioration de leurs performances, mais que, d’autre part, les contrats de travail à durée déterminée répondent, dans certaines circonstances, aux besoins tant des employeurs que des travailleurs ;

–        l’accord-cadre énonce les principes généraux et les prescriptions minimales relatifs au travail à durée déterminée, en établissant, notamment, un cadre général destiné à assurer l’égalité de traitement pour les travailleurs à durée déterminée en les protégeant contre toute discrimination ainsi qu’à prévenir les abus découlant de l’utilisation de relations de travail à durée déterminée successives, tout en renvoyant aux États membres et aux partenaires sociaux pour la définition des modalités détaillées d’application desdits principes et prescriptions, aux fins de prendre en compte les réalités des situations spécifiques nationales, sectorielles et saisonnières ;

–        selon les parties signataires de l’accord-cadre, l’utilisation des contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives constitue un moyen de prévenir les abus au détriment des travailleurs.

8        Aux termes de la clause 1 de l’accord-cadre, celui-ci a pour objet :

« a)      d’améliorer la qualité du travail à durée déterminée en assurant le respect du principe de non-discrimination ;

b)      d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs. »

9        La clause 5 de l’accord-cadre énonce :

« 1. Afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs, les États membres, après consultation des partenaires sociaux, conformément à la législation, aux conventions collectives et pratiques nationales, et/ou les partenaires sociaux, quand il n’existe pas des mesures légales équivalentes visant à prévenir les abus, introduisent d’une manière qui tienne compte des besoins de secteurs spécifiques et/ou de catégories de travailleurs, l’une ou plusieurs des mesures suivantes :

a)      des raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ;

b)      la durée maximale totale de contrats ou relations de travail à durée déterminée successifs ;

c)      le nombre de renouvellements de tels contrats ou relations de travail.

2. Les États membres, après consultation des partenaires sociaux et/ou les partenaires sociaux, lorsque c’est approprié, déterminent sous quelles conditions les contrats ou relations de travail à durée déterminée :

a)      sont considérés comme ‘successifs’ ;

b)      sont réputés conclus pour une durée indéterminée. »

 Faits à l’origine du litige

10      Les requérants sont tous d’anciens agents auxiliaires ayant été engagés à plusieurs reprises par le Parlement, chaque fois au titre d’un contrat à durée déterminée, pour la durée des travaux de ses sessions, conformément à l’article 78 du RAA, pour exercer des fonctions d’agent de crèche, de puéricultrice, de dactylographe, de technicien, de cuisinier, de professeur de langues, d’agent de vestiaire, de déménageur, d’huissier, d’opérateur duplicateur, d’assistant et autres.

11      Devant la perspective de voir le Parlement recourir, à compter du 1er janvier 2007, à un personnel intérimaire pour répondre à ses besoins en ressources humaines durant les périodes de session, le conseil des requérant a, le 18 septembre 2006, adressé une lettre au directeur général de la direction générale (DG) « Personnel », contenant un certain nombre de griefs à l’encontre du régime jusqu’alors applicable aux agents auxiliaires de session, notamment quant à la durée de leurs contrats et au droit à congé rémunéré, ainsi qu’à l’encontre de l’intention du Parlement de transformer, à compter du 1er janvier 2007, les anciens contrats d’agents auxiliaires de session en contrats de travail intérimaire. En conclusion, le conseil des requérants demandait que leurs contrats d’agent auxiliaire de session à durée déterminée soient requalifiés en contrats d’agent contractuel à durée indéterminée, à temps partiel (plus précisément, à quart temps), au titre des articles 3 bis ou 3 ter du RAA, que ses clients bénéficient d’un rappel de congé rémunéré et qu’il soit mis fin à toutes relations contractuelles avec la société d’intérim à laquelle le Parlement entendait avoir recours.

12      Après avoir rencontré le conseil des requérants le 9 octobre 2006, le directeur général de la DG « Personnel » a répondu, en substance, par lettre du 26 octobre suivant, qu’il était impossible de recruter les agents auxiliaires de session en tant qu’agents contractuels, au titre des articles 3 bis ou 3 ter du RAA, et que l’utilisation de travailleurs intérimaires, pour assurer le bon déroulement des sessions du Parlement, à Strasbourg (France), était licite tant au regard du RAA qu’au regard du droit français.

13      Par lettre du 19 décembre 2006, les requérants ont introduit une prétendue réclamation à l’encontre de la décision du 26 octobre 2006 rejetant la demande en date du 18 septembre 2006, en demandant à l’AHCC de rapporter ladite décision et, « en conséquence, [de considérer] l’ensemble des [c]ontrats à [d]urée [d]éterminée ayant lié les requérants au Parlement […] en […] un seul [c]ontrat à [d]urée [i]ndéterminée, se prolongeant au-delà du 1er janvier 2007, [de réintégrer] l’ensemble [de ces] agent[s] [au bénéfice d’un] [c]ontrat à [d]urée [i]ndéterminée […] [et, d’accorder] à chaque agent requérant pour l’ensemble des périodes travaillées depuis le début de son occupation une indemnité représentative du droit à congé rémunéré qu’il a acquis par son travail ».

14      Le 20 avril 2007, le directeur général de la DG « Personnel » a répondu, après avoir requalifié la lettre du 19 décembre 2006 en « demande », au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, qu’il ne pouvait lui réserver une suite favorable.

15      Le 21 juin 2007, les requérants ont introduit une réclamation contre la décision de rejet du 20 avril 2007.

16      Par décision du 25 octobre 2007, l’AHCC a rejeté cette dernière réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

17      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 novembre 2007, le Parlement a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’encontre du recours, en application, selon lui, de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal de première instance des Communautés européennes, applicable mutatis mutandis au Tribunal, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement de procédure de ce dernier.

18      Par lettre parvenue au greffe du Tribunal le 21 janvier 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 24 janvier 2008), les requérants ont déposé des observations sur l’exception d’irrecevabilité.

19      Par ordonnance du 13 mars 2008, le Tribunal a ordonné la jonction au fond de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Parlement, conformément à l’article 78, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement de procédure, applicable depuis le 1er novembre 2007, soit depuis une date antérieure au dépôt de ladite exception d’irrecevabilité.

20      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de rejet du 20 avril 2007 opposée par le Parlement à leur réclamation du 19 décembre 2006.

En conséquence :

–        requalifier l’ensemble des contrats à durée déterminée les ayant liés au Parlement en un seul contrat à durée indéterminée ;

–        dire que le Parlement aura l’obligation de les réintégrer au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée ;

–        dire et juger que les agents du Parlement dits auxiliaires de session ont droit pour l’ensemble des périodes travaillées depuis le début de leur occupation à une indemnité représentative du droit à congé rémunéré qu’ils ont acquis par leur travail ;

–        condamner le Parlement à payer à chacun d’eux la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles de procédure ;

–        condamner le Parlement aux frais et dépens de la présente instance.

21      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer manifestement irrecevable le supposé recours en carence ;

–        déclarer non fondé le recours en annulation ;

–        rejeter comme irrecevable la demande des requérants de requalifier l’ensemble des contrats à durée déterminée les ayants liés au Parlement en un seul contrat à durée indéterminée ;

–        rejeter comme irrecevable la demande de réintégration de l’ensemble de ces agents au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée ;

–        rejeter comme non fondée la demande d’octroi aux requérants d’une indemnité représentative du droit à congé rémunéré ;

–        déclarer irrecevable la demande de paiement à chaque requérant de la somme de 2 000 euros au titre de leurs « frais irrépétibles de procédure » ;

–        décider sur les dépens comme de droit.

22      Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 21 janvier 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 28 janvier suivant), les requérants demandent notamment l’annulation de la décision du 25 octobre 2007 portant rejet de leur réclamation du 27 juin 2007 (affaire enregistrée sous la référence F‑10/08).

23      Au cours de l’audience, les requérants ont été invités par le Tribunal à produire leur dernier contrat d’agent auxiliaire de session conclu avec le Parlement avant l’introduction de leur prétendue réclamation en date du 19 décembre 2006. Il a été déféré à cette demande par courrier parvenu au greffe du Tribunal le 26 novembre 2008 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 1er décembre 2008). Le Parlement a déposé des observations sur ce courrier le 12 décembre 2008, date à laquelle la procédure orale a été clôturée et la présente affaire mise en délibéré.

 Sur la recevabilité du recours

1.     Arguments des parties

24      Le Parlement estime que le recours est manifestement irrecevable.

25      En effet, selon le Parlement, la première lettre du conseil des requérants, datée du 18 septembre 2006, ne constitue qu’un ensemble de réflexions portant notamment sur la légalité de l’article 78 du RAA, sur la situation juridique des agents auxiliaires de session et sur la solution retenue par le Parlement de faire appel, à partir du 1er janvier 2007, à des travailleurs intérimaires.

26      Cette lettre n’aurait comporté aucune invitation précise et formelle faite à l’AHCC à prendre une décision à l’égard des requérants et se clôturait par une proposition de rencontre avec le directeur général de la DG « Personnel » pour discuter du dossier. Une telle rencontre se serait d’ailleurs produite le 9 octobre 2006.

27      La réponse du directeur général de la DG « Personnel », du 26 octobre 2006, serait dépourvue de tout caractère décisionnel et n’aurait eu pour objet que de résumer la position du Parlement sur les principaux points évoqués lors de cette rencontre.

28      En revanche, la lettre des requérants du 19 décembre 2006 aurait comporté des demandes précises et devrait être qualifiée de demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, et non de réclamation en l’absence, à cette date, de toute décision prise par le Parlement faisant grief aux requérants.

29      Le Parlement observe, en conséquence, que les requérants ont pu valablement introduire, le 21 juin 2007, une réclamation à l’encontre de la décision de l’AHCC du 20 avril 2007 rejetant ladite demande. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AHCC du 25 octobre 2007.

30      Dans ces conditions, il y aurait lieu de considérer le recours, introduit le 29 juin 2007, comme prématuré, dès lors que, à cette date, la procédure précontentieuse n’était pas terminée, et donc comme irrecevable.

31      Ensuite, le Parlement conteste la recevabilité des conclusions de la requête tendant, d’une part, à ce que l’ensemble des contrats à durée déterminée conclus par les requérants avec le Parlement soient requalifiés en contrats uniques à durée indéterminée et, d’autre part, à ce que le Tribunal dise que le Parlement a l’obligation de réintégrer l’ensemble des agents considérés au titre de contrats à durée indéterminée.

32      Selon le Parlement, seule l’AHCC est en droit d’engager un agent temporaire ou auxiliaire. De plus, dans le cadre de la compétence d’annulation qui lui est conférée par l’article 230 CE, le juge communautaire ne serait pas habilité à adresser des injonctions aux institutions. Le Parlement ajoute que l’article 233 CE prévoit une répartition des compétences entre l’autorité judiciaire et l’autorité administrative, en ce sens qu’il appartient à l’institution dont émane l’acte annulé de déterminer quelles sont les mesures requises pour exécuter un arrêt d’annulation en exerçant, sous le contrôle du juge communautaire, le pouvoir d’appréciation dont elle dispose à cet effet et ce en respectant aussi bien le dispositif et les motifs de l’arrêt qu’elle est tenue d’exécuter que les dispositions de droit communautaire.

33      Enfin, au cours de l’audience, le Parlement a considéré que le recours était également irrecevable au motif que les contrats d’agent temporaire à durée déterminée liant les requérants au Parlement n’avaient jamais été attaqués dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut.

34      Les requérants estiment, au contraire, que la lettre du 18 septembre 2006 constitue une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Ils déclarent, néanmoins, avoir introduit un nouveau recours dirigé contre la décision du 25 octobre 2007 pour le cas où la lettre du 18 septembre 2006 devrait être qualifiée de demande.

2.     Appréciation du Tribunal

35      Il convient de rappeler, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’une lettre ou d’une note de demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut relève de la seule appréciation du Tribunal et non de la volonté des parties (ordonnances du Tribunal de première instance du 15 juillet 1993, Hogan/Parlement, T‑115/92, Rec. p. II‑895, point 36, et du 20 août 1998, Collins/Comité des régions, T‑132/97, RecFP p. I‑A‑469 et II‑1379, points 12 à 16).

36      En l’espèce, il est clair que les requérants ont demandé, par lettre du 18 septembre 2006, que, pour chacun d’entre eux, l’ensemble de ses contrats d’agent auxiliaire de session soit requalifié en un contrat d’agent contractuel à durée indéterminée, à temps partiel, au titre des articles 3 bis ou 3 ter du RAA, ainsi que le paiement d’une indemnité compensatrice des congés rémunérés pour les périodes travaillées, et qu’il soit mis fin à toutes relations contractuelles avec l’entreprise de travail intérimaire à laquelle le Parlement aurait entendu recourir. Une telle lettre doit être qualifiée de demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut.

37      La circonstance que cette demande comportait une invitation à « débattre » du dossier avec le « directeur des ressources humaines » du Parlement n’est pas de nature à remettre en cause sa qualification juridique.

38      Dans ces conditions, il y a lieu de qualifier la lettre du 19 décembre 2006 de réclamation dirigée à l’encontre de la décision du 26 octobre 2006 rejetant la demande du 18 septembre 2006, cette réclamation ayant fait l’objet d’une décision de rejet de l’AIPN, en date du 20 avril 2007.

39      Il convient, en deuxième lieu, d’examiner la question de savoir si, en introduisant ainsi une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, les requérants ont correctement mis en œuvre la procédure administrative préalable, telle qu’elle est organisée aux articles 90 et 91 du statut, auxquels renvoie l’article 46 du RAA.

40      À cet égard, il est de jurisprudence constante que, en présence d’une décision prise par l’AIPN et constituant un acte faisant grief à un fonctionnaire, celui-ci, lorsqu’il entend demander l’annulation, la réformation ou le retrait de cet acte, doit non pas introduire une demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, mais utiliser la procédure de la réclamation, prévue à l’article 90, paragraphe 2 (voir, en ce sens, ordonnances du Tribunal de première instance du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T‑14/91, Rec. p. II‑235, points 32 et 34 ; du 1er avril 2003, Mascetti/Commission, T‑11/01, RecFP p. I‑A‑117 et II‑579, point 33 ; arrêt du Tribunal du 28 juin 2006, Le Maire/Commission, F‑27/05, RecFP p. I‑A‑1‑47 et II‑A‑1‑159, point 36).

41      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 36 du présent arrêt, par leur demande du 18 septembre 2006, les requérants entendaient obtenir de l’administration, d’une part, la transformation de leurs contrats successifs d’agent auxiliaire de session en des contrats uniques d’agent contractuel à durée indéterminée, au titre des articles 3 bis ou 3 ter du RAA, et, d’autre part, le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’absence d’octroi de congés rémunérés pour les périodes travaillées dans le passé.

42      S’agissant du premier volet, le Parlement a fait valoir en substance, à l’audience, qu’il incombait aux requérants d’utiliser, dans les délais, la procédure de réclamation, prévue à l’article 90, paragraphe 2, du statut, à tout le moins à l’encontre de leur dernier contrat d’agent auxiliaire de session en ce qu’il n’avait pas été conclu pour une durée indéterminée.

43      Il est vrai que c’est normalement à partir de sa signature qu’un contrat déploie ses effets. C’est donc à partir de la date de signature qu’il y a lieu de calculer le délai pour introduire une réclamation en temps utile au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2002, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑137/99 et T‑18/00, RecFP p. I‑A‑119 et II‑639, point 56). En l’espèce, il aurait ainsi été concevable que les requérants introduisent formellement une réclamation à l’encontre de l’un de leurs derniers contrats d’agent auxiliaire de session en ce qu’il n’était pas conclu pour une durée indéterminée, ni fondé sur les articles 3 bis ou 3 ter du RAA.

44      Toutefois, compte tenu de la nature des griefs soulevés par les requérants et des arguments invoqués à leur appui, ainsi que des périodes d’activité, dans leur ensemble, accomplies au sein du Parlement en qualité d’agent auxiliaire de session, il était tout aussi admissible pour eux, au regard du système de recours tel qu’il est organisé aux articles 90 et 91 du statut, d’inviter, dans un premier temps, le Parlement, par la voie d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, à exercer son pouvoir d’appréciation en pleine connaissance des griefs et des arguments ainsi avancés et à prendre formellement une décision quant à la possibilité de qualifier l’ensemble des contrats litigieux de contrats à durée indéterminée, décision susceptible ensuite d’être attaquée par la voie d’une réclamation, puis, le cas échéant, d’un recours.

45      En tout état de cause, s’il fallait accueillir, sur ce point, la thèse du Parlement, il y a lieu de constater que la réclamation introduite le 19 décembre 2006 par les requérants peut, au regard de son objet et de son contenu, aisément être interprétée comme étant dirigée contre les derniers contrats d’agent auxiliaire de session conclus, au cours des trois mois antérieurs, entre le Parlement et les requérants, une copie de ces contrats ayant été produite par les requérants à la demande du Tribunal. La circonstance que ces contrats aient été produits au stade ultime de la procédure orale, sans d’ailleurs que la partie défenderesse émette des objections à cet égard, n’est pas de nature à entraîner l’irrecevabilité formelle de la requête.

46      S’agissant du second volet de la demande du 18 septembre 2006, dès lors que les prétentions indemnitaires des requérants trouvent leur origine dans le prétendu comportement fautif du Parlement, en ce que ce dernier aurait, pendant de longues années, privé les requérants de tout droit à congé rémunéré, du fait de la conclusion de contrats d’agent auxiliaire de session de très courte durée, il incombait aux requérants d’inviter l’AHCC, par l’introduction d’une demande conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut, à réparer le préjudice allégué et de poursuivre, le cas échéant, la procédure par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande. Or, c’est précisément ce qui s’est produit en l’espèce, ainsi qu’il ressort des points 41 à 44 du présent arrêt.

47      Il y a donc lieu de considérer que le présent recours est dirigé contre la décision du 26 octobre 2006 rejetant la demande du 18 septembre 2006 (ci-après la « décision attaquée »), tant en ce qui concerne la demande de requalification, pour chacun des requérants, des contrats successifs d’agent auxiliaire de session à durée déterminée en un contrat d’agent contractuel à durée indéterminée, au titre des articles 3 bis ou 3 ter du RAA, qu’en ce qui concerne la demande indemnitaire.

48      En troisième et dernier lieu, il convient de se prononcer sur la portée ou la recevabilité de certaines conclusions du recours.

49      Les requérants invitent le Tribunal notamment à :

« –      [annuler] la décision explicite de rejet du 20 avril 2007 opposée par le Parlement […] à l[eur] réclamation du 19 décembre 2006 […],

En conséquence :

–        [requalifier] l’ensemble des [c]ontrats à [d]urée [d]éterminée [les] ayant liés […] au Parlement […] en un seul [c]ontrat à [d]urée [i]ndéterminée ;

–        [dire] que le Parlement […] aura l’obligation de [les] réintégrer […] au bénéfice d’un [c]ontrat à [d]urée [i]ndéterminée ;

–        [dire] et [juger] que les agents du Parlement […] dits [a]uxiliaires de [s]ession ont droit pour l’ensemble des périodes travaillées depuis le début de leur occupation à une indemnité représentative du droit à congé rémunéré qu’ils ont acquis par leur travail. »

50      Par la première conclusion visée ci-dessus, les requérants sollicitent l’annulation de la décision du 20 avril 2007 portant rejet de leur réclamation. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, par l’administration font partie intégrante d’une procédure complexe. Dans ces conditions, le recours au Tribunal, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8, et du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, Rec. p. I‑225, point 7 ; arrêts du Tribunal de première instance du 16 octobre 1996, Capitanio/Commission, T‑36/94, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1279, point 33, et du 7 juin 2005, Cavallaro/Commission, T‑375/02, RecFP p. I‑A‑151 et II‑673, point 59). En l’espèce, le recours doit donc être considéré comme étant dirigé contre la décision du 26 octobre 2006 rejetant la demande des requérants du 18 septembre 2006.

51      Par les deuxième et troisième conclusions visées ci-dessus, les requérants demandent en réalité au Tribunal d’adresser des injonctions à l’institution concernée ou de prononcer des dires pour droit.

52      Or, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, faire des déclarations ou constatations de principe ni adresser des injonctions aux institutions communautaires (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 27 juin 1991, Valverde Mordt/Cour de justice, T‑156/89, Rec. p. II‑407, point 150, et du 8 juin 1995, P/Commission, T‑583/93, RecFP p. I‑A‑137 et II‑433, points 17 et 18 ; ordonnance du Tribunal du 16 mai 2006, Voigt/Commission F‑55/05, RecFP p. I‑A‑1‑15 et II‑A‑1‑51, point 25).

53      Il convient donc de rejeter les deuxième et troisième conclusions susvisées comme irrecevables.

54      S’agissant, enfin, de la quatrième conclusion, il y a lieu de constater qu’elle ne fait que réitérer le contenu du second volet de la demande du 18 septembre 2006, visé aux points 36 et 46 du présent arrêt, tel que rejeté par la décision du 26 octobre 2006 contre laquelle est dirigé le présent recours. La quatrième conclusion se confond ainsi avec la première, telle que précisée ci-dessus.

 Sur la demande d’annulation

1.     Arguments des parties

55      Il y a lieu de comprendre l’argumentation avancée par les requérants à l’appui de leur recours en annulation comme étant fondée sur une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 78 du RAA.

56      Les requérants estiment que, en soumettant les agents auxiliaires de session aux conditions de recrutement et de rémunération prévues dans un accord conclu entre le Parlement, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée de l’Union de l’Europe occidentale (UEO ; ci-après l’« accord »), l’article 78 du RAA a eu pour effet d’exclure cette catégorie d’agents du champ d’application de la réglementation communautaire applicable aux fonctionnaires ainsi qu’aux agents contractuels et auxiliaires, et même de les faire échapper à toutes sources de droit, qu’elles soient étatiques ou communautaires.

57      Il en résulte, selon les requérants, que, pendant des années, les agents auxiliaires de session ont travaillé dans une situation de non-droit.

58      Or, il aurait incombé au Conseil de l’Union européenne, conformément à l’article 283 CE, de soumettre les agents concernés à un statut, même adapté aux conditions particulières de leurs fonctions, plutôt que de les exclure de tout statut, ainsi qu’il découle de l’application de l’article 78 du RAA.

59      Les requérants ajoutent que la soumission du sort de quelque 300 agents à la seule volonté de trois employeurs, fussent-ils publics, est une aberration juridique, l’accord entre le Parlement, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée de l’UEO n’étant pas une source de droit. Cet accord ne constituerait une source de droit contractuelle qu’en ce qui concerne les rapports de ces trois institutions entre elles, mais non en ce qui concerne les rapports que celles-ci entretiennent avec leurs agents. L’accord n’aurait ni valeur réglementaire, ni valeur statutaire, ni valeur contractuelle.

60      En conséquence, il conviendrait d’écarter les dispositions de l’article 78 du RAA et, en l’absence de législation nationale applicable, de faire application des principes fondateurs de l’Union européenne.

61      Les requérants invoquent, à cet égard, premièrement, la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, qui garantit des conditions de travail équitables en matière de rémunération et de durée de travail et qui prohibe toute discrimination.

62      Ils soutiennent, à cet égard, que la seule différence objective qui pourrait être établie entre les agents auxiliaires de session et d’autres catégories d’agents employés sous contrat à durée indéterminée, serait celle qui découlerait du mode de fonctionnement particulier des sessions plénières du Parlement à Strasbourg. Ainsi, le Parlement aurait le droit de n’employer des agents auxiliaires de session que cinq jours par mois, en raison du caractère spécifique de leurs fonctions. Mais, il ne pourrait pour autant les placer sous un statut précaire et les soumettre à la seule volonté, fût-elle conjuguée, de trois employeurs publics.

63      Le Parlement aurait donc opéré une discrimination entre des agents qui exercent le même type de fonctions, alors que rien ne justifierait objectivement cette discrimination et que l’article 283 CE ne permettrait pas d’exclure une catégorie d’agents du droit à relever d’un statut.

64      Les requérants ajoutent que les agents auxiliaires de session sont recrutés sur des emplois permanents selon un cycle particulier de travail et non sur des emplois précaires.

65      Deuxièmement, les requérants invoquent la convention n° 111 de l’Organisation internationale du travail (OIT), concernant la discrimination en matière d’emploi et de profession, adoptée le 25 juin 1958, et la convention n° 158 de l’OIT concernant la cessation de la relation de travail à l’initiative de l’employeur, adoptée le 22 juin 1982, en particulier l’article 4 de cette dernière convention, aux termes duquel « [u]n travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ».

66      Or, en l’espèce, le Parlement, par le système qu’il a mis en place à l’égard des agents auxiliaires de session, serait au moins en position potentielle de se défaire de ces agents à l’échéance de chaque contrat de cinq jours sans que les intéressés bénéficient d’un recours effectif à une juridiction. De plus, l’externalisation de leurs fonctions en faveur d’une agence d’intérim, en ce qu’elle emporte rupture du contrat de travail avec le Parlement, constituerait bien un licenciement sans motif exprimé.

67      Troisièmement, les requérants invoquent l’accord-cadre d’où il ressort, au deuxième alinéa de son préambule, que les contrats à durée indéterminée constituent la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs. Les requérants soulignent que seul le travail à durée indéterminée garantit au travailleur une réelle situation de droit, une stabilité d’emploi et la garantie de ses droits fondamentaux.

68      Enfin, les requérants estiment que l’arrêt du Tribunal de première instance du 16 juillet 1998, Gebhard/Parlement (T‑109/96, Rec. p. II‑2785), est antérieur à la directive 1999/70 et n’a pas pour objet le statut des agents auxiliaires de session. De plus, contrairement à ce qui ressort du point 41 dudit arrêt, les emplois d’agents auxiliaires de session ne répondraient pas à des besoins ponctuels.

69      Le Parlement observe que, par leur recours, les requérants tendent à faire valoir que le législateur communautaire a manqué à son obligation, énoncée à l’article 283 CE, de créer un statut propre aux agents auxiliaires de session. Le recours devrait ainsi s’analyser en un recours en carence. Or, selon le Parlement, un tel recours doit être rejeté comme irrecevable pour les raisons exposées ci-après.

70      Premièrement, le recours aurait dû, à tout le moins, être dirigé contre le Conseil, qui, selon l’article 283 CE, est le législateur dans la matière concernée.

71      Deuxièmement, selon une jurisprudence constante, l’introduction d’un recours en carence ne serait possible que si la carence de l’institution concernée subsiste après l’invitation à agir, et donc si l’institution garde le silence ou formule une réponse d’attente. Un recours en carence serait exclu lorsque l’institution prend une position autre que celle qui lui était demandée, auquel cas l’intéressé disposerait de la voie du recours en annulation.

72      Or, en l’espèce, dès lors que le Parlement, à la suite de l’envoi de la lettre du 19 décembre 2006 et de l’introduction de la réclamation du 21 juin 2007, n’a ni gardé le silence ni fait une réponse d’attente, le seul recours que les requérants étaient en droit d’introduire aurait été un recours en annulation.

73      Troisièmement, un recours en carence ne serait recevable, selon l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si le requérant est le destinataire de l’acte. Il faudrait donc, ainsi qu’il découle d’une jurisprudence constante, rejeter comme irrecevable un recours en carence qui tendrait à obtenir une disposition de caractère général et normatif et non un acte concernant directement et individuellement le requérant.

74      Or, en l’espèce, le recours viserait à l’adoption d’un nouveau régime applicable à tous les agents auxiliaires de session.

75      Quatrièmement, le Parlement doute de la possibilité d’introduire un recours en carence devant le Tribunal. Selon l’article 3, paragraphe 1, sous c), de la décision 88/591/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 24 octobre 1988, instituant un Tribunal de première instance des Communautés européennes (JO L 319, p. 1), la compétence pour les recours en carence formés contre une institution par des personnes physiques ou morales relèverait du Tribunal de première instance. Or, cette répartition des compétences ne semblerait pas avoir été modifiée à l’occasion de l’institution du Tribunal.

76      À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le recours en carence serait déclaré recevable par le Tribunal, le Parlement estime qu’il n’y a eu aucune carence de la part du législateur et que le recours doit, dès lors, être rejeté comme non fondé. En effet, l’article 283 CE aurait été mis en oeuvre par l’adoption, par le Conseil, du RAA, contenant un article 78 visant spécifiquement la situation des agents auxiliaires de session.

77      L’allégation des requérants selon laquelle les auxiliaires de session auraient été placés dans une zone de non-droit serait démentie par la réalité. Ces agents font, selon le Parlement, partie de la catégorie des agents auxiliaires couverte par le titre III du RAA et, sauf dispositions dérogatoires concernant leur recrutement et leur rémunération, auraient joui de tous les droits et été soumis à toutes les obligations des agents auxiliaires : ainsi, ils auraient bénéficié de la couverture de la sécurité sociale, payé des impôts et, s’ils le souhaitaient, pu, comme les autres agents auxiliaires, être inscrits à l’assurance-chômage.

78      Par ailleurs, quant à l’exception d’illégalité soulevée par les requérants et fondée sur l’incompatibilité de l’article 78 du RAA avec certains instruments internationaux, le Parlement doute de l’admissibilité de cette exception en l’absence de lien juridique entre les décisions individuelles attaquées et l’acte général dont l’illégalité est soulevée. En effet, les décisions individuelles qui font l’objet du recours seraient constituées par le refus, en date du 20 avril 2007, de l’AHCC de requalifier les contrats des requérants. Or, à cette époque, il n’y aurait plus eu aucun lien entre cette décision de l’administration et l’article 78 du RAA qui n’est plus applicable depuis le 1er janvier 2007.

79      De plus, le RAA, en tant que règlement adopté par le législateur communautaire s’imposerait à tous les sujets de droit, dont les institutions. Partant, le Parlement aurait été tenu de mettre en oeuvre les dispositions du RAA dans le cadre du recrutement des agents auxiliaires de session, étant rappelé que, selon la jurisprudence, les actes communautaires bénéficient d’une présomption de validité jusqu’à leur annulation par une juridiction communautaire ou jusqu’au moment où cette dernière a constaté leur illégalité.

80      En tout état de cause, le Parlement observe que le respect de la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, est soumis au contrôle du Comité européen des droits sociaux du Conseil de l’Europe et que les conventions de l’OIT, relevant du droit international général, ne constituent pas une source de droit communautaire, car ces conventions n’auraient pas été conclues au niveau communautaire. Étant donné que la Communauté ne serait pas liée par celles-ci, les requérants ne seraient pas en droit d’invoquer l’incompatibilité de l’article 78 du RAA avec leurs dispositions. De plus, les conventions invoquées n’appartenant pas à l’ordre juridique communautaire, elles ne seraient pas aptes à conférer des droits aux requérants dans leurs relations avec le Parlement.

81      Enfin, le Parlement se prévaut de l’arrêt Gebhard/Parlement, précité, d’où il ressort que « [l]’article 78 du RAA tend ainsi à permettre à l’institution parlementaire des Communautés européennes de répondre aux besoins ponctuels et massifs en ressources humaines d’appoint qu’implique le bon déroulement des sessions de ses différents organes délibérants » (point 41). Le Parlement souligne que, dans cet arrêt, le Tribunal a conclu qu’il n’apparaissait « pas que le Parlement ait excédé les limites de la dérogation que lui a consentie le Conseil à l’article 78 du RAA, en établissant, en vertu de cette disposition, la réglementation interne applicable aux interprètes des session » (point 43).

82      Une telle conclusion serait également applicable à la réglementation concernant les auxiliaires de session en général, dans la mesure où la dérogation prévue à l’article 78 du RAA couvrirait tous les agents auxiliaires engagés par le Parlement pour la durée des périodes de session.

83      Le Parlement ajoute que l’arrêt Gebhard/Parlement, précité, a été confirmé par une jurisprudence postérieure à la directive 1999/70 (arrêts du Tribunal de première instance du 10 juin 2004, Alvarez Moreno/Parlement, T‑275/01, RecFP p. I‑A‑171 et II‑765, ainsi que Garroni/Parlement, T‑276/01, RecFP p. I‑A‑177 et II‑795 ; arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, André/Commission, F‑10/06, RecFP p. I‑A‑1‑183 et II‑A‑1‑755).

2.     Appréciation du Tribunal

84      À l’appui de leur recours en annulation contre la décision attaquée, en ce que les contrats litigieux n’ont pas été requalifiés en contrats conclus pour une durée indéterminée, à temps partiel, ni fondés sur les articles 3 bis ou 3 ter du RAA, les requérants soulèvent une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 78 du RAA.

85      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’article 78 du RAA autorise une exception au régime des agents auxiliaires, tel que défini au titre III du RAA, en permettant au Parlement de limiter à la durée des travaux de ses sessions la période d’engagement des agents auxiliaires nécessaires à leur organisation. En effet, ainsi que la Cour l’a observé dans son arrêt du 11 juillet 1985 (Maag/Commission, 43/84, Rec. p. 2581, point 19), à propos des interprètes « free-lance » recrutés par la Commission, le régime des agents auxiliaires ne peut, en principe, s’appliquer à des engagements dont chacun est de courte durée, mais qui se répètent de manière fréquente d’année en année. Il en aurait été de même, en l’absence de la dérogation contenue à l’article 78 du RAA, pour l’engagement de personnes seulement pour la durée des sessions du Parlement.

86      Comme l’a également souligné le Tribunal de première instance dans son arrêt Gebhard/Parlement (précité, points 40 et 41), l’article 78 du RAA tend à permettre au Parlement de répondre aux besoins ponctuels et massifs en ressources humaines d’appoint qu’implique le bon déroulement des sessions de ses différents organes délibérants. À cet effet, la disposition en cause renvoie aux conditions de recrutement antérieurement convenues, à l’égard du personnel d’appoint nécessaire à l’assistance des activités parlementaires, entre trois institutions ou organisations européennes spécifiquement intéressées à cet égard. L’article 78, deuxième alinéa, du RAA précise que les dispositions de l’accord, ainsi que toute modification ultérieure, sont portées à la connaissance des autorités budgétaires un mois avant leur mise en œuvre.

 Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité

87      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour qu’une exception d’illégalité soit recevable, il doit exister une connexité suffisamment étroite entre l’acte individuel faisant l’objet du litige et la disposition contre laquelle l’exception est soulevée, de telle sorte que l’inapplicabilité de l’une aura nécessairement une incidence sur la légalité de l’autre (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Italie/Conseil et Commission, 32/65, Rec. p. 563, 594, et du 5 octobre 2000, Conseil/Chvatal e.a., C‑432/98 P et C‑433/98 P, Rec. p. I‑8535, point 33).

88      En l’espèce, le recours étant dirigé contre le rejet de la demande des requérants, en date du 18 septembre 2006, tendant à ce que leurs contrats successifs d’agent auxiliaire de session à durée déterminée soient requalifiés en un seul contrat d’agent contractuel à durée indéterminée et à temps partiel, au titre des articles 3 bis ou 3 ter du RAA, il convient de constater que la décision attaquée se présente comme ayant été adoptée sur le fondement de l’article 78 du RAA, de telle sorte que l’illégalité de cet article, à supposer qu’elle soit établie pour quelque motif que ce soit, devrait nécessairement avoir une incidence sur le rejet de la demande des requérants.

89      Toutefois, dans l’hypothèse où l’article 78 du RAA serait illégal et devrait être déclaré inapplicable au cas d’espèce, l’exception d’illégalité soulevée par les requérants ne pourrait pour autant pas conduire à l’annulation de la décision attaquée s’il s’avérait que le RAA ne contient pas de disposition spécifique qui pourrait constituer une base juridique adéquate pour satisfaire à la demande des requérants tendant à l’obtention d’un contrat à durée indéterminée et à temps partiel. En l’espèce, les requérants ont fondé, à cet égard, leur demande sur les articles 3 bis ou 3 ter du RAA. Dès lors, même si cette question a trait davantage au caractère opérant et donc au bien-fondé de l’exception d’illégalité soulevée par les requérants qu’à sa recevabilité, il est utile, dès le stade de l’examen de celle-ci, d’examiner si les articles 3 bis et 3 ter sont susceptibles, de prime abord, de constituer le fondement juridique adéquat, susmentionné, afin de cerner l’enjeu véritable du présent litige.

90      Selon le RAA, seul un contrat d’agent temporaire, au sens de l’article 2, sous a) ou c), ou d’agent contractuel, au sens de l’article 3 bis, peut être conclu à durée indéterminée selon les conditions prévues respectivement aux articles 8 et 85 du RAA. Or, les requérants ne pourraient manifestement pas prétendre à l’obtention d’un contrat au sens de l’article 2, sous c), du RAA, qui vise l’engagement d’un agent temporaire exerçant des fonctions auprès d’une personne remplissant un mandat prévu par les traités. Ils ne pourraient davantage, en raison de la nature de leurs prestations répondant à des besoins intermittents et de très courte durée, se répétant de mois en mois, revendiquer la qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du RAA, lequel occupe, au service de l’administration communautaire, un emploi permanent « compris dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution » et, ainsi que l’a souligné la Cour dans son arrêt Maag/Commission (précité, point 17), inconciliable avec les tâches d’un personnel d’appoint.

91      L’article 3 bis du RAA, qui permet également la conclusion de contrats à durée indéterminée et à temps partiel, vise, en revanche, l’engagement d’un agent non affecté à un emploi « prévu dans le tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à l’institution concernée », en vue, notamment, « d’exécuter des tâches manuelles ou d’appui administratif ». On ne saurait exclure de prime abord, dans l’hypothèse où l’application de l’article 78 du RAA devrait être écartée du fait de son illégalité, que le recours à l’article 3 bis du RAA puisse satisfaire à la demande des requérants de se voir octroyer un contrat à durée indéterminée et à quart temps.

92      Le Parlement fait toutefois valoir que, en vertu de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe IV bis du statut, auquel renvoie l’article 55 bis, paragraphe 4, du statut, applicable par analogie aux agents contractuels (comme aux agents temporaires, du reste), conformément aux articles 16 et 91 combinés du RAA, la durée du travail à temps partiel d’un agent contractuel ne peut être inférieure à la moitié de la durée normale du travail en activité à temps plein. Cette disposition exclurait donc, en tout état de cause, la possibilité pour le Parlement de conclure des contrats d’agent contractuel à quart temps avec le personnel affecté uniquement aux travaux des périodes de session.

93      Cette interprétation de l’article 1er, troisième alinéa, de l’annexe IV bis du statut ne saurait être retenue. En effet, l’article 55 bis du statut, dont les modalités d’application sont définies à ladite annexe, concerne uniquement le traitement d’une demande d’un fonctionnaire tendant à se faire autoriser à exercer son activité à temps partiel. Il ne régit pas les conditions dans lesquelles une institution pourrait prendre l’initiative de conclure un contrat à temps partiel en raison de la nature même de l’activité couverte par celui-ci.

94      Il découle de tout ce qui précède que l’exception d’illégalité soulevée par les requérants aurait non seulement pour objet de mettre en cause la légalité de l’article 78 du RAA, mais qu’elle pourrait aussi avoir pour conséquence, du fait de l’inapplicabilité de cet article, d’amener le Parlement, en vue de répondre à ses besoins intermittents et massifs en ressources humaines, pour la durée de ses sessions, à recourir à d’autres solutions de nature contractuelle, parmi lesquelles on ne saurait exclure, de prime abord, le recours à l’article 3 bis du RAA.

95      En présence d’une connexité suffisamment étroite entre la décision attaquée, d’une part, et l’article 78 du RAA, d’autre part, contre lequel l’exception est soulevée, il y a donc lieu de considérer que les requérants sont recevables à contester par voie incidente la légalité de l’article 78 du RAA.

 Sur le bien-fondé de l’exception d’illégalité

96      Dans le cadre de leur exception d’illégalité à l’encontre de l’article 78 du RAA, les requérants font grief au législateur communautaire de ne pas avoir établi, en faveur des agents auxiliaires de session, une réglementation spécifique, adaptée aux conditions particulières de leurs fonctions, et d’avoir renoncé à l’édiction de règles statutaires en renvoyant à un accord de nature contractuelle conclu entre le Parlement, le Conseil de l’Europe et l’Assemblée de l’UEO. Les requérants auraient ainsi été maintenus dans une situation de non droit et dans une relation de travail précaire, alors même qu’ils étaient recrutés pour répondre à des besoins, certes intermittents, mais permanents. En cela, l’article 78 du RAA serait illégal pour différents motifs :

–        premièrement, le législateur communautaire aurait, de la sorte, abdiqué ses responsabilités en matière statutaire, en violation de l’article 283 CE ;

–        deuxièmement, il aurait opéré une discrimination entre, d’une part, les agents bénéficiant d’un régime réglementaire complet et stable et, d’autre part, les agents auxiliaires de session, en violation de la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, et de la convention n° 111 de l’OIT et,

–        troisièmement, il aurait porté atteinte à la stabilité de l’emploi à laquelle les requérants auraient pu prétendre, en violation de la convention n° 158 de l’OIT et de la directive 1999/70.

 Sur la prétendue violation de l’article 283 CE

97      À cet égard, il convient d’observer que les agents auxiliaires de session relèvent du titre III du RAA relatif aux agents auxiliaires, auquel il est seulement dérogé en ce qui concerne leurs conditions de recrutement et de rémunération, lesquelles sont prévues dans l’accord. Cela signifie que les autres dispositions du titre III, concernant notamment les conditions de travail et la sécurité sociale, restent d’application, indépendamment des règles internes spécifiques, adoptées par le bureau ou le secrétaire général du Parlement et destinées à mettre en œuvre ou à compléter les règles du RAA.

98      Il apparaît ainsi que, jusqu’au 31 décembre 2006, le personnel engagé par le Parlement aux fins de répondre à ses besoins en ressources humaines durant les périodes de session entrait assurément dans le champ d’application des règles du RAA. Il est donc inexact de prétendre que le législateur communautaire ait renoncé à assurer ses responsabilités législatives en matière statutaire.

99      La circonstance que le législateur, en ce qui concerne les conditions de recrutement et de rémunération des agents auxiliaires de session, se soit référé à l’accord ne saurait traduire une renonciation par lui à exercer la compétence conférée par l’article 283 CE pour arrêter le statut et le RAA. Au contraire, c’est précisément dans l’exercice de cette compétence que le Conseil, prenant en compte les intérêts et besoins communs de trois organisations européennes quant au bon déroulement des sessions de leurs organes délibérants, a estimé devoir aligner les conditions de recrutement et de rémunération des agents recrutés pour la durée des travaux des sessions du Parlement sur celles convenues entre les trois institutions ou organisations en cause, sous réserve du contrôle budgétaire visé à l’article 78, deuxième alinéa, du RAA. Encore faut-il que l’accord lui-même, auquel renvoie l’article 78 du RAA, ne méconnaisse pas une norme de droit communautaire supérieure, ce qui sera examiné ci-après au regard des autres griefs avancés par les requérants.

100    Il convient ainsi de considérer que le grief tiré de la violation de l’article 283 CE manque en fait et doit, en conséquence, être rejeté.

 Sur la prétendue violation du principe de non-discrimination

101    S’agissant du grief tiré de la violation du principe de non-discrimination, tel que garanti par la charte sociale européenne, signée à Turin le 18 octobre 1961, et la convention n° 111 de l’OIT, il convient de rappeler, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’applicabilité et la portée des deux instruments internationaux ainsi invoqués par les requérants, que les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination constituent des principes fondamentaux de l’ordre juridique communautaire.

102    Selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe d’égalité de traitement, notamment, lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas de différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent et que cette différenciation n’est pas objectivement justifiée (arrêt de la Cour du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission, C‑389/98 P, Rec. p. I‑65, point 54 ; arrêts du Tribunal de première instance du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T‑100/92, RecFP p. I‑A‑83 et II‑275, point 50 ; du 16 avril 1997, Kuchlenz-Winter/Commission, T‑66/95, Rec. p. II‑637, point 55, et du 21 juillet 1998, Mellett/Cour de justice, T‑66/96 et T‑221/97, RecFP p. I‑A‑449 et II‑1305, point 129 ; ordonnance du Tribunal de première instance du 9 juillet 2007, De Smedt/Commission, T‑415/06 P, RecFP p. I‑B‑1‑0000 et II‑B‑1‑0000, point 52).

103    Or, la situation des agents recrutés en vue de répondre à des besoins intermittents et massifs en ressources humaines d’appoint, rencontrés par le Parlement uniquement pour la durée de ses périodes de session, n’est pas comparable à celle des agents recrutés pour répondre à des besoins continus et quotidiens, qui exigent la présence d’un personnel se composant de fonctionnaires et, le cas échéant, d’agents temporaires ou d’agents contractuels au sens des articles 3 bis ou 3 ter du RAA.

104    Il convient d’ajouter que l’on ne saurait remettre en cause les différences de statut existant entre les diverses catégories de personnes employées par les Communautés dans la mesure où certaines de ces catégories peuvent jouir d’avantages qui ne sont pas accordés à d’autres. En effet, la définition de chacune des catégories d’agents correspond à des besoins légitimes de l’administration communautaire et à la nature des tâches qu’elle a pour mission d’accomplir (arrêt de la Cour du 6 octobre 1983, Celant e.a./Commission, 118/82 à 123/82, Rec. p. 2995, point 22 ; ordonnance De Smedt/Commission, précitée, point 55).

105    En particulier, en instituant la catégorie spécifique des agents auxiliaires de session, le Conseil a usé de sa liberté de régir de manière spécifique cette catégorie d’agents au regard des besoins particuliers du Parlement et de la nature des tâches qu’il a pour mission d’accomplir, de la même manière qu’il a usé de cette liberté à l’égard de la catégorie spécifique des interprètes de conférence, pouvant également être appelés à travailler pour de courtes périodes et pour satisfaire à des besoins de caractère intermittent, voire occasionnel.

106    Le grief tiré d’une violation du principe de non-discrimination doit, dès lors, être rejeté.

 Sur la stabilité de l’emploi

107    Il convient d’observer, tout d’abord, que le grief tiré de l’atteinte à la stabilité de l’emploi, en ce que l’article 78 du RAA permettrait au Parlement de se défaire d’un agent auxiliaire de session à l’échéance de chaque contrat, en le privant de la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs que constitueraient les contrats à durée indéterminée, conduit, en réalité, à se demander si une règle ou un principe de droit supérieur obligerait le Parlement, en fixant les conditions de recrutement des agents auxiliaires de session, à recourir à des relations de travail à durée indéterminée, mais à temps partiel.

108    À cet égard, les requérants invoquent, en substance :

–        d’une part, l’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT, aux termes duquel « [u]n travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service » ;

–        d’autre part, l’accord-cadre et, en particulier, le deuxième alinéa de son préambule et le point 6 de ses considérations générales, d’où il ressort que les contrats à durée indéterminée constituent « la forme générale de relations d’emploi entre employeurs et travailleurs », se caractérisant par la stabilité de l’emploi, alors que ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs.

109    L’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT, comme tel, ne saurait avoir de pertinence en l’espèce dès lors qu’il ne permet pas, à lui seul, de trancher la question de savoir si le Parlement a ou non le droit de conclure un contrat d’agent auxiliaire pour la seule durée d’une session parlementaire. En effet, si la réponse à cette question devait être affirmative, l’on ne saurait pour autant analyser l’expiration de la durée de chaque contrat à durée déterminée en un licenciement, lequel devrait être spécialement motivé au regard de l’aptitude ou de la conduite de l’agent ou encore des nécessités du fonctionnement du Parlement, puisque l’on serait en présence de la fin d’un contrat du fait de la survenance de son terme.

110    Quant à l’argument tiré de la violation de l’accord-cadre, son examen suppose que soit préalablement examinée la question de l’invocabilité de la directive 1999/70 à l’encontre d’une institution communautaire.

–       Invocabilité de la directive 1999/70 par un fonctionnaire ou un agent à l’encontre d’une institution communautaire

111    Il importe de relever, à titre liminaire, que les directives sont adressées aux États membres et non aux institutions de la Communauté. Les dispositions de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre qui lui est annexé ne sauraient par conséquent être considérées comme imposant en tant que telles des obligations aux institutions dans leurs rapports avec leur personnel (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 septembre 2003, Rinke, C‑25/02, Rec. p. I‑8349, point 24 ; arrêt du Tribunal de première instance du 21 mai 2008, Belfass/Conseil, T‑495/04, Rec. p. II‑781, point 43).

112    Toutefois, cette considération ne saurait pour autant exclure toute invocabilité d’une directive dans les relations entre les institutions et leurs fonctionnaires ou agents.

113    En effet, les dispositions d’une directive pourraient, en premier lieu, s’imposer indirectement à une institution si elles constituent l’expression d’un principe général de droit communautaire qu’il lui incombe alors d’appliquer comme tel (voir, en ce sens, arrêt Rinke, précité, points 25 à 28, à propos de la directive 76/207/CEE du Conseil, du 9 février 1976, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en ce qui concerne l’accès à l’emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail, JO L 39, p. 40).

114    En l’espèce, la stabilité de l’emploi, si elle est conçue comme un élément majeur de la protection des travailleurs (voir arrêts de la Cour du 22 novembre 2005, Mangold, C‑144/04, Rec. p I‑9981, point 64, et du 15 avril 2008, Impact, C‑268/06, Rec. p. I‑2483, point 87), ne constitue cependant pas un principe général de droit à l’aune duquel pourrait être appréciée la légalité d’un acte d’une institution. En particulier, il ne ressort nullement de la directive 1999/70 et de l’accord-cadre que la stabilité de l’emploi ait été érigée en règle de droit contraignante. D’ailleurs, les considérants 6 et 7 de la directive, de même que le premier alinéa du préambule et le considérant 5 de l’accord-cadre lui-même mettent l’accent sur la nécessité d’atteindre un équilibre entre flexibilité et sécurité.

115    La stabilité de l’emploi constitue, en revanche, une finalité poursuivie par les parties signataires de l’accord-cadre dont la clause 1, sous b), dispose que celui-ci a pour objet « d’établir un cadre pour prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs ».

116    En deuxième lieu, une directive pourrait également lier une institution quand celle-ci a, dans le cadre de son autonomie organisationnelle et dans les limites du statut, entendu donner exécution à une obligation particulière énoncée par une directive ou encore dans l’occurrence où un acte de portée générale d’application interne renvoie, lui-même, expressément aux mesures arrêtées par le législateur communautaire en application des traités. Ainsi, l’article 1er sexies, paragraphe 2, du statut prévoit que les fonctionnaires « bénéficient de conditions de travail qui respectent les normes de santé et de sécurité appropriées, au moins équivalentes aux prescriptions minimales applicables en vertu des mesures arrêtées dans ces domaines en application des traités ». Cette dernière disposition est applicable, par analogie, aux agents temporaires et aux agents contractuels conformément à l’article 10, premier alinéa, et à l’article 80, paragraphe 4, du RAA.

117    Toutefois, force est de constater que la directive 1999/70 n’a pas pour objet d’améliorer le milieu de travail en renforçant la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs à proprement parler, mais de rapprocher les législations et pratiques nationales dans le domaine des conditions de travail relatives à la durée des relations professionnelles.

118    En troisième lieu, et en tout état de cause, il convient de rappeler que le principe de coopération loyale, énoncé à l’article 10 CE oblige non seulement les États membres à prendre toutes les mesures propres à garantir la portée et l’efficacité du droit communautaire (arrêt de la Cour du 26 septembre 2000, Engelbrecht, C‑262/97, Rec. p. I‑7321, point 38), mais il impose également aux institutions communautaires des devoirs réciproques de coopération loyale avec les États membres (arrêts de la Cour du 10 février 1983, Luxembourg/Parlement, 230/81, Rec. p. 255, point 37 ; du 14 mai 2002, Commission/Allemagne, C‑383/00, Rec. p. I‑4219, point 18 ; du 26 novembre 2002, First et Franex, C‑275/00, Rec. p. I‑10943, point 49 ; du 4 mars 2004, Allemagne/Commission, C‑344/01, Rec. p. I‑2081, point 79, et du 20 octobre 2005, Ten Kate Holding Musselkanaal e.a., C‑511/03, Rec. p. I‑8979, point 28), et entre les institutions elles-mêmes (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 30 mars 1995, Parlement/Conseil, C‑65/93, Rec. p. I‑643, point 23).

119    À ce titre, il incombe aux institutions d’assurer, dans toute la mesure du possible, la cohérence entre leur propre politique interne et leur action législative menée à l’échelle communautaire, notamment, à destination des États membres. Ainsi, les institutions doivent tenir compte, dans leur comportement d’employeur, des dispositions législatives imposant notamment des prescriptions minimales destinées à améliorer les conditions de vie et de travail des travailleurs dans les États membres au moyen d’un rapprochement des législations et pratiques nationales et, en particulier, de la volonté du législateur communautaire de faire de la stabilité de l’emploi un objectif prééminent en matière de relations de travail au sein de l’Union européenne. Cette obligation s’impose d’autant plus que la réforme administrative, opérée par le règlement n° 723/2004, a accentué une tendance à la contractualisation de la fonction publique européenne.

120    S’agissant spécialement de l’accord-cadre, qui tend à rapprocher les législations et pratiques nationales en énonçant des prescriptions minimales relatives au travail à durée déterminée, il incombe, dès lors, au Parlement, conformément au devoir de loyauté qui pèse sur lui, d’interpréter, dans la mesure du possible, les dispositions du RAA à la lumière du texte et de la finalité de l’accord-cadre pour atteindre le résultat visé par celui-ci.

121    En dernier lieu, les conséquences dégagées ci-dessus de l’obligation de loyauté découlent également, en l’espèce, d’une jurisprudence constante selon laquelle, pour l’interprétation d’une disposition de droit communautaire, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie, ainsi que de l’ensemble des dispositions du droit communautaire (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 octobre 1982, Cilfit e.a., 283/81, Rec. p. 3415, point 20, et du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, Rec. p. 3781, point 12 ; et arrêt du Tribunal de première instance du 6 octobre 2005, Sumitomo Chemical et Sumika Fine Chemicals/Commission, T‑22/02 et T‑23/02, Rec. p. II‑4065, point 47). Il est donc exclu qu’une institution, dans l’application et l’interprétation des dispositions du RAA relatives à la durée des contrats, fasse abstraction des prescriptions minimales sur le travail à durée déterminée adoptées à l’échelle communautaire.

122    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter l’exception d’illégalité soulevée par les requérants à l’encontre de l’article 78 du RAA, la directive 1999/70 ne pouvant, comme telle, fonder une exception d’illégalité à l’encontre d’une disposition du règlement du Conseil, contenant le statut et le RAA, qui s’avérerait contraire à l’accord-cadre.

123    Toutefois, ladite directive et l’accord-cadre qu’elle vise à mettre en œuvre sont, dans les circonstances de l’espèce et dans les limites tracées aux points 118 à 121 ci-dessus, invocables par les requérants à l’encontre du Parlement aux fins, dans la mesure du possible, d’une interprétation des règles du statut et du RAA qui soit conforme aux exigences prévues par l’accord-cadre.

124    Or, l’examen des dispositions de l’accord-cadre invoquées par les requérants, auquel il est procédé ci-dessous, ne permet pas en tout état de cause de conclure que le Parlement a méconnu l’article 78 du RAA, interprété à la lumière des finalités et des prescriptions minimales qu’elles contiennent.

–       Sur le contenu de l’accord-cadre

125    En premier lieu, il convient de relever que la directive 1999/70 et l’accord-cadre ont vocation à s’appliquer aux contrats et relations de travail à durée déterminée conclus avec les administrations et autres entités du secteur public (arrêts de la Cour du 4 juillet 2006, Adeneler e.a., C‑212/04, Rec. p. I‑6057, point 54 ; du 7 septembre 2006, Marrosu et Sardino, C‑53/04, Rec. p. I‑7213, point 39, et Vassallo, C‑180/04, Rec. p. I‑7251, point 32).

126    À cet égard, l’accord-cadre part de la prémisse selon laquelle les contrats de travail à durée indéterminée constituent la forme générale des relations de travail, tout en reconnaissant que les contrats de travail à durée déterminée sont une caractéristique de l’emploi dans certains secteurs ou pour certaines occupations et activités (voir points 6 et 8 des considérations générales de l’accord-cadre ; arrêt Adeneler e.a., précité, point 61).

127    En conséquence, le bénéfice de la stabilité de l’emploi est conçu comme un élément majeur de la protection des travailleurs (voir arrêt Mangold, précité, point 64), alors que ce n’est que dans certaines circonstances que des contrats de travail à durée déterminée sont susceptibles de répondre aux besoins tant des employeurs que des travailleurs (voir deuxième alinéa du préambule et point 8 des considérations générales de l’accord-cadre ; arrêt Adeneler e.a., précité, point 62).

128    Dans cette optique, l’accord-cadre vise à encadrer le recours successif à cette dernière catégorie de relations de travail, considérée comme une source potentielle d’abus au détriment des travailleurs, en prévoyant un certain nombre de dispositions protectrices minimales destinées à éviter la précarisation de la situation des salariés (arrêt Adeneler e.a., précité, point 63).

129    Ainsi, la clause 5, point 1, de l’accord-cadre tend spécifiquement à « prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs ».

130    À cet effet, ladite clause impose aux États membres l’obligation d’introduire dans leur ordre juridique une ou plusieurs des mesures énumérées à son point 1, sous a) à c), lorsqu’il n’existe pas déjà dans l’État membre concerné de dispositions légales équivalentes destinées à prévenir de manière effective l’utilisation abusive de contrats de travail à durée déterminée successifs (arrêt Adeneler e.a., précité, point 65). En revanche, l’accord-cadre n’édicte pas une obligation générale des États membres de prévoir, après un certain nombre de renouvellements de contrats à durée déterminée ou l’accomplissement d’une certaine période de travail, la transformation de la relation de travail en contrats à durée indéterminée, pas plus qu’il ne prescrit les conditions précises auxquelles il peut être fait usage de ces derniers (voir, en ce sens, arrêts Adeneler e.a., précité, point 91, ainsi que Marrosu et Sardino, précité, point 47).

131    Parmi les mesures énumérées à la clause 5, point 1, figurent, sous a), les « raisons objectives justifiant le renouvellement de tels contrats ou relations de travail ».

132    Les parties signataires de l’accord-cadre ont en effet considéré que l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée fondée sur des raisons objectives est un moyen de prévenir les abus (voir point 7 des considérations générales de l’accord-cadre).

133    Or, en l’espèce, il ressort de l’ensemble du dossier que ce sont précisément des « raisons objectives » qui sont, en substance, invoquées par le Parlement pour justifier le renouvellement des contrats d’agent auxiliaire de session à l’occasion de la tenue de chaque session parlementaire.

134    À cet égard, la Cour a jugé, dans son arrêt Adeneler e.a. (précité, point 69), que la notion de « raisons objectives », au sens de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, doit être entendue comme visant des circonstances précises et concrètes caractérisant une activité déterminée et, partant, de nature à justifier dans ce contexte particulier l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs. Ces circonstances peuvent résulter notamment de la nature particulière des tâches pour l’accomplissement desquelles de tels contrats ont été conclus et des caractéristiques inhérentes à celles-ci ou, le cas échéant, de la poursuite d’un objectif légitime de politique sociale d’un État membre (arrêt Adeneler e.a., précité, point 70).

135    En l’espèce, le Parlement a, à juste titre, fait valoir que le renouvellement des contrats litigieux à durée déterminée répondait à un besoin véritable en ce sens qu’il était nécessaire à la poursuite des missions qui lui sont dévolues. En effet, le recours à l’article 78 du RAA, jusqu’au 1er janvier 2007, lui a permis de répondre aux besoins intermittents et massifs en ressources humaines pour la seule durée de ses sessions. Il est constant que l’accroissement considérable de l’activité déployée à Strasbourg par le Parlement, durant une période limitée de quatre ou cinq jours par mois, entraînait un changement notable de ses besoins en ressources humaines, affectées à des tâches aussi précises que diverses, telles que celles d’agent de crèche, de puéricultrice, de dactylographe, de technicien, de cuisinier, de professeur de langues, de traducteur, d’huissier, de déménageur et autres. Même si de tels besoins étaient prévisibles, le surcroît d’activité n’en n’était pas pour autant durable et permanent. De telles circonstances ont valablement pu, au regard de la clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre, justifier le recours à des contrats d’agents auxiliaires à durée déterminée successifs.

136    Certes, ainsi que l’ont observé les requérants, selon l’article 58, premier alinéa, du RAA, l’agent auxiliaire ne commence à acquérir un droit à congé rémunéré qu’à la condition d’avoir accompli une période minimale de quinze jours ou un demi-mois par mois de service, de telle sorte que les agents auxiliaires de session sont privés de tout droit à un tel congé du seul fait qu’ils sont engagés en vertu de contrats de très courte durée, inférieure à la période minimale.

137    Toutefois, les requérants n’ont soulevé aucune exception d’illégalité à l’encontre de l’article 58, premier alinéa, du RAA. Il n’y a donc pas lieu pour le Tribunal, sous peine de sortir des limites du litige tel qu’il a été circonscrit par les requérants, d’examiner cette question.

138    Compte tenu de tout ce qui précède, l’exception d’illégalité soulevée par les requérants à l’encontre de l’article 78 du RAA ne peut être accueillie de même que n’a pas été méconnue par le Parlement la portée dudit article à la lumière de la directive 1999/70. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter la demande d’annulation.

 Sur la demande indemnitaire

1.     Arguments des parties

139    Les requérants demandent la condamnation du Parlement au paiement d’une indemnité compensatrice des congés rémunérés pour les périodes travaillées ainsi qu’au versement à chacun d’eux de la somme de 2 000 euros au titre de leurs frais « irrépétibles » de procédure.

140    Le Parlement rétorque que, selon l’article 58 du RAA, l’agent auxiliaire bénéficie d’un congé rémunéré de deux jours ouvrables par mois de service, toute durée inférieure à quinze jours ou à un demi-mois ne donnant pas droit à l’octroi d’un congé. Dans ces conditions, les agents auxiliaires de session, qui travaillent au maximum cinq jours par mois, ne sauraient prétendre au congé rémunéré. Il n’y aurait dès lors pas lieu d’octroyer aux requérants une quelconque indemnité compensatrice.

141    Par ailleurs, le Parlement relève que, selon l’article 94 du règlement de procédure, la procédure devant celui-ci est gratuite. Ce règlement ne prévoirait au demeurant pas la possibilité d’une condamnation d’une partie défaillante à des frais « irrépétibles » de procédure. La demande de paiement de tels frais devrait, en conséquence, être déclarée irrecevable.

2.     Appréciation du Tribunal

142    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêt de la Cour du 16 décembre 1987, Delauche/Commission, 111/86, Rec. p. 5345, point 30 ; arrêt du Tribunal de première instance du 27 novembre 2003, Bories e.a./Commission, T‑331/00 et T‑115/01, RecFP p. I‑A‑309 et II‑1479, point 192 ; arrêt du Tribunal du 10 octobre 2007, Berrisford/Commission, F‑107/06, RecFP p. I‑A‑1‑0000 et II‑A‑1‑0000, point 109). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours indemnitaire est rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions.

143    S’agissant de l’illégalité du comportement reproché au Parlement, les requérants n’ont développé dans leurs recours aucune argumentation autre que celle avancée à l’appui de leur exception d’illégalité invoquée à l’encontre de l’article 78 du RAA dans le cadre de la demande en annulation. Ainsi qu’il ressort du point 96 du présent arrêt, cette exception s’est fondée, en substance, sur trois griefs, à savoir la violation de l’article 283 CE, celle du principe de non-discrimination et l’atteinte à la stabilité de l’emploi. Or, l’exception d’illégalité a été rejetée, aucun des griefs avancés à son appui n’ayant été accueilli.

144    Il convient, en conséquence, de rejeter la demande indemnitaire à défaut pour les requérants d’avoir établi, à suffisance de droit, l’illégalité du comportement reproché au Parlement.

 Sur les dépens

145    En vertu de l’article 122 du règlement de procédure, les dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, relatives aux dépens et frais de justice, ne s’appliquent qu’aux affaires introduites devant le Tribunal à compter de l’entrée en vigueur de ce règlement de procédure, à savoir le 1er novembre 2007. Les dispositions du règlement de procédure du Tribunal de première instance pertinentes en la matière continuent à s’appliquer mutatis mutandis aux affaires pendantes devant le Tribunal avant cette date.

146    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal de première instance, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Les requérants ayant succombés en leur recours, il y a lieu de décider que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Kanninen

Boruta

Van Raepenbusch

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 avril 2009.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

      H. Kanninen


Table des matières

Cadre juridique

1. Le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes

2. L’accord-cadre sur le travail à durée déterminée

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

Sur la recevabilité du recours

1. Arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

Sur la demande d’annulation

1. Arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité

Sur le bien-fondé de l’exception d’illégalité

Sur la prétendue violation de l’article 283 CE

Sur la prétendue violation du principe de non-discrimination

Sur la stabilité de l’emploi

– Invocabilité de la directive 1999/70 par un fonctionnaire ou un agent à l’encontre d’une institution communautaire

– Sur le contenu de l’accord-cadre

Sur la demande indemnitaire

1. Arguments des parties

2. Appréciation du Tribunal

Sur les dépens

ANNEXE

Compte tenu du nombre élevé de requérants dans cette affaire, leurs noms ne sont pas repris dans la présente annexe.


* Langue de procédure : le français.