Language of document : ECLI:EU:T:2009:265

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (septième chambre)

9 juillet 2009 (*)

« Recours en carence, en annulation et en indemnité – Marchés publics de services – Appel d’offres concernant la prestation de services de conseil, d’audit et d’étude pour l’OHMI – Recours administratif devant la Commission – Décision implicite de rejet de la Commission – Conclusions nouvelles – Lien entre recours en carence et recours en indemnité – Irrecevabilité manifeste »

Dans l’affaire T‑188/08,

infeurope, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par MO. Mader, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. N. Bambara et E. Manhaeve, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, premièrement, à titre principal, une demande visant à faire constater la carence de la Commission en ce que celle-ci s’est illégalement abstenue d’annuler la décision d’attribution des contrats-cadres à la suite de la procédure d’appel d’offres AO/026/06 de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) pour la prestation de services de conseil, d’audit et d’étude ainsi que de mettre fin aux accords spécifiques conclus à la suite de ces contrats-cadres et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de la prétendue décision implicite de la Commission rejetant le recours administratif de la requérante du 13 décembre 2007 dans le cadre de ladite procédure d’appel d’offres et, deuxièmement, une demande visant à obtenir réparation du préjudice prétendument subi à la suite des prétendues omissions illégales de la Commission,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, D. Šváby et E. Moavero Milanesi (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        L’article 118 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, [devenu l'article 122 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p.1)], est rédigé comme suit :

« 1. La Commission contrôle la légalité des actes du président de l’Office à l’égard desquels le droit communautaire ne prévoit pas de contrôle de la légalité par un autre organe, ainsi que les actes du comité budgétaire institué au sein de l’Office conformément à l’article 133.

2. Elle demande la modification ou le retrait des actes visés au paragraphe 1 lorsqu’ils sont illégaux.

3. Tout acte visé au paragraphe 1, implicite ou explicite, est susceptible d’être déféré devant la Commission par tout État membre ou tout tiers directement et individuellement concerné, en vue d’un contrôle de la légalité. La Commission doit être saisie dans un délai d’un mois à compter du jour où l’intéressé a eu pour la première fois connaissance de l’acte en question. La Commission prend une décision dans un délai de trois mois. L’absence de décision dans ce délai vaut décision implicite de rejet. »

 Faits à l’origine du litige

2        La requérante, infeurope, est une société spécialisée en services informatiques. Elle a participé à l’appel d’offres AO/026/06 lancé par l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vue de l’attribution d’un marché public de services de conseil, d’audit et d’étude.

3        L’appel d’offres en cause comportait deux lots distincts, dont le premier couvrait les activités générales de l’OHMI et le second couvrait un certain nombre de domaines techniques.

4        À l’issue de l’examen des offres, l’OHMI devait retenir trois soumissionnaires et conclure avec chacun d’eux un contrat-cadre. En cas de défaillance du soumissionnaire arrivé en première position, l’OHMI aurait été en droit de se tourner vers le deuxième soumissionnaire, et de manière identique vers le troisième en cas de défaillance du deuxième.

5        La requérante a soumis une offre pour les deux lots. Par lettre datée du 3 septembre 2007, reçue par la requérante le 4 septembre 2007, l’OHMI a informé la requérante que son offre avait été classée en troisième position pour les deux lots, si bien que, conformément aux prescriptions du cahier des charges, la conclusion d’un contrat-cadre lui a été proposée, au même titre que les deux soumissionnaires également retenus.

6        Par lettre du 4 septembre 2007, la requérante a demandé à l’OHMI de lui fournir des explications supplémentaires. Par lettre du 17 septembre 2007, l’OHMI a confirmé à la requérante que son offre avait été classée en troisième position au classement final et lui a précisé la position de son offre au titre des évaluations techniques et financières par rapport à celle des deux autres soumissionnaires également retenus. Par une seconde lettre du 18 septembre 2007, la requérante a sollicité de nouvelles précisions de la part de l’OHMI, qui lui a répondu par lettre du 21 septembre 2007, dans laquelle il a précisé les notes attribuées aux trois soumissionnaires retenus pour chaque type d’évaluation et lui a également indiqué l’identité des soumissionnaires arrivés en première et deuxième position.

7        Les contrats-cadres ont été conclus avec les deux premiers soumissionnaires au cours du mois d’octobre 2007, puis avec la requérante le 12 novembre 2007. L’exécution des premiers accords spécifiques avec le contractant classé en première position a débuté au début du mois de novembre 2007.

8        La décision d’attribution du marché en cause a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 1er décembre 2007.

9        Le 13 décembre 2007, sur la base de l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, la requérante a formé un recours administratif devant la Commission, par lequel elle lui a demandé d’annuler la procédure d’appel d’offres en cause, les contrats-cadres consécutifs ainsi que les accords spécifiques conclus à la suite de ces contrats-cadres, et d’organiser une nouvelle procédure d’appel d’offres. Elle a dans le même temps adressé une copie dudit recours à l’OHMI.

10      La Commission n’a pas donné suite au recours administratif formé par la requérante.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2008, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 juillet 2008, la Commission a soulevé, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité.

13      La requérante a présenté ses observations sur cette exception d’irrecevabilité le 15 septembre 2008.

14      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la Commission s’est abstenue d’annuler la décision d’attribution des contrats-cadres à la suite de la procédure d’appel d’offres AO/026/06 de l’OHMI ;

–        constater que la Commission s’est abstenue de mettre fin aux accords spécifiques conclus à la suite de ces contrats-cadres ;

–        condamner la Commission au paiement de la somme de 35 950 euros, augmentée de 4 % d’intérêts sur la somme de 33 050 euros à partir du 19 décembre 2006, de 4 % d’intérêts sur la somme de 2 900 euros à partir du 14 décembre 2007 et de 8 % d’intérêts sur la somme de 35 950 euros à partir de la date du prononcé de l’arrêt ;

–        condamner la Commission au paiement de la somme de 646 631,27 euros, augmentée de 4 % d’intérêts sur cette somme à partir du 14 mai 2008 ainsi que de 8 % d’intérêts à partir de la date du prononcé de l’arrêt ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer non fondée l’exception d’irrecevabilité ;

–        à titre subsidiaire, en cas d’irrecevabilité du recours en carence, annuler la décision implicite de la Commission rejetant le recours de la requérante du 13 décembre 2007.

17      En outre, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire certains documents relatifs à la procédure d’évaluation des offres.

 En droit

18      En vertu de l’article 111 du règlement de procédure du Tribunal, lorsque celui-ci est saisi d’un recours manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, il peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

19      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur les conclusions en carence

20      La requérante a présenté des conclusions en carence au sens de l’article 232 CE. Elle demande au Tribunal de constater que, malgré une demande en ce sens dans son recours administratif du 13 décembre 2007, la Commission s’est abstenue d’annuler la décision d’attribution des contrats-cadres à la suite de la procédure d’appel d’offres AO/026/06 de l’OHMI ainsi que de mettre fin aux accords spécifiques conclus à la suite de ces contrats-cadres.

21      La Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité à l’appui de laquelle elle invoque quatre motifs tirés, respectivement, de l’absence de carence de sa part, du caractère tardif du recours administratif formé par la requérante auprès de la Commission en vertu de l’article 118 du règlement n° 40/94, du caractère tardif du recours en carence et de l’incompétence de la Commission pour annuler les actes du président de l’OHMI.

 Arguments des parties

22      En premier lieu, la Commission fait valoir que l’article 232 CE trouve application seulement en présence d’une abstention pure et simple de l’institution défenderesse lorsque celle-ci est dans l’obligation d’agir. En l’espèce, il n’y aurait pas eu d’abstention contraire au traité, car la Commission aurait pris position, sous forme d’une décision implicite de rejet, sur le recours administratif introduit par la requérante le 13 décembre 2007. À cet égard, elle rappelle que, en vertu de l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, l’absence de décision par la Commission dans un délai de trois mois à la suite d’un recours administratif introduit contre un acte du président de l’OHMI vaut décision implicite de rejet. Dès lors, le fait qu’à la date d’introduction du présent recours il n’y ait pas eu de réponse de la Commission au recours administratif de la requérante du 13 décembre 2007 ne constituerait pas une carence au sens de l’article 232 CE et le recours serait à ce titre irrecevable.

23      En deuxième lieu, la Commission rappelle que tout tiers qui entend contester la légalité d’un acte du président de l’OHMI qui le concerne directement et individuellement doit déférer ledit acte devant la Commission dans un délai d’un mois à compter du jour où l’intéressé a eu pour la première fois connaissance de l’acte en question. Selon la Commission, l’acte en question au sens de l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 est la décision d’attribution du marché en cause de l’OHMI du 3 septembre 2007, envoyée à la requérante le même jour. Cette décision serait parvenue à la requérante le 4 septembre 2007, date à laquelle elle aurait eu effectivement connaissance de l’acte en question. La Commission en déduit que le recours administratif aurait dû être introduit dans un délai d’un mois à compter du 4 septembre 2007, si bien que le recours administratif du 13 décembre 2007 aurait été formé hors délai. Dès lors, les conclusions en carence formées au titre de l’article 232 CE seraient également irrecevables en raison de la tardiveté du recours administratif introduit sur le fondement de l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

24      En troisième lieu, la Commission soutient que, même à supposer que le recours administratif ait été introduit dans le délai, la demande en constatation de carence aurait dû, conformément à l’article 232, deuxième alinéa, CE, être formée dans les quatre mois après le dépôt dudit recours administratif, c’est-à-dire au plus tard le 13 avril 2008. Étant donné que la requête dans la présente affaire a été déposée le 13 mai 2008, la demande serait également irrecevable en raison de sa tardiveté.

25      En quatrième lieu, la Commission affirme ne pas avoir le pouvoir d’annuler ou de modifier une décision prise par l’OHMI, puisque, en vertu de l’article 118, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, elle ne peut que demander la modification ou le retrait des actes adoptés par le président de l’OHMI. Dès lors qu’elle n’avait pas le pouvoir d’adopter la décision d’annulation demandée par la requérante, cette dernière n’aurait pas pu former une demande en constatation de carence contre la Commission en vertu de l’article 232 CE.

26      La requérante conteste les quatre motifs d’irrecevabilité invoqués par la Commission.

27      Premièrement, la requérante fait valoir que l’article 232 CE trouve application en l’espèce, puisque la décision implicite de rejet, qui est la conséquence de l’absence de prise de position par la Commission, en vertu de l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, ne permet pas au destinataire de la décision de connaître le contenu de ce rejet implicite et ne saurait donc constituer une prise de position au sens de ladite disposition du traité.

28      L’article 232 CE serait également d’application au motif que l’écoulement de la période de trois mois pendant laquelle la Commission aurait dû prendre une décision, en vertu de l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, n’est pas de nature à exclure l’existence d’une obligation de la Commission d’agir en tant qu’instance de contrôle de l’OHMI afin de garantir la légalité des actes de ce dernier, l’inaction de la Commission ne modifiant pas de façon caractérisée la situation juridique de la requérante.

29      Deuxièmement, quant au caractère prétendument tardif du recours administratif, la requérante fait valoir que le délai d’un mois prévu à l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 devrait commencer à courir à partir du moment où elle a eu connaissance des infractions commises par l’OHMI, c’est-à-dire en l’espèce durant le mois de novembre 2007, et non à partir de la réception de la décision d’attribution le 4 septembre 2007. Dès lors, le recours administratif introduit le 13 décembre 2007 ne serait pas tardif.

30      Troisièmement, la requérante conteste le fait que la demande en constatation de carence ait été introduite tardivement. En effet, le délai de deux mois pendant lequel l’institution concernée devrait prendre position, en vertu de l’article 232 CE, serait écarté au profit du délai de trois mois prévu par l’article 118, paragraphe 3, du règlement n° 40/94. D’ailleurs, la requérante précise que le délai de deux mois pour introduire un recours en carence ne peut commencer à courir qu’à partir de la décision implicite visée par cette dernière disposition. En l’espèce, dès lors que le recours administratif a été introduit le 13 décembre 2007, le délai de trois mois pour la prise de position sur le recours administratif aurait pris fin le 13 mars 2008 et le délai pour le recours en carence serait venu à expiration le 13 mai 2008, date à laquelle le présent recours a été formé.

31      Quatrièmement, la requérante conteste le motif d’irrecevabilité tiré de la prétendue absence de pouvoir de la Commission d’annuler les actes de l’OHMI. Elle fait valoir qu’il appartient à la Commission et non à l’OHMI de prendre une décision sur la légalité des actes de ce dernier. Même à supposer que le pouvoir de modifier ou d’annuler un acte de l’OHMI appartienne exclusivement à ce dernier, la Commission aurait le pouvoir de prendre une décision à laquelle l’OHMI devrait se tenir strictement.

 Appréciation du Tribunal

32      Le droit communautaire prévoit, dans certains cas spécifiques, que le silence d’une institution a valeur de décision lorsque l’institution a été invitée à prendre position et qu’elle ne s’est pas prononcée à l’expiration d’un certain délai. Dans de tels cas, une disposition expresse, fixant un délai à l’expiration duquel une décision implicite est réputée intervenir et définissant le contenu de cette décision, assimile l’inaction d’une institution à une décision, sans pour autant mettre en cause le système des voies de recours institué par le traité (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 décembre 1999, SGA/Commission, T‑189/95, T‑39/96 et T‑123/96, Rec. p. II‑3587, point 27).

33      Tel est le cas de l’article 118 du règlement n° 40/94, lequel établit un mécanisme de contrôle de la légalité des actes du président de l’OHMI à l’égard desquels le droit communautaire ne prévoit pas de contrôle de la légalité par un autre organe. Il en va ainsi des actes adoptés dans le cadre de la passation de marchés publics.

34      Ce contrôle est confié à la Commission, qui doit être saisie d’un recours administratif introduit dans un délai d’un mois à compter du jour où l’intéressé a eu pour la première fois connaissance de l’acte en question. À l’issue de cette procédure la Commission demande, le cas échéant, la modification ou le retrait des actes qu’elle considère comme illégaux. La prévision d’un délai pour l’introduction d’un recours administratif témoigne du caractère obligatoire – jamais remis en cause par la requérante – d’une telle procédure administrative, préalable à l’introduction d’un recours devant le juge communautaire (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, non encore publié au Recueil, points 60 à 63). En effet, le législateur communautaire n’a pas conçu la procédure prévue par l’article 118 du règlement n° 40/94 comme ouvrant aux justiciables une voie alternative à celle du recours devant le juge communautaire afin de défendre leurs intérêts, à la différence de ce qui a été prévu, par exemple, pour la saisine du Médiateur européen, qui constitue une voie alternative au recours direct au juge communautaire (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 11 juillet 2005, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑294/04, Rec. p. II‑2719, points 47 et 48).

35      Dès lors, un recours en carence destiné à sanctionner l’inaction de la Commission ne saurait être recevable dans le cadre d’un système comme celui établi par l’article 118 du règlement n° 40/94, dans lequel il est expressément prévu que l’inaction de la Commission donne lieu à une décision implicite de rejet. L’éventuelle illégalité reprochée à la Commission ne peut être sanctionnée que dans le cadre d’un recours en annulation formé contre la décision finale de l’institution dans laquelle elle décide sur le fond de la plainte du requérant, tant dans le cas où cette décision est explicite que dans celui où elle est réputée adoptée à l’expiration d’un certain délai.

36      Compte tenu de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres motifs d’irrecevabilité invoqués par la Commission, il y a lieu de rejeter les conclusions en carence comme manifestement irrecevables.

 Sur les conclusions en annulation

 Arguments des parties

37      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante fait valoir que, si le Tribunal devait considérer ses conclusions en carence comme irrecevables, celles-ci devraient être traitées comme une demande en annulation de la décision implicite de rejet de la Commission réputée être adoptée à l’issue de la période de trois mois suivant l’introduction du recours administratif. Les conditions pour former un recours en annulation au titre de l’article 230 CE seraient remplies en l’espèce, étant donné que la requérante est directement et individuellement concernée par ladite décision implicite, et le délai pour l’introduction du recours prévu par l’article 230, quatrième alinéa, CE aurait été respecté en l’espèce, puisqu’il a été introduit dans les deux mois à compter de l’expiration de la période de trois mois suivant le dépôt du recours administratif du 13 décembre 2007. La requérante ajoute que les articles 230 CE et 232 CE forment l’expression d’une seule et même voie de droit et que la nouvelle demande en annulation ne modifie en rien l’objet du litige.

 Appréciation du Tribunal

38      Il convient de relever que si l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure permet, dans certaines circonstances, la production de moyens nouveaux en cours d’instance, cette disposition ne peut, en aucun cas, être interprétée comme autorisant les parties requérantes à saisir le juge communautaire de conclusions nouvelles et à modifier ainsi l’objet du litige. Dans ce contexte, il n’est pas admissible de substituer des conclusions en annulation aux conclusions en carence initialement soumises au Tribunal (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Asia Motor France e.a./Commission, T‑28/90, Rec. p. II‑2285, point 43, et la jurisprudence citée).

39      Il s’ensuit que la requérante, qui a initialement saisi le Tribunal sur le fondement de l’article 232 CE, n’est pas recevable à demander, même à titre subsidiaire, la transformation de ses conclusions initiales en conclusions en annulation, fondées sur l’article 230 CE et dirigées contre la décision implicite de rejet qui serait réputée adoptée à la suite de l’écoulement de la période de trois mois après le dépôt du recours administratif du 13 décembre 2007.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

40      Selon la Commission, les conclusions en indemnité sont irrecevables pour deux raisons. D’une part, le recours en indemnité aurait dû être dirigé contre l’OHMI au sens de l’article 114 du règlement n° 40/94 (devenu l'article 118 du règlement n° 207/2009) et, d’autre part, tant la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit que le lien direct de causalité entre le préjudice subi par la requérante et l’inaction de la Commission feraient défaut.

41      La requérante rétorque, d’une part, que l’action en indemnité aurait été à juste titre menée contre la Commission en tant qu’instance de contrôle de l’OHMI et, d’autre part, que l’examen des conditions liées à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit, du préjudice et du lien de causalité ne serait pas pertinent au stade de l’examen de la recevabilité du recours.

 Appréciation du Tribunal

42      Selon une jurisprudence constante, le recours en indemnité a été institué par le traité comme une voie de recours autonome, ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d’exercice conçues en vue de son objet spécifique. Ainsi, il a été jugé que, alors que les recours en annulation et en carence visent à sanctionner l’illégalité d’un acte juridiquement contraignant ou l’absence d’un tel acte, le recours en indemnité a pour objet la réparation d’un préjudice découlant d’un acte, qu’il soit juridiquement contraignant ou non, ou d’un comportement, imputable à une institution ou à un organe communautaire (voir ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2007, Sumitomo Chemical Agro Europe et Philagro France/Commission, T‑454/05, non publiée au Recueil, points 70 et 71, et la jurisprudence citée).

43      Toutefois, une demande indemnitaire étroitement liée à une demande en constatation de carence est elle-même irrecevable (voir ordonnance du Tribunal du 3 mai 2004, Leighton e.a./Conseil et Commission, T‑24/04, non publiée au Recueil, point 24, et la jurisprudence citée).

44      Or, il y a lieu de constater que la présente demande indemnitaire est étroitement liée à une demande en constatation de carence et à une demande en annulation qui sont manifestement irrecevables, ainsi qu’il ressort des développements qui précèdent.

45      Il s’ensuit que les conclusions en indemnité présentées dans le cadre du présent recours sont elles aussi manifestement irrecevables.

46      Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la demande de production de certains documents relatifs à la procédure d’évaluation des offres.

 Sur les dépens

47      L’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

48      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      infeurope est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 9 juillet 2009.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      N. J. Forwood


* Langue de procédure : l’anglais.