Language of document : ECLI:EU:T:2016:377

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

30 juin 2016 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie – Gel des fonds – Inscription du nom du requérant fondée sur une nouvelle motivation à la suite de l’annulation de mesures de gel des fonds antérieures – Droit de propriété – Proportionnalité – Erreur de fait – Détournement de pouvoir – Responsabilité non contractuelle – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑516/13,

CW, représenté par Me A. Tekari, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. G. Étienne et M. Bishop, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution 2013/409/PESC du Conseil, du 30 juillet 2013, mettant en œuvre la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2013, L 204, p. 52), en tant qu’elle vise le requérant et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à la réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. D. Gratsias (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. C. Wetter, juges,

greffier : Mme S. Bukšek Tomac, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 9 septembre 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sur la décision 2011/72/PESC, la décision d’exécution 2011/79/PESC, le règlement (UE) n° 101/2011 et l’arrêt [confidentiel(1)

1        À la suite des événements politiques survenus en Tunisie au cours des mois de décembre 2010 et de janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 31 janvier 2011, au visa, notamment, de l’article 29 TUE, la décision 2011/72/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 28, p. 62).

2        Aux termes des considérants 1 et 2 de la décision 2011/72 :

« (1) Le 31 janvier 2011, le Conseil a réaffirmé à la Tunisie et au peuple tunisien toute sa solidarité et son soutien en faveur des efforts déployés pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

(2)       Le Conseil a décidé, en outre, d’adopter des mesures restrictives à l’encontre de personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens, qui privent ainsi le peuple tunisien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays. »

3        Aux termes de l’article 1er de la décision 2011/72 :

« 1.      Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe.

2.      Nuls capitaux ou ressources économiques ne peuvent être mis, directement ou indirectement, à la disposition de personnes physiques ou morales, d’entités ou d’organismes dont la liste figure à l’annexe ou utilisés à leur profit.

3.      L’autorité compétente d’un État membre peut autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés ou la mise à disposition de certains capitaux ou ressources économiques, dans les conditions qu’elle juge appropriées, après avoir établi que les fonds ou les ressources économiques concernés sont :

a)      nécessaires pour répondre aux besoins fondamentaux des personnes dont la liste figure à l’annexe et des membres de leur famille qui sont à leur charge, notamment les dépenses consacrées à l’achat de vivres, au paiement de loyers ou au remboursement de prêts hypothécaires, à l’achat de médicaments et au paiement de frais médicaux, des impôts, des primes d’assurance et de services collectifs ;

b)      destinés exclusivement au paiement d’honoraires professionnels raisonnables et au remboursement de dépenses correspondant à la prestation de services juridiques ;

c)      destinés exclusivement au paiement de charges ou frais correspondant à la garde ou à la gestion courantes de fonds ou de ressources économiques gelés ; ou

d)      nécessaires pour des dépenses extraordinaires […]

4.      Par dérogation au paragraphe 1, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes sont réunies :

a)      les fonds ou ressources économiques en question font l’objet d’une mesure judiciaire, administrative ou arbitrale adoptée avant la date à laquelle la personne physique ou morale, l’entité ou l’organisme visé au paragraphe 1, a été inscrit sur la liste figurant à l’annexe, ou d’une décision judiciaire, administrative ou arbitrale rendue avant cette date ;

b)      les fonds ou les ressources économiques en question seront exclusivement utilisés pour faire droit à des demandes garanties par une telle mesure ou dont la validité a été établie par une telle décision, dans les limites fixées par les lois et règlements régissant les droits des personnes présentant de telles demandes ;

c)      la mesure ou la décision n’est pas prise au bénéfice d’une personne, d’une entité ou d’un organisme énuméré à l’annexe, et

d)      la reconnaissance de la mesure ou de la décision n’est pas contraire à l’ordre public de l’État membre concerné.

[…]

5.      Le paragraphe 2 ne s’applique pas au versement, sur les comptes gelés :

a)      d’intérêts ou autres rémunérations de ces comptes ; ou

b)      de paiements dus au titre de contrats, accords ou obligations antérieurs à la date où ces comptes ont été soumis à la présente décision,

à condition que ces intérêts, autres revenus et paiements continuent d’être soumis au paragraphe 1. »

4        Aux termes de l’article 2 de la décision 2011/72 :

« 1.      Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie.

2.      Le Conseil communique sa décision à la personne ou à l’entité concernée, y compris les motifs de son inscription sur la liste, soit directement si son adresse est connue, soit par la publication d’un avis, en lui donnant la possibilité de présenter des observations.

3.      Si des observations sont formulées ou si de nouveaux éléments de preuve substantiels sont présentés, le Conseil revoit sa décision et en informe la personne ou l’entité concernée. »

5        Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la décision 2011/72, « [l]’annexe indique les motifs de l’inscription sur la liste des personnes et entités ».

6        Aux termes de l’article 5 de la décision 2011/72 :

« La présente décision s’applique pendant une période de douze mois. Elle fait l’objet d’un suivi constant. Elle est prorogée ou modifiée, le cas échéant, si le Conseil estime que ses objectifs n’ont pas été atteints. »

7        Sur la liste initialement annexée à la décision 2011/72, figurait uniquement le nom de deux personnes physiques, à savoir M. Zine el-Abidine Ben Hamda Ben Ali, ancien président de la République tunisienne, et Mme Leïla Bent Mohammed Trabelsi, son épouse.

8        Au visa de la « décision 2011/72 […], et notamment [de] son article 2, paragraphe 1, en liaison avec l’article 31, paragraphe 2, [TUE] », le Conseil a adopté, le 4 février 2011, la décision d’exécution 2011/79/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO 2011, L 31, p. 40).

9        L’article 1er de la décision d’exécution 2011/79 énonçait que la liste annexée à la décision 2011/72 était remplacée par une nouvelle liste. Celle-ci visait 48 personnes physiques. À la [confidentiel] de cette nouvelle liste, figurait, dans la colonne intitulée « Nom », la mention [confidentiel]. Dans la colonne intitulée « Information d’identification », il était précisé : [confidentiel]. Enfin, dans la colonne intitulée « Motifs », était indiqué : « Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent. » 

10      Conformément à son article 2, la décision d’exécution 2011/79 est entrée en vigueur le jour de son adoption, soit le 4 février 2011.

11      Au visa de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/72, le Conseil a adopté le 4 février 2011, soit le jour de l’adoption de la décision d’exécution 2011/79, le règlement (UE) n° 101/2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie (JO 2011, L 31, p. 1). Ainsi qu’il ressort de son considérant 2, ce règlement a été adopté, car les mesures instaurées par ladite décision « entr[ai]ent dans le champ d’application du [traité FUE] et une action réglementaire au niveau de l’Union [étai]t donc nécessaire pour en assurer la mise en œuvre ». Conformément à son article 16, ledit règlement est entré en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 5 février 2011.

12      L’article 2, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 101/2011 reprend, en substance, les dispositions de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2011/72, tandis que les articles 4 et 6 dudit règlement reprennent, pour l’essentiel, respectivement le paragraphe 3 et le paragraphe 5 de l’article 1er de cette décision. Par ailleurs, le contenu de l’annexe I de ce règlement était, à l’époque de son adoption, identique à celui de l’annexe de ladite décision, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79.

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal [confidentiel], le requérant [confidentiel] ont introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’exécution 2011/79 en ce qu’elle concernait le requérant et, d’autre part, à l’indemnisation des conséquences prétendument dommageables de cette décision.

14      Par l’arrêt [confidentiel], le Tribunal a annulé l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, en ce qu’elle mentionnait le nom du requérant. Ainsi, dans le cadre de l’examen d’un moyen tiré de la violation du droit de propriété, après avoir rappelé les conditions suivant lesquelles une limitation à l’exercice du droit de propriété peut être admise, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Tribunal a constaté que la première de ces conditions, à savoir qu’une telle limitation doit être « prévue par la loi », n’était pas remplie en l’espèce. Selon le Tribunal, afin que le motif pour lequel le nom du requérant avait été inscrit à l’annexe de la décision attaquée dans cette affaire, à savoir la circonstance qu’il faisait « l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes » pour des actes accomplis « dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent », puisse être regardé comme étant au nombre de ceux prévus par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, il fallait, à tout le moins, qu’il soit établi que, au regard du droit tunisien, la notion de « détournement de fonds publics », telle qu’employée à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, recouvrait ou, à tout le moins, impliquait nécessairement, celle de « blanchiment d’argent » [confidentiel]. Or, la notion de « blanchiment d’argent » ne correspondait pas, selon le Tribunal, aux seuls agissements permettant de dissimuler l’origine illicite d’avoirs issus de détournements de fonds publics [confidentiel]. Partant, la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 et en ce qu’elle visait le requérant, était dépourvue de base légale. Elle restreignait, ainsi, illégalement, au regard de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, l’exercice, par le requérant, de son droit de propriété [confidentiel]. Le Tribunal a, ainsi, annulé l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, en ce qu’elle concernait le requérant, à savoir en ce que son nom y était inscrit, tout en maintenant ses effets jusqu’à ce que son arrêt devienne définitif.

15      Le Tribunal a, en outre, rejeté les conclusions en indemnité du requérant comme manifestement irrecevables. Cette irrecevabilité était motivée par le non-respect des exigences posées à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991 [confidentiel].

 Sur la décision 2012/50/PESC et l’ordonnance [confidentiel]

16      Le 27 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/50/PESC, modifiant la décision 2011/72 (JO 2012, L 27, p. 11). L’article 1er de celle-ci modifiait l’article 5 de la décision 2011/72, de sorte que l’application des mesures restrictives prévues par l’annexe de cette dernière décision, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, soit prorogée jusqu’au 31 janvier 2013, sans que les motifs justifiant l’inscription du nom du requérant sur la liste annexée à ladite décision soient modifiés. L’article 2 de la décision 2012/50 précisait, quant à lui, qu’elle entrait en vigueur le jour de son adoption.

17      [confidentiel]

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal [confidentiel], le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2012/50 pour autant qu’elle le concernait.

19      Par l’ordonnance [confidentiel], le Tribunal a conclu que, puisque l’arrêt [confidentiel] était passé en force de chose jugée, le nom du requérant devait être réputé ne jamais avoir figuré à l’annexe de la décision 2011/72 telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 et prorogée par la décision 2012/50, et il n’y avait plus lieu de statuer [confidentiel].

 Sur les actes adoptés en 2013

20      Entretemps, le 31 janvier 2013, le Conseil a adopté la décision 2013/72/PESC, modifiant la décision 2011/72 (JO 2013, L 32, p. 20). L’article 1er de celle-ci modifiait l’article 5 de la décision 2011/72, de sorte que l’application des mesures restrictives prévues par l’annexe de cette dernière décision, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 et par la décision 2012/50, soit prorogée jusqu’au 31 janvier 2014, sans que les motifs justifiant l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause soient modifiés. L’article 2 de la décision 2013/72 précisait, quant à lui, qu’elle entrait en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 1er février 2013.

21      [confidentiel]

22      Le 8 juillet 2013, à savoir à la suite du prononcé de l’arrêt [confidentiel] et avant que ce dernier ne devienne définitif, le Conseil a adressé au requérant une lettre l’informant de son intention d’inclure à nouveau son nom sur la liste annexée à la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, en modifiant la motivation justifiant l’inscription initiale de son nom sur ladite liste.

23      Le nouveau motif d’inscription du nom du requérant sur la liste en question, tel qu’il a été présenté dans la lettre du Conseil du 8 juillet 2013, était le suivant :

« Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence, l’ex PDG de [confidentiel]) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration. »

24      Deux attestations provenant du juge d’instruction du bureau [confidentiel] du tribunal de première instance de Tunis et signées par le greffier en chef dudit tribunal étaient jointes à la lettre datée du 8 juillet 2013.

25      La première attestation [confidentiel] concernait l’affaire [confidentiel], en cours d’instruction, dirigée contre le requérant, qui serait poursuivi « pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence l’ex-PDG de [confidentiel] […]) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration » (ci-après la « première attestation »).

26      La seconde attestation [confidentiel] concernait l’affaire [confidentiel], en cours d’instruction, dirigée contre le requérant, qui serait poursuivi « pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence l’ex-PDG de [confidentiel] […]) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration » (ci-après la « seconde attestation »).

27      Les affaires en cours d’instruction sur lesquelles portaient les attestations susmentionnées concernaient, selon ces dernières, des faits commis avant le 14 janvier 2011, « prévus et réprimés par les articles 32 et 96 du code pénal » tunisien.

28      Le 30 juillet 2013, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2013/409/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72 (JO 2013, L 204, p. 52). En vertu de l’article 1er de celle-ci, la motivation justifiant l’inscription initiale du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 et prorogée par les décisions 2012/50 et 2013/72, a été modifiée.

29      En effet, à [confidentiel] de l’annexe de la décision d’exécution 2013/409, figure, dans la colonne intitulée « Nom », la mention [confidentiel]. Dans la colonne intitulée « Information d’identification », il est précisé : [confidentiel]. Enfin, dans la colonne intitulée « Motifs », il est indiqué : « Personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence l’ex-PDG de [confidentiel] et l’ex-PDG de [confidentiel]) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration. »

30      Selon son article 2, la décision d’exécution 2013/409 est entrée en vigueur le 31 juillet 2013, à savoir le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.

31      Par ailleurs, le 30 juillet 2013, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) n° 735/2013, mettant en œuvre le règlement n° 101/2011 (JO 2013, L 204, p. 23) (voir point 11 ci-dessus). L’article 1er dudit règlement a remplacé les mentions concernant le requérant et figurant à l’annexe du règlement n° 101/2011, telle que modifiée, par des mentions identiques à celles figurant en annexe à la décision d’exécution 2013/409. L’article 2 de ce règlement d’exécution précisait que ce dernier entrait en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 31 juillet 2013.

32      Par courrier daté du 31 juillet 2013, le Conseil a informé le requérant de l’adoption de la décision d’exécution 2013/409 et du règlement d’exécution n° 735/2013 et lui a communiqué des copies de ces actes.

 Procédure et conclusions des parties

33      Le 18 septembre 2013, le requérant a déposé auprès du Tribunal, en vertu de l’article 94 du règlement de procédure du 2 mai 1991, une demande d’aide judiciaire afin d’introduire un recours en annulation de la décision d’exécution 2013/409. Cette demande a été enregistrée sous la référence T‑516/13 AJ.

34      Par l’ordonnance du 4 juin 2014, CW/Conseil (T‑516/13 AJ, non publiée, EU:T:2014:587), le Tribunal a rejeté la demande du requérant.

35      Conformément à l’article 96, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991, l’introduction de cette demande a suspendu le délai prévu pour l’introduction d’un recours jusqu’à la date de signification de l’ordonnance statuant sur ladite demande, à savoir jusqu’au 11 juin 2014.

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 2014, le requérant a introduit le présent recours. Il a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’exécution 2013/409 en tant qu’elle le vise ;

–        condamner le Conseil au paiement de la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice moral et matériel qu’il a subi ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

37      Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a demandé le traitement confidentiel envers le public des informations relatives à sa vie privée et familiale. En réponse à une question du Tribunal, le requérant a, par ailleurs, précisé, dans une lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 25 juillet 2014, qu’il souhaitait maintenir l’anonymat.

38      Le 22 octobre 2014, le Conseil a déposé le mémoire en défense. Il a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter au fond le recours en annulation dans son intégralité ;

–        rejeter la demande de condamnation au paiement de la somme de 100 000 euros présentée par le requérant au titre de la réparation du préjudice allégué comme étant non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

39      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, adoptées au titre de l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, d’une part, d’adresser, aux deux parties, des questions pour réponse écrite et, d’autre part, de demander au requérant de produire tout élément relatif à une ou plusieurs autorisations de déblocage partiel ou de mise à disposition de ses avoirs qu’il aurait, le cas échéant, obtenues de la part des autorités d’un ou de plusieurs États membres.

40      Le Conseil a répondu à ces questions le 31 juillet 2015, en précisant que les autorités tunisiennes allaient lui communiquer des éléments supplémentaires qu’il allait, par la suite, transmettre au Tribunal.

41      Pour sa part, après avoir demandé et obtenu une prorogation du délai initialement fixé à cet égard par le Tribunal, le requérant a répondu aux questions et à la demande susmentionnées le 24 août 2015.

42      Le 2 septembre 2015, le Conseil a produit un rectificatif à ses réponses déposées le 31 juillet 2015. Le 4 septembre 2015, il a, par ailleurs, déposé un complément aux réponses susmentionnées, en y joignant un document communiqué au Conseil par les autorités tunisiennes, daté du 4 septembre 2015.

43      Le 8 septembre 2015, le requérant a déposé auprès du greffe du Tribunal des éléments en complément de sa réponse aux questions qui lui avaient été adressées ainsi que des offres de preuves supplémentaires.

44      Lors de l’audience du 9 septembre 2015, le Tribunal a constaté, dans un premier temps, l’absence du représentant du requérant. Compte tenu notamment de cette circonstance, il a été décidé de verser au dossier de l’affaire les éléments visés au point 43 ci-dessus, sous réserve de la décision sur leur recevabilité et leur pertinence. Un délai d’une semaine a été fixé au Conseil pour prendre position à cet égard.

45      Le représentant du requérant s’est présenté à la salle d’audience alors que le représentant du Conseil venait de terminer sa plaidoirie. À la suite d’une brève suspension, l’audience a repris en présence dudit représentant.

46      À la suite du dépôt, le 15 septembre 2015, des observations formulées par le Conseil, d’une part, sur la recevabilité et la pertinence des éléments visés au point 43 ci-dessus et, d’autre part, sur une jonction éventuelle de la présente affaire avec l’affaire T-224/14, question sur laquelle la partie requérante avait déjà pris position lors de l’audience, la phase orale de la procédure a été clôturée et l’affaire a été mise en délibéré le 17 septembre 2015.

47      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 9 décembre 2015, le Conseil a souhaité porter à la connaissance du Tribunal des informations qui lui avaient été communiquées par les autorités tunisiennes le 2 décembre 2015 et qui portaient sur la première attestation.

48      Par ordonnance du 21 décembre 2015, le Tribunal a décidé la réouverture de la phase orale de la procédure, en application de l’article 113 du règlement de procédure.

49      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, adoptée conformément à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité le requérant à formuler d’éventuelles observations sur la lettre du Conseil du 9 décembre 2015 et sur le document qui y était joint. Il a été déféré à cette demande dans le délai imparti.

50      Par décision du 20 janvier 2016, le Tribunal a de nouveau clos la phase orale de la procédure et l’affaire a été mise en délibéré.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

51      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant soulève, dans sa requête, en substance, trois moyens, tirés, respectivement, d’une erreur de droit relevant du non-respect des critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 par la décision d’exécution 2013/409, qui a réinscrit son nom à l’annexe de la décision 2011/72 sur le fondement de nouveaux motifs, d’une violation de son droit de propriété et d’un détournement de pouvoir.

52      Par ailleurs, pour la première fois dans son mémoire en réplique, le requérant invoque, en substance, une erreur de fait et, pour la première fois dans ses observations déposées au greffe du Tribunal le 8 septembre 2015, une violation de ses droits de la défense.

 Sur le moyen tiré d’une erreur de droit relevant du non-respect, par la décision d’exécution 2013/409, des critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72

53      Par le présent moyen, le requérant fait valoir, en substance, que, en inscrivant son nom sur l’annexe de la décision 2011/72 en tant que personne faisant l’objet d’enquêtes judiciaires des autorités tunisiennes « pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence l’ex-PDG de [confidentiel]) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration » et en s’appuyant sur les attestations mentionnées aux points 25 et 26 ci-dessus, le Conseil a retenu une interprétation erronée des critères établis par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 et, plus particulièrement, de la notion de « détournement de fonds publics tunisiens » qui y figure.

54      Le requérant considère, en effet, que l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 vise une catégorie spécifique de faits de nature à recevoir « une qualification pénale en droit tunisien de “détournement de fonds publics”, ce qui exclut tout autre acte de délinquance pouvant être commis par un fonctionnaire ou autre personne assimilée » et que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas susceptibles, en droit pénal tunisien, de recevoir la qualification de « détournement de fonds publics ». En outre, la notion de « complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public pour procurer à un tiers un avantage et causer un préjudice à l’administration » (ci-après la « complicité dans l’abus de qualité ») telle qu’elle figure dans les motifs invoqués aux fins de l’inscription du nom du requérant à l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2013/409, ne serait pas utilisée à l’article 1er, paragraphe 1, de ladite décision.

55      Le requérant souligne que les termes retenus par la justice tunisienne « lient le Conseil et le juge européen » et que, en droit pénal tunisien, le détournement de fonds publics constitue une infraction distincte, réprimée par l’article 99 du code pénal tunisien. Premièrement, cet article porterait sur des actes très précis, deuxièmement, la complicité dans de tels actes ne serait pas réprimée et, troisièmement, ledit article ne renverrait pas à la notion de « complicité d’abus de qualité », alors que la complicité dans des actes relevant de l’abus de qualité ne serait pas non plus réprimée.

56      Le requérant considère, enfin, que le raisonnement adopté dans l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), invoqué par le Conseil, à savoir « retenir une interprétation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 qui lui assure son effet utile », ne serait pas pertinent en l’espèce. Il soutient, plus spécifiquement, que, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, la nécessité d’une interprétation se serait imposée « en raison de [la] disparité entre les différentes versions linguistiques » des dispositions appliquées par le Conseil. En revanche, dans la présente affaire, le Conseil aurait retenu un critère différent de celui de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 et aurait formulé auprès du Tribunal une « demande d’interprétation », lui demandant de « passer outre les incriminations du droit pénal tunisien et celles retenues par les juridictions tunisiennes ».

57      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant. Il considère, plus spécifiquement, qu’une lecture excessivement formelle des critères énoncés dans la décision 2011/72 nuirait aux objectifs et à l’efficacité des mesures qu’il a adoptées et qu’il n’avait pas à faire, dans la décision 2011/72, référence à toutes les incriminations pénales du droit tunisien susceptibles, au regard de leurs effets, d’aboutir à un détournement de fonds publics. Il fait valoir, en outre, que cette notion doit être interprétée conformément aux règles supérieures du droit de l’Union européenne et « notamment aux buts des traités qui ont commandé à son adoption ».

58      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la détermination du sens d’une disposition du droit de l’Union ne relève pas du champ d’application d’un principe de libre disposition du litige entre les mains des parties (voir arrêt du 5 octobre 2009, Commission/Roodhuijzen, T‑58/08 P, EU:T:2009:385, point 36 et jurisprudence citée). Ainsi, compte tenu des circonstances de l’espèce et des arguments qu’invoque le requérant à l’appui de son premier moyen, le Tribunal est, indépendamment de toute demande supposément formulée par les parties au litige, amené à interpréter l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 et, plus spécifiquement, la notion de « détournement de fonds publics tunisiens » qui y est utilisée.

59      Les dispositions de la décision 2011/72 et du règlement n° 101/2011 ne comportent pas de définition de la notion de « détournement de fonds publics tunisiens ». Elles ne comportent, par ailleurs, aucun renvoi à des sources externes au droit de l’Union pour la définition de la notion en cause, que ce soit le droit des États membres, le droit international ou le droit tunisien.

60      Il y a lieu, en outre, de constater que la notion de détournement de fonds publics ou une notion équivalente est utilisée dans un certain nombre de décisions du Conseil prises également sur le fondement de l’article 29 TUE, ainsi que dans les règlements correspondants fondés sur l’article 215 TFUE. Il en est notamment ainsi à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/172/PESC du Conseil, du 21 mars 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Égypte (JO 2011, L 76, p. 63). Le juge de l’Union étant compétent pour examiner le bien-fondé de décisions impliquant de telles mesures et prises par le Conseil dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), l’application uniforme du droit de l’Union requiert, en l’absence d’un renvoi exprès aux droits des États tiers concernés, au droit international ou aux droits des États membres, que la notion de détournement de fonds publics reçoive une interprétation autonome, indépendante de tout système national (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 septembre 2011, Budějovický Budvar, C‑482/09, EU:C:2011:605, point 37 et jurisprudence citée).

61      S’agissant, à cet égard, du raisonnement adopté dans l’arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil (T‑256/11, EU:T:2014:93), que le requérant considère comme étant inapplicable dans la présente espèce (voir point 56 ci-dessus), il est exact que, ainsi que le Tribunal l’a rappelé dans cet arrêt, en cas de disparité entre les variantes linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction du contexte et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 62 et jurisprudence citée). Le Tribunal a ainsi conclu que, ne serait-ce qu’en raison des disparités linguistiques constatées dans cette affaire, il était nécessaire d’interpréter les dispositions en cause (arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 63). Toutefois, cet arrêt ne saurait être interprété en ce sens que, en l’absence de disparité entre les différentes versions linguistiques d’une disposition du droit de l’Union, toute interprétation de cette disposition par le juge de l’Union serait exclue.

62      En effet, selon une jurisprudence constante, pour procéder à l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte de son libellé et de son contexte ainsi que des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêt du 13 mars 2012, Melli Bank/Conseil, C‑380/09 P, EU:C:2012:137, point 38 et jurisprudence citée), et cela indépendamment de l’existence d’une disparité entre ses variantes linguistiques.

63      Plus spécifiquement, lorsque, dans le cadre d’un litige, les parties s’opposent, comme en l’espèce, sur l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union qu’il convient d’adopter et lorsque cette disposition est susceptible de plusieurs interprétations, il faut donner la priorité à celle qui est de nature à sauvegarder son effet utile (voir arrêt du 27 octobre 2011, Commission/Pologne, C‑311/10, non publié, EU:C:2011:702, point 20 et jurisprudence citée).

64      Afin de procéder à l’interprétation de la notion de détournement de fonds publics et avant d’identifier les objectifs de la décision 2011/72, il y a lieu de rappeler le contexte dans lequel celle-ci a été adoptée ainsi que sa base juridique.

65      La décision 2011/72 a été adoptée sur la base de l’article 29 TUE, qui dispose que « [l]e Conseil adopte des décisions qui définissent la position de l’Union sur une question particulière de nature géographique ou thématique ». Ainsi qu’il a été jugé, il résulte des dispositions combinées, d’une part, des articles 21, 23, de l’article 24, paragraphe 1, de l’article 25 et de l’article 28, paragraphe 1, premier alinéa, TUE et, d’autre part, de l’article 29 TUE que constituent des « positions de l’Union », au sens de l’article 29 TUE, les décisions qui, premièrement, s’inscrivent dans le cadre de la PESC, telle que définie à l’article 24, paragraphe 1, TUE, deuxièmement, ont trait à une « question particulière de nature géographique ou thématique » et, troisièmement, n’ont pas le caractère d’« actions opérationnelles » au sens de l’article 28 TUE (arrêt du 2 avril 2014, Ben Ali/Conseil, T‑133/12, non publié, EU:T:2014:176, points 40 à 46 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 41).

66      La notion de « position de l’Union » se prête ainsi à une interprétation large, de sorte que, pourvu que les conditions énoncées au point 65 ci-dessus soient respectées, peuvent notamment être adoptés, sur le fondement de l’article 29 TUE, non seulement des actes à caractère programmatique ou de simples déclarations d’intention, mais aussi des décisions prévoyant des mesures de nature à modifier directement la situation juridique de particuliers. Cela est d’ailleurs confirmé par le libellé de l’article 275, second alinéa, TFUE (arrêt du 2 avril 2014, Ben Ali/Conseil, T‑133/12, non publié, EU:T:2014:176, point 47 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 42).

67      En l’espèce, la décision 2011/72 procède pleinement de la PESC et répond à ses objectifs définis par l’article 21 TUE (voir, par analogie, arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 46, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 44). Ainsi qu’il ressort de son considérant 1, cette décision vise à soutenir les « efforts déployés [par le peuple tunisien] pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Partant, cette décision s’inscrit dans le cadre d’une politique de soutien aux nouvelles autorités tunisiennes, destinée à favoriser la stabilisation tant politique qu’économique de la Tunisie. Elle vise, notamment, selon son considérant 2, à aider les autorités tunisiennes dans leur lutte contre le détournement de fonds revenant à l’État tunisien, en gelant les avoirs de personnes « responsables » de détournement de tels fonds, qui privent, ainsi, le peuple tunisien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays.

68      Par conséquent, en adoptant des mesures de nature conservatoire à l’encontre des personnes responsables de détournement de fonds publics tunisiens, à savoir des mesures qui ont pour seul objet de préserver la possibilité pour les autorités tunisiennes de recouvrer les fonds publics détournés susceptibles d’être détenus par ces personnes (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 78), le Conseil vise à faciliter tant la constatation d’actes commis au détriment des autorités tunisiennes que la restitution de leur produit (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 206).

69      En tenant compte, dès lors, de ces objectifs, ainsi que du contexte général dans lequel la décision 2011/72 a été adoptée et de sa base juridique, il y a lieu de considérer que la notion de détournement de fonds publics, au sens de ladite décision, englobe tout acte qui consiste en l’utilisation illicite de ressources appartenant aux collectivités publiques tunisiennes ou qui sont placées sous leur contrôle à des fins contraires à celles auxquelles ces ressources sont destinées, en particulier à des fins privées. Pour relever de ladite notion, cette utilisation doit ainsi avoir eu comme conséquence une atteinte portée aux intérêts financiers de ces collectivités et donc avoir causé un préjudice susceptible d’être évalué en termes financiers.

70      Au demeurant, il est à relever que cette interprétation de la notion en cause aboutit à une définition analogue à celle de la notion de « détournement de fonds de l’Union » qui est visée à l’article 4, paragraphe 4, de la proposition COM (2012) 363 final de la Commission européenne, du 11 juillet 2012, de directive du Parlement et du Conseil relative à la lutte contre la fraude portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union au moyen du droit pénal, en cours d’examen. En effet, conformément à cet article, constitue un « détournement de fonds de l’Union » l’acte d’un agent public « consistant à engager ou dépenser des fonds ou à s’approprier ou utiliser des biens d’une manière contraire aux fins prévues pour ces derniers et [...] por[tant] atteinte aux intérêts financiers de l’Union ».

71      Une telle interprétation, large, de la notion en cause s’impose afin d’assurer le plein effet utile de la décision 2011/72, en vue de la réalisation de ses objectifs rappelés au point 67 ci-dessus. Compte tenu, par ailleurs, du caractère purement conservatoire de la mesure litigieuse, le principe général du droit de l’Union de légalité des délits et des peines, consacré par l’article 49, paragraphe 1, première phrase, de la charte des droits fondamentaux, d’une part, et celui de la présomption d’innocence, consacré par l’article 48, paragraphe 1, de la dite charte, d’autre part, ne sont pas applicables en l’espèce et ne sauraient, par conséquent, s’opposer à une telle interprétation large (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 70 à 84).

72      Au regard de ce qui précède, il y a lieu d’écarter l’argumentation du requérant qui prétend, en substance, que la notion de détournement de fonds publics tunisiens, au sens de la décision 2011/72, devrait être interprétée comme renvoyant uniquement aux infractions qualifiables de détournement de fonds publics en droit pénal tunisien et réprimées, ainsi, par l’article 99 du code pénal tunisien.

73      Il convient, dès lors, de vérifier si, au regard du code pénal tunisien, la qualification des faits à l’origine des poursuites dont fait l’objet le requérant en Tunisie permet de les assimiler à des faits de détournement de fonds publics tunisiens, au sens de la décision 2011/72, à savoir si, selon cette qualification, lesdits faits présentent les éléments exposés au point 69 ci-dessus.

74      Il y a lieu de relever à cet égard que, certes, ainsi que le rappelle le requérant, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 mentionne une catégorie spécifique de faits de nature à recevoir une qualification pénale en droit tunisien. Il ne s’agit pas de tout acte relevant de la délinquance ou de la criminalité économique, mais uniquement des agissements susceptibles de recevoir la qualification de détournement de fonds publics tunisiens au sens de la décision 2011/72 (arrêts du [confidentiel] et du 2 avril 2014, Ben Ali/Conseil, T‑133/12, non publié, EU:T:2014:176, point 69).

75      Toutefois, ainsi qu’il a été relevé au point 59 ci-dessus, les dispositions de l’article 1er de la décision 2011/72 ne se réfèrent pas à un droit pénal national quelconque, en particulier au droit pénal tunisien. Il ne peut, par ailleurs, pas être exclu que des agissements, qui n’ont pas été qualifiés pénalement par les autorités judiciaires tunisiennes de détournement de fonds publics, aient néanmoins eu pour effet de priver indûment les collectivités publiques tunisiennes de fonds qui leur reviennent, de sorte qu’il s’avérerait nécessaire de geler les avoirs des responsables de ces agissements et de leurs associés pour assurer un éventuel recouvrement, par les autorités tunisiennes et par tous les moyens possibles, des fonds précités.

76      En effet, bien que relativement circonscrite, la notion de détournement de fonds publics peut voir son champ d’application varier en fonction du droit national applicable, de la jurisprudence afférente et des faits particuliers de l’espèce. Dans ces conditions, les objectifs des actes en cause ne seraient pas atteints si la notion de détournement de fonds publics ne s’appliquait pas à des agissements n’ayant pas été qualifiés comme tels par les autorités judiciaires tunisiennes dans le cadre d’une procédure pénale, mais qui sont susceptibles de correspondre à la définition que le Conseil, disposant, selon la jurisprudence, d’une large marge d’appréciation pour la définition des critères généraux délimitant le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de mesures telles que la mesure litigieuse (voir, en ce sens, arrêts du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 120, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41), a entendu donner à cette notion dans la décision 2011/72.

77      Il convient d’examiner si, au vu des éléments qui ressortent des motifs ayant fondé l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause et des attestations communiquées à celui-ci le 8 juillet 2013 (voir points 24 à 27 ci-dessus), le Conseil s’est conformé aux critères établis à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72.

78      Ainsi qu’il est exposé aux points 47 à 50 du présent arrêt, à la suite de la clôture de la phase orale de la procédure dans la présente affaire, le Conseil a souhaité porter à la connaissance du Tribunal des informations qui lui ont été transmises par les autorités tunisiennes et, plus particulièrement, par la direction générale des affaires pénales du ministère de la Justice tunisienne, concernant l’exactitude des éléments rapportés dans la première attestation.

79      Selon le document joint à la lettre du Conseil, sur lequel le requérant a été invité à formuler ses observations, s’agissant de l’affaire en cours d’instruction [confidentiel], celui-ci n’aurait pas encore, à la date du 2 décembre 2015, fait « l’objet d’un réquisitoire supplétif » et, ainsi, le certificat l’ayant mentionné comme « accusé » dans ladite affaire aurait été rédigé « par inadvertance, probablement [due] à une confusion entre le statut d’accusé qui [ne] peut être conféré que par acte de procédure spécifique lui imputant des charges précises (ce qui [ne serait] pas le cas) et la notion de personne impliquée dans l’affaire n’ayant pas encore fait l’objet d’une mise en accusation ».

80      Il importe de souligner, à cet égard, que, compte tenu des objectifs de la décision 2011/72, tels que rappelés au point 67 ci-dessus, et conformément à ce qui a été exposé au point 71 ci-dessus, il convient d’interpréter l’article 1er, paragraphe 1, de ladite décision en ce sens qu’elle vise non seulement les personnes ayant été jugées responsables de faits de « détournement de fonds publics tunisiens », mais également les personnes faisant l’objet d’une procédure judiciaire en cours visant à établir leur responsabilité dans la perpétration de faits spécifiques constitutifs de tels détournements (voir, par analogie, arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 72, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 67). Il résulte, en effet, de la jurisprudence que, si l’adoption de mesures restrictives était subordonnée au prononcé de condamnations pénales à l’encontre des personnes suspectées d’avoir détourné des fonds, l’effet utile de la mesure en cause serait sérieusement compromis, dès lors que ces personnes disposeraient, au cours de cette procédure, du temps nécessaire pour transférer leurs avoirs en dehors de l’Union (voir, par analogie, arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 71, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 66). Pour les mêmes raisons, dès lors qu’il est établi que la personne en cause fait l’objet, dans le cadre d’une procédure pénale, d’investigations de la part des autorités judiciaires, afin d’établir sa responsabilité dans la perpétration de faits spécifiques constitutifs de « détournement de fonds publics », le stade exact auquel se trouve ladite procédure ne saurait constituer un élément susceptible de justifier son exclusion de la catégorie des personnes visées.

81      En outre, si les investigations conduites par le magistrat chargé de mener la procédure en cause devaient conduire, in fine, les autorités tunisiennes à écarter la responsabilité du requérant, le Conseil serait alors tenu de mettre fin au gel d’avoirs litigieux. Ainsi, pour les raisons exposées au point 80 ci-dessus, au regard de la nature conservatoire du gel d’avoirs litigieux et de son caractère temporaire et réversible, son application à un tel stade de la procédure judiciaire n’est pas entachée d’une erreur de droit.

82      Or, à supposer que, à la lumière de ce qui vient d’être exposé et des informations rapportées dans le document annexé à la lettre déposée au greffe du Tribunal par le Conseil le 9 décembre 2015, la première attestation doive être écartée, force est de constater que, comme le souligne le Conseil dans sa lettre susmentionnée, la mesure litigieuse repose, en tout état de cause, sur la seconde attestation. Il n’est, dès lors, pas nécessaire, dans les circonstances de l’espèce, d’examiner si les informations rapportées dans la première attestation sont exactes, ni si le maintien de la mesure litigieuse sur le seul fondement de cette dernière serait conforme aux critères établis à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72.

83      Selon les informations rapportées dans la seconde attestation, le requérant fait l’objet d’une procédure pénale, menée par les autorités tunisiennes, « pour complicité dans l’abus de qualité par un fonctionnaire public (en l’occurrence l’ex-PDG de [confidentiel] […]) pour procurer à un tiers un avantage injustifié et causer un préjudice à l’administration », sur le fondement des articles 32 et 96 du code pénal tunisien.

84      L’article 32 du code pénal tunisien, produit par les parties au présent litige, dispose :

« Est considéré complice et puni comme tel :

1.      celui qui, par dons, promesses, menaces, abus d’autorité ou de pouvoir, machinations, artifices coupables, a provoqué à l’action ou donné des instructions pour la commettre,

2.      celui qui, en connaissance du but à atteindre, a procuré des armes, instruments ou tous autres moyens susceptibles de faciliter l’exécution de l’infraction,

3.      celui qui, en connaissance du but sus-indiqué, a aidé l’auteur de l’infraction dans les faits qui l’ont préparée ou facilitée ou dans ceux qui l’ont consommée, […]

4.      celui qui a prêté, sciemment, son concours aux malfaiteurs pour assurer, par recel ou tous autres moyens, le profit de l’infraction ou l’impunité à ses auteurs,

[…] »

85      L’article 96 du code pénal tunisien, également produit par les parties au présent litige, dispose :

« Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende égale à l’avantage reçu ou le préjudice subi par l’administration tout fonctionnaire public ou assimilé, tout directeur, membre ou employé d’une collectivité publique locale, d’une association d’intérêt national, d’un établissement public à caractère industriel et commercial, d’une société dans laquelle l’État détient directement ou indirectement une part quelconque du capital, ou d’une société appartenant à une collectivité publique locale, chargé de par sa fonction de la vente, l’achat, la fabrication, l’administration ou la garde de biens quelconques, qui use de sa qualité et de ce fait se procure à lui-même ou procure à un tiers un avantage injustifié, cause un préjudice à l’administration ou contrevient aux règlements régissant ces opérations en vue de la réalisation de l’avantage ou du préjudice précités. »

86      Il résulte du texte de l’article 96 du code pénal tunisien que l’abus de qualité, en droit pénal tunisien, qualifie le fait pour un fonctionnaire ou assimilé, dont les fonctions impliquent, d’une manière ou d’une autre, la gestion de ressources publiques, d’abuser de ses fonctions pour se procurer ou procurer à un tiers un avantage indu et de causer, de ce fait, un préjudice à l’administration. Par conséquent, il y a lieu de conclure que, en l’espèce, les faits qualifiés d’abus de qualité qui sont imputés à l’ex-président-directeur général (PDG) de l’établissement bancaire visé au point 83 ci-dessus relèvent de la notion de détournement de fonds publics tunisiens, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, dans la mesure où ils remplissent les deux conditions requises pour ce faire, indiquées au point 69 ci-dessus, c’est-à-dire dans la mesure où ils impliquent, d’une part, l’utilisation de ressources publiques à des fins détournées, en particulier en vue de procurer un avantage, le cas échéant, à un tiers, et, d’autre part, une atteinte aux intérêts de l’entité publique concernée qui est évaluable financièrement, soit en raison du détournement ou de la soustraction de biens lui appartenant, soit en raison du gain retiré de l’utilisation illicite de ses ressources.

87      Plus spécifiquement, une implication considérable de l’État tunisien dans le fonctionnement et la gestion de l’établissement bancaire en cause ressort tant des éléments évoqués dans la motivation de la décision d’exécution 2013/409 que de ceux figurant dans la seconde attestation.

88      En effet, le requérant fait l’objet d’une procédure pénale, à savoir de la procédure dont fait état la seconde attestation, pour complicité dans des actes commis par une personne, qualifiée par les autorités judiciaires tunisiennes de « fonctionnaire public », qui aurait abouti à un préjudice causé à l’administration. Ce fonctionnaire public aurait abusé de sa qualité consistant en la vente, l’achat, la fabrication, l’administration ou la garde de biens quelconques, à savoir en la gestion de ressources au sens large, pour conférer à un tiers un avantage injustifié. Il convient, dès lors, de considérer que les ressources que la personne concernée était chargée de gérer et au moyen desquelles ledit avantage a été conféré revenaient, directement ou indirectement, à l’État tunisien, à un degré tel que leur perte ou leur diminution, profitant à un tiers, a pu être considérée, par les autorités tunisiennes, comme ayant causé un préjudice au détriment de l’administration.

89      Eu égard à ce qui vient d’être exposé, la nature spécifique et la composition exacte du capital de l’établissement bancaire en cause ne sauraient être considérées comme des éléments déterminants dans l’appréciation de l’infraction décrite dans les motifs de la décision d’exécution 2013/409.

90      Les différents arguments présentés par le requérant dans le cadre de son premier moyen ne sont pas susceptibles de remettre en cause ces constatations.

91      En premier lieu, le requérant allègue que l’établissement bancaire visé dans la seconde attestation n’est pas un établissement public, mais une société de droit commercial, « dont le capital est réparti entre l’État et certains établissements parapublics, des personnes ou sociétés du secteur privé et des acteurs étrangers ». Il soutient, ainsi, en substance, qu’une infraction telle que celle en cause en l’espèce, commise dans le cadre du fonctionnement d’un tel établissement, ne peut pas être qualifiée de détournement de « fonds publics », en raison de sa nature et de la composition de son capital.

92      En second lieu, le requérant soutient, en substance, que, même à supposer que les fonds de l’État affectés à un tel établissement puissent être qualifiés de fonds publics, au sens de la décision 2011/72, les fonds en cause dans la présente espèce seraient des fonds privés, eu égard à la nature des actes prétendument reprochés à l’auteur principal visé dans la seconde attestation. Plus spécifiquement, selon le requérant, le volet de l’activité bancaire qui porte sur le financement des projets économiques n’est jamais financé par la participation des associés au capital, et ce quel que soit le statut de la banque et la répartition de son capital.

93      Certes, ces griefs ne sont invoqués que dans la réplique. Toutefois, ils sont liés aux allégations déjà formulées dans sa requête à l’appui de son premier moyen et répondent, en réalité, à l’argumentation invoquée par le Conseil dans le mémoire en défense. Par ces arguments, le requérant tend, en substance, à faire valoir que les actes dont il est fait état dans les motifs de la décision d’exécution 2013/409 n’impliquent pas le détournement de « fonds publics », au sens de la décision 2011/72.

94      Le Conseil allègue que l’établissement bancaire en cause constitue un « établissement public tunisien de crédit ». Il produit, à l’appui de ces allégations et en réponse aux arguments du requérant, pour la première fois, annexée à la duplique, une note verbale de l’ambassade de la République tunisienne à Bruxelles (Belgique), datée du 23 mars 2015, dont il découlerait que l’État tunisien détient directement la majorité du capital de [confidentiel], à savoir [confidentiel] de son capital, et qu’il nomme son PDG.

95      Il est à constater que les arguments visés au point 91 ci-dessus ne sont pas susceptibles de remettre en cause les conclusions exposées au point 88 ci-dessus. Par ailleurs, le requérant lui-même qualifie, au point 34 de sa requête, la [confidentiel] et la [confidentiel] de « banques nationales » et, en réponse aux questions écrites que lui a adressées le Tribunal, il a admis que, depuis la création de ces établissements et, ainsi, nécessairement au moment de la prétendue perpétration des actes visés dans la seconde attestation, l’État tunisien a participé au capital des établissements susmentionnés, ce qui, selon lui, s’expliquerait « eu égard aux conditions dans lesquelles [ils] ont été fond[é]s immédiatement après l’indépendance et [aux] objectifs qui leur ont été assignés ». Ces éléments ne font que confirmer l’implication considérable de l’État tunisien dans le fonctionnement et la gestion de l’établissement bancaire visé dans la seconde attestation.

96      Il y a donc lieu de conclure que c’est à bon droit que le Conseil a considéré que les actes auxquels les autorités tunisiennes considèrent que le requérant a participé en tant que complice sont susceptibles d’avoir impliqué un détournement de « fonds publics », au sens de la décision 2011/72. Par ailleurs, eu égard à ce qui a été exposé au point 89 ci-dessus, le Conseil n’était pas, dans les circonstances de l’espèce, tenu d’examiner quelle était la nature spécifique et la composition exacte du capital de l’établissement visée dans la seconde attestation lors de la prétendue perpétration des actes faisant l’objet de la procédure pénale menée par les autorités tunisiennes.

97      Qui plus est, conformément à l’article 96 du code pénal tunisien, cité au point 85 ci-dessus, sont susceptibles d’être incriminés sur le fondement de cet article non seulement les fonctionnaires publics, mais aussi les personnes assimilées à des fonctionnaires et, notamment, tout directeur, membre ou employé d’une société dans laquelle l’État détient directement ou indirectement une part du capital. Sur ce fondement, ainsi qu’il vient d’être exposé, les autorités tunisiennes ont qualifié la personne soupçonnée d’être l’auteur principal des actes en cause de « fonctionnaire public », ce qui a permis au Conseil de considérer raisonnablement que l’État tunisien ne détenait pas que des parts dans le capital de l’établissement bancaire concerné, mais que son implication y était déterminante.

98      Le requérant conteste, certes, notamment dans sa réponse aux questions que lui a adressées le Tribunal, la qualification de « fonctionnaires » appliquée aux auteurs principaux des actes en cause.

99      Il est, toutefois, à signaler que le statut spécifique des personnes concernées ne saurait être déterminant en l’espèce. En effet, à supposer même que les PDG d’établissements tels que celui visé dans la seconde attestation ne soient pas nommés par l’État, mais élus « par et parmi les membres du [c]onseil d’administration », ainsi que l’allègue le requérant, cette circonstance ne saurait, à elle seule, suffire à établir que les fonctions qui lui étaient confiées n’impliquaient pas, d’une manière ou d’une autre, la gestion de ressources publiques. Il en va de même s’agissant des modalités de leur rémunération, également invoquées par le requérant.

100    En outre, la circonstance qu’« aucune prérogative de puissance publique » ne serait conférée à la personne en cause dans l’exercice de ses fonctions, à la supposer avérée, est également dépourvue de pertinence. Une entité publique est, en effet, susceptible d’exercer des activités économiques dissociées de l’exercice de prérogatives de puissance publique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 juillet 2012, Compass-Datenbank, C‑138/11, EU:C:2012:449, point 38 et jurisprudence citée) et rien ne permet d’exclure que des ressources de l’État soient consacrées au financement de telles activités ou investies dans le cadre de ces dernières.

101    Il convient, en outre, de déduire de la qualité spécifique de la personne soupçonnée d’être l’auteur principal des actes en cause, qui aurait exercé, selon les motifs ayant fondé l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause, les fonctions de PDG d’un établissement bancaire, que l’abus de qualité en cause a été commis dans le cadre de l’exercice d’activités bancaires. Or, de telles activités consistent, par définition, en la gestion de fonds, ce que le requérant ne conteste pas. Au contraire, au point 101 de la requête, il avance que, s’agissant des établissements bancaires, l’avantage qu’il aurait, selon les autorités tunisiennes, contribué à procurer « consisterait nécessairement en l’octroi de prêts, attribut principal et naturel d’une banque ».

102    Le Conseil allègue, dans le mémoire en défense, que l’avantage injustifié en cause aurait consisté dans l’octroi de prêts bancaires à des conditions exorbitantes du droit applicable. À cet égard, le requérant avance, dans la réplique, que rien dans les textes juridiques pertinents et dans la seconde attestation ne permet de fonder ces allégations.

103    À l’appui de ces affirmations, le Conseil produit, pour la première fois avec la duplique, la note verbale citée au point 94 ci-dessus. Selon ce document, il découlerait des enquêtes en cours que le requérant a bénéficié de crédits auprès de [confidentiel] et que le PDG de celle-ci aurait agi « sur instruction directe de l’ancien président Ben Ali ».

104    Il convient de relever d’emblée que, en l’espèce, il n’y a pas lieu de tenir compte de la note verbale visée au point 94 ci-dessus ni de la note verbale de l’ambassade de la République tunisienne à Bruxelles du 4 septembre 2015, produite par le Conseil en complément à sa réponse aux questions que lui ont été adressées par le Tribunal. Il y a, en effet, lieu de relever que ces éléments sont, en tout état de cause, postérieurs à l’adoption de la décision d’exécution 2013/409 et qu’aucun élément du dossier ne permet de considérer que les informations qu’ils contiennent avaient été portées à la connaissance du Conseil avant l’adoption de ladite décision. Ils ne sauraient, dès lors, être pris en compte dans le cadre de l’appréciation de sa légalité (voir, par analogie, arrêt du 10 juillet 2014, Moallem Insurance/Conseil, T‑182/13, non publié, EU:T:2014:624, point 34 et jurisprudence citée).

105    Il n’en demeure pas moins que le requérant ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause la conclusion exposée aux points 96 et 101 ci-dessus, à savoir que les actes à l’origine de la procédure dont fait état la seconde attestation ont consisté en l’abus de gestion de ressources dans le cadre de l’exercice d’activités bancaires, au sein d’un établissement auquel l’État participe à un degré considérable.

106    Les mêmes conclusions doivent être tirées en ce qui concerne l’argumentation du requérant selon laquelle les fonds en cause en l’espèce seraient des fonds privés, puisque le volet de l’activité bancaire qui porte sur le financement de projets économiques n’est jamais financé par la participation des associés au capital, et ce quel que soit le statut de la banque et la composition de ce capital. Même à considérer que ces affirmations trouvent appui sur des dispositions du droit tunisien, telles que le requérant les cite, pour la première fois, dans sa réponse aux questions que le Tribunal lui a adressées, elles ne sauraient suffire à remettre en cause les conclusions exposées ci-dessus. En effet, puisque les actes visés dans la seconde attestation, qui, ainsi qu’il a été exposé au point 88 ci-dessus, relèvent de la notion de détournement de fonds publics, au sens de la décision 2011/72, sont susceptibles d’avoir abouti à un avantage injustifié procuré à un tiers et, de ce fait, d’avoir causé un préjudice au détriment de l’administration, rien ne permet de supposer que le prétendu abus de qualité décrit dans les motifs ayant fondé la décision en cause ne saurait impliquer la gestion de ressources publiques.

107    Le requérant allègue, par ailleurs, que le préjudice prétendument causé à l’administration, tel que rapporté dans la seconde attestation, n’était pas nécessairement un préjudice financier. À cet égard, il convient de relever que l’article 98 du code pénal tunisien, produit par les parties au litige, dispose que, dans tous les cas d’application de l’article 96 du même code (voir point 85 ci-dessus), le tribunal compétent doit prononcer « la restitution des choses détournées ou de la valeur de l’intérêt ou du gain obtenus, même au cas où ces biens auront été transmis aux ascendants, descendants, collatéraux, conjoint et alliés du coupable, et qu’ils soient demeurés en leur état ou transformés en quelque autre bien que ce soit ». Il ressort de ces dispositions que le préjudice qui a résulté des actes pour lesquels le requérant fait l’objet d’une procédure pénale menée par les autorités tunisiennes, dont fait état la seconde attestation, est susceptible d’être évalué en termes financiers.

108    Selon le requérant, ce préjudice ne constituerait pas non plus nécessairement un détournement de fonds publics. Il convient, toutefois, de relever que, selon les éléments ressortant de la seconde attestation, considérés à la lumière de l’article 96 du code pénal tunisien qui y est cité, la personne soupçonnée d’être l’auteur principal des actes en cause, chargée de par sa fonction, selon les dispositions de l’article du code pénal tunisien susvisé, de la gestion, au sens large du terme, de biens, est, plus spécifiquement, suspectée d’avoir abusé de sa qualité et d’avoir, de ce fait, procuré un avantage injustifié à un tiers. Indépendamment de la nature spécifique dudit avantage, c’est, donc, à bon droit que le Conseil a déduit de ces éléments que les autorités tunisiennes considéraient que cette personne avait procuré à un tiers un avantage par l’abus de la gestion de ressources qui, ainsi qu’il résulte des points 87 à 96 ci-dessus, revenaient, directement ou indirectement, à l’État tunisien et étaient, ainsi, destinées à être exploitées par ce dernier.

109    Il y a, dès lors, lieu de conclure que c’est à bon droit que le Conseil a considéré que les actes décrits dans les motifs de la décision d’exécution 2013/409 et dans la seconde attestation relèvent de la notion de « détournement de fonds publics tunisiens », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72.

110    Par ailleurs, ainsi que le fait valoir le Conseil dans le mémoire en défense, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 ne vise pas uniquement les personnes ayant été jugées coupables d’actes de détournement de fonds publics ou les personnes poursuivies pénalement pour de tels actes, mais également les personnes étant poursuivies ou ayant été jugées coupables d’être leurs complices. En effet, même si l’étendue de la responsabilité du complice d’une infraction peut être considérée, selon le droit applicable et dans certains cas, comme moins importante que celle de son auteur principal ou de ses auteurs, il n’en demeure pas moins vrai que cette responsabilité, fût-elle minime, est susceptible d’entraîner une condamnation pénale.

111    En l’espèce, il résulte des motifs d’inscription du nom du requérant sur la liste en cause que celui-ci fait l’objet d’une procédure pénale, à savoir de la procédure dont fait état la seconde attestation, menée par les autorités tunisiennes afin d’établir sa responsabilité pour des faits de complicité d’abus de qualité, voire qu’il est poursuivi pour de tels faits, sur le fondement de l’article 32 du code pénal tunisien. Par conséquent, eu égard à la définition de la notion de « complice » figurant audit article (voir point 84 ci-dessus), aucune erreur de droit ne saurait être imputée au Conseil au motif qu’il aurait considéré que le complice d’un abus de qualité pouvait être regardé comme responsable au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72.

112    À cet égard, en ce qui concerne les personnes faisant l’objet d’une procédure pénale pour complicité dans des faits qualifiables de « détournement de fonds publics » au sens de la décision 2011/72, même à supposer qu’elles ne soient pas susceptibles d’être qualifiées de « responsables » de tels faits, au sens de ladite décision, eu égard à l’objectif poursuivi par cette dernière, elles relèvent, à tout le moins, de la catégorie des « associés aux personnes responsables de détournement de fonds publics tunisiens » (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 72). Il convient de relever que cette expression vise une catégorie particulièrement large dont est susceptible de relever toute personne, entité ou organisme qui présente des liens suffisamment étroits avec une personne responsable de détournement de fonds publics de telle sorte que ses avoirs pourraient avoir bénéficié du produit dudit détournement. Une interprétation plus stricte compromettrait l’effet utile de la disposition en cause, qui a pour objet d’éviter le contournement du gel d’avoirs par les personnes considérées comme responsables de détournement de fonds publics au moyen de transferts vers les avoirs des personnes ou entités qui leur sont associées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 72, et du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 67). Or, même dans l’hypothèse où l’expression « personnes associées » devrait être interprétée strictement, elle devrait, à tout le moins, inclure les personnes considérées comme les complices des auteurs d’un détournement de fonds publics, eu égard à leur degré particulièrement étroit d’association aux auteurs du crime ou du délit. Ainsi, un complice doit nécessairement être regardé comme une personne associée à une personne responsable d’un tel crime ou délit, sauf à priver de tout effet utile l’inclusion de telles personnes associées dans le cercle des personnes visées par le gel d’avoirs litigieux. Partant, dès lors que, concernant le cercle des personnes visées par le gel d’avoirs prévu à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, cette disposition ne prévoit aucune différence de traitement entre les personnes responsables de détournements de fonds publics et les personnes et entités qui leur sont associées, il est, en principe, sans incidence que le requérant soit inclus dans l’une ou l’autre de ces catégories.

113    Ces constatations ne sauraient être remises en cause par les arguments avancés par le requérant, selon lesquels la complicité dans l’abus de qualité ou dans le détournement de fonds publics ne serait pas réprimée en droit tunisien. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 111 ci-dessus, le requérant est poursuivi, dans le cadre d’une procédure pénale menée par les autorités tunisiennes, pour complicité dans des faits qualifiables de détournement de fonds publics au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, sur le fondement des articles 96 et 32 du code pénal tunisien. Ce dernier article portant sur la notion de complicité en droit pénal tunisien, il convient de conclure que l’argumentation du requérant consiste, en réalité, à contester l’interprétation et l’application, par les autorités tunisiennes, des dispositions du code pénal tunisien, ce qui ne relève pas de l’office du juge de l’Union, auquel il appartient uniquement de vérifier le bien-fondé de la décision d’inscrire le nom du requérant sur la liste en cause (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 77).

114    Le requérant affirme, en outre, qu’il ne lui est pas reproché d’être le bénéficiaire de l’avantage prétendument procuré en l’espèce à un tiers par la personne soupçonnée d’être l’auteur principal des actes décrits dans la seconde attestation et que les bénéficiaires de l’infraction en cause ne font pas partie des personnes dont le nom a été inscrit sur la liste en cause.

115    Or, indépendamment de la nature spécifique dudit avantage et même à supposer que le requérant ne soit pas accusé d’en avoir bénéficié, il convient d’écarter cette argumentation comme non fondée.

116    En effet, rien ne permet de considérer que les responsables de détournement de fonds publics tunisiens ou les personnes leur étant associées, au sens de la décision 2011/72, ne sont visés par l’article 1er, paragraphe 1, de cette dernière que s’il leur est reproché d’avoir bénéficié du produit des actes à l’origine des poursuites entamées à leur égard.

117    Certes, les mesures imposées en vertu de la décision 2011/72 contribuent à faciliter la constatation d’actes commis au détriment des autorités tunisiennes relevant de la notion de détournement de fonds publics, au sens de la décision 2011/72, ainsi que la restitution du produit de tels détournements (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 206).

118    Une telle restitution est naturellement plus aisée lorsque les personnes dont les noms ont été inscrits sur la liste en question sont celles ayant directement bénéficié ou étant en possession du produit des actes qui leur sont reprochés. Or, restreindre la notion de « responsables de détournement de fonds publics tunisiens » et celle de personnes leur étant associées, au sens de la décision 2011/72, aux seuls bénéficiaires finaux du produit de tels actes compromettrait l’effet utile de cette dernière, eu égard à ses objectifs exposés aux points 67 et 68 ci-dessus. En effet, dans une telle hypothèse, faute pour le Conseil d’avoir établi de manière définitive que certaines personnes ou entités étaient en possession de fonds détournés, celles-ci, d’une part, disposeraient du temps nécessaire pour transférer ces fonds en dehors de l’Union et, d’autre part, pourraient également transférer ces fonds détournés vers les avoirs des personnes ou des entités qui leur sont associées et qui ne seraient pas visées par la mesure litigieuse.

119    De plus, il est à signaler que, ainsi qu’il a été exposé au point 107 ci-dessus, en cas d’application de l’article 96 du code pénal tunisien, l’article 98 dudit code prévoit la restitution des choses détournées ou de la valeur de l’intérêt ou du gain obtenus, même dans le cas où ces biens auront été transmis à des tiers. Rien ne permet, dès lors, d’exclure que le requérant, faisant l’objet d’une procédure pénale sur le fondement de l’article 96 dudit code pénal, soit condamné à une telle restitution.

120    Partant, afin de sauvegarder l’effet utile de la décision 2011/72, il convient d’assurer aux autorités tunisiennes la possibilité d’obtenir la restitution du produit des actes visés par ladite décision par toutes les voies dont ces autorités disposent et auprès de toute personne responsable du détournement de fonds publics tunisiens et de toute personne physique ou morale, de toute entité ou de tout organisme qui lui est associé.

121    Par ailleurs, s’agissant des allégations du requérant selon lesquelles les noms des bénéficiaires des actes en question ne figurent pas parmi ceux inscrits sur la liste en cause, il suffit de rappeler qu’il ne ressort pas de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 que le Conseil soit tenu d’y inscrire le nom de toute personne responsable de détournement de fonds publics tunisiens et de toute personne lui étant associée, encore moins de toute personne ayant bénéficié de tels actes. Le Conseil dispose, à cet égard, d’un large pouvoir d’appréciation lui permettant, le cas échéant, de ne pas soumettre une personne relevant de ces catégories à des mesures telles que la mesure litigieuse, s’il estime que, au regard de leurs objectifs, il ne serait pas opportun de le faire.

122    Enfin, le requérant invoque les circonstances de sa vie privée et professionnelle pour soutenir qu’il ne peut être considéré comme ayant privé le peuple tunisien des moyens de son développement ou ayant fait obstacle au développement démocratique de la Tunisie. Il soutient, plus particulièrement, qu’il n’a jamais exercé une quelconque fonction dans l’administration ou dans une entreprise publique.

123    Même à considérer que la base factuelle des allégations du requérant soit établie, les circonstances qu’il invoque ne sauraient entacher d’illégalité les actes en cause. Il suffit de rappeler que l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, qui définit les critères d’inclusion dans la liste litigieuse, ne vise que les personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et les personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés. Certes, le deuxième considérant de la décision 2011/72 indique que ces personnes « privent […] le peuple tunisien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays ». Toutefois, cette indication ne constitue pas une condition supplémentaire, qui doit être respectée lors de l’inscription du nom d’une personne sur la liste annexée à la décision 2011/72. Il s’agit uniquement d’une explicitation de l’objectif final poursuivi par cette dernière (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 143).

124    En ce qui concerne, plus spécifiquement, la question de savoir si le requérant a, lui-même, exercé une quelconque fonction publique, il convient de relever que, si, certes, le fait qu’une personne s’est vu confier des fonctions publiques pourrait constituer un élément susceptible d’être pris en considération afin d’apprécier si cette personne relève du champ d’application de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 (voir, en ce sens, arrêt [confidentiel]), l’exercice de telles fonctions ne constitue pas une condition nécessaire à l’application des dispositions susmentionnées.

125    Au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que, en inscrivant le nom du requérant sur la liste en cause, le Conseil a respecté les critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72. En effet, contrairement aux allégations ayant motivé l’inscription initiale du nom du requérant à l’annexe de ladite décision, les allégations de complicité d’abus de qualité par un fonctionnaire, sur lesquelles le Conseil s’est fondé pour l’adoption de la décision d’exécution 2013/409, présentent un lien direct et évident avec la notion de « détournement de fonds publics », au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72.

126    Il y a, dès lors, lieu de rejeter le premier moyen.

 Sur le moyen tiré d’une erreur de fait

127    Pour la première fois dans la réplique, le requérant fait valoir que l’argumentation du Conseil ne peut pas se fonder sur les attestations visées aux points 25 et 26 ci-dessus et que celle-ci, appuyée sur « des supputations et des extrapolations mal fondées », serait entachée « d’inexactitude et d’erreur manifeste d’appréciation ». Il convient, dès lors, de considérer que, en substance, le requérant vise à remettre en cause le caractère suffisant, du point de vue factuel, desdites attestations, « seuls éléments sur lesquels s’est fondé le Conseil », pour fonder l’inscription de son nom sur la liste en cause.

128    Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si ce moyen devrait être considéré comme un moyen nouveau, au sens de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du 2 mai 1991, force est de constater qu’il ne saurait, en tout état de cause, être accueilli.

129    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon la jurisprudence, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne déterminée sur la liste de celles faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique, en l’espèce, une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, afin de contrôler si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette décision, sont étayés (voir arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 45 et jurisprudence citée).

130    En particulier, le contrôle du bien-fondé de l’inscription du nom d’une partie requérante sur les listes des personnes faisant l’objet de mesures restrictives doit être effectué en appréciant si les faits allégués dans l’exposé des motifs justifiant cette inscription constituent une preuve suffisante que ladite partie requérante répond aux critères généraux fixés par le Conseil dans les actes litigieux pour délimiter le cercle des personnes susceptibles de faire l’objet de telles mesures. Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50 et jurisprudence citée). En outre, il résulte de la jurisprudence que, pour apprécier la nature, le mode et l’intensité de la preuve qui peut être exigée du Conseil, il convient de tenir compte de la nature et de la portée spécifique des mesures restrictives, ainsi que de leur objectif (voir, en ce sens, arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, points 74 à 85, et conclusions de l’avocat général Bot dans l’affaire Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:2, point 111).

131    Ainsi, lors de l’adoption d’une mesure en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, le Conseil doit procéder à une appréciation des éléments dont il dispose pour déterminer si une personne relève ou non de la notion de « responsable de détournement de fonds publics » ou bien de la catégorie des « associés » à un tel responsable. En l’espèce, le Conseil a procédé à l’appréciation des faits relatés dans les attestations visées aux points 25 et 26 ci-dessus et a conclu à l’adoption de la mesure litigieuse à l’encontre du requérant.

132    En tenant compte de ce qui a été exposé aux points 78 à 82 ci-dessus, il convient d’examiner, plus spécifiquement, si la seconde attestation constitue une base factuelle suffisamment solide pour l’adoption de la mesure litigieuse.

133    Il est à rappeler que cette attestation fait état d’une procédure pénale menée en Tunisie à l’encontre du requérant, pour des faits de « complicité dans [un] abus de qualité ». Or, il ressort de ce qui a été exposé à l’occasion de l’examen du moyen précédent que, en considérant que le requérant, faisant l’objet d’une procédure pénale menée par les autorités judiciaires tunisiennes pour de tels actes, relève de la notion « [de] responsables du détournement de fonds publics tunisiens et [des] personnes […] qui leur sont associés », au sens de la décision 2011/72, le Conseil n’a pas commis une erreur de droit.

134    Cela étant établi, il y a lieu de relever que la seconde attestation constitue une base factuelle suffisante pour fonder l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause. En effet, cette attestation mentionne l’affaire à laquelle elle se rapporte et le numéro sous lequel cette dernière est référencée, la qualité des personnes impliquées, la qualification pénale des faits dont ces personnes sont soupçonnées, le caractère antérieur au 14 janvier 2011 de ces faits ainsi que les dispositions du code pénal tunisien sur la base desquelles ces faits sont susceptibles d’être réprimés.

135    Force est de constater que le requérant ne fournit aucun élément concret de nature à remettre en cause l’exactitude des indications factuelles portées sur la seconde attestation et, notamment, l’existence de la procédure pénale qui y est visée. De même, aucun élément qui permettrait d’établir que cette procédure a été abandonnée ou que le requérant n’en a jamais fait l’objet ne ressort du dossier. Enfin, il importe de souligner qu’aucun élément du dossier ne saurait fonder des doutes quant à l’authenticité de la seconde attestation, qui, ainsi qu’il a été exposé au point 134 ci-dessus, contient des informations spécifiques et concrètes concernant une procédure pénale, dans le cadre de laquelle les autorités judiciaires tunisiennes mènent des investigations afin d’établir la responsabilité du requérant, et comporte la signature et le cachet du greffier du juge d’instruction du tribunal de première instance de Tunis ainsi que la signature du greffier en chef dudit tribunal, ce que le requérant ne remet pas en cause.

136    Il est exact que, dans ses observations du 7 janvier 2016, le requérant soutient que la seconde attestation ne bénéficie pas de plus de crédibilité que la première attestation, « dont [le Conseil] vient de reconnaître la nullité, dès lors qu’elle est rédigée dans les mêmes termes et que rien ne permet d’établir qu’il n’y a pas eu de confusion semblable ». Cependant, il suffit, à cet égard, de constater, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fiabilité des informations rapportées dans la première attestation (voir points 80 à 82 ci-dessus), que, malgré ses allégations, le requérant ne produit aucun élément concret susceptible de remettre en cause l’authenticité et la crédibilité de la seconde attestation.

137    S’agissant, par ailleurs, des arguments concernant la prétendue imprécision des faits rapportés dans la seconde attestation, que le requérant a développés notamment lors de l’audience, il y a lieu de les écarter. Certes, la seconde attestation n’expose pas en détail les faits qui font l’objet de la procédure pénale qui y est visée. Toutefois, ce constat n’est pas susceptible de remettre en cause le caractère suffisant de ladite attestation en tant que base factuelle pour l’adoption de la mesure litigieuse.

138    À cet égard, ainsi qu’il a été exposé aux points 68 et 71 du présent arrêt, la mesure litigieuse est dépourvue de connotation pénale et revêt une nature purement conservatoire. Par conséquent, il convient de considérer, à la lumière de la jurisprudence citée au point 130 ci-dessus, que les exigences s’imposant, en l’espèce, au Conseil en matière de preuves ne sauraient être strictement identiques à celles qui s’imposent à une autorité judiciaire nationale d’un État membre dans le cadre de la procédure pénale applicable et aux garanties offertes par cette procédure.

139    Ainsi, il importait, en l’espèce, que le Conseil vérifie, d’une part, dans quelle mesure les attestations visées au point 25 et 26 ci-dessus et, en tout état de cause, la seconde attestation permettaient d’établir que le requérant faisait l’objet d’une procédure pénale pour des faits susceptibles de relever du détournement de fonds publics et, d’autre part, si cette procédure permettait de qualifier le requérant conformément au critère fixé à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72.

140    Or, il résulte de l’examen du premier moyen que la procédure visée dans la seconde attestation permettait au Conseil de qualifier le requérant de personne associée à une personne ayant commis un détournement de fonds publics tunisiens au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 et, en conséquence, d’inclure le nom du requérant dans l’annexe de cette décision. De plus, ainsi qu’il a été exposé aux points 135 et 136 ci-dessus, aucun élément du dossier ne saurait permettre de contester le contenu de ladite attestation, à savoir que le requérant fait l’objet de la procédure qui y est visée.

141    Dans le cadre de la coopération régie par les actes litigieux, le Conseil ne saurait, certes, entériner en toutes circonstances les constatations des autorités judiciaires tunisiennes figurant dans les documents fournis par ces dernières (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 mai 2013, Al Matri/Conseil, T‑200/11, non publié, EU:T:2013:275). Il ne lui appartient pas, pour autant, en principe, d’examiner et d’apprécier lui-même l’exactitude et la pertinence des éléments sur lesquels ces autorités se fondent pour conduire, en l’espèce, la procédure pénale visée dans la seconde attestation. Cette interprétation est confirmée par l’arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C‑220/14 P, EU:C:2015:147), dans lequel la Cour a jugé, dans des circonstances analogues à celles de la présente affaire, qu’il appartenait au Conseil ou au Tribunal non pas de vérifier le bien-fondé des enquêtes dont les parties requérantes faisaient l’objet, mais uniquement de vérifier le bien-fondé de la décision de gel des fonds au regard de la demande d’entraide des autorités égyptiennes (arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C‑220/14 P, EU:C:2015:147, point 77).

142    Il peut, certes, être déduit, par analogie, de la jurisprudence en matière de mesures restrictives adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qu’il appartenait, en l’espèce, au Conseil, soumis à l’obligation de respecter le principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité les éléments de preuve qui lui avaient été transmis par les autorités tunisiennes au regard, en particulier, des observations et des éventuels éléments à décharge présentés par la partie requérante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 99 et 114, et du 5 novembre 2014, Mukarubega, C‑166/13, EU:C:2014:2336, point 48).

143    Toutefois, la Cour a jugé qu’il incombait à l’autorité compétente d’évaluer, eu égard, notamment, au contenu des observations éventuelles de la personne visée, la nécessité de solliciter la collaboration du comité des sanctions du Conseil de sécurité des Nations unies, pour obtenir la communication d’informations ou d’éléments de preuve, confidentiels ou non, qui lui permettent de s’acquitter de son devoir d’examen soigneux et impartial (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 115). De la même manière, dans le cadre des actes en cause, il appartenait au Conseil d’apprécier, en fonction des circonstances de l’espèce, la nécessité de mener des vérifications supplémentaires, en particulier de solliciter des autorités tunisiennes la communication d’éléments de preuve additionnels si ceux déjà fournis se révélaient insuffisants. Par ailleurs, dans le cadre de la faculté qui doit être conférée aux personnes visées de présenter des observations concernant les motifs que le Conseil envisage de retenir pour maintenir leur nom à l’annexe de ces actes, ces personnes sont susceptibles de présenter de tels éléments, voire des éléments à décharge, qui nécessiteraient que le Conseil conduise des vérifications supplémentaires.

144    En l’espèce, il convient de relever, tout d’abord, que, ainsi qu’il est exposé aux points 135 et 136 ci-dessus, le requérant ne produit et n’invoque aucun élément susceptible de remettre en cause l’existence de la procédure menée à son égard au sein du tribunal de première instance de Tunis, qui est certifiée par la seconde attestation.

145    Ensuite, s’agissant du bien-fondé de cette procédure, force est de constater qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’auraient été portées à la connaissance du Conseil des éléments de nature à justifier, à cet égard, une demande d’éclaircissement de cette institution auprès des autorités tunisiennes. Il ressort, en revanche, des éléments que le requérant a produits, pour la première fois, devant le Tribunal, annexés à ses observations du 7 janvier 2016, que, le 7 janvier 2014, celui-ci avait adressé au Conseil une lettre par laquelle il contestait la décision d’exécution 2013/409 en ce que celle-ci le concernait et demandait la communication de « tout élément utile permettant de caractériser les faits qui lui sont reprochés, leur date, le préjudice subi par l’administration, [ainsi que] le ou les bénéficiaires de l’infraction ».

146    Dans cette lettre, le requérant avait, notamment, allégué que, en adoptant la décision d’exécution 2013/409, le Conseil avait « céd[é] aux pressions du gouvernement tunisien qui cherche[rait] à tout prix à se venger du [confidentiel] » et qui, par le biais de son ministre de la Justice, « pousserait les [p]rocureurs de la République à engager des poursuites tous azimuts ». Il avait, par ailleurs, souligné que « beaucoup de dossiers roupill[aient] encore dans les bureaux des juges d’instruction et des inculpés présumés innocents séjourn[aient] illégalement dans les prisons tunisienne[s] », alors que « les quelques décisions judiciaires rendues dans des affaires similaires [avaient] démontré que les accusations [étaient] le plus souvent mal fondées et les mis en cause [avaient] été innocentés ». Pour appuyer ces allégations, le requérant s’était référé à deux affaires, prétendument analogues à celle le concernant, n’ayant pas, selon lui, abouti à des condamnations pénales, dont une concernerait [confidentiel]. Or, sans qu’il soit besoin d’examiner le caractère éventuellement tardif de la production de cette lettre devant le Tribunal, il y a lieu de constater que les éléments mis en avant dans celle-ci, qui ne concernaient ni le requérant lui-même ni la procédure pénale rapportée dans la seconde attestation, dont il fait l’objet en Tunisie, n’obligeaient pas le Conseil à procéder à des vérifications supplémentaires auprès des autorités tunisiennes.

147    À cet égard, il convient de relever que ni dans cette lettre ni, au demeurant, dans le cadre du présent litige le requérant n’a porté à la connaissance du Conseil les raisons pour lesquelles il contestait la réalité de cette procédure pénale et les éléments rapportés dans la seconde attestation.

148    Certes, selon la jurisprudence, c’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121). Toutefois, en l’espèce, dans la mesure où le Conseil a apporté des preuves de l’existence d’une procédure pénale menée à l’encontre du requérant, dont fait état la seconde attestation, il appartenait au requérant d’indiquer les éléments concrets sur lesquels il se fonde pour remettre en cause le bien-fondé de ladite procédure.

149    En effet, la jurisprudence n’impose pas au Conseil d’entreprendre systématiquement ses propres investigations ou d’opérer des vérifications en vue d’obtenir des précisions supplémentaires, lorsqu’il se fonde sur des éléments fournis par les autorités d’un pays tiers pour prendre des mesures restrictives à l’égard de personnes qui en sont originaires et qui y font l’objet de procédures judiciaires.

150    Il peut, néanmoins, être déduit, par analogie, de la jurisprudence citée au point 143 ci-dessus qu’il appartient au Conseil, dans un cas comme celui de l’espèce, d’apprécier la nécessité de mener des vérifications supplémentaires. Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 144 à 148 ci-dessus, il ne saurait être considéré qu’une telle nécessité ressortait, en l’espèce, des éléments du dossier.

151    Il peut, par ailleurs, être déduit des écritures du requérant que celui-ci entend se plaindre d’une partialité des autorités tunisiennes à son égard. Toutefois, aucun des éléments qu’il invoque ne saurait suffire à prouver que l’ouverture de la procédure pénale rapportée dans la seconde attestation serait incitée ou affectée par une telle prétendue partialité.

152    Par ailleurs, il convient de constater que le requérant, par les allégations présentées dans les observations déposées au greffe du Tribunal le 8 septembre 2015, tend à nouveau à indiquer l’existence d’une telle partialité à son égard ainsi qu’à remettre en cause la réalité des faits qui lui sont reprochés. Plus spécifiquement, en premier lieu, le requérant soutient que des faits de la même nature que ceux qui lui sont reprochés ont été commis par d’autres personnes qui n’ont, pour autant, pas fait l’objet de poursuites. En second lieu, le requérant fait référence à une procédure d’enquête ouverte en Tunisie contre le dirigeant d’une société immobilière qui aurait usé du [confidentiel]. À l’appui de ces allégations, le requérant produit des articles tirés de différents médias, écrits tant en arabe (et traduits par extraits) qu’en français, ainsi qu’une copie, en arabe, d’un arrêt de justice rendu le 27 novembre 2014.

153    En tout état de cause, indépendamment de la question de savoir si le retard dans la présentation des offres de preuve susmentionnées devrait être considéré comme justifié, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure ou, encore, si les nouvelles offres de preuve susvisées devraient être accompagnées d’une traduction complète, conformément à l’article 46, paragraphe 1, du même règlement de procédure, ces éléments ne sauraient infirmer la base factuelle sur laquelle s’appuie l’inscription du nom du requérant sur la liste figurant à l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2013/409.

154    En effet, selon les constatations exposées au point 133 du présent arrêt, dans la mesure où, par ces éléments de preuve, le requérant viserait à mettre en cause le caractère suffisant, sur le plan factuel, de la seconde attestation et, ainsi, faire valoir que le Conseil n’aurait pas dû s’appuyer sur cette dernière pour fonder l’adoption de la décision d’exécution 2013/409, il convient d’écarter cette argumentation dans son ensemble. En effet, il ressort des observations du requérant que lesdits éléments de preuve ne se réfèrent pas à la procédure pénale dont il fait l’objet en Tunisie, rapportée dans ladite attestation. Partant, les faits invoqués et les éléments de preuve produits, à les supposer établis et recevables, ne sont de nature à remettre en cause ni l’authenticité ni l’exactitude des éléments factuels dont le Conseil a tenu compte aux fins de l’adoption de la décision d’exécution 2013/409.

155    À la lumière de tout ce qui précède, il convient d’écarter le présent moyen dans son ensemble.

 Sur le moyen tiré d’une violation du droit de propriété

156    Le requérant fait valoir que, dépourvue de base légale, la décision d’exécution 2013/409 porte atteinte à l’exercice de son droit de propriété.

157    Il considère, à titre subsidiaire, que la limitation de l’exercice de son droit de propriété qu’implique la mesure litigieuse ne vise pas un objectif d’intérêt général reconnu comme tel par l’Union.

158    Enfin, à titre « infiniment subsidiaire », le requérant considère que la mesure litigieuse est disproportionnée en ce qu’elle l’a privé « du peu qui lui restait » [confidentiel] et qu’elle a eu des conséquences excessives, inhumaines et peu conformes aux objectifs recherchés. Il serait, ainsi, empêché de créer une activité professionnelle et de [confidentiel]. Le fait que les avoirs des auteurs principaux des actes en cause n’ont pas été gelés, alors que le requérant, poursuivi uniquement en tant que leur complice, fait l’objet de la mesure litigieuse, démontrerait, en outre, qu’il s’agit, en ce qui le concerne, d’une atteinte non justifiée et disproportionnée à son droit de propriété.

159    Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

160    Aux termes de l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux :

« Toute personne a le droit de jouir de la propriété des biens qu’elle a acquis légalement, de les utiliser, d’en disposer et de les léguer. Nul ne peut être privé de sa propriété, si ce n’est pour cause d’utilité publique, dans des cas et conditions prévus par une loi et moyennant en temps utile une juste indemnité pour sa perte. L’usage des biens peut être réglementé par la loi dans la mesure nécessaire à l’intérêt général. »

161    Il convient, dès lors, d’examiner si l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause a limité l’exercice de son droit de propriété et, en cas de réponse affirmative à cette question, si cette limitation est légale.

162    En l’espèce, le Conseil a gelé, par la décision 2011/72 telle que modifiée et prorogée, durant des périodes déterminées, les avoirs détenus par le requérant. Cette mesure constitue une mesure conservatoire, qui n’est, certes, pas censée priver ce dernier de son droit de propriété. Toutefois, elle comporte incontestablement une restriction à l’usage du droit de propriété, restriction qui, au surplus, doit être qualifiée de considérable, eu égard à la portée générale de la mesure de gel et compte tenu du fait que celle-ci a, en effet, été applicable depuis l’entrée en vigueur de la décision d’exécution 2011/79 et du règlement n° 101/2011. Ainsi, le Conseil doit être regardé comme ayant limité l’exercice, par le requérant, du droit visé à l’article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 195 et jurisprudence citée).

163    Ce droit n’apparaît toutefois pas comme une prérogative absolue et peut, par conséquent, faire l’objet de limitations, dans les conditions énoncées à l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 195 et jurisprudence citée).

164    Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la […] [c]harte [des droits fondamentaux] doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

165    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation à l’exercice du droit de propriété doit, en tout état de cause, répondre à une triple condition.

166    Premièrement, la limitation doit être « prévue par la loi ». En d’autres termes, la mesure dont il s’agit doit avoir une base légale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 198 et jurisprudence citée).

167    Deuxièmement, la limitation doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Au nombre de ces objectifs figurent ceux poursuivis dans le cadre de la PESC et visés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et d), TUE, à savoir le soutien à la démocratie, à l’État de droit et aux droits de l’homme ainsi qu’au développement durable des pays en développement dans le but essentiel d’éradiquer la pauvreté (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 199).

168    Troisièmement, la limitation ne doit pas être excessive. D’une part, elle doit être nécessaire et proportionnelle au but recherché. D’autre part, le « contenu essentiel », c’est‑à‑dire la substance, du droit ou de la liberté en cause ne doit pas être atteint (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 200 et jurisprudence citée).

169    En l’espèce, ces trois conditions sont remplies.

170    En effet, en premier lieu, la limitation à l’exercice du droit de propriété dont il s’agit doit être regardée comme étant « prévue par la loi », au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, étant donné que les critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72 ont été respectés (voir points 58 à 125 ci-dessus).

171    En deuxième lieu, la décision d’exécution 2013/409, fondée sur la décision 2011/72, poursuit les mêmes objectifs que cette dernière, à savoir ceux mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et d), TUE (voir points 67 et 68 ci-dessus). Partant, il convient de considérer que la mesure litigieuse contribue effectivement à la réalisation d’objectifs d’intérêt général.

172    En troisième lieu, compte tenu de la nature des motifs ayant justifié l’inscription du nom du requérant sur la liste en cause, de la période pendant laquelle ses fonds ont été gelés et du mécanisme dérogatoire prévu par la décision 2011/72, la restriction à l’exercice par celui-ci de son droit de propriété n’apparaît pas, contrairement à ce que prétend le requérant, disproportionnée.

173    Le principe de proportionnalité, en tant que principe général du droit de l’Union, exige, en effet, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 205 et jurisprudence citée).

174    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, la Cour a jugé qu’il convient de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations complexes. Elle en a déduit que seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée en ces domaines, par rapport à l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 120 et jurisprudence citée).

175    En l’espèce, au regard de l’importance des objectifs finaux de la mesure litigieuse, les conséquences négatives résultant de son application n’apparaissent pas, à première vue, manifestement démesurées (voir, par analogie, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 71).

176    En effet, cette mesure contribue, de manière efficace, à faciliter la constatation de détournements de fonds publics commis au détriment de l’État et du peuple tunisiens et permet qu’il soit plus aisé, pour les autorités dudit État, d’obtenir la restitution du produit de tels détournements. Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 58 à 125 du présent arrêt, le requérant fait l’objet d’une procédure pénale, dans le cadre de laquelle les autorités tunisiennes mènent des investigations afin d’établir sa responsabilité pour complicité dans des actes de « détournement de fonds publics tunisiens », au sens de la décision 2011/72 (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 206).

177    À cet égard, il ne ressort d’aucun élément du dossier que le Conseil pouvait envisager d’adopter des mesures moins contraignantes, mais tout autant appropriées que celles prévues par la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2013/409. Le requérant n’établit, par ailleurs, aucunement que de telles mesures auraient pu être envisagées (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 207).

178    En effet, en l’absence de décision juridictionnelle se prononçant sur le bien-fondé des accusations pesant sur le requérant en Tunisie, le Conseil ne pouvait, à la date d’adoption de la décision d’exécution 2013/409, ni connaître la nature ni indiquer lui-même le quantum des fonds publics prétendument détournés. Il n’était donc pas en mesure de faire le départ entre, d’une part, les avoirs susceptibles d’être entrés dans le patrimoine du requérant consécutivement à de tels détournements et, d’autre part, le restant des biens composant le patrimoine du requérant. Dans ces conditions, rien ne permettait au Conseil d’adopter une décision imposant, à titre d’exemple, un gel partiel des fonds du requérant (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 208).

179    Par ailleurs, d’une part, la mesure litigieuse présente, par nature, un caractère temporaire et réversible (voir point 162 ci-dessus) et ne porte, dès lors, pas atteinte au « contenu essentiel » du droit de propriété. D’autre part, conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision 2011/72, telle que modifiée, des dérogations au gel des fonds litigieux peuvent être autorisées afin de répondre, par exemple, aux « besoins fondamentaux » des intéressés, au remboursement de dépenses correspondant à la prestation de services juridiques ou, encore, à des « dépenses extraordinaires » (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 209).

180    En ce qui concerne, en outre, l’argument du requérant par lequel il allègue que le gel de ses avoirs a été maintenu, « de janvier 2011 au [confidentiel] », le [confidentiel] étant la date de prononcé de l’arrêt [confidentiel], sur le fondement d’une décision illégale et que la décision d’exécution 2013/409, n’ayant aucun effet rétroactif, n’a pas pu couvrir cette illégalité de la restriction du droit de propriété pour la période en question, il convient de l’écarter. En effet, dans la mesure où la restriction au droit de propriété résultant de la décision d’exécution 2013/409 serait, selon ce qui vient d’être exposé, jugée conforme aux exigences de l’article 52 de la charte des droits fondamentaux, le fait que les conséquences de l’illégalité constatée par l’arrêt [confidentiel] n’ont pas été levées en ce qui concerne le requérant ne constitue pas un grief autonome susceptible de mettre en cause la légalité de la décision d’exécution 2013/409, cette décision d’exécution n’étant pas applicable à la situation du requérant antérieure au 31 juillet 2013, date de son entrée en vigueur.

181    S’agissant, par ailleurs, de l’absence de mesures prises à l’égard des prétendus auteurs principaux des actes visés dans les attestations mentionnées aux points 25 et 26 ci-dessus, il convient de relever que le requérant ne peut valablement invoquer une telle circonstance dans le cadre du présent recours. Ainsi que le rappelle à juste titre le Conseil, conformément à la jurisprudence, même à supposer que ce dernier ait été tenu d’adopter des mesures de gel des fonds à l’égard de certaines personnes responsables de « détournement de fonds publics tunisiens », au sens de la décision 2011/72, telle que modifiée, et qu’il ait effectivement omis de procéder à leur adoption, le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 59 et jurisprudence citée).

182    Il y a, enfin, lieu d’examiner l’argument du requérant selon lequel il aurait été, en raison du gel de ses avoirs, empêché de « créer une activité professionnelle » (voir point 158 ci-dessus). Présenté dans la partie de la requête consacrée au caractère prétendument disproportionné de la restriction à l’usage du droit de propriété du requérant, il convient de constater, à l’instar du Conseil, que cet argument n’est pas de nature à remettre en cause le raisonnement exposé ci-dessus.

183    Néanmoins, il peut être déduit de cet argument que le requérant entend, en réalité, invoquer, à l’encontre de la décision d’exécution 2013/409, une violation de sa liberté professionnelle, de son droit de travailler ainsi que de sa liberté d’entreprise, tels que consacrés respectivement aux articles 15 et 16 de la charte des droits fondamentaux.

184    À cet égard, il ressort de la lecture combinée de l’article 15, paragraphe 3, et de l’article 16 de la charte des droits fondamentaux que la liberté professionnelle et le droit de travailler ainsi que la liberté d’entreprise ne peuvent être utilement invoqués par une personne physique ressortissante d’un pays tiers qu’à condition que, d’une part, le séjour de cette personne sur le territoire de l’Union soit régulier et, d’autre part, l’exercice d’une activité industrielle ou commerciale échappe, dans au moins un État membre, à un régime d’autorisation.

185    En l’espèce, il ressort de la décision d’exécution 2013/409 que le requérant est ressortissant tunisien. Dans sa requête, il a déclaré être domicilié [confidentiel], et il ressort des éléments produits devant le Tribunal qu’[confidentiel]. Toutefois, le requérant ne produit aucun élément susceptible d’établir qu’il est en mesure de séjourner légalement en [confidentiel], ou dans un autre État membre, et ne justifie pas plus être à même d’exercer une activité professionnelle ou économique dans au moins un État membre, sans avoir à solliciter, préalablement, une autorisation à cette fin. Il ne justifie, d’ailleurs, même pas avoir été autorisé, antérieurement à l’adoption de la décision 2011/72, à mener sur le territoire d’un État membre, en tant que ressortissant d’un pays tiers, une activité économique à des fins lucratives (arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, point 225). Par conséquent, même à considérer que le requérant entende invoquer une violation de sa liberté professionnelle et de sa liberté d’entreprise à l’encontre de la décision d’exécution 2013/409, il n’est pas fondé à prétendre que cette décision a eu pour effet de lui interdire d’exercer une activité économique au sein de l’Union.

186    En tout état de cause, force est de constater que la décision en cause tend uniquement à geler les avoirs du requérant. Ce faisant, elle n’entrave pas, par elle-même, l’obtention, par le requérant, d’un titre de séjour l’autorisant à exercer une activité professionnelle, ni ne s’oppose à ce qu’il exerce une telle activité.

187    Enfin, même à considérer que la mesure litigieuse ait eu pour conséquence de restreindre le droit du requérant de créer une activité professionnelle, ainsi qu’il a été rappelé au point 166 ci-dessus, une mesure telle la mesure litigieuse a, par définition, des conséquences négatives considérables. Dès lors, une telle mesure est susceptible d’apporter des restrictions aux droits et libertés évoqués au point 183 ci-dessus, à condition qu’elles soient, conformément à l’article 52, paragraphe 1, de la charte de droits fondamentaux, prévues par le droit de l’Union, qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui et qu’elles soient proportionnelles au but poursuivi.

188    Eu égard à ce qui a été exposé ci-dessus quant au moyen tiré de la prétendue violation du droit de propriété du requérant, la restriction prétendument apportée aux droits et libertés mentionnés au point 183 ci-dessus doit être considérée comme étant prévue par la loi (voir, mutatis mutandis, point 170 ci-dessus), vise un objectif d’intérêt général (voir, mutatis mutandis, point 171 ci-dessus) et n’est pas démesurée par rapport à ce dernier (voir, mutatis mutandis, points 172 à 180 ci-dessus).

189    À la lumière des constatations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir

190    Le requérant fait valoir que le but du Conseil et de l’État tunisien « est manifestement de “punir” toutes les personnes ayant [confidentiel] ». Il soutient que l’annulation de la décision d’exécution 2011/79 en ce qu’elle le concernait par l’arrêt [confidentiel], « ne semble pas décourager le Conseil et l’État tunisien de leur volonté de [confidentiel] ». invoque, à cet égard, des extraits de différents sites Internet qui démontreraient une telle volonté. Le requérant semble, en outre, considérer que les deux attestations citées aux points 25 et 26 ci-dessus ont été établies « dans ce contexte ». Il évoque, par ailleurs, d’une part, une note verbale de la délégation de l’Union européenne en Tunisie, datée du 25 janvier 2011, adressée au ministère des Affaires étrangères tunisien, demandant une liste des personnes physiques et morales concernées afin de pouvoir lancer les éventuelles mesures de sanction « à l’encontre de ces personnes physiques et/ou morales que la Tunisie souhaite punir » et, d’autre part, un document signé par le sous-directeur de l’identité nationale de la direction générale de la sûreté publique de la République tunisienne et adressé au doyen des juges d’instruction du tribunal [confidentiel], dressant une liste des [confidentiel], à la suite des instructions verbales que ledit juge d’instruction aurait transmises à la direction susmentionnée.

191    Il souligne, enfin, que son nom a été à nouveau inscrit sur la liste « au seul motif qu’[confidentiel], car, si réellement le but poursuivi [par le Conseil] était d’intérêt général, les auteurs principaux [des actes visés dans les attestations susmentionnées, à savoir l’ex-PDG de [confidentiel] et l’ex-PDG de [confidentiel],] se trouveraient » sur la liste litigieuse.

192    Le Conseil réfute l’argumentation du requérant.

193    Selon une jurisprudence constante, constitue un détournement de pouvoir l’adoption d’un acte dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par les traités pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 15 mai 2008, Espagne/Conseil, C‑442/04, EU:C:2008:276, point 49 et jurisprudence citée).

194    En l’espèce, il ressort des considérants 1 et 2 de la décision 2011/72 (voir point 2 ci-dessus) que l’objectif excipé par le Conseil est d’appuyer les « efforts déployés [par le peuple tunisien] pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ».

195    Par ailleurs, il ressort tant des dispositions mêmes de la décision 2011/72 que du contexte dans lequel celle-ci a été adoptée qu’elle s’inscrit dans le cadre d’une politique mise en place dans une situation d’urgence et destinée, effectivement, à favoriser la stabilisation tant politique qu’économique de la Tunisie ainsi que la consolidation des liens entre l’Union et le nouveau gouvernement de cet État.

196    Force est de constater que le requérant n’invoque aucun élément spécifique de nature à démontrer que la mesure litigieuse a été adoptée à son égard pour des raisons autres que celles qui sont exposées aux points 194 et 195 ci-dessus. Un tel élément ne ressort, par ailleurs, aucunement du dossier.

197    Il convient, plus spécifiquement, d’écarter l’argumentation du requérant selon laquelle son nom a été inscrit sur la liste en cause uniquement du fait qu’[confidentiel] et que, par conséquent, la mesure de gel des fonds adoptée à son égard témoignerait de l’intention du Conseil d’adopter de telles mesures à l’encontre de toute personne [confidentiel].

198    [confidentiel]

199    Toutefois, cette jurisprudence n’est pas pertinente en l’espèce, dans la mesure où aucun élément du dossier ne permet de considérer que la mesure litigieuse, telle que motivée à la suite de l’adoption de la décision d’exécution 2013/409, a été adoptée à l’encontre du requérant dans le but exclusif ou, à tout le moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées, au sens de la jurisprudence citée au point 193 ci-dessus, et encore moins dans le but exclusif de geler les fonds de [confidentiel].

200    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance, invoquée par le requérant, que, dans sa note verbale en date du 25 janvier 2011 adressée aux autorités tunisiennes, la délégation de l’Union en Tunisie avait demandé à ces dernières une liste de personnes que la Tunisie souhaiterait « punir ». En effet, les termes employés par ladite délégation dans la note verbale en question ne sauraient suffire à établir que la mesure de gel des fonds litigieuse a été adoptée à l’égard du requérant pour des raisons autres que celles excipées, au sens de la jurisprudence citée au point 193 ci-dessus. En tout état de cause, force est de constater que, d’une part, la délégation de l’Union s’y réfère à des personnes susceptibles d’être « punies » par les autorités tunisiennes elles-mêmes et non par les institutions de l’Union et, d’autre part, la note verbale susmentionnée ne fait aucunement référence au requérant, ni à aucune autre personne liée, spécifiquement, à [confidentiel].

201    Il en va de même du document signé par le sous-directeur de l’identité nationale de la direction générale de la sûreté publique de la République tunisienne, visé au point 190 ci-dessus. Ce document, qui, certes, comporte le nom du requérant ainsi que les noms d’autres personnes portant le même nom de famille, ne constitue, néanmoins, que la preuve d’échanges entre différentes autorités tunisiennes et n’est, par conséquent, pas pertinent pour déterminer les intentions du Conseil ayant motivé l’adoption de la mesure litigieuse. Il ne saurait, dès lors, être pris en compte afin d’apprécier si cette mesure a été adoptée par le Conseil dans le but d’atteindre des fins autres que celles excipées dans la décision 2011/72.

202    S’agissant, enfin, de l’absence de mesures prises à l’encontre des auteurs principaux des actes décrits dans les attestations mentionnées aux points 25 et 26 ci-dessus, indépendamment des constatations exposées au point 181 ci-dessus, il y a lieu de relever que cette circonstance ne saurait non plus, en elle-même, suffire à établir que le Conseil a adopté la décision d’exécution 2013/409 dans le but exclusif ou, tout au moins, déterminant d’atteindre des fins autres que celles excipées, au sens de la jurisprudence citée au point 193 ci-dessus.

203    Partant, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense

204    Par ses observations déposées auprès du greffe du Tribunal le 8 septembre 2015, le requérant fait, pour la première fois, état d’une « violation flagrante [de ses] droits de la défense ».

205    Ce moyen constitue, ainsi, un moyen nouveau, au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure. Afin de se prononcer sur sa recevabilité, il conviendrait, dès lors, d’examiner si ce moyen se fonde sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, au sens de ces dispositions du règlement de procédure.

206    Force est de constater, toutefois, que le requérant reproche, sur ce point, au Conseil de ne pas lui avoir communiqué, en temps utile, des informations telles que celles figurant dans la note verbale datée du 23 mars 2015, visée au point 94 ci-dessus. Il considère que de telles informations étaient primordiales pour sa défense et qu’il n’a, compte tenu de leur communication tardive, pas été mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue à leur sujet. Le requérant relève, à cet égard, qu’il avait soulevé « ce manquement », dans des observations qu’il aurait adressées au Conseil postérieurement à l’adoption de la décision d’exécution 2013/409, à savoir le 7 janvier 2014.

207    Néanmoins, d’une part, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé au point 104 ci-dessus, la note verbale susvisée est postérieure à l’adoption de la décision d’exécution 2013/409 et n’aurait pu, par conséquent et en tout état de cause, ni être communiquée au requérant avant l’adoption de ladite mesure ni être prise en compte dans le cadre de l’appréciation de la légalité de la mesure litigieuse.

208    D’autre part, à l’occasion de l’examen des premier et deuxième moyens, le Tribunal a constaté que le Conseil avait adopté la décision d’exécution 2013/409 conformément aux critères établis à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72, sur le fondement d’une base factuelle suffisante. Partant et étant donné que le requérant ne présente aucun argument susceptible de remettre en cause ces constatations et n’établit pas comment les informations figurant dans la note verbale susmentionnée lui auraient permis de mieux assurer sa défense (voir, par analogie, arrêt du 4 février 2014, Syrian Lebanese Commercial Bank/Conseil, T‑174/12 et T‑80/13, EU:T:2014:52, point 146), il y a lieu de rejeter le présent moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, et, par conséquent, de rejeter les conclusions en annulation dans leur ensemble.

 Sur les conclusions en indemnité

209    Le requérant allègue que lui et [confidentiel] ont subi un préjudice matériel et moral « depuis l’adoption de la décision 2011/72 » et « jusqu’à aujourd’hui ». Il fait valoir qu’il n’est titulaire que d’un seul compte bancaire à l’étranger, plus spécifiquement en [confidentiel], et qu’il a été très difficile d’obtenir des autorités [confidentiel] le déblocage ou la mise à disposition des sommes nécessaires pour répondre à ses besoins fondamentaux. Il se plaint des complications survenues lors du processus de ce déblocage et il allègue que, en raison de ce contexte, [confidentiel]. Il considère que les préjudices dont il se prévaut sont la conséquence directe de la première décision de gel de ses avoirs, annulée par le Tribunal et remplacée par la décision d’exécution 2013/409. En réparation de ces préjudices, il demande que le Conseil soit condamné à lui verser une somme de 100 000 euros.

210    Pour sa part, le Conseil considère que le requérant n’apporte de preuves suffisantes ni quant à l’existence des préjudices allégués ni quant à leur étendue et que la seule démonstration du gel de ses comptes bancaires n’y suffit pas. Il allègue, en outre, que les refus, de la part des autorités d’un État membre, d’octroi de fonds qui permettraient au requérant de [confidentiel] peuvent faire l’objet de recours devant les autorités compétentes de cet État, de la responsabilité duquel relève tout préjudice en ayant résulté.

 Sur la recevabilité

211    Il importe de rappeler que les conclusions du requérant en indemnité tendent à la réparation de préjudices que celui-ci aurait subis « depuis l’adoption de la décision 2011/72 » et jusqu’au moment de la rédaction de la requête, à savoir le 15 juillet 2014.

212    Le requérant rappelle, en outre, au point 11 de la requête, que le Conseil a adopté, le même jour que la décision d’exécution 2011/79, à savoir le 4 février 2011, le règlement n° 101/2011, dont l’article 2, paragraphes 1 et 2, reprenait, en substance, les dispositions de la décision 2011/72 et qui comprenait une annexe I identique à l’annexe de ladite décision, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79. Il souligne, par ailleurs, que l’annexe I du règlement n° 101/2011 a été modifiée par le règlement n° 735/2013, adopté le même jour que la décision d’exécution 2013/409. Le requérant produit, enfin, annexées à la requête, des copies des règlements n° 101/2011 et n° 735/2013.

213    Au vu de ce qui vient d’être exposé, d’une part, il convient de constater que la période sur laquelle porte la demande en indemnité du requérant doit être regardée comme ayant débuté le 5 février 2011, date à laquelle, à la suite de l’entrée en vigueur de la décision d’exécution 2011/79, est entré en vigueur le règlement n° 101/2011.

214    D’autre part, s’agissant de la fin de ladite période, il y a lieu de relever que le requérant ne se réfère aucunement à des actes pris par le Conseil à la suite de l’adoption de la décision d’exécution 2013/409 et du règlement n° 735/2013. Il convient, ainsi, de considérer que la période en cause a pris fin le 31 janvier 2014, à savoir à l’expiration de la mesure appliquée à l’égard du requérant en vertu de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2013/409, et en vertu du règlement n° 101/2011, tel que modifié par le règlement n° 735/2013.

215    Or, ainsi qu’il ressort des points 13, 18 et 19 ci-dessus, le requérant a déjà introduit des recours à l’encontre des actes adoptés par le Conseil pendant la période en cause. Il a, en effet, introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision d’exécution 2011/79 et, d’autre part, à l’indemnisation des préjudices qu’il aurait subis du fait du gel de ses fonds [confidentiel]. Par son arrêt, passé en force de chose jugée, le Tribunal a rejeté ces conclusions comme manifestement irrecevables. Ensuite, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2012/50, ayant donné lieu à l’ordonnance [confidentiel]. Ce recours ne comportait pas de conclusions en indemnité.

216    Selon une jurisprudence bien établie, la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, selon laquelle est irrecevable un recours qui oppose les mêmes parties, porte sur le même objet et est fondé sur la même cause qu’un recours déjà tranché, est d’ordre public et doit donc être examinée d’office par le juge. Il ressort de la même jurisprudence que l’autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par la décision juridictionnelle en cause (voir arrêt du 30 septembre 2009, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2009:372, point 20 et jurisprudence citée).

217    En particulier, s’agissant des conclusions en indemnité tendant à la réparation du préjudice subi par le requérant du fait de l’adoption des mesures de gel de ses avoirs prétendument illégales, il a été jugé que l’autorité de la chose jugée qui s’attache à un arrêt ayant rejeté de telles conclusions au motif que ni la réalité et l’étendue des préjudices allégués ni l’existence d’un lien de causalité entre eux et les illégalités de fond invoquées au soutien de cette demande n’avaient été établies à suffisance de droit, s’oppose à ce que le requérant puisse demander à nouveau la réparation d’un préjudice correspondant à celui dont la demande de réparation au même titre a déjà été rejetée (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2009, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2009:372, points 21 à 25 et jurisprudence citée).

218    Néanmoins, en l’espèce, ainsi qu’il a été rappelé au point 215 ci-dessus, l’arrêt [confidentiel] n’a aucunement tranché la question de la réalité du préjudice allégué pour la période concernée. Le Tribunal s’est borné à constater l’irrecevabilité manifeste des conclusions en indemnité que comportait le recours dans cette affaire, dès lors que, à la différence de la requête présentée dans la présente affaire, la requête présentée dans cette précédente affaire ne contenait aucun indice permettant d’identifier avec certitude la nature exacte du préjudice invoqué, le lien de causalité éventuel entre le comportement reproché au Conseil et ce préjudice ni, d’ailleurs, des moyens explicites au soutien desdites conclusions [confidentiel].

219    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que les conclusions du requérant en indemnité sont recevables en ce qu’elles visent la réparation des préjudices prétendument subis par le requérant du fait de l’application de la mesure du gel de ses fonds pendant la période allant du 5 février 2011 au 31 janvier 2014.

 Sur le fond

220    Selon une jurisprudence constante, le bien-fondé d’un recours en indemnité introduit au titre de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 11 juillet 1996, International Procurement Services/Commission, T‑175/94, EU:T:1996:102, point 44). Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, points 19 et 81, et du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:T:2006:121, point 77).

–       Sur l’illégalité du comportement reproché au Conseil

221    En l’espèce, s’agissant, tout d’abord, de la condition relative au comportement illégal reproché à l’institution ou à l’organe concerné, il ressort des points 53 à 208 du présent arrêt que la décision d’exécution 2013/409 n’est entachée d’aucune illégalité, en ce que celle-ci concerne le requérant. Ainsi, l’inscription du nom du requérant à l’annexe I du règlement n° 101/2011, tel que modifié par le règlement n° 735/2013, en ce qu’elle est fondée sur des motifs identiques à ceux figurant sur la liste annexée à la décision d’exécution 2013/409, ne saurait non plus être considérée comme étant entachée d’illégalité. Partant, pour autant que les conclusions en indemnité se rapportent à la période postérieure au 31 juillet 2013, à savoir postérieure à l’entrée en vigueur de la décision d’exécution 2013/409 et du règlement n° 735/2013 (voir point 30 ci-dessus), elles doivent être rejetées, une des conditions mentionnées au point 220 ci‑dessus faisant défaut, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les autres conditions sont, ou non, remplies au regard de ladite période.

222    En revanche, s’agissant de la période antérieure, à savoir la période allant du 5 février 2011 au 31 juillet 2013, en premier lieu, il est à rappeler que, par l’arrêt [confidentiel], l’annexe de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, a été annulée en tant qu’elle concernait le requérant, pour illégalité des motifs justifiant l’inscription de son nom sur la liste en cause, motifs identiques à ceux justifiant l’inscription du nom du requérant à l’annexe I du règlement n° 101/2011. En deuxième lieu, entre l’adoption de la décision d’exécution 2011/79 et le [confidentiel], date du prononcé de l’arrêt [confidentiel], deux décisions prorogeant l’application de la décision 2011/72 telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79 ont été adoptées, à savoir la décision 2012/50 et la décision 2013/72 (voir points 16 et 20 ci-dessus), sans que les motifs invoqués aux fins de l’inscription du nom du requérant à l’annexe de la décision 2011/72 et à l’annexe I du règlement n° 101/2011 soient modifiés. En troisième lieu, il est à relever que, malgré l’annulation de la décision 2011/72, telle que modifiée par la décision d’exécution 2011/79, en ce que celle-ci concernait le requérant, par l’arrêt [confidentiel], les effets de celle-ci ont été maintenus jusqu’à ce que ledit arrêt devienne définitif, alors que la décision d’exécution 2013/409 et le règlement n° 735/2011 ont été adoptés et sont entrés en vigueur avant cette échéance, à savoir le 31 juillet 2013.

223    Ainsi, la mesure litigieuse a été, en réalité, applicable, en vertu de la décision 2011/72, telle que prorogée, en dernier lieu, par la décision 2013/72, et du règlement n° 101/2011, tel que modifié, à l’encontre du requérant, sans interruption, jusqu’au 31 juillet 2013.

224    Il ressort de tout ce qui précède que, pendant la période comprise entre le 5 février 2011 et le 31 juillet 2013, la mesure litigieuse a été appliquée à l’encontre du requérant sur le fondement de motifs qui, selon ce qui a été jugé dans l’arrêt [confidentiel], doivent être considérés comme n’étant pas conformes aux critères énoncés dans l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72. Il est ainsi à considérer que le comportement dont résulteraient les préjudices prétendument subis par le requérant pendant cette période était entaché d’illégalité, au sens de la jurisprudence citée au point 220 ci-dessus.

225    À cet égard, il importe de rappeler que la Cour a déjà précisé à maintes reprises que, pour que la condition de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union s’agissant de l’illégalité du comportement reproché aux institutions soit remplie, il faut que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, à savoir une méconnaissance manifeste et grave, par l’institution concernée, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 10 juillet 2014, Nikolaou/Cour des comptes, C‑220/13 P, EU:C:2014:2057, point 53 et jurisprudence citée).

226    En l’espèce, il convient, toutefois, de rejeter les conclusions en indemnité du requérant pour les motifs exposés ci-après, sans qu’il soit besoin d’examiner si l’illégalité constatée au point 222 ci-dessus constitue une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union, au sens de la jurisprudence citée au point 225 ci-dessus.

–       Sur la réalité des préjudices prétendument subis par le requérant

227    Selon la jurisprudence, il appartient au requérant de prouver que la condition tenant à l’existence d’un préjudice réel et certain est remplie (voir arrêt du 9 novembre 2006, Agraz e.a./Commission, C‑243/05 P, EU:C:2006:708, point 27 et jurisprudence citée) et, plus particulièrement, d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du 16 septembre 1997, Blackspur DIY e.a./Conseil et Commission, C‑362/95 P, EU:C:1997:401, point 31 et jurisprudence citée). Plus spécifiquement, toute demande en réparation d’un préjudice, qu’il s’agisse d’un préjudice matériel ou d’un préjudice moral, à titre symbolique ou pour l’obtention d’une véritable indemnité, doit préciser la nature du préjudice allégué au regard du comportement reproché et, même de façon approximative, évaluer l’ensemble de ce préjudice (voir arrêt du 26 février 2015, Sabbagh/Conseil, T‑652/11, non publié, EU:T:2015:112, point 65 et jurisprudence citée).

228    En ce qui concerne plus particulièrement le préjudice immatériel, si la présentation d’une offre de preuve n’est pas nécessairement considérée comme une condition de la reconnaissance d’un tel préjudice, il incombe tout au moins à la partie requérante d’établir que le comportement reproché à l’institution concernée était de nature à lui causer un tel préjudice (voir arrêt du 16 octobre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑297/12, non publié, EU:T:2014:888, point 31 et jurisprudence citée).

229    S’agissant des préjudices invoqués par le requérant, ce dernier fait valoir que lui et [confidentiel] ont subi « un préjudice matériel et moral » et il demande que le Conseil soit condamné à lui verser la somme de 100 000 euros en réparation. Il cite plusieurs événements et circonstances [confidentiel] qui fonderaient sa demande, sans pour autant distinguer entre ceux qui seraient susceptibles de constituer, d’une part, un préjudice matériel et, d’autre part, un préjudice moral et sans estimer plus spécifiquement les sommes qui correspondraient, d’une part, à son prétendu préjudice matériel et, d’autre part, à son prétendu préjudice moral.

230    Ainsi, le requérant allègue que, en raison du gel de ses avoirs, il a été nécessaire pour lui de [confidentiel]. À l’appui de ces allégations, le requérant produit [confidentiel].

231    [confidentiel]

232    [confidentiel]

233    [confidentiel]

234    [confidentiel]

235    [confidentiel]

236    Parmi les préjudices prétendument subis par le requérant et exposés ci-dessus, seul est susceptible d’être qualifié de préjudice matériel un manque à gagner qui résulterait de [confidentiel].

237    Pour le reste, dans la mesure où le requérant prétend, en substance, d’une part, qu’[confidentiel] et, d’autre part, que [confidentiel], il n’invoque, en réalité, pas un préjudice matériel, mais un préjudice moral lié à la situation de [confidentiel], situation qui serait insupportable sur un plan psychologique (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 septembre 2014, Kadhaf Al Dam/Conseil, T‑348/13, non publié, EU:T:2014:806, points 113 et 114).

238    En ce qui concerne, d’une part, le préjudice allégué sous la forme d’un manque à gagner, force est de constater qu’aucun des éléments de preuve produits par le requérant n’est susceptible de justifier de la réalité, et a fortiori du quantum, dudit préjudice (voir, par analogie, arrêt du 2 avril 2014, Ben Ali/Conseil, T‑133/12, non publié, EU:T:2014:176, point 99). La seule mention d’[confidentiel] et d’un montant de 100 000 euros, sans plus de précisions quant à la partie de cette somme qui devrait être allouée au titre du préjudice matériel prétendument subi, ainsi que les éléments de preuve cités ci-dessus ne peuvent être regardés comme des preuves concluantes ni de l’existence ni de l’étendue du préjudice allégué, au sens de la jurisprudence citée au point 227 ci-dessus. À cet égard, il convient de relever que le requérant ne fait aucunement mention de la profession qu’il aurait exercée avant que [confidentiel] et ne produit aucun élément portant sur son activité professionnelle antérieure et, notamment, sur les revenus qu’il en percevait. De tels éléments pourraient servir d’indices lors de la détermination de la portée du préjudice prétendument subi, qui serait, en l’espèce, constitué par la différence entre les revenus que le requérant aurait dû percevoir, selon le cours normal des choses, pendant la période concernée, et les revenus qu’il aurait, le cas échéant, effectivement perçus pendant cette même période (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C‑104/89 et C‑37/90, EU:C:1992:217, point 26). Force est de constater que le seul statut d’une société [confidentiel], daté du 23 mai 2011, à savoir postérieurement à la première inscription de son nom sur la liste en cause, ne saurait servir d’indice pour déterminer la portée du préjudice matériel prétendument subi.

239    Pour ce qui est, d’autre part, du préjudice moral invoqué par le requérant, indépendamment de la pertinence de chacun des éléments de preuve produits par celui-ci, il convient de constater que le comportement illégal reproché au Conseil peut être de nature à avoir causé un tel préjudice dans les circonstances de l’espèce, au sens de la jurisprudence citée au point 228 ci-dessus.

240    À cet égard, il convient de rappeler que, si la reconnaissance de l’illégalité d’un acte ne peut, en tant que telle, réparer un préjudice matériel, elle est néanmoins de nature à constituer une forme de réparation du préjudice moral que l’intéressé a subi du fait de cette illégalité (voir arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 72 et jurisprudence citée). Toutefois, selon les circonstances de l’espèce, il se peut que l’annulation des actes dont a résulté le comportement illégal reproché à l’institution concernée ne soit pas susceptible de constituer une réparation intégrale du préjudice subi, mais uniquement de modérer le montant de l’indemnisation accordée (arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 86). Dans les circonstances de la présente espèce, une telle réparation des préjudices moraux prétendument subis par le requérant ne serait pas à exclure.

241    Cependant, force est de constater que les éléments produits et invoqués par le requérant ne permettent pas, en tout état de cause, d’établir un lien de causalité direct entre les préjudices, morals ou matériels, prétendument subis par le requérant et le comportement illégal qu’il reproche au Conseil.

–       Sur l’existence d’un lien de causalité

242    Selon une jurisprudence constante, un lien de causalité, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est admis lorsqu’il existe un lien certain et direct de cause à effet entre la faute commise par l’institution concernée et le préjudice invoqué, lien dont il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve (arrêts du 15 janvier 1987, GAEC de la Ségaude/Conseil et Commission, 253/84, EU:C:1987:9, point 20, et du 30 janvier 1992, Finsider e.a./Commission, C‑363/88 et C‑364/88, EU:C:1992:44, point 25). Le préjudice allégué doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice, alors qu’il n’y a pas d’obligation de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, d’une situation illégale (arrêts du 4 octobre 1979, Dumortier e.a./Conseil, 64/76, 113/76, 167/78, 239/78, 27/79, 28/79 et 45/79, EU:C:1979:223, point 21, et du 10 mai 2006, Galileo International Technology e.a./Commission, T‑279/03, EU:T:2006:121, point 130).

243    Il est également à rappeler que, selon un principe commun aux systèmes juridiques des États membres, la personne lésée, au risque de devoir supporter elle-même le dommage, doit faire preuve d’une diligence raisonnable pour limiter la portée du préjudice (voir ordonnance du 12 mai 2010, Pigasos Alieftiki Naftiki Etaireia/Conseil et Commission, C‑451/09 P, non publiée, EU:C:2010:268, point 39 et jurisprudence citée). Cela étant, il serait cependant contraire au principe d’effectivité d’imposer aux personnes lésées d’avoir systématiquement recours à toutes les voies de droit à leur disposition quand bien même cela engendrerait des difficultés excessives ou ne pourrait être raisonnablement exigé d’eux (arrêt du 24 mars 2009, Danske Slagterier, C‑445/06, EU:C:2009:178, point 62).

244    En l’espèce, le requérant prétend, en substance, que tous les préjudices présentés aux points 230 à 234 ci-dessus sont la conséquence directe du comportement reproché au Conseil pendant la période concernée.

245    Or, le requérant affirme avoir tenté d’obtenir, auprès de l’État membre compétent, à savoir [confidentiel], le déblocage de certaines sommes afin de [confidentiel], en mettant l’accent sur le fait que la démarche s’est avérée être d’une grande difficulté. Il précise qu’il a dû réitérer sa demande plusieurs fois auprès des autorités compétentes et que, lorsque ces dernières ont, finalement, donné leur accord, il n’a pas été possible de bénéficier d’un déblocage effectif de ses comptes.

246    Il importe de relever, à cet égard, que le requérant fait valoir que c’est « dans ces conditions » que lui et [confidentiel] ont subi les préjudices dont il fait état dans sa requête. Dans sa réponse aux questions écrites que lui a adressées le Tribunal, le requérant a réitéré cette affirmation, en ajoutant qu’il a pu finalement obtenir, « avec beaucoup de retard et de difficulté », le paiement de « certaines dépenses », dans des « conditions attentatoires à la dignité », ce qui [lui aurait] causé un « préjudice certain et directement lié à la réglementation fixée par le Conseil et la succession de deux décisions illégales ».

247    S’agissant des conditions dans lesquelles le requérant a obtenu le déblocage partiel de ses fonds, selon les éléments produits par celui-ci devant le Tribunal, il aurait formé une demande de déblocage partiel de ses comptes, conformément à l’article 4 du règlement n° 101/2011, le 12 juillet 2011. Selon le document que le requérant aurait adressé à cette date aux autorités [confidentiel], il a demandé le déblocage de diverses sommes qui lui aurait permis de [confidentiel]. Il ressort, en outre, du dossier que les demandes du requérant portaient également sur des frais liés [confidentiel].

248    Selon le requérant, les autorités compétentes lui ont adressé un courrier électronique le 18 juillet 2011, par lequel étaient précisées les conditions de déblocage de fonds pour faire face à l’ensemble des dépenses décrits au point 247 ci-dessus.

249    À la suite de plusieurs échanges avec le requérant, qui allègue avoir, dès le 20 juillet 2011, précisé et justifié sa demande au titre de certaines des dépenses décrites ci-dessus et avoir demandé la modification de certaines conditions établies par les autorités [confidentiel] compétentes, ces dernières ont fixé les modalités spécifiques du dégel partiel de ses fonds le 27 mars 2012. Le requérant affirme que ledit dégel a été mis en œuvre à compter du 23 mai 2012.

250    Il s’agissait, selon le requérant, des sommes suivantes : [confidentiel].

251    Toutefois, le requérant allègue que [confidentiel]. Il ajoute que des conditions supplémentaires ont été imposées [confidentiel] pour le paiement de certaines sommes, « rendant ainsi la situation difficilement gérable [confidentiel] ».

252    Il ressort, en outre, des informations figurant dans une lettre adressée par la société anonyme [confidentiel] au représentant du requérant, datée du 5 juin 2012, que, en l’absence de réponse de la part du requérant lui-même, dont l’adresse [confidentiel] n’avait pas été communiquée à ladite société, à tout le moins les fonds destinés au [confidentiel] n’ont pas pu être débloqués pendant une certaine période. Sur ce point, le requérant allègue, dans sa réponse aux questions que lui a adressées le Tribunal, que les frais de [confidentiel] n’ont été réglés par l’établissement bancaire susmentionné que tardivement.

253    Enfin, le requérant fait valoir que l’administration [confidentiel] n’a jamais donné suite à certaines de ses demandes portant, notamment, sur le paiement des [confidentiel].

254    Au regard de ce qui vient d’être exposé, il convient de constater que les préjudices exposés ci-dessus, tels qu’ils sont invoqués par le requérant, apparaissent être la conséquence de comportements susceptibles d’être attribués soit aux autorités nationales compétentes pour autoriser le déblocage de fonds au bénéfice du requérant, conformément aux dispositions du règlement n° 101/2011, soit à des tiers.

255    Force est, en effet, de constater que, ainsi qu’il ressort des allégations du requérant exposées au point 246 ci-dessus, celui-ci reconnaît que c’est « sous ces conditions » qu’il a subi les préjudices dont il fait état, à savoir sous les conditions dans lesquelles il a obtenu le déblocage de ses fonds.

256    Il convient, plus spécifiquement, de considérer que tant le préjudice moral prétendument subi par le requérant, lié à la situation de [confidentiel] et au caractère supposément insupportable de cette situation sur un plan psychologique (voir point 237 ci-dessus), que le préjudice matériel qu’il invoque, qui résulterait d’un manque à gagner du fait de [confidentiel], seraient, selon le raisonnement du requérant, la conséquence du fait qu’il n’a pas pu obtenir un déblocage effectif de ses comptes, en vertu de la dérogation prévue à l’article 4 du règlement n° 101/2011 et à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision 2011/72 (voir point 3 ci-dessus).

257    En effet, d’une part, dans l’hypothèse où un retard était prouvé dans le processus de prise de décision portant sur l’autorisation de déblocage de fonds du requérant, ce retard, à le supposer fautif, serait à reprocher aux autorités de l’État membre concerné, auxquelles il revient de répondre aux demandes formulées dans le cadre du mécanisme dérogatoire spécial prévu à l’article 1er, paragraphe 3, de la décision 2011/72 et à l’article 4 du règlement n° 101/2011 (voir, respectivement, points 3 et 12 ci-dessus).

258    Il convient, à cet égard, de rappeler que, conformément à la jurisprudence, lorsqu’elles statuent sur une telle demande, les autorités nationales compétentes mettent en œuvre le droit de l’Union. Elles ne disposent, dès lors, pas d’un pouvoir d’appréciation absolu, mais doivent exercer leurs compétences en respectant les droits prévus par la charte des droits fondamentaux (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Peftiev, C‑314/13, EU:C:2014:1645, points 24 et 29).

259    D’autre part, s’agissant de retards ou de dysfonctionnements qui auraient pu intervenir lors du déblocage des comptes en cause, en application de l’autorisation prétendument accordée par l’autorité nationale compétente, de tels retards ou dysfonctionnements, à les supposer fautifs, seraient à attribuer soit aux autorités nationales ayant établi les modalités du déblocage en question, soit aux établissements bancaires ou autres ayant interprété et appliqué ces modalités.

260    En ce qui concerne, plus spécifiquement, le prétendu blocage du compte de [confidentiel], à supposer même qu’il fût de nature à causer les préjudices prétendument subis par ce dernier, il ne saurait non plus être attribué au comportement illégal que le requérant reproche au Conseil, ce que le requérant semble, d’ailleurs, admettre, lorsqu’il affirme que [confidentiel] « ne fait pas partie des personnes nommément et limitativement désignées par la décision du Conseil […] » (voir point 251 ci-dessus).

261    En tout état de cause, le requérant confirme que le prétendu blocage susmentionné a été levé, à tout le moins partiellement. Du reste, en affirmant que [confidentiel], il y a lieu de considérer que le requérant met en cause, en substance, le caractère suffisant des sommes dont le déblocage a été autorisé par les autorités compétentes.

262    Il ressort, pourtant, des éléments produits par le requérant et mentionnés ci-dessus que ces versements mensuels ont été effectués avec l’autorisation de l’autorité nationale compétente et conformément à des modalités spécifiquement fixées par cette dernière. Partant, à supposer même que les sommes mensuellement versées à ce titre n’aient pas été à la hauteur des [confidentiel] et que cette circonstance ait porté préjudice au requérant et [confidentiel], la responsabilité d’un tel comportement, à le supposer établi, reviendrait, le cas échéant, aux autorités nationales, qui ont arrêté les modalités du déblocage autorisé, en application de la décision 2011/72 et du règlement n° 101/2011.

263    Enfin, s’agissant du retard dans le déblocage de certaines sommes telles que les fonds destinés à [confidentiel], à supposer même que ce retard fût de nature à causer les préjudices prétendument subis par le requérant, il ressort de ce qui a été exposé au point 252 ci-dessus que, à tout le moins pour une partie des fonds réclamés par le requérant, celui-ci n’a pas fait preuve d’une diligence raisonnable pour limiter la portée du préjudice, au sens de la jurisprudence citée au point 239 ci-dessus. En effet, la communication de l’adresse du requérant à l’établissement bancaire concerné, aux fins de la procédure de déblocage des fonds en cause, n’était pas susceptible d’engendrer des difficultés excessives et constituait ainsi un acte de diligence qui pouvait être raisonnablement exigé du requérant, au sens de l’arrêt du 24 mars 2009, Danske Slagterier (C‑445/06, EU:C:2009:178).

264    S’agissant, enfin, des conséquences qu’aurait eues ce retard pour [confidentiel], il suffit de relever que le lien entre les préjudices prétendument subis par le requérant et ceux dont aurait, le cas échéant, souffert [confidentiel] ne ressort pas du dossier.

265    Il convient, dès lors, de considérer que les préjudices allégués, tels qu’ils sont invoqués par le requérant, à les supposer établis, apparaissent être la conséquence directe soit du comportement des autorités chargées de mettre en œuvre la décision 2011/72 et le règlement n° 101/2011, dans le cadre de la procédure de déblocage de certains fonds prévue par ces actes, soit des entités chargées d’appliquer les modalités fixées par les autorités nationales compétentes aux fins d’un tel déblocage.

266    En tout état de cause, les éléments invoqués par le requérant ne sauraient suffire à établir que le comportement illégal que le requérant reproche au Conseil a constitué la cause déterminante, au sens de la jurisprudence citée au point 242 ci-dessus, des préjudices prétendument subis par lui pendant la période concernée, tant moraux que matériels, tels qu’il les invoque. En effet, compte tenu des éléments produits par le requérant, il ne saurait être établi que la seule application de la mesure litigieuse a abouti aux préjudices qu’il prétend avoir subis. Partant, il convient de constater que l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché au Conseil et les préjudices invoqués par le requérant n’est pas établie en l’espèce.

267    À cet égard, il importe de rappeler qu’il appartient aux juridictions nationales, dans les conditions prévues par le droit national applicable, de se prononcer sur un éventuel recours du requérant visant à être indemnisé des préjudices qu’il aurait, le cas échéant, subis du fait de comportements susceptibles d’être attribués aux autorités nationales ou à des tiers. Dans un tel cas, les juridictions nationales devraient se prononcer sur ce recours en tenant compte, notamment et le cas échéant après avoir posé à la Cour une question préjudicielle, des dispositions pertinentes du droit de l’Union, telles que celles de l’article 1er de la décision 2011/72, telle que modifiée, et des articles 4 et 8 du règlement n° 101/2011, tel que modifié. Il ressort, par ailleurs, du dossier que le requérant avait envisagé l’éventualité d’un tel recours devant les juridictions [confidentiel], mais, ainsi qu’il l’a affirmé lors de l’audience, qu’il y a renoncé.

268    Au regard de tout ce qui précède, une des conditions énoncées au point 220 ci-dessus faisant défaut pour la période concernée, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité du requérant comme non fondées et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

269    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

270    En l’espèce, dès lors que le requérant a succombé et conformément aux conclusions du Conseil, il convient de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      CW supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Gratsias

Kancheva

Wetter

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2016.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Sur la décision 2011/72/PESC, la décision d’exécution 2011/79/PESC, le règlement (UE) n° 101/2011 et l’arrêt [confidentiel] 

Sur la décision 2012/50/PESC et l’ordonnance [confidentiel]

Sur les actes adoptés en 2013

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur le moyen tiré d’une erreur de droit relevant du non-respect, par la décision d’exécution 2013/409, des critères énoncés à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72

Sur le moyen tiré d’une erreur de fait

Sur le moyen tiré d’une violation du droit de propriété

Sur le moyen tiré d’un détournement de pouvoir

Sur le moyen tiré d’une violation des droits de la défense

Sur les conclusions en indemnité

Sur la recevabilité

Sur le fond

– Sur l’illégalité du comportement reproché au Conseil

– Sur la réalité des préjudices prétendument subis par le requérant

– Sur l’existence d’un lien de causalité

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.


1      Données confidentielles occultées.