Language of document : ECLI:EU:T:2004:81

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
18 mars 2004 (1)

« Fonctionnaires - Transfert du forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté acquis au titre d'activités professionnelles antérieures à l'entrée au service des Communautés - Calcul des annuités - Article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut - Dispositions générales d'exécution - Principe d'égalité de traitement - Libre circulation des travailleurs »

Dans l'affaire T-204/01,

Maria-Luise Lindorfer, fonctionnaire du Conseil de l'Union européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes G. Vandersanden et L. Levi, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par MM. F. Anton et A. Pilette, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du Conseil du 3 novembre 2000 portant calcul des annuités de pension de la requérante à la suite du transfert, vers le régime communautaire, du forfait de rachat des droits à pension acquis par celle-ci au titre du régime autrichien,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre)



composé de M. R. García-Valdecasas, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 1er juillet 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
L'article 77 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut ») dispose :

« Le fonctionnaire qui a accompli au moins dix années de service a droit à une pension d'ancienneté. [...]

Le montant maximal de la pension d'ancienneté est fixé à 70 % du dernier traitement de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins un an. Il est acquis au fonctionnaire comptant [35] annuités calculées conformément aux dispositions de l'article 3 de l'annexe VIII. Si le nombre de ces annuités est inférieur à [35] ans, le montant maximal visé ci-dessus est réduit proportionnellement.

[...]

Le droit à pension d'ancienneté est acquis à l'âge de 60 ans. »

2
L'article 83 du statut prévoit :

« 1.  Le paiement des prestations prévues au présent régime de pensions constitue une charge du budget des Communautés. Les États membres garantissent collectivement le paiement de ces prestations selon la clé de répartition fixée pour le financement de ces dépenses.

[...]

2.       Les fonctionnaires contribuent pour un tiers au financement [du] régime de pensions [communautaire] [...]

3.      [...]

4.      Si l'évaluation actuarielle du régime de pensions effectuée par un ou plusieurs experts qualifiés à la demande du Conseil révèle que le montant de la contribution des fonctionnaires est insuffisant pour assurer le financement du tiers des prestations prévues au régime de pensions, les autorités budgétaires, statuant selon la procédure budgétaire et après avis du comité du statut prévu à l'article 10, fixent les modifications à apporter aux taux des contributions ou à l'âge de la retraite. »

3
L'article 2 de l'annexe VIII du statut prévoit :

« La pension d'ancienneté est liquidée sur la base du nombre total d'annuités acquises par le fonctionnaire. Chaque année prise en compte dans les conditions fixées à l'article 3 donne droit au bénéfice d'une annuité, chaque mois entier au douzième d'une annuité.

Le nombre maximal des annuités susceptibles d'être prises en compte pour la constitution du droit à pension d'ancienneté est fixé à [35]. »

4
L'article 5 de l'annexe VIII du statut dispose :

« Indépendamment des dispositions prévues à l'article 2, le fonctionnaire comptant moins de 35 annuités à l'âge de 60 ans et continuant à acquérir des droits à pension au titre de l'article 3 bénéficie, pour chaque année de service accomplie entre 60 ans et l'âge où il est appelé à jouir de sa pension d'ancienneté, d'une majoration de pension égale à 5 % du montant des droits à pension qu'il avait acquis à l'âge de 60 ans sans que le total de sa pension puisse excéder 70 % de son dernier traitement de base au sens, selon le cas, du deuxième ou du troisième alinéa de l'article 77 du statut.

[...] »

5
L'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut dispose que le fonctionnaire qui entre au service des Communautés après avoir cessé ses activités auprès d'une administration, d'une organisation nationale ou internationale, ou après avoir exercé une activité salariée ou non salariée, a la faculté, au moment de sa titularisation, de faire verser aux Communautés l'équivalent actuariel ou le forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté qu'il a acquis au titre des activités susvisées. Cette même disposition ajoute que, dans ce cas, l'institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu'elle prend en compte d'après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat.

6
Par décision du 13 juillet 1992, le Conseil a fixé les dispositions générales d'exécution de l'article 11, paragraphes 1 et 2, de l'annexe VIII du statut, modifiées ultérieurement par décision du Conseil du 19 décembre 1994 (ci-après les « DGE »).

7
Aux termes de l'article 10, paragraphe 2, des DGE :

« Le nombre d'annuités à prendre en compte est calculé sur la base de la totalité du montant transféré, déduction faite d'un intérêt simple de 3,5 % l'an pour la période allant :

-
de la date de titularisation à la date du transfert effectif du montant précité au compte de la Communauté en ce qui concerne le fonctionnaire ou

-
de la date de la fin de stage ou, à défaut, de l'entrée en service, à la date du transfert effectif du montant précité au compte de la Communauté en ce qui concerne l'agent temporaire.

L'intérêt visé au premier alinéa n'est pas déduit pour les périodes durant lesquelles le montant transférable n'a pas été revalorisé ou majoré d'intérêts par la caisse de pensions dont relevait l'intéressé avant l'entrée au service des Communautés. »

8
L'article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE (il sera fait référence aux deux formules mentionnées ci-après par la « formule de conversion ») dispose :

« 3.
Le nombre d'annuités à prendre en compte est calculé :

-
par conversion du montant transféré (M) en rente théorique (R) en fonction des valeurs actuarielles (V) prévues à l'article 39 de l'annexe VIII [du statut], selon la formule R = M/V,

-
par conversion de cette rente (R) en annuités (N) de pension statutaire en fonction du traitement de base annuel (T) correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire ou au grade à la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, à la date d'entrée en service aux Communautés de l'agent temporaire, selon la formule N = Rx100/Tx2.

Toutefois, le nombre d'annuités à prendre en compte ne peut en aucun cas dépasser le nombre d'années durant lesquelles l'intéressé avait été affilié à des régimes non complémentaires avant sa prise de fonctions dans les Communautés.

4.       Le montant transféré au compte des Communautés dans une monnaie autre que le franc belge est − pour la détermination du nombre d'annuités − converti en francs belges conformément aux modalités suivantes :

a) [...]

b) pour le fonctionnaire titularisé après le 31 décembre 1971, ou l'agent temporaire dont la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, la date d'entrée en service aux Communautés se situe après le 31 décembre 1971, le montant transféré est divisé au prorata des périodes au cours desquelles ont été acquis les droits à pension correspondant à ce montant, à savoir, d'une part, de la durée de la période antérieure au 1er janvier 1972 et, d'autre part, de celle de la période postérieure au 31 décembre 1971.

La partie du montant correspondant à la période antérieure au 1er janvier 1972 est convertie sur la base des parités acceptées par le Fonds monétaire international et qui étaient en vigueur au 31 décembre 1971.

La partie du montant correspondant à la période postérieure au 31 décembre 1971 est convertie sur la base du taux actualisé moyen fixé par la Commission pour la période du 1er janvier 1972 jusqu'à la date de la titularisation du fonctionnaire ou à la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, la date d'entrée en service aux Communautés de l'agent temporaire. » [Ci-après la « variante i) ».]

9
En outre, l'article 10, paragraphe 4, sous b), des DGE précise :

« Toutefois, à la demande du fonctionnaire ou de l'agent temporaire, le montant (M) pris en compte pour le calcul est converti sur la base du taux actualisé en vigueur à la date du transfert. Dans ce cas, le traitement (T) et la valeur actuarielle (V) à prendre en compte pour le calcul des annuités sont, respectivement, le traitement correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire ou au grade à la date de la fin du stage ou, à défaut de stage, à la date d'entrée en service aux Communautés de l'agent temporaire en vigueur à la date du transfert et la valeur actuarielle correspondant à l'âge atteint par le fonctionnaire ou par l'agent temporaire à cette date. » [Ci-après la « variante ii) ».]

10
Aux termes de l'article 31 du statut :

« 1.            Les candidats ainsi choisis sont nommés :

-
fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique : au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,

-
[...]

2.       Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées ci-avant dans les limites suivantes :

a) pour les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3, à raison :

-
de la moitié s'il s'agit de postes rendus disponibles,

-
des deux tiers s'il s'agit de postes nouvellement créés ;

b) pour les autres grades, à raison :

-
d'un tiers s'il s'agit de postes rendus disponibles,

-
de la moitié s'il s'agit de postes nouvellement créés.

-
[...] »

11
L'article 1er, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 626/95 du Conseil, du 20 mars 1995, instituant, à l'occasion de l'adhésion de l'Autriche, de la Finlande et de la Suède, des mesures particulières et temporaires concernant le recrutement de fonctionnaires des Communautés européennes (JO L 66, p. 1), prévoit :

« Jusqu'au 31 décembre 1999, il peut être pourvu à des emplois vacants par la nomination de ressortissants autrichiens, finlandais et suédois, par dérogation à l'article 4, deuxième et troisième alinéas, à l'article 5, paragraphe 3, à l'article 7, paragraphe 1, à l'article 27, troisième alinéa, à l'article 29, paragraphe 1, [sous] a), b) et c), et à l'article 31 du [statut], dans la limite des emplois prévus à cet effet dans le cadre des délibérations budgétaires au sein des institutions compétentes. »


Faits à l'origine du recours

12
La requérante, de nationalité autrichienne, est entrée au service du Conseil le 16 septembre 1996. Le 16 juin 1997, elle a été titularisée dans son emploi et classée au grade A 5, échelon 2.

13
Avant d'entrer au service du Conseil, la requérante a travaillé en Autriche pendant treize ans et trois mois. Durant cette période, elle a cotisé au régime de pensions autrichien.

14
Le 15 mai 1999, la requérante a sollicité, sur la base de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, le transfert, vers le régime de pensions communautaire, du forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté qu'elle avait acquis au titre du régime autrichien.

15
Le 18 février 2000, la caisse de pensions autrichienne a informé la requérante que le montant du forfait de rachat de ses droits à pension autrichiens avait été fixé provisoirement, en date du 1er mars 2000, à 1 306 712,23 schillings autrichiens (ATS). Elle a également indiqué à la requérante qu'elle ne pouvait bénéficier d'une pension en Autriche, dès lors qu'elle n'avait pas cotisé pendant la durée minimale requise de 180 mois. Elle lui a toutefois proposé de « racheter » les 21 mois d'affiliation manquants moyennant paiement d'un montant de 237 963,6 ATS. La requérante n'a pas donné suite à cette proposition.

16
Le 28 mars 2000, le service « Pensions » du secrétariat général du Conseil a adressé une note à la requérante, à laquelle était jointe une fiche de calcul intitulée « Calcul d'annuités de pension statutaire à prendre en compte selon l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut ». Il ressort de cette fiche que les annuités correspondant au montant transférable étaient de 5 ans, 3 mois et 24 jours.

17
Par note du 12 septembre 2000, la requérante a indiqué au service « Pensions » qu'elle marquait son « accord de principe » sur le transfert du forfait de rachat de ses droits à pension autrichiens. Elle contestait toutefois le nombre d'annuités indiqué dans la fiche de calcul précitée au motif que la méthode de calcul utilisée par le Conseil était discriminatoire et non transparente. Enfin, elle sollicitait une série d'informations.

18
Le 29 septembre 2000, la caisse de pensions autrichienne a fixé le montant transférable à 1 337 136,07 ATS.

19
Par note du 3 novembre 2000, reçue par la requérante le 7 novembre 2000, cette dernière a été informée que le service « Pensions » avait fixé définitivement ses annuités à 5 ans, 5 mois et 8 jours (ci-après la « décision litigieuse »).

20
Le 2 février 2001, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision litigieuse. Elle a complété cette réclamation par un addendum du 25 avril 2001.

21
Le 31 mai 2001, le Conseil a pris une décision explicite de rejet de la réclamation. Cette décision est motivée comme suit :

« [T]ous les moyens que vous invoquez pour attaquer [...] la décision [litigieuse] reposent sur la prétendue illégalité des dispositions de l'article 10, paragraphe 3, premier et deuxième tirets, et paragraphe 4 des DGE ainsi que de l'article 11, paragraphe 2, du statut. Or, il y a lieu de rappeler que les [DGE] adoptées dans le cadre de l'article 110, premier alinéa, du statut par la décision du Conseil du 13 juillet 1992 ainsi que la disposition de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut représentent des actes ayant une portée générale. La décision [litigieuse] fait application de ces actes à votre situation individuelle sans que l'AIPN dispose d'un pouvoir d'appréciation à cet égard. Faute de compétence à juger de la légalité de ces actes de portée générale adoptés par le Conseil, je ne dispose donc d'aucun moyen pour donner droit à votre demande de ne pas appliquer les DGE ainsi que l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut dans votre cas. »


Procédure et conclusions des parties

22
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 septembre 2001, la requérante a introduit le présent recours.

23
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 de son règlement de procédure, a posé des questions écrites aux parties. Celles-ci ont répondu à ces questions dans les délais impartis.

24
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 1er juillet 2003.

25
La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

-
annuler la décision litigieuse ;

-
pour autant que de besoin, annuler la décision portant rejet explicite de sa réclamation ;

-
condamner le Conseil à procéder, sur une base juridique corrigée, à une nouvelle fixation du nombre d'annuités statutaires à prendre en compte pour sa pension communautaire ;

-
condamner le Conseil aux dépens.

26
Le Conseil conclut à ce qu'il plaise au Tribunal :

-
rejeter le recours comme non fondé ;

-
condamner chacune des parties à ses propres dépens.


En droit

Observations liminaires

27
La requérante soulève, en substance, deux moyens à l'appui de son recours. Le premier est tiré de l'illégalité de l'article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE et le second de l'illégalité de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut. Elle fait valoir que la première disposition est contraire au principe d'égalité de traitement et la seconde au même principe ainsi qu'à celui de la libre circulation des travailleurs.

28
Avant d'examiner le bien-fondé de ces deux moyens, il convient de relever que le système de transfert de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté acquis par un fonctionnaire au titre d'activités professionnelles antérieures à son entrée au service des Communautés, comme le prévoit l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, comporte deux phases principales distinctes.

29
La première phase consiste en l'établissement de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat par l'autorité nationale ou internationale qui administre le régime de pensions auquel l'intéressé était affilié antérieurement à son entrée au service des Communautés. Le calcul de l'équivalent actuariel a pour fonction de capitaliser la valeur d'une prestation périodique future et éventuelle et résulte donc d'un calcul du capital correspondant à la pension, à laquelle l'intéressé aura droit dans le cadre du régime de pensions national ou international concerné, en y appliquant un intérêt d'escompte, en raison du caractère anticipé du versement par rapport à l'échéance, ainsi qu'un coefficient de réduction proportionné au risque de décès du bénéficiaire avant la date d'échéance et déterminé en fonction de l'âge de l'assuré et des taux de mortalité, les deux éléments étant calculés selon le temps appelé à s'écouler entre le moment de la liquidation de l'équivalent actuariel et celui de l'octroi de la pension. Le calcul du forfait de rachat peut se caractériser dans les régimes d'assurance de caractère contributif par l'addition des cotisations versées par l'assuré et éventuellement de celles versées par son employeur, cotisations auxquelles peuvent être ajoutés des intérêts. (arrêt de la Cour du 18 mars 1982, Bodson, 212/81, Rec. p. 1019, points 7 et 8).

30
La seconde phase consiste en la conversion, par l'institution communautaire concernée, du capital correspondant à l'équivalent actuariel ou au forfait de rachat en annuités à prendre en compte dans le régime de pensions communautaire, annuités qui viendront s'ajouter à celles auxquelles le fonctionnaire aura droit en raison de ses activités auprès des Communautés.

31
Il importe de souligner d'emblée que les deux décisions relatives, d'une part, au calcul de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat et, d'autre part, à la conversion de ces actifs en annuités se situent dans des ordres juridiques différents et relèvent chacune de contrôles juridictionnels propres. Ainsi, les modalités de calcul du montant de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat relèvent de la seule compétence de l'autorité nationale ou internationale qui administre le régime de pensions antérieur de l'intéressé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 novembre 1989, Bonazzi-Bertottilli e.a./Commission, 75/88, 146/88 et 147/88, Rec. p. 3599, point 19, et arrêt du Tribunal du 15 décembre 1998, Bang-Hansen/Commission, T-233/97, RecFP p. I-A-625 et II-1889, point 39). Ce montant fait ensuite l'objet d'une réappréciation par l'institution communautaire concernée, et ce en fonction des règles valables pour le système de pensions communautaire. Dès lors que ces deux opérations reposent sur des données et des facteurs d'appréciation différents en ce qui concerne les antécédents des intéressés, leurs perspectives d'avenir, le niveau des contributions, la nature et le montant des prestations, il est tout à fait possible que la détermination des annuités à prendre en compte pour la pension communautaire aboutisse à un nombre différent de celui des annuités prises en compte par l'autorité nationale ou internationale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 octobre 1983, Celant e.a./Commission, 118/82 à 123/82, Rec. p. 2995, point 28, et arrêt du Tribunal du 10 novembre 1999, Kristensen e.a./Conseil, T-103/98, T-104/98, T-107/98, T-113/98 et T-118/98, RecFP p. I-A-215 et II-1111, point 34).

Sur le premier moyen, tiré de l'illégalité de l'article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE

Arguments des parties

32
La requérante avance que l'article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE viole le principe d'égalité de traitement sous quatre aspects.

33
En premier lieu, elle critique le fait que l'article 10, paragraphe 3, second tiret, des DGE « prévoit la prise en compte du grade de titularisation dans la méthode de calcul du nombre d'annuités de la même façon pour tous les fonctionnaires ».

34
Elle rappelle que, conformément au régime particulier prévu pour les ressortissants autrichiens, finlandais et suédois par l'article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 626/95, elle a été titularisée au grade A 5, à savoir à un grade supérieur au grade de base de sa catégorie. Elle soutient que les fonctionnaires bénéficiant de ce régime particulier sont désavantagés, pour ce qui est du calcul des annuités de pension, par rapport aux autres fonctionnaires du même grade, mais titularisés au grade A 7 conformément à l'article 31, paragraphe 1, du statut, et ayant fait transférer les droits à pension acquis au titre d'un régime national. S'agissant de la première catégorie de fonctionnaires, c'est le traitement correspondant au grade A 5 qui serait pris en considération pour le calcul des annuités, tandis que, pour ce qui est de la seconde catégorie de fonctionnaires, il serait tenu compte, pour ce calcul, du traitement correspondant au grade A 7. Or, selon la requérante, « le traitement correspondant au grade du fonctionnaire est pris en considération dans [la formule de conversion] de façon telle que plus le montant du traitement est élevé, plus le nombre des annuités sera réduit ».

35
La requérante ajoute que cette discrimination est d'autant plus flagrante que, pour pouvoir bénéficier du régime particulier et être recrutée au grade A 5, elle a dû justifier d'une expérience professionnelle antérieure d'une durée de sept ans au minimum et équivalente à celle d'un fonctionnaire de la catégorie A. Elle relève que, au sein du Conseil, un fonctionnaire de cette catégorie ayant débuté sa carrière au grade A 7 sera normalement classé au grade A 5 après six années de service et considère qu' « il est [...] singulier que le fait que [sa] carrière [...] correspondait à celle d'un fonctionnaire de grade A 7 ait été pris en considération afin qu'elle puisse bénéficier du régime [particulier], mais que par contre cet élément n'ait pas été pris en considération pour le calcul de ses annuités de pension [statutaire] ».

36
La requérante avance que le Conseil ne saurait tirer argument du fait que le fonctionnaire recruté au grade A 5 aura normalement en fin de carrière un grade, et donc un traitement de base, plus élevé qu'un fonctionnaire recruté au grade A 7. Elle estime que le Conseil confond de la sorte deux paramètres différents qui définissent les droits à pension, à savoir, d'une part, les annuités et, d'autre part, le montant du dernier traitement de base. En tout état de cause, les fonctionnaires directement recrutés au grade A 5 accèderaient moins rapidement au grade A 3 que ceux recrutés au grade A 7. En effet, les seconds accèderaient au grade A 3 au bout de 21 ans en moyenne, alors que les premiers n'obtiendraient le grade A 3 qu'après 16 ans en moyenne, auxquels il convient d'ajouter les sept ans d'expérience professionnelle requis pour être admis au grade A 5, soit un total de 23 ans en moyenne. Elle ajoute que les fonctionnaires recrutés au grade A 7 sont promus au grade A 5 au bout de six ans en moyenne et que, à compter de cette promotion, ils obtiennent plus rapidement un grade A 3 (après 15 ans) que les fonctionnaires recrutés au grade A 5 (après 16 ans).

37
Par ailleurs, la requérante fait valoir que le Conseil ne saurait tirer argument des prescriptions de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut. En effet, cette disposition laisserait une certaine marge d'appréciation à l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'« AIPN ») et le fait qu'elle mentionne la prise en compte du grade de titularisation n'imposerait pas que « ce grade soit en toute hypothèse celui appliqué à toute situation ou que la conversion de la rente théorique en annuités se fasse 'en fonction du traitement de base annuel (T) correspondant au grade de titularisation' ». Elle ajoute que le « calcul de la conversion [de ses] droits s'est fondé sur la variante ii), qui [ne] prend en considération ni le traitement de base ni l'âge [...] correspondant au grade de titularisation mais celui correspondant au grade et à l'âge du transfert ». Or, le statut ne permettrait pas « l'existence de deux variantes et en tous cas pas d'une variante qui reposerait sur le grade de transfert ». La requérante précise que, à supposer que l'AIPN ne dispose d'aucune marge d'appréciation en la matière et que l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut impose que le calcul des annuités se fasse en fonction du traitement de base correspondant au grade de titularisation de l'intéressé, c'est cette dernière disposition qui serait illégale.

38
Enfin, la requérante procède à une comparaison entre, d'une part, le montant qui avait été transféré par sa caisse de pensions autrichienne, à savoir 1 337 136,1 ATS ou 3 919 961,5 francs belges (BEF), et, d'autre part, le montant total des contributions versées par un fonctionnaire recruté au grade A 7 et atteignant le grade A 5, échelon 2, après 13 ans et 3 mois de service, à savoir 1 877 672,1 BEF. Elle estime qu'il n'est pas justifié que 13 ans et 3 mois de contributions dans le régime communautaire équivalent à 1 877 672,1 BEF, alors que le montant transféré par sa caisse de pensions représente plus du double et ne corresponde, dans le même régime, qu'à 5 ans, 3 mois et 24 jours.

39
En deuxième lieu, la requérante soutient que l'article 10, paragraphe 4, des DGE est illégal en ce qu'il prévoit la conversion en francs belges, pour la détermination du nombre d'annuités, du montant transféré au compte des Communautés dans une monnaie autre que le franc belge. Selon elle, cette conversion « entraîne une différence de traitement entre les fonctionnaires de nationalités différentes en fonction de la monnaie dans laquelle ils ont acquis leur droit à pension et donc du pays à partir duquel le transfert est effectué ». Plus particulièrement, elle désavantagerait les fonctionnaires ressortissants des pays dits « à monnaie forte », comme l'Autriche. Dans sa réplique, elle précise qu'elle invoque une discrimination en fonction de la nationalité, non de l'intéressé, mais du régime auquel celui-ci a cotisé.

40
À l'appui de ses affirmations, elle fournit un tableau comparant sa situation à celle d'un fonctionnaire espagnol de grade A 5, échelon 3, étant entendu que, dans son cas, le montant transféré a été converti sur la base de la variante ii), alors que, dans le cas de ce fonctionnaire espagnol, la conversion a été effectuée sur la base de la variante i). Il ressortirait de ce tableau que, bien que le montant transféré soit presque le même dans les deux cas, « le fonctionnaire ressortissant d'un pays dit 'à monnaie forte' [...] bénéficie d'un nombre d'annuités ne correspondant qu'à une fraction des périodes de cotisation acquises précédemment à son entrée au service des Communautés européennes alors que pour le ressortissant d'un pays dit 'à monnaie faible' (en l'espèce, l'Espagne) sont prises en compte toutes les périodes de cotisation acquises avant son entrée au service des Communautés européennes et augmentées même de 'bonifications' ».

41
La requérante procède également à une comparaison du nombre d'annuités obtenu après conversion en francs belges du montant transféré par sa caisse de pensions autrichienne, à savoir 1 337 136,1 ATS, mais exprimé dans différentes monnaies communautaires. La conversion est effectuée sur la base de la variante i) pour une période d'activités antérieures à l'entrée au service des Communautés s'étendant du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1998. Cette comparaison démontrerait que « les périodes de cotisation précédemment accomplies dans des 'pays à monnaie forte' avant l'entrée au service des Communautés européennes sont [...] réduites dans une proportion qui est sans aucune mesure avec les cotisations effectivement versées et les années d'activités effectivement intervenues ». Elle démontrerait également que, selon la devise dans laquelle le transfert a été effectué, certains fonctionnaires peuvent obtenir une bonification d'annuités cinq fois supérieure à celle afférente au transfert effectué par d'autres fonctionnaires.

42
En fait, selon la requérante, les règles appliquées par le Conseil conduisent, dans le cas où la conversion est effectuée sur la base de la variante ii), à faire supporter par le fonctionnaire la charge de la variation des taux de change pour la période antérieure à l'entrée dans le régime communautaire et pour la période allant de la date de titularisation jusqu'à celle du transfert effectif. Elle souligne que ces règles ont été établies à une époque où les taux de change étaient relativement stables. Par ailleurs, elle fait remarquer que, dans le cas où la conversion est effectuée sur la base de la variante i), la charge de la variation des taux de change est supportée par le budget communautaire pour la période s'étendant entre la date de titularisation et celle du transfert effectif.

43
La requérante avance qu'une telle discrimination est manifeste et non objectivement justifiée et que la conversion en francs belges est d'autant moins compréhensible que, depuis le 1er janvier 1999, les taux de conversion des monnaies nationales par rapport à l'euro sont irrévocablement fixés. Elle estime que cette discrimination ne saurait notamment pas être justifiée par la nécessité de maintenir l'équilibre budgétaire puisque le fonctionnaire espagnol de l'exemple mentionné au point 40 ci-dessus a même obtenu un remboursement de 820 241 pesetas espagnoles à la suite du transfert de ses droits à pension espagnols.

44
En troisième lieu, la requérante critique le fait que l'article 10, paragraphe 3, des DGE prévoit, pour le calcul des annuités, l'application de valeurs actuarielles, fixées dans le tableau figurant à l'annexe II des DGE et variant selon le sexe et l'âge de l'intéressé, en ce sens qu'elles sont plus élevées pour les femmes que pour les hommes et qu'elles augmentent en fonction de l'âge. Or, plus le montant de la valeur actuarielle est élevé, plus le nombre des annuités serait réduit. Selon la requérante, cette situation crée une discrimination en fonction du sexe et de l'âge non objectivement justifiée.

45
Elle estime que, à supposer que ces valeurs actuarielles se fondent sur l'espérance de vie, il ne serait pas justifié de prendre en compte un tel facteur dans le calcul des annuités. En effet, d'une part, ce facteur serait déjà pris en considération par l'organisme assureur national lorsqu'il détermine le montant transférable. D'autre part, le régime de pensions communautaire ne prévoirait pas l'utilisation d'un tel facteur, aucune distinction selon le sexe n'étant faite en ce qui concerne les contributions des fonctionnaires et l'âge requis pour l'obtention de la pension d'ancienneté.

46
En réponse à l'argument du Conseil selon lequel les « équivalents actuariels » sont nécessaires pour garantir l'équilibre du régime communautaire, la requérante réaffirme que cet équilibre est déjà garanti par l'évaluation actuarielle prévue à l'article 83, paragraphe 4, du statut et estime qu'il ne saurait donc être question d'une « deuxième évaluation actuarielle des montants [transférables] ».

47
En quatrième lieu, la requérante relève que la formule de conversion intègre notamment les paramètres de l'âge et du traitement de l'intéressé. Elle critique le fait que, à l'article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE, ces paramètres soient pris en considération par référence à des dates différentes, suivant que le montant transféré est converti en francs belges sur la base de la variante i) ou de la variante ii). Il serait, en effet, tenu compte, dans le premier cas, de la date de titularisation du fonctionnaire et, dans le second, de la date du transfert effectif du montant concerné. Or, à cette dernière date, le fonctionnaire serait plus âgé et bénéficierait d'un traitement plus élevé qu'à la date de sa titularisation (à la suite de promotions ou d'avancements dans les échelons), ce qui aboutirait à une réduction du nombre de ses annuités. Elle explique, à cet égard, que les variables « V » et « T » de la formule de conversion sont, par nature, toujours plus élevées dans le second cas que dans le premier, alors que la variable « M » et la constante « 100 » sont les mêmes dans les deux cas. Selon la requérante, rien ne justifie objectivement l'application de ces deux dates différentes et rien, dans les DGE, ne permet de comprendre les raisons d'une telle différenciation.

48
Le Conseil conteste que l'article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE viole le principe d'égalité de traitement.

49
En premier lieu, s'agissant des critiques de la requérante relatives à la prise en compte du grade de titularisation, le Conseil considère qu'elles ne sont pas « juridiquement admissible[s] », celle-ci ne pouvant « se placer dans la situation d'un fonctionnaire recruté au grade A 7 puisqu'elle a été de fait recrutée au grade A 5 ».

50
Le Conseil fait également remarquer que cette prise en compte est prévue par l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut et que, partant, les DGE sont conformes au statut. Il conteste l'allégation de la requérante selon laquelle cette disposition laisse une marge d'appréciation à l'AIPN. Se référant au libellé de ladite disposition, il affirme que la faculté de transfert ne peut s'exercer « ni avant ni après la titularisation » et que les DGE « ne pouvaient faire autrement que retenir le traitement au grade de titularisation ». Le Conseil conteste également l'argument subsidiaire de la requérante, tiré de l'illégalité de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, relevant qu'elle n'indique pas quelle est la règle supérieure de droit que violerait cette disposition et que les nécessités de gestion du régime justifient que le transfert ne puisse s'exercer à n'importe quel moment de la carrière de l'intéressé.

51
Par ailleurs, il estime qu'« il n'est pas anormal que la formule de [conversion] ait pour résultat, pour un montant transféré identique entre deux fonctionnaires en provenance de la même caisse au même moment, d'octroyer un nombre d'annuités bonifiées moins élevé au fonctionnaire qui a été titularisé au grade plus élevé, puisque la pension communautaire est fondée sur le traitement communautaire perçu par le fonctionnaire en fin de carrière ». Il précise, à cet égard, que l'application du régime particulier est favorable à la requérante « puisque ses chances d'arriver en fin de carrière à un grade terminal élevé, déterminant pour le niveau de sa pension, sont objectivement supérieures en ayant été recrutée au grade A 5 plutôt qu'au grade A 7 » et estime qu'elle ne présente aucun argument sérieux en sens contraire. Le Conseil ajoute que l'article 31, paragraphe 2, du statut permet à l'AIPN de nommer un fonctionnaire nouvellement recruté au grade supérieur des carrières de base et des carrières intermédiaires. Il fait valoir que le législateur communautaire n'était pas tenu d'effectuer une compensation en faveur des fonctionnaires recrutés au grade A 5 en vertu du régime particulier en permettant que leurs annuités soient calculées « comme s'ils avaient été recrutés au grade A 7 » puisqu'il n'a pas prévu une telle « compensation » pour les fonctionnaires nommés au grade supérieur en application de l'article 31, paragraphe 2, du statut. Enfin, le Conseil souligne que la formule de conversion est invariable, quels que soient le grade et la nationalité de l'intéressé, et que si le « mécanisme » avait pris en compte un « grade unique indépendant du fonctionnaire concerné » il aurait été par principe discriminatoire et non justifié.

52
En deuxième lieu, le Conseil considère que les critiques de la requérante relatives à la conversion en francs belges du montant transféré au compte des Communautés dans une autre monnaie sont non fondées. Premièrement, il fait valoir qu'il ne saurait y avoir discrimination selon la nationalité en la matière dès lors que la formule de conversion ne contient aucun élément directement ou indirectement rattachable à un État membre ou à la qualité de ressortissant d'un État membre. La prise en compte du taux de change d'une monnaie ne viserait qu'à « neutraliser les variations de valeur dans le temps entre deux monnaies » et ne saurait avoir pour but ou pour effet de discriminer les ressortissants d'un État membre par rapport à ceux d'un autre. Dans sa duplique, le Conseil fait observer que la requérante invoque, dans sa réplique, une discrimination en fonction de la nationalité, non plus de l'intéressé, mais du régime auquel celui-ci a cotisé. En tout état de cause, pour le même motif que celui exposé ci-dessus, ce grief, tel que reformulé, serait non fondé. Deuxièmement, le Conseil admet que les calculs auraient dû être communiqués à la requérante en euros mais relève qu'il ne s'agit là que d'une question de présentation, la conversion se faisant d'ailleurs actuellement directement en euros. La présentation des calculs, qu'elle soit effectuée directement en euros ou d'abord en francs belges, n'influencerait nullement la bonification d'annuités. Troisièmement, le Conseil estime que les tableaux comparatifs fournis par la requérante doivent être écartés dès lors que les « distorsions » qu'ils visent à démontrer ne trouvent pas leur source dans la nationalité des fonctionnaires mais dans « l'opération de conversion objectivement justifiée par l'exigence de traduire en euros d'aujourd'hui des cotisations réglées dans une devise nationale dans le passé ». Enfin, il souligne que la requérante ne rapporte nullement la preuve de l'existence d'une discrimination illégale puisqu'elle s'appuie sur des tableaux comparatifs théoriques.

53
En troisième lieu, le Conseil affirme que les « équivalents actuariels » prévus par le législateur communautaire sont objectivement justifiés pour garantir l'équilibre du régime communautaire (arrêt Kristensen e.a./Conseil, précité, point 34). Il explique que « les équivalents actuariels de l'article 10, paragraphe 3, des DGE sont pris en application de ceux demandés par l'article 11 de l'annexe VIII du statut et représentent les valeurs actuarielles des avantages octroyés par le système ». Selon le Conseil, « [l]orsque le fonctionnaire entre dans le système communautaire et apporte un actif résultant des cotisations effectivement versées à la caisse dont il relevait, il obtient en échange un droit de tirage sur un avantage futur du système communautaire » et « [ce système] valorise cet apport en prenant en considération la durée qui sépare l'entrée du fonctionnaire dans le système de la date de prise du bénéfice (retraite) et la probabilité de la prise de bénéfice de cet avantage ». Dans ces circonstances, il serait clair que, pour garantir tant les droits acquis du fonctionnaire au titre du régime national antérieur que l'équilibre du système communautaire, « l'âge du fonctionnaire à l'entrée, son sexe et le niveau de la prise de bénéfice » doivent être pris en considération.

54
Selon le Conseil, il est justifié que les valeurs actuarielles diffèrent selon le sexe et l'âge de l'intéressé puisque « pour déterminer aujourd'hui la valeur de la pension qui sera probablement payée dans le futur, il faut [...] tenir compte aujourd'hui de la durée pendant laquelle cette pension sera payée, durée statistiquement différente selon les hommes et les femmes, et tenir compte du facteur 'avancement' dans la carrière et de la probabilité de paiement de cette pension, puisque le fonctionnaire peut décéder avant d'avoir atteint l'âge de 60 ans ».

55
Le Conseil ajoute que l'existence de valeurs actuarielles différenciées selon le sexe et l'âge n'est pas non plus contraire au principe d'égalité de traitement. En effet, ce principe, s'il exige que des agents placés dans des situations identiques soient régis par les mêmes règles, n'interdirait toutefois pas au législateur communautaire de tenir compte des différences objectives de conditions ou de situations dans lesquelles les intéressés se trouvent.

56
Quant à l'argument de la requérante tiré de ce que l'espérance de vie a déjà été prise en considération par l'organisme assureur national, le Conseil estime qu'il est non fondé dès lors que les modalités de calcul du montant transféré relèvent de la seule compétence de l'autorité nationale qui administre le régime de pensions auquel l'intéressé était affilié antérieurement à son entrée en service auprès des Communautés (arrêt Bonazzi-Bertottilli e.a./Commission, précité).

57
En quatrième lieu, le Conseil avance que l'argument de la requérante tiré de ce que l'article 10, paragraphes 3 et 4, envisage deux dates différentes pour la prise en considération des paramètres de l'âge et du traitement est non fondé. Il expose que le nombre d'annuités peut être calculé selon deux méthodes différentes, la première étant prévue à l'article 10, paragraphes 2 et 3, des DGE et la seconde à l'article 10, paragraphe 4, dernier alinéa, des DGE. Il fait valoir que chacune de ces méthodes « vise à arrêter les calculs à une date déterminée et tire les conséquences des valeurs à cette date ». Il estime qu'« [i]l est normal de se placer à la même date au sein de chacune des deux [méthodes] » et qu'il est « abusif de tirer argument des différences entre [celles-ci] pour tenter de faire croire à une inégalité de traitement entre personnes placées dans la même situation ».

Appréciation du Tribunal

58
S'agissant, en premier lieu, des critiques de la requérante relatives au fait que, dans la formule de conversion, le grade de titularisation est pris en considération de la même manière pour les fonctionnaires qui sont recrutés au grade de base de leur catégorie que pour ceux qui le sont à un grade supérieur, il convient de considérer qu'elles ne sont pas fondées et qu'elles ne démontrent nullement une quelconque violation du principe d'égalité de traitement.

59
À cet égard, il y a lieu de rappeler que l'article 11, paragraphe 2, deuxième alinéa, de l'annexe VIII du statut dispose que « l'institution où le fonctionnaire est en service détermine, compte tenu du grade de titularisation, le nombre des annuités qu'elle prend en compte d'après son propre régime au titre de la période de service antérieur sur la base du montant de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat ». C'est ainsi qu'il a été jugé que, pour un fonctionnaire qui demande le transfert de ses droits à pension nationaux vers le régime communautaire, c'est le grade de titularisation, à savoir le grade attribué à la date de la titularisation, qui doit être pris en compte pour le calcul de la bonification d'annuités (arrêt du Tribunal du 13 juin 2002, Youssouroum/Conseil, T-106/01, RecFP p. I-A-93 et II-435, point 34, et la jurisprudence citée).

60
Dès lors que les DGE portent exécution, notamment, de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, elles doivent, dans le système de calcul de la bonification d'annuités qu'elles instituent, nécessairement tenir compte du grade attribué à la date de la titularisation.

61
Le statut, y compris son annexe VIII, ne contient aucune disposition régissant spécifiquement, pour ce qui concerne le transfert de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension acquis avant l'entrée au service des Communautés, la situation d'un nouveau fonctionnaire recruté au grade supérieur de sa catégorie. En l'absence d'une telle disposition spécifique, le transfert de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension de ce fonctionnaire est, comme pour tout autre fonctionnaire, régi par les dispositions de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut et de l'article 10, paragraphe 3, des DGE, selon lesquelles la bonification d'annuités est calculée en fonction du grade de titularisation du fonctionnaire (voir, par analogie, arrêt Youssouroum/Conseil, précité, point 41).

62
Certes, ainsi que le relève la requérante, l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut n'impose pas que la conversion de la rente théorique en annuités de pension soit réalisée en fonction du « traitement de base annuel » correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire. Toutefois, le fait, pour les DGE, d'avoir retenu, dans la formule de conversion, le critère du traitement de base de l'intéressé pour mettre en oeuvre l'obligation de tenir compte du grade de titularisation de celui-ci ne saurait nullement être critiqué. Ce critère, outre qu'il présente l'avantage d'être parfaitement objectif, est particulièrement approprié dans le contexte du transfert des droits à pension dès lors que, dans le régime de pensions communautaire, c'est précisément le traitement des intéressés qui sert tant d'assiette pour la fixation de leurs contributions que de base de calcul pour les prestations leur revenant.

63
Certes également, l'application de la formule de conversion a pour conséquence que plus le traitement de base est élevé, plus la bonification d'annuités est réduite. En d'autres termes, ainsi que le relève à juste titre la requérante, un fonctionnaire nouvellement recruté et classé au grade A 5 qui fait procéder au transfert de l'équivalent actuariel ou du forfait de rachat des droits à pension qu'il a antérieurement acquis bénéficiera d'une bonification d'annuités moins importante qu'un fonctionnaire nouvellement recruté et classé au grade A 7.

64
Il ne saurait toutefois en être déduit l'existence d'un traitement discriminatoire, dès lors que ces deux fonctionnaires se trouvent dans des situations différentes. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que, selon une jurisprudence constante, une discrimination ne peut consister que dans l'application de règles différentes à des situations comparables ou dans l'application de la même règle à des situations différentes (voir, notamment, arrêts de la Cour du 23 février 1983, Wagner, 8/82, Rec. p. 371, point 18 ; du 13 novembre 1984, Racke, 283/83, Rec. p. 3791, point 7, et du 29 avril 1999, Royal Bank of Scotland, C-311/97, Rec. p. I-2651, point 26).

65
En outre, il convient de relever qu'un nouveau fonctionnaire recruté au grade A 5 a la garantie que, même s'il ne fait l'objet d'aucune promotion avant d'atteindre l'âge de la retraite, il bénéficiera normalement d'une pension d'ancienneté fondée à tout le moins sur son traitement afférent à ce grade. Un nouveau fonctionnaire recruté au grade A 7 n'a, en revanche, que la garantie de se voir verser une pension d'ancienneté calculée sur son traitement afférent à ce grade.

66
L'argumentation de la requérante omet, par ailleurs, de tenir compte du fait que la pension d'ancienneté communautaire est calculée sur la base du dernier traitement de base afférent au dernier grade dans lequel le fonctionnaire a été classé pendant au moins un an. Or, il est évident qu'un fonctionnaire qui est classé au grade A 5 dès sa titularisation aura plus de chances de terminer sa carrière à un grade plus élevé qu'un fonctionnaire titularisé au grade A 7 et, par voie de conséquence, d'obtenir un traitement et des droits à pension plus importants que ce dernier. L'allégation de la requérante selon laquelle les nouveaux fonctionnaires recrutés au grade A 5 accèdent moins rapidement au grade A 3 que les nouveaux fonctionnaires recrutés au grade A 7 non seulement n'est nullement prouvée, mais en plus n'est guère crédible. À cet égard, il convient de faire remarquer, notamment, que, dans sa tentative de démonstration (voir point 36 ci-dessus), la requérante omet de tenir compte du fait que trois années d'expérience professionnelle sont généralement requises pour pouvoir être recruté au grade A 7.

67
S'agissant de la comparaison que la requérante effectue entre, d'une part, le montant transféré par sa caisse de pensions autrichienne et, d'autre part, le montant total des contributions versées par un fonctionnaire recruté au grade A 7 et atteignant le grade A 5, échelon 2, après 13 ans et 3 mois de service (voir point 38 ci-dessus), celle-ci est dénuée de toute pertinence. Les cotisations versées au titre du régime de pensions autrichien et les contributions effectuées au titre du régime de pensions communautaire ne sont, en effet, pas comparables entre elles, notamment en ce qu'elles ne sont pas fixées de la même manière et qu'elles ne donnent pas droit aux mêmes prestations.

68
Il convient de relever, en outre, que, alors que, pour ce qui est du montant transféré par sa caisse de pensions autrichienne, la requérante additionne les cotisations versées par elle-même et par son ancien employeur, dans l'exemple théorique du fonctionnaire qu'elle invoque, elle ne tient compte que de la seule contribution de ce dernier. Or, ainsi qu'il ressort de l'article 83, paragraphe 2, du statut, les fonctionnaires ne contribuent que pour un tiers au régime de pensions communautaire.

69
Quant à l'argument que la requérante tire du fait que la variante ii) se fonde sur le « grade de transfert » (voir point 37 ci-dessus), celui-ci repose sur une lecture erronée de l'article 10, paragraphe 4, sous b), des DGE. Le passage de cette disposition selon lequel « le traitement (T) [...] à prendre en compte pour le calcul des annuités [est] le traitement correspondant au grade de titularisation du fonctionnaire [...] en vigueur à la date du transfert » doit se comprendre comme se référant au traitement correspondant au grade de titularisation, comme il a été actualisé à la date du transfert effectif du montant en cause par la caisse de pensions nationale, et non, comme l'avance la requérante dans ses écritures, le traitement correspondant au grade de l'intéressé à la date de ce transfert. Lors de l'audience, la requérante a d'ailleurs « pris note » de la lecture correcte qui devait ainsi être faite de ce passage.

70
Enfin, pour ce qui est de l'illégalité de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, que la requérante invoque à titre subsidiaire dans le cadre de ce premier moyen (voir point 37 ci-dessus), il suffit de constater que cette dernière ne fait valoir à son appui aucun argument autre que ceux qui ont été examinés ci-dessus et qui ont été rejetés comme non fondés. Cette exception d'illégalité soulevée à titre subsidiaire doit donc être rejetée.

71
Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le premier grief que la requérante invoque à l'appui du premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

72
S'agissant, en deuxième lieu, des critiques que la requérante formule à l'encontre du fait que l'article 10, paragraphe 4, des DGE prévoit la conversion en francs belges, pour la détermination du nombre d'annuités, du montant transféré au compte des Communautés dans une monnaie autre que le franc belge, celles-ci sont également non fondées et ne démontrent nullement une quelconque violation du principe d'égalité de traitement.

73
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, jusqu'au 1er janvier 1999, les rémunérations, pensions et autres droits pécuniaires des fonctionnaires et agents étaient exprimés en francs belges et que, depuis cette date, ils le sont en euros. Lorsque, comme en l'espèce, le montant représentatif des droits à pension nationaux est transféré au compte des Communautés dans une autre monnaie, il est nécessaire de le convertir dans la monnaie utilisée dans le système communautaire, et ce, comme avancé à juste titre par le Conseil, afin de neutraliser les variations de valeur dans le temps entre ces deux monnaies. Certes, dans le cas présent, le forfait de rachat des droits à pension autrichiens de la requérante a été converti en francs belges, et non en euros, alors que celle-ci avait présenté sa demande de transfert après le 1er janvier 1999. Toutefois, cette circonstance a été sans conséquence sur le calcul de sa bonification d'annuités puisque, depuis le 1er janvier 1999, les taux de conversion entre l'euro et les monnaies des États membres ayant adopté l'euro, dont la Belgique, sont irrévocablement fixés.

74
Il ressort des écritures de la requérante, ainsi que des explications qu'elle a données lors de l'audience, que celle-ci ne conteste pas tant la nécessité de convertir en francs belges ou en euros le montant transféré par la caisse de pensions nationale dans une autre monnaie que les conséquences, en termes de nombre d'annuités, que cette conversion emporte suivant qu'il est fait usage, à cette fin, de la variante i) ou de la variante ii). Son argumentation consiste à soutenir que, lorsque le transfert est effectué à partir de la caisse de pensions d'un pays dit « à monnaie faible », comme l'Espagne, la Grèce ou le Portugal, la première variante est automatiquement appliquée, tandis que, lorsqu'il intervient au départ d'une caisse de pensions d'un pays dit « à monnaie forte », comme l'Autriche, la seconde variante est automatiquement utilisée. Cela aurait pour résultat que, pour un même montant transféré, la bonification d'annuités de pension est sensiblement plus élevée dans le premier cas que dans le second.

75
Cette argumentation ne saurait être accueillie.

76
En effet, d'une part, les comparaisons auxquelles la requérante procède pour tenter de démontrer le bien-fondé de ses allégations ne sont nullement concluantes. Ainsi, dans le premier tableau qu'elle fournit (voir point 40 ci-dessus), elle compare sa situation avec celle d'un fonctionnaire dont le sexe, l'âge et le classement en échelon lors du recrutement sont différents des siens, alors que ces éléments entrent en ligne de compte dans le calcul de la bonification d'annuités. En outre, ainsi que le relève à juste titre le Conseil dans sa réponse à l'une des questions écrites posées par le Tribunal, il n'est nullement établi que la requérante se soit placée à la même date pour effectuer les calculs contenus dans ce tableau. Les autres comparaisons réalisées par cette dernière (voir point 41 ci-dessus) ne sont pas davantage acceptables en ce qu'elles reposent sur des prémisses incorrectes. Ainsi, les calculs qu'elle avance sont faussés par le fait qu'elle applique la variante i) à des montants exprimés dans différentes monnaies nationales et obtenus en convertissant un même montant transféré exprimé en schillings autrichiens sur la base de « taux actuel[s] » correspondant apparemment aux taux de conversion entre l'euro et ces monnaies nationales applicables depuis le 1er janvier 1999. Or, il est évident que, au cours de la période de 27 ans d'activités antérieures à l'entrée au service des Communautés invoquée par la requérante, des modifications, parfois importantes, sont intervenues dans les cours de ces différentes monnaies nationales. Il y a lieu de remarquer en outre que, pour son exemple d'application de la variante i) au montant exprimé en francs belges, la requérante ne procède pas au préalable à une conversion sur la base du « taux actuel » et que, pour son exemple d'application de cette variante au montant exprimé en drachmes grecques, elle semble utiliser le taux de conversion entre l'euro et la drachme grecque applicable depuis le 1er janvier 2001. Par ailleurs, dans le cas des montants convertis en drachmes grecques, en pesetas espagnoles et en escudos portugais, elle semble effectuer ses calculs à la date du 1er janvier 1999.

77
D'autre part, il ressort des explications fournies par le Conseil que le fait que l'application de la variante i) à un montant transféré au départ d'une caisse de pensions d'un pays dit « à monnaie faible » peut être plus avantageuse que l'application de la variante ii) à un montant transféré au départ d'une caisse de pensions d'un pays dit « à monnaie forte » est la conséquence non des règles communautaires, mais de la fluctuation des différentes monnaies nationales, soit de circonstances extérieures à l'action des Communautés. Il y a lieu de faire remarquer, ainsi, que la peseta espagnole et l'escudo portugais, utilisés par la requérante dans ses exemples comparatifs, ont subi plusieurs dévaluations au cours des années 90.

78
Le second grief que la requérante invoque à l'appui de son premier moyen doit donc également être rejeté comme non fondé.

79
Concernant, en troisième lieu, les critiques de la requérante tirées de la prise en compte de valeurs actuarielles dans la formule de conversion, celles-ci ne sont pas fondées non plus.

80
S'agissant, tout d'abord, du fait, à le supposer établi, que la caisse de pensions nationale utilise déjà, dans l'évaluation du montant à transférer, des facteurs actuariels fondés sur l'espérance de vie, celui-ci est dépourvu de toute pertinence. En effet, ainsi qu'il a déjà été exposé aux points 28 à 31 ci-dessus, les modalités de calcul de ce montant relèvent de la seule compétence de l'autorité nationale ou internationale qui administre le régime de pensions auquel l'intéressé a été affilié antérieurement à son entrée en service auprès des Communautés. Une fois que ledit montant a été fixé, il appartient, conformément à l'article 11, paragraphe 2, second alinéa, de l'annexe VIII du statut, à l'institution communautaire concernée de le réapprécier en fonction des règles valables pour le système de pensions de la Communauté, lesquelles peuvent, en toute hypothèse, prévoir l'utilisation de facteurs actuariels.

81
Ensuite, la requérante ne saurait utilement tirer argument de ce que, dans le régime de pensions communautaire, aucune distinction selon le sexe n'est faite en ce qui concerne les contributions des fonctionnaires et l'âge requis pour l'obtention de la pension d'ancienneté.

82
Premièrement, elle compare, de la sorte, deux catégories de fonctionnaires se trouvant dans des situations différentes, à savoir, d'une part, les fonctionnaires qui font verser aux Communautés l'équivalent actuariel ou le forfait de rachat des droits à pension d'ancienneté qu'ils ont acquis au titre d'activités antérieures à leur entrée au service des Communautés et, d'autre part, ceux qui contribuent au régime de pensions communautaire du fait de leurs activités auprès d'une institution communautaire.

83
Deuxièmement, et en tout état de cause, l'utilisation de facteurs différenciés selon le sexe et l'âge aux fins du calcul des bonifications d'annuités est objectivement justifiée par la nécessité de garantir une saine gestion financière du régime de pensions communautaire. En effet, lorsque, en application de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, un fonctionnaire fait transférer au budget communautaire, sous forme d'équivalent actuariel ou de forfait de rachat, un capital représentatif des droits à pension qu'il a acquis avant son entrée au service des Communautés, il obtient en échange un droit à des prestations futures au titre du régime de pensions communautaire, droit représenté par des annuités bonifiées et dont l'étendue est fonction du nombre de ces annuités qui lui est accordé. Pour déterminer la valeur actuelle de ce droit, l'institution communautaire concernée doit tenir compte d'une série d'éléments, dont la durée probable pendant laquelle le capital apporté par l'intéressé se trouvera dans le budget communautaire, l'avancement anticipé de sa carrière, la probabilité que ces prestations lui seront versées et la durée probable pendant laquelle ces versements interviendront. Or, il est évident que ces éléments dépendent notamment du sexe et de l'âge de l'intéressé à son entrée dans le système de pensions communautaire. Ainsi, d'une part, il est un fait acquis que, statistiquement, les femmes ont une durée de vie plus longue que les hommes. D'autre part, la probabilité pour qu'une personne, qui entre au service de la Communauté à un âge éloigné de l'âge de la retraite, décède avant d'avoir atteint cet âge est plus importante que la probabilité de même nature se rapportant à une personne recrutée à un âge voisin de celui auquel elle sera en droit de faire valoir ses droits à pension. En outre, cette personne laissera plus longtemps à la disposition du budget communautaire le capital qu'elle a apporté qu'un fonctionnaire plus proche de l'âge de la retraite. En d'autres termes, des facteurs tels que la durée du service entre la date du recrutement de l'intéressé et son départ à la retraite ainsi que la durée probable, déterminée sur la base de données statistiques, pendant laquelle il bénéficiera de la pension d'ancienneté communautaire influent directement sur la responsabilité financière de la Communauté envers chaque fonctionnaire individuellement concerné, et une saine gestion financière du système de pensions communautaire nécessite que ces facteurs soient pris en compte et correctement évalués. C'est donc à bon droit que le Conseil tient compte, dans la formule de conversion, de facteurs actuariels liés à l'âge et au sexe de l'intéressé.

84
Enfin, l'argument de la requérante selon lequel, l'article 83, paragraphe 4, du statut prévoyant déjà la possibilité d'une évaluation actuarielle du régime de pensions communautaire, il ne saurait être question d'une deuxième évaluation actuarielle des montants à transférer ne saurait être retenu. Il s'agit, en effet, de deux opérations totalement distinctes et qui poursuivent des objectifs différents. Ainsi, l'évaluation actuarielle prévue par cette disposition concerne le régime de pensions communautaire dans son ensemble et vise à vérifier si le montant de la contribution des fonctionnaires est suffisant pour assurer le financement du tiers des prestations prévues au régime de pensions. La seconde opération a pour but, ainsi qu'il a été précisé au point précédent, d'établir la valeur, en termes de droit à des prestations futures, du capital transféré au compte des Communautés dans le cas de chaque fonctionnaire individuellement concerné.

85
Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter comme non fondé le troisième grief soulevé par la requérante à l'appui de son premier moyen.

86
Le quatrième grief que la requérante invoque à l'appui de ce premier moyen doit également être rejeté comme non fondé.

87
Tout d'abord, ainsi qu'il a déjà été constaté au point 69 ci-dessus, l'allégation de la requérante selon laquelle la variante ii) se fonde sur le traitement correspondant au grade de l'intéressé à la date du transfert effectif du montant concerné par la caisse de pensions nationale repose sur une lecture erronée de l'article 10, paragraphe 4, sous b), des DGE. Le traitement pris en considération dans ce contexte est, en effet, celui correspondant au grade de titularisation, comme il a été actualisé à la date de ce transfert effectif.

88
Il convient de constater, ensuite, que, puisque la variante ii) prévoit la conversion, en francs belges, du montant transféré sur la base du taux actualisé en vigueur à la date du transfert, il est logique que ce soit cette même date qui serve de référence pour les autres paramètres de la formule de conversion, à savoir ceux du traitement correspondant au grade de titularisation et de l'âge de l'intéressé. Lorsque cette variante n'est pas appliquée, ces différents paramètres sont, eux aussi, pris en considération par rapport à une même date, à savoir celle de la titularisation.

89
Enfin, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, la valeur « M » de la formule de conversion n'est pas strictement identique selon qu'il est fait application ou non de la variante ii). Dans la seconde hypothèse, « M » correspond au montant transféré par la caisse de pensions nationale, diminué d'un intérêt de 3,5 % l'an pour la période allant de la date de titularisation à la date du transfert effectif de ce montant au compte des Communautés, étant entendu que cet intérêt n'est pas déduit « pour les périodes durant lesquelles le montant transférable n'a pas été revalorisé ou majoré d'intérêts par la caisse de pensions [nationale] » (article 10, paragraphe 2, des DGE). Dans la première hypothèse, en revanche, « M » représente le montant total transféré, c'est-à-dire non diminué d'un intérêt de 3,5 % l'an.

90
Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le second moyen, tiré de l'illégalité de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut

Arguments des parties

91
La requérante soutient que l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut viole les principes d'égalité de traitement et de la libre circulation des travailleurs.

92
Elle avance que le « système de transfert lui-même » mis en place par cette disposition a pour conséquence que « les fonctionnaires commençant leur carrière plus tard aux Communautés européennes se verront défavorisés quant à leurs droits à pension par rapport aux fonctionnaires ayant commencé leur carrière plus tôt alors qu'ils auront travaillé à la fin de leur carrière environ le même nombre d'années ».

93
La requérante affirme qu'une telle différenciation est manifestement arbitraire et inadéquate par rapport à l'objectif poursuivi, à savoir assurer le passage d'un régime de pensions national au régime de pensions communautaire. Plus particulièrement, elle estime qu'il n'est pas normal que, alors qu'elle a cotisé pendant plus de treize ans au régime de pensions autrichien, ses annuités soient limitées à cinq ans environ, et ce d'autant plus qu'elle n'avait d'autre choix que de transférer ses droits à pension. Elle indique que, lorsqu'elle aura atteint l'âge de la retraite, elle ne bénéficiera que d'une pension communautaire réduite, correspondant à une pension de retraite anticipée à 51 ans, et que, pour pouvoir bénéficier d'une pension complète, elle devra travailler au moins quatre années supplémentaires. Elle relève également que la rémunération dont elle bénéficiait avant son entrée au service du Conseil était inférieure à celle d'un fonctionnaire de grade A 7 mais que les cotisations qu'elle versait à la caisse de pensions autrichienne étaient en revanche plus élevées que les contributions d'un tel fonctionnaire au régime de pensions communautaire.

94
La requérante ajoute que le système de transfert des droits à pension est « en contradiction avec la logique même du système de pensions communautaire ». En effet, dans le cadre de ce dernier système, il n'y aurait pas de corrélation entre le montant des cotisations, d'une part, et le montant de la pension, d'autre part.

95
Enfin, la requérante soutient que le système de transfert des droits à pension, et, plus particulièrement, « la non-garantie de la totalisation de toutes les périodes de cotisation prises en considération par les législations nationales », constitue un obstacle majeur à la libre circulation des travailleurs. Ceux-ci seraient, en effet, dissuadés d'entrer au service des Communautés et, d'une façon générale, de chercher un travail dans un autre État membre du fait de la « perte dans une telle proportion » des droits à pension acquis antérieurement.

96
Dans sa réplique, la requérante réaffirme que, lorsqu'il a procédé à la conversion en annuités du montant transféré, le Conseil a appliqué une seconde fois des critères actuariels et a de la sorte réduit ce montant et, partant, ses droits à pension. Elle en conclut que le Conseil a nécessairement « porté atteinte » aux périodes de cotisation qu'elle avait accomplies en Autriche.

97
Le Conseil conteste l'allégation de la requérante selon laquelle l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut viole les principes d'égalité de traitement et de la libre circulation des travailleurs.

98
Il affirme que cette allégation repose sur la prémisse erronée selon laquelle le traité impose une harmonisation des régimes de sécurité sociale et selon laquelle « la valorisation des avantages par année de cotisation dans un régime donne nécessairement la même valorisation pour les mêmes avantages par année de cotisation dans un autre régime ». Il expose que, les régimes nationaux étant différents en ce qui concerne les cotisations et les avantages, ce sont les périodes de cotisation accomplies au titre de ces régimes qui doivent être prises en considération aux fins du transfert des droits à pension vers le régime communautaire. Il ajoute que la requérante n'a pas démontré que « toutes les périodes de cotisation accomplies dans son régime d'origine n'[avaient] pas été prises en compte dans le régime communautaire ». Plus particulièrement, elle n'aurait pas démontré que « sa caisse d'origine, dans le calcul de la valeur monétaire de ses 159 mois de cotisations, n'avait pas retenu la totalité des 159 mois de cotisations [ni] que la valeur monétaire de la pension qu'elle percevra au titre du régime communautaire au grade terminal de sa carrière ne tiendra pas compte de ces 159 mois de cotisations ».

Appréciation du Tribunal

99
Les arguments de la requérante tendant à démontrer que l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut n'est pas compatible avec les principes d'égalité de traitement et de la libre circulation des travailleurs ne sauraient être accueillis.

100
En premier lieu, son allégation selon laquelle le système mis en place par cette disposition a pour conséquence de défavoriser les fonctionnaires qui commencent leur carrière plus tard au service des Communautés par rapport à ceux qui la commencent plus tôt est dénuée de tout fondement.

101
Tout d'abord, la requérante ne démontre nullement que l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut, tel qu'il est mis en oeuvre par le Conseil, ne permet pas que les droits qu'elle a acquis au titre de ses activités professionnelles antérieures à son entrée au service des Communautés puissent être conservés à son profit et être pris en compte par le régime de pensions communautaire (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 octobre 1981, Commission/Belgique, 137/80, Rec. p. 2393, point 12).

102
À cet égard, il convient de rappeler que, pour les motifs exposés aux points 28 à 31 ci-dessus, il n'apparaît pas anormal que la détermination des annuités à prendre en compte pour la pension communautaire aboutisse à un nombre différent de celui des annuités prises en compte par l'autorité nationale ou internationale. Comme ces annuités n'ont une signification que par rapport aux prestations auxquelles elles donnent droit dans le cadre des différents régimes, national (ou international) et communautaire, elles ne sont pas comparables entre elles (arrêt Celant e.a./Commission, précité, point 28).

103
Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans sa réplique, la requérante admet expressément qu'elle avait la possibilité de « racheter les 21 mois qui lui manquaient pour totaliser les 180 mois nécessaires pour l'obtention d'une pension dans [le] régime [autrichien] », et donc de maintenir ses droits à pension autrichiens dans ce régime. Le transfert, par la requérante, du forfait de rachat de ces droits à pension au régime communautaire a constitué, pour celle-ci, une option qu'elle a librement exercée. Elle avait la possibilité d'apprécier les avantages et les inconvénients de son choix et de prendre une décision conforme à ses intérêts.

104
Pour le surplus, il convient de constater que les griefs de la requérante se confondent avec ceux qu'elle a avancés dans le cadre de son premier moyen et doivent être rejetés pour les mêmes raisons.

105
Il y a donc lieu de conclure que la requérante ne démontre nullement avoir subi un traitement discriminatoire du fait de l'application de l'article 11, paragraphe 2, du statut.

106
En second lieu, pour les mêmes motifs, il ne saurait être prétendu que cette disposition porte atteinte à la libre circulation des travailleurs. Au contraire, elle facilite le plein exercice de cette liberté fondamentale, notamment en permettant à une personne établie dans un État membre d'accepter un emploi dans une institution communautaire située sur le territoire d'un autre État membre sans perdre les droits à pension qu'elle a acquis au titre d'activités professionnelles antérieures.

107
Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure qu'aucun élément de nature à affecter la légalité de l'article 10, paragraphes 3 et 4, des DGE et de l'article 11, paragraphe 2, de l'annexe VIII du statut n'a été apporté par la requérante. En conséquence, le recours doit être rejeté.


Sur les dépens

108
Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Chacune des parties supportera ses propres dépens.

García-Valdecasas

Lindh

Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 mars 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Lindh


1 -
Langue de procédure: le français.