Language of document : ECLI:EU:T:2024:10

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

17 janvier 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale BIOPÔLE – Marque nationale verbale antérieure AGUA BIOPOLAR – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑61/23,

Ona Investigación, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me T. Villate Consonni, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Crawcour Hage et M. J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Formdiet, SA, établie à Alcarras (Espagne),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Ona Investigación, SL, demande, en substance, l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 15 novembre 2022 (affaire R 1097-2022-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 26 novembre 2019, Formdiet, SA a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal BIOPÔLE, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque demandée désignait les produits et services relevant des classes 3, 5 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits cosmétiques et préparations de toilette non médicamenteux ; dentifrices autres qu’à usage médical ; parfumerie, huiles essentielles ; savons ; lotions capillaires ; déodorants à usage personnel [parfumerie] » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques ; produits à usage médical ; produits hygiéniques pour la médecine ; aliments et substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains ; emplâtres ; matières pour pansements ; désinfectants ; produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides » ;

–        classe 35 : « Publicité ; services de représentation commerciale ; services d’importation et d’exportation ; services de ventes au détail, en gros ou par le biais de réseaux informatiques mondiaux de produits cosmétiques et de préparations de toilette à usage non médical, dentifrices non médicinaux, produits de parfumerie, huiles essentielles, savons, lotions capillaires, désodorisants à usage personnel (produits de parfumerie) et produits pharmaceutiques ; services de vente au détail, en gros ou par le biais de réseaux informatiques mondiaux de préparations à usage médical, produits hygiéniques et sanitaires à usage médical, aliments et substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, compléments alimentaires pour les personnes, sparadraps, matériel pour pansements, désinfectant, produits pour la destruction d’animaux nuisibles, fongicides ».

4        Le 14 mai 2020, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était notamment fondée sur la marque espagnole verbale antérieure AGUA BIOPOLAR, enregistrée le 8 novembre 2019 sous la référence M 4 006 047 et désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Huiles essentielles et extraits aromatiques ; articles de toilette ; préparations nettoyantes et aromatisantes ; parfums pour la maison ; produits de parfumerie et fragrances ; préparations pour le nettoyage et les soins du corps ; produits pour l’hygiène buccale ; déodorants et antitranspirants ; savons et gels cosmétiques ; préparations pour le bain ; préparations et traitements pour les cheveux ; produits de maquillage ; produits pour soins de la peau, des yeux et des ongles ; produits pour l’épilation et le rasage ; crème de douche ; savon de douche ; savon-crème pour le corps ; produits à base de savon ; savons à usage personnel ; huiles de bain autres que médicamenteuses ; crèmes pour le bain non médicamenteuses ; mousse pour le bain (non médicamenteuse) ; gels de bain ; lotions pour le bain (non médicamenteuses) ; préparations cosmétiques pour le bain ; préparations pour le bain autres qu’à usage médical ; produits pour le bain à usage cosmétique ; sels de bain autres que médicinaux ; huiles pour le soin des cheveux ; huiles pour la barbe ; huiles de coiffage ; éclaircissants pour cheveux ; après-shampooings hydratants pour cheveux ; baumes capillaires ; après-shampooing ; mousse pour la protection des cheveux ; bains revitalisants pour les cheveux (à usage cosmétique) ; émollients pour cheveux ; démêlants pour cheveux ; crèmes protectrices pour cheveux ; crèmes pour les cheveux ; cosmétiques pour les cheveux ; shampooings à usage personnel ; shampooings non médicinaux pour les cheveux ; masques pour les cheveux ; lotions pour la teinture des cheveux ; lotions pour permanentes ; lotions pour les cheveux ; lotions pour la protection des cheveux ; lotions capillaires à usage cosmétique ; laques pour les cheveux ; hydratants pour cheveux ; gels pour les cheveux ; mousses pour les cheveux ; produits formulés pour la coloration des cheveux ; préparations pour traitement capillaire ; préparations pour soins des cheveux autres qu’à usage médical ; préparations non médicamenteuses pour le traitement des cheveux à usage cosmétique ; préparations cosmétiques pour la coiffure ; préparations capillaires de protection solaire ; nutriments pour les cheveux ; mèches et reflets (préparations pour les cheveux) ; masques pour le soin des cheveux ; produits cosmétiques pour soins des cheveux et du cuir chevelu ; produits de rinçage pour les cheveux (après-shampooing) ; sérums capillaires ; toniques pour les cheveux ; préparations pour ondulations permanentes ; traitements déshydratants pour les cheveux à usage cosmétique ; traitements pour l’entretien des cheveux à usage cosmétique ; baumes pour les lèvres (non médicamenteux) ; baumes pour la peau (autres que médicamenteux) ; cosmétiques sous forme de lotions ; concentrés hydratants (cosmétiques) ; crèmes cosmétiques pour soins de la peau ; crèmes pour le corps ; crèmes nettoyantes non médicamenteuses ; crèmes dermatologiques (non médicamenteuses) ; émollients pour la peau autres que médicamenteux ; crèmes et lotions bronzantes ; crèmes protectrices ; hydratants cosmétiques ; lotions cosmétiques pour le soin de la peau ; laits nettoyants pour le soin de la peau ; produits nettoyants pour la peau (non médicamenteux) ; masques pour la peau (produits cosmétiques) ; préparations cosmétiques pour le soin du visage, protections des lèvres (cosmétiques) ; produits après-soleil à usage cosmétique ; produits non médicamenteux pour le soin du visage ; toniques (cosmétiques), sérums non médicamenteux pour la peau ».

6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

7        Le 6 mai 2022, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité. Elle a conclu, en substance, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

8        Le 22 juin 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours, au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rendre un arrêt accueillant ses conclusions et rejetant la demande d’enregistrement. 

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, dans l’hypothèse où une audience serait prévue.

 En droit

 Sur la portée du recours

12      Par son recours, la requérante demande au Tribunal de « rendre un arrêt accueillant [s]es conclusions […] et rejetant la demande d’enregistrement » (voir point 10 ci-dessus).

13      Toutefois, il ressort clairement du corps de la requête que l’objet du recours est d’obtenir l’annulation de la décision attaquée. En effet, la requérante précise introduire son recours conformément à l’article 72 du règlement 2017/1001 et demande au Tribunal d’établir un certain nombre d’erreurs démontrant que la chambre de recours aurait fait une application erronée de l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, ce qui justifierait l’annulation de la décision attaquée et par conséquent « le rejet de l’enregistrement de la marque demandée », en raison d’un motif relatif de refus.

14      Il s’ensuit que le recours de la requérante tend, en réalité, à l’annulation de la décision attaquée, en ce qu’elle a rejeté l’opposition contre la marque demandée.

 Sur la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

15      L’EUIPO soutient que certaines annexes de la requête, à savoir les annexes A.7 et A.8, ont été présentées pour la première fois devant le Tribunal, et non pendant la procédure devant l’EUIPO, et doivent par conséquent être déclarées irrecevables. L’annexe A.7 concerne une série d’extraits de sites Internet relatifs au prestige dont jouissent les cosmétiques d’origine française en Espagne et l’annexe A.8 concerne un extrait du registre du commerce espagnol concernant l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

16      À cet égard, il convient de rappeler qu’un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêt du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55).

17      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

18      En l’espèce, il y a lieu de constater que les annexes A.7 et A.8 ont été produites pour la première fois devant le Tribunal. Partant, ces annexes de la requête doivent être rejetées comme irrecevables.

 Sur le fond

19      La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. À l’appui de son moyen unique, la requérante fait valoir qu’il existe un risque de confusion et conteste la comparaison des signes en conflit effectuée par la chambre de recours.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

22      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que les produits désignés par la marque demandée compris dans la classe 3 s’adressaient au consommateur moyen ayant un niveau d’attention moyen. Quant aux produits de la même marque compris dans la classe 5, la chambre de recours a conclu qu’ils s’adressaient au grand public, mais également aux professionnels du secteur de la santé, ayant un degré d’attention élevé. S’agissant enfin des services visés par ladite marque, compris dans la classe 35, la chambre de recours a considéré que les services de « publicité », les « services de représentation commerciale » et les « services d’importation et d’exportation » s’adressaient principalement à des professionnels qui feraient preuve d’un niveau d’attention élevé et que les services de vente au détail de produits cosmétiques, de parfumerie, d’hygiène, de médicaments ou de produits diététiques s’adressaient au grand public qui ferait preuve d’un niveau d’attention moyen ou élevé et les services de vente en gros des produits susmentionnés principalement à un public professionnel qui ferait preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne.

23      La chambre de recours a ensuite considéré que, compte tenu de la marque nationale antérieure fondant l’opposition, le territoire pertinent était celui de l’Espagne.

24      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante et aucun élément du dossier ne permet de les remettre d’office en cause.

 Sur la comparaison des produits et des services en cause

25      La chambre de recours a constaté que les produits désignés par la marque demandée compris dans la classe 3 se chevauchaient et étaient donc identiques aux produits de la même classe visés par la marque antérieure. S’agissant des produits désignés par la marque demandée compris dans la classe 5, la chambre de recours a considéré que les « préparations pour le nettoyage »  présentaient un degré de similitude moyen avec les produits désignés par la marque antérieure, compris dans la classe 3, que  les  « produits pharmaceutiques ; produits à usage médical ; produits hygiéniques pour la médecine ; produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides » présentaient un degré de similitude faible avec ces mêmes produits désignés par la marque antérieure et que les autres produits en cause, à savoir les « aliments et substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains ; emplâtres ; matières pour pansements », étaient différents des mêmes produits désignés par la marque antérieure. Enfin, quant aux services visés par la marque demandée, compris dans la classe 35, la chambre de recours a estimé que les « services de ventes au détail, en gros ou par le biais de réseaux informatiques mondiaux de produits pharmaceutiques, de produits cosmétiques et de préparations de toilette à usage non médical, dentifrices non médicinaux, produits de parfumerie, huiles essentielles, savons, lotions capillaires, désodorisants à usage personnel (produits de parfumerie) » étaient similaires aux produits désignés par la marque antérieure et que les « services de vente au détail, en gros ou par le biais de réseaux informatiques mondiaux de préparations à usage médical, produits hygiéniques et sanitaires à usage médical, aliments et substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, compléments alimentaires pour les personnes, sparadraps, matériel pour pansements, désinfectant, produits pour la destruction d’animaux nuisibles, fongicides ; services de publicité ; services de représentation commerciale ; services d’importation et d’exportation » étaient différents des produits désignés par la marque antérieure.

26      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante et aucun élément du dossier ne permet de les remettre d’office en cause.

 Sur la comparaison des signes

27      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

28      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

–       Sur les éléments distinctifs et dominants des marques en conflit

29      La chambre de recours a considéré en substance que la marque antérieure consistait en deux éléments verbaux, à savoir « agua » et « biopolar », qui avaient une signification claire et évidente pour le public pertinent espagnol, et serait perçue, dans son ensemble, comme une référence à une « eau écologique polarisée », le terme « polar » étant son élément le plus distinctif.

30      En ce qui concerne la marque demandée, la chambre de recours a considéré que la seconde partie, « pôle », du terme « biopôle » constituait l’élément le plus distinctif de la marque demandée, lequel n’aurait pas de signification pour le public pertinent.

31      S’agissant de l’élément « bio », commun aux signes en conflit, la chambre de recours a considéré que ce préfixe était associé à la vie et aux choses vivantes et, en particulier, à quelque chose de naturel ou d’origine biologique. Ainsi, selon la chambre de recours, ce préfixe ne revêtait que peu de caractère distinctif en ce qui concerne les produits et les services en cause, car il indiquait simplement que ces derniers étaient d’origine biologique.

32      La requérante fait valoir que le public pertinent considère les termes « biopolar » et « biopôle » dans leur globalité sans les décomposer respectivement en leurs éléments « bio » et « polar » ainsi que « bio » et « pôle ». Dès lors, selon la requérante, la chambre de recours a commis une erreur en éliminant l’élément « bio » de la comparaison et en ne considérant pas l’élément « bio » comme faisant partie des éléments les plus distinctifs des marques en conflit.

33      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

34      Selon la jurisprudence, pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêt du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35].

35      Du fait de leur faible, voire très faible, caractère distinctif, les éléments descriptifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, sauf lorsque, en raison notamment de leur position ou de leur dimension, ils apparaissent comme susceptibles de s’imposer à la perception du public et d’être gardés en mémoire par celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 49 et jurisprudence citée].

36      Si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décompose celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, ont une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connait [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 51].

37      En l’espèce, il convient de constater que la chambre de recours a considéré, à juste titre, que le public pertinent décomposerait l’élément « biopolar » de la marque antérieure en ses éléments « bio » et « polar », tout comme il le ferait sans doute s’agissant des éléments « bio » et « pôle » de la marque demandée, eu égard à la présence de l’élément « bio », qui est clairement identifiable et distinguable par ledit public.

38      En effet, en ce qui concerne l’appréciation de la similitude entre les signes en conflit, il convient de rappeler qu’elle ne peut pas se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en conflit considérées chacune dans son ensemble, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci (voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 48).

39      Or, selon une jurisprudence constante, le caractère distinctif plus ou moins élevé des éléments communs à une marque demandée et à une marque antérieure est un des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la similitude des signes [voir arrêt du 26 mars 2015, Royal County of Berkshire Polo Club/OHMI – Lifestyle Equities (Royal County of Berkshire POLO CLUB), T‑581/13, non publié, EU:T:2015:192, point 41 et jurisprudence citée]. En effet, les éléments descriptifs, non distinctifs ou faiblement distinctifs d’une marque complexe ont généralement un poids moindre dans l’analyse de la similitude entre les signes que les éléments revêtus d’un caractère distinctif plus important, qui ont également une faculté plus grande à dominer l’impression d’ensemble produite par cette marque (voir, par analogie, arrêt du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 53 et jurisprudence citée).

40      En ce qui concerne le sens du préfixe « bio », il peut être rappelé que si, au sens strict, sa fonction première est d’indiquer un rapport avec la vie, les êtres vivants et leur étude ou encore des secteurs de production utiles pour l’homme, le Tribunal a toutefois déjà eu l’occasion de souligner que l’élément verbal « bio » avait acquis un sens différent dans le langage courant. En particulier, dans le commerce, son utilisation comme préfixe ou suffixe a acquis aujourd’hui une portée hautement évocatrice, qui peut éventuellement être perçue d’une manière différente selon le produit mis en vente auquel il est rattaché, mais qui, de manière générale, renvoie à l’idée de respect de l’environnement, de l’utilisation de matières naturelles, voire de procédés de fabrication écologiques [voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2013, Laboratoire Bioderma/OHMI – Cabinet Continental (BIODERMA), T‑427/11, non publié, EU:T:2013:92, points 45 et 46]. Un tel constat peut également être effectué, en l’espèce, à l’égard de la perception de l’élément verbal « bio » par le public pertinent.

41      Dès lors, l’élément « bio », commun aux signes en conflit, revêt peu ou pas de caractère distinctif quant aux produits et aux services en cause, car, conformément à la jurisprudence, il indique simplement l’origine biologique de ces derniers [voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – Bio-tec Biologische Naturverpackungen (BIOPLAST BIOPLASTICS FOR A BETTER LIFE), T‑2/20, non publié, EU:T:2020:493, point 48 et jurisprudence citée].

42      Par conséquent, c’est également sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que l’élément « bio », commun aux signes en conflit, constituait un élément faiblement distinctif et a minoré à juste titre l’impact de cet élément dans la comparaison des marques en conflit.

–       Sur la comparaison visuelle

43      La chambre de recours a estimé que les marques en conflit présentaient un degré de similitude faible sur le plan visuel, étant donné que les marques différaient par leur structure – deux éléments verbaux pour la marque antérieure contre un seul pour la marque demandée – et leurs éléments les plus distinctifs « polar » et « pôle ».

44      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la présence de l’élément « bio » dans la partie initiale des signes en conflit. À cet égard, la requérante fait valoir que les marques ont la même structure, composée de « bio » et de « pol ». Ainsi, les signes en conflit présenteraient un degré élevé de similitude sur le plan visuel en raison du fait que les éléments distinctifs « biopolar » et « biopôle » seraient quasi identiques, car la marque demandée serait presque entièrement comprise dans l’élément distinctif de la marque antérieure. En effet, selon la requérante, « six des sept lettres qui composent la marque [demandée] sont les mêmes, sont placées dans le même ordre et occupent la même position » que celles composant l’élément distinctif de la marque antérieure.

45      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

46      Premièrement, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, la marque antérieure est relativement plus longue que la marque demandée et comprend deux éléments verbaux, « agua » et « biopolar ».

47      Toutefois, dans la requête, la requérante a considéré uniquement les éléments « biopolar » et « biôpole » comme étant pertinents et a omis de prendre en compte l’élément « agua » de la marque antérieure.

48      À cet égard, il convient de rappeler que seuls les éléments négligeables peuvent être ignorés lors de la comparaison des marques (arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, comme souligné à juste titre par la chambre de recours aux points 64, 66 et 83 de la décision attaquée. En l’espèce, il n’est pas contesté que les deux éléments de la marque antérieure ont une signification claire pour le public pertinent. Or, le premier élément de la marque antérieure, « agua », signifie en substance « eau » en espagnol. En ce qui concerne le second élément de la marque antérieure, « biopolar », le préfixe « bio » sera compris par le public espagnol comme étant l’abréviation courante du terme espagnol « biológico », qui signifie « biologique » et peut, comme indiqué au point 40 ci-dessus, évoquer la notion de produits ou de services de type « biologique », « organique » ou « écologique », tandis que le public espagnol interprétera le suffixe « polar » comme qualifiant l’eau dans le sens où elle est polarisée. Dès lors, comme relevé à juste titre par la chambre de recours au point 55 de la décision attaquée, le second élément de la marque antérieure, « biopolar », se réfère, en tant qu’adjectif, au premier élément de cette marque, « agua », de sorte que la marque antérieure sera perçue comme une référence à « eau écologique polarisée » par le public pertinent. Étant donné que les deux éléments de la marque antérieure, « agua » et « biopolar », constituent une expression revêtant une signification claire et évidente pour le public pertinent, l’élément « agua » ne saurait être considéré comme négligeable.

49      Ainsi, étant donné que la marque antérieure contient deux éléments verbaux, tandis que la marque demandée ne se compose que d’un seul élément, force est de constater que les marques en conflit n’ont pas la même structure.

50      Deuxièmement, le terme « biopolar », présent dans la marque antérieure, et le terme « biopôle », constituant la marque demandée, ont certes en commun les quatre premières lettres et la sixième lettre des éléments distinctifs et dominants des marques en conflit. Il importe cependant de préciser que cette suite de lettres communes commence par le préfixe « bio », dont le caractère peu distinctif au regard des produits et des services en cause atténue considérablement la similitude visuelle née de celle-ci, même si le poids relatif de ce préfixe doit être pris en compte lors de la comparaison des signes en conflit [voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2015, Bionecs/OHMI – Fidia farmaceutici (BIONECS), T‑262/14, non publié, EU:T:2015:888, point 49].

51      Troisièmement, l’élément verbal constituant la marque demandée, « biopôle », et le second élément verbal constituant la marque antérieure, « biopolar », diffèrent visuellement par leur cinquième lettre, à savoir « ô » et « o », et par leurs terminaisons respectives, à savoir « e » et « ar », ainsi que, et avant tout, par la présence du premier élément verbal de la marque antérieure, « agua », différences qui ne sauraient être ignorées.

52      Au regard de l’ensemble de ces éléments, il convient de conclure que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit présentaient un faible degré de similitude sur le plan visuel.

–       Sur la comparaison phonétique

53      La chambre de recours a estimé que la marque antérieure serait prononcée « aguabiopolar » et la marque demandée « biopol ». Par ailleurs, la chambre de recours a estimé que la marque antérieure se composait de plus de syllabes et que son rythme était différent de celui de la marque demandée. La chambre de recours en a ainsi conclu que les marques en conflit présentaient en degré de similitude faible sur le plan phonétique.

54      La requérante fait valoir que la prononciation des éléments distinctifs des deux marques en conflit est globalement la même, étant donné que les consommateurs ont une prédisposition à raccourcir la prononciation des éléments distinctifs des marques et à retenir le début de ceux-ci, même s’ils se terminent différemment. Par ailleurs, selon la requérante, la marque demandée est entièrement comprise dans la marque antérieure sur le plan phonétique.

55      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

56      En l’espèce, la chambre de recours a, comme indiqué ci-dessus, estimé que le public espagnol prononcerait la marque demandée « biopol ». Néanmoins, la chambre de recours n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles le public espagnol ne prononcerait pas la lettre « e », par laquelle se termine la marque demandée.

57      À cet égard, il y a lieu de constater que la lettre « e » à la fin d’un mot n’est pas muette en espagnol. Dès lors, il convient de constater que le public espagnol ne prononcera pas l’élément « biopôle » comme « biopol ». Au contraire, force est de relever que le public espagnol est plus susceptible de prononcer la marque demandée comme « biopolé », ce qui est conforme à l’espagnol, où toutes les lettres se prononcent.

58      Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation des faits lors de la comparaison phonétique des signes en conflit en concluant, au point 65 de la décision attaquée, que la marque demandée serait prononcée « biopol ».

59      Toutefois, malgré cette erreur, il convient de relever que les marques en conflit coïncident phonétiquement uniquement en ce qui concerne le préfixe « bio » et le groupe de sons « pol ». Elles diffèrent par la prononciation du premier élément verbal « agua » dans la marque antérieure et par les derniers sons des signes en conflit, à savoir « ar » dans la marque antérieure et « é » dans la marque demandée.

60      Comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours, le préfixe « bio » est situé au milieu de la marque antérieure, tandis que, dans la marque demandée, il est situé au début. De plus, comme indiqué au point 42 ci-dessus, ce préfixe est en tout état de cause peu ou pas distinctif et, tout en n’étant pas négligeable, l’impact de la similitude qu’il engendre est fortement amoindri pour le public pertinent.

61      Il s’ensuit que l’appréciation de la chambre de recours présentée au point 53 ci-dessus, selon laquelle les signes en conflit présentent un faible degré de similitude sur le plan phonétique, doit être approuvée.

62      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la prononciation des éléments distinctifs des deux marques en conflit est globalement la même, étant donné que les consommateurs ont une prédisposition à raccourcir la prononciation des éléments distinctifs des marques.

63      Certes, selon la jurisprudence, les consommateurs ont une tendance naturelle à abréger les signes longs comportant plusieurs éléments, surtout lorsque la marque se compose d’éléments distinctifs auxquels a été ajouté un terme descriptif [voir, en ce sens, arrêt du 9 avril 2013, Italiana Calzature/OHMI – Vicini (Giuseppe GIUSEPPE ZANOTTI DESIGN), T‑336/11, non publié, EU:T:2013:156, point 40].

64      Néanmoins, comme l’a souligné à juste titre l’EUIPO, ce principe n’est pas applicable en l’espèce, dans la mesure où la requérante ne soutient pas que les consommateurs omettront de prononcer un élément d’un signe long composé de plusieurs d’éléments, mais plutôt que les consommateurs omettront de prononcer les dernières lettres des éléments « biopolar » et « biopôle ». Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, le public pertinent ne prononcera pas ces éléments de la même manière et l’hypothèse de la requérante selon laquelle la dernière partie des marques en conflit ne sera pas prononcée par le public pertinent doit être rejetée, car, comme constaté ci-dessus, les marques en conflit seront prononcées « aguabiopolar » et « biopolé ».

65      Par ailleurs, la requérante considère uniquement les éléments « biopolar » et « biopôle » dans la comparaison phonétique des signes et omet le premier élément verbal de la marque antérieure, « agua ». Toutefois, comme indiqué au point 48 ci-dessus, l’élément « agua » ne saurait être considéré comme négligeable en l’espèce et doit également être pris en compte dans la comparaison phonétique des marques en conflit.

66      En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la totalité de la marque demandée est phonétiquement comprise dans la marque antérieure, force est de constater que le public espagnol prononcera la marque demandée « biopolé » et la marque antérieure « aguabiopolar ». Certes, la suite des sons « biopol » se retrouve dans les deux marques en conflit. Néanmoins cette suite de sons est précédée par les sons « agua » dans la marque antérieure et, étant donné que cette dernière marque ne contient pas le son « é », qui se trouve à la fin de la marque demandée, ladite suite de sons se retrouve entourée de sons différents, ce qui réduit sensiblement l’impact de cette similitude, étant donné qu’elle est due pour une grande partie à la suite de sons « bio », dont l’impact est amoindri, comme déjà précisé ci-dessus. Dès lors, compte tenu de ce qui précède, cet argument doit être rejeté comme étant non fondé.

67      Partant, il convient de conclure que la chambre de recours a considéré à juste titre que les marques en conflit présentaient un faible degré de similitude sur le plan phonétique.

–       Sur la comparaison conceptuelle

68      La chambre de recours a, tout d’abord, indiqué que les signes en conflit partageaient l’élément « bio ». Toutefois, cet élément commun aurait été dépourvu de caractère distinctif et l’attention du public pertinent aurait été attirée par les autres éléments verbaux. Elle a ensuite ajouté que l’élément « polar » contenu dans la marque antérieure, à la différence de l’élément « pôle », présentait un concept clair qui serait immédiatement compris par le public espagnol. Partant, elle a considéré que les signes en conflit étaient différents sur le plan conceptuel.

69      La requérante fait valoir que les marques en conflit évoquent le même concept exprimé dans une langue différente, étant donné que les termes « biopolar » et « biopôle » sont des termes identiques, exprimés respectivement en espagnol et en français. Or, selon la requérante, le terme français « pôle » équivaut au terme espagnol « polo » et le consommateur espagnol percevra ce lien.

70      L’EUIPO conteste l’argumentation de la requérante.

71      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la connaissance d’une langue étrangère ne peut pas, en général, être présumée [arrêts du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, EU:T:2010:399, point 83, et du 14 juillet 2021, Cole Haan/EUIPO – Samsøe & Samsøe Holding (Ø), T‑399/20, EU:T:2021:442, point 39].

72      Ainsi, il ne saurait être présumé que des termes français sont largement connus dans l’Union, à l’exception de certains termes appartenant au vocabulaire élémentaire de cette langue.

73      En l’espèce, comme l’a considéré, à bon droit, la chambre de recours, le terme français « pôle » ne saurait être considéré comme faisant partie du vocabulaire élémentaire de cette langue. Il ne peut donc pas être présumé qu’il est largement connu des consommateurs non francophones.

74      En outre, le terme français « pôle » n’a pas d’équivalent en espagnol de sorte qu’un lien puisse être établi par le public espagnol entre ce terme et sa traduction en espagnol. Ainsi, l’élément « pôle » de la marque demandée diffère du terme espagnol « polo ». En particulier, l’élément « pôle » comporte un accent circonflexe qui n’existe pas en espagnol et qui doit donc être considéré comme inconnu du public espagnol. De même, la terminaison des termes diffère également par la prononciation en espagnol des sons « lé » et « lo ».

75      Cette conclusion n’est pas infirmée par la référence faite par la requérante aux points 46 à 47 de l’arrêt du 15 septembre 2021, Celler Lagravera/EUIPO – Cyclic Beer Farm (Cíclic) (T‑673/20, non publié, EU:T:2021:591), dans laquelle le Tribunal a considéré que la marque antérieure CYCLIC était susceptible d’être rapprochée, comme la marque demandée CÍCLIC, du terme équivalent espagnol « ciclico ». En effet, contrairement aux circonstances de l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt et comme l’a souligné l’EUIPO, en l’espèce, les marques en conflit contiennent plus d’éléments que les mots « polar » et « pôle ».

76      S’agissant de la référence faite par la requérante à la pratique décisionnelle de l’EUIPO, le Tribunal rappelle que les décisions que la division d’opposition de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

77      Dès lors c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu au point 62 de la décision attaquée que l’élément « pôle » de la marque demandée constituait un terme fantaisiste sans signification particulière en espagnol.

78      Partant, il y a lieu de considérer que l’élément « pôle », présent dans la marque demandée, n’a pas de signification conceptuelle claire pour le public pertinent. En effet, même si cet élément correspondait au mot espagnol « polo », la requérante n’a pas apporté la preuve que le public pertinent associerait cet élément à ce mot et que, dans sa perception, ce même élément aurait un contenu sémantique clair.

79      Or, contrairement à la marque demandée, les éléments « agua » et « biopolar » de la marque antérieure présentent, comme indiqué au point 48 ci-dessus, une signification sémantique claire pour le public pertinent espagnol et seront perçus comme une référence à une « eau écologique polarisée ».

80      Partant, compte tenu de ce qui précède, il convient de constater que la chambre de recours a conclu sans commettre d’erreur d’appréciation  que les marques en conflit étaient différentes sur le plan conceptuel.

 Sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure

81      La chambre de recours a conclu au point 73 de la décision attaquée que la marque antérieure possédait un caractère distinctif normal.

82      Il n’y pas lieu de remettre en cause ces appréciations, au demeurant non contestées par la requérante.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

83      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, au vu de l’ensemble des facteurs pertinents, il n’existait pas de risque de confusion, même pour des produits identiques, étant donné que les différences entre les signes en conflit étaient nettement plus importantes que les similitudes.

84      La requérante fait valoir que les coïncidences entre les marques en conflit sont suffisantes pour qu’au moins une partie significative du public pertinent confonde les marques en conflit en rapport avec les produits en cause qui sont identiques ou similaires. Selon la requérante, cette identité des produits en cause oblige à faire preuve d’une extrême prudence dans la comparaison des marques en conflit, car elle compense les différences subtiles entre les signes lors de la mise en balance de tous les éléments de comparaison, aux fins de l’appréciation d’ensemble du risque de confusion entre ces mêmes marques.

85      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

86      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

87      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois, à titre de conditions cumulatives, une identité ou une similitude de la marque dont l’enregistrement est demandé et de la marque antérieure ainsi qu’une identité ou une similitude des produits ou des services visés dans la demande d’enregistrement et de ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée (arrêt du 20 septembre 2017, The Tea Board/EUIPO, C‑673/15 P à C‑676/15 P, EU:C:2017:702, point 47).

88      Par conséquent, le seul fait que les produits et les services visés par les marques en conflit sont différents permet d’exclure l’existence d’un risque de confusion (arrêt du 15 octobre 2020, BIOPLAST BIOPLASTICS FOR A BETTER LIFE, T‑2/20, non publié, EU:T:2020:493, point 70).

89      Or, comme indiqué au point 25 ci-dessus, les produits « aliments et substances diététiques à usage médical ; aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains ; emplâtres ; matières pour pansements » relevant de la classe 5 et les « services de vente au détail, en gros ou par le biais de réseaux informatiques mondiaux de préparations à usage médical, produits hygiéniques et sanitaires à usage médical, aliments et substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés, compléments alimentaires pour les personnes, sparadraps, matériel pour pansements, désinfectant, produits pour la destruction d’animaux nuisibles, fongicides ; services de publicité ; services de représentation commerciale ; services d’importation et d’exportation » relevant de la classe 35 visés par la marque demandée ont été considérés, à bon droit, comme différents des produits visés par la marque antérieure. Dès lors, il convient d’exclure tout risque de confusion s’agissant de ces produits et ces services.

90      Quant à l’existence d’un risque de confusion en ce qui concerne les produits visés par les marques en conflit et considérés comme identiques ou similaires à des degrés différents, il convient de relever que les signes en conflit sont faiblement similaires sur les plans visuel et phonétique et différents sur le plan conceptuel et que le niveau de l’attention du public pertinent est de façon générale moyen, même s’il peut être élevé à l’égard de certains produits de la classe 5. De même, il convient de prendre en compte le caractère distinctif moyen de la marque antérieure.

91      Tout d’abord, le Tribunal constate, d’une part, que le public pertinent attribuera moins d’importance à l’élément « bio », commun aux signes en conflit. Ainsi, tout en n’étant pas négligeable, l’impact de la similitude résultant de la présence commune aux signes en conflit de ce préfixe est fortement amoindri pour le public pertinent et il n’est donc pas décisif aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion.

92      En effet, lorsqu’un élément de similitude existant entre deux signes tient au fait que, comme en l’espèce, ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact d’un tel élément de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est lui‑même faible [voir arrêt du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée].

93      De même, lorsque la marque antérieure et la marque demandée coïncident grâce à un élément de caractère faiblement distinctif au regard des produits en cause, l’appréciation globale du risque de confusion n’aboutit fréquemment pas au constat de l’existence de ce risque (arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 53 ; voir également, par analogie, arrêt du 12 juin 2019, Hansson, C‑705/17, EU:C:2019:481, point 55).

94      Ensuite, il convient de constater qu’il ressort de ce qui précède que les marques en conflit présentent une faible similitude visuelle et phonétique, alors qu’elles sont conceptuellement différentes. Or, eu égard au constat fait au point 79 ci-dessus, la marque antérieure dans son ensemble a un sens sémantique claire et immédiatement perceptible par le public pertinent, à la différence de la marque demandée. Par conséquent, il y a lieu de considérer, à l’instar de la décision attaquée, que les marques en conflit produisent une impression d’ensemble différente. Dès lors, il y a lieu de considérer que les marques en conflit dans leur ensemble sont différentes.

95      Enfin, il y a lieu de rappeler que, s’il est certes vrai que, en vertu du principe d’interdépendance, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés par les marques en conflit peut être compensé par un degré élevé de similitude entre lesdites marques, en l’espèce, compte tenu de la dissemblance des marques en conflit, un des éléments cumulatifs visés par la jurisprudence citée au point 86 ci-dessus fait défaut, de sorte que, même pour les produits identiques, il n’existe pas de risque de confusion, conformément à la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus.

96      Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a écarté tout risque de confusion en l’espèce pour les produits en cause jugés identiques et, à plus forte raison, pour les produits et les services en cause considérés comme similaires à des degrés divers.

97      Il y a donc lieu de conclure que la chambre de recours a procédé à une application correcte de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

99      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens que dans le cas où une audience serait organisée. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ona Investigación, SL et l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporteront chacun leurs propres dépens.

Costeira

Kancheva

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.