Language of document : ECLI:EU:T:2018:180

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

11 avril 2018 (*) (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Agent national détaché auprès de la MPUE en Bosnie-Herzégovine – Décision de réaffectation – Compétence du chef de la MPUE de décider la réaffectation d’un agent national détaché – Obligation de motivation – Détournement de pouvoir – Erreur manifeste d’appréciation – Harcèlement moral »

Dans l’affaire T‑271/10 RENV,

H, représentée par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et F. Naert, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en premier lieu, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du 7 avril 2010 signée par le chef du personnel de la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzégovine, par laquelle la requérante a été réaffectée au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de Banja Luka (Bosnie-Herzégovine), et, d’autre part, de la décision du 30 avril 2010, signée par le chef de la MPUE visé à l’article 6 de la décision 2009/906/PESC du Conseil, du 8 décembre 2009, concernant la MPUE en Bosnie-Herzégovine (JO 2009, L 322, p. 22), confirmant la décision du 7 avril 2010, et, en second lieu, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Par l’action commune 2002/210/PESC du Conseil, du 11 mars 2002, relative à la Mission de police de l’Union européenne (JO 2002, L 70, p. 1), a été créée la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en vue d’assurer la relève du groupe international de police des Nations unies en Bosnie-Herzégovine.

2        La MPUE, qui a débuté le 1er janvier 2003, a été prorogée à plusieurs reprises, notamment par la décision 2009/906/PESC du Conseil, du 8 décembre 2009, concernant la MPUE en Bosnie-et-Herzégovine (JO 2009, L 322, p. 22), et s’est achevée le 30 juin 2012.

3        La requérante, H, est un magistrat italien qui a été détaché auprès de la MPUE à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) par décret du ministre de la Justice italien du 16 octobre 2008, afin d’y exercer les fonctions de Criminal Justice Unit Adviser, à compter du 14 novembre 2008.

4        Par décrets du ministre de la Justice italien du 7 avril 2009 et du 9 décembre 2009, la requérante a vu son détachement prorogé, pour exercer les fonctions de Chief of Legal Officer, jusqu’au 31 décembre 2009, puis jusqu’au 31 décembre 2010.

5        À la suite de la restructuration de la MPUE le 1er janvier 2010, le poste de Chief of Legal Officer occupé par la requérante a été renommé Senior Legal Adviser/Legal Counsel.

6        Par décision du 7 avril 2010, signée par le chef du personnel de la MPUE, la requérante a été réaffectée, pour des « raisons opérationnelles », au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de Banja Luka (Bosnie-Herzégovine) à compter du 19 avril 2010 (ci-après la « décision du 7 avril 2010 »).

7        Par courriel du 15 avril 2010, un fonctionnaire de la représentation permanente de la République italienne auprès de l’Union européenne a fait savoir à la requérante que la décision du 7 avril 2010 avait été suspendue.

8        Par décision du 30 avril 2010, signée par le chef de la MPUE visé à l’article 6 de la décision 2009/906, ledit chef a confirmé la décision du 7 avril 2010. À cette occasion, il a précisé que la décision du 7 avril 2010 avait été prise par lui-même et que la raison opérationnelle de la réaffectation de la requérante reposait sur la nécessité de disposer de conseils en matière pénale dans le bureau de Banja Luka (ci-après la « décision du 30 avril 2010 »).

9        Le 4 juin 2010, la requérante a saisi le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) d’un recours visant à l’annulation de la décision du 7 avril 2010 et à la réparation du préjudice prétendument subi. Elle a également saisi ledit tribunal d’une demande de sursis à l’exécution de la décision du 7 avril 2010.

II.    Procédure devant le Tribunal et la Cour avant renvoi

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2010, la requérante a introduit le présent recours, dirigé contre le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne et la MPUE et tendant à l’annulation des décisions des 7 et 30 avril 2010 (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

11      Le 17 juin 2010, la requérante a également introduit une demande en référé tendant notamment à obtenir le sursis à l’exécution des décisions attaquées. Par ordonnance du 22 juillet 2010, H/Conseil e.a. (T‑271/10 R, non publiée, EU:T:2010:315), le président du Tribunal a rejeté cette demande, pour défaut d’urgence, et a réservé les dépens.

12      Par ordonnance du 10 juillet 2014, H/Conseil e.a. (T‑271/10, non publiée, ci-après l’« ordonnance initiale », EU:T:2014:702), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable, estimant qu’il n’était pas compétent pour en connaître.

13      La requérante a introduit un pourvoi contre l’ordonnance initiale, en soutenant, en substance, que le Tribunal avait commis des erreurs de droit lorsqu’il s’était déclaré incompétent pour statuer sur le recours.

14      Par arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2016:569), la Cour a annulé l’ordonnance initiale, a rejeté comme irrecevable le recours en ce qu’il était dirigé contre la Commission et la MPUE, a renvoyé l’affaire au Tribunal pour qu’il fût statué sur le fond du recours en tant que celui-ci était dirigé contre le Conseil et a réservé les dépens.

15      La Cour a jugé, en substance, aux points 58 et 59 de l’arrêt sur pourvoi, que les décisions attaquées, en ce qu’elles avaient procédé à la réaffectation de la requérante au sein de la MPUE en Bosnie-Herzégovine, constituaient des actes de gestion du personnel ayant pour objet le redéploiement des membres de la mission sur le théâtre des opérations. Elle a estimé que ces décisions, bien qu’ayant été adoptées dans le contexte de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), ne constituaient pas des actes visés à l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE ni à l’article 275, premier alinéa, TFUE. Elle a considéré que, par conséquent, elles relevaient de la compétence du juge de l’Union et a précisé que cette compétence découlait respectivement, s’agissant du contrôle de la légalité desdits actes, de l’article 263 TFUE, et, s’agissant des litiges en matière de responsabilité non contractuelle, de l’article 268 TFUE, lu en combinaison avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en prenant en considération l’article 19, paragraphe 1, TUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

III. Procédure après renvoi

16      Par lettres du 4 août 2016, le greffe du Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations écrites, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, concernant les suites à donner à l’arrêt sur pourvoi dans la présente procédure. La requérante et le Conseil ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations dans le délai imparti.

17      Par décision du président du Tribunal du 25 août 2016, la présente affaire a été attribuée à un autre juge rapporteur affecté à la neuvième chambre.

18      Le 29 septembre 2016, la requérante a présenté une nouvelle offre de preuve.

19      Par décision du 5 octobre 2016 du président du Tribunal, adoptée en raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur, lequel a été affecté à la sixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

20      Par lettres du 17 octobre 2016, le greffe du Tribunal a invité les parties à présenter des mémoires complémentaires d’observations écrites, conformément à l’article 217, paragraphe 3, du règlement de procédure. Dans le même temps, le Conseil a été invité à présenter ses observations sur la nouvelle offre de preuve présentée par la requérante.

21      La requérante et le Conseil ont déposé au greffe du Tribunal leurs mémoires dans le délai imparti, à savoir le 3 novembre 2016. Le Conseil a également présenté ses observations sur la nouvelle offre de preuve présentée par la requérante.

22      La requérante a demandé, de manière motivée, le 29 novembre 2016, la tenue d’une audience.

23      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, en les invitant à y répondre avant l’audience.

24      Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti. En annexe à leurs réponses aux questions du Tribunal, les parties ont, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, produit des preuves supplémentaires.

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2017. Le Tribunal a invité le Conseil à répondre par écrit à certaines questions et à produire des documents additionnels. Le Conseil a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

IV.    Conclusions des parties

26      Dans la requête, la requérante concluait à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 7 avril 2010 et, si nécessaire, la décision du 30 avril 2010 ;

–        condamner le Conseil, la Commission et la MPUE à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi, évalué ex aequo et bono à 30 000 euros ;

–        condamner le Conseil, la Commission et la MPUE aux dépens majorés d’un intérêt de 8 %.

27      Dans la réplique, la requérante a modifié ses conclusions de sorte qu’elle a ajouté au montant total des dommages et intérêts sollicités dans la requête le montant de 8 000 euros et a renoncé à diriger le recours à l’encontre de la MPUE.

28      Dans ses observations après renvoi, la requérante a adapté ses conclusions à la suite de l’arrêt sur pourvoi, de sorte que le recours soit dirigé seulement contre le Conseil. Dans le même temps, elle les a modifiées, afin que, d’une part, le recours ne tende plus à l’annulation des décisions attaquées, mais uniquement à ce qu’il soit statué sur leur illégalité, et que, d’autre part, les dommages et intérêts couvrent également le préjudice subi du fait de l’impossibilité d’annuler les décisions attaquées. Partant, elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        statuer sur l’illégalité de la décision du 7 avril 2010 et, si nécessaire, sur l’illégalité de la décision du 30 avril 2010 ;

–        condamner le Conseil à réparer le préjudice subi, évalué ex aequo et bono à la somme de 30 000 euros, majorée de la somme de 8 000 euros, et, en raison de l’impossibilité d’annuler la décision du 7 avril 2010, lui attribuer des dommages et intérêts en conséquence ;

–        condamner le Conseil aux dépens, majorés d’un intérêt de 8 %.

29      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure (voir point 23 ci-dessus), la requérante a indiqué qu’elle maintenait son chef de conclusion tendant à l’annulation de la décision du 7 avril 2010 et, si nécessaire, de celle du 30 avril 2010.

30      Lors de l’audience, la requérante a précisé que ses conclusions visaient à obtenir, à titre principal, l’annulation de la décision du 7 avril 2010 et, si nécessaire, de celle du 30 avril 2010, l’obtention des dommages et intérêts tels que précisés, et, à titre subsidiaire, la déclaration de l’illégalité desdites décisions, aux seules fins indemnitaires.

31      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

V.      En droit

A.      Observations liminaires

32      La requérante ayant modifié à plusieurs reprises ses conclusions, il convient de considérer que le présent recours a pour objet, en premier lieu, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions attaquées, ainsi que, en second lieu, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir la réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi en raison de sa réaffectation.

33      Dans leurs observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt sur pourvoi, les parties renvoient aux moyens et aux arguments qu’elles ont développés durant la procédure avant renvoi.

B.      Sur la demande en annulation

1.      Sur la recevabilité de certains griefs soulevés dans la réplique

34      Le Conseil considère que les allégations de la requérante contenues dans la réplique et visant la prétendue erreur de procédure que le chef de la MPUE aurait commise ainsi que l’immunité dont elle aurait été la bénéficiaire sont de nouveaux moyens de droit qui doivent être rejetés comme étant irrecevables.

35      La requérante n’a pas réagi aux allégations du Conseil à ce sujet.

36      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

37      Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, doit être déclaré recevable. Une solution analogue s’impose pour un grief invoqué au soutien d’un moyen (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 30 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il convient de constater que les deux arguments, qualifiés de moyens nouveaux par le Conseil dans la duplique, ont été présentés dans la réplique au soutien du premier moyen, tiré d’une violation des dispositions de la décision 2009/906 et lié à l’absence d’habilitation du chef de la MPUE pour adopter des décisions portant réaffectation du personnel. Ils ne constituent dès lors pas des moyens nouveaux, mais tout au plus des arguments supplémentaires au soutien dudit moyen, lesquels sont, en principe, recevables (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, EU:C:2006:494, point 30).

39      En outre, s’agissant, premièrement, de l’argument tiré de la prétendue erreur de procédure que le chef de la MPUE aurait commise en s’abstenant de consulter l’État membre d’origine avant de prendre la décision de réaffectation, force est de constater que la requérante l’avait déjà soulevé dans la requête, dans laquelle elle avait indiqué qu’une décision de réaffectation pouvait être prise seulement « après avoir entendu l’État membre qui l’avait détachée ». Le fait que la requérante ait qualifié ladite absence d’erreur de procédure pour la première fois dans la réplique ne saurait conduire à considérer cet argument comme un moyen ou un grief nouveau.

40      S’agissant, deuxièmement, de l’argument en vertu duquel, conformément à une disposition constitutionnelle expresse contenue dans la Constitution italienne, la requérante ne pouvait pas être réaffectée, ce dernier vise à justifier la nécessité d’entendre l’État membre d’origine avant de prendre une décision de réaffectation et est donc lié au grief exprimé dans la requête et tiré de l’absence d’une telle consultation.

41      Il s’ensuit que ces arguments ont été présentés à l’appui de l’argumentation déjà avancée dans la requête au soutien du premier moyen et que, partant, il convient de les considérer comme étant recevables.

2.      Sur le fond

42      À l’appui de sa demande en annulation des décisions attaquées, la requérante maintient les cinq moyens invoqués à l’appui de la demande initiale en annulation et développés dans la réplique. Ceux-ci sont tirés, respectivement, le premier, d’une violation des dispositions de la décision 2009/906 s’agissant de l’habilitation du chef de la MPUE à décider de sa réaffectation à Banja Luka, le deuxième, d’un défaut de motivation, le troisième, d’un détournement de pouvoir, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation et, le cinquième, d’un harcèlement moral dont l’un des résultats serait la décision du 7 avril 2010.

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des dispositions de la décision 2009/906

43      La requérante soutient que les décisions attaquées ont été émises en violation des dispositions de la décision 2009/906. Ce moyen comporte, en substance, deux branches, tirées, respectivement, la première, de l’incompétence du chef de la MPUE pour adopter des décisions liées à la réaffectation du personnel et, la seconde, de l’absence de consultation de l’État membre d’origine avant que ne soit prise la décision de réaffectation.

1)      Sur la première branche, tirée de l’incompétence du chef de la MPUE pour adopter des décisions liées à la réaffectation du personnel

44      La requérante fait valoir que la décision du 7 avril 2010 portant sa réaffectation à Banja Luka et impliquant sa « rétrogradation » est dépourvue de fondement juridique, car le chef de la MPUE n’était pas habilité à adopter des décisions liées à la réaffectation du personnel. Elle ajoute que cette décision aurait dû être prise uniquement par le commandant d’opération civil. Dans la réplique, la requérante estime que l’interprétation que donne le Conseil du plan d’opération (OPLAN), s’agissant du pouvoir du chef de la MPUE de réaffecter les membres du personnel, est contraire à la décision 2009/906, dans la mesure où cette dernière assigne au chef de la MPUE uniquement des « tâches relatives à la gestion journalière », et qu’elle est donc illégale.

45      Le Conseil réfute les arguments de la requérante.

46      En premier lieu, il convient de constater d’emblée que la décision 2009/906 ne contient pas de dispositions spécifiques s’agissant de la compétence de réaffectation du personnel de la MPUE.

47      En second lieu, il y a lieu de relever que la décision 2009/906 ne définit ni les expressions « contrôle opérationnel », « niveau stratégique » ou « théâtre des opérations », ni les termes « commandement » ou « contrôle », bien qu’elle les utilise.

48      À cet égard, l’économie générale de la décision 2009/906 fait seulement apparaître que le chef de la MPUE exerçait, en tant que responsable de cette MPUE « sur le théâtre des opérations », le « commandement » et le « contrôle » de ladite mission, notamment des effectifs, des équipes et des unités « fournis par les États contributeurs » qui avaient été « affectés » par le commandant d’opération civil. En outre, le chef de la MPUE était chargé d’assurer la coordination et la gestion au quotidien de la MPUE en Bosnie-Herzégovine, en donnant toutes les instructions nécessaires à « l’ensemble » du personnel, afin que cette mission fût menée d’une façon efficace sur ce théâtre d’opérations (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 52).

49      Dans ces conditions, afin de déterminer à qui revenait l’habilitation de réaffecter le personnel de la MPUE, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de la décision 2009/906, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

50      S’agissant du contexte, il est constant que la MPUE, instituée par l’action commune 2002/210, a été la première mission civile de l’Union organisée dans le cadre de sa politique européenne de sécurité et de défense (PESD), devenue la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), en tant que mission non exécutive ayant comme modèle de planification et de commandement les opérations militaires.

51      Il ressort de l’action commune 2002/210 que les activités de la MPUE ne devaient débuter que le 1er janvier 2003. Le Conseil avait donc prévu qu’une équipe de planification serait déployée au plus tard le 1er avril 2002 et que le chef de cette équipe deviendrait le chef de la MPUE à partir du 1er janvier 2003. Ce dernier devait aider entre-temps le secrétariat général du Conseil à élaborer le concept d’opérations (CONOPS) de la mission. Ensuite, l’équipe de planification devait établir le plan d’opération (OPLAN) et mettre au point tous les instruments techniques nécessaires au déploiement de la MPUE. Le Conseil a adopté par la suite le CONOPS et l’OPLAN afin de permettre à la mission de débuter ses activités à la date prévue.

52      Il ressort également de l’action commune 2002/210 que, pour la période de son premier mandat, soit de 2003 à 2005, la MPUE était composée d’un quartier général principal à Sarajevo à partir duquel travaillaient notamment le chef de la MPUE et un nombre variable d’agents de liaison chargés des contacts avec d’autres organisations internationales sur le terrain. De plus, des unités d’encadrement avaient également été déployées au sein de la police de Bosnie-Herzégovine « au niveau intermédiaire et supérieur ». Outre les policiers détachés par les États membres de l’Union, la MPUE pouvait recruter, sur une base contractuelle, du personnel civil international et du personnel local. Les États membres ou les institutions de l’Union pouvaient aussi participer à la mission en détachant du personnel civil international.

53      Ensuite, la MPUE a poursuivi sa mission avec un mandat et une taille régulièrement modifiés.

54      La MPUE a été redéfinie en 2009 sur le fondement de l’article 28 et de l’article 43, paragraphe 2, TUE, en tant qu’action opérationnelle de l’Union arrêtée et menée dans le cadre de la PSDC, qui fait partie intégrante de la PESC, avec, en substance, pour objet d’assister les services répressifs de Bosnie‑Herzégovine dans leur lutte contre la criminalité organisée et la corruption, ainsi qu’il ressort de l’article 2, premier alinéa, de la décision 2009/906.

55      Sur la base de l’article 4, paragraphe 2, seconde phrase, de la décision 2009/906, le Conseil a approuvé le nouvel OPLAN de la MPUE, lequel a été ultérieurement mis à jour et modifié par le COPS, conformément à l’article 38, troisième alinéa, TUE, sur la base de l’article 10, paragraphe 1, seconde phrase, de ladite décision.

56      Dans le cadre de son nouveau mandat, la MPUE devait mettre l’accent notamment sur les services répressifs à l’échelle de l’État, sur le renforcement des interactions entre la police et le parquet et sur la coopération régionale et internationale. En outre, la structure de la mission avait été modifiée pour ajouter, en Bosnie-Herzégovine, quatre bureaux régionaux à Sarajevo, Banja Luka, Mostar et Tuzla, en plus du quartier général et des unités déployées au sein des services policiers.

57      C’est au regard de ce contexte général, dans lequel la décision du chef de la MPUE est intervenue, qu’il convient d’apprécier la compétence de ce dernier pour réaffecter la requérante du quartier général de Sarajevo au bureau régional de Banja Luka.

58      Il convient de relever d’emblée que, selon l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE, « la [PESC] est soumise à des règles et procédures spécifiques [et] est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l’unanimité ».

59      À cet égard et en premier lieu, il est constant que, à l’époque de la création de la MPUE, ni la capacité civile de planification et de conduite (CPCC), en tant qu’entité chargée de la planification, du déploiement, de la conduite et de l’évaluation des missions civiles de gestion de crises relevant de la PSDC, ni son commandant d’opération civil n’existaient dans la structure institutionnelle de l’Union.

60      C’est le 18 juin 2007 que le Conseil a approuvé les lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle pour les opérations civiles menées par l’Union européenne dans le domaine de la gestion des crises (ci-après les « lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle »), prévoyant notamment qu’un commandant d’opération civil exercerait le commandement et le contrôle au niveau stratégique pour la planification et la conduite de l’ensemble des opérations civiles de gestion de crises, sous le contrôle politique et la direction stratégique du Comité politique et de sécurité (COPS) et sous l’autorité générale du haut représentant (HR), et que le directeur de la CPCC établie au sein du secrétariat général du Conseil serait, pour chaque opération civile de gestion de crise, le commandant d’opération civil.

61      Dès lors, pour toutes les opérations civiles, le commandant est le directeur de la CPCC et il est appuyé sur le théâtre d’opération par le chef de la MPUE, qui détient toutes les attributions classiques de contrôle et de commandement du personnel placé sous ses ordres. La chaîne de commandement est unifiée avec le COPS, qui assure la direction stratégique et le contrôle politique de l’opération, placé sous l’autorité du Conseil.

62      Dans ce contexte, le directeur de la CPCC a été désigné comme étant le commandant d’opération civil de la MPUE, dans l’article 5 de l’action commune 2007/749/PESC du Conseil, du 19 novembre 2007, concernant la MPUE en Bosnie-Herzégovine (JO 2007, L 303, p. 40), par laquelle la MPUE a été prorogée à compter du 1er janvier 2008.

63      Il ressort d’une lecture combinée de l’article 5, paragraphes 1 et 4, de l’action commune 2007/749 et de l’article 5, paragraphes 1 et 4, de la décision 2009/906 que les autorités nationales ont transféré au commandant d’opération civil de la MPUE le « contrôle opérationnel » de leurs effectifs, équipes et unités, représentant leur contribution.

64      De plus, il ressort d’une lecture combinée des articles 5 et 6 de la décision 2009/906 que le commandant d’opération civil exerçait le commandement et le contrôle de la MPUE « au niveau stratégique », tandis que le chef de la MPUE les exerçait sur le « théâtre des opérations ».

65      En second lieu, il est également constant que, dans le cas des missions et des opérations classiques relevant de la PSDC, menées au titre de l’article 43 TUE, la planification et l’exécution sont effectuées au sein du service européen pour l’action extérieure (SEAE), conformément aux procédures de gestion de crise. En vertu desdites procédures, il revient notamment au SEAE d’élaborer les documents de planification, tels que le CONOPS et l’OPLAN et de définir les conditions de mise en œuvre et la responsabilité du processus de constitution des forces. Il revient, ensuite, au Conseil de les approuver.

66      Dans ces circonstances, il convient de considérer que, dans la mesure où la décision 2009/906 ne contient pas de dispositions expresses s’agissant de la personne compétente en matière de réaffectation du personnel de la MPUE au sein de celle-ci, elle est complétée par l’OPLAN et par les lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle.

67      Or, aux termes du point 5.3, deuxième alinéa, de l’OPLAN de 2009, tel que produit par le Conseil, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure, en version partiellement déclassifiée, « le chef de mission détient l’autorité en dernier ressort pour nommer le personnel et la responsabilité générale pour l’affecter ». Au point 5.3, troisième alinéa, de l’OPLAN de 2009, sont prévus les critères pour occuper les postes au sein de la MPUE, parmi lesquels figurent les besoins de celle-ci. De même, la compétence du chef de la MPUE s’agissant de l’affectation de son personnel ressort également d’une lecture de l’annexe M de l’OPLAN intitulée « Administration du personnel » qui détaille les conditions d’engagement et les compétences du chef de la mission à cet égard, en indiquant que « le chef de mission détient l’autorité en dernier ressort pour nommer le personnel et la responsabilité générale pour l’affecter, l’une et l’autre au niveau international et au niveau local ». Enfin, dans l’annexe D de l’OPLAN intitulée « Procédures de fonctionnement standard », il est précisé au point 2, troisième alinéa, lequel porte sur l’affectation, que « [l]es décisions d’affectation et/ou de réaffectation dans la mission relèvent de la responsabilité du chef de la mission ».

68      En outre, aux termes du point 6, paragraphe 1, sous c), des lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle, le contrôle opérationnel (OPCON) était défini comme étant « l’autorité assignée à un responsable de la PSDC pour les individus, les équipes et les unités assignés afin qu’il/elle puisse accomplir des missions spécifiques ou des tâches qui sont généralement limitées par la fonction, le temps ou l’emplacement ; pour les déployer et pour conserver ou déléguer le contrôle opérationnel ou le commandement tactique ou le contrôle qui peut être jugé nécessaire ».

69      Il s’ensuit que le contrôle opérationnel, exercé sur le « théâtre des opérations » par le chef de la mission, implique nécessairement la possibilité pour celui-ci de prendre des décisions, y compris de réaffectation du personnel, dans les plus brefs délais, et de soumettre le personnel détaché par les États membres auxdites décisions, aux fins de l’accomplissement de la mission.

70      Au vu des dispositions mentionnées aux points 64, 67 à 69 ci-dessus, il convient de considérer qu’il revient au commandant d’opération civil, lequel exerce, sous le contrôle politique et la direction stratégique du COPS et sous l’autorité générale du HR, le commandement et le contrôle, au niveau stratégique, de la planification et de la conduite de l’ensemble des missions civiles menées dans le cadre de la PSDC et qui est le commandant général de tous les chefs de missions civiles, la compétence d’affecter le personnel à chaque mission civile de l’Union, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2009/906. En revanche, au sein de chaque mission, la compétence d’affectation et de réaffectation du personnel relève de la compétence du seul chef de la MPUE.

71      Par conséquent, dans la mesure où, ainsi qu’il a été expose au point 66 ci-dessus, les dispositions de l’OPLAN ne font que compléter la décision 2009/906, laquelle ne contient pas de dispositions expresses s’agissant de la personne compétente en matière de réaffectation du personnel de la MPUE, au sein de celle-ci, l’argument de la requérante visant l’éventuelle illégalité des dispositions de l’OPLAN, lesquelles contreviendraient à la décision 2009/906, ne saurait prospérer.

72      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen doit être écartée.

2)      Sur la seconde branche, tirée de l’absence de consultation de l’État membre d’origine avant que ne soit prise la décision de réaffectation

73      La requérante soutient que, en tout état de cause, la décision du 7 avril 2010, portant sa réaffectation à Banja Luka, aurait dû être prise uniquement après avoir entendu l’État membre qui l’avait détachée. Partant, en s’abstenant de consulter l’État membre d’origine avant de prendre la décision de réaffectation, le chef de la MPUE aurait commis une erreur de procédure. En outre, elle ajoute que, conformément à une disposition constitutionnelle expresse contenue dans la Constitution italienne, visant à garantir l’impartialité des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions, elle ne pouvait pas être réaffectée.

74      Le Conseil rejette les arguments de la requérante.

75      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le chef de la MPUE aurait commis une erreur de procédure en prenant la décision de réaffectation sans avoir consulté son État membre d’origine, il y a lieu de relever d’emblée que la requérante n’indique aucune disposition en vertu de laquelle une telle consultation aurait été nécessaire.

76      Ensuite, force est de constater que ni les termes ni l’esprit de la décision 2009/906 et de l’OPLAN n’imposent au chef de la MPUE de procéder à une consultation préalable de l’autorité d’origine avant de prendre une décision de réaffectation du personnel détaché par les États membres.

77      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphes 2 et 3, de la décision 2009/906, la MPUE dispose d’un personnel soit recruté sur une base contractuelle, soit détaché d’une institution de l’Union, soit détaché d’un État membre. En ce qui concerne spécifiquement le personnel détaché par les États membres, il ressort de l’article 5, paragraphe 4, seconde phrase, de la décision 2009/906, ainsi que du point 5.2 de l’OPLAN, que les autorités nationales ont transféré le contrôle opérationnel de leurs effectifs, équipes et unités au commandant d’opération civil et de l’article 6, paragraphe 2, de la même décision que ledit contrôle opérationnel était exercé sur le « théâtre des opérations » par le chef de la mission.

78      Or, ainsi qu’il a été exposé au point 69 ci-dessus, il ressort du point 6, paragraphe 1, sous c), des lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle, que le contrôle opérationnel implique nécessairement la possibilité pour le chef de la MPUE de prendre des décisions, y compris de réaffectation du personnel, dans les plus brefs délais, et de soumettre le personnel détaché par les États membres auxdites décisions, aux fins de l’accomplissement de la mission. Ce caractère opérationnel est donc incompatible avec une procédure de consultation préalable de l’autorité d’origine, telle que celle invoquée par la requérante.

79      D’ailleurs, conformément aux règles régissant les missions de la PSDC, il avait été demandé à la requérante son consentement exprès à servir la mission à un autre poste que celui pour lequel elle déposait sa candidature et, par conséquent, l’acte de candidature qu’elle avait rempli et signé le 10 novembre 2008 pour le poste à partir duquel elle a été réaffectée comportait ce consentement. Contrairement à ce que la requérante a soutenu lors de l’audience, il ne ressort pas dudit acte de candidature que son consentement était limité aux seules autres fonctions exercées au sein du quartier général principal à Sarajevo ni qu’il excluait les autres structures de la MPUE.

80      Il y a lieu de constater qu’il ressort des dispositions de la décision 2009/906 que les agents détachés par les États membres et ceux détachés par les institutions de l’Union étaient soumis aux mêmes règles en ce qui concernait l’exercice de leurs fonctions sur le « théâtre des opérations » (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 50).

81      Par conséquent, rien ne permet de conclure qu’un traitement différencié du personnel détaché par les États membres par rapport à celui détaché par les institutions de l’Union, pour ce qui est de la procédure de réaffectation sur le « théâtre d’opération », serait compatible avec les opérations de gestion de crise menées par la MPUE.

82      En second lieu, quant à l’argument selon lequel la requérante ne pouvait pas être réaffectée, en application d’une disposition expresse contenue dans la Constitution italienne visant à garantir l’impartialité des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions, il convient de souligner d’emblée que celle-ci n’indique pas sur quelle disposition de la Constitution italienne elle fonde cet argument. À supposer que la requérante fasse référence à la garantie d’inamovibilité des magistrats prévue à l’article 107 de la Constitution italienne, en vertu de laquelle un magistrat ne pourrait pas être réaffecté sans son accord ou sans qu’ait été suivie une procédure spécifique, force est de considérer que ladite garantie ne peut pas être applicable en l’espèce.

83      En effet, premièrement, la requérante n’était pas assignée à exercer sa fonction de procureur au sein de la MPUE, mais à exercer une fonction de conseiller juridique pour laquelle son expérience professionnelle en tant que procureur avait été considérée comme pertinente. D’ailleurs, la requérante a gardé le statut de magistrat en vertu du droit national uniquement au regard des autorités nationales. Une fois détachée auprès de la MPUE, son statut au sein de celle-ci n’était pas le statut de magistrat, mais celui d’agent national détaché.

84      Deuxièmement, lorsque la requérante a déposé sa candidature pour un poste dans un organisme international, dont l’organisation et les règles de fonctionnement échappent au seul contrôle de son État d’origine, elle a implicitement consenti à se soumettre aux règles spécifiques dudit organisme.

85      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen doit être écartée et, partant, celui-ci dans son intégralité.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation

86      Selon la requérante, la décision du 7 avril 2010 présente un défaut de motivation, car le chef de la MPUE n’a indiqué ni le fondement juridique de ladite décision ni les motifs objectifs de sa « rétrogradation » et de sa réaffectation. Elle considère que la référence à des « motifs opérationnels » est tout à fait insuffisante pour lui permettre de comprendre si le service avait un quelconque intérêt à la rétrograder et à la réaffecter. En outre, elle ajoute que le chef de la MPUE n’a pas expliqué pour quels événements ou motifs opérationnels il était nécessaire d’affecter immédiatement un Prosecutor à Banja Luka alors qu’une procédure de sélection était en cours. De plus, elle fait valoir que la vacance du poste de Criminal Justice Adviser à Banja Luka avait été publiée soit pour un Prosecutor, soit pour un Police officer et que ledit poste n’a pas été pourvu depuis, alors que le poste qu’elle avait laissé vacant à Sarajevo a été immédiatement occupé par un officier de police.

87      Le Conseil conteste les arguments de la requérante.

88      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non sa motivation, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 143 et jurisprudence citée).

89      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte attaqué et au contexte dans lequel celui-ci a été adopté. Elle doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à l’intéressé de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 144 et jurisprudence citée).

90      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Ainsi, d’une part, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. D’autre part, le degré de précision de la motivation d’un acte doit être proportionné aux possibilités matérielles et aux conditions techniques ou de délai dans lesquelles celui-ci doit intervenir (voir arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 145 et jurisprudence citée).

91      Dès lors, il suffit que la motivation d’un acte imposant une mesure de réaffectation du personnel, au sein d’une mission civile de l’Union relevant de la PESC, identifie les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles l’auteur de cet acte considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 15 novembre 2012, Conseil/Bamba, C‑417/11 P, EU:C:2012:718, point 52).

92      En outre, la question de savoir si l’obligation de motivation a été respectée doit, en principe, être appréciée en fonction des éléments d’information dont la partie requérante disposait, au plus tard, au moment de l’introduction du recours (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 74 et jurisprudence citée).

93      En l’espèce, il convient tout d’abord de souligner que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 88 et 90 ci-dessus, les motifs justifiant la réaffectation de la requérante, à compter du 19 avril 2010, au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de Banja Luka, n’ont pas, contrairement à ce que la requérante paraît suggérer, à « démontrer » le bien-fondé de cette mesure en vue de satisfaire à l’exigence de motivation consacrée à l’article 296 TFUE. En effet, il suffit, à cet égard, que, compte tenu de toutes les circonstances particulières de l’espèce, les raisons pour lesquelles le chef de la MPUE avait estimé que la requérante devait être réaffectée audit poste, au sens des décisions attaquées, apparaissaient de façon claire et non équivoque.

94      Ensuite, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 89 à 92 ci-dessus et contrairement à ce que la requérante soutient, la circonstance que la décision du 7 avril 2010 n’a mentionné que des « motifs opérationnels » pour sa réaffectation au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de Banja Luka ne permet toutefois pas de conclure, en tant que telle, à un défaut de motivation au sens de l’article 296 TFUE.

95      À cet égard, dès lors que le raisonnement du chef de la MPUE ressort clairement de la décision du 30 avril 2010, laquelle confirme la réaffectation prévue par la décision du 7 avril 2010 et mentionne que la raison opérationnelle de cette réaffectation était la nécessité de disposer de conseils en matière pénale au bureau régional de Banja Luka, il y a lieu de considérer que les motifs présentés dans la décision du 30 avril 2010 respectent l’exigence de motivation visée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

96      En effet, la décision du 7 avril 2010 fait partie des décisions adoptées par les autorités compétentes de la MPUE relatives à l’allocation des ressources humaines affectées à celle-ci par les États membres aux fins de l’accomplissement des activités menées sur le théâtre des opérations, lesquelles, bien que constituant des actes de gestion du personnel, revêtent un aspect opérationnel relevant de la PESC (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 54). D’ailleurs, au point 42 de l’arrêt sur pourvoi, la Cour a jugé que les décisions attaquées se rattachaient à une action opérationnelle de l’Union arrêtée et menée dans le cadre de la PESC, laquelle avait, en substance, pour objet d’assister, ainsi qu’il ressortait de l’article 2, premier alinéa, de la décision 2009/906, les services répressifs de Bosnie‑Herzégovine dans leur lutte contre la criminalité organisée et la corruption. Par conséquent, dès lors qu’il appartient au chef de la MPUE de prendre les décisions nécessaires sur le « théâtre des opérations » afin de réaliser ledit objet et qu’il bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation à cette fin, la raison opérationnelle, telle qu’exposée dans la décision du 30 avril 2010, ne saurait être considérée comme étant une motivation insuffisante pour la réaffectation de la requérante au sein de la MPUE.

97      Enfin, cette conclusion ne saurait être remise en question par les arguments de la requérante relatifs à l’absence d’une motivation de l’urgence de la mesure de réaffectation, à la réalité du besoin invoqué ou à l’absence de mention d’une base juridique pour sa réaffectation.

98      À cet égard, il convient de considérer que, dans la mesure où une raison opérationnelle implique en elle-même une certaine urgence, une motivation supplémentaire n’est pas nécessaire, conformément à la jurisprudence rappelée au point 90 ci-dessus.

99      S’agissant de la question de savoir si le besoin de disposer de conseils en matière pénale au bureau régional de Banja Luka était un besoin réel, elle relève du bien-fondé de la mesure de réaffectation et sera traitée dans le cadre du troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, conformément à la jurisprudence rappelée au point 88 ci-dessus.

100    Quant à l’argument de la requérante relatif à la prétendue absence de fondement juridique des décisions attaquées, il suffit de rappeler que, s’agissant des décisions individuelles, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 90 ci-dessus, il n’est pas exigé que de telles décisions spécifient tous les éléments de fait et de droit pertinents. En tout état de cause, il convient de souligner que, ainsi qu’il a été relevé au point 47 ci-dessus, la décision 2009/906 ne contient pas de dispositions explicites relatives à la réaffectation du personnel de la MPUE qui auraient pu être mentionnées.

101    Il est certes regrettable que les décisions attaquées ne contiennent pas davantage d’explications s’agissant des motifs ayant conduit à la réaffectation de la requérante. Toutefois, il convient de relever que, en invoquant la compétence du commandant d’opération civil pour décider sa réaffectation, la requérante reconnaît que celle-ci relevait de la compétence de la chaîne de commandement de la MPUE, sur la base de la décision 2009/906 et de l’OPLAN. Dans ces circonstances, le seul fait que la décision de réaffectation ait été prise par le chef de la MPUE et non par le commandant d’opération civil, ne saurait avoir d’influence sur la capacité de la requérante à comprendre la portée de la mesure prise par le chef de la MPUE et à la contester, en l’absence de mention d’une base juridique dans ladite décision.

102    Il s’ensuit que, dans la mesure où, d’une part, la requérante a été en mesure de connaître le motif de sa réaffectation au poste de Criminal Justice Advisor auprès du bureau régional de Banja Luka, et, d’autre part, le Tribunal peut exercer son contrôle à cet égard, le deuxième moyen doit être écarté.

c)      Sur les troisième et cinquième moyens, tirés respectivement d’un détournement de pouvoir et d’un harcèlement moral

103    Au soutien du troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, la requérante relève, en substance, que, dans le contexte factuel, la décision de la réaffecter et de la « rétrograder » n’avait aucun autre objectif que de la harceler moralement et de l’offenser. Elle affirme que la procédure de réaffectation et de rétrogradation a donc été suivie afin d’atteindre des fins autres que celles établies par la loi. À cet égard, elle précise qu’il n’y avait pas de nécessité réelle d’affecter d’urgence un Prosecutor à Banja Luka, qu’une procédure avait été lancée immédiatement pour recruter un nouveau Chief Legal Officer à Sarajevo et que, au moment de sa réaffectation à Banja Luka, un appel à candidatures au poste de Criminal Justice Adviser était toujours en cours. Selon la requérante, la décision du 7 avril 2010 a été adoptée afin de la harceler psychologiquement et professionnellement, car elle a non seulement été réaffectée sans aucun motif objectif, mais elle a également été « rétrogradée ». En effet, selon elle, alors que les fonctions de Senior Legal Advisor/Legal Counsel (auparavant qualifiées de Chief Legal Officer) étaient exercées dans le quartier général le plus prestigieux et impliquait la gestion d’une équipe, celles de Criminal Justice Adviser étaient effectuées dans un bureau régional et n’impliquaient aucune activité de coordination. Au soutien du cinquième moyen, tiré d’un harcèlement moral, la requérante fait valoir que, conformément à une jurisprudence constante, une décision ou une conduite peut être considérée comme un harcèlement psychologique ou professionnel lorsque deux conditions sont remplies : la conduite ou la décision fait partie d’une série d’actes répétés pendant un certain temps et ces actes sont intentionnels, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas le résultat d’autres circonstances. En l’espèce, sa réaffectation et sa « rétrogradation » auraient été décidées en l’absence de tout intérêt objectif du service et auraient donc été intentionnelles. En outre, la réaffectation et la « rétrogradation » auraient été accompagnées d’une série d’actes offensants, parmi lesquels des restrictions d’accès téléphonique, un courriel très agressif l’invitant à vider son bureau, des difficultés non justifiées pour obtenir un congé ou son exclusion des activités principales de la MPUE pendant son détachement.

104    Le Conseil conteste le bien-fondé de l’argumentation de la requérante.

105    À titre liminaire, il convient de rappeler qu’a été reconnue la possibilité d’invoquer l’existence d’un harcèlement moral au soutien de conclusions aux fins d’annulation qui ne sont pas dirigées contre le rejet d’une demande d’assistance introduite par un agent au motif qu’il estime être victime d’un harcèlement, mais qui sont dirigées contre d’autres décisions prises par l’administration (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2010, Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, points 67 et 70 à 72).

106    Il est certes vrai que la jurisprudence, rappelée au point 105 ci-dessus, a été développée notamment dans la matière de la fonction publique de l’Union et que la requérante n’est pas un fonctionnaire ou un agent de l’Union. Cependant, dans la mesure où la Cour a établi, au point 50 de l’arrêt sur pourvoi, que les agents détachés par les institutions de l’Union, dont le statut est régi par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne, et ceux détachés par les États membres sont soumis aux mêmes règles en ce qui concerne l’exercice de leurs fonctions sur le « théâtre des opérations », rien ne s’oppose à la transposition de cette jurisprudence aux conclusions dirigées contre les décisions du chef de la MPUE décidant de la réaffectation d’un agent détaché par un État membre.

107    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que l’existence d’un contexte de harcèlement moral peut également être prise en compte, lorsque l’auteur de ce harcèlement est également le signataire de la décision contestée, pour établir que cette décision a été adoptée dans le but de nuire à l’agent et qu’elle est, par suite, entachée de détournement de pouvoir. Ainsi, s’agissant d’une allégation de harcèlement moral invoquée au soutien de conclusions dirigées contre une décision de réaffectation, ladite décision pourra être entachée de détournement de pouvoir, si elle a été adoptée dans le but de nuire à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique de l’agent (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2010, Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, points 71 et 72).

108    En l’espèce, force est de constater que ce que la requérante indique comme étant le cinquième moyen, tiré d’un harcèlement moral, constitue, en fait, le fondement factuel du troisième moyen, tiré d’un détournement de pouvoir, dans le cadre duquel elle affirme que le chef de la MPUE aurait détourné ses pouvoirs dans l’unique but de la harceler. Ainsi, il est possible que les faits invoqués pour démontrer l’existence d’un harcèlement moral, bien qu’ils ne puissent être qualifiés comme tels au sens de la jurisprudence développée à propos des dispositions de l’article 12 bis du statut des fonctionnaires de l’Union, laquelle pourrait être transposable, tel qu’il a été exposé au point 106 ci-dessus, au cas d’espèce, permettent malgré tout de conclure que la décision de réaffectation serait entachée de détournement de pouvoir et qu’elle devrait, par conséquent, être annulée pour ce motif (voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2010, Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, point 73).

109    Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal considère qu’il convient d’analyser ensemble les troisième et cinquième moyens.

110    Selon une jurisprudence constante, la notion de détournement de pouvoir a une portée bien précise qui se réfère à l’usage fait par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés (voir ordonnance du 19 décembre 2013, da Silva Tenreiro/Commission, T‑32/13 P, EU:T:2013:721, point 31 et jurisprudence citée).

111    À cet égard, il convient de rappeler que la jurisprudence a reconnu aux institutions de l’Union un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation en vue de l’accomplissement de celles-ci du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence des emplois (voir arrêt du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, EU:T:1999:295, point 65 et jurisprudence citée).

112    Dans ces circonstances, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la question de savoir si l’institution impliquée s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée (voir arrêt du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, EU:T:1999:295, point 66 et jurisprudence citée).

113    En outre, il ressort de la jurisprudence qu’il n’y a détournement de pouvoir qu’en présence d’indices objectifs, pertinents et concordants qui permettent d’établir que l’acte attaqué poursuit un but autre que celui qui lui est assigné en vertu des dispositions applicables et que, dès lors qu’une décision n’a pas été jugée contraire à l’intérêt du service, il ne saurait être question de détournement de pouvoir (voir arrêt du 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, EU:T:1999:295, point 67 et jurisprudence citée).

114    À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ces prétentions, il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause (voir ordonnance du 19 décembre 2013, da Silva Tenreiro/Commission, T‑32/13 P, EU:T:2013:721, point 32 et jurisprudence citée).

115    Ainsi, l’appréciation globale des indices de détournement de pouvoir ne saurait reposer sur de simples allégations, des indices insuffisamment précis ou qui ne sont ni objectifs ni pertinents (ordonnance du 19 décembre 2013, da Silva Tenreiro/Commission, T‑32/13 P, EU:T:2013:721, point 33).

116    C’est à la lumière des principes énoncés ci-dessus qu’il convient d’examiner les arguments soulevés par la requérante concernant les décisions attaquées, tirés d’un détournement de pouvoir.

117    En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la décision du 7 avril 2010 telle que confirmée par la décision du 30 avril 2010, prévoyait la réaffectation de la requérante du poste de Senior Legal Advisor/Legal Counsel, qu’elle occupait auprès du quartier général principal de la MPUE à Sarajevo, au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de la MPUE de Banja Luka.

118    Conformément aux conclusions formulées dans le cadre du premier moyen, il convient de constater, d’une part, que l’objectif poursuivi par les décisions attaquées, à savoir de satisfaire le besoin de disposer de conseils en matière pénale au bureau régional de Banja Luka, correspondait à l’objectif énoncé à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2002/201, et, d’autre part, qu’un tel objectif avait vocation à être atteint par la mesure litigieuse.

119    Partant, la requérante n’a pas démontré que, en adoptant les décisions attaquées, le chef de la MPUE poursuivait principalement un but autre que celui d’aider les services répressifs compétents de Bosnie-Herzégovine à lutter contre la criminalité organisée et la corruption.

120    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante relatifs à la prétendue absence de l’intérêt du service d’une occupation du poste de Banja Luka, au fait que les décisions attaquées auraient été adoptées dans l’unique but de la harceler ou au prétendu caractère punitif de la décision du 7 avril 2010.

1)      Sur l’existence de l’intérêt du service

121    À cet égard, il y a lieu de noter que l’argument invoqué par la requérante, pour soutenir l’existence d’un détournement de pouvoir prétendument commis par le chef de la MPUE lors de sa réaffectation, consiste en l’absence de réelle nécessité d’affecter un Prosecutor en urgence à Banja Luka.

122    Les indices qu’elle fournit au soutien de cet argument tiennent, d’une part, à l’existence d’un appel à candidatures pour le poste de Criminal Justice Adviser à Banja Luka qui était toujours en cours à la date de sa réaffectation et, d’autre part, à la procédure lancée immédiatement après sa réaffectation pour recruter un nouveau Senior Legal Advisor/Legal Counsel à Sarajevo.

123    En outre, dans la présentation des faits et au soutien du deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation, la requérante insiste sur le fait qu’il ressortirait de sa correspondance avec le chef adjoint de la MPUE, avec son supérieur hiérarchique et avec le chef du bureau régional de Banja Luka, que, d’une part, le chef de la MPUE aurait pris la décision de la réaffecter à n’importe quel autre poste disponible dans la mission, sans qu’il existe un besoin réel, et, d’autre part, qu’il n’y avait pas besoin d’un procureur à Banja Luka.

124    Or, en premier lieu, l’existence d’une procédure de sélection en cours pour le poste de Criminal Justice Adviser à Banja Luka ne fait que confirmer la vacance dudit poste et la nécessité de l’occuper. En effet, attendre la fin de ladite procédure pouvait ne pas être dans l’intérêt du service et pouvait répondre à un besoin opérationnel tel que celui invoqué dans la décision du 7 avril 2010.

125    Par ailleurs, à la date de la décision du 7 avril 2010, la procédure de sélection qui avait été lancée le 2 mars 2010 afin de pourvoir le poste de Criminal Justice Expert (Prosecutor or IPO) auprès du bureau régional de Banja Luka, ouverte pour une position de Prosecutor ou de Police officer n’avait pas abouti. En effet, il ressort des documents communiqués par le Conseil après l’audience que les deux candidats à ce poste ont été choisis pour d’autres postes auprès de la MPUE, conformément à la priorité indiquée dans leurs formulaires de candidature.

126    De surcroît, il ressort de la réponse écrite du Conseil aux questions posées lors de l’audience et des documents qu’il a communiqués après l’audience, que, à l’époque des faits, la MPUE faisait face à un manque de personnel et que le chef de la MPUE avait dû prendre, à plusieurs reprises, des mesures adéquates afin d’assurer l’accomplissement de l’objectif énoncé à l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2002/201, en lançant des appels à candidatures.

127    Plus particulièrement, il ressort du rapport final du 21 avril 2010, rédigé par le chef de la MPUE à l’attention du commandant d’opération civil, que la procédure de sélection qui avait été lancée avec l’appel à candidatures envoyé aux États membres le 2 mars 2010, afin de pourvoir les 34 postes vacants au sein de la MPUE, parmi lesquels figurait également le poste de Criminal Justice Expert (Prosecutor or IPO) auprès du bureau régional de Banja Luka, avait abouti à la sélection de seulement 26 candidats et que 3 autres postes « faisaient l’objet d’une prolongation ou d’autres décisions opérationnelles ». Dans ce contexte, rien ne permet de conclure que la décision de réaffecter la requérante avait été prise en raison d’autres circonstances que celles pouvant être déduites dudit rapport final et du rapport de sélection pour ledit poste, à savoir le manque des candidats éligibles pour le poste de Banja Luka.

128    Certes, la requérante a présenté un échange de courriels avec le directeur de l’unité politique de la MPUE, qui était son supérieur hiérarchique, et avec le chef du bureau régional de Banja Luka. Cependant, il ressort de la réponse dudit supérieur hiérarchique au courriel de la requérante du 7 avril 2010 uniquement que c’était le chef de la MPUE qui avait pris la décision de réaffectation et que les postes disponibles dans la MPUE en Bosnie-Herzégovine étaient à Banja Luka, Mostar et Tuzla. De même, il ressort de la réponse du chef du bureau régional de Banja Luka au courriel de la requérante du 8 avril 2010 uniquement que celui-ci n’avait pas demandé « un autre procureur » et qu’il n’avait pas besoin urgemment de sa présence à Banja Luka.

129    Premièrement, même si la requérante soutient que la situation des postes disponibles dans la MPUE avait été demandée par le chef de celle-ci au chef adjoint de ladite mission, avant de la réaffecter, elle ne produit aucune preuve en ce sens. D’ailleurs, le fait que le chef de la MPUE ait demandé, avant de prendre la décision de réaffectation, la situation des postes disponibles dans la mission, n’est pas de nature à infirmer sa préoccupation pour l’intérêt du service. En tout état de cause, le directeur de l’unité politique de la MPUE n’a pas indiqué, dans sa réponse au courriel de la requérante du 7 avril 2010, que le chef de la MPUE lui aurait demandé de lui présenter ladite situation avant de prendre sa décision. Il a seulement confirmé une information qu’il avait déjà communiquée oralement à la requérante s’agissant des postes disponibles dans la mission.

130    Deuxièmement, l’opinion du chef du bureau régional de Banja Luka exprimée dans sa réponse au courriel de la requérante du 8 avril 2010, s’agissant de l’absence d’un besoin urgent de sa présence, n’est pas susceptible d’infirmer l’appréciation du chef de la MPUE relative à la nécessité de pourvoir le poste auprès dudit bureau régional. À cet égard, il est important de placer cette réponse dans son contexte factuel, déterminé par certaines difficultés logistiques relatives au déménagement que la requérante avait soulevées dans ledit courriel. Troisièmement, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ne ressort pas de ladite réponse qu’il n’existait pas un besoin de disposer d’un procureur à Banja Luka. L’affirmation du chef du bureau régional de Banja Luka selon laquelle il n’avait pas demandé « un autre procureur », corroborée par l’existence de la procédure en cours pour occuper un tel poste, permet de considérer qu’il y avait seulement besoin d’un procureur.

131    En second lieu, le lancement, immédiatement après le départ de la requérante, d’une procédure pour le poste qu’elle avait occupé à Sarajevo, prouve uniquement qu’il était nécessaire que ledit poste fût occupé à la suite de sa réaffectation. Cette circonstance n’est pas susceptible d’infirmer l’appréciation du chef de la MPUE s’agissant du besoin de pourvoir prioritairement, au moment de la réaffectation de la requérante, le poste de Criminal Justice Adviser à Banja Luka plutôt que celui de Senior Legal Advisor/Legal Counsel à Sarajevo, dans la mesure où cette appréciation relevait de son pouvoir d’appréciation.

132    Il ressort de tout ce qui précède que les indices présentés par la requérante, bien qu’ils soient objectifs et concordants, ne sont pas suffisants pour établir l’existence d’un détournement de pouvoir du chef de la MPUE dans l’adoption de la décision du 7 avril 2010.

2)      Sur l’existence d’indices révélant un contexte de harcèlement moral

133     Selon la requérante, ainsi qu’il a été exposé au point 103 ci-dessus, la décision du 7 avril 2010 n’avait aucun autre objectif que de la harceler moralement et de l’offenser, en s’inscrivant dans une série d’actes de harcèlement. Parmi ces actes figureraient, au-delà de la réaffectation et de la « rétrogradation » prévues par les décisions attaquées, d’autres actes soit antérieurs, soit postérieurs auxdites décisions, lesquels confirmeraient le contexte de harcèlement. Ainsi, au soutien de l’hypothèse de harcèlement, la requérante évoque comme indice antérieur aux décisions attaquées, son exclusion des activités principales de la MPUE pendant son détachement et, comme indices postérieurs à celles-ci, des restrictions d’accès téléphonique, l’invitation très agressive à vider son bureau et des difficultés non justifiées pour obtenir un congé.

134    À cet égard et en premier lieu, il convient de souligner, à l’instar du Conseil, que l’allégation de la requérante relative à sa prétendue « rétrogradation » n’est fondée ni en fait ni en droit. En effet, la réaffectation de cette dernière, en avril 2010, de Sarajevo à Banja Luka n’a aucunement modifié son statut administratif, ni sa rémunération, ni ses indemnités. Les arguments de la requérante visant le caractère moins prestigieux et moins confortable des nouvelles fonctions qu’elle devait exercer dans le bureau régional de Banja Luka par rapport à celles qui avaient fondé son détachement à Sarajevo, ne sauraient être prises en compte pour qualifier sa réaffectation de « rétrogradation », eu égard aux objectifs de la PESC poursuivis par la MPUE, à savoir aider les services répressifs compétents de Bosnie-et-Herzégovine à lutter contre la criminalité organisée et la corruption.

135    En deuxième lieu, s’agissant des restrictions d’accès téléphonique et de l’invitation à vider le bureau, il y a lieu de constater d’emblée que le Conseil en reconnaît l’exactitude. Cependant, il rétorque qu’il est de pratique courante dans toutes les administrations et surtout dans une mission de police que les fonctionnaires qui quittent un poste aient des restrictions d’accès au poste téléphonique fixe et soient invités à emmener leurs effets personnels avant de rejoindre leur nouveau poste, sans qu’un indice de harcèlement ou d’offense ressorte desdites mesures.

136    En effet, il ressort des échanges de courriels, produits par la requérante en annexe à la requête, qu’il lui a été demandé de vider son bureau à Sarajevo seulement le 28 mai 2010. Ladite demande est intervenue à la suite des renseignements supplémentaires demandés par la requérante le même jour, après la réception d’un certificat, intitulé « certificat de retrait des effets personnels » (Certification of removal of private possessions), qu’elle devait signer. Certes, le courriel reçu le 28 mai 2010, à 16 h 18, de M. R., occupant la fonction de Head of Administration and Support Services, peut être considéré comme très impératif en ce qu’il imposait à la requérante de vider son bureau le jour même, au plus tard à 16 h 30, sans possibilité de prolongation, et de déposer les clefs. Néanmoins, ledit courriel est le dernier d’une série d’autres courriels qui contenaient des explications tant en ce qui concerne ledit certificat qu’en ce qui concerne la nécessité de déposer les clefs. Dans sa réponse à la demande de M. Z., occupant la fonction de Chief of General Support Services, de déposer les clefs au plus tard à la fin du programme du même jour, la requérante a soutenu uniquement qu’elle ne savait pas qu’il y avait un délai pour vider son bureau.

137    En outre, il ressort du courriel du 23 avril 2010 du chef adjoint de la MPUE, que, le 26 avril 2010, la requérante devait se présenter au bureau régional de Banja Luka, que, les 27 et 28 avril 2010, elle devait se présenter au bureau dudit chef adjoint à Sarajevo pour discuter d’un cas et, que, du 29 avril au 11 mai 2010, elle devait être en congé. Cependant, il ressort de son courriel du 27 avril 2010, envoyé au chef du bureau régional de Banja Luka, et du courriel de M. S., du EUPM Personnel Office, du 11 mai 2010, qu’elle avait demandé un congé de maladie pour la période allant du 26 avril au 15 mai 2010, suivi d’un congé annuel du 17 au 24 mai 2010.

138    Dans ces circonstances, rien ne permet de considérer que la demande visant à ce qu’elle vide son bureau à Sarajevo, formulée le 28 mai 2010, soit 32 jours après la date à laquelle sa réaffectation devait prendre effet et 4 jours après son retour de congé, ait été abusive ou soit constitutive de harcèlement.

139    En troisième lieu, s’agissant des prétendues difficultés auxquelles la requérante a dû faire face pour obtenir une autorisation de congé, il ressort des documents produits en annexe à la requête que celle-ci n’avait, en réalité, pas fourni à temps soit les demandes de congé, soit les certificats médicaux utiles à leur appui. Or, la requérante ne soutient pas que les allégations de ses interlocuteurs, visant les absences signalées dans les échanges de courriels concernant ses congés, étaient erronées.

140    En quatrième lieu, s’agissant de son exclusion des activités principales de la MPUE pendant son détachement, il convient de constater que, bien que la requérante énumère plusieurs circonstances relatives à son exclusion des réunions quotidiennes matinales ou des discussions liées à la modification du mandat, aux restrictions imposées en ce qui concerne les voyages vers le quartier général à Bruxelles (Belgique) ou en ce qui concerne la participation à des séances de formations, elle ne fournit aucune preuve à cet égard.

141    Au regard de ce qui précède, il convient de considérer que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’un contexte de harcèlement.

3)      Sur le caractère punitif de la décision du 7 avril 2010

142    Dans l’exposé des faits, la requérante soutient que la décision du 7 avril 2010 a été prise à la suite de la présentation qu’elle avait effectuée avec une autre collègue, Mme C., membre du personnel temporaire de la MPUE, par lettre du 17 mars 2010, d’une liste d’irrégularités liées à la gestion de la MPUE, qu’elles avaient décelées, laquelle avait été suivie par une enquête (ci-après la « lettre du 17 mars 2010 »). Cet argument vise à démontrer que le chef de la MPUE aurait utilisé sa prérogative lui permettant de réaffecter la requérante pour la « sanctionner » d’avoir signalé des irrégularités au sein de la mission.

143    Dans la mesure où cet argument n’est pas dépourvu de toute pertinence, il convient de l’analyser sous l’angle d’un éventuel détournement de pouvoir. Par ailleurs, il est lié à l’argument de la requérante visant la « rétrogradation » à laquelle auraient procédé les décisions attaquées.

144    Au soutien du lien de causalité entre la lettre du 17 mars 2010 et sa réaffectation, la requérante souligne que, après avoir pris la décision du 7 avril 2010, le chef de la MPUE a également renvoyé sa collègue, Mme C., par décision du 26 avril 2010, sans préavis.

145    Il convient de relever que tant l’existence et le contenu de la lettre du 17 mars 2010 que l’enquête faisant suite sont confirmés par les courriels échangés entre les 7 et 20 juin 2010 entre la requérante et la personne occupant la fonction de Chief Advisor to SIPA.

146    En outre, il ressort de la décision du Médiateur européen du 4 juin 2015 concernant la fin du contrat de salarié de Mme C. en tant que conseiller juridique pour la MPUE en Bosnie-Herzégovine (ci-après la « décision du Médiateur») que cette cessation de contrat est intervenue à la suite de l’envoi de la lettre du 17 mars 2010.

147    Néanmoins, malgré leur chronologie et le fait que la décision du Médiateur a conclu à une mauvaise administration au sein de la MPUE, ces éléments ne constituent pas des indices suffisants pour permettre de considérer que la lettre du 17 mars 2010 était la raison déterminante de la réaffectation de la requérante.

148    Certes, à l’instar de la décision du Médiateur dans le cas de Mme C., il est important de relever que le fait que la décision du 7 avril 2010 ait été prise 21 jours après l’envoi de la lettre du 17 mars 2010 pourrait être interprété comme une « sanction » envers la requérante pour les critiques apportées à la gestion de la MPUE.

149    Cependant, l’hypothèse d’une « sanction » appliquée à la requérante en raison des critiques qu’elle avait apportées à la gestion de la MPUE apparaît peu vraisemblable. D’une part, ainsi qu’il a été déjà exposé aux points 125 et 127 ci-dessus, l’existence de la vacance du poste de Criminal Justice Expert (Prosecutor or IPO) auprès du bureau régional de Banja Luka était certaine au moins à la date à laquelle l’appel à candidatures avait été envoyé aux États membres, le 2 mars 2010, soit 15 jours avant l’envoi de la lettre du 17 mars 2010. D’autre part, c’est seulement après le constat que la procédure de sélection n’avait pas abouti à occuper ledit poste que la décision du 7 avril 2010 a été prise. Par suite, rien ne permet de conclure que la décision de réaffectation de la requérante a été prise en raison d’autres circonstances que l’intérêt du service.

150    En outre, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été exposé au point 134 ci-dessus, la réaffectation de la requérante, en avril 2010, de Sarajevo à Banja Luka n’a aucunement modifié ni son statut administratif, ni sa rémunération, ni ses indemnités.

151    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les troisième et cinquième moyens.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

152    La requérante affirme que la décision du 7 avril 2010 est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où, d’une part, il n’était pas nécessaire d’affecter dans l’urgence un Prosecutor à Banja Luka et, d’autre part, il était toujours nécessaire d’avoir un Chief of Legal Office à Sarajevo.

153    Le Conseil réfute les arguments de la requérante.

154    À titre liminaire, il y a lieu d’observer que, contrairement à ce que le Conseil a soutenu lors de l’audience, par ce moyen, la requérante ne conteste pas uniquement l’aspect opérationnel de la décision du 7 avril 2010, relatif à l’appréciation du chef de la MPUE sur le besoin d’occuper en priorité le poste vacant auprès du bureau régional de Banja Luka en réaffectant un membre du personnel occupant un autre poste au sein de la MPUE, mais également les circonstances de fait qui avaient déterminées sa réaffectation audit poste.

155    À cet égard, bien que, pour l’aspect opérationnel de la décision du 7 avril 2010, mentionné au point 154 ci-dessus, la compétence du juge de l’Union soit exclue, conformément à l’article 275 TFUE, il n’en demeure pas moins que le contrôle du Tribunal est permis quant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir à l’occasion de la mesure de réaffectation. Le juge de l’Union ne pouvant substituer son appréciation des faits et circonstances justifiant l’adoption de telles mesures à celle du chef d’une mission, le contrôle exercé par le Tribunal est un contrôle restreint et il s’applique, en particulier, à l’appréciation des considérations d’opportunité sur lesquelles de telles mesures ont été fondées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 36 et jurisprudence citée).

156    Ainsi comme il a été exposé au point 111 ci-dessus, le chef de la MPUE disposait d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de l’adoption de mesures de réaffectation du personnel sur le théâtre des opérations (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 69). Ce large pouvoir d’appréciation ne fait toutefois pas obstacle à ce que le juge de l’Union vérifie, lors de l’exercice de son contrôle de légalité, l’exactitude matérielle des faits sur lesquels le chef de la MPUE s’est fondé (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 avril 2015, Tomana e.a./Conseil et Commission, T‑190/12, EU:T:2015:222, point 216).

157    En effet, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux exige notamment que le juge de l’Union s’assure qu’une décision revêtant une portée individuelle pour la personne concernée repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits à l’origine de ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs sont étayés.

158    En l’espèce, la requérante soutient, à l’appui de son moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, en premier lieu, que, à la date de sa réaffectation, une procédure de recrutement était en cours pour le poste vacant auprès du bureau régional de Banja Luka, que plusieurs candidatures avaient été soumises et que, après son départ, aucun agent n’a été affecté audit poste, ce qui prouverait, selon elle, qu’il n’était ni nécessaire ni a fortiori urgent de pourvoir ce poste.

159    Or, ainsi qu’il a été déjà exposé aux points 125 et 127 ci-dessus, à la date de la décision du 7 avril 2010, la procédure de sélection qui avait été lancée le 2 mars 2010 afin de pourvoir le poste de Criminal Justice Expert (Prosecutor or IPO) auprès du bureau régional de Banja Luka, n’avait pas abouti et c’est dans un contexte de manque de candidats éligibles pour ce poste que la décision de réaffectation de la requérante avait été prise.

160    Quant à la situation du poste de Banja Luka après le départ de la requérante, il ressort de la réponse du Conseil aux questions du Tribunal posées lors de l’audience et des annexes de ladite réponse que plusieurs appels à candidatures avaient été envoyés aux États membres afin de pourvoir ce poste, bien avant la date de fin du détachement de la requérante, le 31 décembre 2010. Ainsi, un premier appel, mentionnant dans la description la date de disponibilité dudit poste comme étant le 31 décembre 2010, avait été envoyé le 14 octobre 2010, avec une date limite fixée au 3 novembre 2010. Il ressort également desdites annexes que, aucune candidature n’ayant satisfait les critères de sélection, le poste avait été inclus dans l’appel à candidatures lancé le 3 février 2011, avec une date limite de dépôt des candidatures fixée au 25 février 2011 et l’indication que le poste était à pourvoir « dès que possible », puis dans l’appel à candidatures lancé le 21 novembre 2011, avec une date limite de dépôt des candidatures fixée au 2 décembre 2011.

161    Dans ces circonstances, l’allégation de la requérante relative à l’absence d’une réelle nécessité de pourvoir le poste de Banja Luka au moment de sa réaffectation est dépourvue de tout fondement factuel.

162    La requérante soutient, en second lieu, qu’il était toujours nécessaire d’avoir un Chief of Legal Office à Sarajevo, comme cela résulterait de la publication d’un avis de vacance après sa réaffectation à Banja Luka.

163    En effet, il ressort de la réponse du Conseil aux questions du Tribunal posées lors de l’audience et des annexes de ladite réponse que le poste que la requérante avait occupé à Sarajevo a été inclus dans l’appel commun à candidatures lancé le 31 mai 2010, avec une date limite fixée au 18 juin 2010, visant un total de 20 postes vacants au sein de la MPUE. Rien ne permet de conclure, dans ces circonstances, que la vacance dudit poste ne se serait pas inscrite dans la pratique courante de la MPUE consistant à pourvoir les postes dès qu’ils devenaient vacants.

164    Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être rejeté.

165    Au vu des toutes les considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours en annulation dans son ensemble.

C.      Sur la demande de dommages et intérêts

166    La requérante soutient que la conduite illégale de la MPUE lui a causé un préjudice. Elle fait valoir, d’une part, qu’elle a subi un préjudice causé à sa santé et à son intégrité par la réaffectation et par la « rétrogradation » imposées par les décisions attaquées, comme il aurait été indiqué dans l’avis médical fourni par la requérante en annexe à la requête, et, d’autre part, que le harcèlement moral continue toujours en raison des effets permanents desdites réaffectation et « rétrogradation ». Selon la requérante, le préjudice est lié à la conduite et aux actes illégaux de la MPUE, y compris le harcèlement moral indiqué au point 103 ci-dessus. Le lien de causalité entre la conduite et le préjudice existerait, à défaut d’autres circonstances qui auraient pu porter préjudice à la requérante. Estimer les dommages et intérêts étant très difficile en l’espèce, la requérante fait valoir qu’ils doivent être évalués ex æquo et bono et que leur montant s’élèverait à 30 000 euros.

167    S’agissant du préjudice relatif à sa santé, la requérante précise qu’il n’est pas avancé comme conséquence immédiate et directe de sa réaffectation, mais plutôt comme un préjudice causé par des actes de harcèlement qu’elle aurait subis au sein de la MPUE, qui avaient commencé avant sa réaffectation et avaient été suivis par de nombreux épisodes supplémentaires.

168    Dans ses observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt sur pourvoi, la requérante ajoute que l’octroi de dommages et intérêts resterait la seule manière de réparer l’illégalité de la décision du 7 avril 2010. Dans ces circonstances, elle estime que le montant total s’élèverait à 38 000 euros, y compris l’allocation de mission qu’elle n’aurait pu recevoir à cause du congé de maladie qu’elle avait pris en raison du harcèlement moral qu’elle avait subi.

169    À titre liminaire, il convient de constater que la demande indemnitaire de la requérante repose sur le régime de la responsabilité non contractuelle de l’Union en raison du prétendu comportement illicite de ses organes. Plus précisément, ladite demande repose tant sur la prétendue illégalité des décisions attaquées que sur de prétendus actes de harcèlement que la requérante aurait subis au sein de la MPUE, en plus desdites décisions.

170    À cet égard, il convient de rappeler que, en application d’une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle d’une institution de l’Union, pour comportement illicite, est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, EU:C:1994:211, point 42 et jurisprudence citée).

171    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

172    En l’espèce, les conclusions aux fins d’annulation dirigées contre les décisions attaquées ayant été rejetées, les conclusions indemnitaires fondées sur l’illégalité desdites décisions doivent donc l’être également. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par la requérante, fondées sur l’existence d’un harcèlement moral, force est de constater que, au point 141 ci-dessus, à la suite de l’analyse du moyen tiré d’un détournement de pouvoir, soulevé à l’appui du recours en annulation, il a été conclu à l’inexistence d’un contexte de harcèlement. Partant, il y a lieu de considérer que, en l’absence de comportement illégal pouvant être reproché au Conseil ou, plus précisément, au chef de la MPUE, la responsabilité non contractuelle du Conseil ne peut pas être engagée.

173    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la fin de non-recevoir concernant la régularité de la nouvelle demande de dommages et intérêts formulée dans la réplique, opposée en défense par le Conseil, la demande en indemnité doit être rejetée et, partant, le recours dans son ensemble.

 VI.      Sur les dépens

174    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      H est condamnée aux dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 avril 2018.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure devant le Tribunal et la Cour avant renvoi

III. Procédure après renvoi

IV. Conclusions des parties

V. En droit

A. Observations liminaires

B. Sur la demande en annulation

1. Sur la recevabilité de certains griefs soulevés dans la réplique

2. Sur le fond

a) Sur le premier moyen, tiré d’une violation des dispositions de la décision 2009/906

1) Sur la première branche, tirée de l’incompétence du chef de la MPUE pour adopter des décisions liées à la réaffectation du personnel

2) Sur la seconde branche, tirée de l’absence de consultation de l’État membre d’origine avant que ne soit prise la décision de réaffectation

b) Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation

c) Sur les troisième et cinquième moyens, tirés respectivement d’un détournement de pouvoir et d’un harcèlement moral

1) Sur l’existence de l’intérêt du service

2) Sur l’existence d’indices révélant un contexte de harcèlement moral

3) Sur le caractère punitif de la décision du 7 avril 2010

d) Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

C. Sur la demande de dommages et intérêts

VI. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.