Language of document :

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

4 mars 2024 (*)

« Référé – Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire et attribution du marché à un autre soumissionnaire – Demande de sursis à exécution – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑43/24 R,

Penta system Srl, établie à Modugno (Italie), représentée par Me K. Duchoňová, avocate,

partie requérante,

contre

Commission européenne,

partie défenderesse,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

1        Par sa demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE, la requérante, Penta system Srl, sollicite le sursis à l’exécution, d’une part, de la décision de la Commission européenne du 27 novembre 2023 par laquelle celle-ci a rejeté l’offre qu’elle avait soumise dans le cadre de l’appel d’offres JRC/IPR/2022/RP/1912, intitulé « Radioactive Waste Management Facilities Operations Maintenance (RAMA) Services », et, d’autre part, de la décision de la Commission par laquelle celle-ci a attribué le marché à un autre soumissionnaire (ci‑après les « décisions attaquées »).

 Antécédents du litige et conclusions des parties

2        La requérante est une société de droit italien.

3        Le 27 novembre 2023, la Commission a informé la requérante que l’offre qu’elle avait soumise dans le cadre de l’appel d’offres JRC/IPR/2022/RP/1912 n’avait pas été retenue.

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 janvier 2024, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions attaquées.

5        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution des décisions attaquées.

 En droit

6        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce dans le respect des règles de recevabilité prévues par l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal.

7        L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

8        Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

9        En outre, en vertu de l’article 156, paragraphe 5, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la demande en référé doit notamment être présentée par acte séparé, indiquer l’objet du litige et contenir un exposé sommaire des moyens et arguments invoqués.

10      Il découle d’une lecture combinée de l’article 156, paragraphes 4 et 5, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure qu’une demande relative à des mesures provisoires doit, à elle seule, permettre à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’une telle demande soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle‑ci se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé. Si ce texte peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la demande en référé, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle‑ci (voir ordonnance du 4 décembre 2015, E‑Control/ACER, T‑671/15 R, non publiée, EU:T:2015:975, point 8 et jurisprudence citée).

11      Par ailleurs, le paragraphe 223 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure prévoit expressément que la demande en référé doit être compréhensible par elle‑même, sans qu’il soit nécessaire de se référer à la requête dans l’affaire principale, y compris aux annexes de celle‑ci.

12      Dès lors que le non‑respect du règlement de procédure constitue une fin de non‑recevoir d’ordre public, il appartient au juge des référés d’examiner d’office, le cas échéant, si les dispositions applicables de ce règlement ont été respectées (voir ordonnance du 14 février 2020, Vizzone/Commission, T‑658/19 R, non publiée, EU:T:2020:71, point 11 et jurisprudence citée).

13      En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la demande en référé, la requérante ne consacre aucun développement aux conditions relatives au fumus boni juris et à l’urgence, ni à la mise en balance des intérêts en présence.

14      En effet, s’agissant, en particulier, de la condition relative au fumus boni juris, la requérante s’est contentée d’affirmer que les décisions attaquées violaient les principes généraux du droit des marchés publics énoncés dans le « règlement financier » ainsi que ses droits individuels découlant de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

15      Or, une telle absence d’argumentation ne permet pas que le juge des référés procède à une appréciation juridique du caractère à première vue fondé des moyens d’annulation invoqués dans la requête dans l’affaire principale.

16      Il s’ensuit que la demande en référé n’est pas compréhensible par elle‑même sans se référer à la requête dans l’affaire principale.

17      Or, cette absence d’explication suffisante, dans la demande en référé, des éléments constitutifs d’un éventuel fumus boni juris ne saurait être compensée par un renvoi à la requête dans l’affaire principale.

18      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il n’incombe pas au juge des référés de rechercher, en lieu et place de la partie concernée, les éléments contenus dans les annexes ou dans la requête dans l’affaire principale qui seraient de nature à corroborer la demande en référé. Une telle obligation mise à la charge du juge des référés serait d’ailleurs de nature à priver d’effet la disposition du règlement de procédure qui prévoit que la demande relative à des mesures provisoires doit être présentée par acte séparé (voir, en ce sens, ordonnance du 29 juillet 2010, Cross Czech/Commission, T‑252/10 R, non publiée, EU:T:2010:323, point 15 et jurisprudence citée).

19      Il s’ensuit que, s’agissant de la condition relative à l’existence d’un fumus boni juris, la présente demande en référé n’est pas conforme aux exigences de l’article 156, paragraphe 4 et 5, du règlement de procédure.

20      De même, la demande en référé ne contient pas un exposé suffisamment précis des éléments permettant l’examen de la condition relative à l’urgence.

21      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue. Il suffit qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable et de présenter au juge des référés des indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent sa situation et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. La partie qui sollicite la mesure provisoire est ainsi tenue de fournir, pièces à l’appui, des informations susceptibles d’établir une image fidèle et globale de la situation qui, selon elle, justifie l’octroi de ces mesures (voir ordonnance du 11 mars 2013, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑110/12 R, EU:T:2013:118, point 19 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans sa demande en référé, la requérante ne consacre pratiquement aucun développement à la condition relative à l’urgence.

23      En effet, la requérante se borne à affirmer que les décisions attaquées pourraient causer des dommages irréversibles à elle‑même et à l’Union européenne, en conduisant à utiliser le budget de l’Union en violation du droit.

24      Or, force est de constater que les allégations extrêmement laconiques développées par la requérante dans sa demande en référé ne fournissent pas la moindre information sur le préjudice grave et irréparable qu’elle risquerait de subir et ne sont, a fortiori, étayées par aucun élément de preuve relatif à sa situation actuelle qui puisse justifier l’octroi du sursis à exécution sollicité. Elles ne sauraient donc être considérées comme fournissant une image fidèle et globale de ladite situation de la requérante. Par conséquent, le juge des référés n’est pas en mesure d’apprécier, à la lecture de la seule demande en référé, si la requérante risque effectivement de subir un préjudice et, dans l’affirmative, si celui‑ci peut être qualifié de grave et d’irréparable.

25      Il s’ensuit que, s’agissant de la condition relative à l’urgence, la demande en référé n’est pas non plus conforme aux exigences de l’article 156, paragraphes 4 et 5, du règlement de procédure.

26      Il résulte de tout ce qui précède que la présente demande en référé doit être rejetée comme irrecevable sans qu’il y ait lieu de la signifier à la partie défenderesse.

27      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 4 mars 2024.

Le greffier

 

Le président

V. Di Bucci

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’anglais.