Language of document : ECLI:EU:T:2019:667

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

24 septembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale Scanner Pro – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑492/18,

Igor Zhadanov, demeurant à Odessa (Ukraine), représenté par Me P. Olson, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes G. Sakalaitė-Orlovskienė, S. Palmero Cabezas et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 6 juin 2018 (affaire R 1812/2017‑2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Scanner Pro comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Gratsias, président, Mme I. Labucka et M. I. Ulloa Rubio (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 15 août 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 26 octobre 2018,

vu la décision du 15 janvier 2019 rejetant la demande de jonction des affaires T‑404/18 et T‑492/18 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance,

à la suite de l’audience du 11 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 janvier 2017, le requérant, M. Igor Zhadanov, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Scanner Pro.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels pour scanner des images et des documents ; programmes informatiques de traitement de données ; programmes informatiques de traitement d’images ; programmes d’ordinateurs [logiciels téléchargeables] ; logiciel ; logiciels pour téléphones mobiles ; logiciels pour ordinateurs ; logiciels téléchargeables » ;

–        classe 42 : « Numérisation d’images ; numérisation de documents [scanning] ».

4        Par décision du 29 juin 2017, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits et les services mentionnés au point 3 ci-dessus au motif que ladite marque était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001], et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001). Selon l’examinateur, dans l’esprit du public pertinent, la marque demandée est principalement constituée d’une expression qui véhicule des informations claires et directes concernant le type et la qualité des produits et des services en question. En outre, l’examinateur a estimé que l’existence d’un caractère distinctif acquis par l’usage, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), n’avait pas été démontrée.

5        Le 16 août 2017, le requérant a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 60 du règlement no 207/2009 contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 6 juin 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a considéré, en substance, que la marque demandée véhiculait des informations claires et directes tant au public de professionnels anglophones qu’au grand public anglophone concernant le type et la qualité des produits et services en cause. Selon la chambre de recours, le lien existant entre les mots « scanner pro » contenus dans la marque et les produits et services mentionnés dans la demande d’enregistrement est suffisamment étroit pour que la marque demandée soit considérée comme étant descriptive des produits visés au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et de l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Elle a par ailleurs rejeté la revendication de l’acquisition par la marque demandée d’un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, en considérant que les documents fournis par le requérant n’établissaient pas que le public pertinent percevait ladite marque comme une indication de l’origine commerciale des produits en cause.

 Conclusions des parties

7        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        enregistrer la marque demandée pour les produits et services visés par la demande de marque ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

9        Lors de l’audience, le requérant a déclaré limiter ses conclusions concernant les produits relevant de la classe 9 pour lesquels l’enregistrement de la marque avait été demandé aux « applications logicielles pour smartphones et tablettes ».

 En droit

 Sur le deuxième chef de conclusions du requérant

10      L’EUIPO soutient que le deuxième chef de conclusions du requérant est irrecevable dans la mesure où ce dernier demande au Tribunal d’enregistrer la marque demandée.

11      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal n’a compétence, en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, que pour annuler ou réformer les décisions des chambres de recours. Or, par son deuxième chef de conclusions, le requérant vise à obtenir l’enregistrement de la marque demandée. Partant, le deuxième chef de conclusions présenté par le requérant doit être rejeté [voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2014, You-View.tv/OHMI – YouView TV (YouView+), T‑480/13, non publié, EU:T:2014:591, point 15 et jurisprudence citée].

 Sur la recevabilité de la limitation des produits de la classe 9 « aux applications logicielles pour smartphones et tablettes »

12      Lors de l’audience, le requérant a déclaré limiter ses conclusions concernant les produits relevant de la classe 9 pour lesquels l’enregistrement de la marque avait été demandé aux « applications logicielles pour smartphones et tablettes ».

13      La demande du requérant mentionnée au point 12 ci-dessus, telle que formulée à l’audience, et ayant pour objet de limiter la demande d’annulation de la décision attaquée à une catégorie de produits qui n’était pas mentionnée dans la requête introductive d’instance, doit être regardée comme une conclusion nouvelle, modifiant l’objet du litige devant le Tribunal, au sens de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, et comme étant, dès lors, irrecevable. Le rejet de ce chef de conclusions pour un tel motif doit par suite nécessairement conduire le Tribunal à examiner le bien-fondé du recours au regard des seules conclusions visées dans la requête introductive d’instance.

14      Au demeurant, une limitation, au sens de l’article 49, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, de la liste des produits ou des services contenus dans une demande de marque de l’Union européenne qui intervient postérieurement à l’adoption de la décision de la chambre de recours attaquée devant le Tribunal ne peut affecter la légalité de ladite décision, qui est la seule contestée devant le Tribunal [voir arrêt du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 25 et jurisprudence citée].

15      Toutefois, une déclaration du demandeur de la marque, postérieure à la décision de la chambre de recours, par laquelle celui-ci retire sa demande pour certains des produits initialement visés, peut être interprétée comme une déclaration que la décision attaquée n’est contestée que pour autant qu’elle vise le reste des produits concernés ou comme un désistement partiel, dans le cas où cette déclaration est intervenue à un stade avancé de la procédure devant le Tribunal, laquelle ne modifie pas l’objet du litige. Ainsi, une telle limitation doit être prise en compte par le Tribunal, dans la mesure où il lui est demandé de ne pas contrôler la légalité de la décision de la chambre de recours, pour autant qu’elle porte sur les produits ou services retirés de la liste, mais seulement dans la mesure où elle concerne les autres produits ou services, maintenus sur la même liste (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2008, Mozart, T‑304/06, EU:T:2008:268, points 27 et 28 et jurisprudence citée).

16      Cependant, lorsque la limitation de la liste des produits ou des services contenus dans une demande de marque de l’Union européenne a pour objet la modification, en tout ou en partie, de la description desdits produits ou services, il ne peut être exclu que cette modification puisse avoir un effet sur l’examen de la marque en question, effectué par les instances de l’EUIPO au cours de la procédure administrative. Dans ces circonstances, admettre cette modification au stade du recours devant le Tribunal équivaudrait à une modification de l’objet du litige en cours d’instance, interdite par l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal [voir arrêts du 20 novembre 2007, Tegometall International/OHMI – Wuppermann (TEK), T‑458/05, EU:T:2007:349, point 25 et jurisprudence citée, et du 9 juillet 2008, Mozart, T‑304/06, EU:T:2008:268, point 29 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 20 février 2013, Caventa/OHMI – Anson’s Herrenhaus (B BERG), T‑631/11, non publié, EU:T:2013:85, points 22 à 25].

17      En l’espèce, la limitation opérée par le requérant, postérieurement à la décision attaquée, consiste, en substance, en la spécification de la catégorie « logiciels pour téléphones mobiles et logiciels pour ordinateurs », qui devient la catégorie « applications logicielles pour smartphones et tablettes ».

18      Or, une telle limitation ne peut être interprétée comme une déclaration que la décision attaquée n’est contestée qu’en tant qu’elle vise les produits « applications logicielles pour smartphones et tablettes » et est susceptible d’avoir une influence sur l’examen du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque contestée. Elle conduirait le Tribunal, si elle était prise en considération dans la présente instance, à examiner exclusivement la marque contestée par rapport aux « applications logicielles pour smartphones et tablettes », ce qui n’a pas fait l’objet de l’examen de la part de la chambre de recours.

19      En effet, le requérant a demandé l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant de la classe 9 comportant les « logiciels pour scanner des images et des documents ; programmes informatiques de traitement de données ; programmes informatiques de traitement d’images ; programmes d’ordinateurs [logiciels téléchargeables] ; logiciel ; logiciels pour téléphones mobiles ; logiciels pour ordinateurs ; logiciels téléchargeables ». Il y a donc lieu de relever que la limitation demandée lors de l’audience par le requérant ne vise pas seulement à limiter les produits de la classe 9 aux « logiciels pour téléphones mobiles et logiciels pour ordinateurs », mais également à modifier cette catégorie qui devient la catégorie « applications logicielles pour smartphones et tablettes ». Cette spécification des produits aurait pour conséquence une modification de l’objet du litige porté devant la chambre de recours.

20      Partant, la limitation des produits demandée lors de l’audience ne peut pas être prise en considération par le Tribunal dans l’appréciation de la légalité de la décision attaquée et doit être déclarée irrecevable.

 Sur le fond

21      À l’appui de son recours, le requérant soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

22      Dans le cadre de son moyen, le requérant formule deux branches. Par la première branche, le requérant soutient que la chambre de recours a commis une erreur en ne reconnaissant pas la nature spécifique des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé, ni la manière dont ces produits sont distribués et commercialisés. Par la deuxième branche, le requérant fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans le cadre de l’appréciation des preuves produites, en concluant que la marque demandée n’avait pas acquis de caractère distinctif par l’usage. À l’appui de cette argumentation le requérant avance trois griefs. En premier lieu, il fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu dûment compte des preuves apportées concernant le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée, notamment les déclarations des professionnels indépendants, les statistiques de recherches sur Internet des mots-clés « scanner pro » ainsi que les preuves émanant des tiers. En deuxième lieu, le requérant soutient que la chambre de recours l’a sanctionné à tort pour ne pas avoir présenté d’éléments de preuves relatifs à des études de marché et à des déclarations d’associations professionnelles parmi les preuves de l’usage qu’il a produit. Et, enfin, en troisième lieu, il soutient que la chambre de recours a considéré à tort que les preuves produites n’établissaient pas un usage de la marque demandée pour les services couverts par la classe 42.

23      L’EUIPO conteste les arguments du requérant.

24       À titre liminaire, il convient de relever qu’il ressort du point 19 de la décision attaquée que le public pertinent comprend tant le public professionnel que le grand public, compte tenu de la nature des produits informatiques visés. Il ressort également du point 23 de la décision attaquée que l’usage de la marque demandée doit être apprécié au regard du public des États membres dans lesquels l’anglais est une langue officielle, à savoir l’Irlande, Malte et le Royaume-Uni, ainsi que du public des États membres dans lesquels l’anglais est généralement compris, à savoir le Danemark, Chypre, les Pays-Bas, la Finlande et la Suède. Ces appréciations, qui ne sont au demeurant pas contestées par le requérant, sont exemptes d’erreur et peuvent être entérinées.

25      Par ailleurs, il y a lieu de relever que le requérant ne s’oppose pas aux conclusions de la chambre de recours selon lesquelles la marque demandée est descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, et dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement. Le requérant avance que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque demandée n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

26      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 ne prévoit pas un droit autonome à l’enregistrement d’une marque, mais il comporte une exception aux motifs de refus édictés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement 2017/1001 [voir arrêt du 6 juillet 2011, Audi et Volkswagen/OHMI (TDI), T‑318/09, EU:T:2011:330, point 40 et jurisprudence citée].

27      En effet, en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, les motifs absolus de refus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci, pour les produits ou services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

28      Dans l’hypothèse visée par l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, le fait que le signe constituant la marque en question est effectivement perçu, par le public pertinent, comme une indication de l’origine commerciale d’un produit ou d’un service, est le résultat d’un effort économique du demandeur de marque. Or, cette circonstance justifie que soient écartées les considérations d’intérêt général sous-jacentes à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du règlement 2017/1001, lesquelles exigent que les marques visées par ces dispositions puissent être librement utilisées par tous, afin d’éviter de créer un avantage concurrentiel illégitime en faveur d’un seul opérateur économique [arrêts du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, EU:T:2003:327, point 50, et du 14 décembre 2017, bet365 Group/EUIPO – Hansen (BET 365), T‑304/16, EU:T:2017:912, point 25].

29      En premier lieu, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage d’une marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Cette identification doit être effectuée grâce à l’usage du signe en tant que marque et, donc, grâce à la nature et à l’effet de celui-ci, qui le rendent propre à distinguer les produits ou les services concernés de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 29 septembre 2010, CNH Global/OHMI (Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur), T‑378/07, EU:T:2010:413, points 28 et 29 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, points 26 et 29].

30      En deuxième lieu, pour qu’une marque puisse être enregistrée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie de l’Union européenne où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), de ce même règlement (voir arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 75 et jurisprudence citée).

31      En troisième lieu, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande (voir arrêt du 29 septembre 2010, Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur, T‑378/07, EU:T:2010:413, point 34 et jurisprudence citée).

32      En quatrième lieu, pour déterminer si le signe en question a acquis un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait, il faut apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée et, donc, à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Aux fins de cette appréciation, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (voir arrêt du 29 septembre 2010, Combinaison des couleurs rouge, noire et grise pour un tracteur, T‑378/07, EU:T:2010:413, points 31 et 32 et jurisprudence citée).

33      En cinquième lieu, le caractère distinctif d’un signe, y compris celui acquis par l’usage qui en a été fait, doit être apprécié par rapport, d’une part, aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, à la perception présumée d’un consommateur moyen de la catégorie des produits ou des services en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé [voir arrêt du 28 octobre 2009, BCS/OHMI – Deere (Combinaison des couleurs verte et jaune), T‑137/08, EU:T:2009:417, point 29 et jurisprudence citée].

34      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la chambre de recours a erronément considéré que la marque demandée n’avait pas acquis un caractère distinctif par l’usage.

35      Par la première branche de son moyen unique, le requérant fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la nature spécifique des produits pour lesquels l’enregistrement était demandé, c’est à dire des applications logicielles.

36      À cet égard, le requérant soutient, tout d’abord, que les preuves traditionnellement utilisées pour démontrer l’acquisition du caractère distinctif d’une marque ne s’appliquent pas toujours aux applications informatiques en raison du caractère non conventionnel desdites applications qui ne permet pas de délimiter aisément le produit et le service en cause, ni la manière dont ces produits sont distribués et commercialisés. Ensuite, le requérant conteste le fait que la chambre de recours n’ait pas considéré les preuves de l’usage de la marque demandée en combinaison avec l’icône représentée dans le magasin d’applications distribué par Apple (App Store), cette dernière étant, selon lui, un élément essentiel de la nature spécifique de l’application. Par ailleurs, le requérant conteste également l’appréciation de la chambre de recours des preuves de l’usage de la marque demandée en combinaison avec les mots « by readdle » associés au nom de l’entreprise. Enfin, il fait valoir qu’il est possible de prouver le caractère distinctif acquis d’un signe dont il a été fait usage en combinaison avec d’autres marques.

37      Premièrement, s’agissant de l’argument du requérant relatif au fait que le caractère non conventionnel des applications logicielles ne permet pas de délimiter aisément le produit et le service en cause, ni la manière dont ces produits sont distribués et commercialisés, il convient de relever que la jurisprudence relative aux éléments de preuve permettant de démontrer l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage (voir point 32 ci-dessus) n’opère aucune distinction selon qu’il s’agisse de produits ou de services et, en particulier, ne distingue pas les types de preuve correspondant à chacune de ces catégories. En effet, les éléments apportés doivent seulement démontrer que la marque demandée permet d’identifier les produits ou les services concernés, indistinctement, comme provenant d’une entreprise déterminée et, donc, de distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Par conséquent, le requérant ne saurait faire valoir que les éléments de preuve traditionnellement utilisés pour démontrer l’acquisition du caractère distinctif d’une marque ne sont pas toujours pertinents lorsqu’il s’agit de signes visant des applications informatiques, et cela en raison du caractère non conventionnel desdites applications qui ne permettrait pas de délimiter aisément le produit et le service en cause.

38      Il y a dès lors lieu d’écarter l’argumentation du requérant relative au caractère non conventionnel des produits couverts par la marque demandée.

39      Deuxièmement, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’allègue le requérant, la chambre de recours a pris en considération les éléments de preuve produits par celui-ci concernant l’utilisation des mots « scanner pro » avec l’icône représentée dans l’App Store ou les mots « by readdle ». En effet, la chambre de recours, en reconnaissant l’importance visuelle desdits éléments figuratifs ou verbaux additionnels (voir points 72 et 78 de la décision contestée), a considéré à juste titre que les éléments de preuve produits par le requérant ne suffisaient pas à démontrer que la marque demandée, telle que représentée par le signe verbal Scanner Pro, avait acquis un caractère distinctif intrinsèque sur le territoire pertinent et dans l’esprit du public pertinent, au motif qu’elle ne permettait pas déterminer, à elle seule, l’entreprise particulière dont provenaient les produits et les services en cause.

40      Or, le requérant fait valoir à cet égard que, selon la jurisprudence, l’acquisition par une marque d’un caractère distinctif par l’usage n’implique pas nécessairement qu’elle ait fait l’objet d’un usage indépendant, mais peut résulter de son usage en tant que partie d’une autre marque enregistrée ou de son usage en combinaison avec une autre marque enregistrée.

41      Certes, il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée (voir arrêt du 17 juillet 2008, L & D/OHMI, C‑488/06 P, EU:C:2008:420, point 49 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30).

42      Cependant, si l’acquisition du caractère distinctif peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée, la condition essentielle est toujours que, en conséquence de cet usage, le signe dont l’enregistrement est demandé en tant que marque puisse désigner, dans l’esprit des milieux intéressés, les produits sur lesquels il porte comme provenant d’une entreprise déterminée. Il s’ensuit que, afin d’obtenir l’enregistrement d’une marque ayant acquis un caractère distinctif après l’usage qui en est fait au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, que ce soit en tant que partie d’une autre marque enregistrée ou en combinaison avec celle-ci, le demandeur à l’enregistrement doit apporter la preuve que les milieux intéressés perçoivent le produit ou le service désigné par cette seule marque, par opposition à toute autre marque pouvant également être présente, comme provenant d’une entreprise déterminée [arrêt du 7 décembre 2017, Colgate-Palmolive/EUIPO (360°), T‑332/16, non publié, EU:T:2017:876, point 43 ; voir également, par analogie, arrêt du 7 juillet 2005, Nestlé, C‑353/03, EU:C:2005:432, point 30].

43      En l’espèce, s’agissant de l’élément figuratif représentant l’icône de l’application informatique en cause, il y a lieu de rappeler que, à supposer que cette icône soit une marque figurative dont le requérant est titulaire, il ressort également de la jurisprudence que les milieux intéressés ne percevront pas le produit désigné par le signe demandé comme provenant d’une entreprise déterminée lorsque le signe en cause est toujours accompagné, dans les éléments de preuve produits, par d’autres marques du demandeur possédant elles-mêmes une capacité distinctive [voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 2011, TDI, T‑318/09, EU:T:2011:330, point 73 et jurisprudence citée, et du 9 juillet 2014, Pågen Trademark/OHMI (gifflar), T‑520/12, non publié, EU:T:2014:620, point 43]. Il en est d’autant plus ainsi dans le cas d’espèce que, sur les éléments de preuve concernés communiqués par le requérant, l’icône occupe une place prédominante et le plus souvent totalement dissociée de l’élément verbal « scanner pro », de nature à conférer à ce dernier élément, non une portée distinctive autonome, mais plutôt une fonction explicative de l’icône en cause, compte tenu du caractère descriptif dudit élément, constaté à juste titre par la chambre de recours, au point 71 de la décision attaquée, et d’ailleurs non contesté par le requérant.

44      Une telle considération n’est pas remise en cause par l’arrêt du 14 décembre 2017, BET 365 (T‑304/16, EU:T:2017:912), invoqué par le requérant. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, le Tribunal s’est borné à faire application de la jurisprudence rappelée au point 40 ci-dessus, en jugeant que les usages de l’élément « bet365 » en combinaison avec des couleurs, des typographies, des éléments figuratifs ou d’autres éléments verbaux ne pouvaient être considérés comme inaptes par nature à participer à la démonstration de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque BET 365 (arrêt du 14 décembre 2017, BET 365, T‑304/16, EU:T:2017:912, point 39). En outre, si le Tribunal a jugé qu’il n’était guère contestable qu’un usage en tant que marque de la marque figurative comprenant l’élément « bet365 » permettait d’établir le lien entre la marque verbale BET 365 et les produits et services de la partie requérante, cette solution s’expliquait par la circonstance que, dans cette espèce, était en cause une marque figurative constituée de l’élément verbal composant seul la marque demandée, alors que, en l’espèce, l’élément figuratif constitué par l’icône en cause fait l’objet d’un usage aux côtés de l’élément verbal « scanner pro » constitutif de la marque demandée.

45      En tout état de cause, il convient de constater que tant l’élément verbal « scanner pro » que l’icône représentative en tant que telle sont dépourvus d’un caractère distinctif intrinsèque, ainsi qu’il a été relevé par la chambre de recours au point 70 de la décision attaquée, ne permettant, dès lors, pas d’identifier les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée et, partant, de distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises.

46      Quant à l’élément verbal « by readdle », à supposer qu’il forme avec l’élément « scanner pro » et, le cas échéant, un autre élément, une marque enregistrée, il y a lieu de relever que l’élément « readdle » désigne la société dirigée par le requérant qui commercialise l’application informatique en cause. Ainsi, ledit élément établit en tant que tel que les produits concernés proviennent de cette société, de sorte que l’indication de provenance desdits produits résulte de cette mention et non de l’élément « scanner pro » (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2014, gifflar, T‑520/12, non publié, EU:T:2014:620, point 45).

47      La chambre de recours a, dès lors, considéré à juste titre, aux points 72, 78 et 79 de la décision attaquée, que les éléments de preuve fournis par le requérant comprenant l’icône, l’élément « scanner pro » et l’élément « by readdle » ne permettaient pas d’établir que la marque demandée était en tant que telle susceptible de constituer un indicateur de l’origine commerciale des produits et des services en cause en l’espèce.

48      Dans ces circonstances, il y a dès lors lieu de rejeter la première branche du moyen unique du requérant.

49      Par la deuxième branche, le requérant fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans le cadre de l’appréciation des preuves produites, en concluant que la marque demandée n’avait pas acquis de caractère distinctif par l’usage.

50      Le requérant avance trois griefs dans le cadre de cette branche. Le requérant soutient, en premier lieu, que la chambre de recours n’a pas tenu suffisamment compte des preuves du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée qu’il a produites. En deuxième lieu, il soutient que la chambre de recours l’a sanctionné à tort pour ne pas avoir présenté d’éléments de preuves relatifs à des études de marché et à des témoignages d’associations professionnelles parmi les preuves de l’usage produites. En troisième lieu, il fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que les preuves produites n’établissaient pas un usage de la marque demandée pour les services couverts par la classe 42.

51      En ce qui concerne le premier grief tiré de l’appréciation incorrecte par la chambre de recours des preuves de l’usage fournies, le requérant conteste, premièrement, l’appréciation de cette dernière concernant les témoignages des professionnels indépendants du secteur de l’informatique qu’il a présentés. Le requérant soutient à cet égard que chaque témoignage apporté aurait dû être examiné et considéré comme émanant d’une source indépendante étant donné que les témoins exercent à titre individuel et ne présentent pas de liens étroits avec lui.

52      À cet égard, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 57 de la décision attaquée, malgré le fait que la chambre de recours a considéré que les témoignages apportés avaient probablement été demandés et coordonnés par le requérant, elle a estimé que ces témoignages reflétaient, par leur contenu et leur valeur probante, l’avis individuel des professionnels de l’informatique indépendants sur le caractère notoirement connu de la marque demandée du requérant, corroborant les informations déjà fournies. Il y a lieu, dès lors, de considérer que la chambre de recours a examiné les témoignages des professionnels indépendants présentés par le requérant.

53      En outre, le requérant conteste la constatation opérée par la chambre de recours selon laquelle les déclarations des professionnels indépendants ne sauraient suffire à établir le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée dans l’esprit du public pertinent pour tout type de produit ou de service en cause. Il fait valoir à cet égard que la chambre de recours n’a pas pris suffisamment en compte la valeur probante des témoignages qui, avec tous les éléments de preuve présentés, démontrent globalement que la marque demandée a acquis un caractère distinctif par l’usage dans l’ensemble de l’Union.

54      Or, ainsi qu’il a été, d’ailleurs, rappelé par le requérant, il ressort, certes, de la jurisprudence, qu’il convient d’apprécier globalement les éléments de preuve qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée (voir point 32 ci-dessus). Il en ressort toutefois également que, dans le cadre de cette appréciation globale, certains éléments de preuve sont considérés comme jouissant d’une force probante plus importante que d’autres. En particulier, les chiffres de ventes et le matériel publicitaire ne peuvent être considérés que comme des preuves secondaires qui peuvent corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage, telles que rapportées par des enquêtes ou des études de marché ainsi que des déclarations d’associations professionnelles ou des déclarations du public spécialisé (voir arrêt du 7 décembre 2017, 360°, T‑332/16, non publié, EU:T:2017:876, point 46 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, il convient de considérer, à cet égard, que, contrairement à ce que soutient le requérant, même si la chambre de recours n’a pas qualifié les déclarations concernées de « preuves directes » au sens de la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus, elle les a, en substance et à juste titre, considérées comme des éléments de preuve pertinents, tout en estimant qu’elles ne suffisaient pas à elles seules et devaient être complétées par d’autres éléments de preuve. En effet, les déclarations en cause font état de l’opinion personnelle de professionnels, ainsi qu’il est, d’ailleurs souligné expressément dans certaines de ces dernières. Par conséquent, même si quelques-unes de ces déclarations mentionnent de manière générale les « utilisateurs » de l’application concernée, elles établissent directement la seule opinion d’un public professionnel et sont donc insuffisantes, dès lors que le public pertinent inclut également le grand public [voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Glaverbel/OHMI (Texture d’une surface de verre), T‑141/06, non publié, EU:T:2007:273, point 44 et du 18 octobre 2016, Raimund Schmitt Verpachtungsgesellschaft/EUIPO (Brauwelt), T‑56/15, EU:T:2016:618, point 138].

56      Il convient, par ailleurs, de relever que l’arrêt du 12 mai 2016, Zuffa/EUIPO (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP) (T‑590/14, non publié, EU:T:2016:295), invoqué par le requérant au point 21.1 de sa requête, ne saurait être considéré comme étant pertinent en l’espèce. En effet, ainsi qu’il ressort du point 80 dudit arrêt, auquel se réfère le requérant, dans l’affaire en cause, il était question de déclarations émanant de fédérations nationales et internationales du domaine concerné et non de déclarations provenant de professionnels indépendants dudit secteur.

57      Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de recours a examiné et fait une juste appréciation des témoignages des professionnels indépendants du secteur de l’informatique présentés par le requérant.

58      Deuxièmement, le requérant conteste l’appréciation faite par la chambre de recours au point 76 de la décision attaquée concernant la pièce no 26 du dossier devant l’EUIPO relative aux statistiques de recherches sur Internet des mots-clés « scanner pro », selon laquelle rien ne prouve que la recherche desdits mots avait été effectuée pour trouver l’application logicielle du requérant plutôt que pour chercher des scanners professionnels. Par ailleurs, il fait valoir que, lorsque les utilisateurs effectuent une recherche des mots « scanner pro », « scanner pro app » et surtout « scanner pro readdle », le but de ces utilisateurs est manifestement de trouver l’application qu’il commercialise, « Scanner Pro », et pas n’importe quelle application.

59      À cet égard, il convient, tout d’abord, de constater que le requérant admet que la combinaison d’un terme descriptif et l’abréviation « pro » est répandue sur le marché.

60      Il convient ensuite d’observer que la pièce no 26 comportant des statistiques de recherches sur Internet sur la base des mots-clés « scanner pro » spécifie que les données contenues concernent les « pays européens », sans designer lesquels en particulier. Or, il y a lieu de rappeler que l’usage de la marque demandée doit être apprécié au regard du public des États membres dans lesquels le signe est dépourvu de caractère distinctif (voir point 24 ci-dessus).

61      Par ailleurs, il convient d’entériner la conclusion de la chambre de recours, figurant au point 76 de la décision attaquée, selon laquelle il est logique que le nombre de recherches des mots « scanner pro » soit plus élevé que celui des recherches relatives aux termes « scanner pro app », « scanner pro readdle », « ipad pro scanner » ou « scanner pro iphone » étant donné que plus le nombre de mots associés à la recherche d’une terme descriptif, tel que « scanner », est élevé, moins la moyenne mensuelle des recherches fondées sur ces mots sera élevée.

62      S’agissant, en outre, de la valeur probante des statistiques de recherches sur Internet, il y a lieu de relever que s’il a certes été reconnu que de telles statistiques pouvaient être de nature à démontrer l’acquisition par un signe d’un caractère distinctif par l’usage, cette possibilité n’a été retenue que dans des circonstances particulières, comme, par exemple, lorsque la plupart des marques utilisées dans le secteur étaient intrinsèquement descriptives ou lorsque les clients étaient généralement des habitués, permettant de considérer qu’un client utilisait la marque en cause en tant qu’identifiant des produits ou des services de la partie requérante, par opposition aux produits ou aux services proposés par ses concurrents (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, BET 365, T‑304/16, EU:T:2017:912, points 44 et 46). Or, de telles circonstances ne sont aucunement alléguées, ni a fortiori établies en l’espèce. De plus, quand bien même les recherches en cause établiraient une certaine connaissance de la marque demandée, une telle connaissance ne saurait être assimilée au constat que ladite marque a acquis un caractère distinctif par l’usage, qui implique que la marque soit reconnue comme l’indication d’une origine commerciale par le public pertinent [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2014, Bateaux mouches/OHMI (BATEAUX-MOUCHES), T‑553/12, non publié, EU:T:2014:264, point 70].

63      Il y a enfin lieu de relever que le document contesté, s’il prouve que les termes « scanner pro » ont été plus recherchés que les termes « scanner pro app », « scanner pro readdle », « ipad pro scanner » ou « scanner pro iphone », il ne démontre pas que le résultat de la recherche en cause implique que le public pertinent reconnaît la marque demandée comme l’indication d’une origine commerciale.

64      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les allégations relatives à l’appréciation réalisée par la chambre de recours au point 76 de la décision attaquée quant aux statistiques de recherches sur Internet apportées par le requérant.

65      Troisièmement, le requérant soutient au point 27 de sa requête qu’il a apporté de nombreux éléments de preuve émanant de tiers qui démontrent suffisamment l’usage fréquent de la marque demandée. Selon lui, ces preuves reflètent de manière pertinente et probante l’usage du signe demandé en combinaison avec son icône au sein de l’Union.

66      Or, il y a lieu de relever qu’à l’appui de ces allégations le requérant se contente de renvoyer à une liste de documents comportant des déclarations de professionnels indépendants, des statistiques concernant la recherche sur Internet des mots-clés « scanner pro », des communiqués de presse ainsi que des captures d’écran mentionnant l’élément « scanner pro ». Cependant, il convient de constater que le requérant n’explique pas de quelle manière ces informations démontreraient que le public pertinent reconnaît la marque demandée comme l’indication d’une origine commerciale.

67      Par ailleurs, en ce qui concerne les déclarations des professionnels indépendants et les statistiques des recherches sur Internet, il suffit de renvoyer aux considérations exposées aux points 52 à 64 ci-dessus.

68      S’agissant des communiqués de presse ainsi que des captures d’écran mentionnant l’élément « scanner pro », outre le fait qu’une grande partie des éléments de preuve présentés s’avèrent illisibles, il y a lieu de relever qu’il s’agit de documents publicitaires pour l’application « Scanner Pro » sur iPhones et tablettes. Or, il est de jurisprudence constante que le matériel publicitaire à lui seul ne peut être considéré que comme une preuve secondaire qui peut corroborer, le cas échéant, les preuves directes du caractère distinctif acquis par l’usage. En effet, le matériel publicitaire en tant que tel ne démontre pas que le public visé par les produits ou les services en cause perçoit le signe comme une indication d’origine commerciale [arrêts du 12 septembre 2007, Texture d’une surface de verre, T‑141/06, non publié, EU:T:2007:273, point 41, et du 24 février 2016, Coca-Cola/OHMI (Forme d’une bouteille à contours sans cannelures), T‑411/14, EU:T:2016:94, point 84]. Il ne saurait, dès lors, en être déduit en l’espèce, en l’absence d’autre explication ou d’indication et même si certains des documents en cause mentionnent les seuls termes « scanner pro », que le grand public percevra ces mentions comme indiquant l’origine commerciale des produits concernés.

69      Au vu de ce qui précède, aucun des éléments de preuve examinés, qu’ils soient pris isolément ou globalement, ne suffit pour démontrer que la marque demandée a acquis un caractère distinctif par son usage auprès du public pertinent.

70      Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief de la deuxième branche du moyen unique soulevé par le requérant.

71      Le requérant fait valoir par son deuxième grief que la chambre de recours l’a sanctionné pour ne pas avoir présenté d’éléments de preuves relatifs à des études de marché et à des témoignages d’associations professionnelles parmi les preuves de l’usage produites.

72      En effet, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 54 ci-dessus, il ressort de la jurisprudence que certains éléments de preuve sont considérés comme jouissant d’une force probante plus importante que d’autres, notamment les études de marché ainsi que les déclarations d’associations professionnelles et que, de ce fait, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir constaté l’absence de réalisation par le requérant d’une étude de marché démontrant la perception de la marque demandée par une fraction significative du public pertinent (point 56 de la décision attaquée). Or, en l’espèce, il convient de constater que, pour estimer que la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage n’avait pas été rapportée, la chambre de recours ne s’est pas fondée sur la seule absence de cette preuve directe, mais a poursuivi son examen par celui des preuves secondaires apportées par le requérant en considérant, à juste titre, que celles-ci, prises dans leur ensemble, ne suffisaient pas à démontrer que le public pertinent percevrait les produits ou les services de la marque demandée comme relevant d’une origine commerciale déterminée. Le requérant ne saurait donc reprocher à la chambre de recours de l’avoir sanctionné pour ne pas avoir présenté d’éléments de preuves relatifs à des études de marché et à des témoignages d’associations professionnelles.

73      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième grief de la deuxième branche du moyen unique soulevé par le requérant.

74      En ce qui concerne le troisième grief, le requérant fait valoir que la chambre de recours a considéré erronément qu’il n’avait pas produit d’éléments de preuve établissant l’usage de la marque demandée pour les services désignés par ladite marque et relevant de la classe 42. Il soutient que son application logicielle fournit aux utilisateurs un service de numérisation d’image et de numérisation de documents par l’intermédiaire du produit, à savoir de l’application logicielle. Selon lui, dans la mesure où les définitions, d’une part, des produits et, d’autre part, des services sont interchangeables, il n’est pas possible de faire une distinction entre les deux, raison pour laquelle les éléments de preuve fournis concernent tant les produits que les services désignés par la marque demandée.

75      À cet égard, il convient de relever qu’ainsi qu’il a été déjà rappelé au point 37 ci-dessus, les mêmes critères concernant l’appréciation des preuves du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée s’appliquent tant pour les services que pour les produits couverts par la demande de marque. Par ailleurs, même à supposer que les éléments de preuve apportés par le requérant concernaient également les services fournis, il convient de constater que la chambre de recours a considéré à juste titre que ceux-ci ne suffisaient pas à démontrer qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifiait, grâce à l’usage du signe demandé en tant que marque verbale, les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée.

76      Il s’ensuit que le troisième grief doit être rejeté ainsi que la deuxième branche dans son ensemble.

77      Au vu des considérations qui précédent, le moyen unique soulevé par le requérant tiré de la violation de l’article 7 du règlement 2017/1001 doit être écarté comme non fondé et le recours doit donc être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Igor Zhadanov est condamné aux dépens.

Gratsias

Labucka

Ulloa Rubio

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.