Language of document : ECLI:EU:T:2001:100

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

21 mars 2001 (1)

«Aides d'État - Aides à l'investissement en matériels dans le secteur du transport combiné - Article 93 du traité CE (devenu article 88 CE) - Recours en annulation - Recevabilité»

Dans l'affaire T-69/96,

Hamburger Hafen- und Lagerhaus Aktiengesellschaft, établie à Hambourg (Allemagne),

Z entralverband der Deutschen Seehafenbetriebe eV, établie à Hambourg,

et

Unternehmensverband Hafen Hambourg eV, établie à Hambourg,

représentées par Mes E. A. Undritz et G. Schohe, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. P. F. Nemitz, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation des décisions de la Commission, communiquées au gouvernement néerlandais les 25 octobre et 6 décembre 1995, relatives aux projets d'aides d'État nos 618/95 et 484/95,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie),

composé de Mme V. Tiili, président, Mme P. Lindh, MM. R. M. Moura Ramos, J. D. Cooke et P. Mengozzi, juges,

greffier: J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 28 juin 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Par lettre du 28 avril 1995, les autorités néerlandaises ont notifié à la Commission un projet d'aide d'État, enregistré sous le n° 484/95. Par lettre du 6 décembre 1995, la Commission leur a communiqué sa décision de ne pas soulever d'objections à l'octroi de l'aide. Cette décision avait été prise le 20 septembre 1995, après l'obtention, auprès des autorités néerlandaises, d'informations complémentaires sur l'aide envisagée.

2.
    L'aide n° 484/95 consistait en une subvention directe de 241 000 écus à l'entreprise NS Cargo, destinée à faciliter l'achat de deux rames de 20 wagons ferroviairesservant au transport combiné de marchandises. L'objectif de cette aide était le développement du transport combiné chemin de fer/route, en particulier sur le trajet Rotterdam-Prague.

3.
    Par lettre du 27 juin 1995, les autorités néerlandaises ont notifié à la Commission un deuxième projet d'aide d'État, consistant en un régime général d'aides, également destiné à des investissements en matériel de transport combiné chemin de fer/route. Ce projet d'aide a été enregistré sous le n° 618/95, et, par lettre du 25 octobre 1995 adressée au gouvernement néerlandais, la Commission a communiqué sa décision de ne pas soulever d'objections à l'octroi de cette aide.

4.
    L'aide n° 618/95 consistait en des subventions directes pour un montant total de 960 000 écus, devant être octroyées en 1995 et 1996 à des entreprises actives dans le domaine du transport combiné chemin de fer/route.

5.
    Tant dans sa lettre du 25 octobre 1995 que dans celle du 6 décembre 1995, la Commission a motivé ses décisions (ci-après les «décisions attaquées») en indiquant que «[c]es mesures d'aides s'inscriv[aient] dans le cadre de la politique commune intermodale et en particulier correspond[aient] à l'objectif affirmé de la politique commune des transports de développer le transport combiné y compris par le biais de concours publics aux investissements en matériels spécialisés». Toujours selon ces mêmes lettres, les décisions favorables étaient basées sur l'article 3, paragraphe 1, sous e), du règlement (CEE) n° 1107/70 du Conseil, du 4 juin 1970, relatif aux aides accordées dans le domaine des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 130, p. 1), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 3578/92 du Conseil, du 7 décembre 1992 (JO L 364, p. 11).

6.
    L'article 3, paragraphe 1, sous e), du règlement n° 1107/70 autorisait les États membres à prendre, jusqu'au 31 décembre 1995, des mesures de coordination des transports comportant l'octroi d'aides au titre de l'article 77 du traité CE (devenu article 73 CE), pourvu que celles-ci soient accordées à titre temporaire et soient destinées à faciliter le développement des transports combinés, lesdites aides devant, notamment, concerner les «investissements en matériels de transport spécifiquement adaptés aux transports combinés et utilisés seulement en transport combiné».

7.
    La requérante Hamburger Hafen- und Lagerhaus (ci-après «HHLA») est une entreprise qui assure le transbordement et l'entreposage de marchandises dans le port de Hambourg.

8.
    Les requérantes Unternehmensverband Hafen Hamburg (ci-après «UVHH») et Zentralverband der Deutschen Seehafenbetriebe (ci-après «ZDS») sont des associations qui représentent les intérêts des ports maritimes allemands.

9.
    L'entreprise NS Cargo, bénéficiaire de l'aide n° 484/95, est une filiale de l'entreprise ferroviaire néerlandaise Nederlandse Spoorwegen (ci-après «NS»). Elle a pour objet le transport de marchandises.

10.
    En septembre 1995, HHLA a pris connaissance, par la presse, des projets d'aide du gouvernement néerlandais. Le 23 octobre 1995, son avocat a contacté la Commission afin de savoir si ces projets avaient été notifiés. Par lettre du 28 novembre 1995, HHLA a introduit une plainte contre les deux projets d'aide, demandant l'accès aux documents de la procédure relative auxdits projets et l'ouverture de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 2, CE).

11.
    À la suite d'un entretien téléphonique avec un agent de la Commission, daté du 29 novembre 1995, l'avocat de HHLA aurait appris que les aides en cause avaient été déclarées compatibles avec le marché commun et que la procédure visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité n'avait donc pas été ouverte.

12.
    À partir du 1er décembre 1995, HHLA a sollicité à maintes reprises la Commission afin que lui soit transmis le texte de toute décision relative aux projets d'aide en question et a, par lettre du 4 février 1996, invité celle-ci à agir au sens de l'article 175 du traité CE (devenu article 232 CE). Le 8 mars 1996, la Commission a transmis à HHLA copie des deux décisions adressées au gouvernement néerlandais concernant les projets d'aide d'État nos 484/95 et 618/95.

13.
    La Commission a rejeté la demande d'accès à d'autres documents. Les projets d'aide et les décisions attaquées n'ont pas été publiés au Journal officiel des Communautés européennes.

Procédure

14.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 1996, les requérantes ont introduit le présent recours.

15.
    Par acte séparé déposé au greffe le 1er octobre 1996, la défenderesse a soulevé une exception d'irrecevabilité conformément à l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal, en ce qui concerne la décision relative à l'aide n° 618/95.

16.
    Le 13 décembre 1996, les requérantes ont déposé leurs observations sur l'exception d'irrecevabilité.

17.
    Par ordonnance du 4 août 1997, le Tribunal a décidé de joindre au fond l'exception d'irrecevabilité soulevée.

18.
    Le 8 août 1997, le Tribunal a invité les parties à répondre à certaines questions.

19.
    Le 20 juin 2000, les requérantes ont demandé au Tribunal de les autoriser à verser au dossier une étude, réalisée par Planco Consulting GmbH le 19 juin 2000, sur la relation existant entre le trafic intérieur en provenance et à destination des ports maritimes, d'une part, et la concurrence entre les ports maritimes, d'autre part.

20.
    Le 21 juin 2000, le président de la quatrième chambre élargie a décidé de verser ledit document au dossier.

21.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

22.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 28 juin 2000.

Conclusions des parties

23.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler les décisions attaquées;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

24.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable dans la mesure où il porte sur l'aide no 618/95;

-    rejeter le recours soit comme irrecevable, soit comme non fondé dans la mesure où il porte sur l'aide n° 484/95;

-    condamner les requérantes aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

25.
    Selon la défenderesse, les requérantes ne sont pas individuellement concernées par la décision relative à l'aide n° 618/95. Elle expose, à cet égard, que la mesure d'aide en question a établi, en réalité, un régime général d'aides. La décision de la Commission relative à l'aide n° 618/95 produirait, par conséquent, des effets juridiques à l'égard d'une catégorie de personnes envisagée de manière abstraite. Cela serait notamment illustré par le quatrième paragraphe de la lettre du 25 octobre 1995, qui décrit les bénéficiaires de l'aide comme «les personnesmorales privées établies aux Pays-Bas et qui exploitent à titre professionnel et aux fins de transport combiné du matériel de transport dont elles sont propriétaires».

26.
    En outre, les requérantes ne seraient pas directement concernées par la décision relative à l'aide n° 618/95. Sur ce point, la Commission expose que, puisque dans un régime général d'aides l'octroi réel d'une aide n'intervient que par une décision prise par les autorités compétentes de l'État membre en cause, la décision de la Commission ne concerne directement aucun des bénéficiaires potentiels. Par conséquent, les requérantes ne pourraient, elles non plus, être directement concernées par la décision de la Commission, même si elles démontraient qu'elles étaient des concurrentes directes des bénéficiaires potentiels.

27.
    La Commission fait ensuite valoir que, au surplus, les requérantes ne sont pas des concurrentes des bénéficiaires potentiels du régime d'aides. À cet égard, elle souligne que les requérantes s'intéressent à des activités purement portuaires, et notamment le transbordement et l'entreposage de marchandises, tandis que les bénéficiaires potentiels du régime d'aides sont des entreprises de transport.

28.
    La Commission conteste également la recevabilité du recours dans la mesure où celui-ci concerne la décision relative à l'aide n° 484/95. Elle fait notamment valoir qu'il n'y a aucun rapport concurrentiel direct et actuel entre les requérantes, d'une part, et le bénéficiaire de l'aide, l'entreprise NS Cargo, d'autre part. Selon la Commission, seules les entreprises de transport entre Rotterdam et Prague sont, dans le cadre de l'aide litigieuse, des concurrents de NS Cargo. La Commission fait observer que les requérantes n'ont aucunement démontré en quoi aurait consisté le désavantage concurrentiel encouru par elles à cause de l'aide en question. Par conséquent, elles ne pourraient être considérées comme des «intéressés» au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

29.
    Selon les requérantes, HHLA doit être considérée comme un «intéressé» au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, et est, dès lors, individuellement concerné par les décisions attaquées. Elles soulignent, à cet égard, que, en raison de l'interchangeabilité, du point de vue tant des exploitants de navires que des expéditeurs de l'Europe intérieure, des activités de transbordement dans les différents ports maritimes situés entre Hambourg et Le Havre, HHLA est en concurrence avec les entreprises de transbordement opérant dans le port de Rotterdam. Ces entreprises seraient réunies au sein de la société Europe Combined Terminal (ci-après «ECT»). Or, en substance, le bénéficiaire des aides litigieuses serait ECT et non pas NS Cargo ou les autres entreprises de transport opérant à partir du port de Rotterdam. En ce qui concerne l'aide n° 618/95, en réalité, il ne s'agirait pas d'un régime général d'aides mais d'un concours financier unique dont ECT serait le bénéficiaire. Les entreprises de transport ne serviraient que d'intermédiaires, les avantages concurrentiels étant destinés aux entreprises de transbordement. Les requérantes soulignent, à cet égard, que NS Cargo détient 10 % du capital d'ECT.

30.
    Les requérantes estiment également que HHLA est directement concernée par les décisions attaquées. Ces dernières auraient notamment entraîné un avantage direct pour ECT, en ce que les exploitants de navires et les expéditeurs choisissent plus souvent le port de Rotterdam en raison des réductions des coûts obtenues par les entreprises de transport opérant à partir de ce port grâce aux aides litigieuses. De ce fait, les décisions attaquées auraient entraîné un désavantage direct pour les entreprises de transbordement opérant dans les ports concurrents de celui de Rotterdam, tels que le port de Hambourg. La circonstance que les autorités néerlandaises devaient encore octroyer certaines des aides ne changerait rien à cet égard, parce que, premièrement, il était certain que les autorités néerlandaises verseraient les montants des aides autorisées par la Commission, deuxièmement, les critères de versement étaient déjà fixés de façon détaillée et contraignante par la Commission.

31.
    Les requérantes estiment ensuite qu'UVHH et ZDS doivent, elles aussi, être considérées comme individuellement et directement concernées par les décisions attaquées en tant qu'organisations professionnelles des concurrents des bénéficiaires des aides.

32.
    Elles ajoutent que, même si le Tribunal décidait que l'aide n° 618/95 constitue un régime général d'aides, il n'en resterait pas moins que le recours est recevable s'agissant d'UVHH et de ZDS. À cet égard, elles font remarquer que, en vertu d'une jurisprudence constante, les associations disposent d'un droit de recours même si l'acte litigieux présente une portée générale. Sur ce point, les requérantes rappellent qu'il suffit que l'acte litigieux concerne une association dans son rôle d'interlocutrice privilégiée de la Commission pour qu'elle puisse introduire un recours en annulation. En vertu des droits de la défense reconnus par la jurisprudence dans les procédures administratives relatives aux aides d'État, de telles associations bénéficieraient d'un droit de présenter des observations devant la Commission avant l'adoption des décisions litigieuses.

33.
    Finalement, les requérantes exposent que le présent recours en annulation est la seule voie juridique dont elles disposent pour attaquer les aides litigieuses. Il ne leur serait pas possible, notamment, d'attaquer les actes portant versement des aides devant les juridictions néerlandaises, vu la difficulté insurmontable d'obtenir des informations sur ces actes.

Appréciation du Tribunal

34.
    Conformément à l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE), une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement. Les décisions attaquées ayant été adressées au gouvernement néerlandais, il convient d'examiner, en premier lieu, si celles-ci concernent les requérantes individuellement.

35.
    Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d'une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d'une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 199, 223, et du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 22; arrêts du Tribunal du 15 septembre 1998, BP Chemicals/Commission, T-11/95, Rec. p. II-3235, point 71, et du 15 décembre 1999, T-132/96 et T-143/96, Freistaat Sachsen e.a./Commission, Rec. p. II-3663, point 83).

36.
    Dans le domaine du contrôle des aides d'État, la phase préliminaire d'examen des aides instituée par l'article 93, paragraphe 3, du traité, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l'aide en cause, doit être distinguée de la phase d'examen de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Ce n'est que dans le cadre de cette dernière procédure, qui est destinée à permettre à la Commission d'avoir une information complète sur l'ensemble des données de l'affaire, que le traité prévoit l'obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêt du Tribunal du 16 septembre 1998, Waterleiding Maatschappij/Commission, T-188/95, Rec. p. II-3713, point 52).

37.
    Lorsque, sans ouvrir la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, la Commission constate, sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu'une aide est compatible avec le marché commun, les bénéficiaires de ces garanties de procédure ne peuvent en obtenir le respect que s'ils ont la possibilité de contester devant le juge communautaire cette décision de la Commission (arrêts de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487, point 23, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 17; arrêt Waterleiding Maatschappij/Commission, précité, point 53). Pour ces motifs, la Cour et le Tribunal déclarent recevable un recours visant à l'annulation d'une décision prise sur le fondement de l'article 93, paragraphe 3, du traité par un intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité lorsque celui-ci tend, par l'introduction de son recours, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu'il tire de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêts Cook/Commission, précité, points 23 à 26, Matra/Commission, précité, points 17 à 20, et Waterleiding Maatschappij/Commission, précité, point 53).

38.
    En l'espèce, les deux décisions attaquées ont été prises sur la base de l'article 93, paragraphe 3, du traité, sans que la Commission ait ouvert la procédure formelle prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité. De plus, les requérantes demandent l'annulation des décisions attaquées au motif que la Commission n'a pas ouvert ladite procédure dans le cas présent. Elles estiment, en effet, que l'ouverture d'une telle procédure s'imposait, dès lors qu'une première appréciation des aides en question soulevait des difficultés sérieuses dans l'appréciation de leur compatibilité avec le marché commun.

39.
    Au vu des éléments qui précèdent, les requérantes devront donc être considérées comme individuellement concernées par les décisions attaquées s'il apparaît qu'elles ont la qualité d'intéressées au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité.

40.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que les intéressés visés par l'article 93, paragraphe 2, du traité sont non seulement l'entreprise ou les entreprises favorisées par une aide, mais tout autant les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi de l'aide, notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles (arrêts de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 16, Cook/Commission, précité, point 24, Matra/Commission, précité, point 18, et du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink's France, C-367/95 P, Rec. p. I-1719, point 41, confirmant l'arrêt du Tribunal du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission, T-95/94, Rec. p. II-2651).

41.
    Il ressort également de la jurisprudence que, pour que son recours soit recevable, le concurrent du bénéficiaire de l'aide doit démontrer que sa position concurrentielle sur le marché est affectée par l'octroi de l'aide. Dans le cas contraire, il n'a pas la qualité d'intéressé au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt Waterleiding Maatschappij/Commission, précité, point 62).

42.
    En l'espèce, en ce qui concerne l'affectation de la position des requérantes sur le marché, il convient de relever, d'abord, qu'elles ne sont pas des concurrentes directes des bénéficiaires des aides litigieuses, ces dernières concernant le transport combiné de marchandises chemin de fer/route, tandis que les requérantes sont, pour l'une, une entreprise assurant le transbordement et l'entreposage de marchandises dans le port de Hambourg, pour les deux autres, des associations représentant, notamment, les intérêts d'entreprises développant l'activité précitée dans des ports maritimes allemands. Cette conclusion n'est pas invalidée par l'étude de Planco Consulting GmbH. Cette dernière vise à démontrer qu'une diminution des coûts des transports intérieurs en provenance et à destination des ports maritimes influerait sur la concurrence entre ports, mais n'établit pas que les opérateurs dans le domaine du transbordement et de l'entreposage de marchandises dans les ports allemands seraient des concurrents directs des bénéficiaires des aides litigieuses.

43.
    Il convient de constater, en outre, que les requérantes n'ont pas prouvé qu'elles ont été affectées par les décisions attaquées.

44.
    À cet égard, elles font valoir les réductions de chiffres d'affaires qu'elles ont enregistrées dans le cadre du transport de marchandises à destination de Prague. Or, d'une part, il ressort de l'ensemble du dossier que les chiffres d'affaires des requérantes n'ont pas connu, pendant les années d'octroi des aides, une diminution de nature substantielle et, d'autre part, les requérantes restent en défaut deprouver l'existence d'un lien direct entre lesdites réductions de leurs chiffres d'affaires et l'octroi des aides litigieuses.

45.
    En effet, les requérantes produisent, à cet égard, des chiffres d'affaires réalisées par Metrans, société controlée par HHLA et assurant le transport intérieur de conteneurs, sur le trajet Hambourg-Prague et Zelechovice de janvier 1992 à décembre 1996, qui démontreraient que, au moment de la mise en service du train-navette de Rotterdam (directement subventionné par l'aide n° 484/95), le port de Rotterdam aurait gagné les quantités de conteneurs perdues par celui de Hambourg.

46.
    Or, il convient d'observer que, même si d'après les données du tableau figurant à l'annexe 24 de la réplique il ressort que, durant le mois de septembre 1994, c'est-à-dire au moment de la mise en service du train-navette entre Rotterdam et Prague, les chiffres d'affaires de Metrans ont connu une diminution, il résulte de ce même tableau que dès octobre 1994 ces chiffres augmentaient de nouveau parallèlement à ceux dudit train. Même en supposant que le train-navette de Rotterdam ait, en effet, absorbé une partie des activités des trains partant du port de Hambourg, cela se serait avéré provisoire et n'aurait pas sérieusement affecté les chiffres d'affaires des opérateurs allemands. De plus, comme la diminution temporaire des chiffres d'affaires de Metrans a été enregistrée aux mois d'août et de septembre 1994, à savoir au moment de la mise en service du train-navette entre Rotterdam et Prague, et non au cours des années 1995 et 1996, lorsque l'aide a été octroyée, il est permis de considérer que tout éventuel effet sur les activités des opérateurs allemands serait à attribuer à ladite mise en service et non à l'octroi de l'aide.

47.
    Enfin, à partir des données fournies par les parties on ne peut tirer que la conclusion selon laquelle, pendant les années 1994 à 1996, les ports maritimes allemands se sont comparativement mieux développés, en ce qui concerne le transport intérieur vers l'Europe de l'Est, que le port de Rotterdam, ce que les requérantes ont admis. En particulier, l'annexe 20 de la réplique, contenant un extrait des statistiques officielles de la navigation maritime établies par l'Office fédéral des statistiques, sur l'évolution du transbordement de conteneurs dans les ports de Hambourg, Brême et Bremerhaven durant les années 1994 à 1996, indique que le nombre des conteneurs transbordés a toujours augmenté d'une façon régulière.

48.
    Dès lors, les requérantes n'ont pas fourni d'éléments suffisants de nature à démontrer que leur position concurrentielle sur le marché a été affectée par l'octroi des aides litigieuses.

49.
    En ce qui concerne la prétendue recevabilité du recours d'UVHH et de ZDS, en tant qu'associations représentant les intérêts des ports maritimes allemands, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs d'une catégorie de justiciables ne saurait êtreconsidérée comme étant individuellement concernée, au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie et, par conséquent, n'est pas recevable à introduire un recours en annulation au nom de ses membres lorsque ceux-ci ne sauraient le faire à titre individuel (arrêts de la Cour du 14 décembre 1962, Fédération nationale de la boucherie en gros et du commerce en gros des viandes e.a./Conseil, 19/62, 20/62, 21/62 et 22/62, Rec. p. 943, et du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission, C-321/95, Rec. p. I-1651, points 14 et 29). Or, en l'espèce, UVHH et ZDS n'ayant pas établi que leurs membres sont en situation d'introduire un recours recevable, ces associations ne sont pas dans une telle situation.

50.
    Par ailleurs, le recours desdites associations ne saurait être considéré comme recevable au sens des arrêts de la Cour du 2 février 1988, Van der Kooy e.a./Commission (67/85, 68/85 et 70/85, Rec. p. 219, points 21 à 24), et du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission (C-313/90, Rec. p. I-1125, points 29 à 30). En effet, dans ces deux arrêts, la Cour a reconnu l'existence d'un intérêt propre à agir de l'association requérante en raison de sa qualité, respectivement, de négotiatrice des dispositions contestées par la Commission et d'interlocutrice de la Commission au sujet de l'instauration, de la prorogation et de l'adaptation d'un régime d'aides d'État dans le secteur concerné. Or, UVHH et ZDS n'ont pas démontré avoir eu une telle qualité. Il s'ensuit que ces dernières n'ont aucun intérêt propre à agir au sens de la jurisprudence précitée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 février 1999, Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, T-86/96, Rec. p. II-179, points 55 à 64).

51.
    Pour ce qui est de l'affirmation des requérantes selon laquelle le présent recours en annulation serait la seule voie juridique dont elles disposent pour attaquer les aides litigieuses, celle-ci est également dénuée de pertinence. En effet, à cet égard, il suffit de souligner que l'absence d'une voie de droit efficace devant le juge national ne saurait conduire le Tribunal à dépasser les limites de sa compétence posées par l'article 173, quatrième alinéa, du traité (voir ordonnances de la Cour du 23 novembre 1995, Asocarne/Conseil, C-10/95 P, Rec. p. I-4149, point 26, du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil, C-87/95 P, Rec. p. I-2003, point 38, ainsi qu'arrêts du Tribunal du 5 juin 1996, Kahn Scheepvaart/Commission, T-398/94, Rec. p. II-477, point 50, et Arbeitsgemeinschaft Deutscher Luftfahrt-Unternehmen et Hapag-Lloyd/Commission, précité, point 52).

52.
    De tout ce qui précède, il s'ensuit que les décisions attaquées ne constituent pas, à l'égard des requérantes, des décisions les concernant individuellement au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité.

53.
    Il convient donc de déclarer le recours irrecevable, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les requérantes sont directement concernées par les décisions attaquées.

Sur les dépens

54.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

55.
    Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)    Les requérantes supporteront leurs dépens ainsi que ceux de la Commission.

Tiili                 Lindh            Moura Ramos

        Cooke            Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 mars 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: l'allemand.