Language of document : ECLI:EU:C:2007:728

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME VERICA TRSTENJAK

présentées le 29 novembre 2007 (1)

Affaire C‑16/06 P

Les Éditions Albert René SARL

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles)

«Pourvoi – Marque communautaire – Marque verbale ‘MOBILIX’ – Opposition du titulaire de la marque verbale communautaire et nationale ‘OBELIX’ – Reformatio in pejus – Théorie dite ‘de neutralisation’ – Modification de l’objet du litige – Documents joints en annexe à la requête devant le Tribunal comme preuve nouvelle»





I –    Introduction

1.        La requérante – Les Éditions Albert René SARL – demande à la Cour d’annuler l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes (troisième chambre), du 27 octobre 2005, Éditions Albert René/OHMI – Orange (MOBILIX) (T-336/03, Rec. p. II‑4667, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel le Tribunal a rejeté son recours contre la décision de la quatrième chambre de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins, modèles) (OHMI) du 14 juillet 2003 (affaire R 0559/2002-4) relative à une procédure d’opposition entre la requérante et la société Orange A/S (ci-après «Orange») concernant l’opposition par le titulaire de la marque antérieure «OBELIX», à savoir la requérante, à l’enregistrement en tant que marque communautaire du signe verbal «MOBILIX». La division d’opposition a rejeté l’opposition de la requérante, la quatrième chambre de recours a donné partiellement droit à son recours.

2.        La requérante considère principalement que le Tribunal a, par cet arrêt, méconnu le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus et a appliqué mécaniquement la doctrine dite «de neutralisation» lors de l’appréciation du risque de confusion entre les produits et les services de deux marques similaires.

II – Cadre juridique

3.        L’article 8 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (2), règle les motifs relatifs de refus et dispose:

«1. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement:

a)      lorsqu’elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services pour lesquels la marque a été demandée sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée;

b)      lorsqu’en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

2. Aux fins du paragraphe 1, on entend par ‘marques antérieures’:

a)      les marques dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire, compte tenu, le cas échéant, du droit de priorité invoqué à l’appui de ces marques, et qui appartiennent aux catégories suivantes:

i)      les marques communautaires;

ii)      les marques enregistrées dans un État membre ou, pour ce qui concerne la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, auprès du Bureau Benelux des marques;

iii)      les marques qui ont fait l’objet d’un enregistrement international ayant effet dans un État membre;

b)      les demandes de marques visées au point a), sous réserve de leur enregistrement;

c)      les marques qui, à la date de dépôt de la demande de marque communautaire ou, le cas échéant, à la date de la priorité invoquée à l’appui de la demande de marque communautaire, sont notoirement connues dans un État membre au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris.

[…]

5. Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

4.        L’article 74 de ce règlement règle l’examen d’office des faits et dispose:

«1. Au cours de la procédure, l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties.

2. L’[OHMI] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile.»

5.        L’article 44 du règlement de procédure du Tribunal (3) dispose:

«§ 1 La requête visée à l’article 21 du statut de la Cour de justice contient:

a)      les nom et domicile du requérant;

b)      la désignation de la partie contre laquelle la requête est formée;

c)      l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués;

d)      les conclusions du requérant;

e)      les offres de preuve s’il y a lieu.

§ 2 Aux fins de la procédure, la requête contient élection de domicile au lieu où le Tribunal a son siège. Elle indique le nom de la personne qui est autorisée et qui a consenti à recevoir toutes significations.

En plus ou au lieu de l’élection de domicile visée au premier alinéa, la requête peut indiquer que l’avocat ou l’agent consent à ce que des significations lui soient adressées par télécopieur ou tout autre moyen technique de communication.

Si la requête n’est pas conforme aux conditions visées au premier et au deuxième alinéa, toutes les significations aux fins de la procédure à la partie concernée, tant que ce défaut n’a pas été régularisé, sont faites par envoi postal recommandé adressé à l’agent ou à l’avocat de la partie. Par dérogation à l’article 100, paragraphe 1, la signification régulière est alors réputée avoir lieu par le dépôt de l’envoi recommandé à la poste au lieu où le Tribunal a son siège.

§ 3 L’avocat assistant ou représentant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE.

§ 4 La requête est accompagnée, s’il y a lieu, des pièces indiquées à l’article 21, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice.

§ 5 Si le requérant est une personne morale de droit privé, il joint à sa requête:

a)      ses statuts ou un extrait récent du registre du commerce, ou un extrait récent du registre des associations ou toute autre preuve de son existence juridique;

b)      la preuve que le mandat donné à l’avocat a été régulièrement établi par un représentant qualifié à cet effet.

§ 5 bis La requête présentée en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par la Communauté ou pour son compte conformément à l’article 238 du traité CE ou à l’article 153 du traité CEEA doit être accompagnée d’un exemplaire du contrat qui contient cette clause.

§ 6 Si la requête n’est pas conforme aux conditions énumérées aux paragraphes 3 à 5 du présent article, le greffier fixe au requérant un délai raisonnable aux fins de régularisation de la requête ou de production des pièces mentionnées ci-dessus. À défaut de cette régularisation ou de cette production dans le délai imparti, le Tribunal décide si l’inobservation de ces conditions entraîne l’irrecevabilité formelle de la requête.»

6.        L’article 48 du règlement de procédure du Tribunal dispose:

«§ 1 Les parties peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique. Elles motivent le retard apporté à la présentation de leurs offres de preuve.

§ 2 La production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

Si, au cours de la procédure, une partie soulève un moyen nouveau visé à l’alinéa précédent, le président peut, après l’expiration des délais normaux de la procédure, sur rapport du juge rapporteur, l’avocat général entendu, impartir à l’autre partie un délai pour répondre à ce moyen.

L’appréciation de la recevabilité du moyen reste réservée à l’arrêt mettant fin à l’instance.»

7.        L’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours.

III – Les faits

8.        Le 7 novembre 1997, Orange a présenté à l’OHMI, en vertu du règlement n° 40/94, tel que modifié, une demande d’enregistrement en tant que marque communautaire du signe verbal MOBILIX.

9.        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 16, 35, 37, 38 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante:

–        «Appareils, instruments et installations de télécommunications, y compris de téléphonie, téléphones et téléphones cellulaires, y compris antennes et réflecteurs paraboliques, accumulateurs et batteries, transformateurs et convecteurs, codeurs et décodeurs, cartes codées et cartes pour l’encodage, cartes téléphoniques, appareils et instruments de signalisation et d’enseignement, répertoires téléphoniques électroniques, pièces et accessoires (non compris dans d’autres classes) de tous les produits précités», relevant de la classe 9;

–        «Cartes téléphoniques», relevant de la classe 16;

–        «Services de répondeurs automatiques (pour des clients temporairement absents), conseil et assistance en matière de gestion et d’organisation commerciales, conseil et assistance en matière d’assistance aux tâches commerciales», relevant de la classe 35;

–        «Installation et réparation de téléphones, construction, réparation, installation», relevant de la classe 37;

–        «Télécommunications, y compris informations sur les télécommunications, communications par téléphone et télégraphe, communications par écran d’ordinateur et téléphone cellulaire, transmission par télécopieur, radiodiffusion et télédiffusion, y compris via la télévision câblée et l’internet, transmission de messages, location d’appareils de transmission de messages, location d’appareils de télécommunications, y compris appareils de téléphonie», relevant de la classe 38;

–        «Recherche scientifique et industrielle, ingénierie, y compris projection d’infrastructures et d’installations de télécommunications, en particulier pour la téléphonie, et programmation d’ordinateurs, conception, entretien et mise à jour de logiciels, location d’ordinateurs et de programmes informatiques», relevant de la classe 42.

10.      La demande de marque communautaire a fait l’objet d’une opposition formée par la requérante. Ont été invoqués les droits antérieurs suivants relatifs au terme «OBELIX»:

–        la marque antérieure enregistrée, protégée par l’enregistrement de la marque communautaire n° 16 154, du 1er avril 1996, pour certains produits et services, relevant des classes 9, 16, 28, 35, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice pour les produits et services suivants, dans la mesure où ils revêtent un intérêt pour la présente procédure:

–        «Appareils et instruments électrotechniques, électroniques, photographiques, cinématographiques, optiques et d’enseignement (à l’exception des appareils de projection) compris dans la classe 9, jeux électroniques avec ou sans écran, ordinateurs, modules de programmes, programmes informatiques enregistrés sur supports de données, en particulier les jeux vidéo», relevant de la classe 9;

–        «Papier, carton; produits en ces matières, produits de l’imprimerie (compris dans la classe 16), journaux et revues, livres; articles pour reliures (fils, toiles et étoffes pour reliures); photographies; papeterie, adhésifs (pour la papeterie et les produits de l’imprimerie); matériel pour les artistes (matériaux pour le dessin, la peinture et le modelage); pinceaux; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles) et machines et appareils de bureau (compris dans la classe 16); matériel d’instruction et d’enseignement (autre que les appareils); matières plastiques pour l’emballage, non comprises dans d’autres classes; cartes à jouer; caractères d’imprimerie; clichés», relevant de la classe 16;

–        «Jeux, jouets; articles de gymnastique et de sport (compris dans la classe 28); décoration pour arbres de Noël», relevant de la classe 28;

–        «Marketing et publicité», relevant de la classe 35;

–        «Projections de films, production de films, location de films; publication de livres et de revues; éducation et divertissement; organisation de foires et d’expositions; festivités populaires, exploitation d’un parc d’attraction, production de spectacles musicaux et conférences en direct; exposition d’imitations architecturales et spectacles à caractère historico-culturel et folklorique», relevant de la classe 41;

–        «Hébergement et restauration; photographies; traductions; gestion et exploitation de droits d’auteur; exploitation de propriété intellectuelle», relevant de la classe 42;

–        le caractère notoirement connu dans tous les États membres de la marque antérieure (4).

11.      À l’appui de son opposition, la requérante a fait valoir l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphes 1, sous b), et 2, du règlement n° 40/94.

12.      Par décision du 30 mai 2002, la division d’opposition a rejeté l’opposition et a autorisé la poursuite de la procédure d’enregistrement de la demande de marque communautaire. Après avoir estimé que la notoriété de la marque antérieure n’avait pas été démontrée de façon concluante, la division d’opposition a conclu que les marques n’étaient pas, dans l’ensemble, similaires. Il existerait une certaine similitude auditive, mais celle-ci serait compensée par l’aspect visuel des marques et, plus particulièrement, par les notions très différentes qu’elles véhiculent: téléphones portables dans le cas de MOBILIX, et obélisques dans le cas d’OBELIX.

13.      À la suite du recours formé par la requérante le 1er juillet 2002, la quatrième chambre de recours a rendu sa décision le 14 juillet 2003. Elle a partiellement annulé la décision de la division d’opposition. La chambre de recours a tout d’abord précisé qu’il y avait lieu de considérer l’opposition comme étant exclusivement fondée sur le risque de confusion. Elle a ensuite indiqué qu’il était possible de percevoir une certaine similitude entre les marques. Pour ce qui est de la comparaison des produits et des services, la chambre a estimé que les «appareils et instruments de signalisation et d’enseignement» de la demande de marque communautaire et les «appareils et instruments optiques et d’enseignement» de l’enregistrement antérieur, compris dans la classe 9, étaient similaires. Elle est parvenue à la même conclusion pour les services de la classe 35 intitulés «conseil et assistance en matière de gestion et d’organisation commerciales, conseil et assistance en matière d’assistance aux tâches commerciales» pour la demande de marque communautaire, et «marketing et publicité» pour l’enregistrement antérieur. La chambre a conclu que, étant donné le degré de similitude entre les signes en cause, d’une part, et entre ces produits et ces services spécifiques, d’autre part, il existait un risque de confusion dans l’esprit du public concerné. Elle a donc refusé la demande de marque communautaire pour les «appareils et instruments de signalisation et d’enseignement» et pour les services intitulés «conseil et assistance en matière de gestion et d’organisation commerciales, conseil et assistance en matière d’assistance aux tâches commerciales», et elle l’a admise pour les autres produits et services.

IV – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt sous pourvoi

14.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2003, la requérante a conclu à l’annulation de la décision de la chambre de recours du 14 juillet 2003, en avançant trois moyens, tirés, premièrement, de la méconnaissance de l’article 8, paragraphes 1, sous b), et 2, du règlement n° 40/94; deuxièmement, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 et, troisièmement, de la méconnaissance de l’article 74 du règlement n° 40/94. Il y a lieu de préciser que, lors de l’audience, la requérante a demandé, à titre subsidiaire, le renvoi de l’affaire devant la quatrième chambre de recours pour qu’elle ait la possibilité de prouver la renommée de sa marque au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

15.      Le Tribunal a, dans son arrêt, d’abord examiné la recevabilité des cinq documents joints à la requête et produits pour la première fois devant le Tribunal par la requérante visant à prouver la notoriété du signe OBELIX. Ayant constaté que ces documents n’ont pas été produits dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, le Tribunal, en se référant à l’article 63 du règlement n° 40/94, les a déclarés irrecevables dans la mesure où leur admission serait contraire à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal (points 15 et 16 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal a rappelé, dans ce cadre, les caractéristiques du contentieux de l’annulation, dans lequel la légalité de l’acte déféré devant le juge doit être appréciée en fonction des éléments de droit et de fait à la date où l’acte a été pris.

16.      Le Tribunal a ensuite déclaré irrecevable le moyen tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, en soulignant que l’application éventuelle de cette disposition n’a, à aucun moment, été demandée par la requérante devant la chambre de recours et que celle-ci ne l’a, par conséquent, pas examinée. Or, en premier lieu, conformément à l’article 74 du règlement n° 40/94, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’OHMI est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. En deuxième lieu, le recours porté devant le Tribunal visant au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94, ce contrôle doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant ces dernières. En troisième lieu, conformément à l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, «[l]es mémoires des parties ne peuvent modifier l’objet du litige devant la chambre de recours » (points 19 à 25 de l’arrêt attaqué).

17.      Enfin, le Tribunal a, en vertu de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, déclaré irrecevable le chef de conclusions présenté pour la première fois à l’audience (points 28 et 29 de l’arrêt attaqué).

18.      Le Tribunal a ensuite procédé à l’analyse au fond des moyens. S’agissant du moyen tiré de la violation de l’article 74 du règlement n° 40/94, selon lequel, à défaut de contestation par l’autre partie à la procédure, la chambre de recours aurait dû partir du principe que la marque de l’opposante OBELIX était renommée, le Tribunal a jugé, aux points 34 et 35 de l’arrêt attaqué, que l’article 74 du règlement n° 40/94 ne saurait être interprété en ce sens que l’OHMI est obligé de tenir pour établis les points invoqués par une partie qui n’ont pas été remis en cause par l’autre partie à la procédure. En l’espèce, ni la division d’opposition ni la chambre de recours n’ont considéré que la requérante avait étayé de façon concluante par des faits ou des preuves l’appréciation juridique qu’elle faisait valoir, à savoir la notoriété du signe non enregistré et le degré élevé de caractère distinctif du signe enregistré. Dès lors, au point 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a déclaré ce moyen non fondé.

19.      S’agissant du moyen fondé sur l’article 8, paragraphes 1, sous b), et 2, du règlement n° 40/94, le Tribunal a d’abord apprécié la similitude entre les produits et les services en cause. Le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante selon lequel les produits visés par la demande de marque communautaire, compris dans les classes 9 et 16, étaient inclus dans la liste des produits et des services, formulée de façon large, lors de l’enregistrement antérieur, en déclarant au point 61 de l’arrêt attaqué que le simple fait qu’un produit donné soit utilisé comme pièce, équipement ou composant d’un autre n’est pas suffisant en soi pour prouver que les produits finaux, englobant ces composants, sont similaires, car, notamment, leur nature, leur destination et les clients concernés peuvent être tout à fait différents. Aux points 62 et 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a poursuivi:

«62      Par ailleurs, il ressort de la formulation de la liste des produits et des services de l’enregistrement antérieur pour la classe 9 que les domaines désignés par ce droit sont la photographie, le cinéma, l’optique, l’enseignement et les jeux vidéo. Cette liste des produits et des services est à rapprocher de celle qui est revendiquée dans la demande de marque communautaire, qui met en évidence que le domaine concerné est, de façon quasi exclusive, celui des télécommunications sous toutes ses formes. Les équipements de télécommunication entrent dans la catégorie des ‘appareils pour l’enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images’, qui fait partie de l’intitulé officiel de la classe 9 […]. Toutefois, cette partie de l’intitulé de la classe (‘télécommunication’) n’a pas été revendiquée dans le droit antérieur, ce qui implique que les équipements de télécommunication n’étaient pas censés être couverts. La requérante a fait enregistrer sa marque pour un grand nombre de classes, mais elle n’a pas mentionné les ‘télécommunications’ dans la spécification et elle a même exclu l’ensemble de la classe 38 de l’enregistrement. Or, la classe 38 concerne justement les services de ‘télécommunications’.

63      À cet égard, il y a lieu de partager l’observation de la chambre de recours selon laquelle l’enregistrement antérieur protège les ‘appareils et instruments électrotechniques, électroniques’, mais que cette formulation large ne saurait être utilisée par la requérante comme un argument permettant de conclure à une très forte similitude ni, a fortiori, à une identité avec les produits visés dans la demande, alors qu’une protection spécifique aux appareils et instruments de télécommunication aurait pu être obtenue facilement.»

20.      Après avoir confirmé le constat de la chambre de recours sur l’absence de similitude entre les services visés dans la demande de marque au titre des classes 37 et 42 et les services désignés par l’enregistrement antérieur et compris dans la classe 42 (point 67), le Tribunal a constaté:

«68      Deuxièmement, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur quand elle a affirmé que les services énumérés dans la demande de marque communautaire au titre de la classe 38 […] présentaient des différences suffisantes par rapport à ceux désignés par l’enregistrement antérieur et compris dans la classe 41 […], eu égard à leur nature technique, aux compétences requises pour les proposer et aux besoins des consommateurs qu’ils sont destinés à satisfaire. Par conséquent, les services figurant dans la demande de marque compris dans la classe 38 présentent, tout au plus, une faible similitude avec les services protégés par le droit antérieur compris dans la classe 41.

69      Il y a lieu ensuite de rejeter l’argument de la requérante selon lequel tous les produits et services visés par la demande de marque communautaire peuvent être liés, d’une façon ou d’une autre, aux ‘ordinateurs’ et aux ‘programmes informatiques’ (classe 9) couverts par la marque antérieure. Comme le fait observer à juste titre la défenderesse, dans la société très technologique d’aujourd’hui, presque aucun équipement ou matériel électronique ou numérique ne fonctionne sans l’utilisation d’ordinateurs sous une forme ou une autre. Admettre la similitude dans tous les cas où le droit antérieur couvre les ordinateurs, et où les produits ou services désignés par le signe demandé sont susceptibles d’utiliser les ordinateurs, reviendrait assurément à outrepasser l’objet de la protection accordée par le législateur au titulaire d’une marque. Une telle position conduirait à une situation dans laquelle l’enregistrement des logiciels ou du matériel informatique serait pratiquement susceptible d’exclure l’enregistrement ultérieur de tout type de procédé ou de service électronique ou numérique exploitant ces logiciels ou ce matériel. Cette exclusion n’est, en tout état de cause, pas légitime en l’espèce, car la demande de marque communautaire est exclusivement destinée aux télécommunications sous leurs diverses formes, alors que l’enregistrement antérieur ne fait référence à aucune activité dans ce secteur. Par ailleurs, comme l’a correctement indiqué la chambre de recours, rien n’empêchait la requérante de faire également enregistrer sa marque pour la téléphonie.»

21.      Enfin, le Tribunal a constaté, au point 70 de l’arrêt attaqué, que «les produits et services en cause ne sont pas similaires», à une exception près: il y a similitude entre la «location d’ordinateurs et de programmes informatiques» figurant dans la demande de marque communautaire (classe 42) et les «ordinateurs» et «programmes informatiques enregistrés sur supports de données» de la requérante (classe 9) en raison de leur complémentarité.

22.      S’agissant de la comparaison des signes, après avoir indiqué que la chambre de recours avait considéré dans la décision litigieuse que les signes en cause étaient similaires (point 74 de l’arrêt attaqué), le Tribunal a procédé à leur comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle (points 75 à 81 de l’arrêt attaqué).

23.      Le Tribunal a notamment considéré que, malgré les combinaisons de lettres «OB» et la terminaison «LIX» communes aux deux signes, celles-ci présentent un certain nombre de différences visuelles importantes, comme les lettres suivant les deux lettres «OB» qui sont «E» dans le premier cas et «I» dans le deuxième, le début des mots (la marque communautaire demandée commence par un «M» et la marque antérieure par un «O») et leur longueur. Ayant rappelé que l’attention du consommateur se dirige surtout sur le début du mot, le Tribunal a conclu que «les signes en cause ne sont pas visuellement similaires ou, qu’ils présentent, tout au plus, une très faible similitude visuelle» (points 75 et 76 de l’arrêt attaqué).

24.      Après avoir effectué la comparaison phonétique des signes, le Tribunal a constaté que ceux-ci présentent une certaine similitude phonétique (points 77 et 78). Quant à la comparaison conceptuelle, le Tribunal a constaté que, même si le terme «OBELIX» a été enregistré en tant qu’une marque verbale, celui-ci sera aisément identifié par le public moyen au personnage populaire d’une bande dessinée, ce qui rendrait fort improbable la confusion conceptuelle dans l’esprit du public avec les termes plus ou moins proches (point 79 de l’arrêt attaqué). Le signe verbal OBELIX ayant, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que le public est susceptible de la saisir immédiatement, les différences conceptuelles séparant les signes sont de nature à neutraliser les similitudes phonétiques, ainsi que les éventuelles similitudes visuelles des signes (points 80 à 81 de l’arrêt attaqué).

25.      S’agissant du risque de confusion, en se référant à l’arrêt du 22 octobre 2003, Éditions Albert René/OHMI – Trucco (STARIX) (T‑311/01, Rec. p. II‑4625), le Tribunal a indiqué que «les dissemblances entre les signes en cause sont suffisantes pour écarter l’existence d’un risque de confusion dans la perception du public ciblé, un tel risque présupposant que, cumulativement, le degré de similitude des marques en cause et le degré de similitude des produits et services désignés par ces marques soient suffisamment élévés» (point 82 de l’arrêt attaqué). Il a poursuivi:

«83      Dans ces circonstances, l’appréciation de la chambre de recours sur le caractère distinctif de la marque antérieure ainsi que les allégations de la requérante quant à la renommée de cette marque n’ont aucune incidence sur l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, dans le cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt Starix, point 22 supra, point 60).

84      En effet, un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les signes ainsi qu’entre les produits et services désignés, et la renommée d’une marque est un élément qui doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les signes ou entre les produits et services est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion (voir, en ce sens et par analogie, arrêt Canon, point 59 supra, points 22 et 24). Or, étant donné que, en l’espèce, les signes en conflit ne peuvent pas être considérés comme identiques ou similaires, le fait que la marque antérieure est largement connue ou qu’elle jouit d’une renommée dans l’Union européenne ne peut pas affecter l’évaluation globale du risque de confusion (voir, en ce sens, arrêt Starix, point 22 supra, point 61).

85      Enfin, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, en vertu du suffixe ‘ix’, il serait tout à fait concevable que le terme ‘MOBILIX’ s’insère discrètement dans la famille de marques composée des personnages de la série ‘Astérix’ et qu’il soit compris comme une dérivation du terme ‘OBELIX’. En effet, il suffit à cet égard de relever que la requérante ne saurait se prévaloir d’aucun droit exclusif sur l’emploi du suffixe ‘ix’.

86      Il résulte de ce qui précède qu’une des conditions indispensables pour appliquer l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’est pas satisfaite. Partant, il n’y a pas de risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure.»

26.      Le Tribunal a par conséquent rejeté le recours intenté par la requérante.

27.      La partie requérante devant le Tribunal a introduit un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal le 13 janvier 2006.

28.      Force est également de constater que ce pourvoi, bien que recevable, du fait de sa longueur ne suit pas les recommandations exposées au point 44 des instructions pratiques relatives aux recours directs et aux pourvois. (5)

29.      À l’audience du 25 octobre 2007, les parties ont présenté des observations et répondu aux questions de la Cour.

V –    Analyse du pourvoi

30.      À l’appui de son pourvoi, la partie requérante invoque six moyens. Dans le premier moyen, elle fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 63 du règlement n° 40/94 et statué sur la similitude des marques, alors que celle-ci ne faisait pas partie de l’objet du litige devant le Tribunal. De cette façon il aurait violé le principe de l’interdiction de la reformatio in pejus. Par le deuxième moyen, la requérante invoque la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en ce qui concerne la similitude des produits et des services, et la similitude des marques. Par le troisième moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir violé l’article 74 du règlement n° 40/94. Par le quatrième moyen, elle critique la violation des articles 63 du règlement n° 40/94 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal. Par le cinquième moyen, elle fait grief au Tribunal d’avoir violé l’article 63 du règlement n° 40/94 et les articles 44, 48 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal pour avoir déclaré irrecevable le chef de conclusions de la requérante visant au renvoi de l’affaire devant la chambre de recours. Le sixième moyen porte sur la violation de l’article 63 du règlement n° 40/94 en raison du refus d’admettre certains documents.

A –    Sur le premier moyen, tiré d’une prétendue méconnaissance de l’article 63 du règlement n° 40/94 et de la méconnaissance du principe général du droit communautaire procédural de l’interdiction de la reformatio in pejus

1.      Arguments des parties

31.      La requérante soutient que l’arrêt du Tribunal méconnaît l’article 63 du règlement n° 40/94 ainsi que les principes généraux du droit communautaire administratif et procédural en ce qu’il a conclu, contrairement à la décision attaquée de la chambre de recours, que les marques en conflit, OBELIX et MOBILIX, n’étaient pas similaires, statuant ainsi au détriment de la requérante sur une question qui n’avait pas été soulevée en bonne et due forme, et outrepassant ainsi la compétence qui lui est conférée lorsqu’il contrôle les décisions des chambres de recours de l’OHMI dans un cas tel que celui de l’espèce.

32.      En effet, la requérante souligne que la question de la similitude des marques n’était nullement l’objet du recours formé devant le Tribunal et ne devait pas par conséquent faire l’objet du litige devant le Tribunal. Cependant, même si la question de la similitude des marques n’a été soulevée par aucune partie à l’instance dans les conditions requises, le Tribunal a néanmoins statué sur ce point au détriment de la requérante et a ainsi en réalité méconnu le principe d’interdiction de la reformatio in pejus.

33.      L’OHMI rétorque, en se référant l’arrêt Canon (arrêt du 29 septembre 1998, C-39/97, Rec. p. I-5507, point 17 et dispositif), que le premier moyen est manifestement dénué de tout fondement. En effet, le Tribunal était tenu de réexaminer la similitude des signes en cause. La requérante avait contesté par sa requête les conclusions de la chambre de recours quant au risque de confusion. La similitude des signes étant un élément de ces conclusions, elle doit nécessairement être examinée par le Tribunal aux fins de contrôler la légalité des conclusions de la chambre de recours au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et d’en assurer l’application correcte.

34.      En outre, l’OHMI rappelle que le Tribunal n’a pas modifié la décision de la chambre de recours. Or, l’interdiction de la reformatio in pejus empêche une instance d’appel d’aller au-delà des conclusions de l’appelant et de le placer dans une situation plus défavorable que celle dans laquelle il se trouverait s’il n’avait pas formé de recours. En l’espèce, le Tribunal n’a pas modifié la décision par laquelle la chambre de recours a en partie accueilli l’opposition. La requérante n’a donc pas été placée dans une situation plus défavorable que celle dans laquelle elle se trouvait avant le dépôt de sa requête auprès du Tribunal.

2.      Appréciation

35.      Le principe général de droit procédural de l’interdiction de la reformatio in pejus énonce que la juridiction supérieure compétente pour statuer sur la voie de recours, par exemple un appel, ne saurait aggraver la décision attaquée d’une juridiction inférieure au détriment de la requérante, si seulement celle-ci a introduit la voie de recours.(6)

36.      Il ressort également du principe de l’interdiction de la reformatio in pejus que, en général, la plus mauvaise issue de la voie de recours introduite par la partie requérante est son rejet et la confirmation pure et simple de la décision attaquée. (7)

37.      Il convient de constater que tel est le cas de la requérante. En vertu de l’arrêt attaqué, elle se retrouve dans la même situation qu’avant l’introduction de son recours devant le Tribunal. De ce point de vue, il est difficile de parler d’une reformatio in pejus.

38.      Or, l’interdiction de la reformatio in pejus devant le juge communautaire est limitée par son devoir de soulever ex officio les moyens d’ordre public (8). Un moyen de légalité interne ne saurait être examiné devant le juge communautaire que sur la demande de la partie requérante, tandis qu’un moyen d’ordre public peut et même doit être soulevé d’office par le juge. (9)

39.      Il faut souligner que le concept d’ordre public dans le cadre des moyens devant le juge communautaire (10) est «réservé aux questions qui, en raison de leur importance pour l’intérêt général, ne sont pas à la disposition des parties ni de la juridiction elle-même et doivent être examinées d’office in limine litis même lorsqu’elles n’ont pas été soumises à un débat.»(11)

40.      La requérante fait grief au Tribunal d’avoir examiné d’office, dans l’arrêt attaqué, la légalité de la décision de la chambre de recours sous l’angle de la question de similitude, bien qu’elle n’en ait pas invoqué la méconnaissance. Elle y voit une reformatio in pejus car le Tribunal aurait examiné un moyen qu’elle n’avait pas soulevé dans le recours.

41.      Il convient de souligner que la requérante n’a pas remis en question la légalité des appréciations de la chambre de recours relatives à la question de la similitude des signes OBELIX et MOBILIX et des produits et des services protégés par ces deux marques. Or, il ressort néanmoins de la requête introduite devant le Tribunal, et notamment de ses points 2.3 et suivants, que la requérante a évoqué la question de la similitude des signes OBELIX et MOBILIX et des produits et des services protégés par ces deux marques ainsi que le risque de confusion dans son recours devant le Tribunal. En effet, elle a ainsi soulevé, dans le cadre du moyen de légalité interne relatif à la méconnaissance de l’article 8, paragraphes 1, sous b), et 2, du règlement n° 40/94, les arguments relatifs à la question de la similitude des marques et des signes susmentionnés. Elle a fait valoir devant le Tribunal, dans le cadre dudit moyen, en développant le grief lié à la violation du caractère notoire et très distinctif de la marque OBELIX qu’il existait une forte similitude conceptuelle et auditive des deux signes OBELIX et MOBILIX (12). Elle a également fait valoir qu’il existait un risque de confusion conceptuelle en raison de l’interdépendance entre la similitude des produits, la similitude des marques et le caractère distinctif de la marque OBELIX. (13) Elle a ainsi inclus la question de la similitude des signes OBELIX et MOBILIX dans l’objet du litige.

42.      L’objet du litige tel que fixé par la requérante en vertu de l’article 63 du règlement n° 40/94 contenait également la question de la similitude des deux signes OBELIX et MOBILIX. Par conséquent, la requérante ne saurait reprocher au Tribunal d’avoir statué sur la question de la similitude des deux signes OBELIX et MOBILIX dans le cadre de l’analyse d’interdépendance entre les facteurs.

43.      Le Tribunal n’a violé ni l’article 63 du règlement n° 40/94 ni le principe général du droit procédural de l’interdiction de la reformatio in pejus.

44.      Le moyen ne saurait prospérer.

B –    Sur le deuxième moyen, tiré d’une prétendue violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en ce qui concerne la similitude des produits et des services, et la similitude des marques

1.      Arguments des parties

45.      Par ce moyen d’une longueur considérable, divisé en deux branches, la requérante allègue la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en ce qui concerne la similitude des produits et des services, et la similitude des marques.

46.      Par la première branche, la requérante allègue que, lors de l’appréciation de la similitude des produits et des services, le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir appliqué un critère juridique erroné pour déterminer si les produits et les services respectifs étaient similaires. Par la seconde branche du deuxième moyen, la requérante allègue que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en estimant que les marques litigieuses étaient dissemblables.

47.      En effet, s’agissant de la première branche, la requérante affirme qu’il aurait fallu procéder à la comparaison de la similitude, en supposant que les marques en conflit sont identiques et que la marque antérieure OBELIX est dotée d’un caractère distinctif très élevé ou qu’elle jouit d’une renommée. Le critère juridique correct serait dès lors le suivant: les produits (et les services) sont similaires lorsque le public pourrait croire qu’ils proviennent d’entreprises identiques ou liées économiquement lorsqu’ils apparaissent sur le marché sous des marques identiques et que la marque antérieure est une marque dotée d’un caractère distinctif très élevé et qu’elle jouit d’une très grande renommée.

48.      En second lieu, la requérante met en cause la cohérence et le fondement des appréciations concrètes de la similitude des produits effectuées par le Tribunal, qui aurait effectué une lecture manifestement erronée de la liste des produits, en la dénaturant. Selon la requérante, l’affirmation faite par le Tribunal au point 62 de l’arrêt attaqué selon laquelle «il ressort de la formulation de la liste des produits et des services de l’enregistrement antérieur pour la classe 9 que les domaines désignés par ce droit sont la photographie, le cinéma, l’optique, l’enseignement et les jeux vidéo», serait inexacte et contredite par la liste de ces produits, ainsi que par les affirmations du Tribunal lui-même au point 63. L’affirmation, à ce même point 62 de l’arrêt attaqué, que le domaine concerné par la marque MOBILIX est de façon quasi exclusive celui des télécommunications sous toutes ses formes, serait également contredite par la liste des produits qui inclut, sans se limiter aux télécommunications, les «accumulateurs et batteries», les «transformateurs et convecteurs», les «codeurs et décodeurs», les «cartes codées» et les «cartes pour l’encodage».

49.      S’agissant de la comparaison des services MOBILIX relevant des classes 35, 37, 38 et 42 et des produits couverts par la marque OBELIX, la requérante allègue une incohérence entre les constatations du Tribunal au point 68 de l’arrêt attaqué («les services figurant dans la demande de marque compris dans la classe 38 présentent, tout au plus, une faible similitude avec les services protégés par le droit antérieur compris dans la classe 41») et la conclusion au point 70 de l’arrêt attaqué selon laquelle les produits et les services en cause ne sont pas similaires, et conteste l’appréciation du Tribunal par laquelle celui-ci a rejeté son argument selon lequel tous les produits et les services visés par la demande de marque communautaire peuvent être liés aux «ordinateurs» et aux «programmes informatiques» (classe 9) couverts par la marque antérieure (point 69 de l’arrêt attaqué).

50.      Par la seconde branche du deuxième moyen, la requérante allègue que le Tribunal a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en estimant que les marques litigieuses étaient dissemblables. Cette branche est invoquée de manière subsidiaire par rapport au premier moyen de la requérante. Selon la demanderesse, le Tribunal n’aurait pas appliqué les critères juridiques corrects afin d’apprécier la similitude des marques. S’agissant de la similitude visuelle, le Tribunal aurait arbitrairement souligné les différences entre les marques, alors que, selon les principes généraux du droit des marques, les éléments communs seraient habituellement plus importants que ceux qui diffèrent. La requérante allègue que l’appréciation de la similitude phonétique, tout comme celle de la similitude conceptuelle, effectuées par le Tribunal, n’est étayée par aucun des faits soumis au Tribunal. S’agissant de la comparaison conceptuelle, la requérante met en cause la constatation effectuée par le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué selon laquelle «[la] représentation concrète d’un personnage populaire rend fort improbable la confusion conceptuelle dans l’esprit du public avec des termes plus ou moins proches». Le raisonnement du Tribunal serait incorrect, puisque, selon les principes généralement admis dans le droit des marques, plus une marque antérieure est notoirement connue ou plus son caractère distinctif est élevé, plus le risque de confusion est élevé.

51.      La requérante fait également grief au Tribunal d’avoir appliqué, aux points 80 à 82 de l’arrêt attaqué, la théorie dite «de neutralisation». Selon la requérante, cette théorie n’est applicable qu’au stade de l’évaluation finale du risque de confusion, mais pas lorsque les marques en conflit sont soit visuellement, soit phonétiquement, soit visuellement et phonétiquement similaires. Dès lors, le critère juridique adéquat aurait été le suivant: deux marques sont similaires (et, ayant constaté que les biens ou les services sont similaires ou identiques, l’instance de décision doit par conséquent entamer l’examen du risque de confusion) s’il existe une (certaine, un degré élevé de ou une totale) similitude visuelle (qui implique également un degré de similitude phonétique), ou s’il existe une (certaine, un degré élevé de ou une totale) similitude phonétique indépendamment du point de savoir s’il existe ou non une similitude conceptuelle. De même, deux marques sont similaires si, même en l’absence de similitudes visuelles ou phonétiques, elles sont identiques ou similaires sur le plan conceptuel.

52.      Enfin, la requérante affirme que le Tribunal aurait mal compris son argument, en alléguant au point 85 de l’arrêt attaqué qu’elle se prévaut d’un droit exclusif sur l’emploi du suffixe «ix», alors qu’elle aurait affirmé être titulaire d’une famille de marques créées de manière semblable à MOBILIX, en utilisant une partie descriptive qui représente la profession ou l’activité d’une personne et en la combinant avec le suffixe «ix». Dès lors, l’allusion au «mobile» ne s’éloignerait pas de la famille des marques, mais accroîtrait même le risque de confusion, l’existence d’une famille de marques étant généralement considérée comme une cause distincte de risque de confusion, même en l’absence de similitude phonétique et visuelle.

53.      L’OHMI argue que, parmi les nombreux arguments avancés par la requérante, la seule question de droit est celle de savoir si le Tribunal pouvait légalement conclure, au point 81 de l’arrêt attaqué, que les différences conceptuelles séparant les signes en cause sont de nature à neutraliser les similitudes phonétiques et visuelles existantes. Or, le Tribunal aurait correctement examiné l’ensemble des éléments qui, conformément à la jurisprudence établie, doivent être pris en considération pour procéder à une appréciation globale du risque de confusion. Conformément à une jurisprudence constante, cette appréciation globale impliquerait que les différences conceptuelles et visuelles entre deux signes peuvent neutraliser des similitudes auditives entre eux, pour autant qu’au moins l’un de ces signes ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir directement. La question de savoir si une telle «neutralisation» intervient réellement dans l’esprit du consommateur pertinent est une question d’appréciation des faits pertinents. Le résultat de cette appréciation est une constatation de fait dont le contrôle échappe à la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

54.      S’agissant de l’argument selon lequel le Tribunal aurait dû tenir compte de la renommée de la marque OBELIX dans la comparaison des produits et services et des signes en cause, l’OHMI allègue que la requérante confond deux notions, à savoir la renommée d’Obélix, personnage célèbre de bande dessinée, et la renommée potentielle de la marque OBELIX. Il n’existerait ni principe juridique ni précédent selon lequel un personnage littéraire célèbre doit automatiquement être considéré comme une marque renommée. Tout dépendrait des circonstances d’espèce et la requérante n’aurait jamais produit, dans le cadre de la procédure devant l’OHMI, d’éléments démontrant la réalité d’une transformation progressive d’un personnage célèbre en marque renommée. Dès lors, en refusant de tenir compte de la renommée du nom d’Obélix, qui désigne un personnage célèbre de bande dessinée, pour définir le champ d’application de la protection de la marque antérieure, le Tribunal a de bon droit appliqué la règle selon laquelle, dans une procédure d’opposition concernant les motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’autorité compétente doit se limiter à examiner les moyens invoqués et les demandes présentées par les parties.

55.      L’OHMI affirme que, en adhérant aux principes établis par le Tribunal, mais en contestant ses conclusions, la requérante vise les appréciations factuelles effectuées par le Tribunal, dont le contrôle n’appartient pas à la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

56.      S’agissant des allégations selon lesquelles le Tribunal aurait dénaturé les faits ou les éléments de preuve, l’OHMI considère que le Tribunal a correctement reproduit la liste des produits et des services et a procédé à une analyse comparative, basée sur des critères tels que le type de fabricant ou le mode de distribution des produits. L’OHMI considère que le deuxième moyen doit être rejeté comme partiellement non fondé et partiellement irrecevable.

2.      Appréciation

57.      Il ressort de l’article 225 CE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. (14)

58.      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il reste nécessaire, même dans l’hypothèse où il existerait une identité avec une marque dont le caractère distinctif serait particulièrement fort, d’apporter la preuve de la présence d’une similitude entre les produits ou les services désignés. En effet, cette disposition prévoit qu’un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les produits ou les services désignés.

59.      Un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les produits ou les services désignés. Dès lors, même dans l’hypothèse où il existerait une identité avec une marque dont le caractère distinctif serait particulièrement fort, il reste nécessaire d’apporter la preuve de la présence d’une similitude entre les produits ou les services désignés. (15)

60.      Dans ces circonstances, l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en appliquant un critère juridique erroné, voire en n’appliquant aucun critère juridique, mais une simple argumentation qui contient des affirmations contradictoires n’est pas fondé.

61.      Il ressort de l’examen des points 60 à 71 de l’arrêt attaqué que, après avoir procédé à une analyse détaillée des différents facteurs caractérisant le rapport entre les produits et les services en cause, le Tribunal a pu légitimement considérer, sans commettre aucune erreur de droit, que les produits et les services visés par la marque MOBILIX ne présentent pas de similitude avec les services désignés par le signe OBELIX.

62.      S’agissant de l’argument tiré de ce que le Tribunal a commis une contradiction évidente entre les points 62 et 63 de l’arrêt attaqué et qu’il y a des inexactitudes dans le point 63 de l’arrêt attaqué, force est de constater que cet argument vise, en substance, à remettre en cause l’appréciation des faits à laquelle s’est livré le Tribunal et tend en réalité à demander à la Cour de substituer sa propre appréciation des faits à celle effectuée par le Tribunal aux points 62 et 63 de l’arrêt attaqué. Cet argument de la requérante doit dès lors être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

63.      Il convient, pour ces mêmes raisons, de rejeter l’argument de la requérante, selon laquelle le Tribunal n’a pas procédé à une analyse correcte des produits respectifs des classes 9 et 16. Au vu des analyses auxquelles s’est livré le Tribunal, la même conclusion s’impose en ce qui concerne le grief selon lequel le Tribunal s’est contenté d’effectuer une analyse littérale des produits et des services, en ne tenant pas compte de leur rapport économique et en ignorant en particulier la question de savoir si le public pertinent attribuerait la même origine commerciale lorsque les produits et les services ont été offerts sous une marque identique.

64.      Dans ce cadre, il convient également de rejeter le grief tiré de la question de savoir si le Tribunal pouvait conclure, au point 81 de son arrêt (16), que les différences conceptuelles séparant les signes en cause sont de nature, en l’espèce, à neutraliser les similitudes phonétiques ainsi que les éventuelles similitudes visuelles relevées ci-dessus. D’une part, force est de constater que le Tribunal a correctement appliqué, dans les points 72 et 74 à 80, les critères développés par la jurisprudence. D’autre part, il ressort également du point 79 de l’arrêt attaqué concernant les mots MOBILIX et OBELIX que le Tribunal y a fait certaines constatations factuelles et que la requérante cherche à remettre en cause l’appréciation des faits à laquelle s’est livré le Tribunal et tend en réalité à demander à la Cour de substituer sa propre appréciation des faits à celle effectuée par le Tribunal.

65.      Il ressort, dès lors, de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

C –    Sur le troisième moyen, tiré de la prétendue méconnaissance de l’article 74 du règlement n° 40/94 pour avoir refusé d’admettre que la marque OBELIX était notoirement connue et dotée d’un caractère très distinctif

1.      Arguments des parties

66.      La requérante reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’article 74 du règlement n° 40/94 en refusant d’admettre que la marque OBELIX était notoirement connue et dotée d’un caractère très distinctif. La requérante conteste le bien-fondé de la constatation effectuée par le Tribunal, selon laquelle l’OHMI aurait apprécié les faits et les éléments de preuve, puisqu’il y était obligé en vertu de l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, mais qu’il les avait jugés insuffisants pour établir la notoriété du signe non enregistré et le degré élevé de caractère distinctif du signe enregistré. Dans la mesure où Orange aurait effectivement pris part à la procédure devant la chambre de recours, mais n’aurait pas contesté ou autrement remis en cause les allégations de la requérante, il serait absurde d’exiger qu’elle fournisse toutes les preuves, puisque aucune règle ou aucun principe de droit communautaire n’obligerait une partie à produire des éléments pour prouver ce qui n’est pas contesté entre les parties. En effet, la division d’opposition et la chambre de recours auraient expressément reconnu le caractère notoirement connu du signe OBELIX. La chambre de recours aurait dû en tirer la conclusion que la marque OBELIX est dotée d’un caractère très distinctif et qu’elle est notoirement connue. En outre, les faits notoirement connus ne devant pas être prouvés, le même principe devrait s’appliquer aux marques célèbres.

67.      L’OHMI considère que le troisième moyen doit être rejeté comme manifestement non fondé. La limitation de la base factuelle de l’examen opéré par la chambre de recours découlant de l’article 74 du règlement n° 40/94 n’exclut pas que celle-ci prenne en compte des faits notoires, outre les faits avancés par les parties à la procédure d’opposition. Toutefois, ce qui pourrait être considéré comme notoire en l’espèce est qu’Obélix est le nom d’un personnage de bande dessinée. Or, cette constatation ne saurait s’appliquer telle quelle pour la marque OBELIX, car il n’existe aucun précédent en vertu duquel des personnages littéraires célèbres doivent être considérés comme marques renommées.

68.      À supposer que les parties ne s’opposent pas sur la question de la renommée de la marque OBELIX, le Tribunal ne serait pas tenu par un tel constat, mais aurait l’obligation d’examiner si, en concluant dans la décision litigieuse à l’absence de similitude entre les marques, la chambre de recours n’a pas violé le règlement n° 40/94. Dans le cadre d’une procédure inter partes devant l’OHMI, aucun principe ne demanderait de considérer comme établis les faits non contestés par l’autre partie.

2.      Appréciation

69.      À titre liminaire, il convient de remarquer que la requérante conteste la légalité et le caractère correct des appréciations de la notoriété effectuées par la chambre de recours et le Tribunal dans l’arrêt attaqué.

70.      Ainsi que rappelé au point 57, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

71.      En revanche, dès lors qu’un requérant conteste l’interprétation ou l’application du droit communautaire faite par le Tribunal, les points de droit examinés en première instance peuvent être de nouveau discutés au cours de la procédure de pourvoi. En effet, si un requérant ne pouvait fonder de la sorte son pourvoi sur des moyens et des arguments déjà utilisés devant le Tribunal, ladite procédure serait privée d’une partie de son sens. (17)

72.      S’agissant du bien-fondé du troisième moyen, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94, au cours de la procédure, l’OHMI procède à l’examen d’office des faits; toutefois, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties. À cet égard, il y a lieu de souligner qu’un demandeur qui se réfère aux faits notoires est en mesure de contester l’exactitude des constations factuelles relatives à la notoriété de la chambre de recours devant le Tribunal.

73.      Or, la constatation, par le Tribunal, du caractère notoire des faits, parmi lesquels figure également la notoriété du signe OBELIX, sur lesquels la chambre de recours de l’OHMI a fondé sa décision constitue une appréciation de nature factuelle qui, sauf cas de dénaturation, échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. (18) Or, aucune dénaturation n’apparaît dans le cas d’espèce.

74.      Dès lors, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant, aux points 32 à 36 de l’arrêt attaqué, que l’appréciation juridique de la notoriété et du caractère distinctif du signe OBELIX n’était pas suffisamment étayée par des faits et des preuves.

75.      Il convient donc d’écarter le troisième moyen comme étant non fondé.

D –    Sur le quatrième moyen, tiré d’une prétendue méconnaissance des articles 63 du règlement n° 40/94 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal pour avoir rejeté la conclusion visant à obtenir l’annulation de la décision litigieuse pour défaut d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94

1.      Arguments des parties

76.      Le Tribunal aurait méconnu les articles 63 du règlement n° 40/94 et 135, paragraphe 4 du règlement de procédure du Tribunal, en déclarant irrecevable la demande formulée par la requérante devant le Tribunal visant à obtenir l’annulation de la décision litigieuse au motif que la chambre de recours n’avait pas appliqué l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Le Tribunal aurait commis une erreur en droit, en se fondant sur une interprétation incorrecte de l’objet de la procédure de recours et n’aurait également pas pris en compte le fait que la chambre de recours ne pouvait pas se contenter d’examiner les faits ou les preuves invoqués devant elle, mais qu’elle devait étendre son examen aux faits produits en première instance, même si cette question n’a pas expressément été soulevée dans les motifs du recours.

77.      La requérante affirme que, si les arguments qu’elle a invoqués devant la chambre de recours tournaient autour de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, une lecture raisonnable des documents produits dans le cadre des procédures d’opposition et de recours aurait fait apparaître que la requérante n’aurait cessé d’affirmer être titulaire de la marque OBELIX, protégée de manière concomitante comme marque communautaire enregistrée, comme marque notoirement connue au sens de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 40/94 et comme marque célèbre. La requérante aurait constamment soutenu qu’une marque notoirement connue et relevant de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 40/94 était également une marque jouissant d’une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

78.      La constatation de la chambre de recours selon laquelle la requérante aurait expressément limité son recours aux questions relatives à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 serait inexacte, ce que la requérante aurait mis en cause devant le Tribunal. La requérante aurait également débattu devant le Tribunal du rapport entre les paragraphes 2 et 5 de l’article 8 du règlement n° 40/94 pour établir que les marques protégées par ces dispositions auraient aujourd’hui la même connotation. Le Tribunal n’aurait pas examiné au fond cet argument dans l’arrêt attaqué, en jugeant ce chef de conclusions irrecevable.

79.      L’OHMI répond que ce moyen est manifestement non fondé. En effet, dans son acte d’opposition, la demanderesse, en cochant les cases appropriées, a fondé son opposition sur deux motifs – le risque de confusion avec une marque antérieure et le profit qui serait indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée d’une marque antérieure ou le préjudice qui lui serait porté –, lorsqu’elle a transmis les éléments à l’appui de son opposition. La requérante n’a toutefois pas invoqué ce dernier motif d’opposition tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Malgré ce défaut de preuve, la division d’opposition de l’OHMI a évoqué cette disposition en précisant qu’il n’était pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de l’opposition au regard de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 dans la mesure où les signes n’étaient pas similaires. Lorsqu’elle a introduit un recours contre cette décision, la requérante n’a pas demandé à la chambre de recours d’appliquer l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 et n’a pas davantage mentionné cette disposition dans l’exposé des moyens. Compte tenu de ce qui précède et eu égard au fait que la requérante n’a jamais identifié la marque antérieure dont le caractère distinctif ou la renommée seraient mis à mal par la demande de marque communautaire, la chambre de recours a conclu que les documents produits dans le cadre de la procédure d’opposition visaient plutôt à démontrer la notoriété de la marque non enregistrée, présentée comme l’un des deux droits antérieurs, ou éventuellement le caractère distinctif accru de la marque enregistrée, mais non sa renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. La chambre de recours n’a donc pas statué sur l’applicabilité de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

80.      Or, au lieu d’affirmer que la chambre de recours avait enfreint l’article 74 du règlement n° 40/94 en s’abstenant d’examiner l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, la requérante a soutenu, dans sa requête présentée ensuite au Tribunal, qu’elle avait violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Étant donné que la chambre de recours n’avait pas examiné l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, le Tribunal a de bon droit conclu, à la lumière de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, que la requérante n’était pas recevable à demander au Tribunal de statuer sur une demande visant à l’application de cette disposition.

2.      Appréciation de l’Avocat général

81.      À titre liminaire, il convient de constater que la requérante n’a pas demandé, dans son opposition et dans son recours préjudiciel devant la chambre de recours, le contrôle de légalité au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. En effet, il ressort de la décision de la chambre de recours attaquée (19) et des écrits des parties dans le cadre de ce pourvoi, ainsi que de l’arrêt attaqué et du rapport d’audience du Tribunal, que le moyen de la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 était pour la première fois produit devant le Tribunal.

82.      Il convient de remarquer, comme le souligne la requérante,(20) qu’il est assez difficile de faire la distinction entre les marques notoirement connues et celles jouissant d’une renommée. En effet, il y a une similitude entre l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 40/94, d’une part, et l’article 8, paragraphe 5, du même règlement, d’autre part. Cependant, on ne saurait déduire de la référence au caractère célèbre et notoire dans le cadre de l’article 8, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 40/94 également la référence à l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement qui vise un cas de figure où les produits et les services de deux marques, dont l’une jouit d’une renommée dans la Communauté, ne sont pas similaires. Une interprétation selon laquelle l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ne serait que la continuation de l’article 8, paragraphes 1 et 2, dudit règlement et qu’il faudrait les examiner ensemble, bien que l’article 8, paragraphe 5, n’était pas invoqué devant les instances de l’OHMI, méconnaîtrait le champ d’application de l’article 8, paragraphe 5. En effet, du point de vue de l’interprétation systématique, il ressort, tant du système interne que du système externe de l’article 8 du règlement n° 40/94, qu’il s’agit de critères différents contenus dans les paragraphes 1, 2 et 5. Le système externe – c’est-à-dire la structure du texte – montre clairement que les paragraphes 1, 2 et 5 de l’article 8 dudit règlement sont des paragraphes distincts. Selon le système interne – c’est-à-dire l’organisation du contenu du texte – les buts de ces paragraphes sont différents.(21)

83.      De ce point de vue, la requérante ayant omis de contester la légalité de la décision de la division d’opposition et de la chambre de recours sous l’angle de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ne saurait pas pallier sa propre carence en se référant aux dispositions similaires.

84.      Par ailleurs, dans le cadre du contentieux d’annulation de la décision déférée au juge communautaire, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris.(22) Il en va de même dans le cadre du contentieux de l’article 63 du règlement n° 40/94. En effet, il est de la jurisprudence constante que le recours au titre de cet article vise le contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 63 du règlement n° 40/94. En effet, si, aux termes de l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le Tribunal «a compétence aussi bien pour annuler que pour réformer la décision attaquée», ce paragraphe doit être lu à la lumière du paragraphe précédent, aux termes duquel «le recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité, du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir», et dans le cadre des articles 229 CE et 230 CE. Le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit donc se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant la chambre de recours.» (23) Or, il est constant que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ne faisait pas partie des questions de droit portées devant la chambre de recours.

85.      Dès lors, la requérante n’aurait pas pu obtenir du Tribunal qu’il statuât sur le présent moyen tiré d’une éventuelle méconnaissance de l’article 63 du règlement n° 40/94 et du règlement de procédure du Tribunal pour avoir rejeté la conclusion visant à obtenir l’annulation de la décision litigieuse pour défaut d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, moyen qui n’avait pas été avancé pendant la phase administrative de la procédure devant l’OHMI.

86.      Le Tribunal n’a pas, en rejetant le moyen, tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, comme irrecevable, violé les articles 63 du règlement n° 40/94 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal en rejetant la conclusion visant à obtenir l’annulation de la décision litigieuse pour défaut d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Ce moyen n’est pas fondé.

E –    Sur le cinquième moyen, tiré d’une prétendue méconnaissance de l’article 63 du règlement n° 40/94 et des articles 44, 48 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, du fait d’avoir déclaré irrecevable le chef de conclusions visant au renvoi de l’affaire devant la chambre de recours

1.      Arguments des parties

87.      La requérante considère que l’arrêt du Tribunal a violé l’article 63 du règlement n° 40/94 et les articles 44, 48 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal en ce qu’il a déclaré irrecevable le chef de conclusions, présenté à titre subsidiaire à l’audience, tendant à ce que le Tribunal renvoie l’affaire à la chambre de recours pour permettre à la requérante d’établir la renommée de la marque OBELIX. Durant l’audience devant le Tribunal, la requérante a conclu que, si le Tribunal devait accepter la conclusion principale selon laquelle la chambre de recours avait violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ou qu’il devait lui-même statuer sur le grief tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, celui-ci devrait, en tout état de cause, renvoyer l’affaire devant la chambre de recours pour permettre à la requérante d’établir cette prétention devant la chambre de recours.

88.      La requérante soutient que, en premier lieu, la conclusion visant à obtenir le renvoi devant la chambre de recours pour permettre à la requérante d’établir la prétention fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’est pas une conclusion «nouvelle», mais une conclusion subsidiaire à la conclusion principale fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Cette conclusion subsidiaire se situait nécessairement en deçà de la conclusion principale et ne constituait donc pas une conclusion «nouvelle» au sens de l’arrêt attaqué. En second lieu, le Tribunal semblait retenir une notion d’«objet», employée à l’article 135, paragraphe 4, de son règlement de procédure, qui est modifié à chaque fois qu’une «conclusion» est ajoutée à la conclusion initiale, indépendamment de sa nature ou de son contexte. L’objet du litige devant la chambre de recours était de savoir si MOBILIX pouvait être enregistrée comme marque communautaire pour tout ou partie des produits pour lesquels elle était déposée, étant donné l’opposition formée par la requérante sur le fondement de sa marque OBELIX. La requérante n’aurait pas du tout modifié cet objet et la conclusion principale visant à obtenir l’annulation de la décision attaquée de la chambre de recours englobait nécessairement toutes les conclusions y afférentes.

89.      La requérante souligne que l’article 44 du règlement de procédure du Tribunal n’interdit pas, ni expressément ni implicitement, de préciser au sein d’un chef de conclusions principal, des conclusions subsidiaires à un stade de la procédure postérieur au dépôt de la requête introductive d’instance. De même, l’article 48 du règlement de procédure du Tribunal ne contiendrait pas une telle interdiction.

90.      L’OHMI soutient que ce moyen est manifestement non fondé. En outre, ce chef de conclusions formulé à titre subsidiaire serait fondé sur un moyen nouveau selon lequel la chambre de recours aurait violé l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 en ne statuant pas sur l’applicabilité de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, et n’aurait été introduit par la requérante que lorsqu’elle aurait compris que son moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, était irrecevable. Étant donné que ce chef de conclusions subsidiaire n’a été présenté qu’au stade de l’audience, ce serait à bon droit que le Tribunal, invoquant les articles 44 et 48 du règlement de procédure du Tribunal, l’aurait déclaré irrecevable.

2.      Appréciation

91.      Ainsi que également rappelé aux points 57 et 70, s’agissant des irrégularités éventuelles de procédure, aux termes des articles 225, paragraphe 1, CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi est limité aux questions de droit. Selon cette dernière disposition, il peut être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ainsi que de la violation du droit communautaire par le Tribunal.(24) Ainsi, la Cour est compétente pour contrôler si des irrégularités de procédure portant atteinte aux intérêts de la requérante ont été commises devant le Tribunal et doit s’assurer que les principes généraux de droit communautaire et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés. (25)

92.      Les conclusions auxquelles se réfèrent l’article 38, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour et l’article 44, paragraphe 1, sous d) du règlement de procédure du Tribunal matérialisent l’objet de la demande (26) et contiennent le dispositif de la décision que la partie requérante souhaite obtenir du juge communautaire. (27) Elles sont par conséquent une partie de l’objet du litige et doivent être formulées dans la requête.

93.      Si le juge communautaire reconnaît la recevabilité des conclusions formulées à titre subsidiaire (eventualiter) correspondant à l’hypothèse d’un rejet des conclusions principales (principaliter) contenues dans la requête introductive d’instance, (28) la situation semble différente si des conclusions à titre subsidiaire sont formulées au cours de l’instance, voire même à l’audience. En effet, de telles conclusions, bien que formulées à titre subsidiaire, sont des conclusions nouvelles modifiant l’objet du litige, car elles expriment une demande introduite après l’expiration du délai d’ordre public prévu pour introduire le recours qui devrait être examiné en cas de rejet des conclusions formulées principaliter.

94.      Selon la jurisprudence constante, l’article 42, paragraphe 2, alinéa premier, du règlement de procédure de la Cour permet à un requérant, à titre exceptionnel, d’invoquer des moyens nouveaux à l’appui des conclusions formulées dans l’acte introductif d’instance. En revanche, cette disposition n’envisage nullement la possibilité pour un requérant d’introduire des conclusions nouvelles.(29) Également, les dispositions équivalentes de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal permettent, dans certaines circonstances, la production de moyens nouveaux en cours d’instance. Or, ces dispositions ne peuvent, en aucun cas, être interprétées comme autorisant les parties requérantes à saisir le juge communautaire de conclusions nouvelles et à modifier ainsi l’objet du litige. (30)

95.      Cependant, une reformulation des conclusions initiales est recevable, à condition qu’elle ne fasse que préciser les conclusions figurant dans la requête ou que les conclusions reformulées restent en retrait par rapport aux conclusions initiales. (31)

96.      Il convient donc d’examiner si le chef des conclusions formulées à titre subsidiaire à l’audience devant le Tribunal par la requérante représente une reformulation des conclusions existantes ou des conclusions nouvelles.

97.      Par ses conclusions formulées à titre subsidiaire, la requérante a demandé au Tribunal, en substance, d’adresser à l’OHMI, en renvoyant l’affaire devant la chambre de recours pour qu’elle ait la possibilité de prouver que sa marque jouit d’une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, l’injonction d’examiner au fond ses prétentions. Il y a lieu de relever que le chef de conclusions avancé à titre subsidiaire tend non pas à une précision des conséquences de l’annulation, comme le prétend la requérante, mais à demander à ce qu’une injonction soit adressée à l’OHMI. Or, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal. (32)

98.      Force est de constater que la requérante a ainsi présenté à titre subsidiaire un nouveau chef de conclusions, par lequel elle demandait à obtenir une injonction adressée à l’OHMI. Elle a ainsi cherché à modifier l’objet du litige.

99.      Le Tribunal a pu légitimement, sans commettre aucune erreur de droit, rejeter comme irrecevables les conclusions formulées à titre subsidiaire à l’audience comme étant des conclusions nouvelles.

100. Ce moyen de pourvoi ne saurait prospérer.

F –    Sur le sixième moyen, tiré d’une prétendue méconnaissance des articles 63 du règlement n° 40/94 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal pour avoir refusé d’admettre certains documents

1.      Arguments des parties

101. La requérante soutient que l’arrêt du Tribunal viole les articles 63 du règlement n° 40/94 et 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, en ce qu’il a déclaré irrecevables certains documents produits pour la première fois devant le Tribunal. En effet, selon la requérante, le règlement de procédure ne comporte aucune interdiction quant à la production d’éléments de preuve devant le Tribunal.

102. La requérante critique la conception de l’objet du litige de l’article 135, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal retenu par celui-ci. En effet, les faits que la requérante a avancés pour étayer son argumentation ne feraient pas partie de l’«objet», mais seraient des éléments de preuve dans l’affaire. Ce ne serait que parce que la chambre de recours, dernière instance de la procédure administrative, a considéré ces éléments de preuve comme étant insuffisants pour prouver les prétentions de la requérante que celle-ci aurait produit devant le Tribunal de nouveaux éléments de preuve.

103. Selon la requérante, il est également incompatible avec le rôle du Tribunal, en qualité d’instance juridictionnelle de premier degré contrôlant la légalité des décisions de l’OHMI, de refuser de prendre en compte des éléments de preuve produits devant lui.

104. L’OHMI rappelle que le rôle du Tribunal consiste à contrôler la légalité des décisions des chambres de recours et non à vérifier si, au moment où il statue sur un recours contre une décision d’une chambre de recours de l’OHMI, il peut légalement adopter une nouvelle décision ayant le même dispositif que la décision attaquée. Il s’ensuit qu’aucune illégalité ne saurait être reprochée à l’OHMI au vu d’éléments de fait qui ne lui ont pas été soumis. Des éléments de fait portés devant le Tribunal sans avoir été portés auparavant devant les instances de l’OHMI devraient être écartés.

2.      Appréciation

105. Ainsi que rappelé aux points 57, 70 et 91, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est dès lors seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

106. Il convient également de rappeler que, en cas de pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal, une question de droit soumise au contrôle de la Cour. (33)

107. Bien que la requérante se réfère à la question de savoir si, en déclarant les offres de preuve sous forme de cinq documents irrecevables, le règlement de procédure du Tribunal a été méconnu, il s’agit en réalité d’un moyen tiré de la dénaturation des éléments de preuve.

108. Toutefois, en l’espèce, aucune dénaturation des éléments de preuve ni méconnaissance du règlement de procédure du Tribunal n’apparaissent.

109. Or, à supposer même que les cinq documents produits par la requérante devant le Tribunal soient susceptibles de démontrer la notoriété du signe OBELIX, ils n’ont pas été transmis à l’OHMI dans le cadre de la procédure d’élaboration de la décision attaquée et n’y étaient pas débattus en temps utile, à savoir avant l’adoption de la décision attaquée. En effet, dans le cadre du contentieux d’annulation de la décision déférée au juge communautaire, la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été pris. (34)

110. En se référant, au point 16 de son arrêt, à l’article 135, paragraphe 4, de son règlement de procédure, le Tribunal voulait souligner la nature du contentieux d’annulation. Or, il est constant que les cinq documents n’ont pas été présentés devant l’OHMI. Pour être pris en compte, ils auraient dû être présentés pendant la procédure administrative devant l’OHMI.

111. Le sixième moyen est inopérant.

112. Il convient de rejeter l’intégralité du pourvoi de la demanderesse.

VI – Dépens

113. En vertu de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable au pourvoi conformément à l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens. Par conséquent, si, comme je le propose, la totalité des moyens invoqués par la requérante est rejetée, il convient de la condamner aux dépens du pourvoi.

VII – Conclusion

114. Sur la base des considérations développées ci-dessus, je propose qu’il plaise à la Cour:

1)      rejeter le pourvoi, et

2)      condamner Les Éditions Albert René SARL aux dépens.


1 – Langue originale: le français.


2 – JO 1994, L 11, p. 1.


3 – JO 1991, L 136, p. 1, rectifié au JO 1991, L 317, p. 34.


4 – Voir point 5 de l’arrêt attaqué.


5 – JO 2004, L 361, p. 15.


6 – Fasching, W., Zivilprozessrecht, 2e édition, Vienne, 1990, p. 883; Rosenberg, L., Schwab, K.-H., et Gottwald, P., Zivilprozessrecht, 16e édition, Munich, 2004, p. 983, ainsi que Rechberger, W., et Simotta, D.-A., Zivilprozessrecht, 6e édition, Vienne, 2003, p. 454 et 455.


7 – Rechberger, W., et Simotta, D.-A., précités, p. 455. Les auteurs soulignent qu’une réformation au profit de la partie défenderesse n’est possible que si celle-ci a également introduit une voie de recours contre la même décision devant la même juridiction.


8 – Fasching, W., Zivilprozessrecht, p. 884.


9 – Sur la définition des moyens d’ordre public en droit communautaire, voir Lenaerts, K., Arts, D., Maselis, I., et Bray R., Procedural Law of the European Union, 2e édition, Londres, 2006, p. 288 et 289; Sladič, J., «Die Begründung der Rechtsakte des Sekundärrechts der EG in der Rechtsprechung des EuGH und des EuG», Zeitschrift für Rechtsvergleichung, internationales Privatrecht und Europarecht, 46 (2005), p. 127, et Castillo de la Torre, F., «Le relevé d’office par la juridiction communautaire», Cahiers de droit européen, 3-4/2005, p. 395 (421).


10 – Force est de constater que la notion de moyens, typique par exemple pour les droits français et belge, correspond assez étroitement à la conception qu’avait le droit romain d’une «actio». L’application de ce système devant le juge communautaire et la division en moyens d’ordre public et moyens de légalité interne sont à juste titre critiquées dans la doctrine par les anciens juges de la Cour. En effet, l’ancien juge allemand Ulrich Everling considère que les parties qui ne sont pas originaires des pays de tradition juridique romaniste éprouvent des difficultés à se retrouver dans ce système du fait de la division des éléments indissociables devant le juge (Everling, U., «Das Verfahren der Gerichte der EG im Spiegel der verwaltungsgerichtlichen Verfahren der Mitgliedstaaten», Die Ordnung der Freiheit: Festschrift für Christian Starck zum siebzigsten Geburtstag, 2007, p. 542)


11 – Conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, présentées le 11 février 2003, dans l’affaire Buzzi Unicem/Commission (arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C-204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C-213/00 P, C‑217/00 P et C-219/00 P, Rec. p. I-123), Rec. p. I-267, point 217.


12 – Rapport d’audience dans l’affaire T-336/03, points 31 à 33.


13 – Ibidem, points 34 et 35.


14 – Arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI (C‑37/03 P, Rec. p. I‑7975, point 43).


15 – Ordonnance du 9 mars 2007, Alecansan/OHMI (C-196/06 P, non encore publiée au Recueil, point 37).


16 – Le texte de ce point est le suivant: «Il s’ensuit que les différences conceptuelles séparant les signes en cause sont de nature, en l’espèce, à neutraliser les similitudes phonétiques ainsi que les éventuelles similitudes visuelles relevées ci-dessus».


17 – Arrêt du 22 juin 2006, Storck/OHMI (C-25/05 P, Rec. p. I-5719, point 48).


18 – Ibidem, point 53.


19 – Decision of the Fourth Board of Appeal of 14 July 2003, Case R 559/2002 – 4, point 7.


20 – Pourvoi, point 143.


21 – Sur les notions de systèmes interne et externe, voir Heck, P., «Das Problem der Rechtsgewinnung», Gesetzesauslegung und Interessenjurisprudenz, Begriffsbildung und Interessenjurisprudenz, Berlin, Zürich, 1968, p. 188-189.


22 – Arrêt du 7 février 1979, France/Commission, (15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7). Dans cette affaire, la République française contestait la légalité de certaines décisions relatives à l’apurement des comptes présentés par la République française au titre des dépenses des exercices 1971 et 1972 financées par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) en invoquant une régularisation postérieure à l’adoption des décisions des anomalies constatées.


23 – Arrêt du Tribunal du 31 mai 2005, Solo Italia/OHMI – Nuova Sala (PARMITALIA) (T‑373/03, Rec. p. II‑1881, point 25).


24 – Arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 18).


25 – Arrêt du 15 juin 2000, TEAM/Commission (C‑13/99 P, Rec. p. I‑4671, point 36).


26 – Rideau, J., et Picod, F., Code des procédures juridictionnelles de l’Union européenne, 2e édition, Paris, 2002, p. 592.


27 – Lenaerts, K., Arts, D., Maselis, I., et Bray R., précités, p. 553.


28 – Rideau, J., et Picod, F., Code des procédures juridictionnelles de l’Union européenne, précité, p. 592. Pour la doctrine relative aux conclusions formulées à titre subsidiaire, voir Rosenberg, L., Schwab, K.-H., et Gottwald, P., Zivilprozessrecht, précité, p. 649.


29 – Arrêt du 18 octobre 1979, GEMA/Commission (125/78, Rec. p. 3173, point 26).


30 – Arrêt du Tribunal du 18 septembre 1992, Asia Motor France e.a./Commission (T‑28/90, Rec. p. II-2285, point 43).


31 – Arrêts du Tribunal du 21 octobre 1998, Vicente-Nuñiez/Commission, T-100/96, RecFP p. I‑A‑591 et II-1779, point 51, et du 2 juin 2005, Strohm/Commission (T‑177/03, Rec. p. I‑A‑147 et II-651, point 21).


32 – Arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform) (T‑331/99, Rec. p. II-433, point 33); du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL) (T-34/00, Rec. p. II‑683, point 12); du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN) (T-129/0l, Rec. p. II-225l, point 22), et ordonnance du Tribunal du 6 septembre 2006, Hensotherm/OHMI (T‑366/04, Rec. p.II-65, point 17).


33 – Arrêt du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission (C-403/04 P et C-405/04 P, Rec. p. I‑729, point 38).


34 – Arrêt France/Commission, précité note 22, point 7.