Language of document : ECLI:EU:T:2005:343

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
29 septembre 2005


Affaire T-218/02


Daniela Napoli Buzzanca

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Poste de directeur – Procédure de pourvoi aux vacances d’emploi – Décision de rejet de candidature – Motivation »

Objet :         Recours ayant pour objet, d’abord, une demande d’annulation des décisions de la Commission du 30 janvier 2002 de nommer Mme S. directeur, au grade A 2, de la direction « Relations multilatérales et droits de l’homme » de la direction générale « Relations extérieures » et de ne pas retenir sa candidature pour le pourvoi de cet emploi, ainsi que d’annulation, en tant que de besoin, de la décision implicite de rejet, par la Commission, de sa réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, ensuite, une demande tendant à la condamnation de la défenderesse au paiement de dommages et intérêts évalués, à la date du recours, à 23 213,96 euros, sous réserve d’ampliation, et, enfin, une demande tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire son dossier administratif.

Décision :         Les décisions de la Commission du 30 janvier 2002 portant nomination de Mme S. au poste concerné par l’avis de vacance COM/156/01 et rejet de la candidature de la requérante à ce poste sont annulées. Le recours est rejeté pour le surplus. La Commission est condamnée aux dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Recours – Moyens – Insuffisance de motivation – Constatation d’office

2.      Fonctionnaires – Décision faisant grief – Rejet d’une candidature – Obligation de motivation au plus tard au stade du rejet de la réclamation – Portée – Non‑respect – Régularisation au cours de la procédure contentieuse – Condition

(Statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2, 45 et 90, § 2)

3.      Fonctionnaires – Recours – Recours en indemnité – Annulation de l’acte illégal attaqué – Réparation adéquate du préjudice moral

(Statut des fonctionnaires, art. 91)


1.      Le juge communautaire est tenu de rechercher si une institution a satisfait à l’obligation qui lui incombait de motiver la décision attaquée. Les moyens tirés d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation sont d’ordre public et peuvent, d’une part, être soulevés d’office par le juge et, d’autre part, être invoqués par les parties à tout stade de la procédure. Un requérant ne saurait donc être forclos à se prévaloir de ce moyen au motif qu’il ne l’a pas soulevé dans sa réclamation.

(voir point 55)

Référence à : Cour 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I‑9834, points 24 et 25 ; Tribunal 14 juillet 1994, Grynberg et Hall/Commission, T‑534/93, RecFP p. I‑A‑183 et II‑595, point 59 ; Tribunal 9 juillet 1997, S/Cour de justice, T‑4/96, Rec. p. II‑1125, points 52 et 53 ; Tribunal 21 septembre 2004, Soubies/Commission, T‑325/02, non encore publié au Recueil, point 30


2.      Aux termes de l’article 45 du statut, l’autorité investie du pouvoir de nomination n’est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des candidats non promus, auxquels une telle motivation risquerait d’être préjudiciable. Il en va de même en ce qui concerne les décisions de ladite autorité de ne pas retenir une candidature. L’autorité investie du pouvoir de nomination a, en revanche, l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par le candidat écarté contre la décision rejetant sa candidature et/ou contre celle portant nomination d’un autre candidat, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée, en sorte que l’examen des motifs de l’une et de l’autre se confond.

L’absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours ne peut être couverte par des explications fournies par l’autorité investie du pouvoir de nomination après l’introduction du recours. À ce stade, de telles explications ne rempliraient plus leur fonction. L’introduction d’un recours met donc un terme à la possibilité, pour ladite autorité, de régulariser sa décision par une réponse portant rejet de la réclamation.

En revanche, une insuffisance de la motivation fournie dans le cadre de la procédure précontentieuse n’est pas de nature à justifier l’annulation de la décision entreprise lorsque des précisions complémentaires sont apportées par l’autorité investie du pouvoir de nomination en cours d’instance, étant entendu toutefois que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale erronée.

L’étendue de l’obligation de motiver doit, dans chaque cas, être appréciée en fonction de circonstances concrètes. En particulier, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Ainsi, pour décider s’il est satisfait à l’exigence de motivation prévue par le statut, il convient de prendre en considération non seulement les documents par lesquels la décision a été communiquée, mais également les circonstances dans lesquelles celle‑ci a été prise et portée à la connaissance de l’intéressé. Ainsi, il peut suffire que l’intéressé ait pu connaître, notamment par des notes de service et autres communications, les éléments essentiels qui ont guidé l’administration dans sa décision. Des entretiens avec l’administration peuvent également permettre au fonctionnaire intéressé de connaître le contexte dans lequel une décision lui faisant grief a été prise.

Enfin, ce n’est que très exceptionnellement et au vu de circonstances spécifiques que des explications orales fournies au cours d’une réunion interservices organisée à la suite de l’introduction d’une réclamation peuvent être considérées comme un début de motivation pouvant être complété au cours de la procédure contentieuse.

(voir points 58, 59, 61, 63 à 65 et 79)

Référence à : Cour 13 juillet 1972, Bernardi/Parlement, 90/71, Rec. p. 603, point 15 ; Cour 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, Rec. p. 1099, point 13 ; Cour 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec. p. 1419, points 23 et 28 ; Cour 27 octobre 1977, Moli/Commission, 121/76, Rec. p. 1971, point 12 ; Cour 13 avril 1978, Ganzini/Commission, 101/77, Rec. p. 915, point 10 ; Cour 29 octobre 1981, Arning/Commission, 125/80, Rec. p. 1539, point 13 ; Cour 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; Cour 30 mai 1984, Picciolo/Parlement, 111/83, Rec. p. 2323, point 22 ; Cour 9 décembre 1993, Parlement/Volger, C‑115/92 P, Rec. p. I‑6549, points 22 et 23 ; Cour 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, non encore publié au Recueil, point 40 ; Tribunal 12 février 1992, Volger/Parlement, T‑52/90, Rec. p. II‑121, points 36, 40 et 41 ; Tribunal 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T‑25/92, Rec. p. II‑201, points 26 et 27 ; Tribunal 23 février 1994, Coussios/Commission, T‑18/92 et T‑68/92, RecFP p. I‑A‑47 et II‑171, points 74 à 76 ; Tribunal 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T‑36/93, RecFP p. I‑A‑161 et II‑497, points 60 et 61 ; Tribunal 29 mai 1997, Contargyris/Conseil, T‑6/96, RecFP p. I‑A‑119 et II‑357, point 147 ; Tribunal 23 novembre 1999, Sabbioni/Commission, T‑129/98, RecFP p. I‑A‑223 et II‑1139, point 30 ; Tribunal 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 44 ; Tribunal 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347, point 53 ; Tribunal 20 juillet 2001, Brumter/Commission, T‑351/99, RecFP p. I‑A‑165 et II‑757, points 33 et 34 ; Tribunal 20 février 2002, Roman Parra/Commission T‑117/01, RecFP p. I‑A‑27 et II‑121, point 32 ; Tribunal 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, RecFP p. I‑A‑49 et II‑223, point 58 ; Tribunal 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑338/00 et T‑376/00, RecFP p. I‑A‑301 et II‑457, points 48 et 55 ; Tribunal 18 septembre 2003, Callebaut/Commission, T‑241/02, RecFP p. I‑A‑215 et II‑1061, point 42 ; Tribunal 6 juillet 2004, Huygens/Commission, T‑281/01, non encore publié au Recueil, point 108 ; Tribunal 3 février 2005, Heurtaux/Commission, T‑172/03, non encore publié au Recueil, point 47


3.      L’annulation d’un acte attaqué peut constituer, en elle‑même, une réparation adéquate du préjudice moral résultant du défaut de motivation de cet acte.

(voir point 101)

Référence à : Cour 7 octobre 1985, Van der Stijl/Commission, 128/84, Rec. p. 3281, point 26 ; Cour 9 juillet 1987, Hochbaum et Rawes/Commission, 44/85, 77/85, 294/85 et 295/85, Rec. p. 3259, point 22 ; Hectors/Parlement, précité, point 61