Language of document : ECLI:EU:T:2019:877

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de déchéance ‑ Marque de l’Union européenne figurative businessNavi – Usage sérieux de la marque – Déchéance partielle – Article 51, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑383/18,

Sta*Ware EDV Beratung GmbH, établie à Starnberg (Allemagne), représentée par Mes M. Bölling et M. Graf, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Accelerate IT Consulting GmbH, établie à Ahlen (Allemagne), représentée par Me H. Hofmann, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 2 mai 2018 (affaire R 434/2017‑5), relative à une procédure de déchéance entre Sta*Ware EDV Beratung et Accelerate IT Consulting,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. F. Schalin (rapporteur), faisant fonction de président, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 30 août 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 6 septembre 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 juin 2010, l’intervenante, Accelerate IT Consulting GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant, pour lequel les couleurs noir et blanc ont été revendiquées :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16, 35 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 16 : « Classeurs ; brochures ; livres ; manuels ; catalogues ; prospectus » ;

–        classe 35 : « Conseils en matière d’organisation et de gestion des entreprises ; conseils en gestion des affaires commerciales ; conseils en économie d’entreprise ; gestion de fichiers par ordinateur ; gestion des affaires commerciales pour le compte de tiers ; assistance dans la gestion d’exploitations commerciales ou de négoces ; conseils en organisation des affaires ; conseils organisationnels ; gestion organisationnelle de projets informatiques ; études (assistance) en matière de gestion des affaires commerciales ; systématisation de données dans des banques de données » ;

–        classe 42 : « Mise à jour de logiciels ; conseils en matière d’ordinateurs ; conseils en matière de logiciels ; analyse de systèmes informatiques ; conception de systèmes informatiques ; gestion de données sur serveurs ; services d’un programmeur informatique ; conseils en informatique (services d’un informaticien) ; création de programmes de traitement de données ; conseils en matériel informatique et logiciels ; mise en œuvre de programmes informatiques dans des réseaux ; installation et maintenance de logiciels d’accès à l’internet ; installation de programmes informatiques ; configuration de réseaux informatiques par logiciels ; contrôle des performances et analyse de l’exploitation de réseaux ; administration de serveurs ; gestion technique de projets informatiques ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 145/2010, du 6 août 2010. La marque contestée a été enregistrée le 19 novembre 2010 sous le numéro 009155698.

5        Le 7 janvier 2016, la requérante, Sta*Ware EDV Beratung GmbH, a présenté une demande de déchéance de la marque contestée, sur le fondement de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 58, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], au motif que ladite marque n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans. Cette demande a été dirigée contre l’ensemble des produits et des services couverts par la marque contestée.

6        Le 16 juin 2016, l’intervenante s’est opposée à la demande en déchéance. Elle a affirmé que, à tout le moins depuis le 3 octobre 2012, elle se livrait en Allemagne à un usage propre au maintien des droits de la marque contestée pour un logiciel et les produits et services liés à ce dernier et elle a produit des éléments de preuve à cet égard.

7        Le 13 juillet 2016, la requérante a présenté des observations dans lesquelles elle a notamment exposé que la marque contestée avait été utilisée exclusivement pour des logiciels ou la concession de licences sur des logiciels.

8        Le 16 septembre 2016, l’intervenante a présenté des observations et un élément de preuve de l’usage sérieux supplémentaires.

9        Par décision du 16 février 2017, la division d’annulation a accueilli la demande de la requérante et prononcé la déchéance de la marque contestée à compter du 7 janvier 2016 pour l’ensemble des produits et des services mentionnés au point 3 ci-dessus. Elle a notamment conclu que l’usage sérieux de la marque contestée n’avait pas été suffisamment établi.

10      Le 28 février 2017, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation. Dans le cadre de cette procédure, elle a notamment produit d’autres éléments de preuve en rapport avec l’étendue de l’usage de la marque contestée.

11      Le 14 juillet 2017, la requérante a présenté des observations sur le recours introduit par l’intervenante.

12      Par décision du 2 mai 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a partiellement accueilli le recours. Ainsi, elle a confirmé la décision de la division d’annulation en tant qu’elle avait déchu la requérante de ses droits sur la marque contestée en ce qui concerne les produits et les services relevant des classes 16 et 35, mais a annulé cette décision en tant qu’elle portait sur les services relevant de la classe 42.

13      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a décidé de prendre en compte, en vertu du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par l’article 95, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, les documents produits pour la première fois par l’intervenante dans le cadre de la procédure de recours. Elle a ensuite constaté que les preuves de l’usage produites par l’intervenante dataient en majeure partie de la période pertinente pour la démonstration de l’usage sérieux de la marque contestée, à savoir du 7 janvier 2011 au 6 janvier 2016 inclus (ci-après la « période pertinente »), et que la marque contestée avait été utilisée en Allemagne. En outre, la marque contestée et l’élément verbal « businessnavi », qui apparaît sur la plupart des preuves d’usage produites, pouvaient, selon la chambre de recours, être considérées comme globalement équivalentes, l’ensemble des documents pouvant ainsi être considéré comme concernant l’usage de la marque contestée telle qu’enregistrée. La chambre de recours a conclu qu’il ressortait de l’analyse globale des preuves produites que l’usage propre au maintien des droits de la marque contestée avait été établi pour les services compris dans la classe 42 désignés par ladite marque.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

15      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

17      La requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 15, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, du règlement 2017/1001), et de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lus conjointement avec la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO 1995, L 303, p. 1) [devenue article 10, paragraphes 3 et 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)] et la règle 40, paragraphe 5, du même règlement (devenue article 19, paragraphe 1 du règlement délégué 2018/625). Selon elle, la chambre de recours a considéré à tort que les faits et les preuves exposés étaient suffisants pour démontrer l’usage sérieux de la marque contestée en ce qui concerne les services relevant de la classe 42 désignés par ladite marque.

18      La requérante soutient en particulier que, dans la décision attaquée, premièrement, la chambre de recours a omis d’examiner l’usage sérieux pour chacun des services concernés relevant de la classe 42, et, deuxièmement, la majeure partie des preuves de l’usage produites n’ont aucun rapport avec lesdits services. Dès lors, la conclusion sur l’usage sérieux de la marque contestée serait erronée. En outre, en raison de ces deux erreurs dont serait entachée la décision attaquée, la requérante ne serait pas en mesure de démontrer de manière détaillée lesquels des documents auraient été appréciés incorrectement par la chambre de recours pour des services déterminés. Le Tribunal considère qu’il y a lieu d’interpréter ces arguments en ce sens que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir manqué à son obligation de motivation. À cet égard, il importe de rappeler que l’obligation de motivation des décisions de l’EUIPO a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE et qu’elle doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision attaquée et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65 et jurisprudence citée). Il convient d’examiner dans le cadre d’un moyen séparé et en premier lieu, les arguments tirés d’une violation de l’obligation de motivation.

 Observations liminaires

19      En vertu de l’article 15, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 207/2009 (devenu article 18, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement 2017/1001) et de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du même règlement, le titulaire d’une marque de l’Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l’EUIPO, si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux dans l’Union européenne pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qu’il n’existe pas de juste motif pour son non-usage.

20      Selon la jurisprudence, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et ces services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l’usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu’elle est protégée dans le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l’extérieur [voir arrêt du 13 juin 2019, MPM-Quality/EUIPO – Elton Hodinářská (MANUFACTURE PRIM 1949), T‑75/18, non publié, EU:T:2019:413, point 37 et jurisprudence citée].

21      En vertu de la règle 22, paragraphes 3 et 4, du règlement no 2868/95, applicable aux demandes en déchéance en vertu de la règle 40, paragraphe 5, du même règlement, la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque et se limite, en principe, à la production de pièces justificatives, comme des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu’aux déclarations écrites visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement no 207/2009 [devenu article 97 paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001]. Cette règle est applicable, ratione temporis, à la présente procédure conformément à l’article 82 du règlement délégué 2018/625.

22      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage de la marque en cause, il convient de réaliser une appréciation globale des éléments versés au dossier, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Une telle appréciation doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque [voir arrêt du 15 septembre 2011, centrotherm Clean Solutions/OHMI – Centrotherm Systemtechnik (CENTROTHERM), T‑427/09, EU:T:2011:480, point 27 et jurisprudence citée].

23      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque en cause, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que la fréquence de ces actes, d’autre part. Cette appréciation implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte. Ainsi, un faible volume de produits ou de services commercialisés sous ladite marque peut être compensé par une forte intensité ou une certaine constance dans le temps de l’usage de cette marque et inversement (voir arrêt du 15 septembre 2011, CENTROTHERM, T‑427/09, EU:T:2011:480, point 28 et jurisprudence citée).

24      Il convient de relever qu’un usage sérieux suppose une utilisation réelle de la marque sur le marché concerné aux fins d’identifier des produits ou des services. Ainsi, il y a lieu de considérer qu’un usage sérieux s’oppose à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu’une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé. À cet égard, même si le titulaire a l’intention d’utiliser de façon réelle sa marque, si cette dernière n’est pas objectivement présente sur le marché d’une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe, de sorte qu’elle ne peut pas être perçue par les consommateurs comme étant une indication de l’origine des produits ou des services en cause, il n’y a pas usage sérieux de la marque [voir arrêt du 4 octobre 2017, Intesa Sanpaolo/EUIPO – Intesia Group Holding (INTESA), T‑143/16, non publié, EU:T:2017:687, point 20 et jurisprudence citée].

25      Cependant, il convient de prendre en compte le fait que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes [voir arrêt du 17 janvier 2018, Deichmann/EUIPO – Munich (Représentation d’une croix sur le côté d’une chaussure de sport), T‑68/16, EU:T:2018:7, point 26 et jurisprudence citée].

26      En outre, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [voir arrêt du 9 septembre 2015, Inditex/OHMI – Ansell (ZARA), T‑584/14, non publié, EU:T:2015:604, point 19 et jurisprudence citée].

27      Enfin, il résulte d’une lecture combinée de l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et de l’article 51, paragraphe 2, dudit règlement (devenu article 58, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), que la preuve d’usage sérieux doit en principe porter sur l’intégralité des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée. Si la preuve d’usage sérieux n’est apportée que s’agissant d’une partie des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée et si les autres conditions prévues par l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 sont réunies, son titulaire peut être déclaré déchu de ses droits pour les produits ou les services pour lesquels il n’a pas apporté la preuve d’usage sérieux, voire aucune preuve d’usage du tout [arrêt du 18 octobre 2016, August Storck/EUIPO – Chiquita Brands (Fruitfuls), T‑367/14, non publié, EU:T:2016:615, point 21].

28      C’est à l’aune de ces considérations qu’il convient d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, dans la décision attaquée, que les documents produits par l’intervenante étaient suffisants, s’agissant des services relevant de la classe 42 visés par la marque contestée, pour prouver un usage sérieux de ladite marque propre à assurer le maintien des droits durant la période pertinente.

 Sur l’obligation de motivation

29      Selon la requérante, il ressortirait de l’objectif de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, ainsi que de la jurisprudence, que l’examen de l’usage sérieux d’une marque doit être effectué pour chaque produit visé par la marque en cause. Or, dans la décision attaquée, la chambre de recours ne mentionnerait pas les services visés par la marque contestée, mais les remplacerait par des termes généraux. La chambre de recours aurait dû définir dans quelle mesure ces termes généraux correspondaient aux services relevant de la classe 42 visés par la marque contestée. La référence à des annexes ne permettrait pas non plus de savoir quels services visés par la marque contestée faisaient l’objet de l’examen des preuves de l’usage sérieux.

30      Aux termes de la première phrase de l’article 75 du règlement no 207/2009 (devenu article 94 du règlement 2017/1001), les décisions de l’EUIPO sont motivées. À cet égard, il importe de rappeler, comme mentionné au point 18 ci-dessus, que l’obligation de motivation des décisions de l’EUIPO a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE et qu’elle doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

31      Cependant, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il suffit donc à l’institution concernée d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 27 février 2018, Hansen Medical/EUIPO – Covidien (MAGELLAN), T‑222/16, non publié, EU:T:2018:99, point 50 et jurisprudence citée].

32      Aux points 46 et 47 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré ce qui suit :

« 46      Les documents révèlent que la marque a été utilisée pour la concession de licences afférentes à un logiciel (y compris des licences de serveur) et pour les services correspondants, tels que des services de conseil technique, des services de mise à jour, la gestion de données ainsi que la mise en œuvre, l’entretien et la maintenance avant et pendant la durée du contrat. Concrètement, il s’agit d’une solution logicielle pour des entreprises qui fournissent aux clients une plateforme d’informations permettant de traiter des questions analytiques. Le client peut choisir entre différents modules pour analyser, vérifier et conserver ses données (par exemple, le module commercialisation, le module finances, le module acquisition et le module planification). Le logiciel permet d’extraire, de traiter et de structurer les données du système informatique du client. Les documents révèlent qu’il s’agit d’un logiciel complexe dont la mise en œuvre requiert au moins dix jours et qui implique de nombreux services de conseil technique et de maintenance (voir, par exemple, annexes 5, 6 et 7, points 3 à 5). Les services de conseil, de soutien et d’entretien sont, en partie, expressément mentionnés dans les factures [par exemple, factures RG 15JV008 et RG 15JV016 : “Remote Monitoring, Betriebssupport und Zurverfügungstellung der beim Kunden installierten Hardware (…) und aller Betriebssystemsoftwarekomponenten” (Contrôle à distance, support d’exploitation et mise disposition de dispositifs installés chez le client (...) et de tous les composants du logiciel de système d’exploitation) ; RG 13FL 003 : “Support für 12 Monate” (Support pendant douze mois) : factures RG 14KF024 et RG 15KF024 : « Softwarewartungskosten » (Frais de maintenance de logiciel) ; RG 15JV002 : “Fehler- und Usermanagement […] Anwendungsbetreuung und Anwendungsanpassungen” (Gestion des erreurs et de l’utilisateur (...) maintenance de l’application et adaptation de cette dernière)].

47      Les factures concernent des licences et des renouvellement[s] de licences entre octobre 2012 (RG 13FL 003) et février 2016 (RG 16TM002). Bien que la date de la dernière facture citée se situe en dehors de la période pertinente, cette facture concerne un renouvellement de licence, de sorte que l’on peut partir du principe que le contrat de licence existait déjà au cours de ladite période. De plus, les factures portent sur des montants de plusieurs milliers à dizaines de milliers d’euros. Ainsi, la facture RG 15TM001 porte, à elle seule, sur un montant de 94 000 euros. Le fait que chaque facture ne mentionne pas expressément des services de conseil, de maintenance ou d’entretien est dénué de pertinence. Les pièces produites font apparaître que la mise en œuvre des solutions logicielles proposées rend nécessaires de nombreux services de conseil et de maintenance. Dès lors, s’agissant de chaque contrat de licence établie, il convient de partir du principe que la titulaire de la marque a fourni à ses clients, outre les licences, des services informatiques autonomes supplémentaires (y compris des conseils ainsi que la maintenance et l’entretien du logiciel). »

33      À cet égard, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que, si une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou les services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée. En revanche, si une marque a été enregistrée pour des produits ou des services définis de façon tellement précise et circonscrite qu’il n’est pas possible d’opérer des divisions significatives à l’intérieur de la catégorie concernée, alors, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour ces produits ou services couvre nécessairement toute cette catégorie aux fins de l’opposition [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 23 et jurisprudence citée].

34      En effet, si la notion de l’usage partiel a pour fonction de ne pas rendre indisponibles des marques dont il n’a pas été fait usage pour une catégorie de produits donnée, elle ne doit néanmoins pas avoir pour effet de priver le titulaire de ladite marque de toute protection pour des produits ou des services qui, sans être rigoureusement identiques à ceux pour lesquels il a pu prouver un usage sérieux, ne sont pas essentiellement différents de ceux-ci et relèvent d’un même groupe qui ne peut être divisé autrement que de façon arbitraire. Il convient à cet égard d’observer qu’il est en pratique impossible au titulaire d’une marque d’apporter la preuve de l’usage de celle-ci pour toutes les variantes imaginables des produits ou des services concernés par l’enregistrement. Par conséquent, la notion de « partie de produits ou de services », au sens de l’article 51, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, ne peut s’entendre de toutes les déclinaisons commerciales de produits ou de services analogues, mais seulement de produits ou de services suffisamment différenciés pour pouvoir constituer des catégories ou sous-catégories cohérentes (voir arrêt du 27 février 2018, MAGELLAN, T‑222/16, non publié, EU:T:2018:99, point 27 et jurisprudence citée).

35      À cet égard, la requérante, qui se réfère notamment au point 28 de l’arrêt du 27 février 2018, MAGELLAN (T‑222/16, non publié, EU:T:2018:99), rappelle la jurisprudence selon laquelle, dans la mesure où le consommateur recherche avant tout un produit ou un service qui pourra répondre à ses besoins spécifiques, la finalité ou la destination du produit ou du service en cause revêt un caractère essentiel dans l’orientation de son choix. Dès lors, dans la mesure où il est appliqué par les consommateurs préalablement à tout achat, le critère de finalité ou de destination est un critère primordial dans la définition d’une sous-catégorie de produits ou de services.

36      La requérante soutient, d’une part, que les services individuels concernés ne peuvent pas former une catégorie homogène qui aurait pu être traitée de manière uniforme, car ils auraient de nombreuses finalités possibles. Plusieurs catégories auraient donc dû être crées. D’autre part, elle avance que la chambre de recours n’aurait pas dû combiner plusieurs services spécifiques de la liste des services concernés en des catégories plus générales. Enfin, la décision attaquée ne contiendrait pas d’explications sur la raison pour laquelle tous les services relevant de la classe 42 visés par la marque contestée seraient considérés comme une classe homogène.

37      Toutefois, en dépit du fait que la motivation de la décision attaquée soit concise, il y a lieu de juger que la chambre de recours s’est bien acquittée de son obligation d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de ladite décision.

38      Notamment, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a constaté que les documents présentés par l’intervenante révélaient qu’elle commercialisait un logiciel complexe destiné aux entreprises qui fournissaient aux clients une plateforme d’informations permettant de traiter des questions analytiques, dont la mise en œuvre requiert au moins dix jours, et qui impliquait de nombreux services de conseil technique et de maintenance. Cette constatation de la chambre de recours n’est, au demeurant, pas contestée par la requérante.

39      Ensuite, sans procéder à une sous-catégorisation formelle, la chambre de recours a divisé les services pour lesquels la marque contestée a, selon elle, été utilisée pendant la période pertinente, en plusieurs groupes, à savoir, notamment, les services de conseil technique, les services de mise à jour, la gestion de données ainsi que la mise en œuvre, l’entretien et la maintenance avant et pendant la durée du contrat, tous ces services étant liés à la concession de licences afférentes au logiciel concerné (y compris des licences de serveur).

40      À cet égard, il y a lieu de considérer que c’est à bon droit que l’EUIPO soutient que, même entre les groupes susmentionnés, les services sont largement liés de manière indissociable les uns aux autres. Ainsi, la création informatique va de pair avec le conseil. Dans la mesure où ladite création recourt à une structure informatique existante, elle englobe nécessairement l’analyse préalable de cette dernière. En règle générale, le logiciel créé sera également installé ou mis en œuvre, configuré, maintenu, géré et surveillé chez le client.

41      En outre, il convient de considérer, comme l’a soulevé à juste titre l’EUIPO, que les entreprises optent souvent pour la concession de licences de logiciel assorties des services correspondants en tant que « paquet » et non en tant que services individuels. Cela ressort également des brochures et des factures présentées par l’intervenante.

42      Il ressort de ce qui précède que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a bien pris en considération la finalité et la destination des services concernés, ce qui est un critère primordial pour définir les sous-catégories de services en vertu de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus.

43      En outre, au vu du chevauchement et de la complémentarité des services informatiques concernés, leur division en sous-catégories plus petites serait, dans le cas particulier de l’espèce, tout à fait arbitraire.

44      Par ailleurs, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, les services mentionnés sur les factures présentées (point 46 de la décision attaquée), tels que le contrôle à distance, le support d’exploitation et la mise à disposition de dispositifs installés chez le client et de tous les composants du logiciel de système d’exploitation, le « support pendant douze mois », la maintenance de logiciel, la gestion des erreurs et de l’utilisateur, la maintenance de l’application et l’adaptation de cette dernière, correspondent bien à des services de conseil, de soutien et d’entretien de logiciel.

45      À cet égard, il convient de préciser que, s’il est vrai que la preuve d’usage sérieux doit en principe porter sur l’intégralité des produits ou des services pour lesquels une marque contestée est enregistrée (voir point 27 ci-dessus), il ne saurait être exigé des instances de l’EUIPO de fournir une motivation quant à la vérification de l’usage sérieux de la marque pour chacun de ces produits ou services de manière individuelle. En effet, il convient de préciser que, s’il n’est pas exigé du titulaire de la marque contestée d’apporter la preuve de l’usage sérieux pour toutes les déclinaisons commerciales de services analogues, il ne peut pas davantage être exigé de la chambre de recours de fournir une motivation de manière individuelle, pour toutes les déclinaisons commerciales de services analogues (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 février 2018, MAGELLAN, T‑222/16, non publié, EU:T:2018:99, point 27 et jurisprudence citée).

46      Notamment, dans le cas d’espèce, il ne saurait être exigé que les services prestés par l’intervenante soient mentionnés sur les factures exactement dans les mêmes termes que ceux utilisés dans la classification des services visés par la marque contestée. Par ailleurs, le contenu et la description exacte d’un service de conseil, de soutien ou d’entretien d’un logiciel dépend dans une large mesure des besoins particuliers des clients, en l’occurrence des entreprises.

47      Il convient également de constater que l’obligation, pour la chambre de recours, d’effectuer l’examen de l’usage sérieux d’une marque pour chaque service concerné séparément ne ressort pas des références jurisprudentielles mentionnées par la requérante au point 16 de la requête [arrêts du 27 mars 2014, Intesa Sanpaolo/OHMI – equinet Bank (EQUITER), T‑47/12, EU:T:2014:159, point 27 ; du 8 mai 2017, Les Éclaires/EUIPO – L’éclaireur International (L’ECLAIREUR), T‑680/15, non publié, EU:T:2017:320, point 31 ; du 17 novembre 2017, Endoceutics/EUIPO – Merck (FEMIBION), T‑802/16, non publié, EU:T:2017:818, point 19, et du 17 janvier 2018, Représentation d’une croix sur le côté d’une chaussure de sport, T‑68/16, EU:T:2018:7, point 27].

48      Plus particulièrement, aux points 27 à 30 de l’arrêt du 27 mars 2014, EQUITER (T‑47/12, EU:T:2014:159), le Tribunal a constaté un défaut de motivation tenant au fait que la chambre de recours avait conclu que l’usage sérieux avait été démontré pour des services qui pourtant ne figuraient pas en tant que tels parmi les services pour lesquels la marque antérieure avait été enregistrée et que l’EUIPO n’avait pu donner aucune indication d’une possible correspondance entre ceux-ci. Cependant, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la chambre de recours a exposé le raisonnement qui l’a conduite à associer les preuves de l’usage mentionnées dans la décision attaquée à la marque contestée, ainsi que la valeur accordée auxdites preuves qui lui ont permis de parvenir à la conclusion selon laquelle la preuve de l’usage sérieux avait été rapportée pour les services relevant de la classe 42 pour lesquels la marque contestée a été enregistrée.

49      La requérante fait également remarquer que, si la chambre de recours mentionne, au point 46 de la décision attaquée, les services de mise à jour et de gestion de données, la prestation de ces services ne ressort cependant pas des factures qui ont été prises en compte. La chambre de recours n’aurait donc effectué aucun examen de l’usage sérieux de la marque pour ces services. À cet égard, il convient de préciser que la chambre de recours a constaté que les services de conseil, de soutien et d’entretien sont, en partie, expressément mentionnés dans les factures. En outre, il convient de considérer que les services de mise à jour font partie de la maintenance des logiciels ainsi que, dans une certaine mesure, de la création des programmes. Quant à la gestion des données, celle-ci doit être considérée comme étant inhérente au logiciel offrant aux clients « différents modules pour analyser, vérifier et conserver ses données » (voir point 46 de la décision attaquée).

50      De même, contrairement à ce qu’avance la requérante, les « conseils en matériel informatique » pour lesquels la marque contestée a été enregistrée font bien partie des services de conseil tels qu’évoqués par la chambre de recours. La requérante semble soutenir à cet égard que le service « conseils en matériel informatique et logiciels » relevant de la classe 42 visé par la marque contestée devrait être divisé en au moins deux sous-catégories. Pourtant, celle-ci n’explique pas comment et pourquoi les « conseils en matériel informatique » et les « conseils en logiciels » seraient susceptibles d’être envisagés de manière autonome.

51      Au vu de tout ce qui précède, il convient de juger que la chambre de recours a fondé son analyse sur l’ensemble des documents mis à sa disposition et s’est livrée à une appréciation globale des éléments de preuve, telle que requise par la jurisprudence. Ainsi, les points 37 à 48 de la décision attaquée font apparaître sommairement, mais clairement, les motifs et les circonstances factuelles que la chambre de recours a retenus pour justifier sa décision. En ayant procédé de cette façon, elle n’était pas tenue d’expliquer la valeur probante de chaque élément du faisceau d’indices sur lequel elle a fondé ladite décision, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 30 et 31 ci-dessus. En outre, il ressort de l’analyse des autres griefs soulevés par la requérante que cette motivation a permis à la requérante de comprendre la décision attaquée et d’introduire un recours contestant son bien-fondé et que le Tribunal a également pu exercer son contrôle. Dès lors, la décision attaquée ne souffre pas d’un défaut de motivation.

 Sur l’appréciation par la chambre de recours du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée pendant la période pertinente

52      La requérante remet en cause l’appréciation faite par la chambre de recours des éléments de preuve soumis par l’intervenante et conteste, en substance, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle un usage sérieux de la marque contestée a été démontré.

53      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

54      La demande de déchéance de la marque contestée ayant été déposée le 7 janvier 2016, la période pertinente, à savoir la période de cinq années visée à l’article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 s’étend, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée, du 7 janvier 2011 au 6 janvier 2016 inclus.

55      Aux fins de l’examen du caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, la chambre de recours a notamment pris en compte les éléments de preuve suivants produits par l’intervenante :

–        déclaration sous serment du gérant de l’intervenante du 16 juin 2016 (ci-après la « déclaration sous serment du 16 juin 2016 ») ;

–        factures émises au cours de la période pertinente ainsi que postérieurement à celle-ci ;

–        brochures ;

–        devis de projet.

56      Il y a donc lieu de procéder à l’examen de ces éléments de preuve au regard de l’importance et de la période de l’usage, de même que de la forme sous laquelle la marque contestée a été utilisée.

 Sur l’importance de l’usage

57      La requérante conteste le caractère suffisant de l’importance de l’usage. La chambre de recours se serait fondée sur des chiffres d’affaires totaux trop importants, qu’elle n’aurait, de surcroît, pas mis en relation avec le marché global. En outre, l’importance trop réduite du chiffre d’affaires n’aurait pas non plus été compensée par la fréquence et la durée de l’usage.

58      Selon la requérante, le chiffre d’affaires indiqué sur la déclaration sous serment du 16 juin 2016 et qui aurait été retenu par la chambre de recours ne ressort pas des preuves de l’usage. La majeure partie de ce chiffre d’affaires aurait été générée par les logiciels ne faisant pas partie des services relevant de la classe 42 et par la concession de licences pour ces logiciels. De plus, le chiffre d’affaires allégué refléterait également la vente des produits relevant des classes 16 et 35 et concernerait une période dépassant de près de 1,5 an la période pertinente.

59      Ainsi que le rappelle l’EUIPO, les factures présentées à la division d’annulation portent sur les montants suivants : 18 802 euros (RG 16TM002 du 12 février 2016), 2 582,30 euros (RG 15JV008 du 1er juillet 2015), 2 582,30 euros (RG 15JV016 du 2 novembre 2015), 25 606,42 euros (RG 13FL 003 du 21 février 2013), 5 121,28 euros (RG 14FL 004 du 14 mars 2014), 5 377,35 euros (RG 15FL 004 du 14 mars 2015), 1 735,73 euros (RG 13KF013 du 1er août 2013), 20 330,91 euros (RG 14KF024 du 21 novembre 2014), 13 800,43 euros (RG 15KF024 du 2 décembre 2015), 94 010 euros (RG 15TM001 du 2 mars 2015), et les factures présentées, pour la première fois devant la chambre de recours portent sur les montants suivants : 15 980,58 euros (RG 15JV001 du 2 février 2015) et 6 547,98 euros (RG 15JV002 du 2 mars 2015).

60      L’EUIPO précise à cet égard que, si ces factures ont principalement pour objet la concession de licences pour le logiciel businessNavi, elles englobent également régulièrement les services concernés relevant de la classe 42.

61      Ce fait a également été pris en compte par la chambre de recours qui a relevé, au point 47 de la décision attaquée, que le « fait que chaque facture ne mentionne pas expressément des services de conseil, de maintenance ou d’entretien est dénué de pertinence. Les pièces produites font apparaître que la mise en œuvre des solutions logicielles proposées rend nécessaires de nombreux services de conseil et de maintenance. Dès lors, s’agissant de chaque contrat de licence établie, il convient de partir du principe que la titulaire de la marque a fourni à ses clients, outre les licences, des services informatiques autonomes supplémentaires (y compris des conseils ainsi que la maintenance et l’entretien du logiciel) » (voir point 32 ci-dessus).

62      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a fondé sa décision sur les factures (mentionnées au point 59 ci-dessus) et les brochures qui, selon elle, confirment la déclaration sous serment du 16 juin 2016. Il convient d’en déduire également que la chambre de recours a pu valablement estimer qu’elle disposait de suffisamment d’éléments pour apprécier l’usage de la marque contestée sans qu’il soit nécessaire de prendre en considération d’autres éléments, tels que les pratiques qui, selon la requérante, seraient usuelles sur le marché concerné.

63      À cet égard, il y a lieu de noter que les montants facturés pour la concession des licences, d’une part, et pour les services de mise en œuvre y afférents, d’autre part, ne sont pas indiqués sur les factures de manière séparée de sorte qu’il est impossible de déterminer un chiffre d’affaires généré par la seule prestation des services. En outre, la facture RG 15TM001, du 2 mars 2015, pour un montant de 94 010 euros, identifiée spécifiquement par la chambre de recours, mentionne la concession de licences et non les différents services liés à celle-ci.

64      Toutefois, il convient de considérer que la vente de la concession elle-même est déjà assortie d’un service de support et de conseil dans le cadre de son installation, ainsi que de la maintenance dans le cadre de son usage, sans que cela soit obligatoirement mentionné de manière expresse sur la facture. Cela ressort également des brochures de présentation du logiciel. En outre, il ressort de l’ensemble des factures que les concessions, dans la majorité des cas, ont été assorties de « services de conseil, de soutien et d’entretien ».

65      À cet égard, il y a lieu d’observer que, aux points 43 et 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la déclaration sous serment du 16 juin 2016 indiquait un chiffre d’affaires global de 250 000 euros et qu’elle a considéré que les factures et brochures corroboraient les indications relatives à l’usage de la marque contestée figurant dans ladite déclaration pour les services visés par la marque contestée relevant de la classe 42.

66      Par ailleurs, il convient de relever que le chiffre d’affaires de 379 897,44 euros évoqué au point 4 de la décision attaquée, dans le rappel des observations et des preuves de l’usage communiquées par le titulaire de la marque contestée à la division d’annulation, est erroné dans la mesure où il correspond, ainsi que le soutient à juste titre la requérante, exactement au double du chiffre d’affaires prouvé par les factures présentées par l’intervenante.

67      Cependant, il ne ressort pas des motifs de la décision attaquée en ce qui concerne la nature et l’importance de l’usage de la marque contestée que la chambre de recours ait pris en compte deux fois les mêmes factures, ainsi que cela ressort d’ailleurs du point 47 de la décision attaquée dans lequel la chambre de recours se réfère à la facture RG 15TM001, du 2 mars 2015, qui porte « à elle seule, sur un montant de 94 000 euros ». De même, il ne ressort pas des points 41 à 48 de la décision attaquée que la chambre de recours ait fondé la décision attaquée sur un chiffre d’affaires de 379 897,44 euros. Au point 43 de la décision attaquée, elle évoque tout au plus un chiffre d’affaires global de 250 000 euros en se référant à la déclaration sous serment du 16 juin 2016. Il ressort en effet des points 46 et 47 de la décision attaquée que la chambre de recours a fondé la décision attaquée sur un ensemble d’éléments, tels que la complexité des services informatiques concernés par la marque contestée, la période couverte par les factures ou encore le montant élevé de certaines d’entre elles, qui, pris ensemble, démontrent une réelle exploitation commerciale de ladite marque.

68      En tout état de cause, alors que la requérante se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle seules les factures RG 15JV001, du 2 février 2015, et RG 15JV002, du 2 mars 2015, auraient une valeur probante, il convient de constater que l’ensemble des factures, prises avec les brochures, démontre davantage qu’un faible chiffre d’affaires.

69      Dès lors, l’argument tiré de l’erreur tenant à la prise en compte d’un chiffre d’affaires global erroné n’est pas fondé.

 Sur la période de l’usage

70      La requérante soutient que la décision attaquée se fonde principalement sur des documents qui n’ont pas de lien avec la période pertinente, à savoir un devis de projet daté du 11 mars 2016, ou bien la déclaration sous serment du 16 juin 2016. Quant aux brochures relatives aux logiciels, celles-ci ne seraient pas datées. Toutefois, il y a lieu de rejeter ces arguments.

71      Il convient de rappeler que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage au cours de la période pertinente peut, le cas échéant, tenir compte d’éventuelles circonstances postérieures à ladite période. De telles circonstances peuvent permettre de confirmer ou de mieux apprécier la portée de l’utilisation de la marque au cours de la période pertinente ainsi que les intentions réelles du titulaire au cours de la même période [voir arrêt du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, non publié, EU:T:2011:173, point 32 et jurisprudence citée].

72      De même, les documents non datés peuvent, dans certains cas, être retenus pour établir l’usage de la marque contestée pour autant qu’ils permettent de confirmer des faits qui se déduiraient d’autres éléments de preuve [voir arrêt du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (Battistino), T‑220/18, non publié, EU:T:2019:383, point 66 et jurisprudence citée]. Par ailleurs, la règle 22 du règlement no 2868/95 n’indique nullement, contrairement à l’approche suivie par la requérante, que chaque élément de preuve doit nécessairement contenir des informations sur chacun des quatre éléments sur lesquels doit porter la preuve de l’usage sérieux, à savoir le lieu, la durée, la nature et l’importance de l’usage [voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Savant Systems/EUIPO – Savant Group (SAVANT), T‑110/16, non publié, EU:T:2017:521, point 42].

73      Premièrement, les factures mentionnées au point 59 ci-dessus ont été émises pendant la période pertinente, à l’exception de la facture RG 16TM002 du 12 février 2016, laquelle permet toutefois de confirmer la portée de l’utilisation de la marque contestée au cours de la période pertinente, ainsi que l’a constaté la chambre de recours.

74      Deuxièmement, la déclaration sous serment du 16 juin 2016 concerne bien la période pertinente, puisque le gérant de l’intervenante mentionne l’usage de la marque contestée depuis 2010. Troisièmement, même s’il n’y a pas lieu de tenir compte du devis de projet du 11 mars 2016 dans la mesure où il a été établi deux mois après la période pertinente, il y a lieu de considérer que les brochures non datées mentionnées par la requérante peuvent être prises en compte dans le cadre de l’analyse globale des preuves d’usage, ensemble avec les factures qui, elles, sont datées.

75      Il convient de rappeler à cet égard que, selon la jurisprudence, un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même qu’aucun de ces éléments, pris isolément, ne serait de nature à établir l’exactitude de ces faits [arrêt du 30 septembre 2014, Scooters India/OHMI – Brandconcern (LAMBRETTA), T‑132/12, non publié, EU:T:2014:843, point 25].

 Sur la forme de la marque ayant fait l’objet d’un usage sérieux

76      La requérante fait valoir que la majeure partie des preuves de l’usage produites ne montre que l’élement verbal « businessnavi » et non la marque figurative contestée. Or, seule la forme figurative de la marque contestée confèrerait à cette dernière le caractère distinctif nécessaire. En outre, tous les services autres que la concession de licences de logiciels auraient été fournis sous la marque « ombrelle » reproduite ci-après :

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77      Selon l’article 15, paragraphe 1, sous a) du règlement no 207/2009 [devenu article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], la preuve de l’usage sérieux d’une marque de l’Union européenne comprend également la preuve de l’utilisation de celle-ci sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée. Le caractère distinctif d’une marque au sens du règlement no 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit ou ce service de ceux d’autres entreprises. À cet égard, selon la jurisprudence, si les différences entre le signe tel qu’il est utilisé et le signe tel qu’il a été enregistré ne sont que des éléments négligeables, une conformité stricte n’est pas nécessaire ; il suffit que la forme sous laquelle les signes sont utilisés soit globalement équivalente [voir arrêt du 5 mars 2019, Meblo Trade/EUIPO – Meblo Int (MEBLO), T‑263/18, non publié, EU:T:2019:134, point 54 et jurisprudence citée].

78      L’objet de cette disposition, qui évite d’imposer une conformité stricte entre la forme utilisée de la marque et celle sous laquelle la marque a été enregistrée, est de permettre au titulaire de cette dernière d’apporter au signe, à l’occasion de son exploitation commerciale, les variations qui, sans en modifier le caractère distinctif, permettent de mieux l’adapter aux exigences de commercialisation et de promotion des produits ou des services concernés. Conformément à son objet, le champ d’application matériel de cette disposition doit être considéré comme limité aux situations dans lesquelles le signe concrètement utilisé par le titulaire d’une marque pour désigner les produits ou les services pour lesquels celle-ci a été enregistrée constitue la forme sous laquelle cette même marque est commercialement exploitée. Dans de pareilles situations, lorsque le signe utilisé dans le commerce diffère de la forme sous laquelle celui-ci a été enregistré uniquement par des éléments négligeables, de sorte que les deux signes peuvent être considérés comme globalement équivalents, la disposition susvisée prévoit que l’obligation d’usage de la marque enregistrée peut être remplie en rapportant la preuve de l’usage du signe qui en constitue la forme utilisée dans le commerce [arrêt du 23 octobre 2017, Galletas Gullón/EUIPO – O2 Holdings (Forme d’un paquet de biscuits), T‑404/16, non publié, EU:T:2017:745, point 27].

79      En l’espèce, les documents présentés font apparaître la marque contestée telle qu’enregistrée, ainsi que sa forme simplifiée constituée uniquement de l’élément verbal « businessnavi », l’usage de cette dernière étant plus fréquent.

80      Au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la variante simplifiée mentionnée au point 76 ci-dessus était une forme de l’usage qui ne différait de la marque telle qu’enregistrée que par des éléments mineurs. Selon elle, la pointe de la flèche grise dans le coin supérieur droit et la représentation légèrement stylisée des lettres est ressentie comme banale par le public pertinent et l’omission de la pointe de la flèche et de la stylisation ne change rien à l’impression globale produite par la marque contestée, qui est caractérisée par l’élément verbal « businessnavi ». La chambre de recours en a conclu que les deux signes pouvaient donc être considérés comme globalement équivalents, si bien que les preuves de l’usage correspondantes pouvaient être considérées comme une preuve de la marque contestée sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée.

81      La requérante soutient que le signe constitué du seul élément verbal « businessnavi » est perçu, du moins en Allemagne, comme étant descriptif des services relevant de la classe 42 visés par la marque contestée. Il serait évident pour le public professionnel ciblé, ayant un degré d’attention généralement plus élevé, que ledit signe puisse désigner des services d’orientation, de conseil et d’assistance dans le domaine des entreprises, s’il est mis en relation avec les services revendiqués dans la classe 42.

82      À cet égard, il convient de préciser que les services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée relevant de la classe 42 sont des services informatiques et non des services généraux dans le domaine des entreprises.

83      En outre, il convient de constater que l’élément dominant de la marque contestée est effectivement l’élément verbal « businessnavi », qui, par ailleurs, contient la lettre majuscule « N » et donc un élément de style, présent également dans l’élément figuratif qui compose ladite marque. L’usage de la marque contestée sous cette forme, composée uniquement de l’élément verbal « businessnavi », devrait être considéré comme étant globalement équivalent à l’usage de la forme figurative de la marque contestée telle qu’enregistrée.

84      Selon la jurisprudence, le fait que la marque enregistrée soit parfois utilisée avec des éléments additionnels et parfois sans de tels éléments peut constituer l’un des critères permettant de conclure à l’absence d’altération du caractère distinctif [voir arrêt du 10 juin 2010, Atlas Transport/OHMI – Hartmann (ATLAS TRANSPORT), T‑482/08, non publié, EU:T:2010:229, point 36 et jurisprudence citée].

85      En ce qui concerne l’utilisation de l’élément figuratif « accelerate », il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il n’existe aucune règle en matière de marque de l’Union européenne obligeant à prouver l’usage de la marque contestée isolée, indépendamment de toute autre marque ou signe. Dès lors, il est possible que deux ou plusieurs marques fassent l’objet d’un usage conjoint et autonome avec ou sans le nom de la société du fabricant [voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2018, LA Superquimica/EUIPO – D-Tack (D-TACK), T‑24/17, non publié, EU:T:2018:668, point 40 et jurisprudence citée].

86      En l’espèce, l’élément figuratif « accelerate », qui correspond à la raison sociale de l’intervenante, a été utilisé dans l’en-tête de plusieurs documents. Son utilisation ne devrait pas affecter la démonstration de l’usage sérieux de la marque contestée. En effet, l’emploi conjoint du nom de la société ou d’une marque avec la marque contestée ne saurait, par lui-même, porter atteinte à la fonction d’identification remplie par la marque à l’égard des services en cause (voir, par analogie, arrêt du 10 octobre 2018, D-TACK, T‑24/17, non publié, EU:T:2018:668, point 40 et jurisprudence citée).

87      Au vu de ce qui précède, le présent moyen, et, par suite, le recours dans son entièreté, doit être rejeté.

 Sur les dépens

88      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens.

89      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Sta*Ware EDV Beratung GmbH est condamnée aux dépens.

Schalin

Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.