Language of document : ECLI:EU:T:2009:142

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

6 mai 2009 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché des tubes industriels en cuivre – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Fixation des prix et répartition des marchés – Amendes – Impact concret sur le marché – Taille du marché concerné – Durée de l’infraction – Circonstances atténuantes – Coopération »

Dans l’affaire T‑127/04,

KME Germany AG, anciennement KM Europa Metal AG, établie à Osnabruck (Allemagne),

KME France SAS, anciennement Tréfimétaux SA, établie à Courbevoie (France),

KME Italy SpA, anciennement Europa Metalli SpA, établie à Florence (Italie),

représentées par Mes M. Siragusa, A. Winckler, G. C. Rizza, T. Graf et M. Piergiovanni, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. É. Gippini Fournier, en qualité d’agent, assisté de M. C. Thomas, solicitor,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation ou de réduction du montant des amendes infligées aux requérantes en vertu de l’article 2, sous c), d) et e), de la décision C (2003) 4820 final de la Commission, du 16 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-1/38.240 – Tubes industriels), et, d’autre part, une demande reconventionnelle de la Commission tendant à l’augmentation du montant desdites amendes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (huitième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Papasavvas et N. Wahl (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 27 février 2008,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        KME Germany AG (anciennement KM Europa Metal AG), KME France SAS (anciennement Tréfimétaux SA) et KME Italy SpA (anciennement Europa Metalli SpA) font partie d’un groupe industriel européen coté en Bourse et présent dans le monde entier. Ce groupe est un des plus grands producteurs au monde de produits semi-finis en cuivre et en alliages de cuivre. Jusqu’en juin 1995, KME France et KME Italy constituaient conjointement une entreprise distincte de KME Germany. Ce n’est qu’après cette date que KME Germany, KME Italy et KME France ont constitué un seul et même groupe (KME Germany, KME Italy et KME France sont indistinctement dénommées ci-après les « requérantes » ou le « groupe KME »).

2        À la suite de la communication d’informations par Mueller Industries Inc., la Commission a procédé à des vérifications inopinées, en mars 2001, dans les locaux des sociétés Outokumpu Oyj et Luvata Oy (anciennement Outokumpu Copper Products Oy) (ci-après, prises ensemble, « Outokumpu »), de Wieland-Werke AG (ci-après « Wieland ») et des requérantes, en vertu de l’article 14 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204).

3        Le 9 avril 2001, Outokumpu a soumis à la Commission une offre de coopération au titre de la communication de la Commission concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 1996, C 207, p. 4, ci-après la « communication de 1996 sur la coopération »). Elle a déposé un mémorandum à ce sujet le 30 mai 2001.

4        En réponse à une demande de renseignements au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 17 adressée en juillet 2002 par la Commission au groupe KME et à Wieland, cette dernière a sollicité, le 30 septembre 2002, le bénéfice de l’application de la communication de 1996 sur la coopération.

5        Faisant suite à la même demande de renseignements, le groupe KME a sollicité pour son propre compte le bénéfice de l’application de ladite communication le 15 octobre 2002.

6        Après avoir mené une enquête, comprenant des vérifications complémentaires dans les locaux d’Outokumpu et du groupe KME, participé à des réunions avec des représentants d’Outokumpu, du groupe KME et de Wieland ainsi que, en vertu de l’article 11 du règlement n° 17, adressé des demandes de renseignements complémentaires au groupe KME et à Wieland, la Commission a engagé en juillet 2003 une procédure d’infraction et a adopté une communication des griefs adressée aux requérantes, à Wieland et à Outokumpu. Les entreprises destinataires ayant renoncé à la tenue d’une audition, celle-ci n’a pas été organisée.

7        Le 16 décembre 2003, la Commission a adopté la décision C (2003) 4820 final, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E‑1/38.240 – Tubes industriels) (ci-après la « décision attaquée »), dont un résumé est publié au Journal officiel de l’Union européenne du 28 avril 2004 (JO L 125, p. 50).

8        Il ressort de la décision attaquée que, vers la fin des années 80, les producteurs organisés au sein de l’association pour la qualité des tubes utilisés dans le secteur de l’air conditionné et de la réfrigération (Cuproclima Quality Association, ci-après « Cuproclima »), parmi lesquels figuraient les requérantes, ont étendu leur coopération aux questions de concurrence.

9        Les réunions que Cuproclima tenait deux fois par an auraient constitué une occasion régulière de discuter et de fixer les prix ainsi que d’autres conditions commerciales applicables aux tubes industriels, une fois épuisé leur ordre du jour officiel. Des contacts bilatéraux entre les entreprises concernées auraient complété ces réunions contraires aux règles de concurrence. Les entreprises concernées auraient fixé des objectifs de prix ainsi que d’autres conditions commerciales pour les tubes industriels, elles auraient coordonné des augmentations de prix, se seraient partagé les clients et les parts de marché et auraient surveillé la mise en œuvre de leurs arrangements anticoncurrentiels, d’une part, en désignant des chefs de file pour les marchés et, d’autre part, en échangeant des informations confidentielles.

10      La décision attaquée comprend notamment les dispositions suivantes :

« Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint les dispositions de l’article 81, paragraphe 1, [CE] et, à compter du 1er janvier 1994, de l’article 53, paragraphe 1, de l’accord EEE, en participant, pour les périodes indiquées, à un ensemble d’accords et de pratiques concertées consistant à fixer les prix et à se répartir les marchés dans le secteur des tubes industriels :

a)      [Wieland] du 3 mai 1988 au 22 mars 2001 ;

b)      Outokumpu […], à titre individuel du 3 mai 1988 au 30 décembre 1988, et solidairement avec [Luvata] du 31 décembre 1988 au 22 mars 2001 ;

c)      [Luvata], du 31 décembre 1988 au 22 mars 2001 (solidairement avec Outokumpu […]) ;

d)      [KME Germany], à titre individuel du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec [KME France] et [KME Italy] du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

e)      [KME Italy], solidairement avec [KME France] du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec [KME Germany] et [KME France] du 20 juin 1995 au 22 mars 2001 ;

f)      [KME France], solidairement avec [KME Italy] du 3 mai 1988 au 19 juin 1995, et solidairement avec [KME Germany] et [KME Italy] du 20 juin 1995 au 22 mars 2001.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour les infractions visées à l’article 1er :

a)      [Wieland] : 20,79 millions d’euros ;

b)      Outokumpu […] et [Luvata], solidairement : 18,13 millions d’euros ;

c)      [KME Germany], [KME France] et [KME Italy], solidairement : 18,99 millions d’euros ;

d)      [KME Germany] : 10,41 millions d’euros ;

e)      [KME Italy] et [KME France] solidairement : 10,41 millions d’euros. »

11      S’agissant, en premier lieu, de la fixation du montant de départ de l’amende, la Commission a considéré que l’infraction, qui consistait essentiellement à fixer les prix et à répartir les marchés, était, par sa nature même, une infraction très grave (considérant 294 de la décision attaquée).

12      En vue de déterminer la gravité de l’infraction, la Commission a également pris en compte le fait que le cartel avait affecté la totalité du territoire de l’Espace économique européen (EEE) (considérant 316 de la décision attaquée). La Commission a en outre examiné les effets réels de l’infraction et a constaté que l’entente avait, « globalement, produit des effets sur le marché » (considérant 314 de la décision attaquée).

13      Aux fins de cette dernière constatation, elle s’est fondée notamment sur les indices suivants. Premièrement, elle a eu égard à la mise en œuvre de l’entente en se référant au fait que les participants s’étaient communiqué les volumes de vente et les niveaux de prix (considérant 300 de la décision attaquée). Deuxièmement, des éléments du dossier auraient montré que les prix avaient baissé en période de faible respect de l’accord collusif et augmenté fortement pendant d’autres périodes (considérant 310 de la décision attaquée). Troisièmement, la Commission s’est réfèrée à la part de marché collective de 75 à 85 % détenue par les membres de l’entente (considérant 310 de la décision attaquée). Quatrièmement, la Commission a constaté que les parts de marché respectives des participants à l’entente étaient restées relativement stables pendant toute la durée de l’infraction, même si les clients des participants avaient parfois changé (considérant 312 de la décision attaquée).

14      Enfin, toujours dans le cadre de la détermination de la gravité de l’infraction, la Commission a pris en compte le fait que le marché des tubes industriels en cuivre constituait un secteur important, dont la valeur a été estimée à 288 millions d’euros dans l’EEE (considérant 318 de la décision attaquée).

15      Eu égard à toutes ces circonstances, la Commission a conclu que l’infraction en cause devait être considérée comme très grave (considérant 320 de la décision attaquée).

16      En deuxième lieu, la Commission a procédé à un traitement différencié des entreprises concernées, en vue de tenir compte de la capacité économique effective de chacune à causer un préjudice important à la concurrence. À cet égard, la Commission a relevé l’existence d’une différence entre les parts de marché détenues sur le marché des tubes industriels dans l’EEE, d’une part, par le groupe KME, leader sur le marché dans l’EEE avec [confidentiel] (1) de parts de marché et, d’autre part, Outokumpu et Wieland détenant respectivement [confidentiel] et 13,4 % de parts de marché. Eu égard à cette différence, le montant de départ de l’amende infligée à Outokumpu et à Wieland a été fixé à 33 % de celui infligé au groupe KME, soit 11,55 millions d’euros pour Outokumpu et pour Wieland et 35 millions d’euros pour le groupe KME (considérants 327 et 328 de la décision attaquée).

17      Étant donné que la création du groupe KME était intervenue en 1995, la Commission a divisé le montant de départ de l’amende infligée au groupe, soit 35 millions d’euros, en deux parties. La première pour la période allant de 1988 à 1995 (en distinguant KME Germany de KME France et KME Italy) et la seconde pour la période allant de 1995 à 2001 (en considérant les trois entités comme formant un groupe). Ledit montant de départ a, dès lors, été réparti comme suit: 8,75 millions d’euros pour KME Germany (1988 à 1995) ; 8,75 millions solidairement pour KME Italy et KME France (1988 à 1995) et 17,50 millions d’euros pour le groupe KME, c’est-à-dire solidairement pour KME Germany, KME France et KME Italy (1995 à 2001) (considérant 329 de la décision attaquée).

18      En troisième lieu, afin de tenir compte de la nécessité de fixer l’amende à un niveau lui assurant un effet dissuasif, la Commission a majoré le montant de départ de l’amende infligée à Outokumpu de 50 %, le portant ainsi à 17,33 millions d’euros, en considérant que le chiffre d’affaires mondial de celle-ci, supérieur à 5 milliards d’euros, indiquait qu’elle disposait d’une taille et d’une puissance économique autorisant ladite majoration (considérant 334 de la décision attaquée).

19      En quatrième lieu, la Commission a qualifié la durée de l’infraction, qui s’est déroulée du 3 mai 1988 au 22 mars 2001, de « longue ». La Commission a dès lors jugé approprié de majorer de 10 % par année de participation au cartel le montant de départ des amendes infligées aux entreprises concernées. Partant, la Commission a majoré de 55 % le montant de départ de l’amende infligée au groupe KME pour la période allant de 1995 à 2001, et de 70 % le montant de départ des amendes infligées à KME Germany, d’une part ainsi qu’à KME Italy et à KME France, d’autre part, pour la période allant de 1988 à 1995. Le montant de base des amendes a par conséquent été fixé à 56,88 millions d’euros pour l’ensemble du groupe KME (considérants 338, 342 et 347 de la décision attaquée).

20      En cinquième lieu, au titre des circonstances aggravantes, le montant de base de l’amende infligée à Outokumpu a été majoré de 50 % au motif qu’elle s’était rendue coupable de récidive, puisqu’elle avait été destinataire de la décision 90/417/CECA de la Commission, du 18 juillet 1990, relative à une procédure au titre de l’article 65 [CA] concernant l’accord et les pratiques concertées des producteurs européens de produits plats en acier inoxydable laminés à froid (JO L 220, p. 28) (considérant 354 de la décision attaquée).

21      En sixième lieu, au titre des circonstances atténuantes, la Commission a relevé que, sans la coopération d’Outokumpu, elle n’aurait pu établir l’existence du comportement infractionnel que pour une période de quatre ans, et a par conséquent réduit le montant de base de son amende de 22,22 millions d’euros, de façon que ledit montant corresponde à l’amende qui lui aurait été infligée pour une telle période (considérant 386 de la décision attaquée).

22      En septième et dernier lieu, la Commission a procédé, en vertu du titre D de la communication de 1996 sur la coopération, à une réduction du montant des amendes de 50 % pour Outokumpu, de 20 % pour Wieland et de 30 % pour le groupe KME (considérants 402, 408 et 423 de la décision attaquée).

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er avril 2004, les requérantes ont introduit le présent recours.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Dans sa duplique, la Commission a demandé que le montant de l’amende infligée aux requérantes soit majoré au motif que celles-ci remettaient en cause, dans la réplique, certains faits non contestés lors de la procédure administrative. Le Tribunal a invité les requérantes à déposer leurs observations sur cette demande reconventionnelle, ce qu’elles ont fait dans le délai imparti.

26      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (huitième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites auxquelles elles ont répondu dans le délai imparti.

27      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 27 février 2008. À cette occasion, les requérantes ont utilisé, au soutien d’un de leurs moyens, des documents contenant, notamment, des statistiques et des graphiques relatifs à l’évolution du prix des tubes industriels, d’une part, et du prix du cuivre, d’autre part. La Commission s’est opposée à l’utilisation de ces documents en affirmant qu’elle n’avait pas eu la possibilité de vérifier l’authenticité des informations y figurant et que lesdites informations concernaient, en tout état de cause, une période autre que celle relative aux faits litigieux.

28      Les documents déposés par les requérantes au cours de l’audience n’ont pas été versés au dossier.

29      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        réduire substantiellement l’amende infligée au groupe KME ;

–        condamner la Commission aux dépens ;

–        condamner la Commission aux coûts exposés par elles pour fournir une garantie bancaire au lieu du paiement de l’amende, dans l’attente de l’arrêt du Tribunal ;

–        prendre toutes autres mesures que le Tribunal pourrait considérer comme appropriées.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens ;

–        augmenter le montant de l’amende infligée aux requérantes.

 En droit

31      À l’appui du présent recours, les requérantes invoquent cinq moyens, ayant tous trait à la fixation du montant de l’amende qui leur a été infligée. Ils sont tirés, respectivement, d’une prise en compte inadéquate de l’impact concret du cartel pour le calcul du montant de départ de l’amende, d’une évaluation inadéquate de la taille du marché pertinent, d’une augmentation erronée de l’amende en raison de la durée de l’infraction, de l’absence de prise en compte de circonstances atténuantes et d’une application erronée de la communication de 1996 sur la coopération.

32      À titre liminaire, il importe de rappeler, d’une part, qu’il ressort des considérants 290 à 387 de la décision attaquée que les amendes infligées par la Commission du fait de l’infraction l’ont été en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et, d’autre part, que, quand bien même la Commission ne se réfère pas explicitement, dans la décision attaquée, aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices »), il est constant qu’elle a déterminé le montant des amendes en application de la méthodologie définie dans celles-ci.

33      Les lignes directrices, bien qu’elles ne puissent être qualifiées de règle de droit, énoncent une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont la Commission ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (voir arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 91, et la jurisprudence citée).

34      Il appartient donc au Tribunal de vérifier, dans le cadre du contrôle de la légalité des amendes infligées par la décision attaquée, si la Commission a exercé son pouvoir d’appréciation selon la méthode exposée dans les lignes directrices et, dans la mesure où il devrait constater qu’elle s’en est départie, de vérifier si cet écart est justifié et motivé à suffisance de droit. À cet égard, il importe de relever que la Cour a confirmé la validité, d’une part, du principe même des lignes directrices et, d’autre part, de la méthode qui y est indiquée (arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, points 252 à 255, 266 à 267, 312 et 313).

35      L’autolimitation du pouvoir d’appréciation de la Commission résultant de l’adoption des lignes directrices n’est en effet pas incompatible avec le maintien d’une marge d’appréciation substantielle pour la Commission. Les lignes directrices contiennent différents éléments de flexibilité qui permettent à la Commission d’exercer son pouvoir discrétionnaire en conformité avec les dispositions du règlement n° 17, telles qu’interprétées par la Cour (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 34 supra, point 267).

36      Partant, dans les domaines où la Commission a conservé une marge d’appréciation, par exemple en ce qui concerne le taux de majoration au titre de la durée, le contrôle de légalité opéré sur ces appréciations se limite à celui de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, points 64 et 79).

37      La marge d’appréciation de la Commission et les limites qu’elle y a apportées ne préjugent par ailleurs pas, en principe, de l’exercice, par le juge communautaire, de sa compétence de pleine juridiction (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 538), qui l’habilite à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende infligée par la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 8 février 2007, Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, Rec. p. I‑1331, points 60 à 62 ; arrêt du Tribunal du 21 octobre 2003, General Motors Nederland et Opel Nederland/Commission, T‑368/00, Rec. p. II‑4491, point 181).

 Sur le premier moyen, tiré d’une prise en compte inadéquate de l’impact concret de l’entente

 Arguments des parties

38      Dans le cadre de leur premier moyen, les requérantes font valoir que la Commission avait, aux fins de la fixation du montant des amendes en l’espèce, l’obligation de tenir compte de l’impact concret de l’entente sur le marché. Selon elles, la décision attaquée est entachée d’une erreur, puisque la Commission aurait méconnu ladite obligation. Ce faisant, elle aurait également violé les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité ainsi que les lignes directrices. Par ailleurs, le raisonnement et la conclusion contenus dans la décision attaquée concernant l’impact concret de l’entente seraient erronés, non corroborés et d’un caractère contradictoire.

39      En outre, les requérantes soutiennent que, en l’espèce, la Commission était d’autant plus tenue d’établir de façon adéquate l’impact concret du cartel en raison de la motivation donnée par celle‑ci à l’imposition aux requérantes d’un montant de départ de l’amende trois fois plus élevé que ceux appliqués à Wieland et à Outokumpu. Les requérantes rappellent, en effet, que la justification fournie par la Commission pour expliquer cette différence de traitement est la nécessité de tenir compte du poids spécifique de chaque entreprise et, partant, de l’effet réel de leur comportement illicite sur la concurrence. Les requérantes estiment qu’il est manifeste que cette motivation repose sur la prémisse de l’existence d’un impact réel de l’entente. L’imposition d’amendes différentes selon l’effet du comportement individuel des sociétés impliquées n’aurait de sens que si l’infraction dans son ensemble avait eu un impact concret sur le marché.

40      Ainsi, la position de la Commission, selon laquelle la nature de l’entente aurait été suffisante pour justifier le montant de départ de l’amende imposée au groupe KME en raison de sa gravité, serait non fondée et ne pourrait être maintenue.

41      Les requérantes rappellent qu’elles ont présenté, en réponse à la communication des griefs, un rapport établi par une société de conseil (ci-après le « rapport initial »), qui démontrerait l’absence d’effet réel de l’infraction sur les prix. De plus, au cours de la présente procédure, les requérantes ont présenté deux autres rapports (ci-après le « premier rapport complémentaire » et le « second rapport complémentaire ») annexés, respectivement, à la requête et à la réplique. Ces deux rapports complémentaires ont été rédigés par deux des auteurs du rapport initial et confirmeraient les conclusions de ce dernier.

42      En renvoyant aux considérants 299, 300 et 314 de la décision attaquée, les requérantes soutiennent que l’approche de la Commission est contradictoire dans la mesure où il n’est pas logique pour la Commission d’affirmer, d’une part, qu’il était impossible de déterminer l’impact de l’entente sur les prix et, d’autre part, de conclure qu’elle avait effectivement eu un impact sur les prix.

43      Les requérantes affirment que, eu égard à la coïncidence entre les augmentations de prix et l’augmentation de la demande, observée par la Commission, celle-ci aurait dû effectuer une analyse empirique. En l’absence d’une étude économétrique adéquate, la Commission aurait dû conclure qu’il était impossible, a priori, de déterminer si les augmentations de prix étaient le résultat d’une coordination entre entreprises ou si elles étaient entièrement dues à l’augmentation de la demande.

44      Au demeurant, les requérantes prétendent que les affirmations avancées par la Commission à l’égard du rapport initial sont erronées. Elles font à cet égard principalement référence aux deux rapports complémentaires et affirment que l’analyse contenue dans le rapport initial aurait, à juste titre, indiqué que l’entente n’avait eu aucun impact concret sur les fluctuations de prix.

45      Enfin, les requérantes font valoir, en faisant référence aux arguments développés dans le cadre de leur quatrième moyen, que le dossier contient des exemples de non-respect des accords collusifs et qu’elles ont mis en œuvre l’entente d’une manière limitée.

46      Les requérantes concluent donc que le montant de départ de leur amende aurait dû être fixé à l’extrémité inférieure de l’échelle des amendes appropriées pour des infractions de cartel et aurait dû être inférieur au triple du montant de départ des amendes fixé pour Wieland et pour Outokumpu.

47      La Commission conclut au rejet du moyen.

48      Elle fait notamment valoir que les requérantes n’ont contesté ni dans leur réponse à la communication des griefs, ni dans leur requête trois des quatre aspects de l’incidence de l’infraction sur le marché constatés par la Commission, à savoir l’influence sur les offres de prix et de volume faites aux clients, la mise en œuvre des augmentations de prix convenues et la stabilisation des parts de marché.

49      La Commission souligne que ces trois aspects ont été contestés par les requérantes pour la première fois dans leur réplique, ce qui constituerait dès lors un nouveau moyen et serait par conséquent irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Elle fait également valoir que les faits susmentionnés ont été cités dans la communication des griefs parmi les éléments constitutifs de l’infraction. La Commission relève que, en accordant aux requérantes une réduction de 30 % du montant de l’amende, elle a notamment tenu compte du fait qu’elles n’avaient pas contesté lesdits faits au cours de la procédure administrative. Elle souligne qu’elle n’aurait pas accordé cette réduction si les requérantes les avaient contestés dans leur réponse à la communication des griefs. Par conséquent, la Commission demande au Tribunal d’augmenter le montant de l’amende infligée aux requérantes.

50      La Commission oppose également une fin de non-recevoir à l’encontre du second rapport complémentaire. Selon elle, ce rapport est irrecevable en vertu de l’article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure. En effet, à défaut de réfuter les critiques exposées par la Commission dans son mémoire en défense concernant les calculs antérieurs, les auteurs du second rapport complémentaire chercheraient à recourir à une série de nouveaux calculs destinés à remplacer ceux du premier rapport complémentaire. Selon la Commission, le second rapport complémentaire devrait aussi être écarté en vertu de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, au motif que, bien qu’étant une annexe, il contient des arguments qui répondent sur le fond à ceux présentés par la Commission dans son mémoire en défense.

 Appréciation du Tribunal

51      Il convient, à titre liminaire, de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la Commission ainsi que sur sa demande reconventionnelle.

52      Tout d’abord, en ce qui concerne la contestation de « trois des quatre aspects de l’incidence de l’entente », il convient de constater que les requérantes ont, dans leur requête, remis en cause la conclusion de la Commission selon laquelle l’infraction avait eu un impact concret et global sur le marché. Elles ont affirmé que l’entente n’avait eu aucun impact significatif sur les prix et ont soutenu que la stabilisation des parts de marché ainsi que la mise en application des augmentations de prix ne sauraient être pertinentes pour démontrer un impact réel de l’infraction.

53      Force est de constater que les requérantes ont développé cette argumentation dans leur réplique en répondant à l’affirmation, avancée par la Commission dans son mémoire en défense, selon laquelle la requête n’avait pas remis en cause trois des quatre aspects de l’incidence du cartel. Partant, la fin de non-recevoir soulevée par la Commission dans ce contexte est manifestement non fondée et sa demande reconventionnelle par conséquent irrecevable.

54      S’agissant de la question de savoir si le second rapport complémentaire constitue une offre de preuve recevable, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 48, paragraphe l, du règlement de procédure, les parties peuvent faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation dans la réplique et la duplique, mais doivent alors motiver le retard apporté à la présentation de celles-ci. Cependant, cette disposition concerne les offres de preuve nouvelles et doit être lue à la lumière de l’article 66, paragraphe 2, dudit règlement, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 72, et arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Commission/Trends, T‑448/04, non publié au Recueil, point 52).

55      En l’espèce, deux études économiques, à savoir le rapport initial et le premier rapport complémentaire, ont été jointes à la requête, afin d’appuyer l’affirmation des requérantes selon laquelle l’infraction n’a eu aucune incidence sur le marché. Dans son mémoire en défense, la Commission a avancé des arguments tendant à démontrer que la méthodologie ainsi que les toises utilisées dans le rapport initial et le premier rapport complémentaire étaient défectueuses et leur fiabilité incertaine et que, en tout état de cause, les résultats de ces rapports ne s’opposaient pas à la constatation d’une incidence de l’entente sur les prix.

56      Partant, le second rapport complémentaire, qui tend à réfuter les griefs susmentionnés de la Commission, ne saurait constituer une offre de preuve nouvelle, comme le prétend la Commission, mais correspond à l’ampliation de preuves, relatives à l’absence d’incidence de l’entente sur les prix, qui avaient déjà été produites par les requérantes au stade de la requête.

57      Quant au grief de la Commission selon lequel le second rapport complémentaire, bien qu’étant une annexe, contient des arguments qui répondent sur le fond à ceux présentés par elle dans son mémoire en défense, il importe de rappeler qu’il n’appartient certes pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission, T‑201/04, Rec. p. II‑3601, point 94, et la jurisprudence citée).

58      En l’espèce, les requérantes ont, dans leur réplique, rejeté, en partie comme inopérantes et en partie comme non fondées, les objections de la Commission à l’égard des deux rapports joints à la requête. Dans ce contexte, les requérantes ont allégué dans leur réplique que, même en prenant en compte les objections de nature méthodologique de la Commission, les résultats desdits rapports resteraient les mêmes, à savoir l’absence d’incidence de l’entente sur les prix. Elles ont également soutenu que l’interprétation de la Commission de certaines données contenues dans les deux rapports susmentionnés était, sur le plan statistique, fallacieuse.

59      Le Tribunal constate que le second rapport complémentaire ne contient pas de nouveaux arguments de droit, mais étaye, au moyen de nouvelles méthodes de calcul et de références économétriques, les affirmations formulées dans la réplique. Il s’ensuit qu’il y a lieu de déclarer recevable l’ensemble des offres de preuve faites et des griefs avancés par les requérantes dans le cadre du premier moyen.

60      Quant au bien-fondé du présent moyen, il y a lieu de relever que les requérantes contestent par son intermédiaire tant l’évaluation, par la Commission, de la gravité de l’infraction (voir points 12 et 13 ci-dessus) que le traitement différencié effectué par celle-ci sur la base des parts de marchés des entreprises concernées (voir point 16 ci-dessus).

61      S’agissant, tout d’abord, du traitement différencié des entreprises en cause, la motivation fournie par la Commission dans la décision attaquée à ce sujet fait notamment état d’un souci de tenir compte du « poids spécifique de chaque entreprise, et donc de l’effet réel de son comportement illicite sur la concurrence » (considérant 322 de la décision attaquée). Cependant, il y a lieu de souligner que, même en l’absence de preuve d’une incidence concrète de l’infraction sur le marché, la Commission est en droit de procéder à un traitement différencié, en fonction des parts détenues sur le marché concerné, tel que celui exposé aux considérants 326 à 329 de la décision attaquée.

62      Il ressort en effet de la jurisprudence que la part de marché de chacune des entreprises concernées sur le marché ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la responsabilité de chacune en ce qui concerne la nocivité potentielle de ladite pratique pour le jeu normal de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 avril 2004, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑236/01, T‑239/01, T‑244/01 à T‑246/01, T‑251/01 et T‑252/01, Rec. p. II‑1181, point 197).

63      De même, quant à l’appréciation de la gravité de l’infraction, il convient également de relever que, même si la Commission n’avait pas prouvé que l’entente avait eu un impact concret sur le marché, cela aurait été sans incidence sur la qualification de l’infraction de « très grave » et donc sur le montant de l’amende.

64      À cet égard, il importe de constater qu’il ressort du système communautaire de sanctions pour violation des règles de concurrence, tel que mis en place par le règlement n° 17 et interprété par la jurisprudence, que les ententes méritent, en raison de leur nature propre, des amendes les plus sévères. Leur éventuel impact concret sur le marché, notamment la question de savoir dans quelle mesure la restriction de concurrence a abouti à un prix de marché supérieur à celui qui aurait prévalu dans l’hypothèse de l’absence du cartel, n’est pas un critère déterminant pour la détermination du niveau des amendes (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, points 120 et 129 ; du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, point 33 ; du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, points 68 à 77, et du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, points 129 et 130 ; arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 62 supra, point 225 ; voir, également, conclusions de l’avocat général M. Mischo sous l’arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Mo och Domsjö/Commission, C‑283/98 P, Rec. p. I‑9855, I‑9858, points 95 à 101).

65      Il convient d’ajouter qu’il résulte des lignes directrices que les accords ou les pratiques concertées visant notamment, comme en l’espèce, à la fixation des prix et à la répartition de la clientèle peuvent, sur le seul fondement de leur nature propre, être qualifiées de « très graves », sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particuliers. Cette conclusion est corroborée par le fait que, si la description des infractions « graves » mentionne expressément l’impact sur le marché et les effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions « très graves », en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 150).

66      À titre surabondant, le Tribunal estime que la Commission a démontré à suffisance de droit un impact concret de l’entente sur le marché concerné.

67      Dans ce contexte, il convient de souligner que la prémisse des requérantes, selon laquelle la Commission, dans l’hypothèse où elle se prévaudrait d’un impact concret de l’entente pour fixer le montant de l’amende, serait tenue de démontrer de façon scientifique l’existence d’un effet économique tangible sur le marché et un lien de cause à effet entre l’impact et l’infraction, a été rejetée par la jurisprudence.

68      En effet, le Tribunal a jugé à plusieurs reprises que l’impact concret d’une entente sur le marché doit être considéré comme suffisamment démontré si la Commission est en mesure de fournir des indices concrets et crédibles indiquant, avec une probabilité raisonnable, que l’entente a eu un impact sur le marché (voir, notamment, arrêts du Tribunal Scandinavian Airlines System/Commission, point 36 supra, point 122 ; du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, Rec. p. II‑3627, points 159 à 161 ; Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 153 à 155 ; Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, points 176 à 178 ; Roquette Frères/Commission, T‑322/01, Rec. p. II‑3137, points 73 à 75).

69      Il convient à cet égard d’observer que les requérantes n’ont pas contesté la matérialité des faits, exposés au point 13 ci-dessus, sur lesquels la Commission s’est appuyée pour conclure à l’existence d’un impact concret de l’entente sur le marché, à savoir le fait que les prix ont baissé en période de faible respect de l’accord collusif et ont augmenté fortement pendant d’autres périodes, la mise en œuvre d’un système d’échange de données portant sur les volumes de vente et les niveaux de prix, l’importante part de marché détenue par l’ensemble des membres de l’entente et le fait que les parts de marché respectives des participants à l’entente sont restées relativement stables pendant toute la durée de l’infraction. Les requérantes ont uniquement fait valoir que lesdits faits n’étaient pas susceptibles de démontrer que l’infraction en cause avait eu un impact concret sur le marché.

70      Or, il ressort de la jurisprudence qu’il est légitime pour la Commission de déduire, sur la base des indices cités au point précédent, que l’infraction a eu un impact concret sur le marché (voir, en ce sens, arrêts Jungbunzlauer/Commission, point 68 supra, point 159 ; Roquette Frères/Commission, point 68 supra, point 78 ; du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑59/02, point 68 supra, point 165 ; Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, point 68 supra, point 181 ; arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, points 285 à 287).

71      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le dossier contient des exemples de non-respect des accords collusifs, il y a lieu de relever que le fait que les accords n’aient pas toujours été respectés par les membres de l’entente ne suffit pas pour exclure un impact sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal, Groupe Danone/Commission, point 65 supra, point 148).

72      Les arguments tirés par les requérantes de leur propre comportement ne sauraient non plus être retenus. En effet, le comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise est sans pertinence aux fins de l’évaluation de l’impact d’une entente sur le marché, seuls doivent être pris en compte les effets résultant de l’infraction dans son ensemble (arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, T‑224/00, Rec. p. II‑2597, point 167). De même, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir constaté, au considérant 303 de la décision attaquée, que le rapport initial ne permettait pas de réfuter ses conclusions concernant les effets réels de l’infraction sur le marché. En effet, l’analyse économétrique y figurant ne traite que de données chiffrées relatives aux requérantes.

73      Dès lors, au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le présent moyen comme non fondé.

74      En outre, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction et à la lumière des considérations qui précèdent, qu’il n’y a pas lieu de remettre en cause l’appréciation du montant de départ de l’amende fixé en fonction de la gravité, telle qu’effectuée par la Commission.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une évaluation inadéquate de la taille du secteur affecté par l’infraction

 Arguments des parties

75      Par ce deuxième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a, en retenant que la valeur du marché concerné était de 288 millions d’euros, exagéré la taille de celui-ci et, partant, la gravité de l’infraction, ce qui aurait donné lieu à une amende excessive. Les requérantes prétendent également que l’approche de la Commission enfreint le principe d’égalité de traitement.

76      Les requérantes notent, à titre liminaire, que, dans le secteur des tubes industriels, le prix total des produits se compose normalement du prix du cuivre, fondé sur la cotation au London Metal Exchange (Bourse des métaux de Londres, ci-après le « LME »), et du coût de transformation, qui correspond à la valeur ajoutée par le fabricant (ci-après la « marge de transformation »). La matière première nécessaire à la fabrication des tubes industriels serait fournie soit par le client, soit par le fabricant de tubes lui-même, qui la facturerait alors dans le prix total.

77      Selon les requérantes, la taille du marché concerné est un facteur pertinent dans la fixation du montant de départ de l’amende. À tout le moins, les requérantes allèguent que, en l’espèce, la Commission a déterminé le montant de départ en fonction de la taille du marché concerné.

78      Les requérantes prétendent qu’elles n’ont, en tant que producteurs de tubes industriels, aucune influence sur le prix de la matière première principale, à savoir le cuivre, qui représenterait environ deux tiers du prix final payé par leurs clients. À cet égard, les requérantes rappellent que le prix du métal est déterminé par les cotations journalières du LME et qu’en se procurant ce métal elles ne font que suivre les instructions données par les acheteurs de tubes industriels. Partant, ce seraient les clients eux-mêmes qui détermineraient le prix du métal. Par conséquent, le prix du métal serait uniquement un élément à répercuter auprès des clients. La volatilité du prix du métal n’affecterait pas la rentabilité des requérantes. En conséquence, le poids économique réel du marché concerné aurait été limité à la marge de transformation.

79      Par ailleurs, la notion de chiffre d’affaires total devant être pris en compte aux fins de la détermination du plafond de 10 % en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 ne serait pas nécessairement pertinente en l’espèce, puisque la Commission et les juridictions communautaires seraient libres d’interpréter différemment la notion de chiffre d’affaires dans le contexte du calcul de la taille du marché concerné. En effet, le chiffre d’affaires serait un indicateur imprécis de la dimension d’un marché de produits. Dans certains cas, d’autres éléments pourraient ainsi permettre à la Commission de procéder à une meilleure évaluation de la dimension du marché.

80      En s’appuyant sur ce qui précède, les requérantes soutiennent que la Commission aurait dû soustraire environ deux tiers du prix total des produits en cause lors de l’évaluation de la taille du marché concerné, ce qui aurait abouti à fixer un montant de départ de l’amende moins élevé. Les requérantes concluent que, en omettant de déduire le prix du cuivre du chiffre d’affaires du marché concerné, la Commission a méconnu la réalité économique du marché et a fixé un montant de départ de l’amende exagéré par rapport à la gravité de l’infraction, méconnaissant ainsi l’article 15 du règlement n° 17 et les lignes directrices.

81      D’après les requérantes, le fait que le cartel, outre la collusion portant sur la marge de transformation et d’autres conditions commerciales, incluait aussi la répartition du marché et de la clientèle, ainsi qu’un échange illégal d’informations, ne serait pas susceptible d’affecter la validité de leur affirmation selon laquelle la taille du marché en cause devrait, dans le cadre de l’appréciation du montant de départ de l’amende, être évaluée uniquement en fonction du chiffre d’affaires correspondant à la marge de transformation.

82      En outre, les requérantes allèguent que, pour être dissuasive, une sanction devrait être liée aux profits engendrés par le cartel et que, en l’espèce, les profits obtenus par les membres du cartel ne dépendaient pas du prix du métal, mais uniquement de la marge de transformation des tubes. Par ailleurs, l’approche formaliste de la Commission aboutirait à un traitement plus sévère des opérateurs économiques actifs en aval de la production par rapport aux entreprises actives dans les marchés en amont. Il en irait de même pour les opérateurs transformant des matières premières coûteuses par rapport à ceux transformant des matières premières bon marché.

83      La Commission conclut au rejet du moyen soulevé par les requérantes. En outre, elle fait valoir, dans sa duplique, que les requérantes ont contesté pour la première fois dans la réplique certaines conclusions contenues dans la décision attaquée concernant l’extension de l’accord sur les prix aux modalités de paiement et de livraison ainsi qu’aux stocks de consignation. La Commission relève également que, en accordant au groupe KME une réduction de 30 % du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération, elle a notamment tenu compte du fait que celui-ci n’avait pas contesté lesdites conclusions. La Commission demande par conséquent au Tribunal de déclarer irrecevables les arguments susmentionnés et, dans l’exercice de ses pleins pouvoirs de juridiction, de majorer en tout état de cause le montant de l’amende infligée au groupe KME.

 Appréciation du Tribunal

84      À titre liminaire, force est de constater qu’il n’y a lieu de statuer ni sur la fin de non-recevoir ni sur la demande reconventionnelle formulées par la Commission. En effet, les requérantes ont, en répondant aux questions du Tribunal lors de l’audience, expressément admis que l’entente en cause s’étendait aux modalités de paiement et de livraison ainsi qu’aux stocks de consignation. En tout état de cause, il y a lieu de constater que la fin de non-recevoir est non fondée et que la demande reconventionnelle est irrecevable, dès lors qu’il ressort du dossier que la thèse selon laquelle l’infraction n’affectait que le marché de la transformation a été soutenue par les requérantes tant au cours de la procédure administrative que dans la requête.

85      En ce qui concerne le fond, il importe de souligner, tout d’abord, que la méthodologie exposée dans les lignes directrices, qui ont été appliquées par la Commission dans la décision attaquée (voir point 32 ci-dessus), répond à une logique forfaitaire, selon laquelle le montant de départ général de l’amende, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, est calculé en fonction de la nature de l’infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et de l’étendue du marché géographique concerné (point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices). Par la suite, le montant de départ général de l’amende est individualisé pour chaque participant en fonction notamment de sa dimension.

86      Par ailleurs, aux fins de déterminer le montant de départ de l’amende, la Commission peut, sans pour autant y être obligée, avoir égard à la taille du marché affecté (arrêts du Tribunal du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑497, point 134, et Roquette Frères/Commission, point 68 supra, points 149 et 150).

87      Il ressort toutefois clairement de la décision attaquée que la Commission a, en l’espèce, choisi de prendre en compte la taille du marché des tubes industriels dans l’EEE dans son évaluation de la gravité de l’infraction en cause. Bien que la Commission ait déjà conclu, sur la base de la nature de l’infraction, que celle-ci était « très grave » au sens de ses lignes directrices (considérant 294), elle a en effet déterminé, dans la décision attaquée, la gravité de l’infraction et, partant, le montant de départ général de l’amende, en prenant en compte les effets réels du cartel sur le marché (considérants 295 à 314), l’étendue géographique du marché en cause (considérants 315 à 317) et le fait que le secteur faisant l’objet de l’infraction était un marché important, dont la taille dans l’EEE était évaluée à 288 millions d’euros (considérants 318 et 319).

88      Si, aux fins d’évaluer la gravité de l’infraction et le montant de départ général de l’amende, la taille du marché concerné n’a constitué qu’un des éléments retenus par la Commission dans la décision attaquée, il n’en reste pas moins que celle-ci a effectivement fixé ledit montant en en tenant compte. Partant, l’affirmation de la Commission selon laquelle le montant de départ de l’amende infligée aux requérantes n’aurait pas nécessairement été inférieur à 35 millions d’euros si le prix du cuivre avait été déduit du chiffre d’affaires du marché doit être rejeté.

89      Par conséquent, il y a lieu de vérifier si c’est à tort que la Commission, lors de l’évaluation de la taille du marché affecté, a pris en compte le prix du cuivre.

90      Les requérantes prétendent à cet égard, d’une part, que le prix du cuivre échappe au contrôle des fabricants de tubes industriels dès lors qu’il est fixé selon le LME et, d’autre part, que ce sont les acheteurs de tubes industriels qui décident eux-mêmes à quel prix le métal est acquis. Les requérantes soulignent également que les fluctuations du prix du métal n’ont aucune incidence sur leur profit.

91      Force est cependant de constater qu’aucune raison valable n’impose que le chiffre d’affaires d’un marché pertinent soit calculé en excluant certains coûts de production. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, il existe dans tous les secteurs industriels des coûts inhérents au produit final que le fabricant ne peut maîtriser, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de l’ensemble de ses activités et qui, partant, ne sauraient été exclus de son chiffre d’affaires lors de la fixation du montant de départ de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 mars 2000, Cimenteries CBR e.a./Commission, T‑25/95, T‑26/95, T‑30/95 à T‑32/95, T‑34/95 à T‑39/95, T‑42/95 à T‑46/95, T‑48/95, T‑50/95 à T‑65/95, T‑68/95 à T‑71/95, T‑87/95, T‑88/95, T‑103/95 et T‑104/95, Rec. p. II‑491, points 5030 et 5031). Le fait que le prix du cuivre constitue une partie importante du prix final des tubes industriels ou que le risque de fluctuations des prix du cuivre soit bien plus élevé que pour d’autres matières premières n’infirme pas cette conclusion.

92      Enfin, s’agissant des divers griefs des requérantes tendant à affirmer que, au lieu d’avoir recours au critère du chiffre d’affaires du marché pertinent, il serait plus opportun, au vu de la finalité dissuasive des amendes et du principe d’égalité de traitement, de fixer leur montant en fonction de la rentabilité du secteur affecté ou de la valeur ajoutée s’y rapportant, il y a lieu de constater qu’ils sont dénués de pertinence. À cet égard, force est de constater, tout d’abord, que la gravité de l’infraction est déterminée par référence à de nombreux facteurs, pour lesquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation (arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 65), aucune liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte n’ayant à cet égard été établie (arrêt Dalmine/Commission, point 64 supra, point 129), il n’appartient pas au juge communautaire, mais à la Commission de choisir, dans le cadre de sa marge d’appréciation et conformément aux limites découlant du principe d’égalité de traitement et du règlement n° 17, les facteurs et les données chiffrés qu’elle prendra en compte afin de mettre en œuvre une politique qui assure le respect des interdictions visées à l’article 81 CE.

93      Il est, ensuite, incontestable que le chiffre d’affaires d’une entreprise ou d’un marché est, en tant que facteur d’évaluation de la gravité de l’infraction, nécessairement vague et imparfait. Il ne fait de distinction ni entre les secteurs à forte valeur ajoutée et les secteurs à faible valeur ajoutée, ni entre les entreprises profitables et celles qui le sont moins. Toutefois, malgré sa nature approximative, le chiffre d’affaires est considéré, à l’heure actuelle, tant par le législateur communautaire que par la Commission et par la Cour comme un critère adéquat, dans le cadre du droit de la concurrence, pour apprécier la taille et le pouvoir économique des entreprises concernées [voir, notamment, arrêt Musique diffusion française e.a./Commission, point 64 supra, point 121 ; article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, considérant 10 et articles 14 et 15 du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (JO L 24, p. 1)].

94      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la Commission a pris en compte le prix du cuivre aux fins de déterminer la taille du marché concerné.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une augmentation erronée du montant de départ de l’amende en raison de la durée de l’infraction

 Arguments des parties

95      Les requérantes font valoir, en substance, que, en augmentant le montant de départ de l’amende qui leur a été infligée de 10 % par année de participation à l’infraction, la Commission a violé les lignes directrices ainsi que les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, dès lors qu’elle n’a pas tenu compte de l’intensité variable de l’entente au cours de sa durée.

96      À cet égard, elles notent que la majoration de 10 % par année d’infraction constitue l’augmentation maximale que la Commission puisse imposer, s’agissant des infractions de longue durée, en vertu des lignes directrices. Partant, l’augmentation du montant de départ de l’amende au titre de la durée n’aurait pas de caractère mécanique, mais devrait être proportionnelle à l’impact concret et objectif de l’infraction sur les consommateurs.

97      Les requérantes soulignent que le fait que la Commission puisse avoir recours à la notion d’« infraction unique et continue » pour des ententes complexes, afin d’étendre la responsabilité à des entreprises qui n’ont pas directement participé à tous les éléments constitutifs de l’entente globale, rend indispensable l’adaptation de la majoration de l’amende au titre de la durée en fonction d’éventuelles périodes d’activité réduite de l’entente.

98      En l’espèce, les faits ne justifieraient pas une application de l’augmentation annuelle de 10 %, car, premièrement, l’entente en cause n’aurait eu aucun effet significatif sur les prix et, deuxièmement, l’intensité des activités de l’entente aurait varié au cours de la période infractionnelle, ainsi que la Commission l’aurait d’ailleurs indiqué à divers considérants de la décision attaquée.

99      La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

100    Il convient de rappeler qu’une augmentation de l’amende en fonction de la durée n’est pas limitée à l’hypothèse où il existerait une relation directe entre la durée et un préjudice accru causé aux objectifs communautaires visés par les règles de concurrence (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 septembre 2003, Michelin/Commission, T‑203/01, Rec. p. II‑4071, point 278, et la jurisprudence citée).

101    Il ressort en outre des lignes directrices que la Commission n’a établi aucun chevauchement ni aucune interdépendance entre l’appréciation de la gravité et celle de la durée de l’infraction.

102    Au contraire, en premier lieu, il ressort de l’économie des lignes directrices qu’elles prévoient l’appréciation de la gravité de l’infraction en tant que telle aux fins de déterminer un montant de départ général de l’amende. En deuxième lieu, la gravité de l’infraction est analysée par rapport aux caractéristiques de l’entreprise concernée, notamment sa taille et sa position sur le marché pertinent, ce qui peut donner lieu à une pondération du montant de départ, à la répartition des entreprises en catégories et à la fixation d’un montant de départ spécifique. En troisième lieu, la durée de l’infraction est prise en compte pour la fixation du montant de base et, en quatrième lieu, les lignes directrices prévoient la prise en considération de circonstances aggravantes et atténuantes permettant de moduler le montant de l’amende, notamment en fonction du rôle actif ou passif des entreprises concernées dans la mise en œuvre de l’infraction.

103    Il s’ensuit que le simple fait que la Commission se soit réservée une possibilité de majoration par année d’infraction allant, s’agissant des infractions de longue durée, jusqu’à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction ne l’oblige nullement à fixer ce taux en fonction de l’intensité des activités de l’entente ou des effets de celle-ci, voire de la gravité de l’infraction. Il appartient en effet à la Commission de choisir, dans le cadre de sa large marge d’appréciation (voir point 36 ci-dessus), le taux de majoration qu’elle entend appliquer au titre de la durée de l’infraction.

104    En l’espèce, la Commission a constaté, notamment aux considérants 335 et 340 de la décision attaquée, que le groupe KME avait participé à l’infraction pendant une durée de douze ans et dix mois, soit une longue durée au sens des lignes directrices, et a par conséquent majoré l’amende de 125 %. Ce faisant, la Commission ne s’est pas écartée des règles qu’elle s’est imposées dans les lignes directrices. Au demeurant, le Tribunal estime que cette majoration de 125 % n’est, en l’espèce, pas manifestement disproportionnée.

105    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le moyen visant la majoration du montant de l’amende au titre de la durée doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de l’absence de prise en compte de certaines circonstances atténuantes

 Arguments des parties

106    Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes avancent quatre griefs et prétendent que la Commission a violé le point 3 des lignes directrices en refusant de prendre en compte certaines circonstances atténuantes.

107    En premier lieu, les requérantes font valoir que, bien qu’elles ne se soient pas systématiquement abstenues de mettre en œuvre les accords litigieux, elles les ont mis en œuvre de manière limitée, ce qui devrait constituer une circonstance atténuante.

108    En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que c’est à tort que la Commission n’a pas tenu compte du fait qu’elles ont mis fin à l’infraction, de façon immédiate et volontaire, après les vérifications opérées par celle-ci.

109    En troisième lieu, les requérantes affirment que c’est à tort que la Commission a refusé de qualifier de circonstance atténuante la situation économique difficile du secteur des tubes industriels. Ce faisant, elle aurait violé le principe d’égalité de traitement et largement outrepassé son pouvoir d’appréciation, puisqu’elle aurait, en l’espèce, appliqué des critères plus stricts que ceux appliqués à des situations comparables. À cet égard, les requérantes font référence à des décisions antérieures de la Commission dans lesquelles les conditions économiques difficiles auraient justifié des réductions des montants de base des amendes.

110    En quatrième lieu, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas, en violation du sixième tiret du point 3 des lignes directrices ainsi que des principes d’équité et d’égalité de traitement, adéquatement tenu compte, dans la décision attaquée, de leur contribution à l’établissement de la durée totale de l’infraction. Il découlerait de la décision 2005/349/CE de la Commission, du 10 décembre 2003, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (Affaire COMP/E-2/37.857 – Peroxydes organiques) (JO 2005, L 110, p. 44), qu’une société qui fournit à la Commission des informations décisives ou qui complètent des éléments de preuve détenus par la Commission en ce qui concerne certaines périodes d’une infraction ne devrait pas se voir infliger d’amende pour ces périodes.

111    Or, en l’espèce, en attribuant à ce titre une réduction du montant de base de l’amende seulement à Outokumpu, la Commission aurait ignoré que les requérantes ont été les premières à fournir des éléments de preuve décisifs concernant les périodes infractionnelles allant de mai 1988 à novembre 1992 et de mai 1998 jusqu’à la fin de 1999. La Commission aurait dès lors violé le principe d’égalité de traitement et aurait commis une erreur en prenant ces périodes en considération pour le calcul de l’amende infligée aux requérantes.

112    Les requérantes contestent l’interprétation de la Commission selon laquelle l’application du point 3 des lignes directrices serait réservée à l’entreprise qui est la première à révéler la durée de la violation, ce qui signifie qu’il ne peut y avoir qu’un seul bénéficiaire de la diminution du montant de base octroyée à ce titre. Récompenser la coopération sur le fondement d’un classement dans le temps, indépendamment de la qualité et de la portée des renseignements et des documents fournis par l’entreprise coopérante, serait contraire à l’objectif suivi par la Commission dans ce domaine, qui est de veiller à ce que les ententes soient détectées et interdites par un accès complet à des documents qui ont une force probante élevée et à des pièces d’information décisives.

113    La Commission conclut au rejet du moyen.

 Appréciation du Tribunal

114    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la Commission doit, en principe, se conformer aux termes de ses propres lignes directrices en fixant le montant des amendes (voir point 33 ci-dessus). Toutefois, il n’est pas indiqué dans les lignes directrices que la Commission doit toujours prendre en compte séparément chacune des circonstances atténuantes énumérées au point 3 de ces lignes directrices, et elle n’est pas obligée d’accorder une réduction supplémentaire à ce titre de manière automatique, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes devant être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

115    En effet, l’adoption des lignes directrices n’a pas privé de pertinence la jurisprudence antérieure selon laquelle la Commission dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de prendre ou de ne pas prendre en considération certains éléments lorsqu’elle fixe le montant des amendes qu’elle entend infliger, en fonction notamment des circonstances de l’espèce. Ainsi, en l’absence d’indication de nature impérative dans les lignes directrices en ce qui concerne les circonstances atténuantes qui peuvent être prises en compte, il convient de considérer que la Commission a conservé une certaine marge pour apprécier de manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes.

116    S’agissant du premier grief, force est de constater qu’il ne saurait prospérer dès lors qu’il ressort clairement de la jurisprudence que, pour bénéficier du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices, les contrevenants doivent démontrer qu’ils ont adopté un comportement concurrentiel ou, à tout le moins, qu’ils ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement, et qu’ils n’ont pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause (arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Dalmine/Commission, T‑50/00, Rec. p. II‑2395, point 292, et du 15 mars 2006, Daiichi Pharmaceutical/Commission, T‑26/02, Rec. p. II‑713, point 113).

117    Or, en l’espèce, les requérantes ne prétendent pas s’être clairement et de manière considérable opposées à la mise en œuvre de l’entente en cause, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci. Par conséquent, le premier grief n’est pas fondé.

118    Quant au deuxième grief, il convient de rappeler qu’aux termes du point 3, troisième tiret, des lignes directrices, la « cessation des infractions dès les premières interventions de la Commission (notamment vérifications) » compte parmi les circonstances atténuantes. Toutefois, une réduction de l’amende en raison de la cessation d’une infraction dès les premières interventions de la Commission ne saurait être automatique, mais dépend d’une évaluation des circonstances du cas d’espèce par la Commission, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation.

119    En l’espèce, l’infraction en cause a trait à une entente secrète ayant pour objet la fixation de prix et la répartition de marchés. Ce type d’entente est expressément interdit par l’article 81, paragraphe 1, sous a) et c), CE, et constitue une infraction particulièrement grave. Les parties devaient, dès lors, avoir conscience du caractère illicite de leur comportement. Le caractère secret de l’entente confirme le fait que tel était le cas. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il ne fait aucun doute que cette infraction a été commise de propos délibéré par les parties en cause. Or, le Tribunal a déjà expressément considéré que la cessation d’une infraction commise de propos délibéré ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante lorsqu’elle a été déterminée par l’intervention de la Commission (arrêt du Tribunal du 11 mars 1999, Ensidesa/Commission, T‑157/94, Rec. p. II‑707, point 498).

120    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes comme non fondé.

121    Par ailleurs, le Tribunal estime, dans le cadre de sa compétence de pleine juridiction, que le fait que les requérantes ont mis fin à l’infraction en cause à la suite de la première intervention de la Commission ne justifie pas, en tout état de cause, une réduction du montant de leur amende. En effet, cette cessation constituait une réaction appropriée et normale à l’intervention de la Commission et ne saurait être assimilée aux mérites découlant d’une initiative autonome de leur part. De même, ladite cessation constituait uniquement un retour à un comportement licite et n’a pas contribué à rendre les poursuites par la Commission plus efficaces.

122    En ce qui concerne le troisième grief, il ressort de la jurisprudence que la Commission n’est pas tenue de considérer comme circonstance atténuante la mauvaise santé financière du secteur en cause. Ce n’est pas parce que la Commission a tenu compte, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante qu’elle doit nécessairement continuer à observer cette pratique. En effet, en règle générale, les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés (voir arrêt Tokai Carbon e.a./Commission, point 62 supra, point 345, et la jurisprudence citée). Par conséquent, le troisième grief doit être rejeté.

123    Quant au quatrième grief, il y a d’abord lieu de constater que, au titre de la communication de 1996 sur la coopération, ni Outokumpu ni les requérantes ne pouvaient bénéficier d’une réduction supérieure à 50 % du montant final des amendes qui leur ont été imposées, dès lors qu’elles n’avaient pas dénoncé l’infraction à la Commission avant que celle-ci n’ait procédé à des vérifications lui ayant fourni suffisamment de raisons pour engager la procédure d’infraction ayant mené à la décision attaquée.

124    Il est également constant que c’est par un mémorandum d’Outokumpu daté du 30 mai 2001 que la Commission a été informée, pour la première fois, de la durée totale du cartel. En effet, sur la base des informations fournies antérieurement par la société Mueller Industries, la Commission était seulement en mesure de prouver l’existence d’une infraction de mai 1994 à mai 1998. Cependant, les requérantes soutiennent que c’est grâce à l’information qu’elles ont communiquée à la Commission en octobre 2002 que cette dernière a pu définitivement prouver l’existence du cartel pour les périodes allant de mai 1988 à novembre 1992 et de mai 1998 jusqu’à la fin de 1999.

125    En établissant la durée additionnelle de l’infraction, la Commission était en mesure d’augmenter les montants de départ des amendes infligées aux contrevenantes de 125 % au lieu de 40 %, en vertu du point 1 B, des lignes directrices. Partant, les entreprises qui avaient fourni à la Commission l’information sur la durée additionnelle de l’infraction couraient le risque de voir le montant de départ de leurs amendes majoré de 85 points de pourcentage additionnels.

126    Il s’agit là d’un paradoxe inhérent à la communication de 1996 sur la coopération, dans le sens où une entreprise qui relève du point D de ladite communication et qui fournit des informations nouvelles à la Commission court le risque d’être sanctionnée plus sévèrement que dans le cas où elle n’aurait pas transmis ces informations à la Commission. Le point 3, sixième tiret, des lignes directrices, selon lequel une « collaboration effective de l’entreprise à la procédure, en dehors du champ d’application [de la communication de 1996 sur la coopération] » peut constituer une circonstance atténuante, permet de remédier à ce paradoxe.

127    En l’occurrence, en appliquant, sans le mentionner, le point 3, sixième tiret, des lignes directrices, la Commission a accordé, de fait, une immunité à Outokumpu en ce qui concerne la durée supplémentaire de l’entente, qu’elle ignorait avant la réception de son mémorandum du 30 mai 2001 (considérant 386 de la décision attaquée).

128    Il convient dès lors de vérifier si la Commission était tenue, soit en vertu du point 3, sixième tiret, des lignes directrices, soit conformément au principe d’égalité de traitement, d’accorder également une réduction aux requérantes pour les informations qu’elles ont fournies à la Commission, plus de seize mois après Outokumpu, concernant les périodes allant de 1988 à 1992 et de 1998 à 1999.

129    À cet égard, il y a lieu de rappeler, au préalable, que la Commission dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’application de circonstances atténuantes (arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 307).

130    Il y a lieu ensuite de souligner qu’il est inhérent à la logique de l’immunité d’amendes que seul un des membres d’une entente peut en bénéficier, étant donné que l’effet recherché est de créer un climat d’incertitude au sein des ententes en encourageant leur dénonciation auprès de la Commission. Or, cette incertitude résulte précisément du fait que les participants à l’entente savent que seul l’un d’entre eux pourra bénéficier d’une immunité d’amende en dénonçant les autres participants à l’infraction, les exposant ainsi au risque qu’ils se voient infliger des amendes plus sévères.

131    Dans une situation telle que celle de l’espèce, où la Commission sait qu’une entente existe, mais ne dispose pas de certains éléments essentiels susceptibles d’établir la durée totale de cette infraction, il est particulièrement souhaitable d’avoir recours à un tel mécanisme, en particulier aux fins d’éviter que les contrevenants ne se mettent d’accord sur la dissimulation desdits éléments.

132    Une telle situation se distingue de celle où la Commission a déjà connaissance d’éléments de preuve, mais qu’elle cherche à les compléter. Dans cette dernière hypothèse, l’octroi d’une réduction d’amende aux contrevenants au lieu d’une immunité d’amende à une seule entreprise se justifie par le fait que l’objectif n’est plus de révéler une circonstance de nature à entraîner une augmentation de l’amende infligée, mais de rassembler autant de preuves que possible pour renforcer la capacité de la Commission à établir les faits en question.

133    En ce qui concerne la prétendue inégalité de traitement entre Outokumpu et les requérantes, il suffit de relever qu’elles ne se trouvaient pas dans une situation comparable étant donné que la première a fourni à la Commission plus d’un an avant les requérantes les informations ayant trait à la durée supplémentaire de huit ans et demi de l’entente.

134    Eu égard à ce qui précède, il y lieu de rejeter le quatrième grief.

135    Partant, le présent moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une réduction insuffisante du montant de l’amende au titre de la communication de 1996 sur la coopération

 Arguments des parties

136    Premièrement, les requérantes comparent leur coopération ainsi que la réduction de 30 % qui leur a été accordée avec le traitement dont ont bénéficié des tiers dans des affaires antérieures. Elles concluent à cet égard qu’elles ont subi un traitement défavorable.

137    Deuxièmement, les requérantes estiment que, vu le bénéfice apporté par leur coopération au déroulement de l’enquête, elles auraient dû bénéficier d’une réduction dépassant 30 % au titre du point D de la communication de 1996 sur la coopération. À cet égard, elles font valoir, tout d’abord, qu’elles ont volontairement fourni à la Commission des informations qui allaient au-delà de ce qu’elles étaient obligées de divulguer au titre de l’article 11 du règlement n° 17, ensuite, que ces informations détaillaient le fonctionnement du cartel et, enfin, que certaines de ces informations étaient décisives pour prouver l’existence de l’infraction au cours de la période allant de mai 1988 à novembre 1992 et de mai 1998 jusqu’à la fin de 1999.

138    Troisièmement, les requérantes prétendent que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement en accordant une réduction de 50 % de l’amende infligée à Outokumpu. La Commission aurait aussi violé ledit principe en prenant en considération la coopération d’Outokumpu tant aux fins d’accorder une réduction de 50 % de l’amende au titre de la section D de la communication de 1996 sur la coopération que de prendre en compte une circonstance atténuante au titre des lignes directrices.

139    La Commission conclut au rejet du présent moyen.

 Appréciation du Tribunal

140    En ce qui concerne la comparaison faite par les requérantes entre le cas d’espèce et la pratique antérieure de la Commission, il importe de constater qu’il ressort de la jurisprudence que le seul fait que la Commission a accordé, dans sa pratique décisionnelle antérieure, un certain taux de réduction pour un comportement déterminé n’implique pas qu’elle est tenue d’accorder la même réduction lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, ABB Asea Brown Boveri/Commission, T‑31/99, Rec. p. II‑1881, point 239, et la jurisprudence citée). Les requérantes ne sauraient par conséquent se prévaloir des réductions du montant d’amendes accordées dans d’autres affaires.

141    S’agissant des autres griefs, il convient également de rappeler que, dans le cadre de l’appréciation de la coopération fournie par les membres d’une entente, seule une erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission est susceptible d’être censurée dès lors qu’elle bénéfice d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec. p. I‑3921, point 88). Pourtant, elle ne saurait, dans le cadre de ladite appréciation, méconnaître le principe d’égalité de traitement.

142    Dans ce contexte, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a reconnu que les informations fournies par les requérantes dépassaient celles dont la production pouvait être exigée par elle en vertu de l’article 11 du règlement n° 17. La Commission a également admis que les requérantes avaient apporté de nouveaux éléments de preuve et confirmé des éléments de preuve existants pour toute la durée de l’infraction, c’est-à-dire la période allant de 1988 à 2001. Elle a en particulier tenu compte du fait que les requérantes l’avaient aidée à apprécier l’ampleur du cartel pendant la période allant de 1997 à 1999. Cependant, la Commission a affirmé que les requérantes n’étaient ni les premières ni les principales entreprises à avoir fourni des preuves décisives portant sur les périodes allant de mai 1988 à novembre 1992 et de 1997 à 1999. La Commission a aussi tenu compte du fait que les requérantes n’avaient commencé à coopérer avec elle qu’en réponse à une lettre qui leur avait été adressée en juillet 2002 au titre de l’article 11 du règlement n° 17 (considérants 415 à 417, 419, 420 et 423 de la décision attaquée).

143    Il importe de souligner d’emblée qu’il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte la spontanéité avec laquelle les informations lui ont été fournies dans l’application du point D de la communication de 1996 sur la coopération (arrêt ABB Asea Brown Boveri/Commission, point 140 supra, points 237 et 238). Dans le cadre d’une politique de clémence, il est loisible pour la Commission d’accorder aux entreprises qui coopèrent spontanément avec elle des réductions du montant de l’amende supérieures à celles octroyées aux entreprises qui ne le font pas. En l’occurrence, il est constant que, contrairement à Outokumpu, il a fallu attendre l’envoi d’une demande de renseignements pour que les requérantes coopèrent.

144    En ce qui concerne la période allant de mai 1988 à novembre 1992, il ressort du dossier que la Commission a, à juste titre, constaté que la description fournie par les requérantes concernant ladite période n’était ni plus détaillée ni plus complète que celle fournie par Outokumpu et que, à la date à laquelle les requérantes ont commencé à coopérer, elle était, depuis environ seize mois, en possession d’éléments de preuve déterminants provenant d’autres sources qui attestaient l’existence de l’infraction au cours de ces années. En effet, tant la coopération antérieure d’Outokumpu que deux documents trouvés au cours des vérifications faisaient état de ce que l’entente en cause remontait à 1988.

145    En ce qui concerne la période allant de mai 1998 jusqu’à la fin de 1999, il convient de relever qu’il ne ressort pas du dossier que la Commission ait ignoré la coopération des requérantes. Au contraire, au considérant 419 de la décision attaquée, la Commission a fait état de ce que la coopération des requérantes lui a été utile dans une certaine mesure en ce qui concerne la période allant de 1997 à 1999. Il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir également énoncé audit considérant qu’elle possédait, avant la coopération des requérantes, des preuves relatives à un certain nombre de réunions et d’échanges de renseignements confidentiels ayant eu lieu pendant ladite période, dès lors que cette affirmation est confirmée pas les éléments contenus dans le dossier.

146    Il ressort par ailleurs de ce qui précède que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste dans son appréciation de leur coopération.

147    S’agissant de l’argument selon lequel les requérantes auraient fait l’objet d’un traitement discriminatoire, il suffit de rappeler que les requérantes et Outokumpu ne se trouvaient pas dans une situation comparable étant donné qu’Outokumpu a collaboré avec la Commission bien avant les requérantes, et que ces dernières n’ont commencé leur coopération avec la Commission qu’après avoir reçu une demande de renseignements.

148    Au demeurant, le fait qu’Outokumpu ait bénéficié, tant en vertu de la communication de 1996 sur la coopération qu’au titre des lignes directrices, d’une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée pour avoir coopéré avec la Commission bien avant les autres entreprises ne saurait constituer une discrimination vis-à-vis des requérantes. En effet, le fait qu’Outokumpu a bénéficié d’une réduction au titre du point 3, sixième tiret, des lignes directrices est lié à l’interaction entre lesdites lignes directrices et la communication de 1996 sur la coopération. Si les requérantes avaient été les premières entreprises à coopérer avec la Commission, elles auraient été susceptibles de bénéficier tant de l’application de la communication de 1996 sur la coopération que de l’application des lignes directrices.

149    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen.

 Sur la demande de paiement des frais pour la constitution de la garantie bancaire

150    Les requérantes n’ont développé aucun argument à l’appui de cette demande. Il s’ensuit que la requête ne satisfait pas, à cet égard, aux exigences minimales établies par l’article 21 du statut de la Cour et par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure pour qu’un recours soit recevable. Dès lors, elle doit être rejetée comme irrecevable.

 Sur les dépens

151    En vertu de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)     Le recours est rejeté.

2)     KME Germany AG, KME France SAS et KME Italy SpA sont condamnées aux dépens.

Martins Ribeiro

Papasavvas

Wahl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 mai 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.