Language of document : ECLI:EU:T:2009:477

ORDONNANCE DU 30. 11. 2009 – AFFAIRES JOINTES T‑313/08 À T‑318/08 ET T‑320/08 À T‑328/08

VEROMAR DI TUDISCO ALFIO & SALVATORE E.A. / COMMISSION

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

30 novembre 2009 (*)

« Recours en annulation – Règlement (CE) n° 530/2008 – Reconstitution des stocks de thon rouge – Fixation des TAC pour 2008 – Acte de portée générale – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans les affaires jointes T‑313/08 à T-318/08 et T-320/08 à T-328/08,

Veromar di Tudisco Alfio & Salvatore Snc, établie à Catane (Italie), et les seize autres requérants dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes A. Maiorana, A. De Matteis et A. De Francesco, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme K. Banks et M. D. Nardi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation du règlement (CE) n° 530/2008 de la Commission, du 12 juin 2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (sixième chambre),

composé de MM. A. W. H. Meij, président, V. Vadapalas (rapporteur) et L. Truchot, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        La Communauté européenne est partie contractante depuis 1997 à la Convention internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (CICTA). La CICTA institue une Commission spéciale (ci-après la « Commission CICTA »).

2        Par une étude du comité permanent pour la recherche et les statistiques de la CICTA, il a été mis en évidence un possible effondrement des stocks de thon rouge si des mesures adéquates de gestion ne sont pas effectivement appliquées par les parties contractantes. Ce risque imminent a conduit la Commission CICTA à adopter, en 2007, une recommandation visant à établir un plan de reconstitution sur quinze ans pour les stocks de thon rouge de l’Atlantique Est et de la Méditerranée.

3        Pour la Communauté, le plan de reconstitution ainsi recommandé a été adopté, tout d’abord, à titre provisoire par le règlement (CE) n° 643/2007 du Conseil, du 11 juin 2007, modifiant le règlement (CE) n° 41/2007 en ce qui concerne le plan de reconstitution des stocks de thon rouge recommandé par la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (JO L 151, p. 1), puis, de manière définitive, par le règlement (CE) n° 1559/2007 du Conseil, du 17 décembre 2007, établissant un plan pluriannuel de reconstitution des stocks de thon rouge dans l’Atlantique Est et la Méditerranée et modifiant le règlement (CE) n° 520/2007 (JO L 340, p. 8).

4        Le plan mis en oeuvre par le règlement n° 1559/2007 est, selon le considérant 5 de celui-ci, un plan de reconstitution au titre de l’article 5 du règlement (CE) n° 2371/2002 du Conseil, du 20 décembre 2002, relatif à la conservation et à l’exploitation durable des ressources halieutiques dans le cadre de la politique commune de la pêche (JO L 358, p. 59).

5        La principale mesure prévue dans le plan de la CICTA afin de reconstituer les stocks de thon rouge est le contingentement de la pêche de cette espèce par la détermination d’un total admissible des captures (TAC). Selon le plan, le TAC diminuera progressivement sur la période s’étendant de 2007 à 2010, de 29 500 tonnes en 2007 à 25 500 tonnes en 2010.

6        Le plan de reconstitution prévu par le règlement n° 1559/2007 attribue à la Communauté un quota ou une quote-part du TAC tel qu’il est déterminé par la CICTA. Pour l’année 2008, le TAC spécifique pour le thon rouge et le quota communautaire ont été directement pris en compte dans le règlement (CE) n° 40/2008 du Conseil, du 16 janvier 2008, établissant, pour 2008, les possibilités de pêche et les conditions associées pour certains stocks halieutiques et groupes de stocks halieutiques, applicables dans les eaux communautaires et, pour les navires communautaires, dans les eaux soumises à des limitations de capture (JO L 19, p. 1).

7        Ce règlement divise le quota communautaire en quotas nationaux alloués aux différents États membres pratiquant traditionnellement la pêche au thon rouge, en plus d’un volume résiduel de captures accessoires attribué à l’ensemble des autres États membres.

8        L’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 1559/2007 prévoit que chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que l’effort de pêche de ses navires soit proportionné aux possibilités de pêche au thon rouge dont il dispose dans l’Atlantique Est et la Méditerranée. À cet effet, chaque État membre établit un plan de pêche annuel.

9        L’article 12, paragraphe 4, du règlement n° 1559/2007 dispose que les règles en matière de permis de pêche énoncées à l’article 8 bis, paragraphes 2, 4, 6 à 8, du règlement (CE) n° 1936/2001 du Conseil, du 27 septembre 2001, établissant certaines mesures de contrôle applicables aux activités de pêche de certains stocks de poissons grands migrateurs (JO L 263, p. 1), modifié par le règlement (CE) n° 869/2004 du Conseil, du 26 avril 2004 (JO L 162, p. 8), s’appliquent mutatis mutandis.

10      L’article 8 bis du règlement n° 1936/2001, tel que modifié, prévoit que chaque État membre communique à la Commission des Communautés européennes, par voie informatique, la liste des navires battant son pavillon et immatriculés sur son territoire, de plus de 24 mètres de longueur hors tout, qu’il autorise à pêcher des thonidés et des espèces voisines dans la zone de la CICTA par l’émission d’un permis de pêche spécial. L’État membre doit inclure dans la liste certaines informations relatives au numéro interne du navire, ainsi que le nom et l’adresse de l’armateur et de l’opérateur.

11      L’article 5, paragraphe 2, du règlement n° 1559/2007 interdit la pêche du thon rouge à la senne coulissante dans l’Atlantique Est et la Méditerranée au cours de la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre.

12      L’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 2371/2002 dispose, en ce qui concerne les mesures d’urgence adoptées par la Commission, ce qui suit :

« 1. S’il existe des preuves qu’il existe une menace grave pour la conservation des ressources aquatiques vivantes ou pour l’écosystème marin résultant des activités de la pêche et nécessitant une intervention immédiate, la Commission peut, sur demande dûment justifiée d’un État membre ou d’office, arrêter les mesures d’urgence pour une période maximale de six mois […]

3. Les mesures d’urgence prennent effet immédiatement. Elles sont notifiées aux États membres concernés et publiées au Journal officiel. »

 Faits à l’origine du litige

13      Les requérants, Veromar di Tudisco Alfio & Salvatore Snc et les seize autres requérants dont les noms figurent en annexe, sont propriétaires de navires faisant partie de la flotte de pêche italienne, autorisés à pratiquer la pêche au thon rouge à la senne coulissante. Des quotas leur ont été alloués pour l’année 2008, lesquels sont variables en fonction des quotas attribués à la République italienne.

14      En application de l’article 7 du règlement n° 2371/2002, la Commission a, le 12 juin 2008, adopté le règlement (CE) n° 530/2008, établissant des mesures d’urgence en ce qui concerne les senneurs à senne coulissante pêchant le thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée (JO L 155, p. 9, ci-après le « règlement attaqué »), dont l’article 1er se lit comme suit :

« La pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de la Grèce, de la France, de l’Italie, de Chypre et de Malte, ou enregistrés dans ces États membres, est interdite à compter du 16 juin 2008.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 12 août 2008, enregistrées sous les références T‑313/08 à T‑318/08 et T‑320/08 à T‑328/08, les requérants ont introduit les présents recours.

16      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 18 novembre 2008, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

17      Par ordonnance du président de la sixième chambre du Tribunal du 19 mai 2009, les affaires ont été jointes aux fins du traitement des exceptions d’irrecevabilité soulevées par la Commission.

18      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal : 

–        déclarer les recours recevables ;

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      Dans les exceptions d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours comme irrecevables ;

–        condamner les requérants aux dépens.

 En droit

20      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Arguments des parties

21      La Commission fait valoir que les recours sont irrecevables au motif que les requérants ne sont pas individuellement concernés au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par le règlement attaqué.

22      Les requérants exposent que la majorité des armateurs pratiquant la pêche au thon rouge à la senne coulissante, y compris eux-mêmes, afin de réaliser un meilleur rapport entre les bénéfices de la pêche et les frais d’exploitation de la flotte, commencent les battues au cours du deuxième tiers du mois de juin. En effet, habituellement, le mois de juin serait le plus propice, de sorte qu’il suffirait d’une vingtaine de jours de pêche pour atteindre le quota alloué à chaque armateur.

23      En adoptant le règlement attaqué, qui aurait été publié au Journal officiel de l’Union européenne le 13 juin 2008, la Commission aurait interdit la pêche du thon rouge à partir du 16 juin 2008, avançant ainsi de quinze jours la date à partir de laquelle ce type de pêche est interdit.

24      Or, une telle anticipation aurait empêché la majorité des armateurs d’atteindre le quota qui leur était alloué et leur aurait causé des dommages.

25      Les requérants contestent les arguments avancés par la Commission pour exciper de l’irrecevabilité des recours, selon lesquels ils n’auraient pas qualité pour agir en ce qu’ils ne seraient pas individuellement concernés par le règlement attaqué.

26      À cet égard, ils soutiennent que la pêche au thon rouge au moyen de sennes coulissantes ne peut être pratiquée que par un nombre limité de bateaux de pêche, auxquels une autorisation spéciale a été accordée.

27      Or, la liste des bateaux de pêche autorisés, détenue par le ministère des Politiques agricoles, alimentaires et forestières italien, serait communiquée à la Commission, conformément à l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 1559/2007, et les éventuelles modifications de cette liste, l’octroi de nouvelles autorisations ou les révocations des autorisations existantes, lui seraient également communiquées en temps utile.

28      Ainsi que l’admettrait la Commission, celle-ci serait informée à tout moment de l’identité des bateaux de pêche autorisés à pratiquer ce type de pêche. La Commission aurait donc connu l’identité des personnes qui s’avèrent être les destinataires réels du règlement attaqué, au moment où elle l’a adopté.

29      Bien que le règlement attaqué s’adresse aux États membres visés, il concernerait, en réalité, un ensemble de navires désignés. Le règlement attaqué devrait donc être considéré comme une série de décisions individuelles qui concerneraient chacune la situation juridique des propriétaires de ces navires, y compris des requérants.

30      Étant donné que le nombre et l’identité des propriétaires de navires dont il s’agit étaient déterminés et vérifiables dès avant la date d’adoption du règlement attaqué, la Commission aurait été en mesure de savoir que celui-ci affecterait exclusivement les intérêts et la position de ces propriétaires. Le règlement attaqué concernerait donc un nombre limité de personnes identifiées au moment de son adoption, dont la Commission entendait réglementer les droits. En conséquence, la situation de fait ainsi créée caractériserait les requérants par rapport à toute autre personne et les individualiserait d’une manière analogue à celle dont les destinataires le seraient.

31      Les requérants font observer que, dans la mesure où ils sont autorisés à pratiquer la pêche avec des bateaux senneurs, ils sont titulaires d’un droit autonome. L’attribution du permis spécial de pêche conférerait aux titulaires de celui-ci le droit de pratiquer l’activité de pêche avec sennes coulissantes, en application de la réglementation en vigueur, à l’exclusion de toute autre personne.

32      Les requérants soulignent que le permis spécial confère un droit entier, dans les limites de la capacité de pêche attribuée, qui distingue les titulaires de ce droit de toutes les autres personnes auxquelles il n’est pas conféré. Affirmer que l’attribution du permis spécial n’équivaut pas à la création d’une situation juridique pertinente, distinguant le destinataire des autres personnes, relèverait du paradoxe.

33      Les requérants considèrent également que le règlement attaqué produit directement des effets sur leur situation juridique, et que son application directe a un caractère purement automatique, découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires et sans que les États soient en mesure d’intervenir. Pour produire ses effets à leur égard, le règlement attaqué ne nécessiterait l’adoption d’aucune autre mesure, communautaire ou nationale. Le règlement attaqué aurait, en effet, produit ses effets directement, sans possibilité d’intervention de l’État italien à cet égard.

34      À titre subsidiaire, les requérants font observer qu’une éventuelle déclaration d’irrecevabilité du présent recours les priverait de toute voie de droit pour contester la légalité du règlement attaqué. En effet, le règlement attaqué ne prévoirait l’adoption d’aucune mesure d’exécution de la part des États membres, de sorte que les requérants ne pourraient pas former le moindre recours devant les juridictions nationales.

35      Enfin, selon les requérants, une déclaration d’irrecevabilité du présent recours constituerait une incitation manifeste à violer le règlement attaqué. L’unique possibilité qui leur resterait pour obtenir de la juridiction compétente la reconnaissance de leurs droits serait la violation de la loi, afin qu’ils puissent avoir accès à la protection juridictionnelle, dans le cadre de laquelle ils pourraient soulever une question préjudicielle sur le fondement de l’article 234 CE.

 Appréciation du Tribunal

36      L’article 230, quatrième alinéa, CE, prévoit que toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

37      Selon une jurisprudence constante, cette disposition confère aux particuliers le droit d’attaquer, notamment, toute décision qui, bien qu’elle soit prise sous l’apparence d’un règlement, les concerne directement et individuellement. L’objectif de cette disposition est, notamment, d’éviter que, par le simple choix de la forme d’un règlement, les institutions communautaires puissent exclure le recours d’un particulier contre une décision qui le concerne directement et individuellement et de préciser ainsi que le choix de la forme ne peut changer la nature d’un acte (arrêt de la Cour du 17 juin 1980, Calpak et Società Emiliana Lavorazione Frutta/Commission, 789/79 et 790/79, Rec. p. 1949, point 7 ; ordonnances du Tribunal du 8 juillet 1999, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T‑12/96, Rec. p. II‑2301, point 24 ; du 8 septembre 2005, Lorte e.a./Conseil, T‑287/04, Rec. p. II‑3125, point 36, et du 12 janvier 2007, SPM/Commission, T‑447/05, Rec. p. II‑1, point 61).

38      Le critère de distinction entre un règlement et une décision doit être recherché dans la portée générale ou non de l’acte en question (ordonnance de la Cour du 12 juillet 1993, Gibraltar et Gibraltar Development/Conseil, C‑168/93, Rec. p. I-4009, point 11 ; voir ordonnance du Tribunal du 11 septembre 2007, Honig-Verband/Commission, T‑35/06, Rec. p. II‑2865, point 39, et la jurisprudence citée). Un acte a une portée générale s’il s’applique à des situations déterminées objectivement et s’il produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (arrêts du Tribunal du 11 septembre 2002, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99, Rec. p. II‑3305, point 82, et Alpharma/Conseil, T‑70/99, Rec. p. II‑3495, point 74 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, Alusuisse Italia/Conseil et Commission, 307/81, Rec. p. 3463, point 9).

39      Toutefois, il n’est pas exclu que, dans certaines circonstances, les dispositions d’un acte normatif s’appliquant à la généralité des opérateurs économiques intéressés puissent concerner individuellement certains d’entre eux (arrêt de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00, Rec. p. I‑6677, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêts de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, Rec. p. I‑2501, point 13, et du 18 mai 1994, Codorníu/Conseil, C‑309/89, Rec. p. I‑1853, point 19). Dans une telle hypothèse, un acte communautaire pourrait alors à la fois revêtir un caractère normatif et, à l’égard de certains opérateurs économiques intéressés, un caractère décisionnel (arrêts du Tribunal du 13 novembre 1995, Exporteurs in Levende Varkens e.a./Commission, T‑481/93 et T‑484/93, Rec. p. II‑2941, point 50 ; du 12 juillet 2001, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑198/95, T‑171/96, T‑230/97, T‑174/98 et T‑225/99, Rec. p. II‑1975, point 101 ; du 3 février 2005, Comafrica et Dole Fresh Fruit Europe/Commission, T‑139/01, Rec. p. II‑409, point 107, et ordonnance SPM/Commission, précitée, point 66).

40      Selon une jurisprudence constante, une personne physique ou morale autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concernée individuellement, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, que si elle est atteinte, par l’acte en cause, en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 253 ; Codorníu/Conseil, précité, Rec. p. I‑1853, point 20, et Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 36). À défaut de remplir cette condition, aucune personne physique ou morale n’est, en tout état de cause, recevable à introduire un recours en annulation contre un règlement (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 37, et ordonnance SPM/Commission, précitée, point 67).

41      En outre, s’agissant de la question de savoir si les requérants sont individuellement concernés, il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, tant qu’il est constant que cette application s’effectue en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (ordonnance de la Cour du 24 mai 1993, Arnaud e.a./Conseil, C‑131/92, Rec. p. I‑2573, point 13, et arrêt de la Cour du 23 avril 2009, Sahlstedt, C‑362/06 P, point 31, non encore publié au Recueil).

42      Le présent recours ayant pour objet l’annulation d’un règlement de la Commission, il convient de vérifier si le règlement attaqué revêt une portée générale et si les requérants sont concernés individuellement par celui-ci.

43      En l’espèce, le règlement attaqué avance au 16 juin 2008 la date à partir de laquelle est interdite la pêche du thon rouge dans l’océan Atlantique, à l’est de la longitude 45° O, et dans la Méditerranée, par des senneurs à senne coulissante battant pavillon de la Grèce, de la France, de l’Italie, de Chypre et de Malte, ou enregistrés dans ces États membres. Selon le considérant 6 du règlement attaqué, les mesures d’urgence sont prises sur la base des informations dont dispose la Commission, ainsi que sur la base de celles qui lui sont communiquées par ses inspecteurs au cours de leurs missions dans les États membres concernés.

44      De plus, ainsi qu’il ressort du cadre juridique exposé ci-dessus, le règlement attaqué prévoit une mesure conservatoire d’urgence destinée à permettre la reconstitution des stocks de thon rouge.

45      Dans cette perspective, le règlement attaqué n’a pas été arrêté au vu de la situation particulière des requérants. Il s’applique, au contraire, à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite. Le règlement attaqué revêt dès lors un caractère général.

46      En ce qui concerne l’argument des requérants selon lequel l’attribution du permis spécial de pêche conférerait aux titulaires de celui-ci le droit de pratiquer l’activité de pêche avec sennes coulissantes, en application de la réglementation en vigueur, à l’exclusion de toute autre personne, il convient de relever qu’il ressort clairement de l’article 20, paragraphe 3, première phrase, du règlement n° 2371/2002 que, après fixation par le Conseil, notamment, des limitations de capture et/ou de l’effort de pêche au titre du paragraphe 1 dudit article, il incombe à chaque État membre, et non au législateur communautaire, de décider, pour les navires battant son pavillon, de la méthode d’attribution des possibilités de pêche qui lui sont allouées sans qu’une méthode de répartition soit prescrite. En effet, l’obligation des États membres d’informer la Commission de la méthode d’attribution retenue a seulement pour but de garantir une certaine transparence quant au choix opéré par les États membres (ordonnance de la Cour du 5 mai 2009, Atlantic Dawn e.a./Commission, C‑372/08 P, non publiée au Recueil, point 38). À cet égard, la circonstance que les États membres informent la Commission de leurs décisions concernant les navires battant leur pavillon ne signifie pas que, au-delà de leur qualité générale de pêcheur de thon rouge à senne coulissante, les requérants sont individualisés par le règlement attaqué en raison de certaines qualités qui leurs sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et notamment par rapport à tout autre opérateur pouvant pratiquer la pêche du thon rouge. Par ailleurs, les requérants n’ont apporté aucun élément permettant d’étayer leur position particulière alléguée.

47      En outre, l’article 8 bis du règlement n° 1936/2001, tel que modifié, prévoit l’obligation pour chaque État membre de communiquer à la Commission la liste des navires battant son pavillon et immatriculés sur son territoire, de plus de 24 mètres de longueur hors tout, qu’il autorise à pêcher des thonidés. La Commission transmet ces informations au secrétariat exécutif de la Commission CICTA. Comme il est mentionné au considérant 3 du règlement attaqué, conformément au règlement n° 1559/2007, les États membres sont tenus d’informer la Commission des quotas individuels attribués à leurs navires de plus de 24 mètres. Bien que la République italienne ait également communiqué les quotas individuels des navires de pêche de moins de 24 mètres, il y a lieu de relever que la législation communautaire ne prévoit aucune obligation en ce sens. En tout état de cause, il n’existe aucune disposition obligeant la Commission à prendre en considération la situation spécifique des requérants. À cet égard, le règlement attaqué ne contient aucun élément concret permettant de considérer qu’il aurait été adopté compte tenu de la situation particulière individuelle d’un ou des requérants.

48      Il en résulte que le règlement attaqué ne concerne les requérants qu’en leur qualité objective de pêcheurs de thon rouge utilisant une certaine technique de pêche dans une zone déterminée, au même titre que tout autre opérateur économique se trouvant dans une situation identique.

49      Quant à l’argument selon lequel une éventuelle déclaration d’irrecevabilité du présent recours priverait les requérants de toute voie de droit pour contester la légalité des dispositions attaquées, cette circonstance, à la supposer établie, ne saurait autoriser une modification, par la voie juridictionnelle, du système des voies de recours et des procédures établi par les articles 230 CE, 234 CE et 241 CE, et destiné à confier au juge communautaire le contrôle de la légalité des actes des institutions. En aucun cas, elle ne permet de déclarer recevable un recours en annulation formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 230, quatrième alinéa, CE (arrêt Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, précité, point 44, et ordonnance du Tribunal du 22 avril 2009, Bundesverband Deutscher Milchviehhalter e.a./Conseil, T‑217/08, non publiée au Recueil, point 51).

50      Il s’ensuit que les recours doivent être rejetés comme irrecevables, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments des requérants relatifs à leur affectation directe.

 Sur les dépens

51      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Les recours sont rejetés comme irrecevables.

2)      Les requérants, Veromar di Tudisco Alfio & Salvatore Snc et les seize autres requérants dont les noms figurent en annexe, supporteront leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission des Communautés européennes.

Fait à Luxembourg, le 30 novembre 2009.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. W. H. Meij



Annexe

Euromar di Ganesio Pietro & C. Snc, établie à Aci Castello (Italie),

Signorello Corrado, demeurant à Portopalo di Capo Passero (Italie),

Pescazzurra Srl, établie à Messine (Italie),

Società di armamento Gaetano padre dei fratelli Incorvaia Giuseppe, Ignazio e Salvatore Snc, établie à Licata (Italie),

Salvatore di Mercurio, demeurant à Pachino (Italie),

Margherita Soc. coop. rl, établie à Cariati (Italie),

Riccardo Cimino, demeurant à Castelsardo (Italie),

Antonio Musumeci, demeurant à Bagnara Calabra (Italie),

Pescatori San Francesco di Paola Soc. coop., établie à Vibo Valentia (Italie),

Filippo Sorrentino, demeurant à Vibo Valentia,

Pepito Pesca Srl, établie à Vibo Valentia,

G. & C. Srl, établie à Licata,

Armamento Li Causi Snc, établie à Marsala (Italie),

Mareggiando in Calabria – Servizi Pesca Turismo Soc. coop., établie à Vibo Valentia,

Antonio De Leonardo, demeurant à Vibo Valentia,

Salvatore Finelli, demeurant à Vibo Valentia.


* Langue de procédure : l’italien.