ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
28 mai 1998 (1)
«Pourvoi Recevabilité Question de droit Question de fait Concurrence
Système d'échange d'informations Restriction à la concurrence Refus
d'exemption»
Dans l'affaire C-7/95 P,
John Deere Ltd , société de droit anglais, établie à Édimbourg (Royaume-Uni),
représentée par Mes Hans-Jörg Niemeyer et Rainer Bechtold, avocats à Stuttgart,
ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue
Goethe,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance
des Communautés européennes (deuxième chambre) du 27 octobre 1994,
Deere/Commission (T-35/92, Rec. p. II-957), et tendant à l'annulation de cet arrêt,
l'autre partie à la procédure étant:
Commission des Communautés européennes , représentée par M. Julian Currall,
membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de M. Nicholas Forwood,
QC, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz,
membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida,
D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 3 juillet 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 septembre
1997,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 janvier 1995, John Deere Ltd,
société de droit anglais, a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de
justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 27
octobre 1994, Deere/Commission (T-35/92, Rec. p. II-957, ci-après l'«arrêt
entrepris»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l'annulation de la
décision 92/157/CEE de la Commission, du 17 février 1992, relative à une
procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.370 et 31.446 UK
Agricultural Tractor Registration Exchange, JO L 68, p. 19, ci-après la «décision
litigieuse»).
- 2.
- S'agissant des faits qui sont à l'origine du présent pourvoi, il ressort de l'arrêt
entrepris:
«1 L'Agricultural Engineers Association Limited (ci-après 'AEA) est un
groupement professionnel ouvert à tous les constructeurs ou importateurs
de tracteurs agricoles opérant au Royaume-Uni. A la date des faits, elle
comprenait environ 200 membres, dont notamment Case Europe Limited,
John Deere Limited, Fiatagri UK Limited, Ford New Holland Limited,
Massey-Ferguson (United Kingdom) Limited, Renault Agricultural Limited,
Same-Lamborghini (UK) Limited, Watveare Limited.
a) La procédure administrative
2 Le 4 janvier 1988, l'AEA a notifié à la Commission, en vue d'obtenir, à titre
principal, une attestation négative et, à titre subsidiaire, une déclaration
d'exemption, un accord concernant un système d'informations basé sur des
données relatives aux immatriculations de tracteurs agricoles, détenues par
le ministère des Transports du Royaume-Uni, intitulé 'UK Agricultural
Tractor Registration Exchange (ci-après 'première notification). Cet
accord d'échange d'informations se substituait à un accord antérieur, datant
de 1975 qui, quant à lui, n'avait pas été notifié à la Commission. Ce dernier
accord avait été porté à la connaissance de celle-ci en 1984, à l'occasion
d'investigations effectuées à la suite d'une plainte dont elle avait été saisie,
pour entraves aux importations parallèles.
3 L'adhésion à l'accord est ouverte à tous les fabricants ou importateurs de
tracteurs agricoles au Royaume-Uni, qu'ils aient ou non la qualité
d'adhérent à l'AEA. Celle-ci assure le secrétariat de l'accord. Le nombre
d'adhérents à l'accord a varié au cours de la période d'instruction de
l'affaire, au gré des mouvements de restructuration qui ont affecté la
profession; à la date de la notification, huit constructeurs, dont la
requérante, participaient à l'accord. Les parties à cet accord sont les huit
opérateurs économiques cités au point 1 ci-dessus, qui détiennent, selon la
Commission, 87 à 88 % du marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni,
plusieurs petits constructeurs se partageant le reste du marché.
4 Le 11 novembre 1988, la Commission a adressé une communication des
griefs à l'AEA, à chacun des huit adhérents concernés par la première
notification, ainsi qu'à Systematics International Group of Companies
Limited (ci-après 'SIL), société de service informatique chargée du
traitement et de l'exploitation des données contenues dans le formulaire
V55 (voir, ci-après, point 6). Le 24 novembre 1988, les participants à
l'accord ont décidé sa suspension. Au cours d'une audition devant la
Commission, la requérante a fait valoir, en se prévalant notamment d'une
étude réalisée par le Pr Albach, membre du Berlin Science Center, que les
informations transmises avaient une influence bénéfique sur la concurrence.
Le 12 mars 1990, cinq membres de l'AEA dont la requérante ont notifié
à la Commission un nouvel accord (ci-après 'seconde notification) de
diffusion d'informations, appelé 'UK Tractor Registration Data System (ci-après 'Data System), en s'engageant à ne pas appliquer le nouveau
système avant d'avoir obtenu la réponse de la Commission à leur
notification.
...
b) Le contenu de l'accord et son contexte juridique
6 Pour être admis à circuler sur la voie publique au Royaume-Uni, tout
véhicule doit, selon la loi nationale, être immatriculé, auprès du Department
of Transport. La responsabilité de ces immatriculations incombe aux Local
Vehicles Licensing Offices (ci-après 'LVLO), au nombre d'environ 60.
L'immatriculation des véhicules fait l'objet d'instructions ministérielles
d'ordre procédural, intitulées 'Procedure for the first licensing and
registration of motor Vehicles. Selon ces instructions, un formulaire spécial,
le formulaire V55, doit être utilisé pour présenter la demande
d'immatriculation du véhicule. En vertu d'un arrangement conclu avec le
ministère des Transports du Royaume-Uni, celui-ci transmet à la SIL
certaines des informations recueillies par lui, à l'occasion de
l'immatriculation des véhicules.»
- 3.
- Au point 7 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a constaté que les parties étaient en
désaccord sur un certain nombre de questions de fait relatives aux informations
figurant sur le formulaire V55 et à leur utilisation. Ces désaccords sont résumés aux
points 8 à 18 de l'arrêt entrepris.
- 4.
- Dans la décision litigieuse, la Commission a exposé son appréciation juridique, au
regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'accord, d'une part, tel qu'il était
appliqué avant la notification et tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988 (la première
notification) et, d'autre part, tel qu'il a été notifié le 12 mars 1990 (la seconde
notification).
- 5.
- S'agissant de l'accord ayant fait l'objet de la première notification, la Commission
a examiné, en premier lieu, aux points 35 à 52 de la décision litigieuse, la partie du
système d'échange d'informations qui permet d'avoir connaissance des ventes de
chaque concurrent. Elle a tenu compte de la structure du marché, de la nature des
renseignements fournis, du caractère détaillé des informations échangées et des
réunions régulières des parties à l'accord au sein du comité de l'AEA. La
Commission a considéré que l'accord avait pour effet de restreindre la concurrence,
d'une part, en augmentant la transparence sur un marché fortement concentré et,
d'autre part, en renforçant les obstacles à l'accès au marché de non-membres.
- 6.
- Aux points 53 à 56 de la décision litigieuse, la Commission a, en second lieu,
apprécié le système d'échange d'informations en ce qui concerne la diffusion des
données concernant les ventes des concessionnaires de chaque membre. A cet
égard, elle a relevé la possibilité de connaître, par le biais de ces données, les
ventes des différents concurrents au niveau de chaque territoire lorsque, pour un
produit et une période donnés, le volume total des ventes réalisées sur ce territoire
est inférieur à dix unités. En outre, elle a constaté la possibilité d'entraver l'activité
de concessionnaires ou d'importateurs parallèles.
- 7.
- Aux points 57 et 58 de la décision litigieuse, la Commission a présenté son
appréciation au sujet de l'effet de ce système d'échange d'informations sur le
commerce entre les États membres.
- 8.
- Aux points 59 à 64 de la décision litigieuse, la Commission a, en outre, estimé que
l'accord ayant fait l'objet de la première notification n'avait pas un caractère
indispensable et que, dès lors, il n'était pas nécessaire d'examiner les quatre
conditions d'obtention d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du
traité.
- 9.
- Quant à la version modifiée de l'accord ayant fait l'objet de la seconde notification,
la Commission a notamment considéré, au point 65 de la décision litigieuse, que
ses observations relatives à l'accord ayant fait l'objet de la première notification s'y
appliquaient mutatis mutandis.
- 10.
- Par la décision litigieuse, la Commission a ainsi:
constaté que l'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de
tracteurs agricoles, dans sa version initiale et dans sa version modifiée,
constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, «dans la
mesure où il donne lieu à un échange d'informations permettant à chaque
constructeur de connaître les ventes de chacun de ses concurrents, ainsi que
les ventes et les importations réalisées par ses propres concessionnaires»
(article 1er);
rejeté la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du
traité (article 2);
enjoint à l'AEA et aux parties à l'accord de mettre fin à l'infraction
constatée, si ce n'était déjà fait, et de s'abstenir pour l'avenir de s'associer
à tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet
identique ou similaire (article 3).
- 11.
- Le 7 mai 1992, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal visant à
l'annulation de la décision litigieuse et à la condamnation de la Commission aux
dépens. A l'appui de son recours, elle soulevait onze moyens. Le Tribunal a
regroupé ces moyens de la façon suivante:
«25 Au titre de la régularité de la procédure administrative, la requérante
soutient:
que la Décision est entachée d'une violation des formes substantielles;
qu'elle est entachée d'une contradiction entre ses motifs et son
dispositif.
26 Au titre du deuxième groupe de moyens, la requérante invoque quatre
considérations 'd'ordre général. Elle soutient:
que la Décision repose sur des faits matériellement inexacts;
qu'un système d'échange d'informations n'est pas, par lui-même,
constitutif d'une violation des règles communautaires de concurrence
et que la Décision est incompatible avec la politique communautaire
de concurrence et procède, dès lors, d'un détournement de pouvoir;
que la pratique en cause n'est pas constitutive d'une violation, par les
autorités du Royaume-Uni, de l'article 5 du traité CEE;
que la Décision méconnaît les règles relatives à la charge de la
preuve.
27 Enfin, le troisième groupe comprend cinq moyens. A ce titre, la requérante
soutient:
que le système d'échange d'informations en litige ne présente pas le
caractère d'un accord, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité;
que la diffusion des ventes de chaque concurrent ne porte pas atteinte
à la concurrence;
qu'il en va de même de la diffusion des ventes des concessionnaires
de chacun des membres;
que le système de diffusion de l'information en cause ne porte pas
une atteinte suffisamment sensible au commerce entre les États
membres;
que, en admettant quod non que le système d'échange
d'informations en cause tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe
1, du traité, les conditions d'une application de l'article 85, paragraphe
3, sont réunies.»
- 12.
- Par l'arrêt entrepris, le Tribunal a rejeté l'ensemble de ces moyens et a condamné
la requérante aux dépens.
- 13.
- Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour d'annuler l'arrêt entrepris et la
décision litigieuse, et de condamner la Commission aux dépens du présent pourvoi
ainsi qu'à ceux de la procédure qui s'est déroulée devant le Tribunal.
- 14.
- La Commission conclut à ce qu'il plaise à la Cour de rejeter le pourvoi comme
étant irrecevable et, à titre subsidiaire, dénué de fondement. Elle demande, en
outre, de condamner la requérante aux dépens.
- 15.
- La Cour a rejeté la demande de la requérante visant à obtenir le compte rendu
intégral de l'audience tenue le 16 mars 1994 devant le Tribunal dans l'affaire
T-35/92. Le greffe de la Cour a informé les parties de cette décision par lettre du
13 juin 1995.
- 16.
- A l'appui de son pourvoi, la requérante invoque huit moyens, formulés comme suit:
motivation contradictoire et insuffisante;
application erronée de l'article 85, paragraphe 1, du traité, quant à
l'existence d'un accord au sens de cette disposition;
qualification erronée du marché des tracteurs au Royaume-Uni tenu pour
un oligopole fermé;
application erronée de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne la
restriction à la concurrence entre les producteurs;
application erronée de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne les
réunions de l'AEA;
application erronée de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne la
restriction de la concurrence à l'intérieur d'une même marque;
application erronée de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui concerne l'effet
sur le commerce entre le Royaume-Uni et les autres États membres;
refus injustifié de l'application de l'article 85, paragraphe 3.
Sur l'étendue du contrôle exercé par la Cour dans le cadre d'un pourvoi
- 17.
- Avant d'aborder l'examen des moyens soulevés par la requérante, il convient de
rappeler certains principes régissant le pourvoi, notamment quant à l'étendue de
la compétence de la Cour.
- 18.
- Il ressort de l'article 168 A du traité CE et de l'article 51 du statut CE de la Cour
de justice que le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des
moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le
Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du
droit communautaire par ce dernier. Quant à l'article 112, paragraphe 1, sous c),
du règlement de procédure de la Cour, il prévoit que le pourvoi doit spécifier les
moyens et les arguments invoqués.
- 19.
- Il résulte de ces dispositions qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les
éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments
juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (ordonnance du
17 septembre 1996, San Marco/Commission, C-19/95 P, Rec. p. I-4435, point 37).
- 20.
- Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire
textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le
Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément écartés par
cette juridiction; en effet, dans la mesure où un tel pourvoi ne comporte pas une
argumentation visant spécifiquement à critiquer l'arrêt attaqué, il constitue en
réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée
devant le Tribunal, ce qui, aux termes de l'article 49 du statut CE de la Cour de
justice, échappe à la compétence de celle-ci (voir, en ce sens, notamment,
ordonnance San Marco/Commission, précitée, point 38).
- 21.
- Il résulte également des dispositions susmentionnées que le pourvoi ne peut
s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à
l'exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal est seul compétent, d'une
part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses
constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre
part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits,
la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l'article 168 A du traité, un
contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui
en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, ordonnance San
Marco/Commission, précitée, point 39).
- 22.
- La Cour n'est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour
examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès
lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du
droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et
d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal
d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis
(voir, notamment, ordonnance San Marco/Commission, précitée, point 40). Cette
appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces
éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour
(arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, point 42).
Sur le premier moyen
- 23.
- Le premier moyen s'articule en trois branches qui visent, respectivement, les points
39, 40 et 92 de l'arrêt entrepris. La requérante reproche au Tribunal, en premier
lieu, d'avoir considéré que la décision litigieuse pouvait viser non pas uniquement
le Data System (la seconde notification), mais également la première notification,
en deuxième lieu, d'avoir estimé que la motivation de la décision litigieuse était
suffisante en ce qui concerne la légalité du Data System et, enfin, d'avoir
insuffisamment motivé l'arrêt entrepris quant à l'emploi par la Commission du
critère des «unités vendues».
Sur la première branche du premier moyen
- 24.
- Au point 39 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a constaté, d'une part, que la seconde
notification n'émanait pas de l'ensemble des opérateurs signataires de la première
notification et, d'autre part, que les parties notifiantes n'avaient pas expressément
déclaré retirer la première de ces deux notifications. Le Tribunal a dès lors conclu
que la décision litigieuse pouvait viser également la première notification.
- 25.
- La requérante soutient que, contrairement à la constatation du Tribunal, elle-même
et d'autres entreprises avaient déclaré sans ambiguïté dans leur notification du Data
System qu'elles avaient cessé de participer aux activités du système d'échange
d'informations antérieur.
- 26.
- A cet égard, il convient de relever que l'argumentation de la requérante est fondée
sur la remise en cause de la constatation et de l'appréciation de faits au regard
desquels le Tribunal a considéré que la décision litigieuse visait également la
première notification. La requérante n'avance aucun argument visant à démontrer
que la conclusion que le Tribunal a tirée de faits déterminés serait entachée d'une
erreur de droit.
- 27.
- Cette branche du premier moyen est dès lors irrecevable.
Sur la deuxième branche du premier moyen
- 28.
- La requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur en jugeant, au point
40 de l'arrêt entrepris, que la décision litigieuse était suffisamment motivée en ce
qui concerne le Data System. La Commission se serait en effet bornée à déclarer
que les observations concernant le système d'échange d'informations, issu de la
première notification, s'appliqueraient mutatis mutandis au Data System, sans tenir
compte des différences sensibles entre les deux systèmes.
- 29.
- Il convient de constater que, au point 40 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a examiné
l'argument de la requérante selon lequel l'appréciation de la Commission serait
entachée d'inexactitude matérielle en ce qui concerne la comparaison entre les
informations communiquées au sein des deux systèmes d'échange d'informations.
Par cet examen, le Tribunal a déterminé des éléments de fait dont le contrôle
échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d'un pourvoi.
- 30.
- La deuxième branche du premier moyen est donc également irrecevable.
Sur la troisième branche du premier moyen
- 31.
- La troisième branche du premier moyen concerne le point 92 de l'arrêt entrepris
dans lequel le Tribunal a examiné le moyen tiré de l'absence de risque
d'identification des ventes d'un concurrent. Devant le Tribunal, la requérante avait
critiqué la fixation, par la Commission, à dix unités vendues sur un territoire donné
le nombre total des ventes en deçà duquel une identification des ventes réalisées
par chacun des concurrents est possible sur la base d'une simple comparaison entre
les ventes totales et celles de la société concernée.
- 32.
- Au point 92 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a considéré que le système d'échange
d'informations produisait des effets anticoncurrentiels, «compte tenu des
caractéristiques du marché, telles que précédemment analysées ... de la nature des
informations échangées ... et de la circonstance que, dans certaines hypothèses, les
informations diffusées ne le sont pas sous forme de résultats suffisamment agrégés,
de telle sorte qu'elles permettent l'identification des ventes». Le Tribunal en a
conclu que «la requérante n'est pas fondée à soutenir que la Commission, qui a pu,
sans erreur manifeste d'appréciation, fixer à dix unités le nombre de véhicules
vendus, sur un territoire donné de concession, en deçà duquel une identification des
ventes réalisées par chacun des concurrents est possible, n'aurait pas établi à
suffisance de droit que, dans cette mesure, le système d'échange d'informations en
litige tombe sous le coup de l'article 85, paragraphe 1, du traité.»
- 33.
- Dans la troisième branche de son premier moyen, la requérante fait valoir que le
Tribunal ne s'est pas suffisamment expliqué sur les raisons pour lesquelles il a
approuvé le critère de dix véhicules vendus.
- 34.
- A ce propos, il y a lieu de rappeler la jurisprudence de la Cour (voir, notamment,
arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, Rec. p. 2545, point 34, et
du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec.
p. 4487, point 62) selon laquelle, si le juge communautaire exerce de manière
générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d'application de
l'article 85, paragraphe 1, du traité se trouvent ou non réunies, le contrôle qu'ilexerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se
limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de
motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur
manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir.
- 35.
- Or, en l'espèce, la fixation du critère qui fait obstacle à la connaissance exacte des
ventes des concurrents se base sur une appréciation économique complexe du
marché. Le Tribunal s'est dès lors correctement tenu à un contrôle limité sur ce
point.
- 36.
- Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que, en constatant que la Commission
n'avait commis aucune erreur manifeste en utilisant le critère des dix unités
vendues, compte tenu des caractéristiques du marché et de la nature des
informations échangées, le Tribunal a suffisamment motivé l'appréciation qu'il a
effectuée.
- 37.
- La troisième branche du premier moyen n'est donc pas fondée.
- 38.
- Il résulte de ces considérations que le premier moyen doit être rejeté dans son
ensemble.
Sur le deuxième moyen
- 39.
- Ce moyen concerne le point 66 de l'arrêt entrepris dans lequel le Tribunal a estimé
que la mise à disposition d'informations collectées à l'occasion de l'immatriculation
de chacun des véhicules suppose un accord, au moins tacite, entre les opérateurs
économiques concernés pour définir, par référence au système du code postal au
Royaume-Uni, les limites des territoires de vente des concessionnaires, ainsi qu'un
cadre institutionnel permettant, par l'intermédiaire de l'association professionnelle
à laquelle ils adhèrent, l'échange d'informations entre les opérateurs.
- 40.
- La requérante soutient que ni le Tribunal ni la Commission n'ont constaté
l'existence du moindre indice d'un accord visant à définir les limites des territoires
de vente des concessionnaires. Elle précise que la redéfinition de ces territoires
avait pour unique objectif de les rendre conformes aux circonscriptions postales
afin d'éviter qu'une circonscription postale fasse partie de deux ou plusieurs
territoires différents de concessionnaires. Elle ajoute que les parties à l'accord ont
réaménagé les territoires de leurs distributeurs indépendamment les uns des autres
après la mise en place du système des codes postaux au Royaume-Uni. Selon la
requérante, ce moyen concerne une question de droit puisque ce serait la
qualification juridique des faits retenue par le Tribunal qui serait contestée.
- 41.
- Il y a lieu de relever que, comme il ressort du point 63 de l'arrêt entrepris, la
requérante reproduit le même argument que celui qu'elle avait déjà invoqué devant
le Tribunal et qu'elle cherche en réalité à obtenir un réexamen de celui-ci sans
même tenter d'avancer des arguments juridiques qui démontreraient de manière
spécifique que le Tribunal aurait commis une erreur de droit en estimant que le
découpage des territoires de vente des concessionnaires par référence au système
du code postal supposait un accord, au moins tacite.
- 42.
- Le deuxième moyen doit dès lors être rejeté comme irrecevable.
Sur le troisième moyen
- 43.
- Ce moyen concerne tout d'abord les points 78 à 80 de l'arrêt entrepris, dans
lesquels le Tribunal a exposé sa position au sujet du caractère oligopolistique du
marché de référence et est parvenu à la conclusion que l'appréciation de la
Commission n'était entachée d'aucune erreur manifeste. Ensuite, ce moyen a trait
au point 51 de l'arrêt entrepris et, plus précisément, à l'analyse que le Tribunal a
faite de la concurrence sur un marché oligopolistique fortement concentré.
- 44.
- La requérante fait valoir que ces appréciations du Tribunal sont erronées, et ce à
cinq égards.
Sur la première branche du troisième moyen
- 45.
- Dans la première branche de son troisième moyen, la requérante soutient que le
Tribunal n'a pas tenu compte de tous les facteurs pertinents pour déterminer les
conditions de la concurrence sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni. A cet égard, elle reproche au Tribunal d'avoir omis les trois facteurs suivants:
la concurrence en matière de prix, l'analyse de l'évolution du produit et le pouvoir
d'achat de la clientèle des fournisseurs de tracteurs.
- 46.
- La requérante ajoute que le Tribunal aurait dû au moins expliquer la raison de son
éventuel désaccord sur la définition qu'elle avait donnée du marché et les raisons
pour lesquelles il n'a pas tenu compte de ces trois éléments.
- 47.
- Il ressort de l'arrêt entrepris, tout d'abord, que le Tribunal a résumé
l'argumentation de la requérante à ce sujet aux points 69 à 75 de l'arrêt entrepris
et, ensuite, qu'il a exposé, aux points 78 à 80 du même arrêt, les raisons pour
lesquelles il a jugé que la Commission n'avait pas commis d'erreur manifeste
d'appréciation en se fondant sur d'autres caractéristiques du marché pour estimer
qu'il s'agissait d'un oligopole fermé. Enfin, au point 101 de l'arrêt entrepris, le
Tribunal a analysé l'argument relatif à la concurrence par les prix.
- 48.
- Le grief avancé par la requérante consiste à critiquer le choix des éléments
pertinents pour l'analyse du marché concerné. A cet égard, il convient de constater,
en premier lieu, que rien ne laisse supposer que les observations présentées par la
requérante devant le Tribunal aient été ignorées par celui-ci. En second lieu, il y
a lieu de considérer que l'argumentation de la requérante ne démontre pas que le
Tribunal aurait commis une erreur de droit en se basant sur la part de marché des
principaux opérateurs, la relative stabilité des positions individuelles de ces
opérateurs, les fortes barrières à l'entrée sur le marché et le degré d'homogénéité
suffisante des produits pour conclure que l'analyse du marché concerné, opérée par
la Commission, n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
- 49.
- Enfin, il y a lieu d'ajouter que le Tribunal a motivé à suffisance les raisons qui l'ont
amené à cette conclusion. Sur ce point, il convient de tenir compte de ce que
l'appréciation du Tribunal, aux points 78 à 80 de l'arrêt entrepris, est une réponse
à l'argumentation de la requérante, laquelle contestait globalement l'analyse du
marché opérée par la Commission. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché
au Tribunal de ne pas avoir développé en détail les raisons pour lesquelles il ne
s'est pas appuyé sur les trois éléments relevés par la requérante dans son pourvoi.
- 50.
- La première branche du troisième moyen doit donc être rejetée comme non
fondée.
Sur la deuxième branche du troisième moyen
- 51.
- La requérante reproche au Tribunal d'avoir omis d'examiner l'analyse économique
que M. Albach a présentée dans ses rapports annexés aux pièces de procédure
qu'elle a déposées et lors de l'audience devant le Tribunal. Elle précise que ce
dernier n'aurait pas dû se contenter de résumer les déclarations de l'expert mais
qu'à tout le moins il aurait dû spécifier les raisons pour lesquelles il n'a pas tenu
compte de certains éléments de preuve qu'il avait fournis ou les raisons pour
lesquelles il était en désaccord avec son analyse.
- 52.
- Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du dossier que le
Tribunal ait omis d'examiner l'analyse économique de M. Albach. D'une part, le
point 75 de l'arrêt entrepris indique que la requérante a fondé ses conclusions
relatives à la caractérisation du marché notamment sur les consultations de
M. Albach. D'autre part, le Tribunal a exposé aux points 78 à 80 les raisons pour
lesquelles il a estimé que les critiques présentées par la requérante ne remettaient
pas en question la justification de l'analyse que la Commission avait faite du
marché concerné.
- 53.
- Il est certes vrai que le Tribunal n'expose pas de façon détaillée les arguments
contenus dans le rapport d'expertise de M. Albach. Une telle explicitation d'un
élément de preuve ne saurait toutefois être exigée pour s'assurer que le Tribunal
en a dûment tenu compte dans son appréciation. Il en est d'autant plus ainsi
lorsque, comme en l'espèce, le contrôle du Tribunal s'est limité à vérifier que
l'appréciation de la Commission n'était entachée d'aucune erreur manifeste.
- 54.
- Il s'ensuit que la deuxième branche du troisième moyen doit être écartée comme
étant non fondée.
Sur la troisième branche du troisième moyen
- 55.
- Dans la troisième branche de son troisième moyen, la requérante soutient que les
documents qu'elle avait présentés devant le Tribunal démontrent que les
constatations de ce dernier relatives aux caractéristiques du marché des tracteurs
au Royaume-Uni sont inexactes quant à la stabilité relative des positions des
concurrents, aux obstacles élevés à l'entrée et au degré d'homogénéité suffisante
des produits.
- 56.
- Ainsi qu'il a été rappelé aux points 21 et 22 du présent arrêt, le Tribunal est seul
compétent, d'une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude
matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été
soumises, et, d'autre part, pour apprécier ces faits.
- 57.
- A cet égard, il suffit de relever que, en l'espèce, la requérante n'avance aucun
argument précis pour démontrer, à partir des documents qu'elle a présentés et sans
qu'il soit nécessaire de procéder à une appréciation de la valeur de tous les
éléments exposés devant le Tribunal à ce sujet, une quelconque inexactitude
matérielle dans la constatation des faits par ce dernier.
- 58.
- Si cette branche du moyen devait être comprise comme tendant à obtenir le
contrôle de l'appréciation des faits par le Tribunal, il y aurait lieu de constater
qu'un tel contrôle échappe, en tout état de cause, à la compétence de la Cour.
- 59.
- La troisième branche du troisième moyen est par conséquent irrecevable.
Sur la quatrième branche du troisième moyen
- 60.
- Dans la quatrième branche du troisième moyen, la requérante fait valoir que le
Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission a
correctement défini le marché de référence comme le marché des tracteurs
agricoles au Royaume-Uni. Elle aurait ainsi manqué à son obligation d'identifier
exactement le marché géographique concerné en omettant de procéder à une
comparaison de la structure du marché des tracteurs dans les divers États
membres.
- 61.
- A cet égard, il convient tout d'abord de rappeler que, en vertu de l'article 48,
paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens
nouveaux en cours d'instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent
sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant l'instance.
- 62.
- Permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen
qu'elle n'a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la
Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d'un litige plus étendu
que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d'un pourvoi, la
compétence de la Cour est donc limitée à l'examen de l'appréciation par le
Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui (voir, en ce sens, arrêt du 1er
juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, Rec. p. I-1981, point 59).
- 63.
- Or, en l'occurrence, il y a lieu de relever que, comme la Commission l'a fait
observer, l'argument soulevé dans cette quatrième branche du troisième moyen n'a
jamais été soulevé à un stade antérieur au présent pourvoi. En effet, il résulte
d'une lecture de l'arrêt entrepris et du dossier du Tribunal qu'il n'a pas été invoqué
devant ce dernier.
- 64.
- Il est certes vrai que, au point 80, l'arrêt entrepris contient la mention indiquée par
la requérante. Il apparaît toutefois qu'elle s'inscrit dans le contexte de
l'appréciation du moyen tiré de l'absence d'atteinte à la concurrence résultant de
la diffusion des données sur les ventes de chaque concurrent et qu'elle ne constitue
en aucun cas une réponse à une allégation de la requérante à propos de la
définition du marché de référence.
- 65.
- Cette branche du troisième moyen est, par conséquent, irrecevable.
Sur la cinquième branche du troisième moyen
- 66.
- La requérante soutient que le Tribunal a incorrectement estimé, au point 51 de
l'arrêt entrepris, que le fait que le marché en cause était «fortement concentré»
impliquait automatiquement que la concurrence était «fortement atténuée».
- 67.
- Le point 51 de l'arrêt entrepris, qui fait partie de l'appréciation par le Tribunal du
moyen selon lequel l'accord ne porterait pas atteinte aux règles communautaires
de concurrence, est ainsi libellé:
«Le Tribunal relève que, comme le soutient la requérante, la Décision est la
première par laquelle la Commission prohibe un système d'échange d'informations
portant sur des produits suffisamment homogènes qui, sans concerner directement
les prix de ces produits, n'est pas non plus le support d'un autre mécanisme
anticoncurrentiel. A cet égard, le Tribunal estime que, en principe, comme le
soutient certes, à juste titre, la requérante, la transparence entre les opérateurs
économiques est, sur un marché véritablement concurrentiel, de nature à concourir
à l'intensification de la concurrence entre les offreurs, dès lors que, dans une telle
hypothèse, la circonstance qu'un opérateur économique tienne compte des
informations sur le fonctionnement du marché, dont il dispose grâce au système
d'échange d'informations, pour adapter son comportement sur le marché, n'est pas
de nature, compte tenu du caractère atomisé de l'offre, à atténuer ou à supprimer,
pour les autres opérateurs économiques, toute incertitude quant au caractère
prévisible des comportements de ses concurrents. Le Tribunal estime, en revanche,
que, comme le soutient cette fois la Commission, la généralisation, entre les
principaux offreurs et, contrairement à ce que soutient la requérante, au seul profit
de ceux-ci et, par suite, à l'exclusion des autres offreurs et des consommateurs, d'un
échange d'informations précises et selon une périodicité rapprochée, concernant
l'identification des véhicules immatriculés et le lieu de leur immatriculation, est de
nature, sur un marché oligopolistique fortement concentré, tel le marché en cause,
et où, par suite, la concurrence est déjà fortement atténuée et l'échange
d'informations facilité, à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les
opérateurs économiques (voir, ci-après, point 81). En effet, dans une telle
hypothèse, la mise en commun régulière et rapprochée des informations relatives
au fonctionnement du marché a pour effet de révéler périodiquement, à l'ensemble
des concurrents, les positions sur le marché et les stratégies des différents
concurrents.»
- 68.
- Il ressort de ce point de l'arrêt entrepris que l'allégation critiquée est tirée d'une
partie de phrase énoncée dans le cadre de l'examen des effets du système
d'échange d'informations sur la concurrence. Cette partie de phrase ne se prête dès
lors pas à une appréciation isolée. Lue dans son contexte, il apparaît clairement
que le Tribunal ne s'est pas contenté d'établir une simple corrélation entre le
niveau de concentration et l'intensité de la concurrence, mais qu'il a tenu compte
de plusieurs facteurs propres au cas d'espèce.
- 69.
- La cinquième branche du troisième moyen n'est donc pas fondée.
- 70.
- Il s'ensuit que le troisième moyen est pour partie irrecevable et pour partie non
fondé et qu'il doit, dès lors, être rejeté dans son ensemble.
Sur le quatrième moyen
- 71.
- Par son quatrième moyen, divisé en trois branches, la requérante fait valoir que le
Tribunal a appliqué de manière erronée l'article 85, paragraphe 1, du traité, en ce
qui concerne la restriction à la concurrence entre les constructeurs. Tout d'abord,
selon la requérante, la réduction ou la suppression de l'incertitude concernant le
fonctionnement du marché n'aurait pas restreint la concurrence; ensuite, le système
d'échange d'informations n'aurait pas renforcé les difficultés d'accès au marché
concerné; enfin, l'article 85, paragraphe 1, n'interdirait pas les effets purement
potentiels sur la concurrence. Il convient de commencer l'examen du présent
moyen par cette dernière branche.
Sur la troisième branche du quatrième moyen
- 72.
- La troisième branche du moyen concerne les points 61 et 92 de l'arrêt entrepris
dans lesquels le Tribunal a considéré, notamment, que l'article 85, paragraphe 1,
prohibait tant les effets anticoncurrentiels réels que les effets purement potentiels.
En effet, aux termes du point 61,
«Le Tribunal estime que, contrairement à ce que soutient la requérante, la
circonstance que la partie défenderesse ne serait pas en mesure d'établir l'existence
d'un effet anticoncurrentiel réel résultant, sur le marché de référence, de la
pratique litigieuse, effet qui aurait pu notamment résulter de ce que l'accord est,
dans son économie générale, en vigueur depuis 1975, est sans influence sur la
solution du litige, dès lors que l'article 85, paragraphe 1, du traité prohibe tant les
effets anticoncurrentiels réels que les effets purement potentiels, pour peu que
ceux-ci soient suffisamment sensibles (arrêt de la Cour du 16 juin 1981, Salonia,
126/80, Rec. p. 1563, et arrêt du Tribunal du 24 octobre 1991,
Petrofina/Commission, T-2/89, Rec. p. II-1087), ce qui, en l'espèce, est le cas,
compte tenu des caractéristiques du marché (voir, ci-après, point 78).»
- 73.
- Au point 92 de son arrêt, le Tribunal rappelle cette interprétation.
- 74.
- La requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur dans cette
interprétation de l'article 85, paragraphe 1, en confondant les effets sur le jeu de
la concurrence avec les effets sur le commerce entre États membres. Selon la
requérante, les deux arrêts sur lesquels le Tribunal s'appuie ne constituent pas des
arguments en faveur de l'appréciation qu'il a portée.
- 75.
- A cet égard, il y a lieu, à titre liminaire, de constater que le Tribunal a
correctement considéré, au point 92 de l'arrêt entrepris, que, dès lors qu'il n'avait
pas été allégué que l'accord avait un objet anticoncurrentiel, il convenait d'en
apprécier les effets pour déterminer s'il empêchait, restreignait ou faussait le jeu
de la concurrence de façon sensible.
- 76.
- Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que, pour apprécier si un accord
doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la
concurrence qui en sont l'effet, il convient d'examiner le jeu de la concurrence dans
le cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux (voir, notamment,
arrêts du 30 juin 1966, Société technique minière, 56/65, Rec. p. 337, et du 11
décembre 1980, L'Oréal, 31/80, Rec. p. 3775, point 19).
- 77.
- Or, l'article 85, paragraphe 1, ne limite pas une telle appréciation aux seuls effets
actuels mais celle-ci doit également tenir compte des effets potentiels de l'accord
sur la concurrence dans le marché commun (voir, en ce sens, arrêts du 10
décembre 1985, ETA, 31/85, Rec. p. 3933, point 12, et BAT et
Reynolds/Commission, précité, point 54). Comme le Tribunal l'a correctement
rappelé, un accord échappe toutefois à la prohibition de l'article 85 lorsqu'il
n'affecte le marché que d'une manière insignifiante (arrêt du 9 juillet 1969, Völk,
5/69, Rec. p. 295, point 7).
- 78.
- C'est donc à bon droit que le Tribunal a considéré que la circonstance que la
Commission n'a pas été en mesure d'établir l'existence d'un effet anticoncurrentiel
réel était sans influence sur la solution du litige. Dans ces conditions, il est sans
importance que le Tribunal se soit appuyé sur les arrêts Salonia, et
Petrofina/Commission, précités, qui concerneraient plutôt l'interprétation du critère
relatif à l'affectation au commerce entre les États membres.
- 79.
- La troisième branche du quatrième moyen n'est donc pas fondée.
Sur la première branche du quatrième moyen
- 80.
- Cette branche du moyen vise en particulier les points 51 et 81 de l'arrêt entrepris
dans lesquels le Tribunal a notamment considéré que le système d'échange
d'informations a eu pour effet l'atténuation, voire la suppression du degré
d'incertitude au sujet du caractère prévisible des comportements des concurrents
et que cette conséquence est de nature à altérer sensiblement la concurrence qui
subsiste entre les opérateurs économiques.
- 81.
- La requérante fait tout d'abord valoir que le Tribunal a interprété erronément le
sens des termes «restreindre ... le jeu de la concurrence» figurant à l'article 85,
paragraphe 1. Selon elle, la concurrence est restreinte lorsque les entreprises
cessent de déterminer de manière indépendante leur comportement sur le marché
et portent ainsi préjudice à la concurrence. Or, ces deux conditions ne seraient pas
réunies en l'espèce.
- 82.
- En ce qui concerne la première condition, la requérante avance plusieurs
arguments, évoquant notamment les données qui ne sont pas transmises aux
membres de l'AEA par le système d'échange d'informations, le décalage dans la
transmission de certaines données ainsi que les conclusions que les membres
peuvent tirer de ces dernières informations. Il découlerait de ces arguments que les
membres du système d'échange d'informations n'acquièrent pas d'informations au
sujet de la stratégie de leurs concurrents sur le marché. La requérante ajoute que
le raisonnement du Tribunal, en ce qu'il se fonde sur l'atténuation de l'incertitude,
serait incompatible avec l'arrêt du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö
e.a./Commission (C-89/85, C-104/85, C-114/85, C-116/85, C-117/85, C-125/85 à
C-129/85, Rec. p. I-1307, point 64). Il résulterait en effet de cet arrêt qu'une
atténuation de l'incertitude ne serait pas suffisante pour considérer qu'un système
d'échange d'informations restreint la concurrence.
- 83.
- Quant à la seconde condition, relative à l'atteinte à la concurrence, la requérante
admet que le système d'échange d'informations a influencé la concurrence sur le
marché des tracteurs du Royaume-Uni. Toutefois, ce simple fait ne suffirait pas à
établir son caractère anticoncurrentiel.
- 84.
- Il convient au préalable de constater que ce dernier argument est irrecevable dans
la mesure où la requérante y met en cause la constatation et l'appréciation des
informations transmises par le système d'échange d'informations, dès lors qu'il s'agit
de constatations et d'appréciations de fait.
- 85.
- Il reste à examiner si le Tribunal a correctement appliqué l'article 85, paragraphe
1, lorsqu'il a estimé que l'échange d'informations atténuait ou supprimait le degré
d'incertitude sur le fonctionnement du marché en cause avec comme conséquence
une restriction de la concurrence entre les constructeurs.
- 86.
- A cet égard, il convient de rappeler d'abord que, selon la jurisprudence de la Cour
(arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73,
54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663, point 173, et du 14 juillet1981, Züchner, 172/80, Rec. p. 2021, point 13), les critères de coordination et de
coopération constitutifs d'une pratique concertée, loin d'exiger l'élaboration d'un
véritable «plan», doivent être compris à la lumière de la conception inhérente aux
dispositions du traité relatives à la concurrence, selon laquelle tout opérateur
économique doit déterminer de manière autonome la politique qu'il entend suivre
sur le marché commun et les conditions qu'il entend réserver à sa clientèle.
- 87.
- Selon cette même jurisprudence (arrêts précités Suiker Unie e.a./Commission, point
174, et Züchner, point 14), s'il est exact que cette exigence d'autonomie n'exclut
pas le droit des opérateurs de s'adapter intelligemment au comportement constaté
ou à escompter de leurs concurrents, elle s'oppose cependant rigoureusement à
toute prise de contact direct ou indirect entre de tels opérateurs, ayant pour objet
ou pour effet d'aboutir à des conditions de concurrence qui ne correspondraient
pas aux conditions normales du marché en cause, compte tenu de la nature des
produits ou des prestations fournies, de l'importance et du nombre des entreprises
et du volume dudit marché.
- 88.
- En l'espèce, il y a lieu de relever que, pour conclure que la réduction du degré
d'incertitude sur le fonctionnement du marché restreint l'autonomie décisionnelle
des entreprises et est, par suite, susceptible de restreindre la concurrence au sens
de l'article 85, paragraphe 1, le Tribunal a, au point 51 de l'arrêt entrepris,
notamment considéré que, en principe, la transparence entre les opérateurs
économiques est, sur un marché véritablement concurrentiel, de nature à concourir
à l'intensification de la concurrence entre les offreurs, dès lors que, dans une telle
hypothèse, la circonstance qu'un opérateur économique tienne compte des
informations sur le fonctionnement du marché, dont il dispose grâce au système
d'échange d'informations, pour adapter son comportement sur le marché, n'est pas
de nature, compte tenu du caractère atomisé de l'offre, à atténuer ou à supprimer,
pour les autres opérateurs économiques, toute incertitude quant au caractère
prévisible des comportements de ses concurrents. Le Tribunal a toutefois estimé
que, sur un marché oligopolistique fortement concentré, tel le marché en cause,
l'échange d'informations sur le marché est de nature à permettre aux entreprises
de connaître les positions sur le marché et la stratégie commerciale de leurs
concurrents et ainsi à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste entre les
opérateurs économiques.
- 89.
- Dans cette appréciation, le Tribunal a tenu compte de la nature, de la périodicité
et de la destination des informations transmises en l'espèce. S'agissant,
premièrement, de la nature des informations échangées, notamment de celles
relatives aux ventes effectuées sur le territoire de chacune des concessions du
réseau de distribution, le Tribunal a ainsi considéré, aux points 51 et 81, qu'elles
sont des secrets d'affaires et permettent aux entreprises parties à l'accord de
connaître les ventes effectuées par leurs concessionnaires en dehors et à l'intérieur
du territoire attribué, ainsi que celles des autres entreprises concurrentes et de
leurs concessionnaires parties à l'accord. Deuxièmement, le Tribunal a retenu, dans
les mêmes points 51 et 81, que les informations relatives aux ventes sont diffusées
selon une périodicité rapprochée et de manière systématique. Enfin, au point 51,
le Tribunal a constaté que les informations sont diffusées entre les principaux
offreurs, au seul profit de ceux-ci, à l'exclusion des autres offreurs et des
consommateurs.
- 90.
- Au vu de ce raisonnement, il convient de considérer que c'est à juste titre que le
Tribunal a conclu que le système d'échange d'informations atténue ou supprime le
degré d'incertitude sur le fonctionnement du marché et qu'il est, dès lors, de nature
à altérer la concurrence entre les constructeurs.
- 91.
- Il convient d'ajouter que cette appréciation n'est pas en contradiction avec l'arrêt
Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, précité, invoqué par la requérante. Il est
certes vrai que, dans ledit arrêt, point 64, la Cour a jugé que le système d'annonces
trimestrielles de prix en vigueur sur le marché de la pâte de bois ne constituait pas
en tant que tel une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité. Il convient
toutefois de relever que le système d'annonces trimestrielles des prix de vente de
la pâte à papier, mis en oeuvre par les producteurs, comportait la communication
d'une information utile aux acheteurs, tandis que le système d'échange
d'informations litigieux en l'espèce ne permet la diffusion des informations qu'aux
entreprises parties à l'accord.
- 92.
- La première branche du moyen n'est donc pas fondée.
Sur la deuxième branche du quatrième moyen
- 93.
- La deuxième branche du quatrième moyen concerne les points 52 et 84 de l'arrêt
entrepris. Au point 52, le Tribunal a estimé que «la Commission soutient à juste
titre, aux points 44 à 48 des motifs de la [décision litigieuse], que, quelle que soit
la décision adoptée par un opérateur souhaitant pénétrer sur le marché des
tracteurs agricoles au Royaume-Uni, que celui-ci adhère ou non à l'accord, ce
dernier est nécessairement pénalisant à son encontre. Ou bien, en effet, l'opérateur
économique dont il s'agit n'adhère pas à l'accord d'échange d'informations et,
contrairement à ses concurrents, il se prive alors des informations échangées et de
la connaissance du marché qu'elles procurent; ou bien, il décide d'adhérer à
l'accord et sa stratégie commerciale est alors immédiatement révélée à l'ensemble
des concurrents, au travers des informations qu'ils reçoivent». Au point 84 de
l'arrêt entrepris, le Tribunal ajoute qu'«Il importe peu, à cet égard, que, dans les
faits, le nombre d'opérateurs intervenant sur le marché concerné se soit élevé».
- 94.
- La requérante soutient que cette appréciation du Tribunal est erronée pour deux
raisons.
- 95.
- En premier lieu, les nouveaux opérateurs qui n'adhèrent pas au système d'échange
d'informations pourraient arrêter leur stratégie commerciale de manière autonome.
Une restriction existerait seulement s'il leur était interdit d'adhérer au système
d'échange d'informations, ce qui ne serait pas le cas.
- 96.
- En deuxième lieu, la liberté, pour les entreprises nouvellement arrivées sur le
marché, qui ont adhéré au système d'échange d'informations, d'arrêter des
décisions indépendantes ne serait pas restreinte et leur stratégie commerciale ne
serait pas immédiatement révélée à l'ensemble des concurrents.
- 97.
- La requérante affirme, en outre, que, en indiquant, au point 84 de l'arrêt entrepris,
que le nombre d'entreprises nouvelles venues est en fait élevé, le Tribunal aurait
pris une position qui serait en contradiction avec la constatation formulée par la
Commission au point 48 de la décision litigieuse. La conclusion du Tribunal et de
la Commission serait également réfutée par le fait que, depuis la création du
système d'échange d'informations, les entreprises nouvellement arrivées sur le
marché des tracteurs du Royaume-Uni ont acquis une part de marché dépassant
30 %.
- 98.
- A propos de ces allégations, il convient, en premier lieu, de considérer que c'est à
juste titre que le Tribunal a conclu, aux points 52 et 84, qu'un opérateur souhaitant
pénétrer sur le marché des tracteurs agricoles au Royaume-Uni serait pénalisé par
rapport aux membres de l'accord s'il n'y adhérait pas. En effet, bien qu'il garde,
dans ce cas, son indépendance pour arrêter sa stratégie commerciale, il serait privé
des informations échangées dans le cadre de l'accord. A cet égard, le fait qu'il ait
pu adhérer à l'accord est sans incidence dès lors qu'il s'agissait précisément de
déterminer les conséquences pour un opérateur qui n'y adhérait pas.
- 99.
- En deuxième lieu, il y a lieu de constater que l'argumentation de la requérante
quant aux conséquences de l'adhésion au système d'échange d'informations sur
l'autonomie décisionnelle d'un nouvel opérateur est, en substance, identique à celle
qui a déjà été examinée dans le cadre de la première branche du présent moyen.
A ce propos, il suffit donc de renvoyer aux points 80 à 91 du présent arrêt.
- 100.
- Enfin, il y a lieu de constater qu'il ne ressort pas de l'arrêt entrepris que
l'affirmation du Tribunal quant à un nombre élevé d'opérateurs nouveaux venus sur
le marché est en contradiction avec le point 48 de la décision litigieuse. En effet,
ce dernier ne contient aucune affirmation contraire au sujet du nombre des
opérateurs.
- 101.
- La deuxième branche du quatrième moyen n'est, par conséquent, pas fondée.
- 102.
- Le quatrième moyen étant pour partie irrecevable et pour partie non fondé, il doit
être rejeté dans sa totalité.
Sur le cinquième moyen
- 103.
- Ce moyen concerne le point 87 de l'arrêt entrepris. Dans ce point, le Tribunal
expose son appréciation au sujet des réunions de l'AEA en tant qu'élément dont
il faut tenir compte dans l'examen de la légalité, au regard de l'article 85,
paragraphe 1, du système d'échange d'informations.
- 104.
- La requérante reproche au Tribunal d'avoir reconnu le bien-fondé de
l'argumentation de la Commission selon laquelle les réunions régulières au sein du
comité de l'AEA constituaient pour ses membres «un lieu de contact» facilitant
une politique de prix élevés. Selon la requérante, dans le cadre du Data System,
les membres n'organisent des réunions spéciales que pour résoudre des questions
purement administratives. En outre, la Commission n'aurait pas apporté la moindre
preuve de ce que les membres maintenaient les prix à un niveau général élevé sur
le marché. Enfin, la requérante soutient que le Tribunal n'était pas autorisé à
établir de nouvelles constatations se substituant à celles de la Commission.
- 105.
- A cet égard, il y lieu de constater que, comme il ressort du point 85 de l'arrêt
entrepris, la requérante expose des arguments identiques à ceux qu'elle avait déjà
présentés devant le Tribunal. Elle n'avance aucun argument critiquant
spécifiquement le raisonnement juridique figurant au point 87. Quant au reproche
selon lequel le Tribunal aurait erronément établi des constatations nouvelles, il est
formulé de façon trop imprécise pour pouvoir être examiné.
- 106.
- Enfin, il convient de rappeler que l'appréciation des éléments de preuve, sous
réserve du cas de leur dénaturation, ne constitue pas une question de droit soumise
au contrôle de la Cour.
- 107.
- Il résulte de ces considérations que ce moyen doit être déclaré irrecevable.
Sur le sixième moyen
- 108.
- Ce moyen est tiré d'une application erronée de l'article 85, paragraphe 1, en ce qui
concerne la restriction de la concurrence à l'intérieur d'une même marque. Il vise
les points 96 et 97 de l'arrêt entrepris et se divise en deux branches, l'une tirée de
l'absence de protection territoriale absolue et l'autre de l'absence d'ingérence dans
les importations parallèles.
Sur la première branche du sixième moyen
- 109.
- La requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant,
au point 96, que l'accord d'échange d'informations donne la possibilité aux
entreprises parties à cet accord de «conférer une protection territoriale absolue à
chacun de leurs concessionnaires». Elle fait valoir que les informations
communiquées aux constructeurs dans le cadre de l'accord ne leur permettaient pas
d'exercer une pression sur les concessionnaires qui vendaient des tracteurs en
dehors de leur territoire. En outre, la simple «possibilité» de surveiller le réseaude distribution ne suffirait pas à confirmer une restriction de la concurrence au sens
de l'article 85, paragraphe 1.
- 110.
- Sur ce point, il y a lieu de constater que, en contestant que le système d'échange
d'informations puisse conférer une protection territoriale absolue à chacun des
concessionnaires des parties à l'accord, la requérante avance un argument qui vise
uniquement une appréciation de faits effectuée par le Tribunal sans soulever de
question de droit susceptible d'être examinée par la Cour. Quant à l'affirmation
selon laquelle une simple possibilité de surveiller le réseau de distribution ne
constitue pas une restriction de concurrence, elle constitue un argument qui se
confond avec la troisième branche du quatrième moyen à laquelle il est donc
renvoyé.
- 111.
- Cette branche du moyen est dès lors irrecevable.
Sur la seconde branche du sixième moyen
- 112.
- La requérante fait valoir que le Tribunal aurait dû tenir compte de ce que le
formulaire V55/5 avait cessé d'être envoyé aux membres de l'accord depuis le 1er
septembre 1988. Elle souligne que, à tout le moins, à partir de cette date, il ne
serait pas possible d'affirmer que le système d'échange d'informations antérieur ou
le Data System permettaient aux membres de l'accord de s'ingérer dans les
importations parallèles.
- 113.
- A cet égard, il y a lieu de relever que le Tribunal a précisément constaté, au point
97 de l'arrêt entrepris, que, «au moins jusqu'au 1er septembre 1988, date à laquelle
la SIL a cessé de renvoyer aux entreprises un exemplaire du formulaire V55/5, le
système d'échange d'informations litigieux permettait de surveiller de telles
importations, au moyen du numéro de châssis du véhicule, préalablement porté sur
le formulaire V55/5 par le constructeur». Dès lors que l'accord, tel qu'il est
appliqué depuis novembre 1975 et tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988, constitue,
de même que sa version modifiée du 12 mars 1990, l'objet de la décision litigieuse,
le Tribunal a pu valablement tenir compte des effets de l'accord sur les
importations parallèles même si ces effets avaient cessé depuis le 1er septembre
1988.
- 114.
- La seconde branche du moyen n'est par conséquent pas fondée.
- 115.
- Il s'ensuit que le sixième moyen doit être écarté.
Sur le septième moyen
- 116.
- Le septième moyen est tiré d'une application erronée de l'article 85, paragraphe 1,
en ce qui concerne l'effet sur le commerce entre le Royaume-Uni et les autres
États membres. Ce moyen concerne le point 101 de l'arrêt entrepris, ainsi rédigé:
«Le Tribunal estime que, compte tenu, d'une part, des caractéristiques du marché
de référence, telles que précédemment analysées ... et, d'autre part, de la
circonstance que les principaux offreurs présents sur ce marché interviennent sur
l'ensemble du marché commun, la Commission a, à juste titre, estimé, au point 57
des motifs de la Décision, qu''un système d'échange d'informations qui permet de
déterminer dans le détail le volume exact des ventes et des parts de marché de
fournisseurs représentant 88 % d'un marché national ... est susceptible d'affecter
substantiellement le commerce entre États membres, car, en atténuant la
concurrence, il pèse nécessairement sur le volume des importations au Royaume-Uni (voir l'arrêt du Tribunal du 28 avril 1994, AWS Benelux/Commission, T-38/92,
Rec. p. II-211). Quant à l'argument de la requérante, selon lequel la limitation des
importations de tracteurs agricoles au Royaume-Uni s'expliquerait par des prix plus
compétitifs sur le marché intérieur, il n'est nullement corroboré par les pièces du
dossier. En particulier, si l'instruction n'a pas permis d'établir que, comme le
soutient la Décision, la pratique litigieuse est susceptible d'avoir favorisé un niveau
de prix élevé sur le marché intérieur, les pièces du dossier, notamment les listes de
prix produites par la requérante en annexe 20 à sa requête, n'établissent pas non
plus que les prix des tracteurs agricoles sur le marché du Royaume-Uni ont été, de
fait, inférieurs à ceux pratiqués sur les marchés continentaux.»
- 117.
- La requérante reproche au Tribunal ne pas avoir mis en cause la légalité de la
décision litigieuse du fait que la Commission n'a pas pu apporter des éléments de
preuve démontrant que le système d'échange d'informations était susceptible de
favoriser un niveau de prix élevé sur le marché du Royaume-Uni. Elle soutient, en
outre, que le Tribunal n'aurait pas tenu compte des éléments de preuve selon
lesquels, après 1984, les prix des tracteurs agricoles au Royaume-Uni étaient
inférieurs ou au moins égaux à ceux des mêmes modèles dans la plupart des États
membres.
- 118.
- Quant à ce dernier point, il convient de rappeler qu'il appartient au Tribunal
d'apprécier souverainement la valeur à attribuer aux éléments de preuve qui lui
sont soumis, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments. Or, la
requérante n'avance aucun argument sérieux pour soutenir que le Tribunal aurait
dénaturé des éléments de preuve. A cet égard, ce moyen est donc irrecevable.
- 119.
- S'agissant de la signification de la constatation par le Tribunal que la Commission
n'a pas pu établir que l'accord était susceptible de favoriser un niveau de prix
élevé, il convient de considérer que les éléments exposés au point 101 de l'arrêt
entrepris permettent de considérer avec un degré de probabilité suffisant que
l'accord peut exercer une influence directe ou indirecte, réelle ou potentielle, sur
les courants d'échanges des tracteurs entre États membres, et ce de manière à faire
craindre qu'il puisse entraver la réalisation d'un marché unique entre États
membres (voir, notamment, arrêts Société technique minière, précité, et du 17
juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C-219/95 P, Rec. p. I-4411, point 20). En
effet, d'une part, le Tribunal a relevé que, même si la Commission n'a pas pu
établir que le système d'échange d'informations est susceptible d'avoir favorisé un
niveau de prix élevé sur le marché intérieur, la requérante n'a pas non plus
démontré que les prix des tracteurs agricoles sur le marché du Royaume-Uni ont
été inférieurs à ceux pratiqués sur les marchés continentaux. D'autre part, pour
considérer que la Commission avait correctement estimé que le système d'échange
d'informations pèse nécessairement sur le volume des importations au Royaume-Uni, le Tribunal a tenu compte des caractéristiques du marché de référence, du fait
que les principaux offreurs présents sur ce marché étaient également présents sur
l'ensemble du marché commun et de la part élevée (88 %) du marché de référence
contrôlée par les entreprises parties à l'accord.
- 120.
- La seconde branche du septième moyen n'est dès lors pas fondée.
- 121.
- Il s'ensuit que le septième moyen doit être écarté dans son ensemble.
Sur le huitième moyen
- 122.
- Le dernier moyen concerne le point 105 de l'arrêt entrepris dans lequel le Tribunal
a conclu que le système d'échange d'informations ne présentait pas un caractère
indispensable et que, partant, il ne remplissait pas la troisième des quatre
conditions posées par l'article 85, paragraphe 3, pour l'obtention d'une exemption
individuelle.
- 123.
- Après avoir rappelé que les quatre conditions susvisées sont cumulatives et qu'il
appartient, en premier lieu, aux entreprises qui notifient un accord de fournir les
éléments de preuve de nature à établir que l'accord remplit ces conditions, le
Tribunal a, en effet, considéré:
«En l'espèce, la Décision retient que les restrictions de concurrence résultant de
l'échange d'informations ne présentent pas un caractère indispensable, dès lors que
'les données relatives à chaque société, d'une part, et celles relatives à l'ensemble
du secteur, d'autre part, sont suffisantes pour opérer sur le marché des tracteurs
agricoles au Royaume-Uni. Cette constatation, effectuée, au point 62 des motifs
de la Décision, à propos de la première notification, est, au point 65, effectuée à
propos de la seconde notification. La requérante n'établit pas que les restrictions
de concurrence résultant du système d'échange d'informations, telles qu'analysées
précédemment ... sont indispensables, notamment au regard des objectifs de
contribution au progrès économique et de répartition équitable du profit. De
surcroît, la requérante ne peut utilement soutenir que, en l'absence du système
litigieux, les opérateurs intervenant sur le marché des tracteurs agricoles au
Royaume-Uni disposeraient, au moyen de travaux d'études, dont les informations
présentent, en particulier, un caractère tardif, ponctuel et dépourvu de la
périodicité dont sont revêtues les informations fournies par le système en litige,
d'informations équivalentes à celles fournies par le système en litige, sans même
qu'il soit besoin de prendre en considération les coûts d'accès à une telle
information».
- 124.
- La requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en
concluant que le système d'échange d'informations et le Data System ne
réunissaient pas les conditions requises pour l'octroi d'une exemption au titre de
l'article 85, paragraphe 3. Elle précise que, contrairement à la conclusion du
Tribunal, elle a exposé les raisons pour lesquelles l'accord ne contenait aucune
restriction de la concurrence qui ne serait pas indispensable pour parvenir à
améliorer la production et la distribution et à avantager les consommateurs.
- 125.
- En outre, la requérante reproche au Tribunal d'avoir rejeté, sans motivation, son
argument selon lequel, en l'absence du système d'échange d'informations, toutes
les données d'immatriculation échangées ne pourraient peut-être pas être obtenues
avec le même niveau qualitatif et la même périodicité en procédant à une étude
de marché particulière ou par l'intermédiaire d'une société d'études de marchés.
- 126.
- Il convient de relever, en premier lieu, que, en soutenant de manière générale que
le Tribunal aurait dû parvenir à une autre conclusion s'il avait retenu ses
arguments, la requérante se limite à contester globalement l'appréciation de faits
par le Tribunal, sans chercher à établir une prétendue erreur de droit dans le
raisonnement de ce dernier. En cette partie, ce moyen est dès lors irrecevable.
- 127.
- S'agissant, en deuxième lieu, de la question de savoir dans quelle mesure les
opérateurs auraient pu disposer des mêmes informations par le biais d'autres
moyens que le système d'échange d'informations, force est de constater que,
comme la Commission l'a fait observer, l'argumentation exposée par la requérante
devant le Tribunal était ambiguë. En effet, il ressort clairement des mémoires
déposés par la requérante devant le Tribunal qu'elle avait essentiellement soutenu
que, en l'absence du système d'échange d'informations, les entreprises auraient pu
obtenir toutes les données statistiques échangées de façon indépendante, au moyen
de travaux d'études. Dans ces conditions, la critique émise par la requérante
manque de pertinence et doit être rejetée.
- 128.
- Le dernier moyen doit, par conséquent, être rejeté dans son ensemble.
- 129.
- Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens présentés
par la requérante à l'appui de son pourvoi sont en partie irrecevables et en partie
non fondés. Le pourvoi doit dès lors être rejeté dans sa totalité.
Sur les dépens
- 130.
- Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable
à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est
condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant
succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente
instance.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) John Deere Ltd est condamnée aux dépens.
Gulmann Moitinho de Almeida
Edward
Jann Sevón
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 1998.
Le greffier
Le président de la cinquième chambre
R. Grass
C. Gulmann