ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
28 mai 1998 (1)
«Pourvoi Recevabilité Question de droit Question de fait Concurrence
Système d'échange d'informations Restrictions à la concurrence Refus
d'exemption»
Dans l'affaire C-8/95 P,
New Holland Ford Ltd, société de droit anglais, établie à Basildon (Royaume-Uni),
représentée par Mes Mario Siragusa, avocat au barreau de Rome, Giuseppe
Scassellati-Sforzolini et Francesca Moretti, avocats au barreau de Bologne, ayant
élu domicile à Luxembourg en l'étude Elvinger, Hoss & Preussen, Côte d'Eich,
ayant pour objet un pourvoi formé contre l'arrêt du Tribunal de première instance
des Communautés européennes (deuxième chambre) du 27 octobre 1994, Fiatagri
et New Holland Ford/Commission (T-34/92, Rec. p. II-905), et tendant à
l'annulation de cet arrêt,
l'autre partie à la procédure étant:
Commission des Communautés européennes , représentée par M. Julian Currall,
membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de M. Leonard Hawkes,
solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz,
membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida,
D. A. O. Edward, P. Jann et L. Sevón (rapporteur), juges,
avocat général: M. D. Ruiz-Jarabo Colomer,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur,
vu le rapport d'audience,
ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 3 juillet 1997,
ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 septembre
1997,
rend le présent
Arrêt
- 1.
- Par requête déposée au greffe de la Cour le 13 janvier 1995, New Holland Ford
Ltd., société de droit anglais, a, en vertu de l'article 49 du statut CE de la Cour de
justice, formé un pourvoi contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 27
octobre 1994, Fiatagri et New Holland Ford/Commission (T-34/92, Rec. p. II-905,
ci-après l'«arrêt entrepris»), par lequel celui-ci a rejeté le recours qu'elle avait
introduit avec Fiatagri UK Ltd en vue d'obtenir l'annulation de la décision
92/157/CEE de la Commission, du 17 février 1992, relative à une procédure
d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.370 et 31.446 UK Agricultural
Tractor Registration Exchange, JO L 68, p. 19, ci-après la «décision litigieuse»).
- 2.
- S'agissant des faits qui sont à l'origine du présent pourvoi, il ressort de l'arrêt
entrepris:
«1 L'Agricultural Engineers Association Limited (ci-après 'AEA) est un
groupement professionnel ouvert à tous les constructeurs ou importateurs
de tracteurs agricoles opérant au Royaume-Uni. A la date des faits, elle
comprenait environ 200 membres, dont notamment Case Europe Limited,
John Deere Limited, Fiatagri UK Limited, Ford New Holland Limited,
Massey-Ferguson (United Kingdom) Limited, Renault Agricultural Limited,
Same-Lamborghini (UK) Limited, Watveare Limited. Les requérantes sont
donc toutes deux membres de l'AEA.
a) La procédure administrative
2 Le 4 janvier 1988, l'AEA a notifié à la Commission, en vue d'obtenir, à titre
principal, une attestation négative et, à titre subsidiaire, une déclaration
individuelle d'exemption, un accord concernant un système d'échange
d'informations basé sur des données relatives aux immatriculations de
tracteurs agricoles, détenues par le ministère des Transports du Royaume-Uni, intitulé 'UK Agricultural Tractor Registration Exchange (ci-après
'première notification). Cet accord d'échange d'informations se substituait
à un accord antérieur, datant de 1975, qui, quant à lui, n'avait pas été
notifié à la Commission. Ce dernier accord avait été porté à la connaissance
de celle-ci en 1984, à l'occasion d'investigations effectuées à la suite d'une
plainte dont elle avait été saisie, pour entraves aux importations parallèles.
3 L'adhésion à l'accord notifié est ouverte à tous les fabricants ou
importateurs de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, qu'ils aient ou non la
qualité d'adhérent à l'AEA. Celle-ci assure le secrétariat de l'accord. Selon
les requérantes, le nombre d'adhérents à l'accord a varié au cours de la
période d'instruction de l'affaire, au gré des mouvements de restructuration
qui ont affecté la profession; à la date de la notification, huit constructeurs,
dont les requérantes, participaient à l'accord. Les parties à cet accord sont
les huit opérateurs économiques cités au point 1 ci-dessus, qui détiennent,
selon la Commission, 87 à 88 % du marché des tracteurs au Royaume-Uni,
plusieurs petits constructeurs se partageant le reste du marché.
4 Le 11 novembre 1988, la Commission a adressé une communication des
griefs à l'AEA, à chacun des huit adhérents concernés par la première
notification, ainsi qu'à Systematics International Group of Companies
Limited (ci-après 'SIL), société de service informatique chargée du
traitement et de l'exploitation des données contenues dans le formulaire
V55 (voir, ci-après, point 6). Le 24 novembre 1988, les participants à
l'accord ont décidé sa suspension. Selon les requérantes, l'accord a,
ultérieurement, été remis en vigueur, mais sans diffusion d'informations
permettant de connaître les ventes des concurrents, qu'elles soient
nominatives ou agrégées. Au cours d'une audition devant la Commission, ils
ont fait valoir, en se prévalant notamment d'une étude réalisée par le
Pr Albach, membre du Berlin Science Center, que les informations
transmises avaient une influence bénéfique sur la concurrence. Le 12 mars
1990, cinq membres de l'accord dont les requérantes ont notifié à la
Commission un nouvel accord (ci-après 'seconde notification) de diffusion
d'informations, appelé 'UK Tractor Registration Data System (ci-après
'Data System), en s'engageant à ne pas appliquer le nouveau système
avant d'avoir obtenu la réponse de la Commission à leur notification. Selon
les requérantes, ce nouvel accord, d'une part, apporte une réduction
sensible du nombre et de la fréquence des informations obtenues dans le
cadre de l'accord et, d'autre part, supprime tous les éléments
'institutionnels qui avaient été contestés par la Commission, dans sa
communication des griefs, précitée.
...
b) Le contenu de l'accord et son contexte juridique
6 Pour être admis à circuler sur la voie publique au Royaume-Uni, tout
véhicule doit, selon la loi nationale, être immatriculé auprès du Department
of Transport. Un formulaire spécial, le formulaire administratif V55, doit
être utilisé pour présenter la demande d'immatriculation du véhicule. En
vertu d'un arrangement conclu avec le ministère des Transports du
Royaume-Uni, celui-ci transmet à la SIL certaines des informations
recueillies par lui, à l'occasion de l'immatriculation des véhicules. Selon les
requérantes, cet arrangement est identique à celui conclu avec les
constructeurs et importateurs d'autres catégories de véhicules.»
- 3.
- Au point 7 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a constaté que les parties étaient en
désaccord sur un certain nombre de questions de fait relatives aux informations
figurant sur le formulaire V55 et à leur utilisation. Ces désaccords sont résumés aux
points 8 à 16 de l'arrêt entrepris.
- 4.
- Dans la décision litigieuse, la Commission a exposé son appréciation juridique, au
regard de l'article 85, paragraphe 1, du traité, de l'accord, d'une part, tel qu'il était
appliqué avant la notification et tel qu'il a été notifié le 4 janvier 1988 (la première
notification) et, d'autre part, tel qu'il a été notifié le 12 mars 1990 (la seconde
notification).
- 5.
- S'agissant de l'accord ayant fait l'objet de la première notification, la Commission
a examiné, en premier lieu, aux points 35 à 52 de la décision litigieuse, la partie du
système d'échange d'informations qui permet d'avoir connaissance des ventes de
chaque concurrent. Elle a tenu compte de la structure du marché, de la nature des
renseignements fournis, du caractère détaillé des informations échangées et des
réunions régulières des parties à l'accord au sein du comité de l'AEA. La
Commission a considéré que l'accord avait pour effet de restreindre la concurrence,
d'une part, en augmentant la transparence sur un marché fortement concentré et,
d'autre part, en renforçant les obstacles à l'accès au marché de non-membres.
- 6.
- Aux points 53 à 56 de la décision litigieuse, la Commission a, en second lieu,
apprécié le système d'échange d'informations en ce qui concerne la diffusion des
données concernant les ventes des concessionnaires de chaque membre. A cet
égard, elle a relevé la possibilité de connaître, par le biais de ces données, les
ventes des différents concurrents au niveau de chaque territoire lorsque, pour un
produit et une période donnés, le volume total des ventes réalisées sur ce territoire
est inférieur à dix unités. En outre, elle a constaté la possibilité d'entraver l'activité
de concessionnaires ou d'importateurs parallèles.
- 7.
- Aux points 57 et 58 de la décision litigieuse, la Commission a présenté son
appréciation au sujet de l'effet de ce système d'échange d'informations sur le
commerce entre les États membres.
- 8.
- Aux points 59 à 64 de la décision litigieuse, la Commission a, en outre, estimé que
l'accord ayant fait l'objet de la première notification n'avait pas un caractère
indispensable et que, dès lors, il n'était pas nécessaire d'examiner les quatre
conditions d'obtention d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du
traité.
- 9.
- Quant à la version modifiée de l'accord ayant fait l'objet de la seconde notification,
la Commission a notamment considéré, au point 65 de la décision litigieuse, que
ses observations relatives à l'accord ayant fait l'objet de la première notification s'y
appliquaient mutatis mutandis.
- 10.
- Par la décision litigieuse, la Commission a ainsi:
constaté que l'accord d'échange d'informations sur les immatriculations de
tracteurs agricoles, dans sa version initiale et dans sa version modifiée,
constituait une infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, «dans la
mesure où il donne lieu à un échange d'informations permettant à chaque
constructeur de connaître les ventes de chacun de ses concurrents ainsi que
les ventes et les importations réalisées par ses propres concessionnaires»
(article 1er);
rejeté la demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du
traité (article 2);
enjoint à l'AEA et aux parties à l'accord de mettre fin à l'infraction
constatée, si ce n'était déjà fait, et de s'abstenir pour l'avenir de s'associer
à tout accord ou pratique concertée pouvant avoir un objet ou un effet
identique ou similaire (article 3).
- 11.
- Le 6 mai 1992, la requérante et Fiatagri UK Ltd ont introduit un recours visant à
faire déclarer la décision litigieuse inexistante ou, à titre subsidiaire, à l'annuler
ainsi qu'à condamner la Commission aux dépens (point 18 de l'arrêt entrepris). A
l'appui de leur recours, ces deux requérantes ont fait valoir que la décision
litigieuse:
était intervenue selon une procédure irrégulière;
méconnaissait la portée de l'obligation de motivation;
reposait sur une définition erronée du produit et du marché pertinent;
était entachée d'inexactitudes de fait dans l'examen des informations
notifiées;
procédait d'une erreur de droit dans l'interprétation de l'article 85,
paragraphe 1, du traité;
écartait à tort l'application à l'espèce de l'article 85, paragraphe 3, du traité
(point 23 de l'arrêt entrepris).
- 12.
- Par l'arrêt entrepris, le Tribunal a rejeté l'ensemble de ces moyens et a condamné
les deux requérantes aux dépens.
- 13.
- Dans son pourvoi, la requérante demande à la Cour de déclarer que son pourvoi
a été formé en temps voulu et qu'il est recevable, d'annuler l'arrêt entrepris dans
son intégralité, d'annuler la décision litigieuse dans sa totalité ou, subsidiairement,
de renvoyer l'affaire au Tribunal de première instance, et de condamner la
Commission aux dépens.
- 14.
- La requérante précise que, à la suite d'une réorganisation, elle est actuellement
chargée de la distribution des tracteurs agricoles portant les marques commerciales
Ford ou Fiatagri au Royaume-Uni et que, dans le cadre du présent pourvoi, elle
représente les intérêts communs des deux parties requérantes dans l'affaire T-34/92.
- 15.
- La Commission conteste la recevabilité de l'ensemble du pourvoi et, à titre
subsidiaire, demande à la Cour de rejeter chacun des moyens soulevés à son appui
au motif qu'ils sont irrecevables ou, à titre encore plus subsidiaire, qu'ils sont
dénués de fondement; elle demande en outre à la Cour de condamner la
requérante aux dépens.
- 16.
- Par décision du 6 juin 1995, la Cour a rejeté la demande de la requérante,
présentée dans le pourvoi, visant à obtenir un compte rendu intégral de l'audience,
tenue le 16 mars 1994, devant le Tribunal dans l'affaire T-34/92. Dans son mémoire
en réplique, déposé au greffe de la Cour le 5 juillet 1995, la requérante a renouvelé
sa demande. Celle-ci a été rejetée par ordonnance de la Cour, le 12 juin 1997.
- 17.
- A l'appui de son pourvoi, la requérante invoque, en premier lieu, deux moyens
concernant de prétendues erreurs de procédure, à savoir une violation de
l'obligation de motiver suffisamment l'arrêt entrepris et un manquement à
l'obligation d'aborder toutes les erreurs de fait importantes qui, selon elle,
entachaient la décision litigieuse, ainsi que leur incidence sur la légalité de celle-ci.
En second lieu, elle présente trois moyens tirés de prétendues erreurs de fond, à
savoir une application erronée des trois paragraphes de l'article 85 du traité.
Sur la recevabilité de l'ensemble du pourvoi
- 18.
- A titre principal, la Commission soutient que le pourvoi est irrecevable dans son
ensemble de sorte qu'un examen détaillé de chaque moyen ne serait pas nécessaire
ni même possible.
- 19.
- A cet égard, la Commission fait valoir, en premier lieu, que l'ensemble de la
première partie du pourvoi concerne des points de fait ou visent à rouvrir le débat
sur la base d'arguments déjà pris en considération et rejetés par le Tribunal. Il en
serait de même pour de nombreux moyens exposés dans la seconde partie du
pourvoi.
- 20.
- En deuxième lieu, la Commission soutient que, en liant expressément ses arguments
de droit à un contexte factuel différent de celui établi par l'arrêt entrepris, la
requérante n'a pas soulevé d'arguments de droit susceptibles d'entraîner
l'annulation dudit arrêt.
- 21.
- En troisième lieu, la Commission fait observer que, si la requérante expose, dans
la seconde partie de son pourvoi, certaines thèses juridiques, cet exposé ne
présente pas un degré de clarté et de précision suffisant pour permettre de
déterminer, d'une part, le point critiqué de l'arrêt entrepris et, d'autre part,
l'argument de droit sur lequel elle se fonde.
- 22.
- Il ressort de l'article 168 A du traité CE et de l'article 51 du statut CE de la Cour
de justice que le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des
moyens tirés de l'incompétence du Tribunal, d'irrégularités de procédure devant le
Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du
droit communautaire par ce dernier. Quant à l'article 112, paragraphe 1, sous c),
du règlement de procédure de la Cour, il prévoit que le pourvoi doit spécifier les
moyens et les arguments invoqués.
- 23.
- Il résulte de ces dispositions qu'un pourvoi doit indiquer de façon précise les
éléments critiqués de l'arrêt dont l'annulation est demandée ainsi que les arguments
juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande (ordonnance du
17 septembre 1996, San Marco/Commission, C-19/95 P, Rec. p. I-4435, point 37).
- 24.
- Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui se limite à répéter ou à reproduire
textuellement les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le
Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément écartés par
cette juridiction; en effet, dans la mesure où un tel pourvoi ne comporte pas une
argumentation visant spécifiquement à critiquer l'arrêt attaqué, il constitue en
réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée
devant le Tribunal, ce qui, aux termes de l'article 49 du statut CE de la Cour de
justice, échappe à la compétence de celle-ci (voir, en ce sens, notamment,
ordonnance San Marco/Commission, précitée, point 38).
- 25.
- Il résulte également des dispositions susmentionnées que le pourvoi ne peut
s'appuyer que sur des moyens portant sur la violation de règles de droit, à
l'exclusion de toute appréciation des faits. Le Tribunal est seul compétent, d'une
part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses
constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d'autre
part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits,
la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l'article 168 A du traité, un
contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui
en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, ordonnance San
Marco/Commission, précitée, point 39).
- 26.
- La Cour n'est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour
examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l'appui de ces faits. En effet, dès
lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du
droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et
d'administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal
d'apprécier la valeur qu'il convient d'attribuer aux éléments qui lui ont été soumis
(voir, notamment, ordonnance San Marco/Commission, précitée, point 40). Cette
appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces
éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour
(arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission, C-53/92 P, Rec. p. I-667, point 42).
- 27.
- En l'occurrence, force est de constater que la première partie de la requête,
intitulée «Eléments de fait essentiels», n'expose pas précisément les arguments
invoqués à l'encontre de l'arrêt entrepris et qu'elle opère une remise en cause
générale des faits établis par le Tribunal. Ne répondant pas aux exigences de la
jurisprudence en matière de pourvoi, telles que rappelées ci-dessus, cette première
partie du pourvoi doit être écartée comme étant irrecevable.
- 28.
- Quant aux moyens avancés par la requérante dans la seconde partie de la requête,
il y a lieu de relever que, d'une part, la requérante donne, notamment dans son
mémoire en réplique, certaines précisions quant aux points de l'arrêt entrepris
qu'elle conteste et que, d'autre part, la Commission expose son argumentation par
rapport à chaque moyen rejeté par le Tribunal. Cette partie du pourvoi peut donc
être examinée moyen par moyen.
Sur le premier moyen
- 29.
- Par son premier moyen, la requérante reproche, dans un premier temps, au
Tribunal de s'être contenté d'un examen purement formel de la décision litigieuse,
sans tenir compte de son argumentation selon laquelle ladite décision était
entachée de nombreuses erreurs manifestes. Le Tribunal aurait dès lors manqué
à son obligation d'indiquer les motifs qui l'ont amené à rejeter un grief invoqué
devant lui.
- 30.
- La requérante ajoute, à cet égard, que le Tribunal n'a pas tenu compte des
éléments de preuve qu'elle avait présentés au cours des phases écrite et orale de
la procédure et que l'arrêt entrepris est en contradiction avec ce que le Tribunal
aurait laissé entendre sur certaines questions litigieuses lors de la procédure orale.
- 31.
- En outre, la requérante fait valoir que le Tribunal n'a pas pris en considération le
fait que la Commission se serait ralliée sur plusieurs points à l'opinion de la
requérante en contredisant, par conséquent, la décision litigieuse.
- 32.
- Enfin, dans un second temps, la requérante relève quatre passages de l'arrêt
entrepris dans lesquels le Tribunal aurait manqué à son obligation de motivation.
- 33.
- En premier lieu, au point 35 qui contient l'appréciation du Tribunal sur le moyen
relatif à l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse, le Tribunal aurait omis
d'aborder deux des arguments présentés et aurait rejeté les deux autres sans en
indiquer clairement les raisons.
- 34.
- En deuxième lieu, le point 38 de l'arrêt entrepris serait imprécis en ce qu'il
n'indiquerait pas les raisons pour lesquelles le Tribunal aurait entériné la
conclusion de la Commission, selon laquelle l'ensemble du système d'échange
d'informations présentait un caractère anticoncurrentiel. En outre, le point 39 du
même arrêt, dans lequel le Tribunal a estimé que le dispositif de la décision
litigieuse, lu à la lumière de ses motifs et, notamment, des points 16 et 61, était
clair, contiendrait une contradiction dès lors que le Tribunal, d'une part, aurait
exigé des parties à l'accord qu'elles déterminent elles-mêmes dans quelle mesure
le système d'échange d'informations était licite et, d'autre part, aurait reconnu
l'exigence de la sécurité juridique.
- 35.
- En troisième lieu, la requérante considère que l'arrêt entrepris est insuffisamment
motivé quant à la définition du produit et du marché concernés, dès lors que, en
dépit des arguments qu'elle avait avancés, le Tribunal s'est borné à indiquer, au
point 51 de l'arrêt entrepris, qu'il se ralliait à la définition de la Commission.
- 36.
- En quatrième lieu, la requérante soutient que le terme «position dominante» a été
utilisé de façon impropre et non conforme à l'article 86 dans l'arrêt entrepris de
sorte que le point 52 n'est pas suffisamment motivé.
- 37.
- A cet égard, il convient tout d'abord de constater que l'argumentation formulée par
la requérante dans le cadre de la première partie de ce moyen ne présente pas un
degré de précision suffisant. Il y a lieu d'ajouter que cette exigence de précision
n'est pas satisfaite par l'indication, à titre d'exemple, de certains points de l'arrêt
du Tribunal. Cette partie du moyen est donc irrecevable.
- 38.
- Il convient ensuite d'aborder la seconde partie de ce moyen dans laquelle la
requérante indique les points critiqués de l'arrêt entrepris.
Sur le point 35 de l'arrêt entrepris
- 39.
- Au point 35 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a rejeté la branche du moyen tirée de
l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse.
- 40.
- Au point 33 de l'arrêt entrepris, le Tribunal avait décomposé la première branche
du moyen en quatre arguments.
- 41.
- Selon le premier d'entre eux, le fait que la Commission n'aurait pas suffisamment
pris en considération les arguments de la requérante équivalait à un défaut de
motivation. Tel aurait été le cas du point 61 de la décision litigieuse qui concernait
notamment la fixation à dix unités du seuil des ventes réalisées par une partie à
l'accord, sur le territoire d'un concessionnaire donné, en deçà duquel les
informations agrégées n'auraient pu être diffusées, ainsi que le choix de l'année
comme période de référence.
- 42.
- En deuxième lieu, la décision litigieuse ne se serait pas suffisamment prononcée sur
le Data System, ce qui aurait constitué une absence de motivation.
- 43.
- En troisième lieu, la décision litigieuse n'aurait pas tenu compte du fait que la
plupart des droits nationaux admettent la transmission aux constructeurs
d'informations relatives aux immatriculations.
- 44.
- En quatrième lieu, la Commission aurait méconnu l'arrêt du 26 novembre 1975,
Groupement des fabricants de papiers peints de Belgique e.a./Commission, dit
«Papiers peints de Belgique» (73/74, Rec. p. 1491, point 33), concernant l'étendue
de l'obligation de motivation par la Commission.
- 45.
- S'agissant des deux premiers arguments, il convient d'abord de rappeler que, dans
la première phrase du point 35 de l'arrêt entrepris, le Tribunal a constaté que «la
Commission, qui, aux points 33 et 65 de la Décision, a, d'une part, constaté la
contrariété du Data System avec les termes de l'article 85, paragraphe 1, du traité,
au motif que ce système d'échange d'informations reproduisait, mutatis mutandis,
le système antérieur, et, d'autre part, constaté la contrariété de l'échange
d'informations avec l'article 85, paragraphe 3, du traité, au motif que les restrictions
de concurrence n'étaient pas indispensables, a motivé à suffisance de droit sa
Décision sur ce point, indépendamment de toute appréciation, à ce stade de
l'examen de l'affaire, quant au bien-fondé de ces motifs».
- 46.
- Il ressort d'une lecture attentive de cette phrase que le Tribunal n'a négligé
d'examiner la motivation de la décision litigieuse ni quant aux éléments cités à son
point 61, relatifs aux conditions de l'article 85, paragraphe 3, ni quant au Data
System.
- 47.
- Pour ce qui est du quatrième argument tiré de la méconnaissance de l'arrêt Papiers
peints de Belgique, précité, il apparaît que, dans le même point 35 de l'arrêt
entrepris, le Tribunal a exposé les raisons pour lesquelles la Commission n'était pas
tenue de fournir une motivation plus étendue dans le cas d'espèce. Selon le
Tribunal, la décision litigieuse s'est bornée à faire application, à un marché
particulier, des principes posés par la pratique décisionnelle antérieure de la
Commission. Le Tribunal a par ailleurs renvoyé au point 90 de l'arrêt entrepris où
il a examiné l'allégation selon laquelle la décision litigieuse serait en contradiction
avec la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.
- 48.
- Quant au troisième argument, il convient d'observer que, dans le même point 35,
le Tribunal a estimé qu'il n'était pas nécessaire de procéder à l'analyse des
différents ordres juridiques des États membres, compte tenu du fait que la décision
litigieuse s'inscrivait dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission.
- 49.
- Dès lors que la motivation de l'arrêt entrepris fait ressortir de façon suffisante le
raisonnement suivi par le Tribunal pour réfuter l'argumentation de la requérante
exposée au point 33 de l'arrêt entrepris, il y a lieu de considérer que
l'argumentation développée par la requérante relativement au point 35 de l'arrêt
entrepris n'est pas fondée.
Sur les points 38 et 39 de l'arrêt entrepris
- 50.
- Les points 38 et 39 de l'arrêt entrepris exposent l'appréciation du Tribunal au sujet
de la branche du moyen tirée de l'imprécision de la décision litigieuse.
- 51.
- S'agissant du point 38, il convient de constater que, après avoir rappelé
correctement la jurisprudence de la Cour relative à la question de savoir si la
nullité du contrat, prévue à l'article 85, paragraphe 2, concerne l'ensemble du
contrat ou seulement certaines stipulations de celui-ci (arrêt du 13 juillet 1966,
Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429), le Tribunal a estimé
qu'il ressortait clairement des termes de la décision litigieuse que c'était le système
d'échange d'informations dans son ensemble qui était réputé présenter un caractère
anticoncurrentiel, et non pas la communication de telle ou telle information
ponctuelle. Le Tribunal s'est exprimé, en outre, sur l'application de la jurisprudence
susmentionnée dans le cas d'une demande d'exemption effectuée au titre de
l'article 85, paragraphe 3. A cet égard, il a considéré que «en tout état de cause
la jurisprudence de la Cour relative à l'interprétation de l'article 85, paragraphe 2,
du traité telle que consacrée par l'arrêt Consten et Grundig/Commission, précité,
n'est pas transposable purement et simplement, dans le cas de l'examen d'une
demande d'exemption, effectuée au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité, dès
lors que, dans cette dernière hypothèse, il appartient à la Commission, pour
répondre à la demande dont elle est saisie par les entreprises à l'origine de la
notification soumise à son appréciation, de se déterminer par rapport au contrat
tel qu'il lui a été notifié, sauf à obtenir des parties, au cours de l'instruction de
l'affaire, tel ou tel aménagement du contrat tel que notifié».
- 52.
- Il résulte de ce point que la motivation explicite de façon suffisante les raisons pour
lesquelles le Tribunal a estimé que la décision litigieuse n'était pas imprécise
lorsqu'elle qualifiait l'ensemble du système d'échange d'informations
d'anticoncurrentiel.
- 53.
- Quant au point 39 de l'arrêt entrepris, il ressort d'une lecture attentive que le
Tribunal a considéré que, aux points 16 et 61 de la décision litigieuse et à l'article
1er de son dispositif, la Commission avait mis les entreprises à même de connaître
dans quelle mesure le système d'échange d'informations était licite, contribuant
ainsi à la sécurité juridique dont les entreprises avaient besoin dans leurs
transactions. Contrairement à l'allégation de la requérante, cette motivation n'est
pas contradictoire.
- 54.
- La deuxième branche du présent moyen n'est donc pas fondée.
Sur le point 51 de l'arrêt entrepris
- 55.
- Il y a lieu de relever que, aux points 49 à 57 de l'arrêt entrepris, le Tribunal
développe son appréciation au sujet du moyen tiré de ce que la décision litigieuse
reposerait sur une définition erronée du produit en cause et du marché pertinent.
Au point 51, il affirme plus précisément:
«S'agissant, d'une part, de la définition du marché de produit, il y a lieu d'apprécier
le degré de substituabilité du produit. A cet égard, le Tribunal estime que
l'argument des requérantes, selon lequel la Décision fait abstraction de toute
analyse du marché de produit, doit être écarté, dès lors qu'il ressort suffisamment
de la Décision que celle-ci repose sur l'hypothèse que le marché pertinent est celui
des tracteurs agricoles au Royaume-Uni. Dès lors que, en outre, la participation au
système d'échange d'informations en litige est seulement subordonnée à la qualité
de constructeur ou d'importateur de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, et non
pas de telle ou telle catégorie de tracteurs agricoles, les requérantes ne sont pas
fondées à soutenir que la définition du marché de produit serait erronée et que les
différents types de tracteurs agricoles ne seraient pas largement substituables. En
effet, le Tribunal déduit de cette constatation que les entreprises définissent elles-mêmes leur position de concurrence, dans le cadre de l'accord, par rapport à la
notion générale de tracteur agricole, telle que retenue par la Commission.»
- 56.
- Il résulte de ce point que la motivation formulée est précise et suffisante. Une
insuffisance de motivation saurait d'autant moins être reprochée au Tribunal que
la requérante ne présente aucun argument précis pour étayer sa thèse.
- 57.
- Cette branche du moyen n'est, par conséquent, pas fondée.
Sur le point 52 de l'arrêt entrepris
- 58.
- Le point 52 de l'arrêt entrepris est ainsi rédigé: «S'agissant, d'autre part,
d'apprécier le caractère oligopolistique du marché de référence, les critiques des
requérantes, dirigées contre l'analyse de la Commission, selon laquelle le marché
est dominé par quatre entreprises qui représentent entre 75 et 80 % du marché,
doivent être écartées, dès lors que...» («As regards the question of the oligopolistic
nature of the relevant market, the applicants' criticism of the Commission's
conclusion that the market is dominated by four undertakings holding between 75
and 80% of the market must be rejected, since...»).
- 59.
- Il n'apparaît pas de cette phrase que le Tribunal ait fait allusion à la notion
spécifique de «position dominante» au sens de l'article 86. En effet, il est clair que
l'expression «est dominé» («is dominated») est employée dans le contexte de
l'article 85, indépendamment de l'article 86.
- 60.
- Cette dernière branche du premier moyen n'est dès lors pas fondée.
- 61.
- Le premier moyen étant, au vu des considérations qui précèdent, pour partie
irrecevable et pour partie non fondé, il convient de le rejeter dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen
- 62.
- Par son deuxième moyen, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu
compte des erreurs de fait commises par la Commission et de leur incidence sur
la légalité de la décision litigieuse. Ce moyen concerne les points 58 à 78 de l'arrêt
entrepris, relatifs au moyen tiré de ce que l'analyse, par la Commission, des
informations notifiées serait entachée d'erreurs de fait.
- 63.
- A cet égard, il ressort de l'arrêt entrepris que
en premier lieu, le Tribunal a considéré que les requérantes n'avaient pas
établi que les erreurs de fait éventuellement commises par la Commission
au point 14 de la décision litigieuse étaient de nature à en affecter la
légalité (points 66 à 73 de l'arrêt entrepris);
en deuxième lieu, le Tribunal a estimé que l'argument des requérantes,
selon lequel la Commission a commis une erreur de fait en estimant que la
SIL extrayait du formulaire V55 les sept chiffres du code postal du
détenteur déclaré du véhicule immatriculé, manquait en fait (point 74 de
l'arrêt entrepris);
en troisième lieu, le Tribunal a jugé que, s'agissant de l'organisation des
territoires de concession, les requérantes n'avaient pas établi l'existence
d'une ou de plusieurs erreurs de fait, dans l'appréciation de la Commission,
selon laquelle ces territoires étaient déterminés par référence aux
circonscriptions postales, prises isolément ou par regroupement (point 75
de l'arrêt entrepris);
en quatrième lieu, le Tribunal a constaté que l'argument des requérantes,
selon lequel le dernier alinéa du point 26 de la décision litigieuse devait être
interprété comme signifiant que les constructeurs ont organisé un échange
d'informations entre eux plutôt qu'un échange d'informations sur les
relations entre un constructeur donné et ses concessionnaires, manquait en
fait (point 76 de l'arrêt entrepris);
en cinquième lieu, s'agissant de l'argument selon lequel, dans l'analyse du
Data System, la Commission a omis de tenir compte de ce que ce système
retraçait, sur une base trimestrielle, les ventes réalisées par les
concessionnaires d'un constructeur donné sur le territoire de concession de
chaque concessionnaire, le Tribunal a constaté que l'appréciation de laCommission, telle qu'elle figure au point 65 de la décision litigieuse, n'était
entachée d'aucune erreur de fait (point 77 de l'arrêt entrepris).
- 64.
- Dans son pourvoi, la requérante fait valoir que, au point 66 de l'arrêt entrepris, le
Tribunal a reconnu que la décision litigieuse contenait certaines erreurs de fait
relatives aux caractéristiques de l'accord d'échange d'informations, mais que, en
dépit de ces constatations, le Tribunal a «réécrit» la décision litigieuse de telle
sorte que ces erreurs de fait ne mettent pas en cause sa légalité. En outre, d'autres
erreurs fondamentales invoquées par la partie requérante et constatées par le
Tribunal, notamment la plupart de celles énumérées aux points 58 à 61 de l'arrêt
entrepris, auraient été passées sous silence par la suite.
- 65.
- Ainsi, la requérante soutient, premièrement, que le Tribunal a ignoré les éléments
de preuve qu'elle avait présentés pour démontrer que les tracteurs devaient être
tenus pour un produit différencié.
- 66.
- Deuxièmement, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir rectifié l'erreur
de la Commission consistant à tenir compte des caractéristiques de l'accord
d'échange d'informations antérieures à la notification.
- 67.
- Troisièmement, la requérante fait valoir que, au point 75 de l'arrêt entrepris, le
Tribunal a indûment minimisé l'erreur commise par la Commission dans son
appréciation selon laquelle l'organisation des territoires de concession était
déterminée par référence aux circonscriptions postales.
- 68.
- Quatrièmement, la requérante fait valoir que l'enquête à laquelle le Tribunal a
procédé a fait apparaître que la Commission avait mal compris et, du moins,
qu'elle s'était mal représenté le type d'informations pouvant être communiquées
au titre de l'accord d'échange d'informations et du Data System ainsi que les
risques qui en découlaient pour la concurrence. Toutefois, aux points 66, 67, 72, 74
et 77 de l'arrêt entrepris, le Tribunal aurait ignoré ces erreurs ou n'en aurait pas
tiré les conséquences pertinentes.
- 69.
- Cinquièmement, la requérante fait observer que, aux points 72 et 77 de l'arrêt
entrepris, le Tribunal n'a pas abordé les conséquences juridiques de toutes les
différences entre le système d'échange d'informations et le Data System, mais
uniquement l'aspect de l'information relative aux chiffres d'affaires des
concessionnaires.
- 70.
- Enfin, la requérante soutient que, aux points 67 à 71, le Tribunal a mal compris ses
arguments relatifs à l'affirmation de la Commission selon laquelle la communication
des données d'identification au titre de l'accord créait une transparence complète
et était en conséquence appelée à détruire la concurrence cachée.
- 71.
- Pour appuyer sa thèse selon laquelle la Cour est compétente pour examiner les
arguments susmentionnés, la requérante se réfère à l'arrêt du 1er juin 1994,
Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C-136/92 P, Rec. p. I-1981), dont il découlerait
que la Cour est compétente pour constater les faits lorsque l'inexactitude
fondamentale des constatations du Tribunal ressort des documents qui lui ont été
soumis.
- 72.
- S'agissant tout d'abord de la compétence de la Cour, il a été déjà rappelé, au point
25 du présent arrêt, que celle-ci est effectivement qualifiée pour examiner la
détermination des faits opérée par le Tribunal dans le cas où l'inexactitude
matérielle de ces constatations résulte des pièces du dossier qui lui ont été
soumises. Encore faut-il que cette inexactitude apparaisse de façon manifeste des
pièces du dossier sans qu'il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation
des faits.
- 73.
- Or, en l'espèce, il ressort de l'examen des arguments avancés par la requérante
devant la Cour que celle-ci se borne à contester l'appréciation des éléments de
preuve à laquelle le Tribunal a procédé. En effet, l'argumentation de la requérante
consiste à soutenir que le Tribunal aurait dû tirer d'autres conclusions que celles
qu'il a adoptées des éléments de preuve présentés devant lui. La requérante
n'indique pas les pièces de dossier qui feraient apparaître l'existence d'une erreur
matérielle de façon manifeste; de même, elle ne précise pas l'erreur qui aurait été
commise par le Tribunal dans l'application des règles de droit en matière de charge
et d'administration de la preuve et n'avance aucune autre règle de droit que le
Tribunal aurait violée.
- 74.
- Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme irrecevable.
Sur le troisième moyen
- 75.
- La requérante fait valoir que le Tribunal a appliqué erronément l'article 85,
paragraphe 1, du traité en ce qu'il aurait, d'une part, défini de façon inexacte le
marché de référence et, d'autre part, interprété de façon incorrecte les conditions
qui doivent être remplies par un accord ou une pratique concertée pour être
incompatible avec ladite disposition, en ce qui concerne, en particulier, l'exigence
d'un objet ou d'un effet anticoncurrentiel.
- 76.
- Cette argumentation se décompose en trois branches relatives respectivement au
marché de référence, aux effets anticoncurrentiels de l'accord d'échange
d'informations et à l'absence d'arguments à tirer des précédents communautaires
ou de la théorie économique.
Sur la première branche du troisième moyen
- 77.
- La requérante soutient que le Tribunal a manqué à son obligation d'appliquer
correctement le principe juridique établi dans l'arrêt du 14 février 1978, United
Brands/Commission (27/76, Rec. p. 207, point 11), selon lequel il est nécessaire, aux
fins de l'application de l'article 85 du traité, de procéder à un examen en fonction
des caractéristiques du produit en cause et par référence à une zone géographique
définie dans laquelle il est commercialisé et où les conditions de concurrence sont
suffisamment homogènes. Selon la requérante, le Tribunal n'aurait pas examiné
l'évaluation à laquelle la Commission a procédé, mais se serait borné à un examen
de pure forme.
- 78.
- Les arguments invoqués à l'appui de cette affirmation concernent les appréciations
du Tribunal relatives, en premier lieu, à la définition du marché de produit (point
51 de l'arrêt entrepris), en deuxième lieu, à la détermination du marché
géographique (point 56) et, en troisième lieu, à la définition de la structure du
marché sous plusieurs autres aspects.
- 79.
- S'agissant de la définition du marché du produit, la requérante fait valoir que, bien
qu'il ait souligné la nécessité d'apprécier le degré de substituabilité du produit, le
Tribunal a, au point 51 de l'arrêt entrepris, omis d'évaluer cet aspect. Ainsi, la
description du marché du produit concerné figurant dans la décision litigieuse et
dans l'arrêt entrepris ne tiendrait pas compte des éléments de preuve présentés par
les parties requérantes et faisant apparaître que le produit est hautement
différencié et techniquement complexe et non pas homogène. La requérante
précise que cette erreur dans la description aurait engendré une évaluation erronée
de la transparence sur le marché en cause.
- 80.
- A cet égard, il ressort du point 51 de l'arrêt entrepris que le Tribunal a apprécié
le degré de substituabilité du produit et a relevé que la participation au système
d'échange d'informations était seulement subordonnée à la qualité de constructeur
ou d'importateur de tracteurs agricoles au Royaume-Uni, et non pas de telle ou
telle catégorie de tracteurs agricoles. Le Tribunal a déduit de cette constatation que
les entreprises définissaient elles-mêmes leur position de concurrence, dans le cadre
de l'accord, par rapport à la notion générale de tracteur agricole.
- 81.
- L'affirmation de la requérante selon laquelle le Tribunal n'aurait pas procédé à une
évaluation du degré de substituabilité du produit concerné ne résiste donc pas à
une lecture du point 51 de l'arrêt entrepris. Quant à l'assertion selon laquelle le
Tribunal n'aurait pas tenu compte des éléments de preuve présentés à cet égard
par les requérantes, elle vise en réalité à remettre en cause l'appréciation des faits
par le Tribunal, laquelle n'est pourtant pas susceptible de faire l'objet d'un contrôle
par la Cour, étant donné que la requérante ne fournit aucun élément visant à
démontrer une dénaturation des preuves.
- 82.
- En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, en limitant, au point 56 de l'arrêt
entrepris, le marché géographique en cause au Royaume-Uni au lieu de l'étendre
à l'ensemble du marché commun, le Tribunal a commis une erreur d'analyse. Cette
appréciation serait en effet démentie par les nombreux éléments de preuve que les
requérantes auraient invoqués et qui auraient fait apparaître que la condition
établie dans l'arrêt United Brands/Commission, précité, était remplie, puisque les
conditions de la concurrence étaient suffisamment homogènes dans l'ensemble du
marché commun.
- 83.
- A ce propos, il ressort du point 56 de l'arrêt entrepris que le Tribunal a estimé, en
s'appuyant par analogie sur l'arrêt United Brands/Commission, précité, que, sur le
plan géographique, le marché de référence peut être défini comme la zone dans
laquelle les conditions de concurrence, et notamment la demande des
consommateurs, présentent des caractéristiques suffisamment homogènes. Le
Tribunal a ensuite considéré qu'il n'est pas exclu que le marché du tracteur agricole
doive être qualifié de marché de dimension communautaire. Il a toutefois relevé
que, «à la supposer admise, cette solution, en tout état de cause, ne fait pas
obstacle à ce que, dans l'hypothèse où, comme en l'espèce, la pratique incriminée
est géographiquement limitée au territoire de l'un des États membres, le marché
en cause, sur lequel les effets de la pratique doivent être mesurés, soit défini
comme un marché de dimension nationale» et que, «dans cette hypothèse, en effet,
ce sont les offreurs eux-mêmes qui, du seul fait de leur comportement, ont conféré
à ce marché les caractéristiques d'un marché national».
- 84.
- Ainsi que la Cour l'a déjà jugé à d'autres occasions, dans l'appréciation de
l'étendue géographique du marché concerné, la région sur laquelle la pratique
concertée produit ses effets constitue un élément à prendre en considération (voir,
en ce sens, arrêts du 9 juillet 1969, Völk, 5/69, Rec. p. 295, point 7, et du 9
novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, points 25 à 28). Or,
en établissant un système d'échange d'informations qui permet de diffuser aux
participants à ce système qui sont des fournisseurs du marché britannique des
informations sur les ventes effectuées sur ce marché, l'accord lui-même restreint
ses effets au marché britannique de telle sorte que seul celui-ci présente des
caractéristiques suffisamment homogènes pour l'examen des effets
anticoncurrentiels. Le Tribunal n'a dès lors pas commis d'erreur de droit dans son
appréciation du bien-fondé de la définition du marché géographique.
- 85.
- En troisième lieu, la requérante expose que la structure du marché est mal
caractérisée dans la décision litigieuse et dans l'arrêt entrepris sous plusieurs autres
aspects essentiels, et que le Tribunal a méconnu de nombreux arguments et
éléments de preuve que les parties requérantes lui avaient présentés sur ce point.
- 86.
- A cet égard, il suffit de relever que la requérante se contente de contester
l'appréciation de faits par le Tribunal, sans invoquer d'arguments de droitsusceptibles d'être examinés par la Cour. De surcroît, la requérante ne précise pas
tous les points de l'arrêt entrepris qu'elle critique dans ses allégations.
- 87.
- Il résulte de l'examen de la première branche du troisième moyen qu'elle est pour
partie irrecevable et pour partie non fondée.
Sur la deuxième branche du troisième moyen
- 88.
- La deuxième branche du troisième moyen concerne le point 93 de l'arrêt entrepris
dans lequel le Tribunal a considéré que «la circonstance que la partie défenderesse
ne serait pas en mesure d'établir l'existence d'un effet réel sur le marché, qui aurait
pu notamment résulter de ce que la mise en oeuvre de l'accord a été suspendue
à compter du 24 novembre 1988, est sans influence sur la solution du litige, dès lors
que l'article 85, paragraphe 1, du traité prohibe tant les effets anticoncurrentiels
réels que les effets purement potentiels, pour peu que ceux-ci soient suffisamment
sensibles, comme en l'espèce, compte tenu des caractéristiques du marché, telles
que précédemment rappelées...».
- 89.
- La requérante soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en affirmant
que l'article 85, paragraphe 1, interdit tant les effets réels contraires à la
concurrence que les effets potentiels, pour peu que ceux-ci soient suffisamment
sensibles. Selon la requérante, la jurisprudence de la Cour n'autorise à tenir compte
des effets potentiels d'un accord que pour déterminer s'il affecte les échanges entre
les États membres, mais non pour établir s'il exerce un effet restrictif sur la
concurrence. A cet égard, la requérante souligne que l'accord a été effectif pendant
treize ans, ce qui aurait dû suffire pour constater s'il avait des effets néfastes réels.
- 90.
- Il résulte de la jurisprudence constante de la Cour que, pour apprécier si un accord
doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la
concurrence qui en sont l'effet, il faut examiner le jeu de la concurrence dans le
cadre réel où il se produirait à défaut de l'accord litigieux (voir, notamment, arrêts
du 30 juin 1966, Société technique minière, 56/65, Rec. p. 337, et du 11 décembre
1980, L'Oréal, 31/80, Rec. p. 3775, point 19).
- 91.
- Or, l'article 85, paragraphe 1, ne limite pas une telle appréciation aux seuls effets
actuels mais celle-ci doit également tenir compte des effets potentiels de l'accord
sur la concurrence dans le marché commun (voir, en ce sens, arrêts du 10
décembre 1985, ETA, 31/85, Rec. p. 3933, point 12, et du 17 novembre 1987, BAT
et Reynolds/Commission, 142/84 et 156/84, Rec p. 4487, point 54). Comme le
Tribunal l'a correctement rappelé, un accord échappe toutefois à la prohibition de
l'article 85 lorsqu'il n'affecte le marché que d'une manière insignifiante (arrêt Völk,
précité, point 7).
- 92.
- C'est donc à bon droit que le Tribunal a considéré que la circonstance selon
laquelle la Commission n'aurait pas été en mesure d'établir l'existence d'un effet
anticoncurrentiel réel était sans influence sur la solution du litige. La deuxième
branche du présent moyen n'est dès lors pas fondée.
Sur la troisième branche du troisième moyen
- 93.
- Dans la troisième branche du troisième moyen, la requérante souligne que la
présente affaire diffère de toutes celles dans lesquelles un système d'échange
d'informations a été examiné au titre de l'article 85 du traité, du fait que le système
d'échange d'informations en cause ne se rattache pas à une entente, qu'il ne diffuse
des informations que sur des ventes passées et qu'il ne concerne pas les produits
de base.
- 94.
- La requérante fait observer que, quoique le Tribunal ait reconnu, au point 91 de
l'arrêt entrepris, que la décision litigieuse était «la première par laquelle la
Commission prohibe un système d'échange d'informations qui, sans concerner
directement les prix, n'est pas non plus le support d'un autre mécanisme
anticoncurrentiel», il a jugé, au point 35, que la décision litigieuse «se borne à faire
application, à un marché particulier, celui des tracteurs agricoles au Royaume-Uni,
des principes posés par la pratique décisionnelle antérieure de la Commission».
Cette seconde constatation serait en contradiction avec la première et aurait amené
le Tribunal à considérer erronément que la décision litigieuse respectait l'obligation
de motivation telle que précisée par l'arrêt Papier peints de Belgique, précité.
- 95.
- Cette argumentation, dans la mesure où elle vise à établir que le point 35 de l'arrêt
entrepris recèle une contradiction quant aux exigences de la motivation de la
décision litigieuse, a déjà été examinée aux points 47 à 49 du présent arrêt.
- 96.
- Pour le surplus, force est de constater que la requérante n'indique pas avec
suffisamment de précision les points de l'arrêt entrepris et les règles de droit
prétendument violées pour permettre à la Cour d'examiner cette branche du
moyen.
- 97.
- La troisième branche est, par conséquent, irrecevable.
- 98.
- Il s'ensuit que le troisième moyen est pour partie irrecevable et pour partie non
fondé et qu'il doit, en conséquence, être rejeté.
Sur le quatrième moyen
- 99.
- Le quatrième moyen concerne le point 38 de l'arrêt entrepris dans lequel le
Tribunal a examiné l'argumentation des requérantes selon laquelle, contrairement
aux exigences dégagées par la Cour dans l'arrêt Consten et Grundig/Commission,
précité, la portée du dispositif de la décision litigieuse ne ressortait pas de ses
motifs.
- 100.
- La requérante fait valoir que le Tribunal n'a pas appliqué, en l'espèce, le principe
formulé dans l'arrêt précité, selon lequel la nullité de plein droit édictée par
l'article 85, paragraphe 2, s'applique aux seuls éléments de l'accord frappés par
l'interdiction, ou à l'ensemble de l'accord si ces éléments n'apparaissent pas
séparables de l'accord lui-même. Le Tribunal aurait en effet considéré que ce
principe n'était pas applicable à des affaires dans lesquelles une exemption
individuelle au titre de l'article 85, paragraphe 3, est demandée. Or, les parties à
l'accord d'échange d'informations, et a fortiori les membres du Data System,
auraient notifié leurs accords à la Commission pour obtenir, à titre principal, une
attestation négative et, à titre subsidiaire seulement, une exemption individuelle au
titre de l'article 85, paragraphe 3.
- 101.
- La requérante ajoute que le Tribunal n'aurait pas dû tenir pour valide la décision
litigieuse étant donné qu'elle ne contient aucune considération relative au caractère
anticoncurrentiel de l'ensemble de l'accord. La Commission aurait en effet omis de
préciser clairement, conformément au principe énoncé dans l'arrêt Consten et
Grundig/Commission, précité, quelles étaient les parties à l'accord qui auraient dû
être éliminées afin de rendre l'accord d'échange d'informations et le Data System
conformes à l'article 85, paragraphe 1.
- 102.
- Il ressort clairement du point 38 de l'arrêt entrepris que, contrairement à ce que
soutient la requérante, le Tribunal n'a pas omis d'appliquer le principe formulé
dans l'arrêt Consten et Grundig/Commission, précité. En effet, la réserve que le
Tribunal expose, dans la dernière phrase du point 38, à l'application de ce principe
ne concerne que sa pertinence dans le cadre de l'application de l'article 85,
paragraphe 3, du traité. Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le bien-fondé de cette
interprétation du Tribunal, il convient donc de considérer que l'allégation de la
requérante n'est pas fondée.
- 103.
- Dans son quatrième moyen, la requérante fait également valoir que c'est à tort que
le Tribunal n'a pas constaté que les motifs de la décision n'expliquent pas pourquoi
l'ensemble de l'accord portait atteinte à la concurrence.
- 104.
- Il convient de relever que cette allégation a déjà été examinée, au point 52 du
présent arrêt, dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen relative à
l'insuffisance de motivation du point 38 de l'arrêt entrepris.
- 105.
- Enfin, si ce quatrième moyen doit être compris comme contestant l'appréciation
selon laquelle les stipulations de l'accord ne sont pas séparables au sens de la
jurisprudence résultant de l'arrêt Consten et Grundig/Commission, précité, il y a
lieu de constater que les requérantes n'avaient pas invoqué, devant le Tribunal, une
erreur d'appréciation par la Commission du caractère dissociable ou non des
stipulations, mais avaient seulement soutenu que la portée du dispositif de la
décision litigieuse ne ressortait pas clairement de ses motifs. La requérante n'a
d'ailleurs invoqué devant la Cour aucun argument concernant l'identification
possible d'éléments dissociables de l'ensemble de l'accord. Sur ce point, le
quatrième moyen est donc irrecevable.
- 106.
- Il résulte de ces considérations que le quatrième moyen est pour partie irrecevable
et pour partie non fondé et que, partant, il doit être rejeté.
Sur le cinquième moyen
- 107.
- Le cinquième moyen, tiré d'une application erronée de l'article 85, paragraphe 3,
du traité concerne le point 99 de l'arrêt entrepris.
- 108.
- Dans ce point, le Tribunal a jugé que la Commission n'a pas commis d'erreur en
refusant la demande d'exemption individuelle au motif que les restrictions de
concurrence résultant de l'échange d'informations ne présentaient pas un caractère
indispensable. A cet égard, le Tribunal a relevé que, selon la Commission, les
données relatives à chaque société, d'une part, et celles relatives à l'ensemble du
secteur, d'autre part, étaient suffisantes pour opérer sur le marché des tracteurs
agricoles.
- 109.
- Le Tribunal a ensuite estimé, dans le même point 99, que la Commission avait
correctement retenu que les observations développées à l'égard de la première
notification valaient, mutatis mutandis, à l'égard de la seconde, dès lors que le Data
System continuait de fournir des données mensuelles sur le volume des ventes et
les parts de marché des membres et des concessionnaires. Le Tribunal a constaté
que la Commission avait ainsi entendu soutenir qu'il n'était pas indispensable de
disposer d'informations individualisant, selon une périodicité rapprochée, les ventes
des concurrents pour atteindre les objectifs allégués.
- 110.
- Enfin, dans le même point, le Tribunal a estimé, en réponse aux affirmations des
requérantes selon lesquelles les informations recueillies étaient nécessaires pour
assurer le service après-vente ou de garantie, que ce dernier pouvait parfaitement
être assuré en l'absence de tout système d'échange d'informations du type de celui
en cause.
- 111.
- En premier lieu, la requérante conteste l'appréciation du Tribunal selon laquelle
les observations de la Commission au sujet de la première notification s'appliquent
mutatis mutandis à la seconde notification. La requérante invoque à cet égard les
modifications apportées au calendrier et à la qualité des informations
communiquées que le Tribunal aurait méconnues.
- 112.
- Il suffit de constater que, par cet argument, la requérante conteste l'appréciation
des faits par le Tribunal, laquelle ne saurait être soumise au contrôle de la Cour
dans le cadre d'un pourvoi.
- 113.
- En deuxième lieu, la requérante souligne que sa demande d'exemption individuelle
était subordonnée à la constatation d'une violation de l'article 85, paragraphe 1. Or,
cette violation aurait été constatée sur la base d'hypothèses relatives à des effets
purement théoriques du système d'échange d'informations sur la concurrence. Cetteviolation de l'article 85, paragraphe 1, constituerait également un facteur à retenir
pour déterminer si la condition du caractère indispensable au titre de l'article 85,
paragraphe 3, était remplie.
- 114.
- A ce propos, il suffit de constater que, étant donné que l'argumentation de la
requérante visant à démontrer une application erronée de l'article 85, paragraphe
1, est rejetée par le présent arrêt, l'argument en question n'est pas pertinent.
- 115.
- En troisième lieu, la requérante fait d'abord valoir que, à supposer que le Tribunal
ait considéré que les parties requérantes n'avaient pas prouvé que l'échelonnement
dans le temps de la diffusion de l'information au sujet des immatriculations par
modèle était une donnée indispensable, il convient alors d'objecter que ce caractère
indispensable de la diffusion tient à ce que les constructeurs doivent avoir des
informations d'actualité afin de prendre en temps utile des décisions et des mesures
répondant aux besoins de la clientèle. Elle reproche au Tribunal d'avoir réduit son
argumentation à la nécessité pour les intéressés de disposer d'informations pour le
service après-vente et la garantie.
- 116.
- La requérante soutient ensuite que seuls les constructeurs les plus importants sont
en mesure de recueillir de manière autonome des données certaines au sujet des
ventes. En outre, les données ainsi recueillies seraient moins sûres que celles
transmises dans le cadre du système d'échange d'informations. Ainsi, ce système
assurerait la même quantité et la même qualité de l'information tant pour les
grandes que pour les petites entreprises ou encore les entreprises nouvelles sur le
marché. Enfin, sans le système d'échange d'informations, les entreprises seraient
obligées d'échanger directement des informations, ce qui pourrait se révéler
contraire au droit de la concurrence.
- 117.
- Il convient de relever que ces arguments sont les mêmes que ceux qui ont été
invoqués devant la Commission et le Tribunal pour soutenir que l'échange
d'informations en cause, en particulier sous sa forme relevant du Data System,
répondait au critère indispensable des restrictions. En outre, la requérante ne
précise pas l'erreur de droit que le Tribunal aurait commise dans le contrôle de
l'exercice du pouvoir d'appréciation que l'article 85, paragraphe 3, confère à la
Commission et aucun élément du dossier ne permet non plus de conclure à la
présence d'une erreur dans le contrôle opéré par le Tribunal.
- 118.
- Par ailleurs, il n'apparaît pas que le Tribunal ait fondé son appréciation sur la
prémisse que les requérantes n'auraient invoqué, comme avantage de l'échange
d'informations, que la seule nécessité d'assurer le service après-vente ou de
garantie. En effet, d'une part, l'exposé de l'argumentation des requérantes, aux
points 95 et 96 de l'arrêt entrepris, ne se limite pas à ces éléments. D'autre part,
il apparaît que le passage en question du point 99 de l'arrêt entrepris est une
réponse à des arguments spécifiques soulevés devant le Tribunal au sujet du Data
System.
- 119.
- Étant ainsi pour partie irrecevable et pour partie non fondé, le cinquième moyen
doit être rejeté.
- 120.
- Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que les moyens présentés
par la requérante à l'appui de son pourvoi sont pour partie irrecevables et pour
partie non fondés. Le pourvoi doit dès lors être rejeté dans sa totalité.
Sur les dépens
- 121.
- Aux termes de l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, applicable
à la procédure de pourvoi en vertu de l'article 118, toute partie qui succombe est
condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant
succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente
instance.
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre)
déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) New Holland Ford Ltd est condamnée aux dépens.
GulmannMoitinho de Almeida
Edward
Jann Sevón
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Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 mai 1998.
Le greffier
Le président de la cinquième chambre
R. Grass
C. Gulmann