Language of document : ECLI:EU:T:2020:66

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 février 2020 (*)

  « Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale INVENTEMOS EL FUTURO – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage – Article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑8/19,

Repsol, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J.-B. Devaureix et J. C. Erdozain López, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représentée par Mme S. Palmero Cabezas et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 23 octobre 2018 (affaire R 1173/2018-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal INVENTEMOS EL FUTURO comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz et Mme N. Półtorak (rapporteure), juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 janvier 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 28 mars 2019,

à la suite de l’audience du 4 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 septembre 2017, la requérante, Repsol, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal INVENTEMOS EL FUTURO.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 40 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 40 : « Services de raffinage du pétrole ; raffinage de gaz, du pétrole et de produits pétroliers ; traitement de gaz et de pétrole ; production d’énergie ; traitement et élimination des résidus et vulcanisation ; recyclage et traitement de combustibles, produits chimiques, huiles, huiles résiduelles, déchets, déchets industriels, gaz et pétrole ; tri de déchets et de matières recyclables ; destruction d’ordures ; services de gestion des résidus et des déchets (recyclage) ; services de regazéification et de liquéfaction du gaz naturel ; purification des gaz ; services de conseils en matière de production d’énergie électrique ; services de conseils en matière de recyclage de déchets et d’ordures ; services de conseils en matière de traitement de la pollution causée par le pétrole ; consultation en matière de traitement de la pollution chimique ; traitement du charbon, du gaz, d’hydrocarbures et du caoutchouc ; traitement des matières combustibles ; traitements de produits chimiques et pétrochimiques ; informations en matière de traitement de matériaux ; services de traitement et de purification de l’eau ; décontamination de matériaux dangereux » ;

–        classe 42 : « Services scientifiques et technologiques, ainsi que services de recherche et de conception dans ces domaines ; exploitation de gisements pétrolifères et analyse pour l’exploitation de gisements pétrolifères ; exploration et analyse de gaz et de pétrole ; conduite d’études de projets techniques ; prospections et recherches géologiques et prospection de pétrole et de gaz ; contrôle de puits de pétrole ; expertises de gisements pétrolifères ; recherches chimiques et techniques ; services de recherche et de développement dans le domaine de l’énergie ; réalisation d’études de projets techniques et de recherches relatives à l’utilisation d’énergies ; services de gestion de projets d’ingénierie ; fourniture d’informations technologiques concernant les innovations respectueuses de l’environnement ; analyse pour l’exploitation de gisements pétrolifères ; expertises de champs pétroliers ; services de conseil en matière de pétrole ; expertise de gisements de pétrole ; services de conseil en ingénierie ; conseils en matière d’économie d’énergie ; consultation dans le domaine de la recherche industrielle ; services de conseils technologiques ; conseil concernant la chimie ».

4        Par décision du 23 avril 2018, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement pour tous les services visés au point 3 ci-dessus, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement. L’examinatrice a estimé que la marque demandée était uniquement perçue par le public pertinent comme un message promotionnel laudatif mettant en valeur les aspects positifs des services concernés. En outre, l’examinatrice a estimé que les documents produits par la requérante ne démontraient pas un caractère distinctif acquis par l’usage.

5        Le 22 juin 2018, la requérante a formé un recours contre cette décision auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001.

6        Par décision du 23 octobre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

7        En substance, la chambre de recours a considéré, premièrement, que le public de référence était le public hispanophone de l’Union européenne, que la grande majorité des services concernés s’adressaient au public professionnel, même si certains d’entre eux pouvaient également être destinés au grand public, et que le niveau d’attention du public pertinent pouvait être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel même dans le cas des services visés en l’espèce (points 11 à 16 de la décision attaquée).

8        Deuxièmement, la chambre de recours a estimé que, selon les définitions de chaque terme de la marque demandée, celle-ci, considérée dans son ensemble, signifiait : « découvrons ce qui est à venir d’une façon nouvelle ou jusqu’alors inconnue » (point 18 de la décision attaquée).

9        Troisièmement, la chambre de recours a indiqué que la requérante ne contestait pas le regroupement des services pertinents en catégories effectué dans la décision de l’examinatrice, laquelle pouvait donc être reprise pour les besoins de son analyse (point 19 de la décision attaquée). Elle a considéré que le public pertinent percevrait la marque demandée comme un message promotionnel et élogieux relatif aux services concernés, lequel aurait pour but de formuler une déclaration motivante et inspirante pour les consommateurs. Selon la chambre de recours, ce message inciterait à recourir à ces services en faisant valoir qu’ils sont innovants et que le consommateur lui-même contribuerait aux progrès réalisés aux côtés du titulaire de la marque. La chambre de recours a également relevé que la marque demandée était clairement intelligible, sans équivoque et très directe dans sa formulation et qu’elle n’impliquait aucun effort mental ou d’interprétation important du message publicitaire transmis. En conclusion, la chambre de recours a indiqué que la marque demandée s’analysait comme un slogan motivant qui associait le consommateur aux actions d’innovation du titulaire de la marque (points 22 et 23 de la décision attaquée).

10      Quatrièmement, la chambre de recours a indiqué que le signe en cause, considéré dans son ensemble, ne présentait rien d’inhabituel. Pour la chambre de recours, si le public pertinent était confronté au signe dans le contexte des services en cause, il le comprendrait immédiatement et uniquement comme un slogan publicitaire. Dès lors, la chambre de recours a considéré que le message promotionnel renvoyé par la marque demandée pouvait provenir de n’importe quelle entreprise proposant les services concernés et qu’il ne constituait pas un indicateur d’origine d’une entreprise en particulier (points 27 et 28 de la décision attaquée).

11      Cinquièmement, la chambre de recours a relevé que l’enregistrement de la marque antérieure mentionnée par la requérante, à savoir la marque de l’Union européenne no 6904254, INVENTEMOS EL FUTURO, ne modifiait pas les appréciations susmentionnées (point 32 de la décision attaquée).

12      Sixièmement, la chambre de recours a considéré que les documents soumis par la requérante ne contenaient aucune preuve directe ou indirecte suffisante de la perception par le grand public et le public professionnel de la marque demandée en tant qu’indicateur de l’origine commerciale s’agissant des services particuliers des classes 40 et 42 (points 40 à 47 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

14      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui du recours, la requérante soulève deux moyens, tirés, pour le premier, d’erreurs commises dans l’appréciation de l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et, pour le second, à titre subsidiaire, d’erreurs commises dans l’appréciation de l’acquisition par la marque demandée d’un caractère distinctif par l’usage en application de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement.

16      L’EUIPO conteste cette argumentation en renvoyant essentiellement au contenu de la décision attaquée.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

17      Dans le cadre du premier moyen, la requérante formule quatre griefs, tirés, pour le premier, d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne la prise en compte des particularités propres à certains services concernés, pour le deuxième, d’une erreur d’appréciation s’agissant du public pertinent et, pour le troisième, d’une erreur d’appréciation lors de la mise en œuvre des principes relatifs à une marque qui prend la forme d’un slogan publicitaire en ce que la chambre de recours aurait appliqué des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de signes. Par son quatrième grief, la requérante fait de nouveau valoir que la chambre de recours aurait appliqué des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de signes.

18      Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, le grief qui concerne le public pertinent, ensuite, celui qui concerne l’insuffisance de motivation et, enfin, les griefs qui concernent l’application des principes relatifs à une marque qui prend la forme d’un slogan publicitaire.

 Sur la définition du public pertinent

19      Il résulte d’une jurisprudence constante que le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent [voir arrêts du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 43 et jurisprudence citée, et du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 17 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la chambre de recours a relevé, premièrement, que la marque demandée se composait de mots espagnols. Partant, elle a en déduit que le public pertinent pour apprécier l’existence d’un motif absolu de refus était le public hispanophone de l’Union (point 11 de la décision attaquée). Compte tenu de la marque demandée, il y a lieu d’entériner cette appréciation, qui n’est au demeurant pas contestée par les parties.

21      Deuxièmement, la chambre de recours a fait observer, d’une part, que la grande majorité des services concernés relevant des classes 40 et 42 étaient destinés au public professionnel spécialisé dans le domaine des services de raffinage et de traitement des gaz, du pétrole et des produits du pétrole, dans le recyclage, la purification, la décontamination et le traitement des déchets ainsi que dans les services scientifiques et technologiques théoriques ou dans des applications pratiques (point 12 de la décision attaquée). Cette première appréciation, d’ailleurs expressément approuvée par la requérante dans la requête, doit également être entérinée.

22      D’autre part, la chambre de recours a relevé que d’autres services concernés, comme les « informations en matière de traitement de matériaux » relevant de la classe 40 et les « conseils en matière d’économie d’énergie » relevant de la classe 42, pouvaient aussi bien s’adresser au public professionnel qu’au grand public (point 12 de la décision attaquée). La requérante, qui relève que le public pertinent est composé de professionnels pour une « grande majorité » des services concernés, ne se réfère pas à cette deuxième appréciation. Celle-ci doit aussi être entérinée étant donné qu’elle découle d’une analyse correcte des services concernés en l’espèce.

23      Troisièmement, la chambre de recours a indiqué que la marque demandée ne constituait pas une terminologie spécifique d’un secteur professionnel, si bien que le public professionnel devrait percevoir ce signe comme le ferait le grand public (point 13 de la décision attaquée).

24      Dès lors, la chambre de recours a conclu, au point 14 de la décision attaquée, que, dans la mesure où le public pertinent était peu attentif à l’égard d’un signe qui ne lui donnait pas d’emblée une indication sur la provenance ou la destination de ce qu’il souhaitait acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il ne s’attarderait ni à rechercher les différentes fonctions éventuelles des éléments verbaux du signe ni à les mémoriser en tant que marque [voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, Sykes Enterprises/OHMI (REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS), T‑130/01, EU:T:2002:301, point 29, et du 9 juillet 2008, BYK-Chemie/OHMI (Substance for Success), T‑58/07, non publié, EU:T:2008:269, point 22].

25      La chambre de recours a rappelé, à cet égard, au point 15 de la décision attaquée, que le niveau d’attention du public pertinent pouvait être relativement faible à l’égard d’indications à caractère promotionnel, qu’il s’agisse du consommateur final moyen ou d’un public plus attentif de spécialistes ou de consommateurs avisés [voir, en ce sens, arrêts du 29 janvier 2015, Blackrock/OHMI (INVESTING FOR A NEW WORLD), T‑59/14, non publié, EU:T:2015:56, point 27, et du 9 octobre 2018, De Longhi Benelux/EUIPO (COOKING CHEF GOURMET), T‑697/17, non publié, EU:T:2018:661, point 44 et jurisprudence citée].

26      Partant, s’agissant du niveau d’attention du public pertinent, la chambre de recours a considéré que, dès lors que ledit public, qu’il s’agisse du grand public ou du public professionnel, percevait le signe demandé comme un slogan laudatif, son niveau d’attention pouvait être faible une fois confronté à ce signe et cela en dépit de l’éventuel niveau de spécialisation élevé requis pour assurer les services concernés relevant des classes 40 et 42 (point 16 de la décision attaquée).

27      Cette appréciation et les conclusions qui en sont tirées sont contestées par la requérante. Celle-ci soutient que, compte tenu de la spécialisation du public professionnel visé par les services en cause et de la présence parallèle de la marque de l’Union européenne no 6904254, enregistrée pour les classes 4, 35 et 37, le public pertinent disposerait d’une connaissance et d’une perspicacité supérieures à celles du grand public, lesquelles permettraient d’identifier l’origine commerciale des services concernés à partir de la marque demandée. La requérante ajoute que la jurisprudence citée dans la décision attaquée n’est pas pertinente.

28      L’EUIPO conteste cette argumentation.

29      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la signification de la marque demandée était, selon la chambre de recours et sans que cela soit contesté par la requérante, « découvrons ce qui est à venir d’une façon nouvelle ou jusqu’alors inconnue » (voir point 18 de la décision attaquée).

30      La requérante ne conteste pas que les termes « inventemos el futuro » ne relèvent pas d’une terminologie spécifique, propre aux utilisateurs des services concernés. En l’espèce, il y a lieu de constater que ces termes peuvent être perçus comme véhiculant une « information exclusivement promotionnelle et abstraite » ou comme un « slogan laudatif », qu’ils visent le public professionnel concerné par la « grande majorité des services [concernés] » ou le public professionnel et le grand public concernés par les autres services désignés par la marque demandée (points 12 à 16 de la décision attaquée). Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le public professionnel percevrait la marque demandée de la même manière que le grand public.

31      De même, c’est à juste titre que la chambre de recours a pu se prévaloir de la jurisprudence citée aux points 14 et 15 de la décision attaquée, de laquelle il ressort que, en présence d’un slogan laudatif n’utilisant pas une terminologie propre au secteur concerné, mais des termes génériques, le niveau d’attention du public pertinent, qu’il soit composé de professionnels ou du grand public, peut s’avérer seulement faible.

32      L’argument de la requérante selon lequel l’arrêt du 9 octobre 2018, COOKING CHEF GOURMET (T‑697/17, non publié, EU:T:2018:661), cité au point 15 de la décision attaquée, n’est pas pertinent en l’espèce parce que, dans cette affaire, le Tribunal avait jugé que les produits en cause étaient des « appareils de cuisine », qui « ne nécessit[ai]ent pas de connaissances techniques particulières », doit être écarté. Il est de jurisprudence constante que le niveau d’attention de la partie du public pertinent composée de professionnels peut être relativement faible à l’égard d’indications à caractère exclusivement promotionnel qui ne sont pas déterminantes pour un public avisé [voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2002, REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, T‑130/01, EU:T:2002:301, point 24 ; du 3 juillet 2003, Best Buy Concepts/OHMI (BEST BUY), T‑122/01, EU:T:2003:183, point 25, et du 26 septembre 2017, La Rocca/EUIPO (Take your time Pay After), T‑755/16, non publié, EU:T:2017:663, point 21].

33      Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté.

 Sur l’insuffisance de motivation

34      En vertu de l’article 94 du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. L’obligation de motivation ainsi consacrée a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, tel qu’interprété par une jurisprudence constante, selon laquelle la motivation doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 22 mars 2018, Dometic Sweden/EUIPO (MOBILE LIVING MADE EASY), T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 11 et jurisprudence citée].

35      Selon la jurisprudence, d’une part, l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit, en principe, être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir arrêt du 22 mars 2018, MOBILE LIVING MADE EASY, T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 13 et jurisprudence citée).

36      Toutefois, s’agissant de cette dernière exigence, le Tribunal a précisé que l’autorité compétente pouvait se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus était opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services [arrêt du 22 mars 2018, MOBILE LIVING MADE EASY, T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 14 ; voir, également, arrêt du 20 novembre 2019, Rezon/EUIPO (imot.bg), T‑101/19, non publié, EU:T:2019:793, point 31 et jurisprudence citée].

37      La requérante fait valoir que la motivation globale utilisée par la chambre de recours ne permettrait pas de justifier suffisamment l’absence de caractère distinctif à l’égard de chacun des services concernés. Or, il ne serait possible de recourir à une telle motivation que si le motif absolu de refus invoqué s’étendait à des services qui présenteraient entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils formeraient une catégorie homogène.

38      S’agissant des services de la classe 40, le regroupement effectué ne permettrait pas de comprendre pourquoi les services de gestion des résidus et des déchets (recyclage), les services de regazéification et de liquéfaction du gaz naturel, la purification des gaz, les services de conseils en matière de production d’énergie électrique, le traitement du charbon, du gaz, d’hydrocarbures et du caoutchouc, le traitement des matières combustibles, les traitements de produits chimiques et pétrochimiques, les informations en matière de traitement de matériaux et les services de traitement et de purification de l’eau pourraient être inclus dans la même catégorie. L’analyse effectuée serait simpliste et ne permettrait pas d’apprécier la variété des services en cause.

39      De même, s’agissant des services de la classe 42, la décision attaquée ne permettrait pas de distinguer de manière adéquate le contrôle de puits de pétrole, les expertises de gisements pétrolifères, la réalisation d’études de projets techniques et de recherches relatives à l’utilisation d’énergies, l’analyse pour l’exploitation de gisements pétrolifères, les expertises de champs pétroliers, les conseils en matière d’économie d’énergie, la consultation dans le domaine de la recherche industrielle et les services de conseils technologiques.

40      Selon la requérante, même en supposant que les services concernés soient liés entre eux et puissent faire l’objet d’un exercice de synthèse, la décision attaquée n’indiquerait pas clairement les motifs pour lesquels la chambre de recours considérerait que la marque demandée permettrait au public pertinent de percevoir immédiatement et sans autre réflexion un slogan promotionnel destiné à apprécier ses actions en matière d’innovation par rapport à l’ensemble de ces services.

41      L’EUIPO conteste cette argumentation.

42      En l’espèce, dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est ralliée aux appréciations précédemment exposées dans la décision de l’examinatrice, lesquelles n’avaient pas été contestées par la requérante dans le cadre de son recours devant elle (point 19 de la décision attaquée).

43      S’agissant des services de la classe 40, la chambre de recours a considéré qu’ils incluaient principalement des services de raffinage et de traitement des gaz, du pétrole et des produits pétroliers, le recyclage, la purification, la décontamination et le traitement des déchets (combustibles, huiles, eau, substances dangereuses, etc.), ainsi que les conseils relatifs au traitement des déchets et à la contamination des matériaux. La chambre de recours a alors indiqué que le public pertinent percevait l’expression « inventemos el futuro » comme une phrase motivante incitant le consommateur à faire appel à ces services et à contribuer à l’innovation (point 20 de la décision attaquée).

44      S’agissant des services de la classe 42, la chambre de recours a souligné qu’ils incluaient une grande diversité de services, certains plus abstraits et théoriques, tels que les services scientifiques et technologiques, et d’autres plus spécifiques comme les services de recherche, d’analyse, d’études, d’information et de conseils en matière de pétrole et de gaz, de chimie, d’ingénierie, d’industrie, d’énergie et d’environnement. La chambre de recours a alors relevé que, pour ces services, le public pertinent allait considérer la marque demandée comme un slogan à caractère laudatif qui faisait la promotion des compétences du titulaire de la marque en matière d’innovation. En faisant appel aux services de la requérante, le consommateur bénéficierait ainsi de services qui utiliseraient des techniques à l’avant-garde de son secteur ou qui chercheraient constamment à être les premiers à élaborer les procédures scientifiques et techniques du futur (point 21 de la décision attaquée).

45      La chambre de recours a conclu que, au regard des services en cause, la marque demandée était clairement intelligible, sans équivoque et très directe dans sa formulation et qu’elle n’impliquait pas un effort mental ou d’interprétation important du message publicitaire transmis (point 22 de la décision attaquée).

46      Force est de constater que, rapporté aux services en cause au sein de la classe 40 qu’au sein de la classe 42, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, en ce qui concernait l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, qui fait l’objet du troisième grief, la perception de du public pertinent serait la même.

47      Ainsi, s’agissant de l’ensemble des services de la classe 40, la chambre de recours a constaté que l’expression espagnole « inventemos el futuro » allait être perçue par les utilisateurs de ces services comme une phrase motivante incitant le consommateur à faire appel aux services du titulaire de la marque. De même, pour l’ensemble des services de la classe 42, la chambre de recours a constaté que les utilisateurs de ces services percevraient la marque demandée comme un slogan à caractère laudatif qui fait la promotion des compétences du titulaire de la marque en matière d’innovation.

48      Il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que les services visés dans la demande d’enregistrement appartenaient à une catégorie homogène au regard d’une caractéristique commune définie par rapport à la signification de la marque demandée, à savoir un message promotionnel et élogieux relatif aux services en cause, ayant pour but de formuler une déclaration motivante et inspirante pour les consommateurs. Certes, comme l’affirme la requérante, les services concernés sont variés. Toutefois, au regard de la signification de la marque demandée, force est de constater que la chambre de recours pouvait à juste titre estimer que les services visés par la marque demandée constituaient bien une catégorie homogène justifiant le recours à une motivation globale. En effet, l’appréciation de l’existence d’un lien suffisamment direct et concret entre les services en cause pour déterminer s’ils forment une catégorie ou un groupe de services d’une homogénéité suffisante, telle qu’elle est exigée par cette jurisprudence, ne constitue pas une fin en soi, mais doit être effectuée à l’aune de l’objectif de cet exercice visant à permettre et à faciliter l’appréciation in concreto de la question de savoir si la demande d’enregistrement de la marque concernée est susceptible de se voir opposer un des motifs absolus de refus, notamment en fonction des caractéristiques qui sont communes aux services en cause et qui présentent une pertinence pour l’analyse de l’opposabilité (voir arrêt du 20 novembre 2019, imot.bg, T‑101/19, non publié, EU:T:2019:793, point 32 et jurisprudence citée). En l’espèce, eu égard au message promotionnel et élogieux susmentionné, l’ensemble des services visés par la marque demandée dispose d’une telle caractéristique commune.

49      Ainsi, en indiquant que, pour tous les services concernés des classes 40 et 42, la marque demandée était perçue par le public pertinent comme un « slogan motivant qui associ[ait] l’utilisateur aux actions d’innovation [du titulaire de la marque] », la chambre de recours a suffisamment expliqué de quelle manière elle avait défini la catégorie homogène sur laquelle elle se fondait pour apprécier le caractère distinctif de la marque demandée et la raison pour laquelle elle a estimé que lesdits services entraient dans cette catégorie.

50      La requérante ne fournit d’ailleurs aucun argument à même d’expliquer à quel titre ce qui précède ne vaudrait pas pour l’un ou l’autre des services qu’elle évoque dans son recours devant le Tribunal.

51      Il ressort de ce qui précède que le deuxième grief doit être rejeté.

52      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 22 mars 2018, MOBILE LIVING MADE EASY, T‑235/17, non publié, EU:T:2018:162, point 12 et jurisprudence citée). Dès lors, il y a lieu d’écarter les arguments de la requérante présentés au titre de l’insuffisance de motivation qui ont trait au caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux services concernés ou se prévalent du caractère déjà établi de cette marque au sein du secteur ou de l’existence d’une marque de l’Union européenne identique enregistrée pour d’autres classes.

 Sur l’absence de caractère distinctif

53      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

54      L’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 énonce, pour sa part, que le paragraphe 1 de ce même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

55      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, signifie que cette marque permet d’identifier les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ces produits et ces services de ceux issus d’autres entreprises [voir arrêt du 5 février 2019, Gruppo Armonie/EUIPO (ARMONIE), T‑88/18, non publié, EU:T:2019:58, point 20 et jurisprudence citée].

56      À cet égard, il convient de rappeler que les signes dépourvus de caractère distinctif visés par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative (voir arrêt du 5 février 2019, ARMONIE, T‑88/18, non publié, EU:T:2019:58, point 21 et jurisprudence citée).

57      En outre, selon une jurisprudence constante, l’enregistrement d’une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n’est pas exclu en tant que tel en raison d’une telle utilisation. Toutefois, une marque qui, telle une indication de qualité ou une expression incitant à acheter les produits ou les services visés, remplit d’autres fonctions que celle d’une marque au sens classique n’est distinctive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, que si elle peut être perçue d’emblée comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services visés afin de permettre au public concerné de distinguer sans confusion possible les produits ou les services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale (voir arrêt du 5 février 2019, ARMONIE, T‑88/18, non publié, EU:T:2019:58, point 22 et jurisprudence citée).

58      Pour constater l’absence de caractère distinctif, il suffit que le contenu sémantique de la marque en cause indique au consommateur une caractéristique du produit ou du service relative à sa valeur marchande qui, sans être précise, procède d’une information à caractère promotionnel ou publicitaire que le public pertinent percevra de prime abord en tant que telle, plutôt que comme une indication de l’origine commerciale du produit ou du service en cause (voir arrêt du 5 février 2019, ARMONIE, T‑88/18, non publié, EU:T:2019:58, point 23 et jurisprudence citée).

59      De même, une marque composée de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant qu’indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque doit être considérée comme dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au‑delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés (voir arrêt du 5 février 2019, ARMONIE, T‑88/18, non publié, EU:T:2019:58, point 24 et jurisprudence citée).

60      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué tout d’abord que la marque demandée allait être perçue comme un « slogan motivant qui associ[ait] l’utilisateur aux actions d’innovation [de la titulaire de la marque] » (point 23 de la décision attaquée). La chambre de recours s’est ensuite interrogée sur le point de savoir si ce slogan publicitaire comportait des éléments qui pouvaient, au-delà de leur sens promotionnel manifeste, permettre au public pertinent de retenir facilement et immédiatement l’expression en question en tant que marque distinctive désignant les services concernés (point 25 de la décision attaquée).

61      Aucun élément en ce sens n’a été relevé par la chambre de recours, qui a considéré au contraire que, compte tenu des services dont la protection était demandée, le public pertinent n’allait pas considérer le signe demandé comme une marque, mais seulement comme une expression élogieuse simple et immédiatement compréhensible, dépourvue de tout élément distinctif au regard des services concernés. Les utilisateurs de ces services ne percevraient cette expression que comme un slogan publicitaire. Le message promotionnel renvoyé par la marque demandée pourrait ainsi appartenir à n’importe quelle entreprise proposant les services concernés sans constituer, ce faisant, un indicateur d’origine d’une entreprise en particulier (points 26 à 28 de la décision attaquée).

62      La requérante fait valoir que, en dépit de la jurisprudence évoquée au point 57 ci-dessus, selon laquelle il n’y a pas lieu d’appliquer aux signes demandés pouvant être considérés comme un slogan publicitaire des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de marques, la chambre de recours a estimé que la marque demandée était simple, qu’elle était dépourvue de caractère distinctif et qu’elle ne présentait rien d’inhabituel. Selon la requérante, la décomposition de la marque demandée, à laquelle a procédé la chambre de recours, a été effectuée avec la finalité évidente de détruire le minimum de caractère distinctif de ladite marque. La requérante conclut que la chambre de recours a violé l’obligation fondamentale de ne pas exiger des conditions intrinsèques plus strictes pour apprécier le caractère distinctif d’un signe consistant en un slogan ou une phrase laudative.

63      Par ailleurs, la requérante conteste la décision attaquée en ce que, concernant le caractère distinctif de la marque demandée, elle lui applique des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres types de signes. Elle reproche également à la chambre de recours d’exiger un caractère distinctif allant au-delà du caractère promotionnel ou laudatif inhérent à tout slogan.

64      L’EUIPO conteste cette argumentation.

65      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chambre de recours n’a pas appliqué des conditions plus strictes que celles découlant de la jurisprudence applicable, dont le contenu est rappelé aux points 55 à 59 ci-dessus.

66      De même, contrairement à ce que fait valoir la requérante, il ressort clairement du contenu de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas refusé d’examiner, dès le départ, toute possibilité que la marque demandée puisse être enregistrée.

67      Au contraire, il ressort des points 25 à 28 de la décision attaquée que la chambre de recours a examiné la question de savoir si le slogan « inventemos el futuro », dont la signification pour le public pertinent n’est pas contestée par la requérante (voir point 29 ci-dessus), pouvait être perçue autrement que comme un simple message promotionnel et présenter des éléments susceptibles de lui conférer un caractère distinctif lui permettant d’identifier l’origine des services concernés. À cet égard, elle a relevé à juste titre que, compte tenu des services dont la protection était demandée, le public pertinent ne considérerait pas que la marque demandée présentait des éléments caractéristiques et que « l’expression “inventemos el futuro” [était] dépourvue de tout élément distinctif ». Or, il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’une marque dont l’enregistrement est demandé ne présente aucun élément permettant au public pertinent de la percevoir comme une indication de l’origine commerciale des produits ou services en cause, la chambre de recours est en droit de rejeter son enregistrement [voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2013, Delphi Technologies/OHMI (INNOVATION FOR THE REAL WORLD), T‑515/11, non publié, EU:T:2013:300, point 53]. En l’espèce, la requérante ne peut donc pas reprocher à la chambre de recours d’avoir appliqué des critères plus stricts que ceux découlant de la jurisprudence applicable.

68      Compte tenu du fait que l’expression élogieuse « inventemos el futuro », simple et aisément compréhensible, est dépourvue de tout élément distinctif au regard des services concernés, la chambre de recours était en droit de conclure à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.

69      Dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier moyen ci-dessus, la demande d’enregistrement se heurte à l’un des motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il peut être précisé qu’une telle conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que la marque demandée serait composée de manière identique à une marque dont l’EUIPO aurait déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne et qui se réfèrerait à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement de la marque en cause est demandé [voir, en ce sens, ordonnances du 12 décembre 2013, Getty Images (US)/OHMI, C‑70/13 P, non publiée, EU:C:2013:875, point 45, et du 27 novembre 2018, CMS Hasche Sigle/EUIPO (WORLD LAW GROUP), T‑756/17, non publiée, EU:T:2018:846, point 47 et jurisprudence citée].

70      Il résulte de ce qui précède que le troisième grief doit être rejeté. Le quatrième grief étant la simple répétition du troisième, il n’est pas susceptible de remettre en cause ce qui précède.

71      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001

72      Dans l’hypothèse où le premier moyen serait rejeté, la requérante fait valoir que, en tout état de cause, la marque demandée a acquis un caractère distinctif par l’usage conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001.

73      En vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, les motifs absolus visés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) à d), du même règlement ne s’opposent pas à l’enregistrement d’une marque si celle-ci a acquis, pour les produits ou les services pour lesquels l’enregistrement est demandé, un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

74      À cet égard, en premier lieu, il y a lieu de relever qu’il ressort de la jurisprudence que l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage d’une marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Cette identification doit être effectuée grâce à l’usage de la marque en tant que marque et, donc, grâce à la nature et à l’effet de celui-ci, qui le rendent propre à distinguer les produits ou les services concernés de ceux d’autres entreprises [voir arrêt du 12 mai 2016, Zuffa/EUIPO (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP), T‑590/14, non publié, EU:T:2016:295, point 73 et jurisprudence citée].

75      Il convient de préciser que l’expression l’« usage de la marque en tant que marque » doit être comprise comme se référant seulement à un usage de la marque aux fins de l’identification par les milieux intéressés du produit ou du service comme provenant d’une entreprise déterminée [voir arrêt du 13 septembre 2012, Sogepi Consulting y Publicidad/OHMI (ESPETEC), T‑72/11, non publié, EU:T:2012:424, point 51 et jurisprudence citée]. Une telle identification, et donc l’acquisition d’un caractère distinctif, peut résulter aussi bien de l’usage, en tant que partie d’une marque enregistrée, d’un élément de celle-ci que de l’usage d’une marque distincte en combinaison avec une marque enregistrée. Dans les deux cas, il suffit que, en conséquence de cet usage, les milieux intéressés perçoivent effectivement le produit ou le service, désigné par la seule marque dont l’enregistrement est demandé, comme provenant d’une entreprise déterminée (voir arrêt du 13 septembre 2012, ESPETEC, T‑72/11, non publié, EU:T:2012:424, point 52 et jurisprudence citée).

76      En deuxième lieu, aux fins de l’appréciation de l’acquisition par une marque d’un caractère distinctif à la suite de l’usage qui en a été fait, peuvent être prises en considération, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles (voir arrêt du 12 mai 2016, ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP, T‑590/14, non publié, EU:T:2016:295, point 75 et jurisprudence citée).

77      En troisième lieu, le caractère distinctif d’un signe, y compris celui acquis par l’usage qui en a été fait, doit être apprécié par rapport, d’une part, aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et, d’autre part, à la perception présumée du public pertinent (voir arrêt du 12 mai 2016, ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP, T‑590/14, non publié, EU:T:2016:295, point 76 et jurisprudence citée).

78      En quatrième lieu, enfin, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande de marque (voir arrêt du 12 mai 2016, ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP, T‑590/14, non publié, EU:T:2016:295, point 77 et jurisprudence citée).

79      En l’espèce, il incombait à la requérante de prouver que la marque demandée avait acquis avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement, intervenue le 28 septembre 2017, un caractère distinctif par l’usage qui en avait été fait en Espagne (point 36 de la décision attaquée).

80      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que si l’ensemble des éléments communiqués par la requérante pouvaient attester de l’usage de la marque REPSOL ou de l’usage combiné de la marque REPSOL et de la marque demandée, ils ne démontraient pas que la marque demandée était perçue par une partie conséquente de la population espagnole comme indiquant l’origine commerciale à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de ladite marque (point 40 de la décision attaquée).

81      En particulier, la chambre de recours a indiqué qu’elle n’avait décelé dans les preuves produites aucune information, pas même une information purement représentative, relative à la perception du public professionnel. Elle a également relevé que la requérante n’avait pas fait de lien entre les preuves et les nombreux services pour lesquels une protection était demandée (points 41 à 43 de la décision attaquée). La chambre de recours a considéré que le simple fait que la marque demandée apparaisse dans les campagnes publicitaires de la requérante, dans ses rapports internes et dans des diapositives dans lesquelles – sans autres informations concernant la méthodologie et sans qu’un lien soit fait avec les services – la signification de la marque demandée est discutée, ne lui permettait pas de déduire sans aucun doute la manière dont le public pertinent percevait la marque demandée par rapport aux services concernés. Elle a noté que, bien que la requérante fasse valoir qu’elle utilisait la marque demandée depuis 2008, elle n’avait transmis aucune information sur l’usage de la marque demandée pour identifier des services spécifiques qu’elle proposait, la part de marché des services désignés par la marque demandée, ni l’intensité de l’usage de la marque par le biais du volume des ventes. La chambre de recours a conclu que, pris dans leur ensemble, les éléments de preuve ne suffisaient pas à prouver que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage à la date du dépôt de la demande (points 44 à 47 de la décision attaquée).

82      La requérante fait valoir que cette conclusion de la chambre de recours est illogique. Elle estime que, comme le montrent les preuves nos 1 à 10, dès lors qu’il a été fait habituellement usage de la marque demandée conjointement avec la marque renommée REPSOL, le consommateur lui attribuera une origine commerciale déterminée. Elle ajoute que les pages 18 à 27 de son mémoire du 29 août 2018 contiennent plusieurs éléments de preuve concernant l’usage conjoint de la marque demandée et de la marque renommée REPSOL, ainsi que l’usage isolé de la marque demandée, dans tous les cas, néanmoins, sous le couvert de la marque REPSOL. Elle soutient avoir réalisé deux types d’usage afin que le consommateur conserve progressivement en mémoire le fait qu’elle est la titulaire de la marque demandée.

83      L’EUIPO conteste cette argumentation.

84      Contrairement à ce que soutient la requérante et conformément à la jurisprudence exposée aux points 74 à 78 ci-dessus, il convient de préciser d’emblée qu’il ne lui suffit pas de démontrer que la marque demandée a été habituellement utilisée conjointement avec une autre marque – quand bien même cette dernière serait renommée – pour prouver l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2014, Pågen Trademark/OHMI (gifflar), T‑520/12, non publié, EU:T:2014:620, point 43 et jurisprudence citée]. Il lui faut, en revanche, démontrer qu’une fraction significative du public pertinent identifiait grâce à la marque demandée les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, à la date du dépôt de la demande d’enregistrement.

85      En particulier, le Tribunal a jugé à plusieurs reprises que les matériaux publicitaires sur lesquels un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque était toujours accompagné par d’autres marques qui étaient en revanche dotées d’un tel caractère ne constituaient pas la preuve que le public percevait le signe demandé comme une marque, indiquant l’origine commerciale des produits [arrêt du 6 juillet 2011, Audi et Volkswagen/OHMI (TDI), T‑318/09, EU:T:2011:330, point 73].

86      Dans ce contexte, il convient d’examiner si la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1007, compte tenu des preuves produites par la requérante devant elle et devant l’examinatrice.

87      Ainsi, l’annexe no 1 est composée de publications sur les sites Internet danwefly.com, elblogdelmarketing.com, anuncios.com, expoknews.com, abc.es, repcorp.com et ddsign.com concernant la campagne institutionnelle de la requérante lancée en 2008 à la télévision, à la radio et sur Internet, mettant en avant des valeurs écologiques et de respect de l’environnement. Les publications datent de mai 2008. Cette preuve se compose également d’une coupure de presse, datée du 17 mai 2017, sur laquelle se trouve un encart publicitaire. En haut de l’encart est mentionnée l’expression « proyecto : microalgas » (projet : micro-algues). La marque demandée peut également y être distinguée dans une typographie semblable à une écriture manuscrite, de même qu’un signe figuratif orange, bleu et rouge accompagné du signe REPSOL. Ainsi que le constate la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée, la pertinence et la diffusion des pages Internet en cause ne sont pas précisées et plusieurs d’entre elles présentent la marque demandée comme un slogan autour duquel est centrée la campagne institutionnelle de la requérante.

88      L’annexe no 2 consiste en cinq images non datées consacrées aux projets « Asphaltes verts », « Kaléidoscope », « Micro-algues », « Nouvelles énergies » et « Autogaz ». Comme le relève la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée, chacune des images comporte un bref récit, la marque demandée dans une typographie semblable à une écriture manuscrite ainsi qu’un signe figuratif – soit orange, bleu, rouge ; soit orange, blanc, rouge – accompagné du signe REPSOL.

89      À cet égard, la requérante fait valoir, compte tenu de cette preuve, qu’elle a démontré qu’elle utilisait la marque demandée depuis 2008 afin de distinguer des produits et des services liés à l’énergie et, notamment, à ses projets les plus innovants en vue d’améliorer l’efficience énergétique en protégeant l’environnement, tel que le projet « Micro‑algues ».

90      Toutefois, il y a lieu de constater que, comme le souligne l’EUIPO à juste titre au point 58 du mémoire en réponse, sur les cinq images de l’annexe no 2, l’expression « inventemos el futuro » figure dans une taille et une couleur identiques à celles du récit explicatif, ce qui ne contribue pas à faire ressortir sa présence dans l’image, contrairement au signe REPSOL, dont l’élément figuratif, la couleur et la taille permettent de le mettre clairement en avant. Une telle présentation de la marque demandée ne permet pas de conclure que l’expression « inventemos el futuro » sera perçue comme le signe permettant d’identifier l’entreprise d’origine de ce projet, c’est-à-dire comme sa marque, mais uniquement comme un slogan publicitaire.

91      Il ne peut être raisonnablement déduit de cette preuve, que ce soit en soi ou à l’aune des autres éléments de preuve produits, que les milieux intéressés perçoivent effectivement les services concernés, désignés par la seule marque demandée, comme provenant d’une entreprise déterminée.

92      L’annexe no 3 est constituée d’images qui, selon la requérante, sont des publications de presse, des bannières Internet, des affiches publicitaires, des images extraites de vidéos, des brochures, des invitations, etc., datant des années 2013 à 2017. Force est de constater, à l’instar de la chambre de recours, que chaque mention de la marque demandée est accompagnée du signe REPSOL.

93      L’annexe no 4 est composée d’une coupure de presse tirée du périodique La Razón, datée du 17 février 2018, qui contient un encart publicitaire ainsi que deux maquettes d’affiches publicitaires. Sur ces trois éléments figurent la marque demandée sous un signe figuratif – orange, blanc et rouge – et la marque REPSOL.

94      Les annexes nos 5 à 7 sont des dossiers sur les campagnes institutionnelles de la requérante de 2010 (annexes nos 5 et 6) et 2013 (annexe no 7). Comme l’observe la chambre de recours au point 37 de la décision attaquée, ces dossiers contiennent des données qui démontrent un investissement considérable dans la publicité, la diffusion de différents supports de communication (télévision, radio, presse, Internet), dont beaucoup au niveau national, touchant un pourcentage élevé du grand public espagnol, et d’autres éléments relatifs à la campagne. Chaque fois que la marque demandée apparaît, elle est accompagnée du signe REPSOL.

95      À cet égard, la requérante fait valoir que les preuves produites démontrent un usage conjoint de la marque demandée avec la marque REPSOL. Elle invoque notamment l’annexe no 7 (page 12). Cette preuve attesterait de l’abondant usage et de la grande acceptation de la marque demandée en 2013. Il en serait de même pour l’annexe no 6, relative à la campagne institutionnelle de l’année 2010, dont les pages 35 et 36 feraient référence à la publication dans la presse et à l’édition dominicale dans lesquelles la marque demandée serait, avec la marque renommée REPSOL, clairement représentée.

96      Cependant, force est de constater que ces données ne permettent pas de raisonnablement conclure, même à l’aune des autres éléments de preuve, que la marque demandée était perçue par les milieux intéressés, en tant que telle et indépendamment de la marque REPSOL dont elle est accompagnée dans les campagnes publicitaires en question, en conséquence de cet usage, comme un signe distinctif de l’origine des services concernés. Comme l’observe l’EUIPO à juste titre, ces preuves offrent uniquement des données objectives sur l’activité publicitaire en question et ses résultats, mais ne permettent pas d’établir qu’une activité promotionnelle a été menée à destination du public professionnel ni quels services parmi les services concernés étaient couverts par cette activité promotionnelle.

97      L’annexe no 8 est un dossier sur la clôture de la « campagne manifeste » de 2014. L’approche de la campagne est décrite comme portant sur l’« activité continue préalable à l’assemblée générale des actionnaires à l’aide du support télévisuel » (actividad continuada previa a la Junta General de Accionistas utilizando el medio TV). Il y a lieu de relever, à l’instar de la chambre de recours, que le contenu de ce document ne permet pas d’en déduire si, dans les spots télévisés auxquels se réfère le dossier, la marque demandée apparaît. Lors de l’audience, la requérante a admis que la marque demandée n’y figurait pas.

98      L’annexe no 9 est un dossier intitulé « Diagnostic de la campagne institutionnelle 2010 » contenant six diapositives, datées du 23 août 2018 et dont certaines comportent le signe REPSOL. La marque demandée est notamment présentée comme une promesse publicitaire (« claim »). Les diapositives décrivent le message et les valeurs transmis par la marque demandée du point de vue de plusieurs groupes de discussion. Comme le relève la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, force est de constater que les objectifs, la méthodologie, le nombre de participants aux groupes de discussion, la période durant laquelle la discussion a été menée et la question de savoir si la marque demandée a été mise en relation avec les services concernés sont autant d’éléments inconnus. La requête est silencieuse à ce sujet.

99      La requérante estime cependant que l’annexe no 9 aurait dû être appréciée avec l’ensemble des éléments qu’elle a produits. Elle soutient qu’il s’agit d’une étude qu’elle a réalisée en 2015 sur l’impact de la marque demandée sur le marché. Cette preuve démontrerait que le consommateur lui attribue la marque demandée.

100    À cet égard, la lecture de la décision attaquée permet de constater que la chambre de recours a apprécié globalement l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante et, en particulier, a examiné l’annexe no 9 aux points 38 et 41 de la décision attaquée. Ainsi qu’il ressort du point 98 ci-dessus, la marque demandée est notamment présentée comme une promesse publicitaire. Il convient d’observer, à l’instar de l’EUIPO, que le contenu des diapositives expose des conclusions sur l’interprétation de la promesse publicitaire « inventemos el futuro » par les participants, mais ne permet pas de conclure que les participants la perçoivent comme une marque. Il est important de rappeler que ni l’annexe no 9, ni aucun autre élément produit par la requérante, n’indique le nombre de personnes composant chaque groupe de discussion ou l’activité professionnelle des participants. L’annexe no 9 ne permet donc de tirer aucune conclusion quant à l’impact que l’usage de cette expression a pu entraîner sur le public pertinent dans son ensemble ou sur le grand public et sur le public professionnel, pris séparément.

101    L’annexe no 10 est un extrait du rapport de gestion consolidé 2008 de Repsol YPF. Pour ce qui concerne la marque demandée, il y est fait référence comme à une devise, une campagne de communication et un slogan. En particulier, le rapport indique qu’une journée portes ouvertes a été organisée au siège social de la requérante, sous la devise « inventemos el futuro ». Selon le rapport, 150 personnes représentant une soixantaine d’entreprises issues de divers secteurs auraient participé, ce qui aurait permis de faire connaître certaines des initiatives pertinentes que le groupe, dont fait partie la requérante, met en œuvre pour atteindre l’excellence. Ce texte contient des informations trop générales pour être de nature à démontrer que le public pertinent – qui pour la grande majorité des services concernés est un public professionnel – est susceptible d’identifier la marque demandée comme un indicateur de l’origine commerciale des services en cause. Par ailleurs, ainsi que l’a constaté la chambre de recours au point 38 de la décision attaquée, le rapport fait référence à REPSOL comme à une marque et précise que la politique des marques de la requérante vise à bâtir et stimuler la marque REPSOL (notamment en Espagne).

102    L’annexe no 11 est constituée de trois affiches qui concernent des stations-service, des activités sportives de parrainage et une application informatique. Sur ces affiches, la marque demandée apparaît sous le signe REPSOL. Il convient d’observer, à l’instar de la chambre de recours, que la diffusion de ces affiches n’est pas précisée.

103    Eu égard à ce qui précède, il ne ressort d’aucun des éléments produits par la requérante que, comme elle l’affirme, la marque demandée aurait fait l’objet de deux types d’usages qui auraient permis au consommateur de conserver progressivement en mémoire le fait qu’elle était la titulaire de la marque demandée. En effet, d’une part, il ressort de l’ensemble des éléments de preuve produits par la requérante, qu’il s’agisse des annexes nos 1 à 10 ou des éléments contenus aux pages 18 à 27 du mémoire du 29 août 2018, que la marque demandée est utilisée en combinaison avec le signe REPSOL – ce qui a été admis par la requérante lors de l’audience. Or, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les matériaux publicitaires sur lesquels un signe dépourvu de caractère distinctif intrinsèque – comme la marque demandée – est toujours accompagné par d’autres marques qui sont en revanche dotées d’un tel caractère ne suffisent pas, à eux seuls, à démontrer que le public perçoit le signe demandé comme une marque, indiquant l’origine commerciale des produits ou services en cause (voir points 84 et 85 ci-dessus).

104    D’autre part, ces éléments de preuve ne permettent de tirer aucune conclusion quant à l’impact que l’usage de la marque demandée a pu entraîner sur le public pertinent dans son ensemble, en particulier sur le public professionnel, ni de savoir par rapport à quels services cet usage aurait eu lieu. Compte tenu de ces considérations, il ne peut être raisonnablement affirmé, sur le seul fondement des éléments produits par la requérante, que les milieux intéressés percevaient effectivement les services concernés, désignés par la seule marque demandée, comme provenant d’une entreprise déterminée.

105    Par ailleurs, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas pris en compte l’usage de la marque demandée depuis 2008, lequel constituerait pourtant l’un des facteurs à prendre en considération afin d’apprécier le caractère distinctif acquis par l’usage.

106    L’EUIPO conteste cette argumentation.

107    Certes, comme le soutient la requérante, la durée de l’usage est un facteur pertinent, toutefois, la chambre de recours doit apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque demandée est devenue apte à identifier les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2012, ESPETEC, T‑72/11, non publié, EU:T:2012:424, point 54 et jurisprudence citée). En l’espèce, la chambre de recours a relevé à juste titre qu’il n’y avait, dans les preuves soumises par la requérante, aucune information relative à la perception du public pertinent et en particulier du public professionnel, qui est le public visé par la grande majorité des services concernés, ainsi qu’au lien que celui-ci ferait entre la marque demandée et les services concernés (points 40 à 48 de la décision attaquée). Par conséquent, quand bien même il ressortirait des preuves produites par la requérante que la marque demandée existe depuis 2008, cet état de fait serait insuffisant, que ce soit en soi ou examiné à l’aune des autres éléments de preuve produits, pour raisonnablement conclure que les milieux intéressés percevaient effectivement ces services, désignés par la seule marque demandée, comme provenant d’une entreprise déterminée.

108    La requérante précise qu’elle est la titulaire de la marque de l’Union européenne verbale INVENTEMOS EL FUTURO, enregistrée en 2008, sous le numéro 6904254, pour les classes 4, 35 et 37, et dont elle fait usage depuis dix ans. Sur ce point, la chambre de recours se serait limitée à affirmer que l’EUIPO n’est pas lié par ses décisions antérieures et n’aurait pas analysé les arguments de la requérante. En rejetant la demande de marque, l’EUIPO aurait manifestement violé les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et des « actes propres ». La décision attaquée n’expliquerait pas les raisons pour lesquelles la marque INVENTEMOS EL FUTURO, précédemment enregistrée pour les classes 4, 35 et 37, ne pourrait pas être enregistrée à présent pour les classes 40 et 42, ce qui violerait les droits de la défense de la requérante.

109    L’EUIPO conteste cette argumentation.

110    En l’espèce, la chambre de recours a relevé, au point 29 de la décision attaquée, que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours étaient amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne relevaient de l’exercice d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours devrait être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles‑ci (voir arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47 et jurisprudence citée).

111    La chambre de recours a indiqué, aux points 30 et 31 de la décision attaquée, que, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union, l’EUIPO devait prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y avait lieu ou non de décider dans le même sens. Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration devraient être conciliés avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui ou d’elle-même afin d’obtenir une décision identique. L’examen de toute demande d’enregistrement devrait être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen devrait avoir lieu dans chaque cas concret (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 74 à 77).

112    La chambre de recours a conclu, au regard de son examen de la marque demandée et compte tenu des circonstances, des allégations et des documents de l’espèce, que la marque no 6904254 invoquée par la requérante ne modifiait pas ses conclusions eu égard à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée. Elle a ajouté que l’enregistrement de la marque antérieure en question avait été demandé il y a dix ans et que, depuis, les examinateurs avaient modifié leur pratique, augmentant leur niveau d’exigence (points 32 et 33 de la décision attaquée).

113    Force est de constater qu’il ressort des points 11 à 47 de la décision attaquée, telles qu’ils sont résumés aux points 7 à 12 ci-dessus, que la chambre de recours a exposé les motifs essentiels pour lesquels la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif et la requérante n’était pas parvenue à démontrer que la marque demandée avait acquis un caractère distinctif par l’usage pour les services concernés relevant des classes 40 et 42. Il résulte également des points 110 à 112 ci-dessus que la chambre de recours a expressément indiqué les raisons pour lesquels la marque no 6904254 ne modifiait pas ses conclusions. Il convient de préciser à cet égard que les considérations exposées aux points 29 à 31 de la décision attaquée sont valables même si le signe, dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est demandé, est composé de manière identique à une marque dont l’EUIPO a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé [ordonnance du 12 décembre 2013, Getty Images (US)/OHMI, C‑70/13 P, non publiée, EU:C:2013:875, point 45 ; voir, également, ordonnance du 27 novembre 2018, WORLD LAW GROUP, T‑756/17, non publiée, EU:T:2018:846, point 47 et jurisprudence citée]. Dès lors, la requérante ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que la décision attaquée n’indiquait pas les raisons pour lesquelles la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée pour les services concernés en violation de ses droits de la défense.

114    La chambre de recours a dûment analysé les arguments de la requérante relatifs à la marque no 6904254. En l’occurrence, il s’est avéré que, ainsi qu’il ressort de l’analyse du premier moyen ci-dessus, la demande d’enregistrement se heurtait à l’un des motifs de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001. Dans ces conditions, eu égard à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée, la requérante ne peut utilement invoquer, à l’appui de prétendues violations des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique, des décisions antérieures de l’EUIPO [voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Volkswagen/OHMI (COMPETITION), T‑550/14, EU:T:2015:640, points 41 à 47 et jurisprudence citée]. La chambre de recours était donc fondée à se prévaloir de la jurisprudence citée aux points 29 à 31 de la décision attaquée.

115    En outre, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que l’usage sérieux de la marque no 6904254 n’a pas été établi. Le fait que la requérante ait enregistré, en 2008, cette marque pour les classes 4, 35 et 37 n’est pas suffisant, que ce soit en soi ou examiné à l’aune des autres éléments de preuve produits, pour raisonnablement conclure que la marque demandée est devenue apte à identifier les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée après l’usage qui en a été fait.

116    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’avance aucun argument susceptible d’établir que le raisonnement et la conclusion développés par la chambre de recours aux points 40 à 48 de la décision attaquée sont erronés. 

117    Le second moyen doit donc être rejeté.

118    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Repsol, SA, est condamnée aux dépens.

Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 février 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.