Language of document : ECLI:EU:T:2019:421

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

18 juin 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale Kordes’ Rose Monique – Motif absolu de refus – Marque consistant en une dénomination de variété végétale – Éléments essentiels – Article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑569/18,

W. Kordes’ Söhne Rosenschulen GmbH & Co. KG, établie à Klein Offenseth-Sparrieshoop (Allemagne), représentée par Me G. Würtenberger, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 25 avril 2017 (affaire R 1929/2017-1), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal Kordes’ Rose Monique comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 septembre 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 décembre 2018,

vu l’absence de demande motivée de fixation d’une audience présentée par les parties conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal et ayant décidé, en application de son article 106, paragraphe 3, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 26 septembre 2016, la requérante, W. Kordes’ Söhne Rosenschulen GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Kordes’ Rose Monique.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Roses et rosiers ainsi que produits favorisant la multiplication des roses ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 2016/187, du 3 octobre 2016.

5        Le 2 janvier 2017, l’EUIPO a obtenu des observations de tiers lui signalant que la marque demandée se heurterait au motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement 2017/1001]. Des documents étaient joints à ces observations, dont il ressortirait qu’une obtention végétale sous la dénomination Monique avait été enregistrée, le 15 mai 2001, au registre néerlandais de la protection des obtentions végétales sous le numéro ROO2671 et que celle-ci bénéficiait aux Pays-Bas de la protection des droits d’obtention végétale, en tant que variété végétale pour des roses, jusqu’au 7 juillet 2005.

6        Le 2 février 2017, l’EUIPO a émis des objections à la demande d’enregistrement. Il a considéré que la marque demandée ne pourrait pas être enregistrée, au motif qu’elle serait composée notamment de l’élément « monique », correspondant à la dénomination variétale protégée Monique. Le 19 avril 2017, la requérante a déposé des observations dans lesquelles elle a maintenu sa demande d’enregistrement.

7        Par décision du 5 juillet 2017, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009. L’examinateur a, notamment, considéré que l’élément « monique » serait un élément essentiel de la marque demandée. La marque Kordes’ Rose Monique exprimerait l’idée que Monique serait le nom de la rose, ce qui correspondrait à la dénomination variétale Monique, mentionnée au point 5 ci-dessus. L’examinateur a, en outre, considéré que ladite disposition s’appliquerait également pour les dénominations variétales dont la protection a expiré.

8        Le 5 septembre 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de l’examinateur du 5 juillet 2017. Dans ce recours, la requérante a soutenu, en substance, que cette décision reposait sur une interprétation erronée de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009. En particulier, la requérante a reproché à l’examinateur d’avoir considéré que l’élément essentiel de la marque demandée serait l’élément « monique », alors que cet élément essentiel serait plutôt l’élément « kordes ». En outre, la requérante a invoqué un défaut de motivation suffisante, au sens de l’article 75 du règlement no 207/2009 [devenu article 94, du règlement 2017/1001]. Par ailleurs, la requérante a soutenu que l’examinateur avait omis de procéder à un examen d’office des faits, en violation de l’article 76 du règlement no 207/2009 [devenu article 95, du règlement 2017/1001].

9        Par décision du 12 juillet 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Cette dernière a estimé, au point 8 de cette décision, que le recours n’était pas fondé, étant donné que le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009 s’opposait à la marque demandée.

10      En particulier, la chambre de recours a considéré, aux points 11 et 12 de la décision attaquée, que la marque demandée remplissait les deux conditions pour être refusée, conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009. Premièrement, l’élément « monique » de la marque demandée correspondrait à la dénomination variétale antérieure Monique, à laquelle une protection a été accordée le 15 mai 2001 aux Pays-Bas, sous le numéro ROO2671, pour une variété de rose. Cette dénomination variétale Monique serait reproduite de manière identique dans la marque demandée et en constituerait un élément essentiel au sens de cette disposition. Deuxièmement, ladite dénomination variétale Monique serait protégée pour une variété de rose, ce qui correspondrait aux produits en cause, à savoir les « roses et rosiers ainsi que produits favorisant la multiplication des roses », pour lesquels la protection de marque serait demandée en l’espèce.

11      Par ailleurs, aux points 14 et suivants de la décision attaquée, la chambre de recours a écarté les arguments de la requérante selon lesquels l’élément « monique » ne serait pas essentiel dans la marque demandée. À cet égard, la chambre de recours a précisé que la requérante confondait le terme « éléments essentiels » d’une marque avec le terme de « composant dominant » d’une marque. Le libellé de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009 ne prévoirait pas que la dénomination variétale contenue dans la marque demandée devrait être l’unique élément essentiel ou l’« élément dominant » de la marque pour que la marque soit rejetée sur le fondement de cette disposition.

12      De même, la chambre de recours a souligné, au point 15 de la décision attaquée, que les trois éléments verbaux de la marque demandée avaient la même importance, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique. Sur le plan conceptuel, la marque demandée désignerait une rose portant le nom Monique, commercialisée par Kordes. Cela résulterait de l’apostrophe du génitif et du terme générique « rose ». Dans leur ensemble, les éléments composant la marque demandée formeraient une expression logique. La chambre de recours en a conclu que l’élément « monique » dans la marque demandée devait être perçu comme essentiel sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

13      De plus, la chambre de recours a relevé, au point 16 de la décision attaquée, que le public percevrait l’élément « monique » de la marque demandée comme essentiel. D’une part, les consommateurs spécialisés reconnaîtraient une dénomination variétale dans cet élément. D’autre part, les consommateurs moyens y verraient un nom désignant la rose de Kordes, sans probablement réaliser qu’il s’agirait d’une dénomination variétale protégée, mais présumant qu’il s’agirait d’un élément distinctif de la marque, appartenant exclusivement à la requérante.

14      La chambre de recours a enfin tiré, au point 17 de la décision attaquée, la conclusion selon laquelle l’élément « monique » de la marque demandée devait être considéré comme essentiel au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, de sorte que la marque demandée devait être refusée sur le fondement de cette disposition.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours ;

–        condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

 En droit

17      Au soutien du recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’obligation d’examen d’office des faits prévue à l’article 95 du règlement 2017/1001.

18      Le premier moyen comporte, en substance, deux branches. Par la première branche du premier moyen, la requérante reproche essentiellement à la chambre de recours d’avoir considéré, dans la décision attaquée, que l’élément « monique » de la marque demandée constituait une dénomination variétale « enregistrée », au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, alors qu’elle aurait dû tenir compte du fait que le droit de protection accordé antérieurement aux Pays-Bas à la variété de rose portant la dénomination variétale Monique avait pris fin depuis plus de dix ans à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque en cause, de sorte que la condition à laquelle cette disposition subordonne la protection d’une variété végétale antérieure « enregistrée » n’était plus remplie. Par la seconde branche du premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, en méconnaissance de la jurisprudence de l’Union européenne relative aux marques complexes, erronément considéré que l’élément « monique » de la marque demandée constituait un « élément essentiel » de cette marque, au sens de ladite disposition.

19      Le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, la seconde branche du premier moyen.

20      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, en décidant que l’élément « monique » de la marque demandée constituait un « élément essentiel » de cette marque, au sens de cette disposition. La requérante estime, au contraire, que le terme « monique » ne saurait être considéré comme étant un « élément essentiel » de la marque demandée.

21      En particulier, la requérante fait valoir que, à supposer que le terme « monique » soit toujours considéré comme une dénomination variétale enregistrée au sens de ladite disposition, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, il conviendrait de tenir compte du fait que la combinaison verbale « kordes’ rose monique » est caractérisée par l’indication d’origine Kordes. Par conséquent, ce serait l’élément « kordes » qui constituerait l’élément essentiel de cette combinaison verbale. La dénomination Monique correspondrait ainsi au nom d’une variété de rose. Ce nom de la variété constituerait cependant une dénomination générique au sens juridique du terme et non, faute de caractère distinctif, un élément dominant d’une combinaison verbale.

22      Selon la requérante, cette conclusion ne serait nullement affectée par l’éventualité, évoquée au point 16 de la décision attaquée, que le public spécialisé reconnaisse une dénomination variétale dans l’élément « monique ». L’absence de protection de l’obtention végétale et l’absence de signification de la dénomination aux yeux du public suffiraient à écarter une telle éventualité. Ce serait donc dans le terme « kordes’ » que le public pertinent verrait une indication de l’origine et non dans le terme « monique », puisqu’il saurait que la variété Monique pourrait ne pas provenir uniquement de Kordes’, mais également d’un autre obtenteur de roses, dès lors que, en raison de ses connaissances techniques, il ferait la différence entre l’indication de l’origine et la dénomination variétale. La perception du consommateur moyen ne jouerait, quant à elle, aucun rôle en ce qui concerne l’existence d’un motif de refus au sens de la disposition susmentionnée, puisque cette dernière ne viserait qu’à protéger les intérêts du public spécialisé en garantissant une utilisation sans entraves d’une dénomination variétale enregistrée.

23      L’EUIPO confirme le bien-fondé des arguments de la requérante et conclut à ce que la seconde branche du premier moyen soit accueillie.

24      À titre liminaire, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle rien ne s’oppose à ce que l’EUIPO se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal. En revanche, il ne peut pas formuler des conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête [voir arrêt du 9 décembre 2014, Capella/OHMI – Oribay Mirror Buttons (ORIBAY), T‑307/13, EU:T:2014:1038, point 17 et jurisprudence citée].

25      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui consistent en une dénomination de variété végétale antérieure enregistrée conformément à la législation de l’Union ou au droit national ou aux accords internationaux auxquels l’Union ou l’État membre concerné est partie, qui prévoient la protection des droits d’obtention végétale, ou la reproduisent dans leurs éléments essentiels, et qui portent sur des variétés végétales de la même espèce ou d’une espèce étroitement liée.

26      En interdisant l’enregistrement, en tant que marque de l’Union européenne, des marques qui consistent en une telle dénomination variétale ou qui la reproduisent dans leurs éléments essentiels, l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les dénominations variétales puissent être librement utilisées par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que les dénominations variétales soient réservées à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque, alors que d’autres entreprises pourraient vouloir décrire leurs propres produits en employant précisément les termes enregistrés comme marque.

27      L’objectif poursuivi par ladite disposition, lequel vise à sauvegarder la libre disposition des dénominations variétales et à interdire ainsi leur monopolisation, ressort également de l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, adoptée à Paris le 2 décembre 1961, à laquelle l’Union européenne est partie depuis le 29 juillet 2005 (ci-après la « convention UPOV »). En effet, cette dernière disposition prévoit que « [c]haque partie contractante s’assure que […] aucun droit relatif à la désignation enregistrée comme la dénomination de la variété n’entrave la libre utilisation de la dénomination en relation avec la variété, même après l’expiration du droit d’obtenteur. »

28      Conformément à l’article 20, paragraphe 1, sous a), de la convention UPOV, la variété végétale sera désignée par une dénomination destinée à être sa désignation générique. Le nom attribué par l’obtenteur à la variété végétale qu’il a créée devient ainsi légalement la dénomination générique de cette variété, c’est-à-dire sa désignation générique. Eu égard à l’article 20, paragraphe 1, sous b), de la convention UPOV, cette dénomination générique ne peut être monopolisée et doit pouvoir être utilisée par tous sur le marché pour désigner la variété concernée, même après l’expiration du droit d’obtenteur relatif à cette variété. Il s’ensuit que, indépendamment du maintien d’un droit d’obtention, une dénomination variétale devient le nom générique de la variété végétale et, comme telle, cette dénomination doit être à la libre disposition d’autres entreprises pour décrire leurs produits.

29      En ce qui concerne la question de savoir si la chambre de recours a commis une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, en refusant l’enregistrement de la marque demandée, au motif que la dénomination variétale Monique constituait un « élément essentiel » de cette marque, il convient de relever que les termes « éléments essentiels », visés par cette disposition, ne sont définis ni dans ce règlement ni dans aucune autre disposition du droit de l’Union. Il importe, dès lors, d’interpréter ladite disposition à la lumière de son objectif, lequel vise la sauvegarde de la libre disposition des dénominations variétales, ainsi que cela a été exposé aux points 26 et 27 ci-dessus.

30      Il s’ensuit que, dans le cadre de l’examen, à l’aune de la disposition susmentionnée, d’une marque se composant, comme en l’espèce, de plusieurs éléments verbaux dont l’un d’eux reproduit une dénomination variétale, il y a lieu de tenir compte de l’exigence de disponibilité des dénominations variétales. Partant, il importe de déterminer si l’enregistrement de la marque demandée entrave la libre utilisation de la dénomination variétale contenue dans cette marque.

31      Pour ce faire, il convient d’établir si la dénomination variétale en cause occupe une position essentielle dans la marque complexe demandée, de telle sorte que la fonction essentielle d’origine de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale des produits ou des services en cause, repose sur cette dénomination variétale et non sur les autres éléments qui composent la marque complexe demandée. Si tel est le cas, l’enregistrement de cette dernière viendrait entraver la libre utilisation de ladite dénomination variétale. En effet, la protection se rattachant à cette marque complexe ne permettrait plus à d’autres entreprises d’utiliser également la dénomination variétale et de l’enregistrer comme un élément de leurs propres marques. En revanche, s’il ressort de la marque complexe demandée que sa fonction essentielle d’origine ne se fonde pas sur la dénomination variétale, mais sur les autres éléments de la marque, l’exigence de disponibilité des dénominations variétales est préservée, de sorte qu’elle ne s’oppose pas à l’enregistrement de cette marque.

32      Afin de déterminer si la fonction essentielle d’origine de la marque demandée, et, partant, son aptitude à l’enregistrement, au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009, repose sur la dénomination variétale ou sur les autres éléments qui composent cette marque, il convient de recourir à des critères tels que, notamment, le caractère distinctif des autres éléments, le message véhiculé par la marque demandée dans son ensemble, la domination visuelle des différents éléments par leur taille et leur position, ou encore le nombre d’éléments composant ladite marque. Conformément à ces critères, la dénomination variétale en cause ne saurait constituer un « élément essentiel » de la marque demandée, au sens de ladite disposition, si la fonction essentielle d’origine de cette marque se fonde sur les autres éléments qui la composent, de sorte que cette dénomination variétale se réduit, dans la marque demandée, à une indication purement générique contenue dans cette marque uniquement dans un but d’information. Dans un tel cas, la ladite dénomination demeure libre d’utilisation.

33      En l’espèce, eu égard auxdits critères énoncés au point 32 ci-dessus, il convient de constater, premièrement, que l’unique élément distinctif de la marque demandée est l’élément verbal « kordes ». En effet, cet élément « kordes », lequel représente le nom de l’entreprise d’où proviennent les produits en cause, permet d’identifier l’origine commerciale des produits et de garantir ainsi, à lui seul, la fonction essentielle d’origine de la marque. De plus, la marque du génitif accolée audit élément exprime précisément l’idée que la rose ayant la dénomination variétale Monique est une variété commercialisée par différentes entreprises, mais que, en l’espèce, cette rose provient de l’entreprise Kordes. L’élément verbal « rose », adjoint à l’élément « kordes », est un simple élément supplémentaire, relatif à une variété, descriptif des produits en cause. La dénomination variétale Monique constitue, quant à elle, une désignation générique, au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous a), de la convention UPOV, qui peut être librement utilisée par d’autres entreprises.

34      En outre, il convient de constater, deuxièmement, que le « message » véhiculé par la marque demandée dans son ensemble met l’accent sur l’élément « kordes ». En effet, cette marque exprime l’idée que les produits en cause proviennent précisément de l’entreprise Kordes.

35      Par ailleurs, il convient de constater, troisièmement, que l’élément « kordes » ne passe pas visuellement au second plan derrière les termes « rose monique ». Au contraire, l’élément « kordes » se situe en première position dans la marque demandée et il se perçoit en premier à la lecture. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’une marque contenant des éléments verbaux, comme en l’espèce, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [voir arrêt du 23 octobre 2017, Tetra Pharm (1997)/EUIPO – Sebapharma (SeboCalm), T‑441/16, non publié, EU:T:2017:747, point 49 et jurisprudence citée]. Dès lors, l’élément « kordes » est susceptible de retenir davantage l’attention du public pertinent et constitue donc l’élément dominant de la marque demandée.

36      Il s’ensuit que, eu égard aux critères énoncés au point 32 ci-dessus, il y a lieu de constater que le seul élément distinctif et dominant de la marque demandée est l’élément « kordes », sur lequel se fonde exclusivement la fonction essentielle d’origine de cette marque. La dénomination variétale Monique contenue dans ladite marque, quant à elle, ne saurait aucunement constituer un « élément essentiel » de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009. En effet, cette dénomination reste libre d’être utilisée, en tant que dénomination variétale, par d’autres entreprises, éventuellement placée à côté de leur nom, dans le cadre d’une demande de marque. Dès lors, l’exigence de disponibilité de la dénomination variétale Monique, contenue dans la marque demandée, est préservée, de sorte qu’elle ne s’oppose pas à l’enregistrement de cette marque.

37      En conséquence, il y a lieu de considérer que, en refusant l’enregistrement de la marque demandée, au motif que la dénomination variétale Monique constituait un « élément essentiel » de cette marque, la chambre de recours a commis une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous m), du règlement no 207/2009. Partant, la seconde branche du premier moyen doit être accueillie.

38      Dans ces conditions, la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la première branche du premier moyen ni le second moyen du recours.

 Sur les dépens

39      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

40      L’EUIPO ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est annulée, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante au cours de la procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions de celle-ci, et ce nonobstant le chef de conclusions de l’EUIPO tendant à ce que le recours soit accueilli.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 avril 2017 (affaire R 1929/2017-1) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par W. Kordes’ Söhne Rosenschulen GmbH & Co. KG au cours de la procédure devant le Tribunal.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.