Language of document : ECLI:EU:T:2021:17

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

20 janvier 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative MANUFACTURE PRIM 1949 – Absence de droit antérieur acquis en vertu du droit national – Article 52, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) no 40/94 [devenu article 60, paragraphe 2, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑656/18,

Hana Jareš Procházková, demeurant à Prague (République tchèque),

Antonín Jareš, demeurant à Prague,

représentés par Me M. Kyjovský, avocat,

parties requérantes,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Elton Hodinářská a.s., établie à Nové Město nad Metují (République tchèque), représentée par Me T. Matoušek, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 7 septembre 2018 (affaire R 1159/2017-4), relative à une procédure de nullité entre, d’une part, Mme Jareš Procházková et M. Jareš et, d’autre part, Elton Hodinářská,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović (rapporteure), présidente, MM. F. Schalin et I. Nõmm, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 novembre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 8 février 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante et son complément déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 10 février et 18 mars 2019,

vu la réattribution de l’affaire à une nouvelle juge rapporteure,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite de l’empêchement d’un de ses membres,

vu la question écrite du Tribunal aux parties et leurs réponses à cette question déposées au greffe du Tribunal les 4, 13 et 14 février 2020,

à la suite de l’audience du 9 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’intervenante, Elton Hodinářská, a.s., est titulaire de la marque de l’Union européenne figurative, reproduite ci-après, demandée le 31 octobre 2003 auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et enregistrée le 17 mars 2005 en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)] :

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2        Les produits et services pour lesquels la marque a été enregistrée relèvent des classes 9, 14 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Appareils et instruments électroniques, scientifiques (autres qu’à usage médical), nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de sauvetage et d’enseignement ; composants électroniques actifs » ;

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages, autres qu’à usage dentaire ; joaillerie, pierres précieuses ; horlogerie ; appareils chronographiques ; chronographes, chronomètres, chronoscopes, barillets (horlogerie) ; montres pour enfants » ;

–        classe 35 : « Annonces publicitaires pour métaux précieux et leurs alliages autres que dans les domaines dentaires, de la bijouterie, des pierres précieuses, de l’horlogerie, des instruments chronométriques, des chronographes, des chronomètres, des chronoscopes, des barillets (horlogerie) et des montres pour enfants. »

3        Le 16 décembre 2014, les requérants, Mme Hana Jareš Procházková et M. Antonín Jareš, ont présenté une demande en nullité de cette marque sur le fondement de l’article 52, paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94 [devenu l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement no 207/2009, lui-même devenu l’article 60, paragraphe 2, sous c), du règlement 2017/1001]. Plus particulièrement, en tant qu’héritiers de Jiří Rathouský, ils ont invoqué un droit d’auteur antérieur tchèque et indiqué que la marque contestée comportait, comme élément dominant, la représentation verbale et graphique de l’élément « prim », laquelle aurait été créée par Jiří Rathouský, reproduite ci-après :

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4        Le 7 avril 2017, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

5        Le 30 mai 2017, les requérants ont formé un recours auprès de l’EUIPO au titre des articles 57 à 62 du règlement no 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement no 207/2009, eux-mêmes devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001) contre la décision de la division d’annulation.

6        Par décision du 7 septembre 2018 (ci-après « la décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours des requérants.

7        En particulier, la chambre de recours, à l’instar de la division d’annulation, a estimé que les éléments de preuve soumis par les requérants ne suffisaient pas pour démontrer la qualité d’auteur de Jiří Rathouský.

8        En outre, la chambre de recours a considéré que la marque contestée ou, le cas échéant, son élément « prim », pris isolément, n’était pas une œuvre à laquelle s’étendait le droit d’auteur.

9        Enfin, la chambre de recours a relevé que, même si Jiří Rathouský était l’auteur de l’œuvre en question, les circonstances de l’affaire devaient conduire à la conclusion qu’un consentement tacite ou implicite à l’utilisation de ladite œuvre avait été accordé.

 Conclusions des parties

10      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérants aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours dans son intégralité.

 En droit

13      À titre liminaire, il convient de constater que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 31 octobre 2003, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée).

14      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans l’argumentation soulevée, au règlement 2017/1001, comme visant les dispositions d’une teneur identique du règlement no 40/94.

 Sur la recevabilité de certaines annexes à la requête

15      Dans son mémoire en réponse, l’EUIPO fait valoir que les annexes A 7, A 15 et A 19 de la requête sont irrecevables dans la mesure où ils sont soumis, pour la première fois, devant le Tribunal et n’ont donc pas été soumis au cours de la procédure administrative devant l’EUIPO. Ces annexes correspondent aux procès-verbaux de l’audience devant le Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové, République tchèque) du 12 octobre 2018 portant sur les auditions de MM. I. B. et J. Ž. et Mme M. L.‑S., et du 23 août 2018 portant sur l’audition de M. P. K., ainsi qu’aux informations fournies par M. M. N.

16      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter comme irrecevables les annexes A 7, A 15 et A 19 à la requête sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée, et du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 17].

 Sur le fond

17      À l’appui de leur recours, les requérants soulèvent cinq moyens, tirés d’une violation de l’article 52, paragraphes 2  et 3 (l’article 52, paragraphe 3, du règlement n°40/94 étant devenu l’article 53, paragraphe 3, du règlement n°207/2009, lui-même devenu l’article 60, paragraphe 3, du règlement 2017/1001), de l’article 56, paragraphe 5, et de l’article 61, paragraphe 2, du règlement no 40/94 (devenus article 57, paragraphe 5, et article 63, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, eux-mêmes devenus article 64, paragraphe 5, et article 70, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), ainsi que de l’article 27, paragraphe 4, et de l’article 55 du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). En substance, les requérants font valoir que, dans la décision attaquée, premièrement, la chambre de recours, n’a pas complètement établi les faits de l’affaire, dans la mesure où, sur la base des preuves produites relatives à la qualité d’auteur de Jiří Rathouský, elle a commis une erreur de fait et tiré des conclusions juridiques erronées. Deuxièmement, elle n’aurait pas compris ce qu’est l’œuvre de Jiří Rathouský. Troisièmement, la chambre de recours n’aurait pas complètement établi les faits de l’affaire, elle n’aurait pas pris en compte certaines preuves, produites par les requérants, nécessaires pour démontrer les faits déterminants et n’aurait aucunement analysé certaines affirmations et preuves soumises par les requérants. Quatrièmement, elle aurait mal interprété la preuve des requérants, intitulée « procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968 », ainsi que l’expertise de M. P. K. du 14 janvier 2018. Cinquièmement, elle aurait déduit à tort l’octroi d’un « consentement implicite ou présumé » des titulaires du droit d’auteur.

 Sur la structure de la décision attaquée

18      À l’instar de l’EUIPO, il convient de relever que la décision attaquée repose sur trois piliers, à savoir les considérations suivantes. Premièrement, la représentation graphique du logo prim ne constituerait pas une œuvre au sens du droit d’auteur applicable. Deuxièmement, les éléments de preuve soumis au cours de la procédure administrative ne seraient pas suffisants pour démontrer que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim. Troisièmement, même si Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim, en raison des circonstances de l’affaire, il devrait être considéré qu’un consentement, tacite ou implicite, a été accordé à l’usage, par l’intervenante, de la marque contestée.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, dès lors que le dispositif d’une décision repose sur plusieurs piliers de raisonnement dont chacun suffirait à lui seul à fonder ce dispositif, il n’y a lieu d’annuler cet acte, en principe, que si chacun de ces piliers est entaché d’illégalité. Dans cette hypothèse, une erreur ou une autre illégalité qui n’affecterait qu’un seul des piliers du raisonnement ne saurait suffire à justifier l’annulation de la décision litigieuse, dès lors que cette erreur n’avait pas pu avoir une influence déterminante quant au dispositif retenu par l’institution auteur de cette décision [voir arrêt du 7 juillet 2016, Fruit of the Loom/EUIPO – Takko (FRUIT), T‑431/15, non publié, EU:T:2016:395, point 65 et jurisprudence citée].

20      Il s’ensuit que, afin d’annuler la décision attaquée, les trois piliers sur lesquels s’est fondée la chambre de recours devraient être entachés d’illégalité.

21      En l’espèce, les premier, troisième et quatrième moyens concernent le deuxième pilier, le deuxième moyen concerne le premier pilier et le cinquième moyen porte sur le troisième pilier.

22      Il y a lieu de commencer par l’examen des moyens relatifs au deuxième pilier. Pour des raisons d’économie de la procédure, le quatrième moyen doit être examiné avant le troisième.

 Observations liminaires

23      Aux termes de l’article 52, paragraphe 2, sous c), du règlement no 40/94, la marque de l’Union européenne est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’EUIPO ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si son usage peut être interdit en vertu d’un autre droit antérieur, et notamment d’un droit d’auteur.

24      S’agissant du régime procédural défini par le règlement (CE) no 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement no40/94 (JO 1995, L 303, p. 1) (remplacé par le règlement délégué 2018/625) dans le cas d’une demande présentée au titre de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 40/94, sur le fondement d’un droit antérieur protégé dans le cadre juridique national, il a déjà été jugé que la règle 37 du règlement no 2868/95 [devenue article 12 du règlement délégué 2018/625] prévoit qu’il incombe au demandeur de fournir des éléments démontrant qu’il est habilité, en vertu de la législation nationale applicable, à faire valoir ce droit (voir arrêt du 5 avril 2017, EUIPO/Szajner, C‑598/14 P, EU:C:2017:265, point 35 et jurisprudence citée).

25      Cette règle fait peser sur le demandeur la charge de présenter à l’EUIPO non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque de l’Union européenne en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation (voir arrêt du 30 juin 2015, Gambling Commission/OHMI, T‑404/10 RENV, non publié, EU:T:2015:445, point 29 et jurisprudence citée).

26      Dans le cas où une demande en nullité d’une marque de l’Union européenne est fondée sur un droit antérieur protégé par une règle de droit national, il incombe aux instances compétentes de l’EUIPO d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle. Le Tribunal exerce un contrôle entier sur cette appréciation (voir arrêt du 30 juin 2015, Gambling Commission/OHMI, T‑404/10 RENV, non publié, EU:T:2015:445, point 30 et jurisprudence citée).

27      En outre, dans les circonstances où l’EUIPO peut être appelé à tenir compte, notamment, du droit national de l’État membre dans lequel un droit antérieur sur lequel est fondé la demande en nullité jouit d’une protection, il doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, sur le droit national de l’État membre concerné au cas où de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’une cause de nullité en cause et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées (voir arrêt du 30 juin 2015, Gambling Commission/OHMI, T‑404/10 RENV, non publié, EU:T:2015:445, point 31 et jurisprudence citée).

28      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 29 de la décision attaquée, la législation applicable est la Zákon č. 35/1965 Sb., o dílech literárních, vědeckých a uměleckých (autorský zákon) [loi no 35/1965 Sb., sur les œuvres littéraires, scientifiques et artistiques (loi sur le droit d’auteur)] dont les dispositions ont été soumises à l’EUIPO par les requérants.

 Sur le premier moyen, relatif à la prise en compte du procès-verbal de l’audience devant le Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové) du 12 octobre 2018 et de la lettre du 8 novembre 1968, adressée à Mme D. N.

29      Par leur premier moyen, les requérants soutiennent que la chambre de recours aurait établi les faits de l’affaire de manière incomplète. En se prévalant du procès-verbal de l’audience devant le Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové) du 12 octobre 2018 ainsi que de la lettre du 8 novembre 1968, adressée à Mme D. N., les requérants soutiennent que la représentation graphique du logo prim a été effectivement créée par Jiří Rathouský et que le lien entre le prédécesseur en droit de l’intervenante et Mme D. N. épouse de Jiří Rathouský, aurait été clairement confirmé par M. J. Ž.

30      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations des requérants.

31      En l’espèce, à l’instar de l’EUIPO, il convient de relever que l’essentiel des arguments des requérants est fondé sur un élément de preuve, à savoir le procès-verbal de l’audience devant le Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové) du 12 octobre 2018, qui a été considéré comme étant irrecevable au point 16 ci-dessus. Partant, cette pièce ne peut être prise en compte.

32      En ce qui concerne la lettre du 8 novembre 1968, adressée à Mme D. N., qui a été soumise à l’EUIPO au cours de la procédure administrative, il y a lieu de relever que ladite lettre ne contient pas d’indications en ce qui concerne la paternité du logo prim et ne mentionne pas, par ailleurs, Jiří Rathouský, mais atteste, tout au plus, ainsi que l’a soutenu l’EUIPO lors de l’audience, des contacts entre le prédécesseur en droit de l’intervenante et Mme D. N. En effet, par cette lettre, Mme D. N. a été invitée à visiter l’entreprise afin de discuter d’une éventuelle collaboration dans l’élaboration des modèles des montres « Prim ». Ainsi, comme l’a relevé à juste titre la division d’annulation, cette lettre ne permet pas d’établir la paternité du logo prim.

33      Partant, ce moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, portant sur l’appréciation prétendument erronée du procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968

34      Les requérants contestent essentiellement l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968 n’était pas pertinent pour constater que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim.

35      Ce document, ainsi qu’il ressort du point 61 de la décision attaquée, a été présenté par les requérants au cours de la procédure administrative et porte sur une réunion entre deux entités ayant pour objet l’usage de la marque PRIM par l’usine de Nové Město nad Metují. Il est notamment mentionné que certains nouveaux modèles appliquant la nouvelle exécution faite par Jiří Rathouský ont été présentés aux représentants de l’usine. De même, il y est mentionné que l’utilisation de la marque PRIM serait autorisée uniquement après la conclusion d’un contrat de licence par les deux entreprises.

36      À cet égard, la chambre de recours a relevé, au point 65 de la décision attaquée, qu’il ne s’agissait que d’un « procès-verbal d’une réunion », tenue par des représentants de deux entreprises ou usines de production, et portant notamment sur la question de savoir laquelle des deux parties était autorisée à utiliser la marque PRIM. Le seul but de ce document, d’après elle, semblait être de conclure un accord entre deux parties pour que le signe puisse être utilisé.

37      La chambre de recours a, aux points 63 à 69 de la décision attaquée, avancé cinq motifs pour lesquels elle a considéré, au point 71 de ladite décision, que le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968 était dénué de toute pertinence pour établir que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim. Premièrement, dans la mesure où le document ne comportait pas de signature, il ne pouvait être considéré comme contraignant et définitif. Deuxièmement, ce procès‑verbal ne contenait aucune reproduction des ébauches auxquelles il se référait, de sorte qu’il n’était pas certain que c’est la représentation du logo prim, telle que reproduite au point 4 ci-dessus, qui était concernée. Troisièmement, ainsi que l’avait constaté le président de l’Úřad průmyslového vlastnictví (Office de propriété industrielle, République tchèque) dans sa décision du 29 juillet 2015, il mentionnait le « Ministère de l’industrie et du commerce », qui n’existait pas sous ce nom en 1968, ce qui prouverait que le document a été créé plus tard ou a été falsifié. Quatrièmement, la chambre de recours s’est interrogée sur l’utilité d’envoyer des « films » du signe en question au ministère pour examen. Cinquièmement, il ressortirait de l’expertise de M. P. K., daté du 14 janvier 2018, que le document était un faux dans la mesure où il était dactylographié avec un modèle de machine à écrire qui n’existait pas en 1968.

38      Pour contester les constatations de la chambre de recours, premièrement, les requérants expliquent, s’agissant du quatrième motif relatif aux films, en se référant à la déclaration de M. M. P., qu’en Tchécoslovaquie communiste, les graphistes faisaient copier leurs modèles sur un film plat de grande taille pour ne pas être obligés de présenter à leur client une ébauche confectionnée à la main et retouchée.

39      Deuxièmement, ils soutiennent, ainsi qu’il ressortirait des informations communiquées par M. M. N., directeur du département de criminologie de la Policejní akademie České republiky (Académie de police de la République tchèque) qu’aucune méthode d’identification des machines à écrire n’était accréditée dans aucun service de technique criminalistique de la police tchèque. Par conséquent, la conclusion de l’expertise de M. P. K. selon laquelle la machine à écrire utilisée pour rédiger le procès-verbal du 18 décembre 1968 datait, au plus tôt, de l’année 1973, serait déduite en utilisant un outil d’expertise qui n’était ni calibré ni daté.

40      S’agissant, en particulier, de l’expertise de M. P. K., les requérants font valoir que cette preuve leur a été communiquée, pour information, par l’EUIPO, le 7 mars 2018, mais qu’ils n’ont pas pu présenter des observations sur cet élément, et qu’ils n’ont pas été informés du fait que cette preuve avait été considérée comme recevable. En outre, ils reprochent à la chambre de recours d’avoir rejeté leur offre de preuve supplémentaire démontrant que Jiří Rathouský était l’auteur du signe en cause.

41      En tout état de cause, les requérants soutiennent, en premier lieu, que le document en question a été trouvé aux Archives d’État et qu’il y avait été placé à une époque où il n’existait pas de procédure judiciaire concernant le logo prim ; en deuxième lieu, que le document examiné par l’expert ne serait pas l’original, mais une copie de ce document, ce qui serait attesté par le fait qu’il comporte la mention « signé en main propre » et, en troisième lieu, qu’il n’aurait pas été retouché.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations des requérants.

43      L’EUIPO fait valoir que les arguments par lesquels les requérants contestent la justesse des méthodes selon lesquelles l’expert M. P. K. a conclu que le « procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968 » était un faux sont irrecevables, car ils ont été invoqués pour la première fois devant le Tribunal. Ainsi que l’aurait indiqué la chambre de recours au point 15 de la décision attaquée, les requérants ont eu, au cours de la procédure devant elle, la possibilité de commenter l’expertise de M. P. K., mais ils ne l’ont pas fait.

44      De même, l’EUIPO soutient que l’argument des requérants selon lequel le document en question serait une copie postérieure du procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968, aurait également été invoqué pour la première fois devant le Tribunal et, de ce fait, devrait être déclaré irrecevable.

45      En l’espèce, force est de constater que les critiques des requérants portent uniquement sur les premier, quatrième et cinquième motifs, mentionnés au point 37 ci-dessus, qui ont amené la chambre de recours à écarter le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968.

46      Les requérants n’invoquent pas d’arguments susceptibles de remettre en cause les deux autres motifs retenus par la chambre de recours, à savoir le deuxième, selon lequel il n’était pas certain que ledit procès-verbal portait sur la représentation du logo prim, tel que reproduit au point 4 ci-dessus, étant donné qu’il ne contenait aucune reproduction des ébauches auxquelles il se référait, et le troisième, selon lequel le document mentionne un ministère dont le nom n’existait pas en 1968, mais seulement en 1992. Ce dernier motif a été fondé sur la décision du 29 juillet 2015 du président de l’Office de propriété industrielle tchèque.

47      À cet égard, il convient de relever que, par la décision du 29 juillet 2015, le président de l’Office de propriété industrielle tchèque a confirmé sa décision du 17 octobre 2014 par laquelle il avait fait droit à la demande de nullité, introduite par l’intervenante, contre une marque tchèque parallèle contenant le logo prim, détenue par la société MPM‑Quality.

48      Quant au troisième motif retenu par la chambre de recours, il convient de relever que, s’agissant du procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968, le président de l’Office de propriété industrielle tchèque a considéré que celui-ci ne contenait pas de signes formels permettant de le considérer comme authentique et que, du point de vue de son contenu, il n’était pas crédible. En somme, il a estimé que la valeur probante de ce document était nulle. À cet égard, il convient de relever que le seul fait que le document ait été trouvé aux Archives d’État ne signifie pas qu’il est pour autant authentique, ainsi que l’ont fait valoir l’EUIPO et l’intervenante en l’espèce.

49      S’agissant de la mention du ministère de l’industrie et du commerce, le président de l’Office de propriété industrielle tchèque a souligné que celui-ci a été créé en 1992 et qu’il n’existait pas sous ce nom à l’époque de la rédaction du procès-verbal en question.

50      Quant au deuxième motif retenu par la chambre de recours, il convient de considérer, à l’instar de la division d’annulation, que, bien que le document en question mentionne Jiří Rathouský, ainsi que le fait que plusieurs de ses nouveaux projets avaient été présentés aux représentants des sociétés, présents lors de la réunion, il ne contient aucune reproduction desdits projets ni l’information selon laquelle ils auraient été utilisés par la suite. Ainsi, même si la force probante de cet élément de preuve n’était pas remise en cause, il serait insuffisant pour établir la paternité de Jiří Rathouský en ce qui concerne le logo prim.

51      Au vu des considérations contenues aux points 46 à 50 ci-dessus, force est de constater que les deuxième et troisième motifs retenus par la chambre de recours sont exempts d’erreur et sont suffisants, à eux seuls, pour fonder sa conclusion selon laquelle le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968 n’était pas pertinent en l’espèce. Partant, il n’y a pas lieu d’examiner les griefs soulevés par les requérants contre les premier, quatrième et cinquième motifs.

52      Dans ces conditions, à supposer même que la chambre de recours ait commis une violation des droits de la défense des requérants, dans la mesure où elle ne les aurait pas invités à présenter des observations sur l’expertise de M. P. K., une telle violation ne saurait aboutir à l’invalidation des appréciations de ladite chambre, relatives au procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968, dans la mesure où la chambre de recours a pu valablement se fonder sur les autres motifs qu’elle a retenus pour écarter ce procès-verbal.

53      De surcroît, il convient de relever que l’expertise de M. P. K., datant du 14 janvier 2018, est postérieure à la décision du président de l’Office de propriété industrielle tchèque du 29 juillet 2015 qui est parvenu à une conclusion analogue à celle de la chambre de recours en ce qui concerne le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968. Par conséquent, le président de l’Office de propriété industrielle tchèque est parvenu à sa conclusion relative au caractère insuffisant du procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968 pour démontrer que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim, sans s’être fondé sur l’expertise de M. P. K. dont la force probante est contestée par les requérants.

54      Au vu de tout ce qui précède, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, en substance, que le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968 ne permettait pas de conclure que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim, de sorte que le quatrième moyen ne peut qu’être rejeté.

 Sur le troisième moyen, relatif à l’appréciation des déclarations de MM. I. B, F. Š., M. P. et Mme M. L.-S.

55      Dans le cadre de ce moyen, relatif à la question de savoir s’il a été démontré que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim, les requérants contestent l’appréciation par la chambre de recours des déclarations de MM. I. B. et de F. Š., dont il découlerait que l’auteur du logo prim était Jiří Rathouský. En outre, ils reprochent à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte de la déclaration de M. M. P, de décembre 2017, ni de celle de Mme M. L.‑S, du 18 février 2018, et de ne pas avoir indiqué les raisons pour lesquelles ces éléments de preuve ont été écartés.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent les allégations des requérants.

57      S’agissant, dans un premier temps, de l’allégation selon laquelle il découlerait incontestablement des déclarations des MM. I. B. et F. Š. que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim, il convient de relever que la chambre de recours a estimé, aux points 57 à 59 de la décision attaquée, que les deux documents n’étaient que des « simples avis », reposant sur une analyse stylistique, et qu’ils étaient fondés, en ce qui concerne la déclaration de M. I. B., sur la connaissance de l’œuvre de Jiří Rathouský, en tant que telle, et non sur la connaissance de l’auteur de ce signe. Elle a ajouté que l’avis de M. F. Š. n’allait pas au-delà de la conclusion que l’impression générale du logo en question correspondait au style de Jiří Rathouský.

58      Ces appréciations sont exemptes d’erreur et doivent être confirmées.

59      En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort de sa déclaration, M. I. B., décrivant le logo dont il est demandé de certifier la paternité, a indiqué que l’auteur du logo devait être trouvé en dehors de la société Elton. Il a ajouté, par la suite, que, dans ce contexte, une indication pouvait être trouvée dans le procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968, lequel a également été soumis comme élément de preuve. À cet égard, il convient d’ajouter, ainsi que l’a relevé, à juste titre, la chambre de recours au point 58 de la décision attaquée, que l’expert a entrepris une analyse critique du style de la police de caractères pour parvenir à la conclusion qu’il existait une similitude entre les lettres du logo examiné et les lettres de la police de caractère créée par Jiří Rathouský. Toutefois, ainsi qu’il ressort de sa déclaration, il n’a eu aucune connaissance propre de la personne ayant effectivement conçu le logo.

60      D’autre part, dans sa déclaration, M. F. Š. a comparé des polices de caractère, comme Metron, Barell et Alphapipe, avec celles des documents, présentés par les requérants, mais dont il n’est pas prouvé qu’ils provenaient de Jiří Rathouský, pour parvenir à la conclusion que l’impression générale du logo en question correspondait au style de Jiří Rathouský.

61      Force est de constater que les déclarations de MM. I. B. et F. Š. contiennent principalement des appréciations hypothétiques et spéculatives, sans qu’aucun des documents en question ne démontre de manière claire que Jiří Rathouský a créé le logo prim.

62      S’agissant, dans un second temps, des allégations des requérants relatives à l’appréciation des déclarations de M. M. P. et de Mme M. L.‑S., il convient de relever que les requérants reprochent à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte desdits éléments de preuve et de ne pas avoir motivé sa décision en la matière, invoquant ainsi implicitement une violation de l’article 73 et de l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94 (devenus article 75 et article 76, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, eux-mêmes devenus article 94, paragraphe 1 et article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001).

63      En premier lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle la chambre de recours n’aurait pas tenu compte de tous les éléments de preuve présentés par les requérants, et aurait manqué ainsi à son devoir de diligence, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, que l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94 est une expression du devoir de diligence, selon lequel l’institution compétente est tenue d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de fait et de droit pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du 21 février 2013, Laboratoire Bioderma/OHMI – Cabinet Continental (BIODERMA), T‑427/11, non publié, EU:T:2013:92, point 24 et jurisprudence citée].

64      À cet égard, il convient de constater que, s’agissant des éléments de preuve en cause, la chambre de recours s’est limitée à mentionner, au point 15 de la décision attaquée, que les requérants avaient produit le 27 avril 2018 des « déclarations de particuliers, rédigées en mars/avril 2018 » et ne les a pas appréciées, de manière individuelle, dans le cadre des motifs de la décision, contrairement aux déclarations de MM. I. B., F. Š. (voir point 57 ci-dessus) et J. Ž., ainsi qu’au procès-verbal de la réunion du 18 décembre 1968. Toutefois, ces considérations, à elles seules, ne permettent pas de constater que la chambre de recours n’aurait pas tenu compte, lors de l’appréciation des preuves relatives à la qualité d’auteur du logo prim de Jiří Rathouský, des déclarations de M. M. P. et de Mme M. L.-S.

65      En effet, la chambre de recours n’a pas refusé de tenir compte de ces déclarations. De même, il convient de relever que les deux déclarations ne sont pas les seuls éléments de preuve que la chambre de recours n’a pas mentionnés dans les motifs de la décision attaquée. Il en va de même en ce qui concerne la lettre adressée à Mme D. N. (analysée dans le cadre du premier moyen, voir point 32 ci-dessus). Par ailleurs, ainsi qu’il ressort du point 73 de la décision attaquée, pour constater qu’il n’avait pas été démontré que Jiří Rathouský avait créé le logo prim, la chambre de recours s’est référée à l’ensemble des éléments de preuve déposés par les requérants.

66      Partant, il ne saurait être valablement soutenu que la chambre de recours n’a pas pris en compte les déclarations de M. M. P. et de Mme M. L.-S, de sorte que ladite chambre n’a pas violé l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94 en l’espèce.

67      En tout état de cause, le fait que la chambre de recours se soit livrée à un examen superficiel des éléments de preuve, à le supposer avéré, ne saurait constituer une violation de la disposition procédurale de l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94. Le cas échéant, une appréciation incorrecte des éléments de preuve fournis par une partie peut donner lieu à une violation de la disposition matérielle applicable en l’espèce [arrêt du 6 novembre 2014, Vans/OHMI (Représentation d’une ligne ondulée), T‑53/13, EU:T:2014:932, point 17]. Or, ainsi qu’il sera démontré ci-après (voir points 74 à 80 ci-après), la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il n’avait pas été démontré que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim est exempte d’erreur.

68      En deuxième lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle la décision attaquée ne comporterait pas de motivation en ce qui concerne le prétendu refus de la chambre de recours de tenir compte des éléments de preuve en question, il y a lieu de constater que, aux termes de l’article 73 du règlement no 40/94, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. L’obligation de motivation, ainsi consacrée, a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE. Il est de jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [voir, en ce sens, arrêts du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65 ; du 15 novembre 2011, Abbott Laboratories/OHMI (RESTORE), T‑363/10, non publié, EU:T:2011:662, point 73, et du 23 janvier 2014, Novartis/OHMI (CARE TO CARE), T‑68/13, non publié, EU:T:2014:29, point 27].

69      En outre, l’obligation de motivation n’impose pas aux chambres de recours de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement, et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties devant elles. Il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [arrêts du 15 janvier 2015, MEM/OHMI (MONACO), T‑197/13, EU:T:2015:16, point 19, et du 7 juin 2017, Mediterranean Premium Spirits/EUIPO – G‑Star Raw (GINRAW), T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 89].

70      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la chambre de recours n’est pas obligée de prendre position sur chaque argument avancé par les parties. La simple circonstance que la chambre de recours ne fasse pas référence dans la motivation de sa décision à tel ou tel document ne saurait suffire à établir qu’elle n’en aurait pas tenu compte dans son examen d’ensemble de la demande en nullité [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2017, Tamasu Butterfly Europa/EUIPO – adp Gauselmann (Butterfly), T‑315/16, non publié, EU:T:2017:629, point 70 et jurisprudence citée].

71      Par ailleurs, la motivation peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision de la chambre de recours a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [arrêts du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 55, et du 7 juin 2017, GINRAW, T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 90].

72      En l’espèce, il convient de constater que la chambre de recours s’est limitée à mentionner les éléments de preuve en cause au point 15 de la décision attaquée (voir point 64 ci-dessus), et a considéré, au point 73 de ladite décision, que, « [p]our conclure sur l’évaluation de l’ensemble des éléments de preuve déposés par les requérants, elle ne pouvait déterminer avec conviction, ni même une certaine probabilité, si Jiří Rathouský a créé, de quelque manière que ce soit, [le logo] “prim” de la marque [contestée]. »

73      Certes, la motivation de la décision attaquée est globale et succincte. Toutefois elle permet tant aux requérants de comprendre les raisons pour lesquelles la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits n’étaient pas suffisants pour démontrer qu’ils détenaient les droits d’auteur sur le logo prim qu’au Tribunal d’exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée.

74      En troisième lieu et en tout état de cause, la chambre de recours n’a commis aucune erreur en considérant, aux points 15 et 73 lus ensemble de la décision attaquée, que l’ensemble des éléments de preuve, comprenant implicitement les déclarations de M. M. P. et de Mme M. L.‑S., ne permettait pas de démontrer que Jiří Rathouský avait créé, de quelque manière que ce soit, le logo prim.

75      En effet, premièrement, ainsi qu’il ressort du point 61 ci-dessus, les déclarations des MM. I. B. et F. Š. ne démontrent pas, de manière claire, que le logo prim a été créé par Jiří Rathouský.

76      Deuxièmement, ainsi qu’il a été considéré au point 32 ci-dessus, la lettre adressée à Mme D. N. ne contient aucune information pouvant être prise en compte pour établir la paternité du logo prim.

77      Troisièmement, s’agissant de la déclaration de M. M. P.,  elle contient, certes, des explications sur les raisons pour lesquelles, selon lui, Jiří Rathouský doit être considéré comme étant l’auteur du logo. Toutefois, force est de constater que M. M. P. conclut à la paternité de Jiří Rathouský en se fondant sur certaines caractéristiques particulières d’autres polices de caractère, prétendument créées par ce dernier, lesquelles sont cependant absentes du logo prim. Il s’agit par exemple de la forme des lettres « t » et « o », telles que comprises dans l’une desdites autres polices, mais qui ne figurent pas dans le logo prim. Les autres éléments sur lesquels il se fonde, comme la réalisation technologique de certaines ébauches, le fait que l’ensemble des croquis et des films contenant la reproduction du logo prim provenait d’archives trouvées dans la villa de Jiří Rathouský ainsi que la note figurant dans la norme d’entreprise réf. PN01 de la société nationale Elton, laquelle fait référence à une inscription dont la réalisation graphique a été confiée à un artiste externe, sans préciser lequel, ne peuvent pas non plus, faute d’explications supplémentaires sur ces éléments et leur lien avec Jiří Rathouský, permettre de conclure que ce dernier est l’auteur du logo prim concerné.

78      Quatrièmement, s’agissant de la déclaration de Mme M. L.-S., il y a lieu de relever que cette dernière affirme que, selon elle, le logo prim est l’œuvre de Jiří Rathouský. Pour aboutir à cette conclusion, elle fait référence non seulement aux contacts personnels qu’elle a eus avec ce dernier, mais également à la note figurant dans la norme d’entreprise réf. PN01 de la société nationale Elton, laquelle fait référence à une inscription dont la réalisation graphique a été confiée à un artiste externe, sans préciser lequel, ainsi qu’à la ressemblance graphique qu’aurait ledit logo avec la police de caractère Barell, créée, par la suite, par Jiří Rathouský. Toutefois, aucune des affirmations de Mme M. L.-S. ne permet de conclure avec certitude que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim.

79      Cinquièmement, ainsi qu’il ressort du point 54 ci-dessus, la chambre de recours était fondée à considérer, en substance, que le procès-verbal de la réunion du 18 décembre de 1968 ne permettait pas de conclure que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim.

80      Il en résulte qu’aucun de ces éléments ne prouve, avec certitude, que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim.

81      En tout état de cause, la conclusion de la chambre de recours, contenue au point 73 de la décision attaquée et citée au point 72 du présent arrêt, est corroborée par l’arrêt du 17 janvier 2019 de Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové) dont le texte complet a été produit par l’intervenante en complément de son mémoire en réponse. Par cet arrêt rendu dans une affaire dans laquelle les requérants ont tenté de contraindre l’intervenante à ne pas utiliser l’œuvre, à savoir le logo prim, sur laquelle ils détiendraient un droit d’auteur, le Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové), en rejetant les éléments de preuve présentés par les requérants, dont faisaient également partie les preuves présentées au cours de la présente procédure, a conclu qu’il n’avait pas été démontré que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim et que les requérants étaient détenteurs de droits sur ce signe (points 16, 42 à 54 de l’arrêt).

82      Dans la mesure où l’intervenante, qui a soumis au Tribunal l’arrêt de Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové), ne soutient pas que la chambre de recours aurait dû le prendre en compte, mais l’invoque, en substance, à l’appui de son argument selon lequel la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en considérant qu’il n’a pas été démontré que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim, il n’y a pas lieu de le considérer comme étant irrecevable. À cet égard, il convient de rappeler que la recevabilité d’un arrêt d’une juridiction nationale dépend notamment de l’objectif de celui qui l’invoque [voir, en ce sens, arrêts du 10 février 2015, Boehringer Ingelheim International/OHMI – Lehning entreprise (ANGIPAX), T‑368/13, non publié, EU:T:2015:81, point 20 et jurisprudence citée ; du 26 juin 2018, Sicignano/EUIPO – IN.PRO.DI (GiCapri “a giacchett’e capri”), T‑619/16, non publié, EU:T:2018:385, point 32, et du 7 février 2019, Swemac Innovation/EUIPO – SWEMAC Medical Appliances (SWEMAC), T‑287/17, EU:T:2019:69, point 21 et jurisprudence citée].

83      Ainsi, au vu des circonstances de l’espèce, l’arrêt de Krajský soud v Hradci Králové (cour régionale de Hradec Králové) doit être déclaré recevable dans la mesure où il est invoqué par l’intervenante uniquement pour corroborer la conclusion de la chambre de recours selon laquelle il n’a pas été démontré que Jiří Rathouský était l’auteur du logo prim.

84      Partant, au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen.

85      Dans la mesure où les premier, troisième et quatrième moyens dirigés contre le deuxième pilier de la décision attaquée ne sont pas fondés et que ledit pilier est de nature à justifier, à lui seul, le dispositif de la décision attaquée, il convient de rejeter, au vu de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus, les deuxième et cinquième moyens comme étant inopérants, dès lors que l’examen des deuxième et cinquième moyens, à supposer même qu’ils soient fondés, ne peut que demeurer sans incidence sur la légalité de la décision attaquée. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens exposés par l’EUIPO, conformément aux conclusions de ce dernier.

87      L’intervenante n’ayant pas conclu à ce que les requérants soient condamnés aux dépens, elle supportera, conformément à l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Hana Jareš Procházková et M. Antonín Jareš sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO).

3)      Elton Hodinářská a.s. supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Schalin

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le tchèque.