Language of document : ECLI:EU:T:2011:517

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

22 septembre 2011 (*)

« FEOGA – Section ‘Garantie’ – Dépenses exclues du financement communautaire – Aides à la transformation des agrumes – Efficacité des contrôles – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑500/09,

République italienne, représentée par M. L. Ventrella et Mme G. Palmieri, avvocati dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. P. Rossi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2009/721/CE de la Commission, du 24 septembre 2009, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA), section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 257, p. 28), dans la mesure où elle exclut certaines dépenses effectuées par la République italienne dans le secteur de la transformation des agrumes,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. E. Moavero Milanesi, président, N. Wahl (rapporteur) et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 juin 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Réglementation générale relative au financement de la politique agricole commune

1        Le règlement (CE) n° 1258/1999 du Conseil, du 17 mai 1999, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 160, p. 103), régit les dépenses effectuées du 1er janvier 2000 au 16 octobre 2006 dans le cadre du financement de la politique agricole commune.

2        L’article 1er, paragraphe 2, sous a) et b), du règlement n° 1258/1999 prévoit que la section « Garantie » du Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) finance les restitutions à l’exportation vers des pays tiers et les interventions destinées à la régularisation des marchés agricoles dans la mesure où, conformément à l’article 2 dudit règlement, elles sont entreprises selon les règles communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles.

3        Selon l’article 7, paragraphe 4, de ce même règlement, la Commission européenne décide des dépenses à écarter du financement communautaire lorsqu’elle constate que des dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires. Cette disposition prévoit également la procédure précédant l’adoption de la décision d’écarter certaines dépenses du financement communautaire.

4        L’article 8 dudit règlement dispose que les États membres prennent, conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales, les mesures nécessaires pour s’assurer de la réalité et de la régularité des opérations financées par le FEOGA, pour prévenir et poursuivre les irrégularités et pour récupérer les sommes perdues à la suite d’irrégularités ou de négligences.

5        En vertu de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, la Commission peut vérifier la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires, l’existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les opérations financées par le FEOGA et les conditions dans lesquelles sont réalisées et vérifiées les opérations financées par le FEOGA.

6        L’article 8 du règlement (CE) n° 1663/95 de la Commission, du 7 juillet 1995, établissant les modalités d’application du règlement (CEE) n° 729/70 en ce qui concerne la procédure d’apurement des comptes du FEOGA, section « Garantie » (JO L 158, p. 6), tel que modifié notamment par le règlement (CE) n° 2245/1999 de la Commission, du 22 octobre 1999 (JO L 273, p. 5), définit la procédure à suivre lorsque, à l’issue d’une enquête, la Commission considère que certaines dépenses n’ont pas été effectuées conformément aux règles communautaires. Cette procédure est engagée par une communication adressée à l’État membre concerné. La Commission indique les mesures correctives à prendre. Après l’expiration du délai de réponse de deux mois accordé à l’État membre, la Commission convoque une réunion bilatérale, après quoi elle communique ses conclusions en indiquant les dépenses qu’elle a l’intention d’écarter du financement. En l’absence d’accord, la Commission signale à l’État membre la possibilité de mettre en place une procédure de conciliation.

7        À la suite de l’adoption du règlement (CE) n° 1290/2005 du Conseil, du 21 juin 2005, relatif au financement de la politique agricole commune (JO L 209, p. 1), applicable à partir du 1er janvier 2007, le règlement n° 1663/95 a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) n° 885/2006 de la Commission, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement n° 1290/2005 en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO L 171, p. 90).

8        À compter du 16 octobre 2006, les dispositions de l’article 8 du règlement n° 1663/95 ont été remplacées par les dispositions équivalentes de l’article 11 du règlement n° 885/2006.

9        Des orientations pour l’application de corrections forfaitaires ont été définies dans le document n° VI/5330/97 de la Commission, du 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie ». Lorsque les informations fournies par l’enquête ne permettent pas d’évaluer les pertes subies par la Communauté, une correction forfaitaire peut être envisagée à partir d’une extrapolation de ces pertes, par des moyens statistiques ou par référence à d’autres données vérifiables. Le taux de correction appliqué s’élève, en général, à 2, à 5, à 10 ou à 25 % des dépenses déclarées, en fonction de l’ampleur du risque de perte.

10      L’annexe 2 du document n° VI/5330/97, intitulée « Conséquences financières, pour l’apurement des comptes de la section ‘Garantie’ du FEOGA, des carences des contrôles effectués par les États membres », distingue deux catégories de contrôles, les contrôles clés et les contrôles secondaires :

« Les contrôles clés sont les vérifications physiques et administratives requises pour contrôler les éléments quant au fond, en particulier la réalité de l’objet de la demande, la quantité et les conditions qualitatives, y compris le respect des délais, les exigences de récoltes, les délais de rétention, etc. Ils sont effectués sur le terrain et par recoupement avec des informations indépendantes, telles que les registres cadastraux.

Les contrôles secondaires sont les opérations administratives nécessaires pour traiter correctement les demandes, telles que la vérification du respect des délais de soumission, l’identification de demandes similaires pour un même objet, l’analyse du risque, l’application de sanctions et la supervision adéquate des procédures. »

11      L’annexe 2 du document n° VI/5330/97 prévoit ce qui suit en ce qui concerne les taux de correction :

« […]

Lorsque tous les contrôles clés sont effectués, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, car il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif.

Lorsqu’un État membre effectue correctement les contrôles clés, mais omet complètement d’effectuer efficacement un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient alors d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du risque plus faible de perte pour le FEOGA et de la gravité moindre de l’infraction.

[…]

Le taux de correction doit être appliqué à la part des fonds pour laquelle la dépense a constitué un risque. Lorsque la carence résulte de la non-adoption, par un État membre, d’un système de contrôle approprié, la correction doit être appliquée à toutes les dépenses relevant de la mesure concernée. Lorsqu’il y a des raisons de supposer que la carence est limitée à la non-application du système de contrôle adopté par l’État membre dans un département ou une région, la correction doit être appliquée aux dépenses gérées par ledit département ou ladite région […] »

 Réglementation spécifique relative au régime d’aides aux producteurs de certains agrumes

12      Le règlement (CE) n° 2202/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, instituant un régime d’aide aux producteurs de certains agrumes (JO L 297, p. 49), a mis en œuvre un dispositif de soutien financier aux producteurs, qui repose notamment sur la conclusion de contrats liant, d’une part, les organisations de producteurs reconnues ou préreconnues au titre du règlement (CE) n° 2200/96 du Conseil, du 28 octobre 1996, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fruits et légumes (JO L 297, p. 1), et, d’autre part, les transformateurs ou leurs associations ou unions légalement constituées.

13      Le règlement n° 2202/96 a été abrogé par le règlement (CE) n° 1182/2007 du Conseil, du 26 septembre 2007, établissant des règles spécifiques pour le secteur des fruits et légumes, modifiant les directives 2001/112/CE et 2001/113/CE ainsi que les règlements (CEE) n° 827/68, n° 2200/96, (CE) n° 2201/96, (CE) n° 2826/2000, (CE) n° 1782/2003 et (CE) n° 318/2006, et abrogeant le règlement n° 2202/96 (JO L 273, p. 1). Toutefois, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement n° 1182/2007, le régime d’aide établi par le règlement n° 2202/96 est resté applicable jusqu’à la campagne de commercialisation prenant fin en 2008.

14      L’article 24 du règlement (CE) n° 2111/2003 de la Commission, du 1er décembre 2003, portant modalités d’application du règlement n° 2202/96 (JO L 317, p. 5), dispose :

« 1. […] les États membres prennent les mesures nécessaires pour :

[…]

d)       vérifier les registres prévus aux articles 25 et 26 et leur concordance avec la comptabilité imposée par la législation nationale aux organisations de producteurs et aux transformateurs ;

e)       effectuer les contrôles visés à l’article 27 de façon inopinée pendant les périodes adéquates.

[…] »

15      L’article 25 du règlement n° 2111/2003 prévoit que les organisations de producteurs livrant des produits à la transformation tiennent, pour chaque produit livré et selon des modalités précises, un registre devant contenir un certain nombre d’informations. Quant à l’article 26 du même règlement, il dispose que les transformateurs tiennent, pour chaque produit acheté et selon certaines modalités, un registre devant, là encore, contenir un certain nombre d’informations.

16      Aux termes de l’article 27 du règlement n° 2111/2003 :

« 1. Pour chaque organisation de producteurs livrant des oranges douces, mandarines, clémentines, satsumas, citrons, pamplemousses et pomélos en vue de leur transformation, les contrôles suivants sont effectués pour chaque produit et chaque campagne de commercialisation :

a)       des contrôles physiques portant au minimum sur :

i)       5 % des superficies visées à l’article 9, paragraphe 1, point a), et à l’article 15, paragraphe 1, point a) ;

ii)       20 % des quantités livrées à la transformation, afin de vérifier la concordance avec les certificats de livraisons visés à l’article 17, paragraphe 2, et le respect des exigences minimales de qualités fixées à l’annexe I ;

b)       des contrôles administratifs et comptables portant au minimum sur :

i)       5 % des producteurs couverts par les contrats, afin de vérifier notamment la cohérence, par producteur, entre les superficies, la récolte totale, la quantité livrée à l’organisation de producteur, la quantité livrée à la transformation, d’une part, et les versements des aides prévues à l’article 23 et les paiements reçus, d’autre part ;

ii)       10 % des accords visés à l’article 15, paragraphe 3 ;

c)      des contrôles administratifs et comptables, afin de vérifier la concordance entre les quantités totales livrées à l’organisation de producteurs par les producteurs visés à l’article 15, paragraphes 1 et 2, les quantités totales livrées à la transformation, la totalité des certificats de livraison visés à l’article 17, paragraphe 2, la totalité des quantités reprises dans les demandes d’aides, d’une part, et les versements des aides prévus à l’article 23, ainsi que les paiements reçus du transformateur, d’autre part ;

d)      des contrôles sur toutes les demandes d’aide et documents justificatifs et des contrôles croisés sur toutes les parcelles déclarées.

2. Pour les transformateurs d’oranges douces, mandarines, clémentines, satsumas, citrons, pamplemousses et pomélos, les contrôles suivants sont effectués pour chaque usine, chaque produit et chaque campagne de commercialisation :

a)      des contrôles administratifs et comptables portant au minimum sur :

i)      5 % des lots reçus dans le cadre de chaque type de contrat (de courte durée ou pluriannuel), afin de vérifier que les quantités concernées sont couvertes par un contrat et par les certificats de livraison visés à l’article 17, paragraphe 2, sur l’identification précise du moyen de transport utilisé et sur le respect des exigences minimales prévues à l’annexe I ;

ii)       10 % des virements des prix visés à l’article 7, paragraphe 1, point f) ;

b)       des contrôles physiques et comptables portant sur au moins 10 % des produits finis obtenus, afin de vérifier le rendement de la matière première en termes de produits finis obtenus dans le cadre des contrats et hors contrats ;

c)       des contrôles administratifs et comptables, sur la base des factures émises et reçues et sur la base des données comptables, afin de vérifier la concordance de la quantité de produits finis obtenus de matières premières reçues et des quantités de produits finis achetés avec les quantités de produits finis vendus ;

d)       des contrôles physiques et comptables portant sur la totalité des stocks de produits finis, au moins une fois chaque année, afin de vérifier leur concordance avec les produits finis élaborés, les produits finis achetés et les produits finis vendus.

Dans le cas des transformateurs ou des usines de transformation qui n’ont pas bénéficié du régime d’aide au cours de la campagne de commercialisation précédente, les contrôles visés [sous] d) seront effectués au minimum deux fois par an au cours de la première année pendant laquelle ils participent au régime. »

 Antécédents du litige

17      Lors d’une mission d’enquête au titre de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1258/1999, effectuée en Sicile du 3 au 7 avril 2006 et portant la référence FV/2006/316/IT, les services de la Commission ont constaté diverses carences dans les contrôles physiques, administratifs et comptables devant être mis en place aux fins de la bonne gestion du régime d’aide dans le secteur de la transformation des agrumes pour la campagne 2004/2005 et les campagnes précédentes.

18      Par lettre du 13 septembre 2006, la Commission a, conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 1663/95, informé la République italienne des résultats de la mission d’enquête. Elle y indiquait notamment que les inspecteurs n’avaient trouvé aucune trace des contrôles de concordance des registres prévus à l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 2111/2003, que l’échantillon de 5 % des producteurs devant faire l’objet de contrôles conformément à l’article 27, paragraphe 1, sous b), i), de ce règlement n’avait pas été atteint, que des insuffisances avaient été constatées dans les contrôles administratifs et comptables visés à l’article 27, paragraphe 2, sous a), i) et ii), dudit règlement et, enfin, que ces derniers contrôles n’avaient pas été effectués de façon inopinée en conformité avec l’article 24, paragraphe 1, sous e), de ce même règlement.

19      Les autorités italiennes compétentes ont fait part de leurs observations sur les constatations de la Commission par courriers datés des 22 et 29 novembre 2006.

20      Le 5 février 2007, la Commission a invité les autorités italiennes à une réunion bilatérale.

21      Un résumé des points discutés lors de cette réunion, qui s’est tenue le 20 mars 2007, a été communiqué à la République italienne par lettre du 11 juin 2007.

22      Les autorités italiennes ont transmis à la Commission leurs commentaires sur ce résumé ainsi que des explications complémentaires le 17 septembre 2007.

23      Le 21 août 2008, la Commission a formellement communiqué ses conclusions aux autorités italiennes. Elle proposait d’exclure du financement communautaire 5 % des dépenses déclarées au titre de l’aide octroyée pour la transformation d’agrumes au titre des exercices financiers 2005 et 2006.

24      Saisi à la demande des autorités italiennes le 3 octobre 2008, l’organe de conciliation a rendu son rapport final le 10 février 2009. L’organe de conciliation a notamment souligné qu’il existait entre les services de la Commission et les autorités italiennes une divergence totale de point de vue quant à la qualité et à l’effectivité des contrôles mis en place en Italie dans le secteur de la transformation des agrumes.

25      Le 23 avril 2009, les services de la Commission ont communiqué leur position finale qui confirme, en substance, les conclusions provisoires retenues dans la lettre du 21 août 2008.

26      Par décision 2009/721/CE, du 24 septembre 2009, écartant du financement communautaire certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEOGA, section « Garantie », du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO L 257, p. 28, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a appliqué aux dépenses déclarées par la République italienne dans le secteur des fruits et légumes (agrumes) deux corrections forfaitaires de 5 % des dépenses déclarées par l’Agenzia per le erogazioni in agricoltura (AGEA, Agence pour l’octroi d’aides dans le secteur agricole) portant respectivement sur les exercices financiers 2005 et 2006, corrections qui s’élevaient à 2 434 173,33 et à 1 105 506,48 euros, soit un montant total de 3 539 679,81 euros. Les motifs qui ont conduit la Commission à appliquer lesdites corrections sont exposés au point 4.1 du rapport de synthèse, du 31 mars 2009, concernant les résultats des inspections menées par la Commission dans le contexte de la procédure d’apurement de conformité (ci-après le « rapport de synthèse »), conformément à l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1258/1999 et à l’article 31 du règlement n° 1290/2005.

 Procédure et conclusions des parties

27      Par requête déposée le 7 décembre 2009 au greffe du Tribunal, la République italienne a introduit le présent recours.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 16 juin 2011.

29      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler partiellement la décision attaquée.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

31      À l’appui de son recours, la République italienne avance un moyen unique, tiré, en substance, de la violation des formalités substantielles, d’un défaut de motivation et d’une méconnaissance du principe de proportionnalité.

32      La République italienne fait valoir que, ainsi qu’il ressort de la correspondance échangée au cours de la procédure administrative, il a été expliqué, à plusieurs reprises, que les contrôles visés aux articles 24 et 27 du règlement n° 2111/2003 ont été correctement effectués. En ne tenant pas compte des nombreux éclaircissements fournis par les autorités italiennes au cours de la procédure administrative, la Commission aurait, en définitive, imposé une correction financière illégale et dépourvue de motivation appropriée. Par ailleurs, la République italienne soutient que, en appliquant en l’espèce une correction forfaitaire de 5 %, sans évaluation préalable et sans motivation convaincante de l’existence d’un risque concret de dommage pour le fonds, la Commission a méconnu le principe de proportionnalité.

33      À cet égard, le Tribunal rappelle que le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir arrêt du Tribunal du 12 novembre 2010, Italie/Commission, T‑95/08, non publié au Recueil, point 16, et la jurisprudence citée). Il ressort d’une jurisprudence bien établie qu’il appartient à la Commission, lorsqu’elle envisage d’écarter du financement communautaire certaines dépenses, de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles non pas nécessairement en démontrant d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les États membres, mais en présentant un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard des contrôles exercés par les autorités nationales. Cet allégement de la charge de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes du FEOGA, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 septembre 2003, Royaume-Uni/Commission, C‑346/00, Rec. p. I‑9293, point 35, et arrêt Italie/Commission, précité, point 17, et la jurisprudence citée).

34      En l’espèce, il n’est pas contesté que les constatations effectuées lors de la mission d’enquête du 3 au 7 avril 2006, qui ont notamment été consignées et communiquées à la République italienne par lettre datée du 13 septembre 2006 (voir point 18 ci-dessus), étaient de nature à susciter des doutes sérieux quant à la qualité et à l’effectivité des contrôles qui devaient être mis en place, au cours de la période considérée, auprès des producteurs et des transformateurs dans le cadre du régime d’aide à la transformation des agrumes.

35      Dès lors, il y a lieu d’examiner si la République italienne a apporté, au cours de la procédure administrative d’apurement des comptes, des éléments de nature à lever les doutes que la Commission nourrissait à l’égard de la qualité et de l’effectivité desdits contrôles.

36      À cet égard, il convient de préciser que, ainsi qu’il ressort du dossier, et en particulier du point 4.1.1.1 du rapport de synthèse, la correction financière appliquée en l’espèce était fondée sur un certain nombre de lacunes affectant le système de contrôle dans le secteur de la transformation des agrumes, à savoir, premièrement et à titre principal, l’absence de preuves suffisantes de contrôles de concordance entre la comptabilité officielle et les registres tenus par les organisations de producteurs, deuxièmement, le caractère insuffisant des contrôles des achats des produits finis, troisièmement, le non-respect de l’échantillon de 5 % des producteurs devant faire l’objet de vérifications au titre de l’article 27, paragraphe 1, sous b), i ), du règlement n° 2111/2003 et, quatrièmement, le caractère non inopiné de l’exécution des contrôles portant sur les livraisons de matière première.

37      Premièrement, s’agissant des contrôles de concordance des registres auprès des organisations de producteurs, visés à l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 2111/2003, la République italienne soutient qu’il ressort des explications et précisions qu’elle a fournies dans ses courriers des 22 et 29 novembre 2006, 17 septembre 2007 et 3 octobre 2008, que ces contrôles ont correctement été exécutés par le biais d’instructions détaillées aux services compétents et au moyen d’un modèle de procès-verbal de contrôle utilisé par les inspecteurs nationaux après traitement informatique de données recueillies par un logiciel élaboré par l’AGEA. Les données reprises dans ce modèle proviendraient d’une vérification des données inscrites dans les registres visés à l’article 25 du règlement n° 2111/2003 et dans les registres comptables tenus par les organisations de producteurs à des fins fiscales, à savoir le livre des comptes et le registre TVA (taxe sur la valeur ajoutée).

38      Or, par cette argumentation à caractère général, qui reprend, mutatis mutandis, celle déjà développée par les autorités italiennes au cours de la procédure administrative, la République italienne se limite à indiquer qu’elle a adressé aux inspecteurs nationaux un certain nombre d’instructions, en vue de la réalisation de contrôles en conformité avec la réglementation communautaire, sans apporter la moindre preuve de ce que les contrôles de concordance requis par l’article 24 du règlement n° 2111/2003 ont été effectifs au moyen notamment de copies de procès-verbaux d’inspections sur place concrètement exécutées au cours de la période pertinente. À cet égard, s’agissant de vérifications qui revêtent une importance fondamentale dans la détection d’éventuelles irrégularités, c’est à bon droit que la Commission a conclu que les autorités italiennes ne pouvaient pas se limiter, ainsi qu’elles l’ont fait devant l’organe de conciliation, à présenter un modèle de formulaire prétendument destiné aux vérifications croisées des registres tenus en vertu des articles 25 et 26 du règlement n° 2111/2003 et de la comptabilité officielle.

39      Ainsi que les inspecteurs l’ont relevé, en vue de prévenir l’octroi indu d’aides, le contrôle de concordance aurait dû porter sur la totalité des factures enregistrées dans la comptabilité officielle afin de garantir que l’ensemble des produits bénéficiant des aides à la transformation étaient effectivement issus de livraisons effectuées sur la base de contrats enregistrés et d’exclure qu’ils puissent correspondre à des produits achetés déjà transformés.

40      Deuxièmement, s’agissant de la vérification, en conformité avec l’article 24, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 2111/2003, des achats de produits finis au cours des contrôles visés à l’article 27, paragraphe 2, sous c), du même règlement, la République italienne avance que, ainsi qu’elle l’a mentionné à maintes reprises, la concordance entre les produits entrés en stock et les produits vendus a été dûment vérifiée auprès des transformateurs, et ce sur la base des factures d’achat et de vente ainsi que des registres de stocks et de livres comptables tenus conformément au droit fiscal italien.

41      Or, force est de relever que, par ces arguments, qui correspondent en substance à ceux présentés au cours de la procédure administrative, la République italienne ne répond pas à la critique précisément formulée par la Commission, à savoir que les contrôles administratifs et comptables portant sur les quantités de produits finis étaient effectués exclusivement sur la base de factures, et non sur le fondement de l’ensemble des données reprises dans la comptabilité officielle.

42      Troisièmement, en ce qui concerne l’obligation, visée à l’article 27, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 2111/2003, d’effectuer les contrôles administratifs sur un minimum de 5 % des producteurs, la République italienne estime que la différence entre ce pourcentage et celui effectivement atteint était si minime qu’elle n’était pas de nature à compromettre l’efficacité des contrôles. Elle fait également valoir que, ainsi qu’elle l’avait indiqué à la Commission, notamment dans son courrier du 22 novembre 2006 et lors de la réunion bilatérale du 20 mars 2007, il lui était impossible de constituer l’échantillon de 5 % dans le court laps de temps qui lui était imparti pour respecter le délai de versement des paiements.

43      Cette argumentation ne saurait davantage prospérer.

44      Tout d’abord, la République italienne reconnaît que, ainsi que les services de la Commission l’avaient constaté lors de la mission d’enquête, les contrôles mis en place dans le secteur de la transformation des agrumes ne satisfaisaient pas totalement, au cours de la période pertinente, aux dispositions impératives de l’article 27, paragraphe 1, sous b), i), du règlement n° 2111/2003. Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, le FEOGA ne finance que les interventions effectuées conformément aux dispositions communautaires dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles. Dès lors, une fois établie la violation des règles prévues dans le cadre d’un régime d’aide aux producteurs s’insérant dans l’organisation commune des marchés agricoles, la Commission ne dispose d’aucune marge d’appréciation pour accepter ou rejeter une dépense du financement communautaire, en fonction notamment de ses effets plus ou moins graves sur le plan financier pour le FEOGA (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 18 avril 2002, Belgique/Commission, C‑332/00, Rec. p. I‑3609, point 46, et arrêt Italie/Commission, point 33 supra, point 49).

45      En outre, il importe de rappeler qu’un État membre ne saurait exciper de dispositions pratiques ou de situations de son ordre juridique interne pour justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des règles communautaires. En particulier, un État membre ne saurait invoquer des difficultés pratiques pour justifier le défaut de mise en œuvre de contrôles appropriés (voir arrêt Italie/Commission, point 33 supra, point 77, et la jurisprudence citée). Dès lors, à les supposer avérées, la République italienne ne saurait se référer aux difficultés qu’elle a prétendument rencontrées dans la programmation en temps voulu d’un nombre suffisant de contrôles.

46      Quatrièmement, quant à l’obligation d’effectuer les contrôles visés à l’article 27 du règlement n° 2111/2003 de façon inopinée, conformément à l’article 24, paragraphe 1, sous e), de ce règlement, la République italienne souligne que les services compétents ont mis en place un mécanisme de contrôle structuré et continu afin de garantir notamment le caractère aléatoire des inspections effectuées auprès des transformateurs d’agrumes. Ainsi que cela aurait été précisé au cours de la procédure administrative, le mécanisme mis en place assurerait que les entreprises ne sont pas averties de la date à laquelle les services régionaux effectuent les contrôles. La République italienne souligne, en outre, que les contrôles ont porté sur un pourcentage de transformateurs supérieur à celui prévu par la réglementation pertinente.

47      Or, par ces précisions, qui reprennent, pour l’essentiel, celles qui ont été fournies au cours de la procédure d’apurement des comptes, la République italienne se borne à présenter au Tribunal une série d’affirmations générales concernant les mesures prises pour garantir la mise en place de contrôles efficaces, qui ne s’appuient cependant sur aucun élément de preuve concret et précis de la réalisation desdits contrôles de manière inopinée. Force est, là encore, de constater que la République italienne est restée en défaut de répondre au reproche qui avait été précisément formulé par les services de la Commission quant au non-respect de l’exigence de contrôles inopinés. La Commission avait, en effet, conclu que les transformateurs d’agrumes étaient en mesure de prévoir, avec une probabilité raisonnable, les quantités de produits qui seraient soumises à des contrôles physiques, puisque lesdits contrôles ne portaient que sur les quantités livrées le jour même. Or, cette conclusion n’a pas été sérieusement infirmée par les autorités italiennes qui se sont limitées à indiquer que le choix du jour de vérification était effectué par hasard et que les entreprises de transformation n’étaient pas averties de la date à laquelle les services de l’administration régionale effectuaient leurs contrôles administratifs et comptables. Ce qui a été mis en cause en l’occurrence est la prévisibilité des quantités sur lesquelles portaient ces contrôles et non celle de la date effective desdits contrôles.

48      Il résulte de ces considérations que les allégations de la République italienne n’ont pas été corroborées par des éléments concrets et précis de nature à infirmer le bien-fondé des doutes raisonnables manifestés par la Commission à l’égard de l’existence et de l’efficacité des systèmes de contrôles devant être mis en place en application des dispositions des articles 24 à 27 du règlement n° 2111/2003.

49      C’est à tort que la République italienne laisse supposer que la Commission n’a pas pris en compte les éclaircissements fournis au cours de la procédure d’apurement en cause. En effet, ainsi qu’il ressort des courriers échangés au cours de la procédure administrative, notamment des lettres des 11 juin 2007 et 21 août 2008, la Commission a effectivement tenu compte des indications et des explications fournies par les autorités italiennes, mais a considéré qu’elles n’étaient pas suffisantes pour dissiper les doutes qu’elle éprouvait à l’égard de l’effectivité et de l’efficacité des contrôles.

50      Ensuite, s’agissant de l’allégation selon laquelle la correction appliquée en l’espèce serait disproportionnée, il suffit de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que la Commission peut refuser la prise en charge de l’intégralité des dépenses exposées si elle constate qu’il n’existe pas de mécanismes de contrôle suffisants (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 février 2005, Pays-Bas/Commission, C‑318/02, non publié au Recueil, point 45, et la jurisprudence citée). En l’espèce, il apparaît que les carences relevées par les services de la Commission concernent des éléments importants du système de contrôle ainsi que l’exécution de contrôles qui jouent un rôle majeur pour la détermination de la régularité de la dépense, de sorte qu’il pouvait être raisonnablement conclu que le risque de pertes pour le FEOGA était significatif. En conséquence, le montant non reconnu par la Commission, limité à 5 % des dépenses concernées, ne peut pas être considéré comme excessif et disproportionné. Au demeurant, il convient de relever que la Commission a appliqué une correction financière correspondant au taux le moins élevé prévu par l’annexe 2 du document n° VI/5330/97 dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, il est établi qu’un contrôle clé n’a pas été correctement exécuté.

51      Enfin, le grief tiré d’un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne la justification de la correction financière appliquée, qui n’a pas été invoqué comme un moyen indépendant, ne doit pas être examiné séparément (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 27 octobre 2005, Grèce/Commission, C‑387/03, non publié au Recueil, points 93, 116 et 135). En tout état de cause, à le supposer même soulevé, un tel moyen ne saurait davantage prospérer. En effet, selon une jurisprudence constante, dans le contexte particulier de l’élaboration des décisions relatives à l’apurement des comptes du FEOGA, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge du FEOGA la somme litigieuse (arrêts de la Cour du 13 décembre 1990, Pays-Bas/Commission, C‑22/89, Rec. p. I‑4799, point 18, et du 1er octobre 1998, Pays-Bas/Commission, C‑27/94, Rec. p. I‑5581, point 36).

52      Or, en l’espèce, il ressort du dossier que les autorités italiennes ont été étroitement associées au processus d’élaboration de la décision attaquée. En effet, force est de constater que les incertitudes que la Commission éprouvait quant à la fiabilité du système de contrôle dans le secteur de la transformation des agrumes en Sicile ont, à diverses reprises, été portées à la connaissance de ces autorités par écrit, que des discussions ont eu lieu à cet égard et que l’organe de conciliation a été saisi. De surcroît, la Commission a indiqué de manière précise et circonstanciée, tant dans la communication officielle du 21 août 2008 que dans le rapport de synthèse, les raisons qui l’ont amenée à appliquer la correction financière litigieuse.

53      Par conséquent, la motivation de la décision attaquée doit être considérée comme suffisante.

54      Aucun des arguments présentés par la République italienne n’ayant prospéré, il convient de rejeter le recours.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République italienne ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République italienne est condamnée aux dépens.

Moavero Milanesi

Wahl

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.