Language of document : ECLI:EU:T:2019:446

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 juin 2019 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Instrument d’aide à la préadhésion – État tiers – Marché public national – Gestion décentralisée – Décision d’une autorité nationale – Enquêtes de l’OLAF – Préjudice moral – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 2185/96 – Principe de bonne administration – Confiance légitime – Proportionnalité – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑617/17,

Vialto Consulting Kft., établie à Budapest (Hongrie), représentée par Mes V. Christianos et S. Paliou, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. D. Triantafyllou, J. Baquero Cruz et J. Estrada de Solà, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi du fait des illégalités qu’auraient commises, d’une part, l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) lors d’un contrôle effectué dans les locaux de la requérante et, d’autre part, la Commission européenne à la suite dudit contrôle,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 janvier 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Vialto Consulting Kft., est une société de droit hongrois fournissant des services de conseil à des entreprises et à des entités appartenant aux secteurs privé et public.

2        En vertu de l’article 1er du règlement (CE) no 1085/2006 du Conseil, du 17 juillet 2006, établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO 2006, L 210, p. 82), l’Union européenne aide les pays mentionnés aux annexes I et II de ce règlement, parmi lesquels figure la République de Turquie, à s’aligner progressivement sur les normes et les politiques de l’Union, y compris, le cas échéant, l’acquis communautaire, en vue de leur adhésion.

3        Le 22 avril 2011, la Commission européenne a conclu une convention de financement avec la République de Turquie sous le régime de la gestion décentralisée avec contrôle ex ante, qui s’inscrivait dans le cadre du programme national en faveur de la République de Turquie au titre de la composante « aide à la transition et [au] renforcement des institutions » de l’IAP. La structure d’exécution, au sens de l’article 21 du règlement (CE) n° 718/2007 de la Commission, du 12 juin 2007, portant application du règlement (CE) n° 1085/2006 du Conseil établissant un instrument d’aide de préadhésion (IAP) (JO 2007, L 170, p. 1), désignée était la Central Finance and Contracts Unit (CFCU).

4        Le 17 décembre 2013 a été publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne (JO 2013/S 244-423607) sous la référence EuropeAid/132338/D/SER/TR, un appel d’offres restreint portant sur la fourniture de services de contrôle de qualité externe dans le cadre du projet TR2010/0311.01 « Digitization of Land Parcel Identification System » (numérisation du système d’identification des parcelles agricoles) (ci-après le « projet en cause »). L’objet de l’appel d’offres était de conclure un contrat pour une durée initiale de 26 mois et pour un budget maximal de 4 500 000 euros. Le pouvoir adjudicateur désigné dans l’appel d’offres était la CFCU.

5        Le 19 septembre 2014, le marché correspondant à l’appel d’offres en cause a été attribué à un consortium coordonné par Agrotec S.p.A. (ci-après le « consortium ») et composé de cinq participants, parmi lesquels la requérante. Le consortium a signé avec la CFCU le contrat de prestation de services portant la référence TR2010/0311.01-02/001 (ci-après le « contrat en cause »).

6        À la suite de l’ouverture d’une enquête en raison de soupçons d’actes de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet en cause, sur le fondement de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a décidé de procéder à des contrôles et à des vérifications dans les locaux de la requérante (ci-après le « contrôle sur place »).

7        Le 7 avril 2016, l’OLAF a délivré deux mandats désignant les agents chargés d’effectuer un contrôle sur place et une expertise technico-légale numérique. Aux termes de ces mandats, le but du contrôle sur place était de rassembler les preuves détenues par la requérante de son implication éventuelle dans les actes de corruption et de fraude qui auraient été commis dans le cadre du projet en cause. Le but de l’expertise technico-légale numérique était d’obtenir, notamment, des images technico-légales numériques de tous les appareils numériques de la requérante utilisés pour la gestion du projet en cause, tels que les ordinateurs de bureau, les ordinateurs portables, les tablettes, les dispositifs de stockage externes ou portables, les téléphones mobiles et tous autres appareils pouvant être pertinents aux fins de l’enquête, des serveurs d’échange de données et d’échange de fichiers, de la correspondance électronique de la direction et des employés de la requérante, des boîtes fonctionnelles de courrier électronique utilisées pour l’exécution du projet en cause ainsi que des fichiers ou dossiers figurant dans le réseau de la requérante qui pouvaient être pertinents aux fins de l’enquête.

8        Le contrôle sur place et l’expertise technico-légale numérique ont été réalisés du 12 au 14 avril 2016. Un procès-verbal de chaque journée de contrôle a été dressé par l’OLAF. Il a été relevé dans le procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016 que la requérante avait refusé de fournir à l’OLAF certaines informations. La requérante a signé chacun des procès-verbaux, le cas échéant en formulant des commentaires.

9        Par lettre du 6 mai 2016, la requérante a saisi l’OLAF d’une plainte par laquelle elle a contesté ou commenté certains éléments contenus dans les procès-verbaux visés au point 8 ci-dessus. En particulier, elle a affirmé qu’elle n’était tenue de coopérer avec l’OLAF que dans la limite de l’objet de l’enquête menée par celui-ci, à savoir le financement du projet en cause, et que, par conséquent, elle n’était obligée de mettre à la disposition de l’OLAF que des informations relatives à l’objet de cette enquête. En outre, elle a demandé à l’OLAF de prendre les mesures appropriées au regard des manquements aux garanties procédurales commis par ses agents lors du contrôle sur place. L’OLAF a accusé réception de cette plainte le 18 mai 2016.

10      Par lettre du 8 juillet 2016, l’OLAF a répondu à la plainte de la requérante. Après avoir résumé les griefs de cette dernière et rappelé l’étendue de ses pouvoirs d’enquête, il a fait valoir que ses enquêteurs avaient le droit de réaliser des images technico-légales numériques des disques durs de la requérante et qu’il avait mis fin au contrôle sur place en raison d’un défaut de coopération de celle-ci. En effet, la requérante, d’une part, ne l’avait pas autorisé à emporter une copie des informations présélectionnées ni, par conséquent, des images technico-légales numériques réalisées et, d’autre part, n’avait pas fourni les informations financières demandées. L’OLAF a ajouté que l’article 339 TFUE et l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 garantissaient la confidentialité des informations collectées. Il en a conclu que, d’une part, ses agents avaient mené le contrôle sur place dans la limite de leurs pouvoirs et, d’autre part, la protection des secrets d’affaires de la requérante ne constituait pas une raison légitime pouvant faire obstacle à leurs investigations. Il en a déduit qu’aucun manquement aux droits procéduraux de la requérante n’avait été commis lors du contrôle sur place.

11      Par lettre du 14 septembre 2016, l’OLAF a informé la requérante qu’elle était considérée comme une personne concernée par l’enquête portant sur les soupçons de corruption ou de fraude existant à l’égard du projet en cause et l’a invitée à présenter ses observations dans un délai de dix jours.

12      Par lettre du 23 septembre 2016, la requérante a présenté à l’OLAF ses observations et a affirmé avoir eu un comportement conforme aux règles applicables et respecté toutes les conditions d’un accès légitime de l’OLAF à ses données. Elle s’est dite prête à continuer à coopérer avec l’OLAF et à lui donner accès à toute donnée pertinente pouvant être collectée aux fins de l’enquête menée par celui-ci.

13      Par lettre du 29 septembre 2016, la CFCU a informé Agrotec du déroulement du contrôle sur place dans les locaux de la requérante et du fait que cette dernière n’avait pas consenti à donner à l’OLAF accès à certaines informations demandées par ce dernier pour mener à bien son enquête. Elle a ajouté que l’OLAF considérait que, par son comportement, la requérante avait violé l’article 25 des conditions générales applicables au contrat en cause (ci-après les « conditions générales ») et que celui-ci examinait la situation avec les services compétents de la Commission. Faisant enfin valoir que, selon les conditions générales, Agrotec était son unique interlocuteur pour toutes les questions contractuelles et financières, la CFCU a informé cette société que, en conséquence, elle suspendait de manière préventive le paiement des factures présentées par celle-ci, au moins jusqu’à la clôture de l’enquête de l’OLAF.

14      Le 30 septembre 2016, Agrotec a transmis à la requérante la lettre de la CFCU reçue la veille et l’a invitée, d’une part, à clarifier immédiatement avec l’OLAF la situation dans laquelle elle se trouvait et, d’autre part, à l’informer, ainsi que les autres membres du consortium, de l’existence de tout manquement de sa part qui aurait conduit à l’ouverture de l’enquête de l’OLAF. Elle a ajouté qu’elle se réservait le droit d’adopter les mesures nécessaires, notamment auprès de la CFCU, pour protéger ses intérêts des actes incompatibles avec leur partenariat que la requérante aurait commis.

15      Par lettre du 4 octobre 2016, la requérante a informé Agrotec de l’état de l’enquête de l’OLAF à son égard et lui a transmis la correspondance qu’elle a échangée avec ce dernier. En outre, elle lui a fait part des raisons pour lesquelles elle considérait que la CFCU n’était pas fondée, au regard des conditions générales, à décider de suspendre les paiements relatifs au contrat en cause.

16      Par lettre du 6 octobre 2016, la CFCU a fait savoir à Agrotec que l’OLAF l’avait informée de l’enquête qu’il menait et que, dès lors que les mesures à prendre à l’égard de la requérante n’étaient pas encore arrêtées, la Commission lui avait recommandé de suspendre tous les paiements à l’égard du consortium jusqu’à la fin de l’enquête de l’OLAF.

17      Par lettre du 13 octobre 2016, la direction générale (DG) « Voisinage et négociations d’élargissement » de la Commission (ci-après la « DG “Élargissement” ») a informé la CFCU du refus de la requérante, contrevenant à l’article 25 des conditions générales, de coopérer à l’enquête menée par l’OLAF et l’a invitée à prendre les mesures nécessaires en application desdites conditions générales et, à cet égard, à envisager comme l’une des mesures possibles la suspension de l’exécution du contrat en cause ou de la partie dudit contrat exécutée par la requérante, sur le fondement des articles 25 et 35 des conditions générales. Elle a ajouté qu’elle considérait que les montants payés à la requérante dans le cadre du contrat en cause n’étaient pas éligibles au financement par le budget de l’Union et a invité la CFCU à déterminer exactement lesdits montants.

18      Par lettre du 9 novembre 2016, l’OLAF a informé la requérante de la clôture de son enquête, de la transmission de son rapport d’enquête final à la DG « Élargissement » et des recommandations qu’il a faites à ladite DG de prendre les mesures appropriées afin de garantir l’application des procédures et des sanctions qui découlent de la violation grave par la requérante des conditions générales.

19      Par lettre du 11 novembre 2016, la CFCU a informé Agrotec de la clôture de l’enquête de l’OLAF et de la conclusion de ce dernier selon laquelle la requérante avait violé l’article 25 des conditions générales. La CFCU a également informé Agrotec de sa décision d’exclure la requérante du contrat en cause, dans tous ses aspects, et de poursuivre l’exécution dudit contrat, au lieu de la suspendre totalement, comme le lui avait recommandé, comme l’une des mesures possibles, la DG « Élargissement ». En conséquence, la CFCU a demandé à Agrotec de mettre immédiatement fin aux activités de la requérante à compter du 11 novembre 2016 et d’entreprendre les démarches nécessaires au retrait de cette dernière du consortium, à savoir la rédaction d’un addendum au contrat en cause.

20      Le 17 novembre 2016 a été signé entre Agrotec et les membres du consortium, excepté la requérante, un addendum à l’accord de coopération conclu entre eux, ayant pour objet d’établir une nouvelle répartition du travail entre ces membres.

21      Par courrier du 5 décembre 2016 adressé à la CFCU, la requérante a contesté son exclusion du contrat en cause. La CFCU a rejeté les arguments de la requérante par lettre du 10 janvier 2017.

22      Le 13 décembre 2016 a été signé entre la CFCU et Agrotec un addendum au contrat en cause ayant pour objet de retirer la requérante de la liste des membres du consortium et d’en tirer les conséquences, notamment sur le plan financier.

23      Par lettre du 6 janvier 2017, la CFCU a informé Agrotec que le montant correspondant à la participation de la requérante à l’exécution du contrat en cause s’élevait à 182 350,75 euros et que ce montant était, en raison de la violation par la requérante de ses obligations contractuelles, inéligible au financement par le budget de l’Union.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 septembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.

25      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission à lui verser les sommes de 320 944,56 euros en réparation du préjudice matériel et de 150 000 euros en réparation du préjudice moral qu’elle aurait prétendument subis du fait des illégalités qu’auraient commises l’OLAF lors du contrôle sur place et la Commission à la suite dudit contrôle, augmentées d’intérêts moratoires au taux fixé par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement, majoré de deux points de pourcentage ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      Lors de l’audience, la requérante a renoncé à demander réparation d’un préjudice matériel et a réduit la somme demandée en réparation de son préjudice moral allégué à 25 000 euros, majorée d’intérêts.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la compétence et sur la recevabilité

28      Sans soulever formellement une exception d’incompétence ou d’irrecevabilité au titre de l’article 130 du règlement de procédure du Tribunal, la Commission fait valoir que l’acte à l’origine du préjudice subi par la requérante est la décision de la CFCU, du 11 novembre 2016, de l’exclure du contrat en cause, et non un acte qui lui serait imputable ou qui serait imputable à l’OLAF. Elle en déduit que le recours de la requérante vise à la réparation d’un préjudice causé, en réalité, par des actes de la CFCU et d’Agrotec, dont le Tribunal serait incompétent pour connaître, et que la requérante aurait dû introduire un recours devant les juridictions nationales compétentes.

29      En vertu des dispositions de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE, le Tribunal, en matière de responsabilité non contractuelle, est compétent pour connaître des litiges relatifs à la réparation des dommages causés par les institutions de l’Union ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

30      En l’espèce, la requérante impute à l’OLAF et à la Commission les illégalités qui, selon elle, sont à l’origine du préjudice dont elle demande réparation. Ces illégalités auraient été commises, respectivement, par l’OLAF lors du contrôle sur place et par la Commission à la suite de ce contrôle.

31      En effet, au soutien de son recours, la requérante reproche à l’OLAF d’avoir violé l’article 7, paragraphe 1, du règlement (Euratom, CE) no 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2), le droit à une bonne administration ainsi que les principes de non-discrimination, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité. Elle reproche également à la Commission d’avoir violé le droit d’être entendu.

32      Ce faisant, la requérante demande réparation des dommages prétendument causés par l’OLAF et la Commission dans l’exercice de leurs fonctions respectives, conformément aux dispositions de l’article 268 TFUE et de l’article 340, deuxième et troisième alinéas, TFUE. Contrairement à ce que fait valoir la Commission, la requérante n’invoque pas l’illégalité d’actes imputables à la CFCU.

33      Dès lors, c’est à tort que la Commission conteste la compétence du Tribunal et, pour ce motif, la recevabilité du recours.

 Sur le fond

34      L’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du 14 octobre 2014, Giordano/Commission, C‑611/12 P, EU:C:2014:2282, point 35 et jurisprudence citée).

35      S’agissant de la condition relative au comportement illicite reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union concerné, seule une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers permet d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 42 et jurisprudence citée).

36      S’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si la partie requérante a effectivement subi un préjudice réel et certain. Il appartient à la partie requérante d’apporter des preuves concluantes tant de l’existence que de l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du 2 juillet 2003, Hameico Stuttgart e.a./Conseil et Commission, T‑99/98, EU:T:2003:181, point 67 et jurisprudence citée).

37      S’agissant de la condition relative à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué, ledit préjudice doit découler de façon suffisamment directe du comportement reproché, ce dernier devant constituer la cause déterminante du préjudice. Il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice invoqué (voir arrêt du 19 juillet 2007, Bouychou/Commission, T‑344/04, non publié, EU:T:2007:234, point 40 et jurisprudence citée).

38      Étant donné le caractère cumulatif de ces conditions, le fait que l’une d’entre elles fasse défaut suffit pour rejeter le recours (arrêt du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14).

39      Il convient d’examiner d’abord la condition relative à l’illégalité des comportements reprochés à l’OLAF et à la Commission.

40      Au soutien de son recours, la requérante invoque la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, du droit à une bonne administration, des principes de non-discrimination, de protection de la confiance légitime et de proportionnalité, ainsi que du droit d’être entendu.

41      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’OLAF a ouvert une enquête en raison de soupçons d’actes de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet en cause, sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013.

42      Aux termes de l’article 3, paragraphe 2, du règlement no 883/2013 :

« En vue d’établir l’existence d’une fraude, d’un acte de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, en liaison avec une convention ou décision de subvention ou un contrat concernant un financement de l’Union, l’Office peut procéder, conformément aux dispositions et procédures prévues par le règlement […] no 2185/96, à des contrôles et vérifications sur place auprès d’opérateurs économiques. »

43      Le 7 avril 2016, l’OLAF a délivré des mandats à ses agents pour effectuer un contrôle sur place dans les locaux de la requérante et une expertise technico-légale numérique des données de cette dernière, dans le but de recueillir des preuves de la possible participation de celle-ci à des faits de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet en cause. Selon le point 1.5 des lignes directrices destinées au personnel de l’OLAF concernant les procédures technico-légales numériques (ci-après les « lignes directrices de l’OLAF »), une telle expertise consiste dans la réalisation du contrôle technologique, de l’acquisition et de l’examen de médias numériques ou de leur contenu à l’aide d’équipements de criminalistique et d’outils logiciels. L’objectif d’une telle expertise est de localiser, de recenser, de collecter, d’acquérir et de préserver des données susceptibles d’avoir une pertinence dans le cadre d’une enquête et d’être utilisées à titre de preuves dans le cadre de procédures administratives, disciplinaires et judiciaires.

44      Les procédures de réalisation d’une expertise technico-légale numérique et d’exploitation des résultats d’une telle expertise sont décrites aux articles 4 et 8 des lignes directrices de l’OLAF. Il en ressort que la pratique consistant à réaliser une image technico-légale numérique d’un disque dur d’un ordinateur ou une copie de données stockées sur un support de données numériques a pour but de rechercher dans le disque dur d’un ordinateur ou sur tout autre support de données numériques à l’aide d’un logiciel spécifique les informations pertinentes au regard de l’objet de l’inspection par l’utilisation de mots-clés.

45      Il ressort des articles 4.3 et 4.4 des lignes directrices de l’OLAF que cette recherche nécessite de réaliser d’abord une copie des données contenues sur le support de données numériques de l’entreprise qui fait l’objet de l’inspection. Dans le cas d’un disque dur d’ordinateur, cette copie prend la forme d’une image technico-légale numérique. Cette image technico-légale numérique permet d’obtenir une copie exacte du disque dur soumis à l’inspection, contenant toutes les données présentes sur ce disque dur au moment précis où la copie est réalisée, y compris les fichiers apparemment supprimés. Ainsi qu’il ressort, en particulier, des articles 4.4 et 4.9 des lignes directrices de l’OLAF, les images technico-légales numériques, une fois réalisées, sont stockées sur des supports numériques, lesquels sont transportés de manière sécurisée jusqu’au laboratoire technico-légal de l’OLAF.

46      Ainsi qu’il ressort de l’article 8.2 des lignes directrices de l’OLAF, les données ainsi transportées sont transférées sur un serveur et constituent le fichier de travail technico-légal. Selon l’article 8.4 desdites lignes directrices est ensuite réalisée une étape appelée « indexation ». Pendant cette étape, un logiciel spécifique place dans un catalogue l’ensemble des lettres et des mots figurant sur le disque dur d’un ordinateur ou sur tout autre support de données numériques soumis à l’inspection. Enfin, à la suite de cette étape, les informations pertinentes au regard de l’objet de l’inspection peuvent être recherchées à l’aide d’un logiciel spécifique. Ces informations correspondant aux critères de recherche du fichier de travail technico-légal sont extraites pour que l’enquêteur puisse y avoir accès et les lire.

47      En l’espèce, les opérations de contrôle sur place et d’expertise technico-légale numérique se sont déroulées du 12 au 14 avril 2016.

48      Il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 12 avril 2016 que les agents de l’OLAF, accompagnés d’un agent de la représentation de la Commission en Hongrie et d’un représentant de la Anti-fraud Coordination Structure (AFCOS, structure de coordination antifraude, Hongrie) ont pénétré dans les locaux de la requérante et que, après des présentations avec un représentant de la requérante, ce dernier a communiqué aux agents de l’OLAF un dossier contenant les documents relatifs au contrat en cause ainsi que les noms des deux personnes, dont lui-même, chargées de l’exécution dudit contrat pour la requérante.

49      Il ressort également de ce procès-verbal que les agents de l’OLAF ont demandé à avoir accès aux ordinateurs de ces deux personnes afin de réaliser des images technico-légales numériques de leurs disques durs pour récupérer les données relatives au projet en cause depuis le mois de janvier 2012. Le représentant de la requérante a rejeté la demande de l’OLAF, au motif, notamment, que le disque dur de son ordinateur contenait de nombreuses données qui ne concernaient pas le projet en cause et qu’il ne souhaitait pas voir divulguées.

50      Ainsi qu’il en est fait mention dans ledit procès-verbal, les avocats de la requérante ont ensuite expliqué aux agents de l’OLAF que le représentant de cette dernière souhaitait coopérer avec eux, mais qu’il ne souhaitait pas rendre accessibles à l’OLAF des données qui n’étaient pas liées au projet en cause, en raison des obligations de confidentialité existant entre la requérante et ses partenaires commerciaux. Les agents de l’OLAF ont expliqué que la réalisation d’une image technico-légale numérique des disques durs était la méthode la plus rapide et la plus sûre, tandis qu’une recherche réalisée sur place à partir de mots-clés serait extrêmement coûteuse en temps et ne permettrait pas d’accéder aux données supprimées liées au projet en cause.

51      Il est également mentionné dans le procès-verbal relatif à la journée du 12 avril 2016 que les représentants de la requérante ont informé les agents de l’OLAF qu’ils acceptaient de leur donner accès à toutes les informations demandées à condition qu’elles soient liées au projet en cause. Ils ont insisté sur la nécessité d’une séparation claire entre les données liées au projet en cause et celles qui ne l’étaient pas, effectuée en présence des agents spécialisés de l’OLAF et de la requérante. Ils ont indiqué qu’alors seule la copie des données liées au projet en cause pourrait être communiquée aux agents de l’OLAF.

52      Selon ce même procès-verbal, les agents de l’OLAF ont proposé une méthode de réalisation de l’expertise technico-légale numérique en trois étapes. Dans un premier temps, seraient réalisées des images technico-légales numériques des données demandées par l’OLAF, qui ne seraient utilisées que dans les locaux de la requérante. Dans un deuxième temps, lesdites images feraient l’objet d’une indexation afin qu’une recherche à l’aide de mots-clés soit plus rapide et plus efficace. Dans un troisième temps, les agents de l’OLAF exporteraient les données pertinentes collectées et réaliseraient une image technico-légale numérique, ultérieurement analysée, des seuls fichiers sélectionnés, et non de l’intégralité des données. Cette proposition a été acceptée par le représentant de la requérante. Il a été décidé que l’expertise technico-légale proprement dite serait réalisée le lendemain.

53      Il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 13 avril 2016 que la requérante a demandé aux agents de l’OLAF que les images technico-légales numériques des disques durs des ordinateurs concernés soient réalisées sur du matériel qu’elle lui fournirait, ce que l’OLAF a accepté. Au cours de cette journée, les images technico-légales numériques des données contenues sur le serveur de la requérante, de la correspondance électronique des deux personnes participant à l’exécution du contrat en cause ainsi que des disques durs des ordinateurs portables de ces personnes ont été réalisées. En outre, l’indexation des données contenues sur le serveur de la requérante a été entièrement effectuée et celle des données contenues sur lesdits disques durs a été entamée.

54      Il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016 que, à l’arrivée des agents de l’OLAF dans les locaux de la requérante, le processus, entamé la veille, d’indexation des données contenues sur les disques durs des ordinateurs des personnes visées au point 53 ci-dessus était encore en cours. En outre, les agents de l’OLAF se sont intéressés à la comptabilité de la requérante et ont demandé à accéder à toutes les transactions de la requérante relatives à des versements et aux paiements de factures, ainsi que toutes les transactions non affectées réalisées par les employés de la requérante et les personnes autorisées par elle depuis le 1er janvier 2012, la liste des clients et des fournisseurs de la requérante et celle de toutes ses transactions bancaires à partir du 1er janvier 2012, depuis tous ses comptes.

55      Selon ce même procès-verbal, le représentant de la requérante alors présent a considéré que les agents de l’OLAF n’étaient habilités à avoir accès qu’aux informations relatives aux transactions directement liées au projet en cause et effectuées depuis la date de la signature du contrat en cause. En conséquence, il n’était prêt à leur communiquer que les informations relatives à de telles transactions. En revanche, il craignait d’être tenu de payer de lourdes pénalités à ses partenaires commerciaux s’il partageait des informations couvertes par le secret professionnel ou des obligations contractuelles de confidentialité. Il a ajouté que, en 2012 et en 2013, il n’y avait eu aucun paiement concernant le projet en cause. Les agents de l’OLAF ont affirmé que le refus du représentant de la requérante de fournir les informations demandées concernant toutes les transactions relatives à des versements et des paiements de factures depuis le 1er janvier 2012 démontrait un manque de coopération de la part de la requérante et, en conséquence, constituait une violation du règlement no 883/2013, en ce que celle-ci refusait de donner à l’OLAF accès à des informations pertinentes pour l’enquête de ce dernier.

56      Concernant les transactions non affectées au projet en cause, il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016 que le représentant de la requérante était uniquement d’accord pour communiquer aux agents de l’OLAF les informations relatives aux transactions réalisées par les deux personnes chargées de l’exécution du projet en cause. Il a refusé de communiquer les données relatives à d’autres employés de la requérante, afin de respecter leur vie privée.

57      Ainsi qu’il en est fait mention dans ledit procès-verbal, la requérante a refusé de fournir les informations demandées concernant toutes les transactions bancaires faites depuis tous ses comptes à partir du 1er janvier 2012.

58      En réponse à une demande en ce sens, la requérante a communiqué aux agents de l’OLAF la liste de ses clients et de ses fournisseurs.

59      Également selon le procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016, à la suite d’échanges entre les agents de l’OLAF et le représentant de la requérante au sujet des clauses de confidentialité liant cette dernière à ses partenaires commerciaux, ce dernier a décidé de ne pas autoriser les agents de l’OLAF à emporter avec eux les éléments de preuve numériques réalisés. Ensuite, après avoir rappelé le contenu des dispositions des lignes directrices concernant les procédures technico-légales numériques, du règlement no 2185/96 et du règlement no 883/2013, ainsi que des stipulations des conditions générales, les agents de l’OLAF ont informé le représentant de la requérante que cette dernière n’avait pas coopéré avec l’OLAF, au sens de l’article 25, paragraphes 2 et 4, des conditions générales, ce qui pourrait être considéré comme étant une violation sérieuse du contrat en cause, susceptible d’entraîner la résiliation de celui-ci sur le fondement de l’article 36, paragraphe 2, sous a), desdites conditions générales. Ils ont ajouté avoir reçu l’instruction de mettre fin au contrôle sur place si la requérante ne coopérait pas.

60      En outre, il ressort du même procès-verbal que, interrogés par un représentant de la requérante quant à la recherche d’une solution acceptable par tous, les agents de l’OLAF ont rappelé qu’ils étaient tenus d’assurer la confidentialité des données collectées et ont proposé d’emporter dans les locaux de l’OLAF les images technico-légales réalisées, en vue de procéder au filtrage des résultats et à la recherche d’informations pertinentes. Ils ont également invité la requérante à leur fournir toutes les informations financières demandées. Le représentant de la requérante a refusé ces propositions.

61      Enfin, il est rappelé dans ce même procès-verbal que les agents de l’OLAF ont obtenu la liste des clients et des fournisseurs de la requérante, ainsi que les copies de documents relatifs à certaines dépenses liées au projet en cause. Il y est également relevé que la requérante a rejeté les demandes des agents de l’OLAF d’obtenir des informations relatives à toutes ses transactions concernant des versements et les paiements de factures, ainsi que toutes les transactions non affectées depuis le 1er janvier 2012 et la liste de toutes les transactions bancaires depuis le 1er janvier 2012 à partir de tous ses comptes bancaires. La requérante a également refusé de laisser les agents de l’OLAF emporter les images technico-légales numériques des disques durs de deux de ses ordinateurs, des données stockées sur ses serveurs et de la correspondance électronique de sa direction et de ses employés.

 Sur la violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96

62      La requérante reproche à l’OLAF d’avoir exigé de pouvoir collecter des données qui n’avaient pas de rapport avec le projet en cause, en violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. En effet, selon la requérante, cette disposition, en prévoyant que l’OLAF ne peut avoir accès qu’aux données « relatives aux opérations concernées », limitait le pouvoir dont disposait ce dernier dans le cadre de son enquête à la collecte de données relatives au projet en cause. Elle ajoute que la circonstance que les agents de l’OLAF sont tenus de respecter le secret professionnel ne les autorisait pas à collecter des données sans lien avec le projet en cause. Elle fait également valoir qu’elle était liée à ses partenaires commerciaux par des clauses de confidentialité ou de secret professionnel qui l’empêchaient, sous peine de lourdes amendes, de laisser les agents de l’OLAF collecter toutes les données qu’il avait demandées.

63      Selon l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement no 2185/96 :

« Les contrôleurs de la Commission ont accès, dans les mêmes conditions que les contrôleurs administratifs nationaux et dans le respect des législations nationales, à toutes les informations et à la documentation relatives aux opérations concernées qui se révèlent nécessaires au bon déroulement des contrôles et vérifications sur place. Ils peuvent utiliser les mêmes moyens matériels de contrôle que les contrôleurs administratifs nationaux et, notamment, prendre copie des documents appropriés. »

64      L’article 7, paragraphe 1, second alinéa, du même règlement précise que :

« Les contrôles et vérifications sur place peuvent notamment concerner :

–        les livres et documents professionnels tels que factures, cahiers des charges, feuilles de paie, bons d’attachement et extraits de comptes bancaires détenus par les opérateurs économiques,

–        les données informatiques,

[…]

–        l’état d’avancement des travaux et des investissements financés, l’utilisation et l’affectation des investissements menés à terme,

–        les documents budgétaires et comptables,

–        l’exécution financière et technique de projets subventionnés. »

65      Il convient de relever que l’article 3, paragraphe 3, troisième alinéa, du règlement no 883/2013, relatif aux enquêtes externes de l’OLAF, qui reprend une partie des termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, prévoit :

« L’État membre concerné veille, conformément au règlement […] no 2185/96, à ce que le personnel de l’[OLAF] puisse avoir accès, dans les mêmes conditions que ses autorités compétentes et dans le respect de la législation nationale, à toutes les informations et à la documentation relatives aux faits faisant l’objet de l’enquête qui s’avèrent nécessaires à l’exécution efficace et efficiente des contrôles et vérifications sur place. »

66      Il en ressort que, dans le cadre d’un contrôle sur place, l’OLAF est autorisé à avoir accès à toutes les informations et à la documentation relatives aux faits faisant l’objet de son enquête et à prendre copie des documents appropriés qui s’avèrent nécessaires pour réaliser un tel contrôle.

67      En outre, ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 ne saurait être interprété d’une manière telle qu’il autorise la personne ou l’entité contrôlée à déterminer elle-même les données pertinentes aux fins d’une enquête de l’OLAF.

68      Il en résulte que, ainsi que le fait valoir la Commission, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 confère à l’OLAF une certaine marge d’appréciation dans la détermination des informations et de la documentation auxquelles il estime nécessaire d’avoir accès et dont il souhaite, à cette fin, prendre copie, dans le cadre d’une enquête ouverte sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013. En outre, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 2185/96, il appartient, en cas de besoin, aux États membres, à la demande de l’OLAF, de prendre les mesures conservatoires appropriées prévues par la législation nationale, notamment pour sauvegarder les éléments de preuve.

69      En l’espèce, il convient de rappeler que l’OLAF a ouvert une enquête sur le fondement de l’article 3 du règlement no 883/2013 en raison de soupçons d’actes de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet en cause et que les agents de l’OLAF ont reçu mandat pour recueillir des preuves de la possible participation de la requérante à de tels actes, en réalisant une expertise technico-légale de certaines ressources numériques de la requérante.

70      Ainsi, le contrôle sur place et l’expertise technico-légale numérique décidés par l’OLAF, d’une part, s’inscrivaient dans le cadre de l’enquête de ce dernier relative à des soupçons d’actes de corruption ou de fraude dans le cadre du projet en cause et, d’autre part, visaient à déterminer si la requérante était impliquée dans de tels actes.

71      Ainsi que cela ressort du point 43 ci-dessus, l’accomplissement de ladite expertise comportait la réalisation d’images technico-légales numériques de données stockées sur différents supports numériques dans les locaux de la requérante. En particulier, les données auxquelles les agents de l’OLAF ont demandé à la requérante à avoir accès étaient :

–        les disques durs des ordinateurs portables des deux personnes chargées de l’exécution du contrat en cause ;

–        les données stockées sur les serveurs de la requérante ;

–        la correspondance électronique de la direction et des employés de la requérante ;

–        toutes les transactions de la requérante concernant des versements et les paiements de factures ;

–        toutes les transactions non affectées des employés de la requérante et des personnes autorisées par elle depuis le 1er janvier 2012 ;

–        la liste de toutes les transactions bancaires faites par la requérante depuis le 1er janvier 2012 à partir de tous ses comptes bancaires ;

–        la liste des clients et des fournisseurs de la requérante.

72      Il y a lieu de considérer que ces données, d’une part, relevaient du type de celles visées à l’article 7, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 2185/96 et, d’autre part, pouvaient être pertinentes dans le cadre de l’enquête de l’OLAF, au sens du point 1.5 des lignes directrices de l’OLAF.

73      En outre, s’agissant, en particulier, de la réalisation d’une image technico-légale numérique, il y a lieu de constater que, dans la mesure où, d’une part, comme cela a été expliqué au point 44 ci-dessus, une telle image est réalisée en vue de procéder à l’indexation des données contenues sur le support numérique en cause et où, d’autre part, cette indexation vise à permettre de rechercher, ensuite, des documents pertinents pour l’enquête de l’OLAF, la réalisation d’une telle image relève des pouvoirs conférés à la Commission par l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

74      Partant, il convient de considérer que les données que l’OLAF a demandé à pouvoir collecter étaient relatives aux opérations concernées, c’est-à-dire aux faits faisant l’objet de l’enquête de celui-ci, et nécessaires au bon déroulement du contrôle sur place, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96.

75      La requérante soutient avoir permis aux agents de l’OLAF d’accéder à toutes les données demandées, en les autorisant à réaliser des images technico-légales numériques. Elle se serait seulement opposée à la collecte de ces données sur des supports devant être emportés dans les locaux de l’OLAF.

76      Or, il convient que les agents de l’OLAF puissent exploiter les données recueillies dans le cadre d’une expertise technico-légale numérique, ce que ne permet pas la seule réalisation d’une image technico-légale numérique.

77      Par ailleurs, s’agissant des arguments de la requérante fondés sur le respect du secret professionnel et sur des clauses contractuelles par lesquelles elle se serait obligée, à l’égard de ses partenaires commerciaux, à ne pas communiquer à des tiers des données les concernant, ils visent à justifier le refus de celle-ci de communiquer à l’OLAF certaines des données auxquelles ce dernier demandait l’accès et non à reprocher à l’OLAF ou à la Commission la violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Dès lors, ces arguments sont dénués de pertinence aux fins d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

78      Au demeurant, il convient de rappeler que l’article 25.3 des conditions générales, dont la requérante n’allègue pas la violation, protège la confidentialité des données auxquelles l’OLAF a accès. Il prévoit que :

« Les agents de la Commission européenne, de l’Office européen de lutte antifraude et de la Cour des comptes européenne reçoivent un accès sur une base confidentielle, dans le respect des tiers et sans préjudice des obligations de droit public s’imposant à eux. »

79      En tout état de cause, en l’espèce, les agents de l’OLAF ayant mis fin au contrôle sur place et à l’expertise technico-légale numérique sans que la requérante leur ait communiqué les données qu’elle estimait relever du secret professionnel ou être couvertes par les clauses contractuelles dont elle se prévaut, l’OLAF ne saurait être considéré comme ayant contraint la requérante à violer ledit secret ou lesdites clauses.

80      Il en résulte que, en demandant à la requérante de pouvoir accéder aux données énumérées au point 71 ci-dessus en vue de leur analyse, l’OLAF n’a commis aucune violation de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96. Partant, les arguments de la requérante doivent être écartés.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

81      La requérante soutient que l’OLAF a violé le principe de proportionnalité en ayant exigé d’avoir accès à l’intégralité de ses données, y compris à celles ne présentant pas de lien avec le projet en cause, telles les informations relatives à ses transactions bancaires depuis 2012, antérieures de deux ans à la signature du contrat en cause. Cette exigence n’était, selon la requérante, pas appropriée et nécessaire à la réalisation de l’enquête et de l’objectif poursuivi par l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, comme l’aurait été, à l’inverse, la mise en œuvre de la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF. Elle ajoute que la DG « Élargissement » a choisi, en violation du principe de proportionnalité, d’adopter à son égard la plus grave des sanctions prévues dans le contrat en cause, à savoir l’exclusion du contrat.

82      Selon le considérant 8 du règlement no 2185/96, les contrôles et vérifications sur place ne peuvent excéder ce qui est nécessaire pour assurer l’application correcte du droit de l’Union.

83      À cet égard, il ressort du point 74 ci-dessus que les agents de l’OLAF étaient fondés, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, à demander à la requérante de leur fournir les informations qu’ils souhaitaient se faire communiquer.

84      Il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 25, paragraphe 1, deuxième phrase, des conditions générales que l’OLAF peut réaliser un audit complet, si nécessaire, sur la base des pièces justificatives comptables, des documents comptables et de tout autre document pertinent concernant le financement du marché concerné.

85      En outre, il ressort de l’article 25, paragraphes 2 et 3, des conditions générales que le contractant autorise l’OLAF à réaliser des contrôles et des vérifications sur place, conformément aux procédures prévues par la législation de l’Union dans le domaine de la protection des intérêts financiers de l’Union contre les fraudes et autres irrégularités et qu’il s’engage à donner un accès approprié aux agents de l’OLAF aux sites et aux lieux où le marché est exécuté, y compris aux systèmes informatiques et à l’ensemble des documents et bases de données relatifs à la gestion technique et financière du projet et à prendre toutes les mesures en vue de faciliter leur travail.

86      Par ailleurs, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, d’éventuelles preuves d’une participation à des actes de corruption ou de fraude commis dans le cadre du projet en cause peuvent avoir été dissimulées et les éventuels actes répréhensibles peuvent avoir été commis aussi bien avant qu’après la signature du contrat en cause par la requérante et la CFCU, voire ne pas concerner directement l’exécution proprement dite dudit contrat. Ainsi, aux fins de la recherche d’éventuelles preuves de la participation d’une personne faisant l’objet d’une enquête à des actes de corruption ou de fraude, l’accès de l’OLAF aux données détenues par cette personne ne saurait être limité, par exemple, aux dossiers ou aux documents désignant de manière expresse le contrat ou le projet en cause. De même, un tel accès peut concerner des données relatives tant à des événements contemporains de la signature dudit contrat qu’à des événements antérieurs ou postérieurs à ladite signature.

87      S’agissant de l’argument relatif à la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF, il suffit de rappeler, pour l’écarter, que, d’une part, la procédure prévue à cette disposition n’est applicable qu’aux données relevant du secret professionnel selon le représentant de l’opérateur économique contrôlé et non à l’ensemble des données faisant l’objet d’une expertise technico-légale numérique. D’autre part, ainsi que cela ressort du procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016, la requérante a refusé l’application de cette procédure après qu’elle lui a été présentée au cours de cette journée.

88      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la DG « Élargissement » a choisi, en violation du principe de proportionnalité, d’adopter à son égard la plus grave des sanctions prévues dans le contrat en cause, à savoir l’exclusion du contrat, il convient de rappeler ce qui suit.

89      Dans sa lettre du 13 octobre 2016, la DG « Élargissement » a informé la CFCU qu’elle considérait que le refus de la requérante de coopérer à l’enquête menée par l’OLAF plaçait cette dernière en situation de violation de l’article 25, paragraphes 2 et 3, des conditions générales. Elle a ajouté que, dans ce contexte, elle invitait la CFCU à prendre les mesures appropriées en application des conditions générales en ce qui concernait la violation du contrat et, à cet égard, à envisager comme l’une des mesures possibles la suspension de l’exécution du contrat en cause ou de la partie dudit contrat exécutée par la requérante.

90      Il ressort de cette lettre que, contrairement à ce que soutient la requérante et comme le fait valoir à juste titre la Commission, la DG « Élargissement » n’a pas formulé à la CFCU de demande expresse tendant à l’exclusion de celle-ci du contrat en cause, une telle mesure n’y étant même pas évoquée.

91      Par lettre du 11 novembre 2016, la CFCU a informé Agrotec que la DG « Élargissement » l’avait invitée à adopter les mesures nécessaires à l’égard de la requérante et qu’elle lui avait recommandé de suspendre l’exécution du contrat en cause ou de la partie dudit contrat exécutée par celle-ci. Elle a ajouté que, aux fins de la réalisation du projet en cause, elle avait décidé d’exclure la requérante du contrat en cause, dans tous ses aspects, et de poursuivre l’exécution dudit contrat, au lieu d’en suspendre l’exécution, comme proposé. En conséquence, la CFCU a demandé à Agrotec de mettre immédiatement fin aux activités de la requérante à compter du 11 novembre 2016 et d’entreprendre les démarches nécessaires au retrait de cette dernière du consortium, à savoir la rédaction d’un addendum au contrat en cause.

92      Il ressort de cette lettre que la CFCU, en décidant l’exclusion de la requérante du contrat en cause, a volontairement choisi de ne pas suivre la proposition de la DG « Élargissement », qu’elle rappelle, de suspendre l’exécution du contrat en cause ou de la partie dudit contrat exécutée par la requérante.

93      Est sans influence sur cette constatation la circonstance, invoquée par la requérante, que, dans sa lettre du 10 janvier 2017 adressée à la requérante, la CFCU a affirmé que la décision prise par la Commission était contraignante pour elle et qu’elle n’était pas en droit de la remettre en cause. En effet, la « décision » évoquée dans cette lettre, ne peut être comprise autrement que comme, ainsi qu’il ressort du texte même de ladite lettre, la demande adressée par la Commission à la CFCU d’adopter les mesures nécessaires à l’égard de la requérante eu égard à la violation par cette dernière de ses obligations contractuelles. À cet égard, la CFCU a relevé que, en raison du fait que l’OLAF avait déjà mené et conclu son enquête, elle ne pouvait pas poursuivre ladite enquête en prenant en considération les arguments et les clarifications apportés par la requérante.

94      Dès lors, la requérante a été exclue du contrat en cause par décision de la CFCU, laquelle a volontairement choisi de ne pas suivre la proposition de la DG « Élargissement » de suspendre l’exécution du contrat en cause et n’était liée par aucune prise de position de cette dernière en ce sens. Partant, il convient de rejeter l’argument relatif à la violation du principe de proportionnalité par la DG « Élargissement ».

95      Il résulte de ce qui précède que la requérante ne saurait invoquer une violation suffisamment caractérisée du principe de proportionnalité. Partant, les arguments de la requérante doivent être écartés.

 Sur la violation du droit à une bonne administration et du principe de non-discrimination

96      La requérante invoque à l’encontre de la Commission la violation du droit à une bonne administration, consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en raison de plusieurs comportements qu’auraient eus les agents de l’OLAF au cours du contrôle sur place. En premier lieu, elle soutient que ces derniers ne l’ont informée de l’existence de la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF, applicable aux données relevant du secret professionnel, que le troisième jour du contrôle sur place, alors qu’elle aurait fait part à ce dernier dès le premier jour du contrôle de l’existence de données dont elle souhaitait protéger la confidentialité. Elle ajoute que cette procédure n’était pas mentionnée dans les mandats délivrés aux agents de l’OLAF et qu’elle était différente de celle appliquée lors du contrôle sur place. En deuxième lieu, elle soutient que les agents de l’OLAF n’ont pas respecté la procédure qu’ils avaient eux-mêmes proposé d’appliquer le premier jour du contrôle sur place, en faisant pression sur elle le dernier jour pour qu’elle consente à les laisser emporter l’ensemble des données numériques auxquelles ils avaient demandé l’accès, alors même qu’ils avaient accepté au début du contrôle de n’emporter in fine que les données en rapport avec le projet contrôlé. En troisième lieu, elle reproche aux agents de l’OLAF de n’avoir pas réalisé dans ses locaux les étapes d’indexation et de recherche des informations pertinentes de l’expertise technico-légale numérique aux fins de son enquête, contrairement à la procédure proposée le premier jour du contrôle.

97      Ainsi que la requérante le fait valoir, l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2013 prévoit que l’OLAF enquête à charge et à décharge et que les enquêtes de ce dernier sont conduites de façon objective et impartiale, dans le respect du principe de la présomption d’innocence et des garanties de procédure exposées dans cet article.

98      En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs à la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF, il convient de relever que, selon cet article :

« Si, au cours d’un contrôle sur place d’un opérateur économique, son représentant affirme que le dispositif faisant l’objet de l’expertise technico-légale numérique contient des données relevant du secret professionnel, les données sont acquises et placées dans une enveloppe scellée. Le représentant de l’opérateur économique est informé qu’il sera invité à participer à une réunion afin de régler la question avant l’ouverture par l’OLAF de l’enveloppe scellée, durant laquelle il peut être assisté par la personne de son choix. Les [agents de l’OLAF] scellent l’enveloppe avec un numéro de référence unique et en assument la garde jusqu’à ce qu’une réunion soit organisée. Cette information doit être mentionnée dans le “rapport sur l’expertise technico-légale numérique”. Si l’opérateur économique s’oppose à cette procédure, il y a lieu que l’OLAF invite les autorités nationales compétentes de l’État membre ou du pays tiers à prendre les mesures conservatoires appropriées prévues par la législation nationale pour sauvegarder les éléments de preuve, comme l’autorise l’article 7, paragraphe 2, du règlement […] no 2185/96. »

99      En l’espèce, il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016 que les agents de l’OLAF se sont référés à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF à la suite du refus de la requérante de leur remettre les images technico-légales des disques durs des ordinateurs portables de deux employés de la requérante, des données stockées sur le serveur de la requérante ainsi que de la correspondance électronique desdits employés qui avaient été réalisées au cours du contrôle sur place. En outre, les agents de l’OLAF ont décrit à la requérante la procédure prévue par cette disposition et celle-ci a de nouveau refusé de remettre aux agents de l’OLAF lesdites images technico-légales.

100    La requérante a donc refusé l’application de la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF que lui ont présentée les agents de l’OLAF au cours du contrôle sur place.

101    Au demeurant, il convient de relever qu’il est fait référence aux lignes directrices de l’OLAF dans le feuillet d’information de l’OLAF sur les expertises technico-légales numériques, que la requérante ne conteste pas s’être fait remettre le premier jour du contrôle sur place, le 12 avril 2016, et que lesdites lignes directrices sont rassemblées dans un document librement accessible.

102    Dans ces conditions, les circonstances selon lesquelles, d’une part, l’existence de la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF ne figurait pas dans les mandats en vertu desquels le contrôle sur place et l’expertise technico-légale numérique ont été réalisés et, d’autre part, la requérante avait informé lesdits agents dès le premier jour du contrôle sur place de l’existence de données confidentielles ou relevant, selon elle, du secret professionnel, ne caractérisent pas une situation constitutive d’une violation suffisamment caractérisée du droit à une bonne administration ou de principe de non-discrimination.

103    Il en va de même de l’argument de la requérante selon lequel la procédure suivie par les agents de l’OLAF dans le cadre du contrôle sur place était différente de celle prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF et que, partant, seule cette dernière aurait dû être appliquée.

104    En effet, il ressort du point 98 ci-dessus que la procédure prévue à l’article 6.3 des lignes directrices de l’OLAF n’est applicable qu’aux données relevant du secret professionnel selon le représentant de l’opérateur économique contrôlé et non à l’ensemble des données faisant l’objet d’une expertise technico-légale numérique. Partant, la requérante ne pouvait pas prétendre à ce que l’intégralité de l’expertise technico-légale numérique soit conduite selon cette procédure.

105    Quant au non-respect par les agents de l’OLAF de la procédure proposée à la requérante, il convient de rappeler que lesdits agents ont proposé à cette dernière, le premier jour du contrôle sur place, une méthode de réalisation de l’expertise technico-légale numérique en trois étapes, rappelées au point 52 ci-dessus.

106    C’est à juste titre que la requérante fait valoir que, ce premier jour, les agents de l’OLAF lui avaient proposé de réaliser dans ses locaux l’indexation des données contenues dans les images technico-légales numériques réalisées ainsi que la recherche d’informations pertinentes dans ces données à l’aide de mots-clés, alors que, le troisième jour du contrôle, lesdits agents ont demandé à la requérante de pouvoir emporter lesdites images pour les exploiter dans les locaux de l’OLAF à Bruxelles (Belgique).

107    À cet égard, la Commission fait valoir que la procédure proposée au début du contrôle sur place dérogeait à la procédure habituelle plus stricte et qu’elle était un signe de « bonne volonté » destiné à tenir compte des objections de la requérante à l’égard des données confidentielles ne concernant, selon elle, pas directement le projet en cause. Elle justifie le fait que les agents de l’OLAF soient revenus sur la méthode proposée par le comportement de la requérante au cours du contrôle sur place. Celle-ci aurait formulé des demandes particulières, non prévues par les règles applicables, telles que la réalisation et le stockage des images technico-légales numériques sur du matériel qu’elle fournirait aux agents de l’OLAF, ce qui aurait causé une importante perte de temps. Elle aurait également souhaité de manière réitérée contrôler les données que les agents de l’OLAF pourraient finalement exploiter et refusé de fournir à ceux-ci certaines informations, notamment de nature financière.

108    Il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 12 avril 2016 que c’est après un refus de la requérante de donner aux agents de l’OLAF accès aux ordinateurs de certains de ses employés que les agents de l’OLAF ont proposé de conduire l’expertise technico-légale numérique et d’exploiter ses résultats dans les locaux de la requérante et non dans le laboratoire technico-légal prévu à cet effet.

109    Ce faisant, les agents de l’OLAF ont, ainsi que le fait valoir la Commission, consenti à déroger à la procédure prévue aux articles 4 et 8 des lignes directrices de l’OLAF en ce qui concerne le lieu d’obtention et de traitement du support numérique contenant les images technico-légales numériques réalisées ainsi qu’en ce qui concerne le support lui-même, en acceptant qu’il lui soit fourni par la requérante. À cet égard, il convient de considérer que ces dérogations visaient à répondre à des préoccupations exprimées par la requérante et lui ont été accordées dans son intérêt, voire à sa demande.

110    Il convient d’ajouter que, ainsi qu’il ressort du procès-verbal relatif à la journée du 14 avril 2016, les agents de l’OLAF ont, ce jour-là, décidé de renoncer à ces dérogations et d’exploiter les images technico-légales réalisées dans les locaux de l’OLAF en raison, en particulier, du refus de cette dernière de fournir certaines des informations qu’ils avaient demandées et de les laisser emporter les images technico-légales numériques réalisées au cours du contrôle sur place. Or, d’une part, ainsi que cela ressort du point 80 ci-dessus, l’OLAF était fondé à se faire communiquer les informations en cause en vertu de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 et, d’autre part, les lignes directrices de l’OLAF prévoyaient l’exploitation des images technico-légales numériques dans les locaux de ce dernier.

111    Au surplus, il ne ressort d’aucun élément du dossier que la requérante a subi des pressions lors du contrôle sur place.

112    Il s’ensuit que la requérante n’a pas établi une violation suffisamment caractérisée du droit à une bonne administration et du principe de non-discrimination. Partant, les arguments de la requérante doivent être écartés.

 Sur la violation du principe de protection de la confiance légitime

113    La requérante invoque la violation du principe de protection de la confiance légitime, au motif qu’aurait été violée la confiance légitime que les agents de l’OLAF auraient fait naître à son égard en proposant une méthode de conduite de l’expertise technico-légale par laquelle elle aurait été assurée qu’ils ne collecteraient que les données liées au projet en cause et dont elle pouvait légitimement s’attendre à ce qu’elle soit menée jusqu’à son terme.

114    Il ressort d’une jurisprudence constante que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose néanmoins la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 75 et jurisprudence citée).

115    En l’espèce, ainsi que cela a été relevé au point 101 ci-dessus, la requérante a été mise en mesure de connaître l’existence et de consulter le contenu des lignes directrices de l’OLAF à la suite de la remise, le premier jour du contrôle sur place, le 12 avril 2016, du feuillet d’information de l’OLAF sur les expertises technico-légales numériques.

116    En outre, c’est après un refus de la requérante de permettre aux agents de l’OLAF de collecter les données contenues dans les ordinateurs de deux de ses employés que, ainsi que cela a été relevé au point 108 ci-dessus, les agents de l’OLAF ont consenti, afin de répondre à des préoccupations exprimées par la requérante et dans l’intérêt de cette dernière, voire à sa demande, à déroger à la procédure prévue dans les lignes directrices de l’OLAF en ce qui concerne le lieu d’obtention et de traitement du support numérique contenant les images technico-légales numériques réalisées ainsi que sur ledit support lui-même.

117    De plus, ainsi qu’il ressort du point 110 ci-dessus, l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 autorisait l’OLAF à accéder aux données auxquelles la requérante lui a refusé l’accès et les lignes directrices de l’OLAF prévoyaient que les agents de l’OLAF emportent en vue de leur exploitation dans les locaux de celui-ci les images technico-légales numériques réalisées lors du contrôle sur place.

118    Il s’ensuit que la requérante ne saurait invoquer à son profit une violation suffisamment caractérisée du principe de protection de la confiance légitime qu’elle avait placée dans l’application d’une pratique dérogatoire à son profit, et ce en dépit de son refus d’accéder aux demandes, à la fois conformes à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2185/96 et aux lignes directrices de l’OLAF, des agents de ce dernier. Partant, les arguments de la requérante doivent être écartés.

 Sur la violation du droit d’être entendu

119    La requérante reproche à la Commission d’avoir recommandé à la CFCU de l’exclure du contrat en cause sans lui avoir offert la possibilité d’être entendue et de se défendre. Elle fait valoir que l’obligation incombant à la Commission de recueillir ses observations était autonome et indépendante de celle incombant à l’OLAF à la suite du contrôle sur place, dont ce dernier s’est acquitté, et trouve son fondement dans l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux.

120    Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux, toute personne a le droit d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard.

121    En l’espèce, la requérante ne conteste pas avoir, par la lettre du 6 mai 2016 adressée à l’OLAF, contesté et commenté les procès-verbaux de chaque journée de contrôle sur place et, par la lettre du 23 septembre 2016, également adressée à l’OLAF, présenté ses observations sur le courrier de ce dernier du 14 septembre 2016, l’ayant informée qu’elle était considérée comme étant une personne concernée par l’enquête portant sur les soupçons de corruption ou de fraude existant à l’égard du projet en cause.

122    En outre, il doit être rappelé que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision par laquelle celle-ci a été exclue du contrat en cause a été prise par la CFCU, sans que cette dernière ait été liée par une prise de position en ce sens de la DG « Élargissement ». Par conséquent, elle ne saurait se prévaloir d’une obligation incombant à cette dernière de l’entendre en ses observations avant l’adoption de la décision l’ayant exclue du contrat en cause.

123    Il s’ensuit que les arguments relatifs à la violation par la Commission du droit d’être entendu doivent être écartés comme non fondés.

124    Il résulte de tout ce qui précède que la requérante n’a pas démontré que l’OLAF et la Commission ont commis une violation suffisamment caractérisée des règles de droit, dont elle a invoqué la violation, qui soit de nature à engager la responsabilité de l’Union.

125    L’une des conditions cumulatives d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’étant, en l’espèce, pas remplie, il convient de rejeter la demande indemnitaire de la requérante et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

126    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vialto Consulting Kft. est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le grec.