Language of document : ECLI:EU:T:2001:53

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 février 2001 (1)

«Concurrence - Distribution automobile - Rejet d'une plainte -

Recours en annulation»

Dans l'affaire T-62/99,

Société de distribution de mécaniques et d'automobiles (Sodima), en liquidation judiciaire, établie à Istres (France), représentée par Me D. Rafoni, mandataire liquidateur, représentée dans la présente procédure par Me J.-C. Fourgoux, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par MM. G. Marenco et L. Guérin puis par M. Marenco et Mme F. Siredey-Garnier, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 5 janvier 1999 rejetant une plainte de la requérante fondée sur l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. J. Pirrung, président, A. Potocki et A. W. H. Meij, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 20 septembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1.
    La requérante, la Société de distribution de mécaniques et d'automobiles (Sodima), a exercé, depuis 1984, l'activité de concessionnaire d'automobiles de la marque Peugeot. Le 17 décembre 1992, elle a déposé une déclaration de cessation des paiements. Le contrat de concession a été résilié par Automobiles Peugeot SA, constructeur des véhicules des marques Peugeot et Citroën (PSA), le 23 juillet 1993. Le 24 juillet 1996, la requérante a été mise en liquidation judiciaire.

2.
    Le 1er juillet 1994, la requérante a déposé, auprès de la Commission, une plainte contre PSA au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204). La requérante faisait valoir que le contrat de concession qu'elle avait conclu était incompatible, tant dans sa rédaction que dans son exécution, avec l'article 85 du traité CE (devenu article 81 CE) et le règlement (CEE) n° 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16). La requérante sollicitait, en outre, de la Commission le retrait du bénéfice de l'exemption par catégorie conformément aux articles 10 du règlement n° 123/85 et 8 du règlement n° 17, ainsi que l'adoption de mesures provisoires.

3.
    Le 5 août 1994, la Commission a communiqué la plainte de la Sodima, avec la liste des pièces justificatives y étant annexés, à PSA afin que cette dernière prenne position sur celle-ci. Le 26 octobre 1994, la Commission, saisie de plusieurs autres plaintes concernant le système de distribution de PSA, a transmis à cette dernière une demande de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n° 17.

4.
    PSA ayant demandé la communication de l'intégralité des pièces produites par la Sodima, la Commission a demandé à la requérante si elle avait des objections, ayant trait au secret d'affaires, à une telle communication. La requérante a donné son accord, tout en s'opposant à ce que ses pièces soient communiquées à des tiers ou utilisées dans d'autres procédures suivies par les services de la Commission.

5.
    Par lettres des 13 décembre 1994 et 16 janvier 1995 puis par courriers des 23 janvier et 7 février 1995, la requérante a demandé à la Commission la communication, respectivement, de la demande de renseignements adressée à PSA ainsi que des observations de PSA sur sa plainte, sans obtenir de réponse.

6.
    Le 15 février 1995, PSA a répondu à la demande de renseignements de la Commission, tout en s'opposant à la communication de ses réponses aux plaignants au motif qu'il s'agissait de secrets d'affaires. Le 23 février 1995, PSA a adressé à la Commission une prise de position sur la plainte de la requérante.

7.
    Dans une lettre du 1er mars 1995, la requérante a rappelé qu'elle avait vainement demandé la communication des observations de PSA sur sa plainte et elle a demandé à la Commission de traiter rapidement le dossier.

8.
    Après avoir mis en demeure la Commission, conformément à l'article 175 du traité (devenu article 232 CE), le 14 mars 1995, de prendre position sur ses demandes, la requérante a introduit, le 10 octobre 1995, un recours enregistré sous le numéro T-190/95, visant, en premier lieu, à la constatation d'une carence de la Commission, en deuxième lieu, à l'annulation d'une prétendue décision implicite refusant de communiquer à la requérante des éléments du dossier, en troisième lieu, à l'annulation d'une prétendue décision implicite de jonction de la plainte de la requérante à d'autres plaintes et, en quatrième lieu, à la réparation d'un préjudice. La Commission ayant soulevé une exception d'irrecevabilité, tirée du caractère tardif du recours, la requérante a mis la Commission en demeure, par courrier du 4 janvier 1996, d'adresser une communication des griefs à PSA. Le 27 mars 1996, la requérante a introduit un deuxième recours, enregistré sous le numéro T-45/96, dont les conclusions étaient identiques à celles présentées dans l'affaire T-190/95.

9.
    Par lettre du 12 septembre 1995, la Commission a engagé une procédure contradictoire, conformément aux principes énoncés à cet égard dans l'arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO/Commission (53/85, Rec. p. 1965), et telle que visée à l'article 5 de la décision 94/810/CECA, CE de la Commission, du 12 décembre 1994, relative aux mandats des conseillers-auditeurs dans le cadre des procéduresde concurrence devant la Commission (JO L 330, p. 67), à l'égard de PSA en vue de communiquer aux plaignants les réponses de cette dernière à la demande de renseignements, à l'exception des informations relevant du secret d'affaires. Cette procédure a donné lieu à un recours de PSA devant le Tribunal, rejeté par ordonnance du Tribunal du 2 mai 1997 Peugeot/Commission (T-90/96, Rec. p. II-663).

10.
    Le 27 janvier 1997, la Commission a adressé à la requérante une communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63/CEE de la Commission, du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268), annonçant son intention de rejeter la plainte. En annexe à cette lettre, la Commission a transmis à la requérante des extraits de la réponse de PSA à la demande de renseignements pour lesquels la protection du secret d'affaires n'avait pas été demandée. Le 13 mars 1997, la requérante a répondu qu'elle n'était pas en mesure de présenter valablement ses observations en raison de la communication partielle du dossier.

11.
    Le 10 février 1998, la Commission a complété sa communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63 en fournissant à la Sodima les pièces litigieuses relatives aux réponses de PSA du 15 février 1995. La requérante y a répondu le 14 avril 1998.

12.
    Par décision du 5 janvier 1999, la Commission a rejeté la plainte (ci-après la «décision attaquée»). Le 5 février 1999, l'avocat de la requérante a sollicité l'accès au dossier, en raison d'une «apparente anomalie dans le texte de la décision». Par télécopie du 15 février 1999, la Commission lui a demandé de préciser quelle serait cette anomalie, afin de pouvoir donner une réponse utile à cette demande. Le 16 février 1999, l'avocat de la requérante a envoyé une nouvelle lettre, interrogeant la Commission sur le point de savoir si sa réaction à la demande d'accès au dossier devait être considérée comme un refus. Par télécopie du 17 février 1999, la Commission a indiqué que sa télécopie «du 16 février 1999» (qui, en réalité, était du 15 février) ne constituait pas un refus à la demande d'accès au dossier, mais qu'elle visait à mettre la Commission en mesure de traiter cette demande.

13.
    Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 2 mars 1999, la requérante a introduit le présent recours.

14.
    Par lettre du 25 mars 1999, la requérante a demandé la jonction de la présente affaire aux affaires jointes T-190/95 et T-45/96. L'audience dans ces dernières affaires ayant eu lieu le 2 mars 1999, et les affaires étant en état d'être jugées, le Tribunal a décidé de ne pas prononcer la jonction demandée.

15.
    Par décision du Tribunal du 6 juillet 1999, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle l'affaire a, par la suite, été attribuée.

16.
    Par arrêt de la première chambre du Tribunal du 13 décembre 1999, les recours dans les affaires jointes T-190/95 et T-45/96 ont été rejetés. Le pourvoi formé par la requérante contre cet arrêt a été rejeté par ordonnance de la Cour du 13 décembre 2000, Sodima/Commission (C-44/00 P, non encore publiée au Recueil).

17.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 20 septembre 2000.

Conclusions des parties

18.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    lui donner acte de ce qu'elle se réserve le droit de former un recours contre la Commission sur le fondement de l'article 215 du traité CE (devenu article 288 CE);

-    condamner la Commission aux dépens.

19.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter comme irrecevable la demande tendant à ce que le Tribunal donne acte à la requérante de ce qu'elle se réserve le droit de former un recours sur le fondement de l'article 215 du traité CE;

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur la demande de retrait d'un document

Arguments des parties

20.
    La Commission a demandé au Tribunal de retirer des débats un document, produit par la requérante, que la Commission avait transmis au Tribunal dans les affaires ayant donné lieu à l'arrêt du 13 décembre 1999, SGA/Commission (T-189/95, T-39/96 et T-123/96, Rec. p. II-3587). Elle fait valoir que ce document, à savoir une note interne rédigée par un collaborateur de la direction générale «Concurrence» et portant certaines appréciations sur les éléments de preuve produits par l'entreprise SGA en annexe à sa plainte, avait été annexé, par erreur, aux réponses de la Commission aux questions écrites posées par le Tribunal dans le litige susmentionné. La Commission invoque la décision du président de la première chambre du Tribunal de retirer ce document du dossier de l'affaire ayant donnélieu à l'arrêt SGA/Commission, précité, et estime que les mêmes raisons que celles ayant justifié cette décision s'opposent à l'utilisation du document litigieux dans la présente affaire.

21.
    La requérante fait valoir que la production du document litigieux est légitime. Il aurait été notifié à la société SGA, qui présente des liens étroits avec la requérante, ayant été créée, lors de la résiliation du contrat de concession qui avait lié la requérante à PSA, pour permettre la continuation de ses activités en tant que mandataire automobile. Il serait donc normal que le gérant de la requérante, qui était, en même temps, gérant de la société SGA, ait eu connaissance de ce document et qu'il l'utilise dans la présente procédure. La requérante conteste, en outre, le fait que la production de ce document résultait d'une erreur de la Commission. Elle estime que le retrait de ce document du dossier de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt SGA/Commission, cité au point 20 ci-dessus, ne s'oppose pas à sa production dans la présente affaire, la décision de retrait étant postérieure à la production du document litigieux dans la présente affaire, et le document ayant été débattu en public lors de l'audience dans l'affaire SGA.

Appréciation du Tribunal

22.
    Le document dont la Commission demande le retrait est un document interne visant à préparer la décision des instances compétentes au sein de cette institution. Dans l'intérêt d'une bonne administration, les services chargés de ce travail préparatoire doivent pouvoir s'exprimer librement dans de tels documents, sans devoir craindre que leurs prises de position préliminaires soient divulguées aux parties intéressées ou au public.

23.
    C'est pourquoi l'article 13, paragraphe 1, dernière phrase, du règlement (CE) n° 2842/98 de la Commission, du 22 décembre 1998, relatif à l'audition dans certaines procédures fondées sur les articles 85 et 86 du traité CE (JO L 354, p. 18), dispose: «La Commission prend toutes les dispositions appropriées en matière d'accès au dossier, en veillant à ce que les secrets d'affaires, ses propres documents internes et les autres informations confidentielles ne soient pas divulgués.» Pour les mêmes raisons, le code de conduite concernant l'accès du public aux documents de la Commission et du Conseil, annexé à la décision 94/90/CECA, CE, Euratom de la Commission du 8 février 1994 relative à l'accès du public aux documents de la Commission (JO L 46, p. 58), prévoit que les institutions peuvent refuser l'accès à tout document pour assurer la protection de l'intérêt de l'institution relatif au secret de ses délibérations.

24.
    En l'espèce, la première chambre du Tribunal a indiqué, dans son arrêt SGA/Commission, cité au point 20 ci-dessus, qu'elle avait acquis la conviction, au vu de l'ensemble des réactions des représentants de la Commission à l'audience, que le document litigieux avait bien été produit par erreur. Dans sa décision rejetant le pourvoi contre cet arrêt (ordonnance de la Cour du 13 décembre 2000, SGA/Commission, C-39/00 P, non encore publiée au Recueil), la Cour a constatéque c'était à bon droit que la chambre avait décidé, dans ces circonstances, le retrait de ce document du dossier. Dans la présente affaire, la requérante n'a avancé aucun élément susceptible d'amener la deuxième chambre du Tribunal à une appréciation différente.

25.
    Dans ces conditions, la requérante ne saurait tirer profit, dans la présente affaire, de l'erreur commise par la Commission dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt SGA/Commission, cité au point 20 ci-dessus, en se prévalant du document écarté du dossier dans cette dernière affaire. Les motifs pour écarter le document du dossier SGA, à savoir son caractère de document préparatoire interne et l'erreur de la Commission, valent également en l'espèce. Le fait que le document a été produit, dans la présente affaire, avant que le Tribunal n'ait décidé de l'écarter dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt SGA/Commission, cité au point 20 ci-dessus, est sans incidence sur ces motifs.

26.
    Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande de la Commission et d'écarter du dossier le document produit par la requérante en annexe 57 à la requête.

Sur la recevabilité

27.
    La Commission considère comme irrecevable la demande tendant à ce que le Tribunal donne acte à la requérante de ce qu'elle se réserve le droit de former un recours en indemnité contre la Commission. La requérante considère sa demande comme recevable.

28.
    Le Tribunal retient que le contentieux communautaire ne connaît pas de voie de recours permettant au juge de «donner acte» à une partie de ce qu'elle se réserve le droit de former un recours. Ce chef des conclusions est donc irrecevable.

Sur le fond

29.
    La requérante invoque, en substance, sept moyens.

Sur les premier, deuxième et sixième moyens

30.
    Il y a lieu d'examiner ensemble les premier, deuxième et sixième moyens dans lesquels la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a manqué à ses obligations concernant le traitement de la plainte.

Arguments des parties

31.
    Le premier moyen s'articule, en substance, en trois branches. Par la première, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu ses obligations tenant à son rôle de «police de la concurrence», découlant de l'article 3, sous g), du traité CE[devenu, après modification, article 3, sous g), CE], de l'article 89 du traité CE (devenu, après modification, article 85 CE), de l'article 155 du traité CE (devenu article 211 CE) et de l'article 3 du règlement n° 17. Par la deuxième branche de ce moyen, la requérante fait valoir que le renvoi de la plainte aux juridictions nationales est inapproprié, étant donné que la Commission est investie d'une compétence exclusive à l'égard du retrait d'une exemption par catégorie. Par la troisième branche du moyen, la requérante reproche à la Commission d'avoir violé l'obligation de procéder à un examen soigneux et objectif de la plainte et d'avoir méconnu la portée de sa plainte et des nombreuses pièces par lesquelles celle-ci était étayée.

32.
    Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée.

33.
    Par son sixième moyen, la requérante invoque une erreur manifeste d'appréciation de l'intérêt communautaire. Elle souligne la gravité des infractions alléguées, notamment celles relatives au cloisonnement des marchés et à la pratique de prix imposés suivie par le constructeur. Elle estime que la Commission ne saurait invoquer l'adoption du règlement (CE) n° 1475/95 de la Commission, du 28 juin 1995, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (JO L 145, p. 25), pour justifier le rejet de la plainte. Même si ce règlement a pu conduire pour l'avenir les constructeurs à modifier leurs clauses et leurs pratiques, l'article 85 du traité serait applicable aux accords entre entreprises qui ont cessé d'être en vigueur, mais qui poursuivent leurs effets au-delà de leur extinction formelle. Selon la requérante, tel est le cas de son contrat de concession qui se trouve figé du fait de sa résiliation. Elle rappelle que la Commission doit apprécier la gravité et la persistance des effets d'une infraction lorsqu'elle prend une décision sur une plainte.

34.
    La requérante ajoute que la Commission était en possession de nombreux éléments de preuve qui lui avaient été adressés de plusieurs côtés, démontrant le caractère systématique des pratiques du constructeur en matière de cloisonnement des marchés. Elle reproche à la Commission d'avoir procédé au «cloisonnement» des dossiers et de ne pas avoir tenu compte de l'ensemble des éléments de preuve. Par ce grief, la requérante fait, en substance, valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation des éléments de preuve et de l'intérêt communautaire à poursuivre sa plainte en examinant celle-ci de façon isolée et sans tenir compte des nombreuses autres plaintes dirigées contre PSA dont elle était saisie.

Appréciation du Tribunal

35.
    Les obligations de la Commission, lorsqu'elle est saisie d'une plainte, ont été définies par une jurisprudence bien établie (voir, notamment, arrêt de la Cour du4 mars 1999, Ufex e.a./Commission, C-119/97 P, Rec. p. I-1341, points 86 et suivants).

36.
    Il ressort, notamment, de cette jurisprudence que la Commission, lorsqu'elle décide d'accorder des degrés de priorité différents aux plaintes dont elle est saisie, peut non seulement arrêter l'ordre dans lequel les plaintes seront examinées, mais également rejeter une plainte pour défaut d'intérêt communautaire suffisant à poursuivre l'examen de l'affaire, sauf lorsque l'objet de la plainte relève de ses compétences exclusives (voir arrêt du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T-5/93, Rec. p. II-185, points 59 et 60).

37.
    À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante, dans sa plainte du 1er juillet 1994, avait demandé, d'une part, que la Commission constate que le contrat de concession Peugeot ne répondait pas aux conditions d'exemption établies par le règlement n° 123/85 et, d'autre part, qu'elle fasse application des dispositions de l'article 10 du règlement et retire le bénéfice de l'exemption par catégorie à cet accord. Elle avait sollicité également la révocation de l'exemption avec effet rétroactif, conformément à l'article 8 du règlement n° 17.

38.
    La Commission ne dispose pas d'une compétence exclusive pour constater qu'un contrat de concession ne répond pas aux conditions de l'exemption par catégorie fixées par le règlement n° 123/85 et, partant, que ce règlement n'est pas applicable audit contrat. Certes, il en va autrement de la compétence pour retirer le bénéfice de cette exemption par catégorie, conformément à l'article 10 du règlement n° 123/85. Toutefois, cette disposition ne prévoit pas de retrait rétroactif du bénéfice de l'exemption par catégorie. Il en va de même de l'article 8 du règlement n° 1475/95, ce règlement ayant remplacé, avec effet au 1er octobre 1995, le règlement n° 123/85. Quant à l'article 8 du règlement n° 17, qui permet, dans certaines conditions, le retrait rétroactif d'une exemption, il convient d'ajouter qu'il ne s'applique pas au retrait des exemptions par catégorie, mais à celui des exemptions individuelles.

39.
    Or, un retrait de l'exemption par catégorie avec effet pour l'avenir ne saurait procurer un bénéfice à la requérante, dont le contrat de concession avec PSA a été résilié en juillet 1993. Dès lors, la requérante ne peut faire valoir un intérêt légitime, au titre de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17, à demander le retrait de l'exemption.

40.
    Dans ces conditions, la thèse de la requérante selon laquelle la Commission était, en l'espèce, investie d'une compétence exclusive pour traiter sa plainte n'est pas fondée.

41.
    Par conséquent, la Commission disposait, en l'espèce, d'un pouvoir discrétionnaire lui permettant de rejeter la plainte de la requérante pour défaut d'intérêt communautaire suffisant.

42.
    Ce pouvoir n'est cependant pas sans limites. La Commission est, ainsi, astreinte à une obligation de motivation lorsqu'elle refuse de poursuivre l'examen d'une plainte, cette motivation devant être suffisamment précise et détaillée pour mettre le Tribunal en mesure d'exercer un contrôle effectif sur l'exercice par la Commission de son pouvoir discrétionnaire de définir des priorités (voir arrêt Ufex e.a./Commission, cité au point 35 ci-dessus, points 89 à 95). Ce contrôle ne doit pas conduire le juge communautaire à substituer son appréciation de l'intérêt communautaire à celle de la Commission, mais vise à vérifier que la décision litigieuse ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et qu'elle n'est entachée d'aucune erreur de droit ni d'aucune erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêts du Tribunal du 18 septembre 1992, Automec/Commission, T-24/90, Rec. p. II-2223, point 80, et du 13 décembre 1999, Européenne automobile/Commission, T-9/96 et T-211/96, Rec. p. II-3639, point 29).

43.
    La décision attaquée ne fait pas apparaître que ces principes aient été méconnus par la Commission. Il ressort, en effet, de cette décision que la Commission a examiné attentivement les éléments avancés par la requérante.

44.
    Le fait que la décision attaquée ne prend pas position, explicitement, sur les nombreuses pièces produites par la requérante ne saurait infirmer cette appréciation. En effet, la Commission n'est pas obligée, dans la motivation de ses décisions, de prendre position sur tous les arguments que les intéressés ont invoqués à l'appui de leur plainte, mais il suffit qu'elle expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l'économie de la décision (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387/94, Rec. p. II-961, point 104).

45.
    Il y a lieu de constater ensuite que la décision attaquée contient un exposé clair des considérations de droit et de fait qui ont conduit la Commission à conclure à l'absence d'un intérêt communautaire suffisant. Par conséquent, le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'obligation de motivation, n'est pas fondé.

46.
    En ce qui concerne l'appréciation de l'intérêt communautaire à instruire la plainte, il appartient au Tribunal de vérifier notamment s'il ressort de la décision que la Commission a mis en balance l'importance de l'atteinte que l'infraction alléguée est susceptible de porter au fonctionnement du marché commun, la probabilité de pouvoir établir son existence et l'étendue des mesures d'instruction nécessaires en vue de remplir, dans les meilleures conditions, sa mission de veiller au respect des articles 85 et 86 du traité CE (devenu article 82 CE) (voir arrêts du Tribunal Automec/Commission, cité au point 42 ci-dessus, point 86, Tremblay e.a./Commission, cité au point 36 ci-dessus, point 62, et du 21 janvier 1999, Riviera auto service e.a./Commission, T-185/96, T-189/96 et T-190/96, Rec. p. II-93, point 46).

47.
    À cet égard, la Commission ne peut, lorsqu'elle arrête l'ordre de priorité dans le traitement des plaintes dont elle est saisie, considérer comme exclues a priori deson champ d'action certaines situations qui relèvent de la mission qui lui est impartie par le traité. La Commission est, notamment, tenue d'apprécier dans chaque espèce la gravité des atteintes à la concurrence alléguées (voir arrêt Ufex e.a./Commission, cité au point 35 ci-dessus , points 92 et 93).

48.
    La décision attaquée ne fait pas apparaître que la Commission ait méconnu, en l'espèce, la gravité des infractions alléguées au regard des clauses du contrat de concession et des pratiques liées à sa mise en oeuvre.

49.
    Pour pouvoir déterminer, en l'espèce, si une infraction aux règles de la concurrence existait ou non, la Commission aurait dû se procurer des éléments de preuve supplémentaires, ce qui, vraisemblablement, aurait nécessité des mesures d'instruction au titre des articles 11 et suivants du règlement n° 17 et, plus particulièrement, des vérifications au titre de l'article 14, paragraphe 3, de ce règlement. L'appréciation de la Commission selon laquelle les investigations nécessaires pour qu'elle puisse se prononcer, en l'espèce, sur l'existence des infractions alléguées par la requérante impliqueraient la mise en oeuvre de moyens importants n'apparaît donc pas comme manifestement erronée.

50.
    De plus, il est légitime pour la Commission de tenir compte, dans l'appréciation de l'intérêt communautaire à instruire une plainte, de la nécessité de clarifier la situation juridique relative au comportement visé par cette plainte et de définir les droits et obligations, au regard du droit communautaire de la concurrence, des différents opérateurs économiques concernés par ce comportement (voir arrêt Européenne automobile/Commission, cité au point 42 ci-dessus, point 46).

51.
    À cet égard, la Commission pouvait légitimement se référer au règlement n° 1475/95 pour considérer qu'une décision sur la plainte de la requérante n'était pas nécessaire en vue de donner aux juridictions et aux autorités nationales des indications sur le traitement d'autres affaires concernant la distribution automobile.

52.
    Il y a lieu d'ajouter que l'intérêt communautaire à instruire une plainte ne disparaît pas nécessairement lorsque les pratiques dénoncées ont cessé (voir arrêt Ufex/Commission, cité au point 35 ci-dessus, points 92 et suivants). Il appartient notamment à la Commission de vérifier si les effets anticoncurrentiels d'une telle pratique persistent et si la gravité des atteintes alléguées à la concurrence ou la persistance de leurs effets ne sont pas de nature à conférer à cette plainte un intérêt communautaire.

53.
    En l'espèce, la Commission n'a cependant pas fait valoir que l'instruction de la plainte ne présente plus d'intérêt parce que les infractions alléguées se situent dans le passé. Elle a invoqué la compétence des juridictions nationales pour se prononcer sur l'existence et sur les conséquences éventuelles, en termes de dommages et intérêts, des infractions alléguées.

54.
    Or, la requérante n'a pas démontré que les juridictions nationales ne seraient pas en mesure d'assurer la sauvegarde des droits qu'elle tire des articles 81 CE et 82 CE.

55.
    Quant au grief tiré du «cloisonnement» des dossiers concernant les différentes plaintes dirigées contre PSA et ses concessionnaires, il y a lieu de relever que, lorsqu'il s'agit d'apprécier l'intérêt communautaire à instruire une plainte, la Commission ne doit pas examiner celle-ci isolément, mais dans le contexte de la situation du marché concerné en général. L'existence de nombreuses plaintes reprochant des comportements similaires aux mêmes opérateurs économiques fait partie des éléments dont la Commission doit tenir compte lors de son appréciation de l'intérêt communautaire.

56.
    De même, lorsque la Commission apprécie la probabilité de pouvoir établir l'existence d'une infraction et l'étendue des mesures d'instruction nécessaires à cette fin, elle doit tenir compte de tous les éléments de preuve en sa possession et ne peut se borner à évaluer séparément les indices présentés par chaque plaignant pour conclure que chacune des plaintes, prise isolément, n'est pas appuyée sur des éléments de preuve suffisants.

57.
    Cependant, la Commission n'est pas tenue de «joindre» les procédures d'examen de différentes plaintes visant le comportement de la même entreprise, la conduite d'une instruction relevant du pouvoir d'appréciation de l'institution. Notamment, l'existence de nombreuses plaintes d'opérateurs appartenant à des catégories différentes, telles que, dans le contexte de la présente affaire, des revendeurs indépendants, des intermédiaires mandatés et des concessionnaires, ne saurait s'opposer au rejet de celles parmi les plaintes qui apparaissent, sur la base des indices dont dispose la Commission, comme dépourvues de fondement ou d'intérêt communautaire. Par conséquent, le fait d'avoir traité séparément les différentes plaintes ne saurait être considéré, en tant que tel, comme irrégulier (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 14 mai 1997, Florimex et VGB/Commission, T-70/92 et T-71/92, Rec. p. II-693, points 89 à 95).

58.
    Dans ces conditions, il n'apparaît pas que la Commission ait méconnu son obligation d'examiner l'intérêt communautaire à poursuivre l'instruction à l'encontre de PSA dans le contexte plus général du comportement de PSA sur le marché communautaire de l'automobile.

59.
    Il résulte de ce qui précède que les premiers et sixième moyens ne sont pas, non plus, fondés.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe du contradictoire

Arguments des parties

60.
    Ce moyen est divisé en trois branches. Par la première branche, la requérante reproche à la Commission d'avoir refusé de lui communiquer, malgré ses demandes, les questions posées à PSA sur la base de l'article 11 du règlement n° 17. Elle souligne son intérêt à connaître ces questions même avant de connaître les réponses du constructeur et invoque le principe de l'égalité des armes. Dans la réplique, elle critique, en outre, le fait que la réponse de PSA à la demande de renseignements, datée du 15 février 1995, lui a été transmise seulement le 10 février 1998.

61.
    Par la deuxième branche de ce moyen, la requérante fait valoir qu'elle n'a pas obtenu l'accès au dossier qu'elle avait demandé à la suite de la décision attaquée. Elle estime qu'elle n'était pas obligée de fournir à la Commission les précisions que celle-ci avait sollicitées à la suite de cette demande.

62.
    Par la troisième branche de ce moyen, soulevée dans la réplique, la requérante se plaint de ce que les observations de PSA sur sa plainte, pour lesquelles PSA n'avait pas demandé un traitement confidentiel, ne lui ont été transmises qu'en annexe au mémoire en défense de la Commission. Elle souligne qu'elle avait intérêt à répondre à ce document et soupçonne qu'il ait été intentionnellement dissimulé par la Commission.

63.
    La Commission estime que la requérante ne saurait invoquer ni le principe du contradictoire ni celui de l'égalité des armes, les parties plaignantes n'ayant qu'un droit d'accès limité au dossier, qui aurait été respecté en l'espèce.

Appréciation du Tribunal

64.
    Par le présent moyen, la requérante invoque, en substance, une violation de ses droits procéduraux découlant des articles 19, paragraphe 2, du règlement n° 17 et 6 du règlement n° 99/63, qui lui confèrent, notamment, le droit d'être entendue par la Commission.

65.
    Pour ce qui est de la première branche du moyen, la communication des réponses de PSA aux questions posées par la Commission apparaît suffisante pour permettre à la requérante de connaître le contenu des questions et pour présenter des observations à leur sujet. Or, la requérante reconnaît qu'elle a obtenu ces réponses en annexe à la communication complémentaire en date du 10 février 1998 au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63. Elle pouvait donc faire valoir son point de vue à l'égard de ce document avant l'adoption de la décision attaquée. Dans ces conditions, ni le fait que la requérante n'a pas obtenu séparément la communication des questions posées à PSA, ni le fait qu'elle n'a pas reçu la réponse de PSA immédiatement après la fin de la procédure contradictoire au titre de la décision 94/810 ne sauraient affecter la validité de la décision attaquée.

66.
    Le grief tiré du refus opposé à la requérante de lui donner accès au dossier postérieurement à la décision attaquée manque en fait. En effet, les deux télécopies de la Commission des 15 et 17 février 1999 se bornent à demander des précisions et ne refusent pas l'accès au dossier. Elles ne peuvent pas non plus être interprétées en ce sens que la Commission aurait subordonné l'accès au dossier à une réponse de la requérante à sa demande de précisions.

67.
    La troisième branche du moyen a été soulevée dans la réplique. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En l'espèce, la production des observations de PSA en annexe au mémoire en défense de la Commission ne saurait être qualifié d'élément nouveau susceptible de justifier la présentation d'une nouvelle branche du moyen. En effet, contrairement à ce que présume la requérante, la Commission ne lui a jamais dissimulé l'existence de ce document. Celui-ci a été mentionné notamment dans la communication au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63 en date du 27 janvier 1997.

68.
    En ce qu'elle ne peut être considérée comme l'ampliation d'un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d'instance et présentant un lien étroit avec celui-ci, la présente branche du moyen doit être déclarée irrecevable.

69.
    Par ailleurs, dans les circonstances de la présente affaire, il n'y a pas lieu d'examiner ce moyen d'office.

70.
    Par conséquent, les trois branches du troisième moyen doivent être écartées.

Sur le quatrième moyen, tiré d'erreurs manifestes au regard du cloisonnement des marchés et de la manipulation d'un élément de preuve

Arguments des parties

71.
    La requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs manifestes d'appréciation des éléments de preuve qu'elle lui a fournis quant au cloisonnement des marchés par PSA.

72.
    Pour écarter le grief tiré des obstacles aux importations parallèles et aux ventes transfrontalières entre concessionnaires, la Commission se serait référée à «des documents», donc à plusieurs documents, alors qu'elle n'aurait cité qu'un seul document, émanant de l'entreprise Peugeot Meiser de Bruxelles. Selon la requérante, cela peut signifier soit qu'elle a été privée de la connaissance des autres documents produits par PSA (et qu'elle en est toujours privée), soit que la Commission s'est livrée à une affirmation gravement inexacte pour favoriser Peugeot et tenter de justifier son refus d'instruire davantage .

73.
    Contrairement à ce que la Commission affirme dans la décision attaquée, la pièce émanant de Peugeot Meiser n'aurait pas été produite par PSA, mais par la requérante en annexe à sa plainte. Sur cette pièce aurait figuré une mention manuscrite de son dirigeant selon laquelle le prix offert par Peugeot Meiser correspondait «aux stricts prix maxi conseillés du tarif belge alors que la filiale [faisait] habituellement des remises au moindre mandataire». L'offre aurait donc été, en réalité, équivalente à un refus, ce que la Commission aurait facilement pu vérifier en demandant la communication du tarif belge. Selon la requérante, soit les services de la Commission n'ont pas lu la plainte et ses annexes, soit ils ont commis une erreur manifeste d'appréciation des faits.

74.
    Elle ajoute que la Commission ne conteste pas que deux refus de vente lui ont été opposés par des filiales d'importation de PSA en Italie et aux Pays-Bas, ce qui suffit, selon elle, pour établir le cloisonnement des marchés.

75.
    La requérante fait encore valoir que la Commission a écarté à tort les déclarations faites par les dirigeants de PSA à la presse quant à leurs intentions au regard du cloisonnement des marchés et souligne que ces déclarations officielles n'ont fait l'objet d'aucun rectificatif ou démenti.

Appréciation du Tribunal

76.
    Le renvoi à «des documents», au point 4, sous b), de la décision attaquée, alors que la Commission n'a cité qu'un seul document à cet endroit, ne suffit pas pour établir une erreur manifeste d'appréciation des éléments de preuve concernant le cloisonnement des marchés. En effet, l'explication fournie à cet égard par la Commission, selon laquelle cette référence visait, outre le document cité, également la réponse de PSA à la demande de renseignements, n'a pas été infirmée par la requérante. En tout état de cause, une éventuelle imprécision sur le plan linguistique ne saurait suffire pour considérer comme illégale la décision attaquée.

77.
    Le grief tiré de la manipulation de la pièce émanant de l'entreprise Peugeot Meiser de Bruxelles n'est pas fondé. En effet, la Commission a expliqué, sans être contredite à cet égard par la requérante, que cette pièce avait été produite aussi bien par la requérante que par PSA et que seule la copie présentée par la requérante comportait les annotations manuscrites susmentionnées.

78.
    Cette pièce ne démontre pas non plus que la Commission a méconnu l'existence d'une infraction consistant en des refus de vente émanant de membres du réseau Peugeot à l'égard de la requérante. Le concessionnaire belge a fait une offre de prix pour le modèle demandé par la requérante. Dans les circonstances de l'espèce, le seul fait qu'il n'ait pas offert de remise sur le prix du véhicule ne saurait être assimilé à un refus de vente. Il convient d'ajouter, ainsi que la Commission l'a relevé à juste titre à l'audience, que le règlement n° 123/85 obligeait les constructeurs à ne pas empêcher les ventes transfrontalières entre lesconcessionnaires appartenant à leur réseau. En revanche, ce règlement laissait aux concessionnaires la liberté de vendre des véhicules à leurs collègues établis dans les autres États membres ou de ne pas le faire. Le fait qu'un concessionnaire ait préféré renoncer à une telle vente transfrontalière plutôt que d'accorder une remise à son collègue ne saurait donc, en l'espèce, établir l'existence d'une infraction au droit de la concurrence.

79.
    Il n'est pas possible, non plus, de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les refus de vente opposés à la requérante par les filiales d'importation de PSA en Italie et aux Pays-Bas pouvaient être considérés comme relevant des relations contractuelles entre la requérante et PSA et que des litiges y étant relatifs pouvaient être portés devant les juridictions nationales.

80.
    Enfin, le grief tiré de la méconnaissance des conséquences à tirer des déclarations faites par les dirigeants de PSA à la presse quant à leurs intentions au regard du cloisonnement des marchés est irrecevable pour défaut de précision. En effet, il n'est étayé par aucune référence concrète aux articles de presse concernés, susceptible de permettre au Tribunal d'examiner le contenu des déclarations auquel se réfère la requérante. Certes, la requérante a produit de nombreuses pièces, tant dans la procédure administrative que pendant le litige, parmi lesquelles figurent également des articles de presse. Elle n'a cependant pas identifié les pièces sur lesquelles elle entendait fonder le présent grief.

81.
    Il s'ensuit que le quatrième moyen doit être écarté.

Sur le cinquième moyen, tiré d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation concernant le caractère anticoncurrentiel de certaines clauses et pratiques dénoncées par la plainte

Arguments des parties

82.
    Par ce moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs de droit dans la qualification de certains comportements de PSA. Elle critique la Commission pour avoir «inventé», dans la décision attaquée, une catégorie de clauses ou pratiques qui ne seraient «pas à proprement parler restrictives». Cette catégorie intermédiaire n'existerait pas dans le droit communautaire de la concurrence. Ce grief vise la formulation utilisée par la Commission dans la phrase introductive du point 5 des motifs du rejet de la plainte, libellée comme suit:

«Enfin, il n'est pas établi que les autres points soulevés par votre plainte concernent des stipulations ou des pratiques contractuelles constituant, à proprement parler, des restrictions de concurrence au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.»

83.
    Elle reproche ensuite à la Commission d'avoir méconnu le caractère anticoncurrentiel des clauses et pratiques visées par la plainte, notamment celles réservant au constructeur la vente à certaines catégories d'acheteurs et celles des prix imposés par PSA. En outre, la Commission aurait méconnu le fait que la dépendance économique des concessionnaires correspondrait à une gestion de fait par PSA et fausserait l'équilibre entre les constructeurs et les distributeurs prévu par le règlement n° 123/85.

84.
    La requérante estime que l'effet anticoncurrentiel de l'accord est constitué ou aggravé par l'accumulation des clauses et des pratiques imposées par PSA, même si, prises isolément, leur nocivité ne serait pas excessive. Elle invoque l'arrêt de la Cour du 30 avril 1998, Cabour (C-230/96, Rec. p. I-2055), qui aurait condamné certaines clauses des contrats de concession de PSA.

85.
    La Commission considère que la requérante n'a apporté aucun élément permettant de contester le bien-fondé de la décision attaquée, les pratiques dénoncées visant surtout une éventuelle rupture de l'équilibre contractuel.

Appréciation du Tribunal

86.
    Pour ce qui est du premier grief de la requérante, il y a lieu de relever que la phrase précitée, critiquée par la requérante, a un caractère purement introductif des développements qui suivent et ne saurait être considérée isolément. Par conséquent, aucune erreur de droit ne saurait être déduite des termes utilisés.

87.
    En ce qui concerne la pratique des ventes directes par le constructeur, la Commission s'est limitée à constater que celle-ci n'est pas contraire, en tant que telle, aux prescriptions légales, sans prendre position sur l'existence d'une infraction. Cette affirmation n'est pas erronée en droit, étant donné qu'il ressort de l'article 2 du règlement n° 123/85 que l'exemption par catégorie n'est pas subordonnée à une interdiction de pareilles ventes directes. La Commission a ajouté qu'une infraction pouvait être constatée dans l'hypothèse où les ventes directes conduisaient à un partage de marché, mais que celui-ci n'était pas établi en l'espèce. La requérante n'a avancé aucun élément concret pour infirmer cette appréciation.

88.
    Quant à la pratique des prix imposés, selon la requérante, par PSA, la Commission se réfère à l'article 6, paragraphe 1, point 6, du nouveau règlement d'exemption par catégorie n° 1475/95, selon lequel l'exemption ne s'applique pas «dès lors [...] que le constructeur [...] restreint directement ou indirectement la liberté du distributeur de déterminer les prix et remises lors de la revente des produits contractuels ou des produits correspondants». Elle souligne la compétence des juridictions nationales pour constater le caractère systématique ou répété de pareilles pratiques et pour en tirer les conséquences. Par ce raisonnement, la Commission invoque l'absence d'un intérêt communautaire suffisant pour procéderaux investigations nécessaires afin de constater une infraction de PSA à cet égard. Or, ainsi qu'il a été relevé ci-dessus, aux points 46 à 54, la requérante n'a pas démontré, en l'espèce, une erreur manifeste de la Commission relative à l'appréciation de l'intérêt communautaire.

89.
    C'est à la lumière de ces considérations que doit être appréciée la position de la Commission concernant le grief tiré de l'atteinte à la liberté des revendeurs en matière de prix. À cet égard, la Commission n'a pas procédé à une appréciation juridique définitive, mais s'est bornée à constater, aux pages 6 et 7, point 5, sous c), de la décision attaquée, que PSA conteste ce reproche. Or, il ne saurait être constaté que la Commission a commis une erreur manifeste en considérant, d'une part, qu'une infraction de la part de PSA ne pouvait pas être établie sur la base des éléments fournis par la requérante et, d'autre part, qu'elle n'était pas obligée, en l'espèce, de procéder à une instruction plus approfondie de ce reproche, la plainte ne présentant pas d'intérêt communautaire suffisant à cet égard.

90.
    Enfin, la requérante n'a pas établi que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que le juge national des contrats est en mesure de tirer les conséquences juridiques du fait que la dépendance économique des concessionnaires serait excessive et fausserait l'équilibre entre les constructeurs et les distributeurs prévu par le règlement n° 123/85. Il en va de même de l'effet cumulatif des clauses et pratiques reprochées à PSA.

91.
    Par conséquent, la requérante n'a pas établi que l'appréciation de la Commission est entachée d'erreurs de droit, ou d'erreurs manifestes d'appréciation. Il s'ensuit que le cinquième moyen n'est pas fondé.

Sur le septième moyen, tiré du caractère déraisonnable du délai entre la plainte et la décision attaquée

Arguments des parties

92.
    La requérante fait valoir que la Commission est obligée, conformément à la jurisprudence de la Cour (arrêt de la Cour du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C-282/95 P, Rec. p. I-1503), d'adopter une décision dans un délai raisonnable. Elle estime que le délai de plus de quatre ans et demi entre sa plainte et la décision de rejet n'est pas raisonnable.

Appréciation du Tribunal

93.
    S'il est vrai que la Commission est obligée, conformément à la jurisprudence citée par la requérante, de statuer, dans un délai raisonnable, sur une plainte au titre de l'article 3 du règlement n° 17, le dépassement d'un tel délai, à le supposer établi, ne justifie pas nécessairement, en soi, l'annulation de la décision attaquée.

94.
    S'agissant de l'application des règles de concurrence, le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d'annulation que dans le cas d'une décision constatant des infractions, dès lors qu'il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non-respect de l'obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement n° 17 (voir arrêt du Tribunal du 20 avril 1999, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a. / Commission, dit «PVC II», T-305/94 à T-307/94, T-313/94 à T-316/94, T-318/94, T-325/94, T-328/94, T-329/94 et T-335/94, Rec. p. II-931, points 121 et 122).

95.
    Il convient d'ajouter que, dans une situation où une partie plaignante en droit de la concurrence reproche à la Commission d'avoir violé le principe du respect d'un délai raisonnable, lors de l'adoption d'une décision rejetant sa plainte, l'annulation de la décision pour ce motif aurait pour seul effet une prolongation supplémentaire de la procédure devant la Commission, ce qui serait contraire aux intérêts de la partie plaignante elle-même.

96.
    Par conséquent, le septième moyen est inopérant.

97.
    Il s'ensuit que la demande visant à l'annulation de la décision attaquée n'est pas fondée.

Sur les dépens

98.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a donc lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera les dépens.

Pirrung

Potocki
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 février 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. W. H. Meij


1: Langue de procédure: le français.