Language of document : ECLI:EU:T:2021:871

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

8 décembre 2021 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs au concours général EPSO/AD/363/18 organisé pour le recrutement d’administrateurs (AD 7) dans le domaine de la fiscalité  Limitation de la demande d’accès – Refus d’accès – Article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 – Exception relative à la protection du processus décisionnel  Article 6 de l’annexe III du statut  Secret des travaux du jury  Accès partiel – Responsabilité non contractuelle »

Dans l’affaire T‑247/20,

JP, représentée par Mes S. Rodrigues et A. Champetier, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Ehrbar et D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2020) 1195 final de la Commission, du 24 février 2020, concernant une demande confirmative d’accès à des documents au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43) et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir la réparation du préjudice moral que la requérante aurait subi,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et Mme T. Pynnä, juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 novembre 2018, la requérante, JP, s’est portée candidate au concours général EPSO/AD/363/18, organisé par l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), conformément à l’avis de concours publié au Journal officiel de l’Union européenne du 11 octobre 2018 (JO 2018, C 368 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours ») pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 7 dans les domaines des « douanes » et de la « fiscalité ». Elle a choisi le domaine de la « fiscalité ».

2        Conformément à l’avis de concours, le concours comportait, en substance, trois phases, à savoir, la vérification des conditions générales et spécifiques d’admission, l’examen des qualifications au moyen d’une sélection sur titres et les épreuves organisées dans un centre d’évaluation auxquelles seuls étaient invités à se présenter les candidats sélectionnés à l’issue des deux premières phases du concours. Lesdites épreuves comportaient des tests de raisonnement, un entretien portant sur les compétences dans le domaine choisi (ci-après l’« entretien relatif au domaine concerné »), à savoir, dans le cas de la requérante, la fiscalité et, enfin, trois épreuves visant à évaluer les compétences générales, soit une étude de cas, un exercice de groupe et un entretien portant sur lesdites compétences (ci‑après l’« entretien axé sur les compétences générales »).

3        À l’issue des deux premières phases du concours, la requérante a été invitée au centre d’évaluation. Elle a passé l’étude de cas le 4 avril 2019 et les tests de raisonnement, les entretiens ainsi que l’exercice de groupe le 22 mai suivant.

4        Le 17 juillet 2019, l’EPSO a informé la requérante que le jury n’avait pas inscrit le nom de celle-ci sur la liste de réserve du concours au motif qu’elle ne faisait pas partie des candidats ayant obtenu les notes les plus élevées aux épreuves organisées au centre d’évaluation (au moins 116,5 points). Elle a été informée, à cette occasion, qu’elle avait obtenu une note globale de 99/180 points.

5        Le 25 juillet 2019, la requérante a introduit une demande de réexamen de la décision de non-inscription (ci-après la « demande de réexamen »).

6        Les 20 et 21 septembre 2019, la requérante a introduit six demandes d’accès aux documents (ci-après, pris ensemble, la « demande initiale d’accès ») par l’intermédiaire du registre de documents de la Commission.

7        En sa qualité de candidate au concours EPSO/AD/363/18, la requérante sollicitait l’accès à un certain nombre de documents liés au concours, à savoir :

–        l’évaluation par les examinateurs de ses réponses au cours de l’entretien relatif au domaine concerné (ci-après le « document no 1 ») ;

–        l’évaluation par les examinateurs de ses réponses au cours de l’entretien axé sur les compétences générales (ci-après le « document no 2 ») ;

–        tous les procès-verbaux des réunions du jury sur la prestation et la notation des candidats (ci-après le « document no 3 ») ;

–        une copie de son étude de cas (ci-après le « document no 4 ») ;

–        les notes de correction de son étude de cas (ci-après le « document no 5 ») ; et

–        les résultats obtenus dans le cadre de l’entretien relatif au domaine concerné et de l’entretien axé sur les compétences générales par les dix premiers candidats et les dix derniers candidats figurant sur la liste de réserve publiée le 5 août 2019 pour le concours susmentionné (ci-après le « document no 6 »).

8        Le 2 octobre 2019, l’EPSO a informé la requérante que la demande initiale d’accès concernait un nombre considérable de documents qui devaient être évalués individuellement et qu’une telle analyse détaillée ne pouvait être effectuée dans les délais prévus à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). Par conséquent, il a invité la requérante à spécifier l’objectif de ladite demande et son intérêt particulier dans les documents demandés, en vue de trouver un arrangement équitable, conformément à l’article 6, paragraphe 3, dudit règlement (ci-après la « demande d’arrangement équitable »). Il était précisé que, en l’absence de réponse endéans un délai de cinq jours ouvrables, l’EPSO restreindrait unilatéralement le champ d’application de cette demande.

9        Le 8 octobre 2019, la requérante a accepté de réduire le champ d’application de la demande initiale d’accès. En ce qui concerne le document no 6, elle a accepté de réduire cette demande aux résultats des dix derniers candidats figurant sur la liste de réserve. En ce qui concerne le document no 3, elle a sollicité l’accès aux documents établis entre le 4 avril 2019 (date de son étude de cas) et le 17 juillet 2019 (date de communication de ses résultats du concours). Dans sa lettre, elle a souligné que l’EPSO n’expliquait pas en quoi la demande initiale d’accès aurait entrainé une charge excessive de travail.

10      Le 4 novembre 2019, l’EPSO a informé la requérante que six documents avaient été identifiés comme relevant du champ d’application de la demande initiale d’accès (ci-après les « documents demandés »). Bien que la requérante ait accepté de réduire la portée de ladite demande, il a identifié et inclus les notes des dix premiers candidats figurant sur la liste de réserve dans le champ d’application de cette demande avec ceux des dix derniers (document no 6). L’accès aux documents demandés a été refusé intégralement sur le fondement, d’une part, de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, relatif à la protection des données personnelles et, d’autre part, de l’article 4, paragraphe 3, dudit règlement, relatif à la protection du processus décisionnel, lu en combinaison avec l’article 6 de l’annexe III du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») qui prévoit que les travaux du jury sont secrets. En l’absence d’un intérêt public supérieur justifiant une dérogation à cette dernière exception, l’EPSO a, partant, refusé l’accès, même partiel, aux documents demandés.

11      Le 22 novembre 2019, la requérante a adressé à l’EPSO une demande d’accès confirmative, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

12      Le 10 décembre 2019, la requérante a été informée par une lettre de l’EPSO que le jury du concours avait réexaminé son dossier, mais que ce dernier confirmait la décision initiale de non-inscription (ci-après la « décision de rejet de la demande de réexamen »).

13      Le 24 février 2020, le secrétaire général de la Commission européenne a adopté la décision C(2020) 1195 final (ci-après la « décision attaquée ») confirmant le rejet de la demande d’accès aux documents demandés sur le fondement, d’une part, de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, relatif à la protection des données personnelles et, d’autre part, de l’article 4, paragraphe 3, du même règlement, relatif à la protection du processus décisionnel, lu en combinaison avec l’article 6 de l’annexe III du statut. En outre, selon cette décision, il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés et un accès partiel utile n’était pas possible sans porter atteinte aux intérêts protégés.

14      Le 5 mars 2020, la requérante a introduit auprès de l’EPSO une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de rejet de la demande de réexamen (ci-après la « réclamation préalable »).

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2020, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par acte déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a demandé le bénéfice de l’anonymat, lequel lui a été accordé par le Tribunal, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal.

17      Le mémoire en défense a été déposé le 14 juillet 2020.

18      Par lettre du 4 août 2020, la requérante a été invitée, au titre de l’article 83, paragraphe 3, du règlement de procédure, à produire une réplique portant sur les deux premiers moyens.

19      La requérante a déposé la réplique le 15 septembre 2020. La Commission a déposé la duplique le 11 novembre 2020.

20      Le 2 décembre 2020, le Tribunal a adopté une ordonnance de mesure d’instruction, ordonnant à la Commission, sur le fondement de l’article 91, sous c), du règlement de procédure, de produire une copie intégrale des documents demandés. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti. Conformément à l’article 104 dudit règlement, ces documents n’ont pas été communiqués à la requérante.

21      Dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure adoptée le 22 avril 2021 sur le fondement de l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions aux parties, qui y ont répondu dans les délais impartis.

22      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à verser un euro symbolique à titre de compensation pour le préjudice moral subi par elle, ainsi qu’aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

24      À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001 et de l’article 17 du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39). Le deuxième moyen est tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, de ce dernier règlement et du principe de proportionnalité. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration.

25      Les trois premiers moyens sont invoqués à l’appui des conclusions fondées sur l’article 263 TFUE et le quatrième moyen à l’appui des conclusions fondées sur l’article 268 TFUE.

 Sur les conclusions en annulation

26      Il y a lieu de commencer par l’analyse du deuxième moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001

27      Le deuxième moyen est articulé autour de deux branches prises, en substance, d’une part, de ce que l’accès aux documents demandés aurait dû être accordé à la requérante conformément à l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T-515/14P et T-516/14P, EU:T:2015:844) et, d’autre part, de ce que la Commission n’aurait pas justifié de manière concrète les raisons pour lesquelles la divulgation des documents demandés aurait porté atteinte à son processus décisionnel. Il y a lieu de commencer par l’examen de la seconde branche du deuxième moyen.

1)      Sur la seconde branche du deuxième moyen

28      La requérante soutient que la Commission n’a pas justifié de manière concrète les raisons pour lesquelles la divulgation des documents demandés aurait porté atteinte à son processus décisionnel protégé par l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.

29      Selon la requérante, les justifications avancées par la Commission ne sont étayées par aucun argument détaillé fondé sur le contenu des documents demandés et sont par conséquent insuffisantes pour motiver la décision attaquée.

30      Par ailleurs, la requérante doute du fait que la divulgation des documents demandés aurait donné lieu à une pression sur le jury ou sur le dernier candidat admis sur la liste de réserve, dans la mesure où l’anonymisation des documents demandés est possible et que la note du dernier candidat est connue.

31      Au stade de la réplique, la requérante précise que, contrairement à ce que soutient la Commission, la décision attaquée n’avance pas de motivation concrète fondée sur le contenu des documents. Cela vaudrait, en particulier, pour les références à l’indépendance des jurys et à l’équité des procédures des sélections futures. La Commission aurait également dû expliquer en quoi le « risque prévisible reconnu par le législateur lui-même », à savoir le risque d’atteinte au processus décisionnel du jury de concours, aurait été raisonnablement prévisible en l’espèce.

32      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

33      Il y a lieu de rappeler que l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001, prévoit que « [l]’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. »

34      Dans la décision attaquée, la Commission a opéré une distinction entre deux groupes de documents, avant de conclure que la divulgation de tous les documents demandés porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’EPSO de façon raisonnablement prévisible et non purement hypothétique en se référant à la jurisprudence relative à l’article 4, paragraphe 3 du règlement no 1049/2001, lu en combinaison avec le statut.

35      En ce qui concerne le premier groupe de documents, la décision attaquée a retenu que le caractère confidentiel des travaux du jury, prévu à l’article 6 de l’annexe III du statut, excluait non seulement la divulgation des positions prises par les membres individuels du jury, mais également la révélation de toute information concernant l’évaluation personnelle ou comparative des candidats. Pour cette raison, la Commission a estimé que les évaluations de la requérante (documents no 1 et 2), les notes de correction de son étude de cas (document no 5), les procès‑verbaux des réunions du jury (document no 3), ainsi que les résultats obtenus par les dix premiers et dix derniers candidats figurant sur la liste de réserve (document no 6) devaient être protégés. La divulgation de ce groupe de documents aurait ainsi gravement porté atteinte au processus décisionnel du jury du concours, dans la mesure où elle aurait conduit à un contournement de la disposition susvisée. Ce secret aurait été institué par le législateur afin de garantir l’indépendance des panels de sélection et l’objectivité de leur travail, en protégeant ces derniers de toute interférence et pression externe.

36      En ce qui concerne le second groupe de documents, à savoir la réponse de la requérante à l’étude de cas non corrigée (document no 4), la Commission a renvoyé la requérante au point 3.2.2 de l’avis de concours, au terme duquel les candidats peuvent demander une copie non corrigée de leurs réponses aux tests écrits lorsque leur contenu n’est pas destiné à être réutilisé, cela excluant explicitement les réponses aux études de cas. Elle a continué en précisant que les études de cas étaient destinées à être réutilisées ou adaptées par les jurys dans le cadre de procédures ultérieures de sélection et de concours. Dès lors, toute divulgation d’un cas ou d’un scénario de réponse d’un candidat à partir duquel le contenu de l’épreuve pourrait être déduit compromettrait l’équité des procédures de sélection futures en portant gravement atteinte à l’égalité de traitement entre les candidats. À défaut, une telle divulgation nuirait à l’efficacité de l’organisation et de gestion des concours EPSO, dans la mesure où elle empêcherait celui-ci de réutiliser des missions antérieures ou similaires dans des procédures de sélection ultérieures.

37      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans le cadre de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, points 81 et 82), le Tribunal a admis, sur la base d’une restriction similaire figurant dans un autre avis de concours, que le principe du secret des travaux du jury s’appliquait aux questions à choix multiple posées dans le cadre de concours généraux. Cette restriction au droit d’accès avait pour but d’éviter que ces questions, susceptibles d’être réutilisées dans le cadre de concours ultérieurs, ne soient divulguées à d’autres futurs candidats.

38      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, par sa référence au point 3.2.2 de l’avis de concours dans la décision attaquée, dans le cadre du document no 4, la Commission a entendu faire application du principe du secret des travaux du jury, garanti par l’article 6 de l’annexe III du statut. À cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n’a pas contesté l’idée selon laquelle l’étude de cas du document n° 4 était susceptible d’être réutilisée lors de concours ultérieurs.

39      C’est au vu des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’apprécier les arguments de la requérante.

40      Premièrement, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la motivation de la décision attaquée est insuffisante en ce que les justifications avancées par la Commission seraient formulées de façon trop générale, dans la mesure où elles ne sont étayées par aucun argument détaillé fondé sur le contenu des documents demandés.

41      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE ainsi que par l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 26 mars 2020, Bonnafous/Commission, T‑646/18, EU:T:2020:120, point 22 et jurisprudence citée).

42      L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi du contexte de celui-ci ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. S’agissant d’une demande d’accès aux documents, lorsque l’institution en cause refuse un tel accès, elle doit démontrer dans chaque cas d’espèce, sur la base des informations dont elle dispose, que les documents dont l’accès est sollicité relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement no 1049/2001 (voir arrêt du 26 mars 2020, Bonnafous/Commission, T‑646/18, EU:T:2020:120, point 23 et jurisprudence citée).

43      Il appartient donc, selon la jurisprudence, à l’institution ayant refusé l’accès à un document de fournir une motivation permettant de comprendre et de vérifier, d’une part, si le document demandé est effectivement concerné par le domaine visé par l’exception invoquée et, d’autre part, si le besoin de protection relatif à cette exception est réel (voir arrêt du 26 mars 2020, Bonnafous/Commission, T‑646/18, EU:T:2020:120, point 24 et jurisprudence citée).

44      Par ailleurs, si la Commission est tenue d’exposer les motifs qui justifient l’application à l’espèce d’une des exceptions au droit d’accès prévues par le règlement no 1049/2001, elle n’est pas dans l’obligation de fournir des renseignements allant au-delà de ce qui est nécessaire à la compréhension, par le demandeur d’accès, des raisons à l’origine de sa décision et au contrôle, par le Tribunal, de la légalité de cette dernière (voir arrêt du 26 mars 2020, Bonnafous/Commission, T‑646/18, EU:T:2020:120, point 25 et jurisprudence citée).

45      C’est au regard de ces éléments qu’il convient de déterminer si, en l’espèce, la Commission a satisfait aux exigences découlant de l’article 296 TFUE et de l’article 41 de la Charte.

46      Il ressort de la décision attaquée que la Commission a distingué entre deux groupes de documents et a considéré, en substance et au regard de l’article 6 de l’annexe III du statut, que l’éventuelle divulgation des documents demandés était susceptible de porter gravement atteinte à son processus décisionnel (voir points 34, 35 et 38 ci-dessus). Dans ce contexte, elle a relevé qu’un premier groupe de documents (documents no 1 à 3, 5 et 6) contenait des positions prises par les membres individuels du jury, ainsi que des informations concernant l’évaluation personnelle ou comparative des candidats et que la protection de ce groupe était nécessaire en vue de garantir l’indépendance du jury et l’objectivité de ses travaux, en protégeant ce dernier de toute interférence et pression externe (voir point 35 ci‑dessus). Elle a également relevé, dans le cadre d’un second groupe de documents (document no 4), que les études de cas étaient destinées à être réutilisées dans des procédures de sélection ultérieures et que leur divulgation compromettrait l’équité des procédures de sélection futures et porterait atteinte à l’efficacité de l’organisation et de gestion des concours EPSO (voir point 36 ci‑dessus).

47      Ainsi, tout d’abord, il ressort sans équivoque de la décision attaquée que, selon la Commission, les documents demandés étaient couverts par le champ de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, lu en combinaison avec l’article 6 de l’annexe III du statut, dès lors, en substance, qu’ils étaient liés au processus décisionnel de l’EPSO et que leur divulgation aurait porté gravement atteinte audit processus.

48      Ensuite, il ressort des motifs de la décision attaquée que, conformément à la jurisprudence citée aux points 43 et 44 ci‑dessus, la Commission a fourni une motivation claire et compréhensible des raisons pour lesquelles elle considérait que l’accès aux documents demandés porterait atteinte à l’intérêt protégé par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Ainsi, après avoir expliqué qu’il convenait d’interpréter l’exception prévue à ladite disposition, en combinaison avec l’article 6 de l’annexe III du statut, elle a clairement exposé, en distinguant en fonction de la nature des informations contenues dans les documents demandés, les raisons pour lesquelles les informations concernées relevaient du domaine visé par cette exception.

49      D’ailleurs, ainsi que cela ressort clairement des écritures de la requérante, la motivation de la décision attaquée lui a permis de comprendre les raisons des refus d’accès et de préparer le présent recours. En outre, cette motivation est également suffisante pour permettre au Tribunal d’exercer son contrôle.

50      Dès lors, il ne saurait être contesté que la décision attaquée remplit les conditions énoncées par la jurisprudence, telle que rappelées aux points 41 à 44 ci-dessus. Partant, l’argument de la requérante selon lequel la motivation de la décision attaquée est insuffisante doit être rejeté.

51      Deuxièmement et contrairement à ce qu’a laissé entendre la requérante à l’audience, les documents demandés sont susceptibles de contenir des informations confidentielles entrant dans le champ d’application de l’exception relative à la protection du processus décisionnel. En effet, ils apparaissent étroitement liés au processus de recrutement mis en place par la Commission dans le cadre du concours EPSO/AD/363/18. Ils relèvent par conséquent du processus décisionnel de la Commission et partant du champ d’application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 86).

52      Troisièmement, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission n’a pas procédé à un examen concret fondé sur le contenu des documents demandés.

53      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, que ce document relève d’une activité mentionnée à l’article 4 du règlement no 1049/2001 (voir arrêt du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement, T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602, point 102 et jurisprudence citée).

54      En effet, selon une jurisprudence constante, l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit revêtir un caractère concret. Ainsi, d’une part, la seule circonstance qu’un document concerne un intérêt protégé par une exception ne saurait suffire à justifier l’application de cette dernière. D’autre part, le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible, et non purement hypothétique. Par conséquent, l’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision (voir arrêt du 25 septembre 2018, Psara e.a/Parlement, T‑639/15 à T‑666/15 et T‑94/16, EU:T:2018:602, point 103 et jurisprudence citée).

55      En premier lieu, il n’en demeure pas moins que, comme toute norme de caractère général, le droit d’accès aux documents, prévu par le règlement no 1049/2001, peut être précisé, étendu ou, à l’inverse, limité voire exclu, selon le principe suivant lequel la règle spéciale déroge à la règle générale (lex specialis derogat legi generali), lorsqu’il existe des normes spéciales qui régissent des matières spécifiques (arrêts du Tribunal de première instance du 5 avril 2005, Hendrickx/Conseil, T‑376/03, EU:T:2005:116, point 55, et du 14 juillet 2005, Le Voci/Conseil, T‑371/03, EU:T:2005:290, point 122).

56      À cet égard, le juge a observé que le secret qui entoure les travaux du jury de concours en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut a été institué en vue de garantir l’indépendance de ces derniers et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toute ingérence et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union elle-même, des candidats intéressés ou de tiers. Le respect de ce secret s’oppose, dès lors, tant à la divulgation des attitudes prises par les membres individuels des jurys qu’à la révélation de tous éléments ayant trait à des appréciations de caractère personnel ou comparatif concernant les candidats (voir arrêt du 5 avril 2005, Hendrickx/Conseil, T‑376/03, EU:T:2005:116, point 56 et jurisprudence citée).

57      En l’espèce, les documents demandés relevant du domaine particulier de la fonction publique de l’Union, l’exception relative à la protection du processus décisionnel, prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, doit donc être interprétée en tenant compte du principe du secret des travaux du jury, énoncé à l’article 6 de l’annexe III du statut (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 93).

58      Dans le contexte spécifique de l’article 6 de l’annexe III du statut, la jurisprudence a considéré que les critères de correction adoptés par le jury préalablement aux épreuves faisaient partie intégrante des appréciations de nature comparative auxquelles se livrait le jury sur les mérites respectifs des candidats. Ces critères sont donc couverts par le secret des délibérations, au même titre que les appréciations du jury. Les appréciations de nature comparative auxquelles se livre le jury sont reflétées par les notes que ce dernier attribue aux candidats. Celles-ci sont l’expression des jugements de valeur portés sur chacun d’eux (arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, points 29 à 30).

59      En l’espèce, force est de constater que des appréciations personnelles ou comparatives sont contenues dans l’évaluation par les examinateurs des réponses de la requérante (documents no 1 et 2), les procès-verbaux des réunions du jury (document no 3), les notes de correction de son étude de cas (document no 5) et les résultats obtenus par les candidats figurant sur la liste de réserve (document no 6).

60      En second lieu, il a également été jugé qu’il était loisible à une institution de se fonder sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 88 et jurisprudence citée).

61      Pour retenir l’existence d’une présomption, la jurisprudence s’est, notamment, fondée sur le fait que les exceptions au droit d’accès aux documents, qui figurent à l’article 4 du règlement no 1049/2001, ne sauraient, lorsque les documents visés par la demande d’accès relèvent d’un domaine particulier du droit de l’Union, être interprétées sans tenir compte des règles spécifiques régissant l’accès à ces documents (voir arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 90 et jurisprudence citée).

62      Dans ce contexte, il a été jugé que, conformément aux objectifs poursuivis par le principe de protection du secret des travaux du jury, l’administration était en droit de présumer, sans procéder à un examen concret et individuel des documents auxquels l’accès est demandé, que la divulgation de questions à choix multiples destinées à être réutilisées lors de concours ultérieurs portait en principe atteinte, de manière grave, à son processus décisionnel (arrêts du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 94 ; du 23 septembre 2020, ZL/EUIPO, T‑596/18, non publié, EU:T:2020:442, point 46, et du 10 février 2021, XC/Commission, T‑488/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:76, point 150).

63      En l’espèce, des considérations similaires justifient la protection du document n° 4 par le secret des travaux du jury, à savoir que sa divulgation risquerait de porter atteinte au principe d’égalité de traitement des candidats à un futur concours dans lequel le contenu de l’épreuve serait de nouveau utilisé et, de ce fait, entraverait cette réutilisation, ce qui méconnaîtrait le large pouvoir d’appréciation du jury dans l’organisation des épreuves et serait contraire au principe de bonne administration (arrêts du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 82, et du 10 février 2021, XC/Commission, T‑488/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:76, point 152).

64      Partant, il y a lieu d’admettre que la divulgation des documents demandés aurait porté gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission, en ce que cela mettrait en danger le respect des principes mentionnés aux points 55, 56 et 62 ci-dessus.

65      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que l’examen requis pour le traitement d’une demande d’accès à des documents doit, en principe, revêtir un caractère concret et individuel. Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 60 ci‑dessus, ce principe connaît en effet des exceptions, notamment en présence de l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation du document en cause porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par les exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001. Par conséquent, la Commission n’était pas tenue d’effectuer une telle démonstration pour le document no 4.

66      De même, ainsi qu’il découle des points 57 à 59 ci-dessus, en vue d’assurer une application cohérente des dispositions du statut et du règlement no 1049/2001, il convient de tenir compte, pour les documents no 1 à 3, 5 et 6, du risque raisonnablement prévisible d’atteinte au processus décisionnel, reconnu par le législateur de l’Union, au travers de l’article 6, de l’annexe III, du statut, en ce que ces documents contiennent des appréciations personnelles ou comparatives au sens de la jurisprudence citée au point 58 ci-dessus.

67      Il ressort de ce qui précède que la seconde branche du deuxième moyen doit être rejetée comme non fondée.

2)      Sur la première branche du deuxième moyen

68      La requérante soutient, en substance, que l’accès aux documents demandés aurait dû lui être accordé conformément à l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), au terme duquel le principe d’accès aux documents peut prévaloir sur le principe du secret des travaux du jury, dans la mesure où elle remplit les conditions imposées par cet arrêt.

69      Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle a contesté la pertinence de certaines questions et le bien-fondé de certaines réponses considérées comme correctes au travers de sa demande de réexamen, qu’elle a introduit la réclamation préalable à la suite du rejet de cette demande de réexamen et un recours en annulation contre la décision rejetant sa réclamation préalable. L’existence de ces recours et le fait d’y faire référence seraient suffisants.

70      Au stade de la réplique, la requérante fait valoir qu’elle n’a pas sollicité l’accès aux travaux du jury afin de procéder à une comparaison de l’évaluation avec celles d’autres candidats.

71      Par ailleurs, le seuil de précision exigé par la Commission reviendrait à exiger de connaître à l’avance le contenu précis des documents dont l’accès a été demandé, ce qui s’apparenterait à une probatio diabolica, dans la mesure où pendant la partie orale du concours, seuls les assesseurs pouvaient noter à l’écrit la prestation.

72      En outre, la requérante soutient que les évaluations auxquelles elle sollicite l’accès ne révèlent pas le nombre d’années d’expérience dans le domaine de la fiscalité des assesseurs, mais dans quelle mesure les informations fournies par elle sur son expérience professionnelle dans ce domaine ont été ou non prises en considération et étudiées en détails par les assesseurs. Par ailleurs, elle soupçonne que certaines informations fournies aient été mal comprises ou omises dans le cadre de l’entretien axé sur les compétences générales et de l’entretien relatif au domaine concerné.

73      Saisie d’une demande d’accès aux documents susceptible de prouver une erreur, la Commission ne serait ainsi pas compétente pour juger si cette erreur a été effectivement commise. L’appréciation de la Commission devrait uniquement porter sur la question de savoir si les documents pourraient être pertinents à cette fin.

74      Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’écart entre sa note et le seuil de réussite ne serait pas trop grand, contrairement à ce qu’affirme la Commission. Dans ce contexte, elle développe quatre arguments particuliers.

75      En premier lieu, la requérante soutient que la Commission ne saurait refuser le bénéfice de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), en se fondant sur sa propre conviction quant aux chances de succès du recours. En deuxième lieu, elle estime qu’aucune « proximité » entre les notes du candidat et le seuil de réussite n’est requise par cet arrêt. En troisième lieu, elle souligne que, à supposer qu’une « “proximité” raisonnable » soit exigée, elle remplit cette condition, dans la mesure où toutes ses notes aux épreuves écrites et orales sont supérieures à la note minimale requise par l’avis de concours. En quatrième lieu, elle indique que, à supposer qu’une simple « proximité » soit exigée, elle remplit cette condition, dans la mesure où l’écart entre sa note globale et celle du dernier candidat inscrit sur la liste de réserve ne serait que de 17,5/180 points.

76      Troisièmement, dans la réplique, la requérante explique qu’aucun intérêt public supérieur n’est requis pour l’application de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844).

77      Le fait de mettre en doute la validité de questions spécifiques ou la validité des réponses jugées correctes relèverait ainsi d’un intérêt privé, à savoir celui pour le candidat non retenu d’être réadmis au concours ou inscrit sur la liste de réserve.

78      Selon la requérante, son intérêt privé est toutefois lié à un intérêt public plus large, à savoir celui d’assurer l’objectivité de la procédure de sélection concernée qui est au cœur de l’article 27 du statut selon lequel le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité.

79      Par ailleurs, il existerait un intérêt public supérieur consistant à montrer au public en général que le modèle d’évaluation choisi par l’EPSO pour certaines parties du concours serait inadapté et peu fiable.

80      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

81      Il y a lieu de rappeler que, au point 86 de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), le Tribunal a jugé que les questions à choix multiples posées par les jurys dans le cadre des concours organisés par l’EPSO relevaient du processus décisionnel de la Commission et, partant, du champ d’application de l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001.

82      Dans ce contexte et conformément aux objectifs poursuivis par le principe de protection du secret des travaux du jury, le Tribunal a également admis à cette occasion que l’administration est en droit de présumer, sans procéder à un examen concret et individuel des documents auxquels l’accès est demandé, que la divulgation de ce type de questions porte en principe atteinte, de manière grave, à son processus décisionnel (arrêts du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 94, et du 23 septembre 2020, ZL/EUIPO, T‑596/18, non publié, EU:T:2020:442, point 46).

83      Il a cependant souligné que cette présomption générale n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné, dont la divulgation est demandée, n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 96).

84      En effet, dans certaines circonstances particulières, le Tribunal a relevé que la présomption générale de confidentialité applicable aux questions à choix multiples peut être renversée, dans le cadre d’une mise en balance des intérêts en présence, conformément au régime prévu par l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001. Il en est ainsi lorsqu’un candidat conteste concrètement la pertinence de certaines questions ou le bien-fondé des réponses retenues comme correctes (ci‑après la « première condition »), et à condition que l’écart entre ses résultats et le seuil de réussite soit tel que, à supposer sa contestation fondée, il pourrait se trouver parmi les candidats ayant réussi l’épreuve en question (ci-après la « seconde condition »). En effet, dans une telle hypothèse, la communication du texte des questions litigieuses à l’intéressé est nécessaire, afin de lui permettre d’apprécier la régularité de la décision l’excluant du concours et l’opportunité de former un recours ainsi que pour rendre possible le contrôle juridictionnel. Dans ce cas, le droit d’accès de l’intéressé aux éléments motivant cette décision prévaut sur le principe du secret des travaux du jury (arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 98).

85      En l’espèce, contrairement à la situation prévalant dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), la requérante n’a pas sollicité et la Commission n’a pas refusé l’accès à des documents contenant les questions à choix multiples posées dans le cadre des tests d’accès auxquels la requérante a participé.

86      De plus, si la décision attaquée retient que l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), ne s’applique pas au cas d’espèce, car l’écart entre la note obtenue par la requérante et le seuil de réussite au concours est trop grand, elle n’identifie pas les documents auxquels cette considération s’applique. De même, la requérante, dans ses écritures, ne spécifie pas à l’égard de quels documents elle entend se prévaloir du bénéfice de la solution dégagée au point 98 de cet arrêt, reprise au point 84 ci-dessus.

87      Toutefois, à supposer que la solution dégagée au point 98 de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844) soit applicable en l’espèce à la totalité des documents demandés, force est de constater que la requérante ne remplit aucune des conditions nécessaires pour renverser la présomption générale selon laquelle la divulgation de ce type de questions porte en principe atteinte, de manière grave, à son processus décisionnel.

88      Premièrement, la requérante n’a contesté concrètement aucune question posée ou réponse donnée au cours des épreuves qu’elle a passées. Elle ne remplit donc pas la première condition posée au point 98 de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844).

89      Ainsi, sa demande initiale d’accès ne fait état d’aucune question ou réponse formulée lors des épreuves de concours. Dans sa demande confirmative d’accès, la requérante a indiqué qu’elle avait introduit une demande de réexamen et que dans cette dernière, elle avait notamment contesté l’objectivité de l’évaluation dont elle avait fait l’objet, en raison du manque d’expertise en matière fiscale des membres du jury ayant conduit l’entretien relatif au domaine concerné et, par conséquent, la pertinence de certaines questions et l’évaluation de certaines réponses. Elle a poursuivi en expliquant, en substance, que, dans cette demande de réexamen, elle avait rappelé le contenu de ses réponses afin de prévenir tout risque d’erreurs dans la notation et la reproduction de ses réponses et, partant, de sa prestation lors des tests oraux au centre d’examen (exercice de groupe, entretien axé sur les compétences générales et entretien relatif au domaine concerné).

90      Force est de constater que ces allégations ne se réfèrent à aucune question ou réponse précise permettant de suspecter l’existence d’une éventuelle irrégularité dans l’une des épreuves, ni aucun élément de preuve ou indice de nature à faire supposer un manque d’expertise des membres du jury concernés par ces accusations. De surcroit, la demande de réexamen à laquelle la requérante fait référence n’a pas été jointe à la demande confirmative d’accès.

91      En tout état de cause, dans la demande de réexamen, la requérante n’a pas mis en évidence d’erreur spécifique relative aux questions posées. Elle s’est contentée de rappeler certaines questions posées et réponses données pour en déduire que sa prestation avait été sous-évaluée et contester ainsi l’ensemble de son évaluation. À aucun moment, elle ne conteste la pertinence des questions posées. Quant à la mise en cause de l’expérience professionnelle des membres du jury dans le domaine de la fiscalité, elle ne se réfère là aussi à aucun évènement particulier de l’entretien. Elle se contente de mentionner les informations publiques disponibles au sujet de ces personnes qui la conduisent à douter de l’objectivité de leur évaluation à son égard.

92      Le fait que la requérante ait introduit, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, une réclamation préalable à la suite du rejet de sa demande de réexamen et deux recours en annulation contre la décision rejetant sa réclamation préalable est indifférent. En effet, même à supposer que la requérante ait concrètement contesté les questions posées ou réponses retenues comme correctes dans ses démarches ultérieures, ces dernières ne sauraient être prises en compte aux fins d’appréciation de la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où la légalité de cette dernière doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté (voir arrêt du 5 décembre 2018, Sumner/Commission, T‑152/17, non publié, EU:T:2018:875, point 42 et jurisprudence citée).

93      C’est donc dans la demande initiale d’accès ou dans la demande confirmative d’accès et de leurs éventuelles annexes que la requérante aurait dû formuler ses objections à l’encontre des questions posées ou des réponses retenues comme correctes, ce qu’elle n’a pas fait.

94      Par ailleurs, contrairement à ce que laisse entendre la requérante, la nécessité de contester concrètement des questions ou des réponses spécifiques ne lui impose pas de connaitre à l’avance le contenu précis des documents auxquels elle souhaite accéder et ne s’apparente ainsi pas à une preuve diabolique, soit une preuve impossible à rapporter. En effet, un candidat qui a participé aux épreuves du concours a nécessairement connaissance des questions qui lui ont été posées et des réponses qu’il a données. Par ailleurs, s’il n’est pas contesté que pendant la partie orale des épreuves du concours, seuls les assesseurs peuvent prendre des notes, rien n’empêche les candidats, à la sortie des épreuves, de noter les questions posées et les réponses données au cours de cet entretien, afin de documenter leurs souvenirs, en particulier, si les questions posées ont pu susciter des doutes dans leur esprit quant à leur pertinence ou si le candidat entretient des doutes quant à l’expérience professionnelle de certains membres du jury dont les noms sont publics (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, ZL/EUIPO, T‑596/18, non publié, EU:T:2020:442, point 70). De plus, comme la requérante le reconnait elle-même dans la demande confirmative d’accès, elle a fait état dans sa demande de réexamen du contenu de certaines de ses réponses au cours des différentes épreuves, ce qui démontre qu’il est possible de se souvenir du contenu de questions posées ou de réponses données au cours d’une épreuve de concours.

95      Deuxièmement, la requérante ne remplit pas la seconde condition posée au point 98 de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), au terme de laquelle l’écart entre ses résultats et le seuil de réussite devrait être tel que, à supposer sa contestation fondée, elle aurait pu se trouver parmi les candidats ayant réussi l’épreuve contestée.

96      En effet, l’appréciation de cette condition doit s’effectuer au regard des notes obtenues par la requérante et des points attribués aux questions contestées. Cela découle de l’emploi de la formule « à supposer cette contestation fondée » employée par la jurisprudence. Or, ainsi qu’il ressort du point 87 ci-dessus, la requérante n’a pas contesté de questions ou de réponses spécifiques. Si tel avait été le cas, il aurait été possible de s’assurer que ses notes « rehaussées » lui auraient permis de se placer parmi les candidats ayant réussi l’épreuve, dans l’éventualité où les questions ou réponses contestées viendraient à être écartées. En l’espèce, il n’est donc pas possible d’évaluer la « marge de progression » des notes de la requérante et de s’assurer qu’elle aurait pu se trouver parmi les candidats ayant réussi l’épreuve contestée.

97      Même à supposer que l’appréciation de la seconde condition posée au point 98 de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), doive être effectuée sans tenir compte du fait que l’invalidation de la question contestée aurait permis à la requérante de se trouver parmi les candidats ayant réussi l’épreuve contestée, il convient de constater que les arguments de la requérante n’établissent pas l’existence de circonstances particulières qui aurait imposé la communication des documents demandés.

98      En premier lieu, le fait d’avoir obtenu une note supérieure à la note minimale requise dans toutes les épreuves du concours ne saurait établir, en tant que tel, le fait que la requérante aurait pu se retrouver parmi les lauréats du concours.

99      Comme le soutient la Commission, à suivre ce raisonnement, tout candidat ayant obtenu une note minimale se verrait accorder un droit d’accès, alors que ce n’est que dans « certaines circonstances particulières » qu’il peut être fait usage de cette possibilité (arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission, T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844, point 98). La généralité des considérations exposées par la requérante ne saurait dès lors établir les « circonstances particulières » exigées par la jurisprudence et ne saurait, en tant que telles, primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents demandés.

100    En deuxième lieu, les calculs présentés par la requérante, en lien avec ses notes obtenues dans le cadre de l’entretien relatif au domaine concerné, n’apparaissent pas plus convaincants.

101    En effet, la requérante a obtenu une note globale de 99/180 alors que le seuil de réussite était de 116,5/180. Un écart de 17,5 points sépare ces deux notes, soit un différentiel de 15 %.

102    Dans ce contexte, la requérante fait valoir qu’une augmentation de 2/10 points (soit 20 %) de la note obtenue dans chacun des trois domaines composant l’entretien relatif au domaine concerné lui aurait permis, en vertu de l’application des différents coefficients, d’augmenter sa note globale de 19 points.

103    Cette démonstration abstraite et purement hypothétique repose sur une réévaluation complète de sa prestation au cours de cet entretien. Par ailleurs, parmi les candidats n’ayant pas atteint le seuil de réussite du concours, 35 d’entre eux ont obtenu une note supérieure à celle de la requérante. Celle-ci ne saurait dès lors sérieusement soutenir qu’il serait plausible, voir probable, que la correction d’erreurs (non identifiées) lui aurait permis de rehausser la note obtenue au cours de cette épreuve et de figurer parmi les lauréats du concours.

104    En troisième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, en se référant dans la décision attaquée à l’absence de proximité entre la note globale obtenue par la requérante et le seuil de réussite au concours, la Commission n’a pas pris position sur les chances de succès du recours de la requérante, mais sur ses chances générales de figurer parmi les lauréats du concours, soulignant par là même le fait que les notes de la requérante n’entretenaient, en tant que tel, aucune proximité avec le seuil de réussite.

105    De plus, dans la demande confirmative d’accès, la requérante n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle aurait eu des chances de figurer parmi les lauréats du concours. En effet, elle s’est contentée de se référer au fait d’avoir obtenu une note supérieure à la note minimale requise dans toutes les épreuves du concours, sans autre forme d’explication. Ce n’est qu’au stade de la procédure juridictionnelle qu’elle a fait valoir qu’une augmentation de 20 % des trois notes obtenues dans le domaine composant l’entretien relatif au domaine concerné lui aurait permis de figurer parmi les lauréats du concours. Or, ainsi qu’il résulte des points 98 et 100 ci-dessus, dans un cas comme dans l’autre, les notes obtenues par la requérante n’entretiennent en soi aucune proximité avec le seuil de réussite du concours et la requérante n’établit pas l’existence de circonstances particulières permettant de suspecter l’existence d’une éventuelle irrégularité.

106    Troisièmement, indépendamment de la question de savoir si, comme le soutient la Commission, la requérante aurait dû démontrer l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés ou si, comme le soutient, en substance, cette dernière, cette démonstration n’était pas nécessaire, dès lors que la première et la seconde conditions posée au point 98 de l’arrêt du 12 novembre 2015, Alexandrou/Commission (T‑515/14 P et T‑516/14 P, EU:T:2015:844), étaient remplies, il y a lieu de constater que l’existence d’un intérêt public supérieur n’est pas établie en l’espèce.

107    En effet, conformément à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001, l’application de l’exception qu’il consacre est écartée si la divulgation du document en cause est justifiée par un intérêt public supérieur.

108    Ainsi, le régime des exceptions prévu à l’article 4 du règlement no 1049/2001, et notamment au paragraphe 3 de cet article, est fondé sur une mise en balance des intérêts qui s’opposent dans une situation donnée, à savoir, d’une part, les intérêts qui seraient favorisés par la divulgation des documents concernés et, d’autre part, ceux qui seraient menacés par cette divulgation. La décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (voir, par analogie, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42).

109    En l’espèce, tout d’abord, la requérante n’a pas invoqué, que ce soit dans la demande initiale ou la demande confirmative d’accès, l’existence d’un intérêt public supérieur en tant que tel. Elle se réfère simplement, dans la demande confirmative d’accès, à la nécessité d’accéder aux documents demandés, dans la mesure où ces documents lui permettraient d’étayer sa contestation des réponses données lors des tests oraux au centre d’évaluation.

110    À supposer que, par cette affirmation, la requérante ait entendu se prévaloir d’un intérêt public supérieur, force est de constater qu’un intérêt consistant à faciliter l’exercice de ses droits de la défense dans le cadre de ses éventuels recours dans d’autres affaires constitue un intérêt « privé » ne relevant pas de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 14 juillet 2016, Sea Handling/Commission, C‑271/15 P, non publié, EU:C:2016:557, points 97 à 99). De plus, la requérante admet elle-même dans la réplique que sa démarche est avant tout motivée par des considérations privées.

111    Ainsi, ce n’est qu’au stade de la réplique, en réponse aux arguments soulevés par la Commission dans le mémoire en défense, que la requérante évoque expressément cette problématique et expose des arguments en ce sens. Or, en vertu de la jurisprudence visée au point 92 ci-dessus, ces allégations ne sauraient être prises en compte aux fins d’appréciation de la légalité de la décision attaquée, puisque la légalité de l’acte attaqué doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté.

112    En tout état de cause, aucun élément présenté par la requérante dans la réplique et à l’audience n’est de nature à établir l’existence d’un intérêt public supérieur.

113    En effet, il incombe à celui qui fait valoir l’existence d’un intérêt public supérieur d’invoquer de manière concrète les circonstances justifiant la divulgation des documents concernés. Ces circonstances doivent, en outre, être de nature à établir que l’intérêt supérieur présente une acuité particulière qui prime sur les raisons justifiant le refus d’accès (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, points 93 et 94 et jurisprudence citée).

114    S’agissant de la nécessité, avancée par la requérante, d’assurer l’objectivité de la procédure de sélection concernée qui serait au cœur de l’article 27 du statut, il convient de constater que cette justification est hypothétique, dès lors qu’elle repose sur l’idée selon laquelle la requérante aurait pu se trouver parmi les candidats ayant réussi l’épreuve contestée, alors qu’une telle hypothèse ne peut pas être tenue pour avérée, ainsi que cela a été relevé notamment au point 97 ci‑dessus.

115    S’agissant de l’objectif consistant à montrer au public que le modèle d’évaluation de l’EPSO du concours en cause est inadapté et peu fiable, il convient de constater que ces considérations invoquées par la requérante sont une fois encore hypothétiques et générales, puisqu’elles s’appliquent à tout concours prévoyant des modalités d’organisation similaires.

116    Il résulte de ce qui précède que, en tout état de cause, la requérante n’établit pas l’existence d’un intérêt public supérieur.

117    Il résulte de tout ce qui précède que la première branche du deuxième moyen doit être rejetée et, partant, ledit moyen dans son intégralité.

118    Or, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la Commission a opposé concurremment les exceptions tirées de la protection de la vie privée et de la protection du processus décisionnel.

119    Par suite, il n’est pas utile d’examiner le bien-fondé du premier moyen, puisque, pour que la décision attaquée soit fondée en droit, il suffit que l’une des exceptions que la Commission a opposées pour refuser l’accès aux documents demandés l’ait été à juste titre (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2018, ClientEarth/Commission, T‑644/16, non publié, EU:T:2018:429, point 78 et jurisprudence citée).

 Sur le troisième moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 et du principe de proportionnalité

120    La requérante soutient que la Commission a fait une application erronée de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 et du principe de proportionnalité. Elle soutient, en substance, que la Commission n’a pas envisagé la possibilité d’accorder un accès partiel aux documents demandés en occultant les noms et les signatures qu’ils contenaient.

121    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

122    Il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

123    En ce qui concerne le document n° 4, il convient de constater que ce document est couvert par la présomption générale (voir point 63 ci‑dessus), que la requérante n’a pas été en mesure de remettre en cause l’application de ladite présomption (voir points 88 à 105 ci-dessus) et qu’il n’a pas été établi qu’un intérêt public supérieur justifiait sa divulgation (points 109 à 116 ci-dessus). Ce document échappe donc à l’obligation d’une divulgation, intégrale ou partielle, de leur contenu (voir, en ce sens, arrêts du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 133, et du 27 février 2014, Commission/EnBW, C‑365/12 P, EU:C:2014:112, point 134).

124    En ce qui concerne les documents no 1 à 3, 5 et 6, il convient de relever que l’examen de l’accès partiel à un document des institutions de l’Union doit être réalisé à l’aune du principe de proportionnalité (arrêts du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, EU:C:2001:661, points 27 et 28, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 83).

125    Il résulte ainsi des termes mêmes de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 qu’une institution est tenue d’examiner s’il convient d’accorder un accès partiel aux documents visés par une demande d’accès, en limitant un refus éventuel aux seules données couvertes par les exceptions visées. L’institution doit accorder un tel accès partiel si le but poursuivi par cette institution, lorsqu’elle refuse l’accès au document, peut être atteint dans l’hypothèse où cette institution se limiterait à occulter les passages qui peuvent porter atteinte à l’intérêt public protégé (arrêt du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 84).

126    En l’espèce, la Commission a écarté la possibilité d’accorder un accès partiel à la totalité des documents demandés, dès lors que ces derniers étaient, selon elle, couverts par l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001 dans leur intégralité. Elle a ainsi expliqué avoir considéré la possibilité d’accorder un accès partiel, mais qu’aucun accès utile n’aurait pu être accordé sans porter atteinte aux intérêts protégés.

127    Il convient ainsi d’examiner si le refus d’accès aux documents n° 1 à 3, 5 et 6, est en l’espèce justifié au regard des exceptions invoquées, à l’aune du principe de proportionnalité.

128    S’agissant du document no 1, il y a lieu de constater que la nécessité de protéger les attitudes prises par les membres du jury et ses appréciations ne s’applique qu’à une partie du document en cause. En effet, de telles considérations ne concernent pas les questions reprises dans les sections « Anchor » et les rubriques « Possible questions ». Par ailleurs, à aucun moment, la Commission n’a fait valoir que ces questions auraient été destinées à être réutilisées lors de concours ultérieurs.

129    Des considérations similaires sont applicables au document no 2, pour lequel la Commission n’a jamais fait valoir que les questions posées dans les rubriques « Situation 1 », « Situation 2 » et « Situation 3 » auraient été destinées à être réutilisées au cours de concours ultérieurs.

130    Partant, la Commission ne pouvait pas refuser l’accès à ces parties des deux documents en cause au titre de l’article 6 de l’annexe III du statut.

131    S’agissant du document no 3, la Commission a pu, à bon droit, considérer, dans la décision attaquée, qu’une divulgation partielle de ce document était dénuée de tout intérêt. En effet, une telle divulgation aurait impliqué pour la Commission de rendre inaccessible le contenu des délibérations, de sorte que la divulgation de ce document aurait été limitée à son titre.

132    Aucune divulgation n’apparait également possible du document no 5 qui reprend les notes obtenues par la requérante et les critères de correction adoptés par le jury pour l’étude de cas, ainsi que du document no 6 qui contient les notes des dix premiers et des dix derniers candidats inscrits sur la liste de réserve.

133    Il s’ensuit que le troisième moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, doit être partiellement accueilli, en ce que la Commission a refusé l’accès à la requérante aux questions reprises dans les sections « Anchor » et les rubriques « Possible questions » du document no 1 et qu’elle a refusé l’accès aux questions reprises dans les rubriques « Situation 1 », « Situation 2 » et « Situation 3 » du document no 2. Il en va de même des conclusions en annulation de la requérante.

 Sur les conclusions indemnitaires

134    La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé le principe de bonne administration, consacré à l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, lorsqu’elle l’a invitée à restreindre le champ d’application de la demande initiale d’accès, qui plus est dans un délai de cinq jours ouvrables, alors qu’aucun des documents demandés n’a été divulgué par l’EPSO dans sa réponse à la demande initiale d’accès et que la demande d’arrangement équitable était formulée de façon générale.

135    Compte tenu de ces éléments, la requérante demande le versement d’un euro symbolique en réparation du préjudice que lui aurait causé cette violation et le traitement injuste et inéquitable dont elle aurait été victime.

136    Au stade de la réplique, la requérante ajoute que la Commission ne saurait revendiquer la nécessité de procéder à première vue à une analyse de la charge de travail administrative engendrée par la demande initiale d’accès, dans la mesure où ce type de demande d’accès ne serait pas inhabituelle dans le cadre des concours. Par ailleurs, la décision attaquée n’aurait pas été adoptée dans le délai imparti par l’article 8, du règlement no 1049/2001. De plus, la demande d’arrangement équitable serait entachée de plusieurs erreurs concernant notamment la date d’introduction de la demande initiale d’accès et la date à laquelle elle a été enregistrée, de même que le nom de la requérante. Enfin, pour respecter le délai imposé par la demande d’arrangement équitable, la requérante, bien que juriste, a dû recourir à une assistance professionnelle externe.

137    La Commission conteste les arguments de la requérante.

138    Dans la requête, la requérante critique, en substance, le traitement qui a été réservé à la demande initiale d’accès et, en particulier, la demande d’arrangement équitable qui lui a été adressée par l’EPSO et le refus initial d’accès que ce dernier lui a opposé. Le fait générateur du dommage allégué ne réside donc pas dans la décision attaquée, mais dans le traitement de sa demande initiale d’accès. Les conclusions indemnitaires ne présentent donc pas un lien étroit avec les conclusions en annulation.

139    Dans ce contexte, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même (voir, en ce sens, ordonnance du 12 septembre 2018, RE/Commission, T‑257/17, non publiée, EU:T:2018:549, point 54 et jurisprudence citée).

140    Partant, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution doit indiquer avec une précision suffisante de quelle façon l’ensemble des conditions pour la réparation du préjudice prétendument subi est réunie (voir ordonnance du 12 septembre 2018, RE/Commission, T‑257/17, non publiée, EU:T:2018:549, point 55 et jurisprudence citée). Une telle requête doit donc contenir les éléments qui permettent d’identifier, premièrement, le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, deuxièmement, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre ce comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que, troisièmement, le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêts du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, EU:T:1990:42, point 73 ; du 30 juin 2009, CPEM/Commission, T‑444/07, EU:T:2009:227, point 33, et ordonnance du 12 septembre 2018, RE/Commission, T‑257/17, non publiée, EU:T:2018:549, point 56).

141    En particulier, en ce qui concerne la condition selon laquelle la partie requérante doit mettre le Tribunal en mesure d’apprécier l’étendue et le caractère de son préjudice, il appartient à celle-ci de préciser, notamment, la nature du préjudice moral allégué, au regard du comportement reproché à l’institution concernée, puis de préciser, même de façon approximative, l’évaluation de l’ensemble de ce préjudice (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, EU:T:1999:124, point 81 et jurisprudence citée ; du 7 février 2007, Gordon/Commission, T‑175/04, EU:T:2007:38, point 45, et ordonnance du 12 septembre 2018, RE/Commission, T‑257/17, non publiée, EU:T:2018:549, point 61).

142    En l’espèce, il est difficile de cerner la nature exacte du préjudice moral allégué et, partant, d’en apprécier l’existence, ainsi que l’étendue. En effet, la requérante se contente de se référer à un préjudice moral et à un traitement injuste et inéquitable sans plus de précision. Elle n’explique pas quel est le préjudice moral qu’elle aurait subi.

143    Par ailleurs, la question de l’existence d’un lien de causalité n’est pas abordée. En effet, la requérante ne cherche pas à expliquer, de manière circonstanciée, de quelle façon le traitement de sa demande initiale d’accès par l’EPSO aurait généré un quelconque préjudice moral ou quel aurait été l’impact du traitement injuste et inéquitable qu’elle aurait prétendu subi. Il s’ensuit que le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier si la requérante est parvenue à démontrer l’existence d’un lien de causalité.

144    En outre, les « quelques observations sur le quatrième moyen » figurant dans la réplique n’infirment pas ces constats. En effet, les éléments invoqués, tels que résumés au point 136 ci-dessus, ne précisent ni l’étendue du préjudice moral allégué, dont la preuve incombe à la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2021, AM/BEI, T‑134/19, EU:T:2021:119, point 86) ni le lien de causalité entre ledit préjudice et la manière dont l’EPSO a traité sa demande initiale d’accès.

145    Dans ces conditions, faute de comporter une quelconque indication quant à la nature du préjudice moral prétendument subi, ainsi que des éléments circonstanciés en ce qui concerne l’existence d’un lien de causalité, la demande en réparation ne satisfait pas aux exigences rappelées aux points 138 à 141 ci-dessus.

146    Partant, la demande en indemnité formulée par la requérante doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

147    La requérante fait valoir que c’est la Commission qui, par son attitude, est responsable de toutes ses démarches procédurales et qu’elle ne lui a pas laissé d’autre choix que d’introduire le présent recours.

148    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

149    Il convient de relever que la requérante n’expose pas en quoi les frais engagés dans le cadre de la présente procédure auraient un caractère frustratoire ou vexatoire au sens de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure.

150    En outre, il doit être constaté que la Commission a fourni à la requérante les informations nécessaires pour introduire le présent recours, permettant de même au Tribunal d’exercer son contrôle.

151    En application de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparait justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

152    Dès lors, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en condamnant les parties à supporter chacune leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C(2020) 1195 final de la Commission, du 24 février 2020, concernant une demande confirmative d’accès à des documents au titre du règlement (CE) no 1049/2001 est annulée en ce qu’elle a refusé l’accès à JP aux questions reprises dans les sections « Anchor » et les rubriques « Possible questions » de l’évaluation par les examinateurs de ses réponses effectuées au cours de l’entretien relatif au domaine concerné (document no 1) et qu’elle a refusé l’accès aux questions reprises dans les rubriques « Situation 1 », « Situation 2 » et « Situation 3 » de l’évaluation par les examinateurs de ses réponses effectuées au cours de l’entretien axé sur les compétences générales (document no 2) dans le cadre du concours EPSO/AD/363/18.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Svenningsen

Barents

Pynnä

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 décembre 2021.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n o 1049/2001

1) Sur la seconde branche du deuxième moyen

2) Sur la première branche du deuxième moyen

Sur le troisième moyen tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n o 1049/2001 et du principe de proportionnalité

Sur les conclusions indemnitaires

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.