Language of document : ECLI:EU:T:2021:866

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 décembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale GRILLOUMI BURGER – Marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑595/19,

Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, établie à Nicosie (Chypre), représentée par MM. S. Malynicz, QC, S. Baran, barrister, et Mme V. Marsland, solicitor,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Fontana Food AB, établie à Tyresö (Suède), représentée par Mes P. Nihlmark et L. Zacharoff, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 19 juin 2019 (affaire R 1356/2018‑4), relative à une procédure d’opposition entre Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi et Fontana Food,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin (rapporteur) et Mme P. Škvařilová‑Pelzl, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 1er novembre 2019,

vu la décision du 24 octobre 2019 de suspendre la procédure,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal, respectivement, les 25, 27 et 30 mars 2020,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

à la suite de l’audience du 10 mai 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 octobre 2016, l’intervenante, Fontana Food AB, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal GRILLOUMI BURGER.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29, 30 et 43 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao et succédanés du café ; riz ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisseries et confiseries ; glaces alimentaires ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir » ;

–        classe 43 : « Services de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 207/2016, du 2 novembre 2016.

5        Le 2 février 2017, la requérante, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque collective de l’Union européenne verbale antérieure HALLOUMI, enregistrée le 14 juillet 2000 sous le numéro 1082965, désignant les produits relevant de la classe 29 et correspondant à la description suivante : « Fromages ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 16 mai 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition et condamné la requérante aux dépens.

9        Le 13 juillet 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 19 juin 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les frais exposés aux fins des procédures d’opposition et de recours.

11      Premièrement, la chambre de recours a écarté l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. À cet égard, après avoir relevé qu’il y avait lieu de prendre en compte le grand public dans l’Union européenne, doté d’un niveau d’attention tout au plus moyen, la chambre de recours a tout d’abord estimé que les services désignés par la marque demandée et relevant de la classe 43 étaient différents des « [f]romages » relevant de la classe 29 désignés par la marque antérieure et que, par rapport à ces derniers, parmi les produits relevant des classes 29 et 30 couverts par la marque demandée, seuls les produits « lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » présentaient un certain degré de similitude.

12      La chambre de recours a ensuite considéré que les signes en conflit présentaient une faible similitude sur les plans visuel et phonétique, tout en relevant une absence de similitude sur le plan conceptuel et un caractère distinctif intrinsèque faible de la marque antérieure en raison de sa signification descriptive. Elle a enfin conclu à l’absence d’un risque de confusion, en considérant en particulier la faiblesse du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure et le fait qu’aucun des éléments de preuve produits ne démontrait l’existence d’un caractère distinctif accru.

13      Deuxièmement, s’agissant de l’appréciation relative à l’existence d’un risque de profit indu tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou d’un préjudice porté à ceux-ci, au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, la chambre de recours a estimé que les éléments de preuve produits par la requérante étaient insuffisants pour démontrer le caractère distinctif accru et, a fortiori, la renommée de la marque antérieure, que ce soit à Chypre ou dans tout autre État membre de l’Union. En outre, la requérante n’aurait pas démontré, ne serait-ce qu’à première vue, l’existence d’un risque futur et non hypothétique de profit indu tiré de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure ni d’un préjudice porté à sa renommée ou à son caractère distinctif.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

15      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 25 octobre 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

17      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties à l’instance dans leurs écritures à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, comme visant l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

18      Au soutien du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

19      Le premier moyen comporte, en substance, trois branches.

20      Par la première branche, la requérante invoque des erreurs d’appréciation de la chambre de recours lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit. En premier lieu, la chambre de recours aurait estimé à tort qu’une large partie des produits désignés par la marque demandée et relevant des classes 29 et 30 étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure, alors que les produits en question seraient tous similaires. En particulier, elle aurait négligé de fournir une motivation sur ce point et n’aurait pas tenu compte du fait que le fromage était fréquemment et typiquement servi en combinaison avec des viandes, des poissons, des légumes ou d’autres produits similaires, de sorte que les consommateurs moyens auraient été habitués à acheter ensemble ces denrées alimentaires qui auraient été typiquement servies et consommées en association.

21      En second lieu, la chambre de recours aurait dû considérer que tous les services couverts par la marque demandée et les « [f]romages » couverts par la marque antérieure étaient similaires, dans la mesure où il aurait existé entre eux un lien de complémentarité. À cet égard, le raisonnement de la chambre de recours serait erroné au regard des quatre éléments suivants : tout d’abord, elle aurait appliqué à tort un critère tenant au caractère mutuellement indispensable des services et des produits en cause, alors qu’il aurait suffi de constater qu’ils pouvaient être utilisés ou proposés ensemble, ensuite, elle aurait négligé la jurisprudence du Tribunal selon laquelle, concernant les denrées alimentaires, y compris le lait et les produits laitiers, les services de restauration utiliseraient nécessairement ces produits, de sorte qu’il existerait un lien de complémentarité entre ces services et ces produits, par ailleurs, elle aurait fait une application erronée de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 février 2011, Yorma’s/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (YORMA’S) (T‑213/09, non publié, EU:T:2011:37), en ce qui concernait le critère de complémentarité et, enfin, elle se serait fondée sur la considération erronée et non étayée selon laquelle il n’existait pas de restaurants de fromage.

22      Par la deuxième branche, la requérante fait valoir que la chambre de recours a procédé à une appréciation erronée de la similitude des signes en conflit. Certes, elle aurait constaté à juste titre que, dans la marque demandée, l’élément « burger » était descriptif et ne devait se voir reconnaître qu’une importance secondaire. En revanche, la requérante soutient que la chambre de recours aurait dû considérer qu’il existait, d’une part, un degré élevé de similitude visuelle entre les signes en conflit, dans la mesure où ils coïncidaient par l’élément « lloumi », lequel ne serait utilisé dans aucun autre terme grec ou anglais, et, d’autre part, un degré élevé de similitude phonétique, car la marque antérieure et le premier élément de la marque demandée sont composés d’un nombre identique de syllabes et coïncident par les syllabes « llou » et « mi ». Les signes en conflit présenteraient également un degré élevé de similitude conceptuelle. À cet égard, la chambre de recours aurait séparé à tort les groupes de lettres « grill » et « oumi » lorsqu’elle a analysé le premier élément de la marque demandée, alors qu’elle aurait dû considérer, en substance, que les consommateurs liraient le groupe de lettres « ll » dudit signe comme renvoyant à la fois aux termes « grill » et « lloumi », ce qui constituerait un jeu de mots. L’élément « grill » désignerait quant à lui une méthode courante de préparation du fromage désigné par la marque antérieure.

23      Par la troisième branche, la requérante soutient que la chambre de recours a également procédé à une appréciation erronée du caractère distinctif de la marque antérieure, ce qui aurait faussé l’appréciation globale du risque de confusion.

24      En premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours de s’être référée à la jurisprudence du Tribunal relative à des demandes de marque individuelle de l’Union européenne. Or, les marques collectives de l’Union européenne constitueraient une catégorie distincte de marques qui remplit des fonctions différentes de celles des marques individuelles. En se limitant à mentionner cette jurisprudence et en s’abstenant de fournir une motivation spécifique, la chambre de recours se serait également soustraite à son obligation de motivation.

25      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours a estimé à tort que la marque antérieure était descriptive et se limitait à décrire une « spécialité fromagère de Chypre », ce qui serait revenu à priver cette marque de caractère distinctif ou à ne lui reconnaitre tout au plus qu’un faible caractère distinctif. Or, une telle approche aurait amené la chambre de recours à apprécier de manière erronée les caractéristiques de la marque antérieure, en tant que marque collective de l’Union européenne, et à la priver de tout caractère opposable, alors qu’elle était valablement enregistrée auprès de l’EUIPO. Cela aurait pour conséquence, au mépris des objectifs poursuivis par le règlement no 207/2009, de méconnaitre le régime des marques collectives de l’Union européenne et de rendre inopposables de nombreuses marques relevant de cette catégorie, y compris celles qui, en vertu des dispositions de l’article 66, paragraphe 2, dudit règlement (devenu article 74, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), seraient pourtant expressément autorisées à désigner la provenance géographique des produits ou des services qu’elles visent. Selon la requérante, qui admet que le terme « halloumi » n’est pas le nom d’un lieu, ce terme renvoie néanmoins à l’origine géographique du fromage désigné par la marque antérieure, de sorte qu’un raisonnement fondé sur l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 serait pertinent en ce qui concerne cette marque.

26      En troisième lieu, la requérante estime que la chambre de recours a procédé à une appréciation erronée des éléments de preuve qu’elle a mentionnés dans la décision attaquée sous forme d’exemples. À cet égard, quand le terme « halloumi » est accompagné d’une description, comme dans l’expression « halloumi – fromage traditionnel de Chypre », cela démontrerait que ledit terme n’est pas descriptif en lui-même, car il serait sinon inutile de lui adjoindre une description du produit auquel il renvoie.

27      Dans ses observations sur les conséquences à tirer de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), la requérante fait en outre valoir que la Cour a insisté sur la nécessité de procéder à une évaluation globale du risque de confusion, en tenant compte de l’ensemble des facteurs pertinents. En l’espèce, en ce qui concerne ces facteurs, la chambre de recours aurait dû reconnaître l’existence, d’une part, d’un degré élevé de similitude entre tous les produits et les services désignés par la marque demandée et les « [f]romages » désignés par la marque antérieure et, d’autre part, d’un certain degré de caractère distinctif de la marque antérieure ne permettant pas d’exclure le constat d’un risque de confusion, en particulier parce que, dans la marque demandée, l’élément « burger » serait perçu comme non distinctif, alors que le mot « grilloumi », qui serait dominant, partagerait le suffixe « lloumi » avec la marque antérieure. La prise en compte de ces différents facteurs aurait dû conduire la chambre de recours à constater l’existence d’un risque de confusion.

28      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

29      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

30      Lorsque la marque antérieure est une marque collective de l’Union européenne, le risque de confusion doit s’entendre comme étant le risque que le public puisse croire que les produits ou les services visés par ladite marque et ceux visés par la marque demandée proviennent tous de membres de l’association qui est le titulaire de la marque antérieure ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 64).

31      En outre, en cas d’opposition formée par le titulaire d’une marque collective, s’il y a lieu de tenir compte de la fonction essentielle de ce type de marques, telle qu’énoncée à l’article 66, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 (devenu article 74, paragraphe 1, du règlement 2017/1001), afin d’appréhender ce qu’il convient d’entendre par risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, il n’en demeure pas moins que la jurisprudence établissant les critères au regard desquels il doit concrètement être apprécié si un tel risque existe est transposable aux affaires concernant une marque collective antérieure (arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 65).

32      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 45 et jurisprudence citée].

33      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a estimé à juste titre, s’agissant des marques en conflit, qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le public pertinent

34      Selon la jurisprudence, le risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, entre deux marques en conflit ne doit pas être apprécié sur la base d’une comparaison, dans l’abstrait, des signes en conflit et des produits ou des services qu’ils désignent. L’appréciation de ce risque doit plutôt être fondée sur la perception que le public pertinent aura desdits signes, produits et services [voir arrêt du 2 octobre 2015, The Tea Board/OHMI – Delta Lingerie (Darjeeling), T‑624/13, EU:T:2015:743, point 24 et jurisprudence citée].

35      Plus particulièrement, selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

36      Au point 12 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que, les produits et les services désignés par les marques en conflit étaient destinés au consommateur final, qui était censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Elle a estimé par conséquent que, la marque antérieure étant une marque collective de l’Union européenne, il y avait lieu de prendre en considération le public pertinent composé du grand public dans l’Union, dont le niveau d’attention serait tout au plus moyen par rapport aux produits et aux services en cause.

37      Il convient de confirmer ces appréciations, qui apparaissent bien fondées eu égard aux éléments du dossier et ne sont, au demeurant, pas contestées par les parties. En effet, dès lors que la marque demandée désigne des produits alimentaires de consommation courante ainsi que des services d’usage courant se rapportant, en substance, à la restauration des particuliers, tandis que la marque antérieure est également enregistrée pour des produits alimentaires de consommation courante, en l’occurrence des fromages, lesdits produits et services s’adressent tous au grand public, lequel, lors de l’achat de ceux-ci, fera preuve d’un niveau d’attention généralement moyen [voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2006, Castell del Remei/OHMI – Bodegas Roda (ODA), T‑13/05, non publié, EU:T:2006:335, point 46].

 Sur la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit

38      Aux points 13, 14 et 23 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que seuls les produits « lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée, étaient soit identiques, soit similaires aux « [f]romages » pour lesquels la marque antérieure était enregistrée, de sorte que l’examen des autres critères relatifs à l’existence d’un risque de confusion n’était justifié qu’à l’égard de ces produits.

39      En revanche, s’agissant des autres produits désignés par la marque demandée et relevant des classes 29 et 30, la chambre de recours a estimé, au point 15 de la décision attaquée, qu’il n’existait aucune similitude avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

40      Par ailleurs, la chambre de recours a considéré aux points 20 à 23 de la décision attaquée que, si les services relevant de la classe 43 désignés par la marque demandée et certains produits alimentaires pouvaient être considérés comme similaires, notamment quand des restaurants vendaient de la nourriture à emporter ou à consommer au comptoir, cela ne s’appliquait pas aux fromages. Selon elle, si la différence entre un point de vente de nourriture et un restaurant en libre-service pouvait être floue, toutefois, s’agissant des services relevant de la classe 43, c’était davantage la nature de service d’un restaurant qui importait, et non la vente d’un produit alimentaire en elle-même. À cet égard, elle a estimé que, si un établissement comportant un restaurant ou une zone semblable à un restaurant en libre-service devait vendre du fromage au comptoir, cette situation concernerait non pas des « services de restaurant », mais les produits en tant que tels.

41      La chambre de recours a également considéré, en substance, que les éléments de preuve produits par la requérante afin de démontrer que certains restaurants et établissements de restauration servaient essentiellement des repas à base de fromage ou proposaient de tels repas en vue d’une consommation immédiate étaient insuffisants pour prouver, du point de vue du public pertinent, la similitude, eu égard à leur complémentarité, des services de restauration en question et des fromages servis dans ces lieux. En effet, en substance, rien n’indiquerait que les consommateurs percevraient une origine commune entre les services fournis par ces prestataires et les fromages qu’ils serviraient.

42      En l’espèce, il y a lieu d’examiner si la chambre de recours a conclu à juste titre que, hormis en ce qui concernait les produits « lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles », compris dans la classe 29, les produits et les services désignés par la marque demandée et les produits désignés par la marque antérieure ne présentaient pas de similitude, de sorte que, à leur égard, il y avait lieu d’exclure d’emblée l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

43      Selon la jurisprudence, pour apprécier la similitude entre des produits et des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux et qui incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que, par exemple, les canaux de distribution des produits et des services concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

44      Premièrement, en ce qui concerne la comparaison entre les produits relevant des classes 29 et 30, désignés par la marque demandée, et les produits désignés par la marque antérieure, il y a tout d’abord lieu de relever que, si des produits, comme en l’espèce les « [f]romages », désignés par la marque antérieure, d’une part, et l’ensemble des produits désignés par la marque demandée, d’autre part, appartiennent à la catégorie générale des produits alimentaires destinés à la consommation humaine, ce fait ne saurait suffire, à lui seul, à rendre ces produits identiques, dans la mesure où leur nature, les matières premières dont ils sont constitués, leur destination et leur utilisation peuvent être complètement différentes [voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2011, Intermark/OHMI – Natex International (NATY’S), T‑72/10, non publié, EU:T:2011:635, point 31].

45      Ensuite, dans la mesure où les « [f]romages » désignés par la marque antérieure sont élaborés à partir de lait, de sorte qu’ils relèvent de la catégorie des produits laitiers, il apparaît que leur nature, leur destination et leur utilisation de même que leur mode de distribution ne diffèrent pas fondamentalement de ceux du « lait » et des « produits laitiers » compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée. Il y a donc lieu de considérer, à l’instar de la chambre de recours (voir point 13 de la décision attaquée), que le « lait », désigné par la marque demandée, et les « [f]romages », désignés par la marque antérieure, sont similaires, leur degré de similitude pouvant être considéré comme élevé, et que les « produits laitiers », désignés par la marque demandée, sont identiques auxdits « [f]romages ».

46      Par ailleurs, s’agissant des « huiles et graisses comestibles », comprises dans la classe 29 et désignées par la marque demandée, ces dernières comprennent des produits à la fois d’origine végétale, comme la margarine, et d’origine animale, comme le beurre, qui est lui-même un produit laitier de nature semblable au fromage, à proximité duquel il est généralement commercialisé. Il y a donc lieu de retenir que ces produits, au regard de leur composition et de leur mode de distribution, et les « [f]romages », désignés par la marque antérieure, présentent un degré de similitude qui peut être considéré comme moyen.

47      En outre, en ce qui concerne les produits « [v]iande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée, il s’agit de produits d’origine animale, issus des tissus musculaires d’animaux sauvages ou d’élevage. Ces produits ne sont certes pas identiques aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure. Toutefois, le Tribunal a déjà considéré que de tels produits, en particulier ceux qui, à l’instar de la viande, des jambons, des charcuteries, des plats froids et des conserves de viande, appartenaient à la catégorie des produits de charcuterie, pouvaient être considérés comme semblables aux fromages et aux produits laitiers, et ce en raison de leur nature et de leur destination identiques ainsi que de leurs canaux de distribution semblables [voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié, EU:T:2007:391, point 41].

48      Cette conclusion peut s’étendre au « poisson », à la « volaille » et au « gibier », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée. En effet, ces produits et les « [f]romages », désignés par la marque antérieure, ont une nature commune de produits alimentaires composés de protéines d’origine animale, ils peuvent être préparés et consommés ensemble comme ingrédients de nombreux plats et leurs canaux de distribution peuvent être identiques, notamment dans les rayons alimentaires de la grande distribution où ils sont fréquemment vendus à proximité les uns des autres.

49      La chambre de recours a donc commis une erreur en estimant que l’ensemble de ces produits étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure, alors qu’il y avait lieu de constater l’existence d’un degré de similitude pouvant être considéré comme faible.

50      S’agissant des « œufs », relevant de la classe 29 et désignés par la marque demandée, ceux-ci constituent certes des produits d’origine animale comme les fromages. Toutefois, les œufs et les fromages proviennent d’animaux différents. En outre, les œufs ont une destination alimentaire spécifique et font généralement l’objet d’une commercialisation dans un rayon et sous un emballage particulier en raison de leur fragilité. Ainsi, bien qu’ils appartiennent à la catégorie des produits alimentaires d’origine animale, les « œufs », désignés par la marque demandée, doivent néanmoins être considérés comme différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

51      Au surplus, dans la mesure où les « [f]romages » désignés par la marque antérieure ne sauraient être assimilés à tous les « produits laitiers » en général, mais uniquement à un produit laitier spécifique, il n’est pas possible de considérer que ladite marque désigne une catégorie de produits susceptible d’englober tous les produits à base de lait ou présentant un rapport avec le lait. Dans ces conditions, la chambre de recours a retenu à bon droit qu’il n’existait pas de similitude entre les « [f]romages » désignés par la marque antérieure et les « glaces alimentaires ; café, thé, cacao et succédanés du café » compris dans la classe 30 et désignés par la marque demandée. En effet, tant les « glaces alimentaires », qui nécessitent des conditions de conservation particulières, que les « café, thé, cacao et succédanés du café », qui correspondent à des ingrédients destinés à la préparation de boissons, diffèrent des fromages par leur destination en tant qu’aliments et pour, les derniers, par leur composition, puisque, en principe, s’ils peuvent être consommés associés à du lait, ils ne sont pas directement dérivés des produits laitiers.

52      Enfin, en ce qui concerne, d’une part, les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes », compris dans la classe 29 et désignés par la marque demandée, et, d’autre part, les « riz ; tapioca et sagou ; farines et préparation faites de céréales ; pain, pâtisseries et confiseries ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices », compris dans la classe 30 et désignés par la marque demandée, il s’agit de produits alimentaires qui sont pour la plupart d’origine végétale, ne contiennent en général ni lait ni fromage, ont une nature spécifique liée notamment à leurs caractéristiques de conservation, puisqu’il ne s’agit pas de produits frais à l’exception de certaines pâtisseries, et sont donc commercialisés dans des rayons spécifiques. La chambre de recours a donc estimé à bon droit que ces produits étaient différents des « [f]romages » désignés par la marque antérieure. De telles considérations s’appliquent également, en substance, en ce qui concerne la « glace à rafraichir », comprise dans la classe 30 et désignée par la marque demandée, étant également précisé qu’elle est nécessairement conservée dans des conditions particulières de température qui diffèrent de celles des fromages.

53      Deuxièmement, en ce qui concerne la comparaison entre, d’une part, les services désignés par la marque demandée, qui correspondent à des services de restauration et de coffee-shops compris dans la classe 43, et, d’autre part, les « [f]romages » désignés par la marque antérieure, qui relèvent de la catégorie plus large des produits alimentaires compris dans la classe 29, la chambre de recours a pu, sans commettre d’erreur et ainsi qu’elle y avait d’ailleurs été invitée par la requérante, rechercher l’existence d’une similitude en raison de leur complémentarité plutôt que de facteurs tels que leur nature, leur destination ou leur utilisation. En effet, les produits et les services en cause ne sont pas identiques et il est incontestable que, au regard des facteurs relatifs à leur nature, à leur destination ou à leur utilisation, ils ne sont pas semblables [voir, en ce sens, arrêt du 18 février 2016, Harrys Pubar et Harry’s New York Bar/OHMI – Harry’s New York Bar et Harrys Pubar (HARRY’S BAR), T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, point 58 et jurisprudence citée].

54      Or, si le critère de complémentarité des produits et des services en cause ne représente qu’un facteur parmi plusieurs autres, tels que la nature, l’utilisation ou les canaux de distribution de ces produits ou de ces services, au regard desquels leur similitude peut s’apprécier, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un critère autonome, susceptible de fonder, à lui seul, l’existence d’une telle similitude (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2016, Hesse/OHMI, C‑50/15 P, EU:C:2016:34, point 23).

55      À cet égard, il convient de rappeler que des produits ou des services sont complémentaires lorsqu’il existe entre eux un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de l’offre de ces services incombe à la même entreprise [voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2013, Hartmann/OHMI – Protecsom (DIGNITUDE), T‑504/11, non publié, EU:T:2013:57, point 44 et jurisprudence citée].

56      Ainsi que cela résulte de la jurisprudence du Tribunal, il y a lieu de constater que les services de restauration utilisent nécessairement les produits compris dans la classe 29, notamment les fromages, de sorte qu’il existe une complémentarité entre ces services et ces produits. Premièrement, les fromages peuvent être proposés à la clientèle de nombreux restaurants, voire de coffee-shops, en étant incorporés comme ingrédients dans des plats destinés à la vente sur place ou à emporter. Deuxièmement, les fromages, sans être transformés comme ingrédients, peuvent être vendus en l’état aux consommateurs, notamment dans les restaurants dont l’activité ne se limite pas à préparer et à servir des plats cuisinés, mais consiste également à vendre de la nourriture destinée à la consommation hors du lieu de vente. De tels produits sont donc utilisés et proposés dans le cadre des services de restauration ou de coffee-shop. Ces produits sont par conséquent étroitement liés auxdits services [voir, en ce sens, arrêts du 13 avril 2011, Bodegas y Viñedos Puerta de Labastida/OHMI – Unión de Cosecheros de Labastida (PUERTA DE LABASTIDA), T‑345/09, non publié, EU:T:2011:173, point 52, et du 18 février 2016, HARRY’S BAR, T‑711/13 et T‑716/13, non publié, EU:T:2016:82, point 59 et jurisprudence citée].

57      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours, que le lien de complémentarité entre les fromages et les services de restauration et de coffee-shop doit amener au constat qu’il existe un certain degré de similitude entre, d’une part, les « [s]ervices de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) » relevant de la classe 43 et visés par la marque demandée et, d’autre part, les « [f]romages » relevant de la classe 29 et visés par la marque antérieure. Ce degré de similitude doit toutefois être qualifié de faible, dans la mesure où, d’une part, les services et les produits en cause ont à l’évidence une nature différente, en raison du caractère fongible des premiers et non fongible des seconds [voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2019, Brown Street Holdings/EUIPO – Enesan (FIGHT LIFE), T‑800/17, non publié, EU:T:2019:31, point 25 et jurisprudence citée], et, d’autre part, les « [s]ervices de restauration (alimentation) ; services de coffee-shop ; services de restauration (alimentation) » relevant de la classe 43 et visés par la marque demandée peuvent présenter un lien de complémentarité avec des produits alimentaires très variés, dont les fromages ne constituent qu’une partie.

58      Or, l’existence d’une telle similitude ne permet pas d’exclure d’emblée que le public pertinent soit amené à penser que les services et les produits en cause ont une même origine commerciale.

59      Au regard des considérations qui précèdent, il apparaît que le second grief de la première branche du premier moyen est fondé et que le premier grief de cette branche l’est partiellement, dès lors que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit.

60      L’analyse globale du risque de confusion aurait par conséquent dû être poursuivie à l’égard des « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande », relevant de la classe 29, ainsi qu’à l’égard des services relevant de la classe 43 et désignés par la marque demandée, à l’instar des autres produits désignés par ladite marque à l’égard desquels une identité ou un certain degré de similitude avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure a été admis. Les conséquences éventuelles de ces erreurs au regard de la légalité de la décision attaquée seront examinées dans le cadre de l’analyse globale du risque de confusion, à laquelle il sera procédé ci-après.

61      En revanche, dans la mesure où le Tribunal a été en mesure d’exercer son contrôle sur les motifs ayant fondé la décision attaquée quant à la comparaison des produits et des services en cause et de relever des erreurs dans ces motifs, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la partie concernée de cette décision serait affectée d’un défaut de motivation en ce qui concerne la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

62      Il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170, points 70, 72 et 73), la Cour a rappelé que le degré de caractère distinctif d’une marque antérieure détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci et que les marques collectives de l’Union européenne doivent posséder un caractère distinctif, que ce soit intrinsèquement ou par l’usage, l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 ne constituant pas une exception à cette exigence de caractère distinctif. Si cette disposition autorisait, par dérogation à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], l’enregistrement en tant que marques collectives de l’Union européenne de signes pouvant servir à désigner la provenance géographique de produits ou de services, elle ne permettait en revanche pas que les signes ainsi enregistrés fussent dépourvus de caractère distinctif. Ainsi, lorsqu’une association demande l’enregistrement, en tant que marque collective de l’Union européenne, d’un signe pouvant désigner une provenance géographique, il lui incombe de s’assurer que ce signe est pourvu d’éléments qui permettent au consommateur de distinguer les produits ou les services de ses membres de ceux d’autres entreprises.

63      À cet égard, le Tribunal a déjà jugé que l’enregistrement d’un signe en tant que marque collective ne saurait, en lui-même, être constitutif d’une présomption d’existence d’un caractère distinctif moyen [arrêt du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, EU:T:2012:292, point 52].

64      En outre, si, par analogie avec les solutions retenues dans les arrêts du 24 mai 2012, Formula One Licensing/OHMI (C‑196/11 P, EU:C:2012:314, points 43 à 47), et du 5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE) (T‑602/19, non publié, EU:T:2020:463, point 65), à l’égard de droits antérieurs valablement enregistrés tels qu’une marque nationale ou un enregistrement international désignant l’Union, il y a lieu de reconnaître un certain degré de caractère distinctif à une marque collective de l’Union européenne du seul fait qu’elle a été enregistrée, il appartient toutefois au titulaire d’une telle marque de démontrer à quel niveau ledit caractère distinctif se situe, dès lors qu’il entend se fonder sur celui-ci dans le cadre d’une procédure d’opposition, voire d’annulation. En effet, il convient également de rappeler que, conformément à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, la charge de la preuve devant l’EUIPO pèse à cet égard sur l’opposant concerné [voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2017, Tulliallan Burlington/EUIPO – Burlington Fashion (BURLINGTON), T‑123/16, non publié, EU:T:2017:870, point 60 et jurisprudence citée].

65      Aux points 30 à 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé, en substance, que, d’une part, en raison de son caractère descriptif, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était faible pour désigner les « [f]romages ». D’autre part, un éventuel caractère distinctif accru acquis par l’usage auprès du public pertinent n’aurait pas été démontré au regard des éléments de preuve produits par la requérante, qui, pour la plupart, se rapportaient simplement au fromage halloumi, seuls quelques-uns ayant concerné la marque HALLOUMI en tant que marque collective de l’Union européenne.

66      En l’espèce, il est constant, tout d’abord, que la marque antérieure est constituée exclusivement du terme « halloumi ». Or, ce terme correspond au nom générique d’un type de fromage produit à Chypre. Partant, compte tenu du caractère descriptif de l’unique terme dont elle est composée, la marque antérieure présente un caractère distinctif intrinsèque qui doit être considéré comme faible.

67      À cet égard, au point 71 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), la Cour a rappelé que le caractère distinctif de la marque collective de l’Union européenne verbale HALLOUMI, qui correspond également à la marque antérieure en l’espèce, ne devait pas être apprécié de façon particulière au motif qu’il s’agissait d’une marque collective et, au point 76 dudit arrêt, qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause l’évaluation faite par le Tribunal dans l’arrêt du 25 septembre 2018, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI) (T‑328/17, non publié, EU:T:2018:594), du degré de caractère distinctif de cette marque, qui avait été considéré comme faible. Dans ces conditions, il ne saurait être fait grief à la chambre de recours, lors de l’évaluation du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, de s’être référée à des décisions du Tribunal qui concernaient des droits antérieurs également constitués du seul terme « halloumi », en tant que marques individuelles ou de certification, dans des procédures qui concernaient des demandes d’enregistrement ou d’opposition, dès lors que l’évaluation du caractère distinctif des droits en question répondait à des critères qui pouvaient parfaitement être transposés en l’espèce.

68      Contrairement à ce que soutient la requérante, cela ne revient pas à dénier l’existence même du caractère distinctif d’une marque valablement enregistrée, ni à méconnaître les droits qu’elle confère à son titulaire, mais simplement à constater qu’elle ne peut conférer davantage de droits que ceux qu’elle tire objectivement de son caractère distinctif. Il convient d’ailleurs de rappeler que, même en présence d’une marque antérieure ayant un caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment lorsque les produits en cause sont identiques et les signes en conflit similaires [voir arrêt du 13 avril 2011, Sociedad Agricola Requingua/OHMI – Consejo Regulador de la Denominación de Origen Toro (TORO DE PIEDRA), T‑358/09, non publié, EU:T:2011:174, point 45 et jurisprudence citée].

69      Ensuite, il y a lieu de constater que rien dans l’argumentation de la requérante ne permet de remettre en cause la constatation qui figure au point 35 de la décision attaquée, selon laquelle, parmi les éléments de preuve produits par la requérante, seuls quelques-uns renvoyaient à la marque antérieure en tant que marque collective, sans d’ailleurs mentionner la requérante ou l’un de ses membres. L’examen du dossier produit devant la chambre de recours permet en effet de constater que les autres éléments de preuve qui ont été fournis comportent presque uniquement des références au terme « halloumi » en tant que spécialité fromagère de Chypre. Ils ne permettent donc pas de constater que les consommateurs, mis en présence de la marque antérieure, l’associeront à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elle renvoie au nom générique de ce type de fromage, plutôt qu’à l’origine commerciale des produits en ce qu’ils proviendraient des membres de l’association titulaire de ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées à ces membres ou à cette association.

70      Il doit également être souligné, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante tenant à la nécessaire protection des marques collectives de l’Union européenne qui, en vertu des dispositions de l’article 66, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, sont expressément autorisées à désigner la provenance géographique des produits ou des services qu’elles visent, que la Cour a relevé, au point 74 de l’arrêt du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2020:170), que, à supposer même que la marque collective de l’Union européenne HALLOUMI renvoie implicitement à l’origine géographique chypriote des produits visés, elle n’en doit pas moins remplir sa fonction essentielle, à savoir distinguer les produits ou les services des membres de l’association qui en est la titulaire de ceux d’autres entreprises. Or, le caractère générique du terme « halloumi », dès lors que ce terme constitue à lui seul la marque antérieure, limite nécessairement les effets de ladite marque en ce qui concerne cette fonction.

71      À titre surabondant, il convient de souligner, à l’instar des conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO (C‑766/18 P, EU:C:2019:881, point 86), que le besoin d’une protection plus étendue sur le fondement du droit des marques de l’Union européenne n’existe pas en l’espèce, puisque les dispositions relatives aux appellations d’origine protégées et aux indications géographiques protégées, telles qu’elles résultent du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1), pourraient assurer une protection suffisante, indépendamment dudit droit.

72      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l’argument, présenté dans le cadre de la troisième branche, selon lequel, lors de l’évaluation des critères pertinents pour l’appréciation globale du risque de confusion, la marque antérieure aurait été considérée comme présentant un caractère purement descriptif, et de constater que la chambre de recours a conclu à juste titre que, en raison de sa signification descriptive, la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque faible et que rien ne permettait de considérer qu’elle aurait acquis un caractère distinctif accru en raison de l’ancienneté de son usage.

 Sur l’analyse des éléments composant la marque demandée

73      Au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé à l’analyse de la marque demandée, en exposant que cette dernière était composée de deux mots, dont le premier, « grilloumi », était l’élément le plus distinctif, étant donné qu’il s’agissait d’un mot fantaisiste dépourvu de signification, alors que le second, « burger », serait perçu par le public pertinent comme désignant un petit pain contenant un aliment frit ou grillé, généralement identifié par la première partie du mot composé dans lequel il se trouve comme, par exemple, dans les mots « hamburger », « beefburger » ou « cheeseburger ».

74      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas expressément contestées par les parties.

75      La requérante insiste toutefois sur le fait que l’élément « grilloumi » devrait être considéré comme l’élément dominant de la marque demandée et qu’il y aurait lieu de n’attacher qu’une très faible importance à l’élément « burger » compte tenu de son caractère descriptif.

76      À cet égard, il convient tout d’abord de considérer que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le terme « grilloumi » présenterait un caractère original et fantaisiste contribuant à son caractère distinctif, ne saurait être approuvée.

77      En effet, il ne saurait être exclu que, dans une certaine mesure, la marque demandée véhicule un concept présentant un rapport avec le concept de fromage chypriote halloumi, véhiculé par la marque antérieure.

78      Pour la partie du public pertinent qui est familière du fromage halloumi, en l’occurrence une partie non négligeable du grand public de l’Union, dans la mesure où les éléments du dossier ont permis de constater que des quantités significatives de halloumi étaient vendues dans plusieurs États membres, le terme « grilloumi », dont la partie finale « lloumi » est identique à celle du terme « halloumi », peut être compris comme renvoyant au concept de fromage halloumi grillé. Il ne saurait toutefois être exclu que les consommateurs perçoivent également le jeu de mots tenant au fait que l’élément « ll » du terme « grilloumi » renvoie à la fois aux termes « grill » et « halloumi », ce qui est susceptible de lui conférer un caractère original. Au regard de ces constatations, il y a lieu de considérer que le terme « grilloumi », en ce qu’il constitue un des éléments d’une marque désignant des produits alimentaires et des services liés à l’alimentation, présente un certain degré de caractère distinctif, qui peut être considéré comme faible.

79      Ensuite, le mot « burger », quant à lui, ne doit cependant pas être considéré comme étant totalement négligeable. En effet, s’il présente un caractère descriptif en ce que, comme l’a relevé la chambre de recours, il désigne un petit pain contenant un aliment frit ou grillé, il est courant de le trouver associé au sein d’une combinaison avec un autre mot qui vient préciser le type d’aliment contenu dans le petit pain en question.

80      Or, il convient de rappeler que, si, en règle générale, le public ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, cela ne signifie pas pour autant qu’un élément descriptif d’une marque est nécessairement négligeable dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci. À cet égard, il convient, en particulier, de rechercher si d’autres éléments de la marque sont susceptibles de dominer, à eux seuls, l’image de celle-ci que le public pertinent garde en mémoire [voir arrêt du 28 novembre 2017, Laboratorios Ern/EUIPO – Sharma (NRIM Life Sciences), T‑909/16, non publié, EU:T:2017:843, point 34 et jurisprudence citée].

81      En l’espèce, dans la mesure où, comme l’a relevé la chambre de recours, le public pertinent a déjà été confronté à des combinaisons verbales constituées du terme « burger » combiné avec un autre mot, il percevra ce terme, dans la marque demandée, comme une possible indication d’une composition alimentaire associant un petit pain à un autre aliment.

82      Ainsi, si le mot « burger », pris isolément, ne présente pas de caractère distinctif particulier en ce qu’il se rapporte à des produits alimentaires, il en va différemment en l’espèce, dans la mesure où il est associé au terme « grilloumi », avec lequel il constitue une combinaison présentant un certain degré d’originalité. Il y a donc lieu de considérer qu’il n’est pas purement descriptif et qu’il présente à tout le moins un certain degré de caractère distinctif, qu’il convient de qualifier de faible, compte tenu de son association avec le terme « grilloumi ».

83      Enfin, il y a lieu d’ajouter que, selon une jurisprudence constante, s’agissant d’une marque contenant des éléments verbaux, le consommateur prête généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin [voir arrêt du 14 janvier 2016, The Cookware Company/OHMI – Fissler (VITA+VERDE), T‑535/14, non publié, EU:T:2016:2, point 61 et jurisprudence citée].

84      Ainsi, même si la chambre de recours ne l’a pas expressément précisé, le mot « grilloumi », par sa position au début du signe constituant la marque demandée et son caractère plus distinctif que le terme « burger », auquel il est associé dans ledit signe, doit être considéré comme l’élément le plus important dans la perception de ce signe par le public pertinent, ainsi que le soutient, en substance, la requérante.

 Sur la comparaison des signes

85      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

86      En l’espèce, la marque antérieure est constituée du terme « halloumi », tandis que la marque demandée est constituée des deux mots « grilloumi » et « burger ».

87      En ce qui concerne la comparaison des marques en conflit sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé, au point 27 de la décision attaquée, que leur similitude était faible. À cet égard, elle a considéré que cette similitude tenait uniquement à une coïncidence des signes en cause au niveau du groupe de lettres « lloumi ». Dans la mesure où le mot « grilloumi » serait unique et fantaisiste, que le terme « grill » soit compris ou non, le signe constituant la marque demandée serait considéré comme un tout et les premières lettres composant le mot « grill », sans équivalent dans le signe antérieur, ne seraient pas ignorées. En outre, indépendamment de la question de savoir si le terme « burger » serait considéré comme désignant des petits pains, il ne serait pas négligeable et ne serait pas non plus ignoré sur le plan visuel.

88      Il y a lieu de considérer que l’argumentation de la requérante ne permet de remettre en cause les constatations effectuées, en substance, par la chambre de recours. Si le terme « grilloumi » correspond effectivement à une combinaison du mot « grill » et du groupe de lettres « oumi », groupe de lettres qui est également présent à la fin du mot « halloumi », il s’agit toutefois d’un terme présentant un certain degré d’originalité, certes faible, mais dans lequel le mot « grill » ne sera pas ignoré par le public, en particulier parce que le début d’une marque verbale est susceptible de retenir davantage l’attention du consommateur que le reste de cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 25 septembre 2018, Chypre/EUIPO – M. J. Dairies (BBQLOUMI), T‑384/17, non publié, EU:T:2018:593, point 59]. En outre, le second terme composant la marque demandée, « burger », joue également un rôle de différenciation des signes en conflit, car, d’une part, il est absent de la marque antérieure et, d’autre part, le public est habitué à des expressions ou des mots formés d’une combinaison incluant le terme « burger » (comme par exemple dans les mots « hamburger », « beefburger » ou « cheeseburger »). La similitude visuelle entre la marque demandée et la marques antérieure est donc faible.

89      En ce qui concerne la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, la chambre de recours a considéré, au point 28 de la décision attaquée, que leur similitude était également faible sur ce plan. En effet, le signe composant la marque demandée serait probablement entièrement prononcé, car les consommateurs auraient pour habitude d’utiliser le terme « burger » précédé d’un mot indiquant ce que ledit « burger » contient, même si, en l’espèce, il s’agirait d’un mot fantaisiste et dépourvu de signification. Ainsi, les signes différeraient par leurs premières syllabes, « ha » et « gri », et par les dernières syllabes du signe constituant la marque demandée, « bur » et « ger », de sorte que, sur les cinq syllabes de ce dernier signe, seules les deux syllabes du milieu, « lou » et « mi », seraient semblables à des syllabes du signe constituant la marque antérieure.

90      Cette appréciation de la chambre de recours peut, en substance, être approuvée. En effet, si la présence commune de deux syllabes contigües dans chacun des signes en conflit entraîne une certaine similitude, en revanche, lesdits signes diffèrent significativement par d’autres aspects, en particulier parce que le signe constituant la marque demandée est plus long que le signe constituant la marque antérieure et que, lorsque le public sera amené à le prononcer, il prononcera selon toute vraisemblance les deux mots qui le composent, et donc également le mot « burger », ce qui contribuera à le différencier du signe constituant la marque antérieure.

91      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a estimé, au point 29 de la décision attaquée, qu’il n’était pas possible de procéder à une comparaison, car le premier élément du signe constituant la marque demandée, « grilloumi », serait dépourvu de signification et que, pour autant que la signification du terme « grill » soit perçue par les consommateurs, elle serait différente de celle du mot « halloumi ». Par ailleurs, rien n’indiquerait que, dans l’une ou l’autre des langues pertinentes, le groupe de lettres « oumi » serait perçu comme une forme abrégée du terme « halloumi ».

92      Cette analyse de la chambre de recours ne saurait toutefois être suivie, dans la mesure où il est erroné de considérer que la partie finale du mot « grilloumi », dans la marque demandée, ne pourra pas être comprise par une partie significative dudit public pertinent comme renvoyant au fromage halloumi. Pour cette partie du public, l’association du groupe de lettres « oumi » au mot « grill » est donc susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi grillé. Certes, le concept véhiculé par le terme « burger », dans la marque demandée, ne trouve pas d’équivalent dans la marque antérieure, ce qui contribue à les différencier, mais il y a néanmoins lieu de considérer que la notion de fromage halloumi à laquelle renvoie, dans une certaine mesure, la marque demandée est susceptible d’entraîner un certain degré de similitude sur le plan conceptuel, qu’il convient de qualifier de faible.

93      Il y a donc lieu de constater que la deuxième branche du premier moyen est en partie fondée, en ce que la chambre de recours a effectué une erreur lors de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel. L’incidence éventuelle de cette erreur sur la légalité de la décision attaquée sera examinée ci-après, au stade de l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

94      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés par celles-ci. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

95      En l’espèce, il convient de rappeler que, au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, si les signes en conflit coïncidaient par le groupe de lettres « lloumi », ils différaient globalement au niveau de l’élément distinctif du signe constituant la marque demandée, à savoir le mot fantaisiste unique « grilloumi », qui ne figurait pas dans le signe constituant la marque antérieure et ne constituait pas un élément distinctif dudit signe. Compte tenu du caractère distinctif faible de la marque antérieure, les différences entre les signes en conflit auraient été suffisantes pour les distinguer avec certitude, même pour des produits identiques, et il n’aurait pas existé de risque de confusion.

96      À cet égard, dès lors que l’existence d’un risque de confusion présuppose, à la fois, une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent, le constat de l’absence d’un risque de confusion doit, en tout état de cause, être approuvé en ce qui concerne les « fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs », compris dans la classe 29 et visés par la marque demandée, de même qu’à l’égard de tous les produits compris dans la classe 30 et visés par la marque demandée, puisqu’ils sont différents des « [f]romages » couverts par la marque antérieure.

97      En revanche, en ce qui concerne les autres produits et les services visés par la marque demandée, qui sont identiques ou semblables, à différents degrés, aux « [f]romages » désignés par la marque antérieure, l’existence d’un risque de confusion ne saurait d’emblée être exclue, de sorte qu’il y a lieu de procéder à l’appréciation globale de ce risque au regard de tous les facteurs pertinents.

98      Premièrement, s’agissant du facteur tenant à la similitude des signes en conflit, cette dernière tient à la présence dans la marque demandée du groupe de lettres « lloumi » qui figure dans le terme « halloumi » qui compose la marque antérieure, ce qui est à l’origine d’un faible degré de similitude sur les plans visuel, phonétique et conceptuel.

99      Toutefois, ces considérations doivent être mises en perspective avec le fait que, lorsque le public pertinent sera confronté au signe constituant la marque demandée, l’élément le plus important dans la perception de ce dernier, à savoir « grilloumi », lui apparaîtra comme présentant un certain degré d’originalité qui, bien que faible, sera renforcé par la présence du mot « burger », lequel joue un rôle différenciateur non négligeable, puisqu’il est absent de la marque antérieure et que sa combinaison avec le mot « grilloumi » présente également, en tant que telle, un certain degré d’originalité.

100    Le terme « halloumi », qui constitue l’unique élément de la marque antérieure, ne jouit quant à lui que d’un faible caractère distinctif intrinsèque. Or, si la reconnaissance du caractère faiblement distinctif d’une marque antérieure n’empêche pas, en elle-même, de constater l’existence d’un risque de confusion (voir, en ce sens, ordonnance du 27 avril 2006, L’Oréal/OHMI, C‑235/05 P, non publiée, EU:C:2006:271, points 42 à 45), il n’en reste pas moins que, lorsque les éléments de similitude existant entre plusieurs signes tiennent au fait qu’ils partagent un composant présentant un faible caractère distinctif intrinsèque, l’impact de tels éléments de similitude sur l’appréciation globale du risque de confusion est, lui-même, faible [voir, en ce sens, arrêts du 22 février 2018, International Gaming Projects/EUIPO – Zitro IP (TRIPLE TURBO), T‑210/17, non publié, EU:T:2018:91, point 73 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 79].

101    Dans ces conditions, le faible degré de similitude qui existe entre les signes en conflit sera peu susceptible de contribuer à l’existence d’un risque de confusion. En effet, lesdits signes coïncident sur un élément, en l’occurrence le groupe de lettres « lloumi », qui, dans la mesure où il sera perçu dans le signe constituant la marque demandée comme renvoyant au fromage halloumi, sera compris par le public pertinent comme une simple référence audit fromage et, donc, comme le type de produits désigné par la marque antérieure.

102    Deuxièmement, s’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, d’une part, celle-ci est dotée d’un degré de caractère distinctif intrinsèque faible. D’autre part, la requérante n’a pas démontré l’existence d’un caractère distinctif accru acquis par l’usage, dans la mesure où les éléments de preuve versés aux débats ne permettent pas de constater que le public pertinent, confronté à la marque antérieure, l’associera à autre chose qu’au fromage halloumi, eu égard au fait qu’elle renvoie au nom générique de ce type de fromage plutôt qu’à l’origine commerciale des produits qu’elle désigne, comme provenant de personnes autorisées par son titulaire à utiliser ladite marque ou, le cas échéant, d’entreprises économiquement liées audites personnes ou audit titulaire.

103    Dans ces conditions, le niveau de protection conféré par la marque antérieure, eu égard à son faible degré de caractère distinctif intrinsèque, ne peut, lui-même, qu’être faible.

104    Troisièmement, il y a lieu de prendre en considération le facteur tenant au fait que les « produits laitiers » désignés par la marque demandée sont identiques aux produits désignés par la marque antérieure et que ces derniers et une partie des produits désignés par la marque demandée, à savoir les « huiles et graisses comestibles » et les « viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande », sont similaires, à différents degrés.

105    À ce titre, il convient de rappeler que tous les produits en cause sont des produits de consommation courante, lors de l’achat desquels le public pertinent fera preuve d’un niveau d’attention moyen.

106    Or, il ne pourrait être conclu à l’existence d’un risque de confusion que si le public pertinent était susceptible d’être induit en erreur sur l’origine commerciale des produits désignés par la marque demandée.

107    En l’espèce, ce risque n’apparaît pas démontré, même pour le « lait et [les] produits laitiers » désignés par la marque demandée, qui présentent une similitude ou une identité avec les « [f]romages » désignés par la marque antérieure.

108    En effet, lorsque le public pertinent sera confronté à la marque demandée et à supposer qu’il porte également son attention sur le groupe de lettres « lloumi » contenu dans celle-ci, voire qu’il perçoive que ce groupe de lettres est susceptible de renvoyer au concept de fromage halloumi, il n’établira pas de lien entre cette marque et la marque antérieure, dès lors que, d’une part, il établira tout au plus un lien entre cette dernière et les produits qu’elle désigne, à savoir des « [f]romages », et, d’autre part, les marques en conflit ne présentent, globalement considérées, qu’un faible degré de similitude.

109    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de considérer que, en dépit des erreurs qu’elle a commises lors de la comparaison des produits et des services désignés par les marques en conflit, d’une part, et lors de la comparaison desdites marques, d’autre part, la chambre de recours a, en l’espèce, conclu à bon droit à l’absence de risque de confusion.

110    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009

111    Le second moyen se décompose en deux branches.

112    Par la première branche, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle l’existence d’un risque, futur et non hypothétique, de profit indu tiré du caractère distinctif de la marque antérieure ou d’atteinte à son caractère distinctif n’a pas été démontrée, ne serait-ce qu’à première vue. En effet, au point 20 de son mémoire devant la chambre de recours, la requérante se serait expressément référée à ses observations du 10 août 2017 devant la division d’opposition, dans lesquelles elle aurait exposé les chefs de préjudice dont elle entendait se prévaloir. La chambre de recours aurait donc négligé de prendre en considération ces observations. Or, si elle l’avait fait, elle aurait considéré comme fondées les prétentions de la requérante découlant de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

113    Par la seconde branche, la requérante soutient que la chambre de recours aurait également commis une erreur en considérant qu’il n’avait pas été démontré que la marque antérieure jouissait d’une renommée. Or, les éléments de preuve produits auraient été suffisants, d’une part, pour démontrer ce fait et, d’autre part, pour prouver que le public pertinent connaissait ladite marque en tant que marque collective enregistrée, alors qu’il n’aurait existé aucune obligation à cet égard pour la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. Il ne serait pas davantage requis, afin d’établir le caractère distinctif acquis ou la renommée d’une marque au sens de cette disposition, de prouver que le public pertinent savait que la marque en question est une marque enregistrée dans l’Union.

114    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

115    Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2 du même article, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, lorsqu’elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

116    La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Deuxièmement, la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Troisièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

117    En l’espèce, il convient, de commencer par l’examen de la deuxième condition, tenant à l’existence d’une renommée de la marque antérieure dans l’Union.

118    Aux points 46 et 51 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que, en l’absence de preuve suffisante du caractère distinctif accru et a fortiori de la renommée de la marque antérieure en référence à des normes de production que la requérante imposerait à ses membres, il ne pourrait y avoir de préjudice. En effet, les consommateurs qui achètent du fromage halloumi ne seraient pas en mesure de distinguer la qualité réglementée, puisque, en substance, ils percevraient tout au plus le terme « halloumi » comme désignant un type particulier de fromage produit à Chypre, et non comme renvoyant à une marque. En outre, le non-respect du règlement d’usage de la marque collective antérieure ne constituerait pas un motif d’opposition et ne dépendrait pas de la perception du consommateur cible.

119    Cette appréciation de la chambre de recours doit être approuvée. À cet égard, dans le cadre de l’examen d’un éventuel caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure, et ainsi que cela ressort des points 33 à 36 et 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé à un examen approfondi des éléments de preuve que la requérante avait produits afin de démontrer que la marque antérieure, du fait de l’ancienneté de son usage, aurait acquis un caractère distinctif accru, ce qui auraient pu contribuer à démontrer qu’elle jouissait d’un certain niveau de renommée auprès du public pertinent de l’Union.

120    Or, la chambre de recours a relevé que, parmi les nombreuses pièces qui avaient été produites devant la division d’opposition ainsi que parmi les preuves supplémentaires qui avaient été produites devant elle, très peu se rapportaient à HALLOUMI en tant que marque collective de l’Union européenne. Elle a constaté que tous les autres documents se rapportaient au fromage halloumi en tant que spécialité fromagère produite à Chypre et prouvaient simplement un usage du terme « halloumi » en rapport avec ledit fromage, sans qu’il fût possible d’en déduire que le public pertinent l’aurait perçu autrement que comme une description des caractéristiques d’un type particulier de fromage.

121    Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la condition tenant au fait que la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Union n’est pas remplie.

122    Or, dès lors qu’une des conditions nécessaires à la mise en œuvre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’est pas remplie, la protection élargie accordée à une marque antérieure en vertu de cette disposition ne peut pas être valablement invoquée.

123    Ainsi, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la première branche, relative à la condition tenant à l’existence d’un risque, futur et non hypothétique, de profit indu tiré du caractère distinctif de la marque antérieure ou d’atteinte à son caractère distinctif, il convient de rejeter le second moyen comme non fondé et, dès lors, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’EUIPO et l’intervenante, conformément aux conclusions de ces derniers.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.